N° 1907
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 novembre 1999.
PROPOSITION DE LOI
relative à la diminution des prélèvements opérés par l'Etat
sur les
cotisations d'impôts locaux.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

présentée
par M. Jean TIBERI,
Député.

Impôts locaux.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Le niveau des prélèvements obligatoires a atteint le taux record de 45,3% de la richesse nationale. Ce taux est beaucoup trop élevé dans notre pays et il importe de le faire baisser. Le Gouvernement a d'ailleurs lui-même admis que le niveau atteint était excessif. Ces prélèvements obligatoires qui étaient de 44,8% en 1996 sont passés à 44,9% en 1998 pour atteindre 45,3% en 1999. Cette évolution souligne s'il en était besoin que les prélèvements obligatoires augmentent depuis deux ans plus vite que la richesse nationale. Les mesures fiscales nouvelles décidées par le Gouvernement n'y sont pas étrangères.
Alors que la Ville de Paris, au contraire, a réduit ses taux d'impôts locaux de 1% pour 1999 et va poursuivre et amplifier cette baisse, trop de contribuables ont eu la mauvaise surprise de constater cette année une hausse de leurs impôts due à la revalorisation de la valeur locative par l'Etat. Cette revalorisation de valeur locative est occultée : la valeur locative est indiquée en chiffre brut sans préciser celui de l'année passée, donc sa variation. Surtout, les contribuables ne peuvent savoir que c'est le Gouvernement qui en propose la revalorisation lors du vote du budget par sa majorité parlementaire. Ce procédé fait supporter l'impopularité des hausses d'impôts locaux aux élus territoriaux alors qu'elles sont la conséquence des décisions de l'Etat. A ce camouflage s'ajoute une ponction au profit de l'Etat : les frais de gestion.
Ce prélèvement augmente également régulièrement. Ce sont de véritables impôts sur l'impôt, car ils sont justifiés dans la notice explicative adressée aux contribuables par l'établissement et le recouvrement des impôts directs locaux par l'Etat pour le compte des collectivités locales... Cette double cause de l'accroissement de la fiscalité par des décisions relevant de l'Etat (revalorisation des bases locatives et frais de gestion de la fiscalité locale) doit cesser.L'annonce gouvernementale tendant à faire baisser les impôts locaux peut trouver une première concrétisation.
Une première étape peut être franchie rapidement, témoignant de la réelle volonté gouvernementale. Elle consisterait à baisser la part prélevée par l'Etat sur ces contributions locales.
En effet, entre 4,21% et 8,26% des impositions locales sont perçus par l'Etat à son profit, à différents titres qui s'ajoutent et qui figurent à l'article 1641 du code général des impôts.
· En premier lieu, l'Etat perçoit, en contrepartie des frais d'assiette et de recouvrement, 4,4% du montant des impositions directes devant revenir aux collectivités locales et à leurs groupements (art. 1641-II du code général des impôts).Pour La Poste et France- Télécom, ce taux est réduit à 0,5% en application de l'arti cle 1635 sexies II-5° du code général des impôts.
Le taux de ce prélèvement était, jusqu'en 1990, de 4%.Il a été augmenté de 10% et porté ainsi à 4,4%, d'abord en 1991 et 1992 de façon dite " provisoire ", puis de façon définitive par l'article 8-I de la loi n° 95-1346 du 30 décembre 1995, loi de finances pour 1996.
Cette augmentation était censée compenser les frais entraînés par la révision cadastrale de 1990.
Or, les travaux d'évaluation liés à la révision de 1990 sont depuis longtemps achevés.La réforme de la fiscalité locale est renvoyée à après les élections municipales de 2001.Le Gouvernement se contente d'une actualisation des bases cadastrales. Plus rien ne justifie donc le maintien de ce pourcentage supplémentaire de 0,4%.
Sa suppression, pour revenir au taux antérieur de 4%, ferait baisser le montant acquitté de 0,38% pour la taxe d'habitation due pour les locaux meublés affectés à l'habitation principale, et de 0,37% pour les autres impositions locales.
· En deuxième lieu, l'Etat perçoit, en contrepartie des frais de dégrèvement et de non-valeurs, un pourcentage supplémentaire de 3,60% des impositions directes locales, en dehors de la taxe d'habitation due pour les locaux meublés affectés à l'habitation principale (art. 1641-I-1 et 2 du code général des impôts).Pour La Poste et France-Télécom, ce taux est réduit à 1,4% en application de l'article 1635 sexies II-5° du code général des impôts.
Le taux de 3,60% a été défini par la loi n° 80-10 du 10 janvier 1980.Jusque-là, le taux, fixé par l'article 25-1 de l'ordonnance n° 59-106 du 7 janvier 1959, était de 3,50%.Entre la loi n° 81-1160 du 31 décembre 1981, loi de finances pour 1982, et la loi n° 88-1149, loi de finances pour 1989, tous les locaux (et pas seulement ceux affectés à l'habitation principale) étaient exemptés de ce prélèvement au titre de la taxe d'habitation.
L'adéquation de ce prélèvement aux frais réellement supportés par l'Etat au titre des dégrèvements et des admissions en non-valeur qu'il prend à sa charge n'est pas établie.
Dans ces conditions, sa suppression permettrait de diminuer réellement, et de façon non négligeable, l'imposition supportée par nos concitoyens : la baisse serait de 3,33% pour les impositions locales concernées. Elle permettrait en outre un alignement du prélèvement pour tous les impôts locaux sur celui de la taxe d'habitation due pour les locaux meublés affectés à l'habitation principale.
En conjuguant ces deux mesures (suppression du taux supplémentaire de 0,4% sur l'ensemble des impositions locales et du taux perçu par l'Etat en contrepartie des frais de dégrèvement et de non-valeurs), la baisse constatée par les contribuables sur leur imposition locale atteindrait 0,38% pour la taxe d'habitation de l'habitation principale, et 3,70% pour les autres impositions locales.
· En troisième lieu, l'Etat perçoit également, en contrepartie du plafonnement, sous certaines conditions, de la taxe d'habitation à 3,4% du revenu net imposable, un prélèvement supplémentaire au titre de la taxe d'habitation sur les locaux dont la valeur locative nette (diminuée des abattements communaux) excède 30 000 F. Ce prélèvement a été mis en place par l'article 6-V de la loi n° 89-935 du 29 décembre 1989, loi de finances pour 1990. Son taux est de 0,2% de la valeur locative nette des résidences principales et autres locaux, de 1,2% de la valeur locative nette des résidences secondaires si elle est comprise entre 30 001 F et 50 000 F, et de 1,7% de cette même valeur locative nette des résidences secondaires si elle est supérieure à 50 000 F.
De la même manière et pour les mêmes raisons que précédemment, le maintien de ce prélèvement supplémentaire, qui concourt à alourdir la cotisation acquittée au titre de la taxe d'habitation, ne se justifie pas.
Par souci de cohérence, les mêmes mesures de réduction des prélèvements opérés par l'Etat devraient s'appliquer aussi aux autres contributions et taxes visées à l'article 1641-I du code général des impôts, à savoir la taxe pour frais de chambres d'agriculture, la taxe pour frais de chambres de commerce et d'industrie, la taxe pour frais de chambres de métiers et, sauf dispositions contraires, les contributions et taxes établies et recouvrées comme en matière de contributions directes au profit de toutes collectivités, fonds ou organismes divers.
Compte tenu de la nécessité d'équilibrer dépenses et recettes, il est proposé un relèvement du droit de consommation perçu sur les tabacs manufacturés, permettant une recette équivalente au coût des mesures envisagées.
Tel est l'objet de la présente proposition de loi qui tend à modifier l'article 1641 du code général des impôts en vue de diminuer les frais de dégrèvement et de non-valeurs perçus par l'Etat sur les contributions directes au profit notamment des collectivités locales.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le I de l'article 1641 du code général des impôts est supprimé.

Article 2

Le II de l'article 1641 du code général des impôts est ainsi rédigé :
" II.-Pour frais d'assiette et de recouvrement, l'Etat perçoit 4% du montant des taxes suivantes :
" - taxe foncière sur les propriétés bâties;
" - taxe foncière sur les propriétés non bâties;
" - taxe d'habitation;
" - taxe professionnelle;
" - taxe d'enlèvement des ordures ménagères;
" - taxe de balayage;
" - taxe pour frais de chambres d'agriculture;
" - taxe pour frais de chambres de commerce et d'industrie;
" - taxe pour frais de chambres de métiers;
" - sauf dispositions contraires, contributions et taxes établies et recouvrées comme en matière de contributions directes au profit de toutes collectivités, fonds ou organismes divers. "

Article 3

Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par un relèvement, à due concurrence, des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
N°1907. - PROPOSITION DE LOI de M. Jean TIBÉRI relative à la diminution des prélèvements opérés par l'État sur les cotisations d'impôts locaux (renvoyée à la commission des lois)


© Assemblée nationale