N° 2048
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 22 décembre 1999.
PROPOSITION DE LOI
tendant à généraliser la donation au dernier vivant.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée

par MM. Yves NICOLIN, René ANDRÉ, Gauthier AUDINOT, Léon BERTRAND, Claude BIRRAUX, Loïc BOUVARD, Mme Christine BOUTIN, MM.Antoine CARRÉ, Richard CAZENAVE, Jean-Marc CHAVANNE, Jean-François CHOSSY, Laurent DOMINATI, Bernard DEFLESSELLES, Arthur DEHAINE, Xavier DENIAU, Nicolas DUPONT-AIGNAN, Dominique DORD, Marc DUMOULIN, Renaud DUTREIL, Jean-Michel FERRAND, Nicolas FORISSIER, Yves FROMION, Germain GENGENWIN Jean-Claude GUIBAL, Gérard HAMEL, Christian JACOB, Henry JEAN-BAPTISTE, Didier JULIA, Édouard LANDRAIN, Pierre LASBORDES, Jacques LE NAY, Jean-Claude LENOIR, François LÉOTARD, Roger LESTAS, Alain MARLEIX, Christian MARTIN, Gilbert MEYER, Michel MEYLAN, Pierre MICAUX, Jacques PÉLISSARD, Henri PLAGNOL, Didier QUENTIN, Jean-Bernard RAIMOND, Jean-Luc REITZER, Jean ROATTA, André SANTINI, François SAUVADET, Anicet TURINAY, Léon VACHET, Gérard VOISIN, Michel VOISIN, Jean-Jacques WEBER et Pierre-andré WILTZER,

Députés.

Donations et successions.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Actuellement, la loi n'avantage pas le conjoint survivant.
En effet, il n'hérite en pleine propriété que si le défunt ne laisse ni descendants, ni ascendants dans les deux lignes, ni collatéraux privilégiés.
Et lorsque le défunt laisse des enfants, son conjoint survivant n'hérite que du quart de la succession en usufruit ; en concours avec des collatéraux privilégiés ou des descendants dans les deux lignes, le conjoint ne reçoit que la moitié de l'usufruit de la succession.
C'est pourquoi de nombreux couples adoptent un régime de communauté universelle ou recourent aux donations au dernier vivant en vue d'avantager le conjoint survivant.
Afin d'améliorer les droits successoraux du conjoint, il convient d'élever la place du conjoint survivant dans l'ordre des successibles. Le conjoint serait appelé à succéder immédiatement après les descendants et hériterait ainsi en pleine propriété, dès lors que le prédécédé ne laisse pas de descendant.
Il convient également de transformer en dévolution successorale ab intestat la faculté ouverte aujourd'hui par les articles 1094-1 et suivants du code civil (donation au dernier vivant). En inversant le principe qui passerait ainsi de la manifestation de volonté à l'automaticité, le conjoint survivant pourrait choisir entre trois options : attribution de la quotité disponible en pleine propriété, un quart en pleine propriété et trois quarts en usufruit, totalité des biens en usufruit.
Néanmoins, au cas où le choix du conjoint survivant porterait un préjudice grave aux enfants, ces derniers pourraient saisir le juge.
C'est pourquoi il vous est demandé d'adopter la proposition de loi dont la teneur suit.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

L'article 731 du code civil est ainsi rédigé :
" Art. 731. - Les successions sont déférées aux enfants et descendants du défunt, à son conjoint, à ses ascendants et à ses parent collatéraux, dans l'ordre et suivant les règles ci-après déterminées. "

Article 2

Le premier alinéa de l'article 746 du code civil est ainsi rédigé :
" Si le défunt n'a laissé ni postérité, ni conjoint, ni frère, ni s_ur, ni descendant d'eux, la succession se divise par moitié entre les ascendants de la ligne paternelle et les ascendants de la ligne maternelle. "

Article 3

Dans le premier alinéa de l'article 748 du code civil, après les mots : " sans postérité ", sont insérés les mots : " ni conjoint ".

Article 4

Dans l'article 749 du code civil, après les mots : " sans postérité ", sont insérés les mots : " ni conjoint ".

Article 5

Dans le premier alinéa de l'article 750 du code civil, après les mots : " sans postérité ", sont insérés les mots : " ni conjoint ".

Article 6

Dans l'article 751 du code civil, après les mots : " sans postérité ", sont insérés les mots : " ni conjoint ".

Article 7

L'article 766 du code civil est ainsi rédigé :
" Art. 766. - Lorsque le défunt ne laisse pas d'enfants ou de descendants de ceux-ci, les biens de sa succession appartiennent en pleine propriété au conjoint non divorcé qui lui survit et contre lequel n'existe pas de jugement de séparation de corps passé en force de chose jugée. "

Article 8

L'article 767 du code civil est ainsi rédigé :
" Art. 767. - Lorsque le défunt laisse des enfants ou des descendants de ceux-ci, le conjoint non divorcé qui lui survit et contre lequel n'existe pas de jugement de séparation de corps passé en force de chose jugée recueille, à son choix :
" - soit la propriété de ce dont le défunt pouvait disposer en faveur d'un étranger ;
" - soit un quart des biens existants au décès en propriété et les trois autres quarts en usufruit ;
" - soit la totalité de ces biens en usufruit seulement.
" Sont compris dans les biens existants les biens légués à charge de rapport et la fraction réductible des legs préciputaires.
" Lorsque des sommes d'argent sont comprises dans les biens existants, elles sont réparties entre l'usufruitier et le nu-propriétaire à proportion de la valeur respective de leurs droits, compte tenu de l'âge de l'usufruitier ou de toute autre circonstance personnelle et sauf convention contraire entre les héritiers. "

Article 9

Après l'article 767 du code civil, il est inséré un article 767-1 ainsi rédigé :
" Art. 767-1. - Jusqu'au partage définitif, les enfants ou descendants du défunt peuvent demander, moyennant sûretés suffisantes et garantie du maintien de l'équivalence initiale, que l'usufruit soit converti en rente viagère.
" En cas de désaccord du conjoint survivant, la conversion est facultative pour le juge qui fixe le montant de la rente, les sûretés que devront fournir les cohéritiers débiteurs, ainsi que le type d'indexation propre à maintenir l'équivalence initiale de la rente à l'usufruit. "

Article 10

Après l'article 767 du code civil, il est inséré un article 767-2 ainsi rédigé :
" Art. 767-2. - De même, les enfants du défunt qui ne sont pas également des enfants du conjoint survivant peuvent demander que la part qui leur revient dans la succession soit libérée de l'usufruit prévu à l'article 767 par le paiement d'une somme d'argent équivalente.
" En cas de désaccord du conjoint survivant, la conversion est facultative pour le juge qui fixe le montant du prix, lequel est payable comptant. "

Article 11

Après l'article 767 du code civil, il est inséré un article 767-3 ainsi rédigé :
" Art. 767-3. - Il ne peut être procédé à la conversion en rente ou au paiement de la somme représentative de la valeur de l'usufruit qu'avec l'accord du conjoint survivant pour la partie de l'usufruit qui porte sur l'immeuble où celui-ci avait sa résidence principale à l'époque du décès et sur le mobilier dont le logement était pourvu. "

Article 12

Dans le premier alinéa de l'article 759 du code civil, les mots : " des articles 765 et 766 " sont remplacés par les mots : " de l'article 766 ".

Article 13

Après l'article 914 du code civil, il est inséré un article 914-1 ainsi rédigé :
" Art. 914-1. - Les héritiers réservataires recueillent leur part de réserve en pleine propriété en l'absence de conjoint.
" En présence d'un conjoint, ils ne reçoivent que la nue-propriété des biens existants si le conjoint choisit d'en recueillir l'usufruit, sauf, toutefois, la faculté reconnue aux enfants par les articles 767-1 et 767-2. "

Article 14

Les articles 765, 1094, 1094-1, 1094-2, 1094-3, 1097, 1097-1, 1098 et 1099 du code civil sont supprimés.

Article 15

Le second alinéa de l'article 1527 du code civil est ainsi rédigé :
" Néanmoins, dans le cas où il y aurait des enfants d'un précédent mariage ou d'une précédente union, toute convention qui aurait pour conséquence de donner à l'un des époux au-delà de la portion fixée par l'article 767 sera sans effet pour tout l'excédent ; mais les simples bénéfices résultant des travaux communs et des économies faites sur les revenus respectifs, quoique inégaux, des deux époux, ne sont pas considérés comme un avantage fait au préjudice des enfants d'un précédent lit. "

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N° 2048.- Proposition de loi de M. Yves Nicoli tendant à généraliser la donation au dernier vivant (renvoyée à la commission des lois).


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