N° 2096
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 janvier 2000.
PROPOSITION DE LOI
visant à garantir le respect du principe
de laïcité au sein de l'école publique.

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée
par MM. Georges SARRE, Jacques DESALLANGRE,
Jean-Pierre MICHEL, Pierre CARASSUS et Michel SUCHOD,
Députés.

Enseignement.

EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Deux jeunes Françaises, récemment converties à l'islam, viennent d'être à l'origine d'une nouvelle affaire de " foulard " islamique au collège Léo-Larguier de la Grand-Combe, dans le Gard.
Depuis une dizaine d'années, en effet, ce type de manifestations religieuses de nature prosélyte ont réactualisé la question, récurrente dans notre histoire, des relations entre l'école, les familles et les communautés religieuses.
Outre que ces manifestations religieuses vont à l'encontre du principe de laïcité de l'école publique, elles portent également atteinte au principe à valeur constitutionnelle de l'égalité entre hommes et femmes.
L'article 2 de la Constitution de 1958 énonce, en effet, clairement que la France est une République laïque. Ce principe est conforme à l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 selon lequel " nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas la loi ". La déclaration des Droits de l'homme et du citoyen limite toutefois, dans son article IV, l'exercice du droit naturel de chaque homme au respect de la jouissance de ces mêmes droits par l'ensemble des membres du corps social. Le texte de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme n'exprime pas autre chose dans son article 9 : " la liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, [...] à la protection des droits et des libertés d'autrui ".
Le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 affirme que " la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme ". La France est en outre signataire, depuis 1984, de la Convention internationale des droits de la femme qui dispose, dans son article V, que les Etats signataires s'engagent à : " modifier les schémas et modèles de comportements socioculturels de l'homme et de la femme en vue de parvenir à l'élimination des préjugés et des pratiques coutumières ou de tout autre type, qui sont fondés sur l'idée de l'infériorité ou de la supériorité de l'un ou de l'autre sexe ou d'un rôle stéréotypé des hommes et des femmes ".
La mise en _uvre de la laïcité fondée sur un riche corpus de textes juridiques prend une tournure toute particulière dans le contexte de l'école. En effet, l'exercice de la liberté d'expression y est contraint par la mise en _uvre d'un droit à l'instruction protecteur pour les élèves.
La laïcité, appliquée à l'école, transcrit un idéal de liberté. Elle garantit la liberté de conscience en dehors des dogmes officiels et des religions. L'élève peut vivre, penser, juger et décider en écoutant sa propre conscience. Le savoir transmis à l'école libère de l'ignorance et donne à l'individu les facultés intellectuelles et morales de son émancipation. Dire cela, c'est penser que la maîtrise des connaissances rend possible l'exercice de la raison et de la volonté qui caractérise le citoyen libre et responsable.
Face aux pressions familiales, Victor Hugo écrivait, dans son discours sur la loi Falloux, que le " droit du père " a pour limite intangible celui de l'enfant à une instruction libératrice. Face aux particularismes religieux qui entraîneraient l'absentéisme spécifique des élèves dont les croyances religieuses s'opposeraient aux contenus de certains cours ou au calendrier scolaire commun, la jurisprudence administrative confirme qu'aucune communauté religieuse ne peut se soustraire aux obligations scolaires essentielles. La liberté d'expression religieuse ne peut altérer le fonctionnement de l'école.
Il apparaît indispensable de réaffirmer aujourd'hui la laïcité comme fondement de l'école pour que celle-ci ne soit pas le lieu de la résolution de conflits relevant de la sphère privée et qu'elle poursuive son _uvre de transmission des savoirs.
La présente proposition de loi complète un article unique de la loi du 10 juillet 1989. Cet article stipule que l'enseignement dans les écoles, collèges et lycées doit respecter la liberté de conscience, mais que l'exercice de cette liberté doit être compatible avec la laïcité et l'impartialité de l'école qui interdisent toute manifestation d'appartenance politique ou religieuse dans l'enceinte des établissements scolaires. Cet alinéa, dans sa rédaction, comme dans son intention, ferme la porte à toute forme de transaction qui pourrait mettre en péril l'institution scolaire, pilier de la République française.
C'est la raison pour laquelle, Mesdames, Messieurs les Députés, je vous demande de bien vouloir adopter la proposition de loi suivante.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Après le 4e alinéa de l'article 1er de la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 d'orientation sur l'éducation sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
" L'enseignement est dispensé dans les écoles, collèges et lycées dans le respect de la liberté de conscience. "
" Le respect de l'impartialité de l'école et de la laïcité de l'Etat interdit toute manifestation d'appartenance politique ou religieuse dans l'enceinte des établissements scolaires. "


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