N° 2184
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 février 2000.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d'une commission d'enquête relative à la prévention et à la lutte contre le trafic des stupéfiants dans les départements d'outre-mer.
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée
par M. Alfred MARIE-JEANNE,
Député.

Drogue.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
D'après les données générales détenues dans le cadre des statistiques de criminalité, classées par catégories d'infractions en 1998, les infractions à la législation sur les stupéfiants ont augmenté entre 1997 et 1998 de 6,78 %. Le trafic et la revente sans usage s'étaient accrus de 43,47 %, c'est dire que le commerce est juteux pour ceux qui in citent les autres à la consommation.
La Guyane, la Guadeloupe et la Martinique sont des régions " placées au plus près des zones de production de drogue ". De par leur situation géographique, elles sont idéalement situées " pour accueillir les pratiques criminelles des trafiquants et des blanchisseurs d'argent sale " (dossier : la Police judiciaire Interpol, Schengen, Europol in CIVIQUE, le Magazine du ministère de l'intérieur, n° 91, octobre 1999, p. 37). 80 % du trafic de la cocaïne consommée aux Etats-Unis transitent par les Antilles. C'est dire que ces territoires constituent une plaque tournante d'un trafic international dans les Amériques.
Tremplins, ces régions sont également des lieux de consommation de cannabis, de crack (dérivé de la cocaïne) et de la cocaïne elle-même. D'après des informations datant de la première moitié des années quatre-vingt-dix, les interpellations pour usage ou usage-revente de produits illicites ont augmenté de façon exponentielle. Elles sont liées à un accroissement des infractions. Entre 1993 et 1996 en Guyane, les infractions à la législation des stupéfiants ont été en hausse de 25 % environ (Tableaux économiques régionaux de Guyane : 1997, INSEE, p. 87). Entre 1992 et 1996 en Martinique, les interpellations ont été multipliées par cinq concernant le cannabis, par quatre concernant le crack et la cocaïne (Observatoire de la santé de la Martinique : épidémiologie de la toxicomanie en Martinique). En 1994, le crack avait largement supplanté la cocaïne (61,8 % contre 35,8 %) dans l'île.
La multiplication des interpellations au milieu des années quatre-vingt-dix n'a pas permis de résoudre le problème de la drogue dans l'île.Leur nombre s'est cantonné à 55 % de moyenne générale pour l'année 1994. Par ailleurs, d'après des indicateurs provisoires comparatifs du trafic pour les neufs premiers mois de l'année 1998 et pour les neuf premiers mois de l'année 1999, une augmentation de 24 % serait constatée. C'est dire que manifestement le mal n'est pas traité à la racine et que la demande reste forte.
Pour la satisfaire, les trafiquants et revendeurs se tournent vers les populations les plus sensibles à la consommation des drogues. Elles sont de diverses catégories sociales. Il s'agit des exclus, prenant souvent des risques pour avoir un pécule nécessaire à leur consommation.
Il s'agit aussi des enfants en milieu scolaire. En Martinique, 26 % des propositions de drogues illicites sont formulées dans les écoles ou à leurs alentours. 40 % des propositions faites aux enfants sont formulées pendant les vacances (plage, zouk...).
Enfin, il existe une consommation mondaine indéniable que l'on cherche à dissimuler et par conséquent difficile à quantifier.
Les répercussions de la toxicomanie sur la société sont les suivantes : vols incessants, grilles aux fenêtres et aux portes, agressions qui se multiplient (vols de sacs, bris de voitures pour vols d'auto radio).
Les citoyens s'inquiètent donc de l'insécurité grandissante qui s'installe de jour en jour. Beaucoup d'entre eux sont très critiques face au " dilettantisme " des autorités responsables concernant certaines affaires. Bravant les menaces, y compris de mort de la part des gros trafiquants, quelques-uns n'hésitent pas à signaler à leurs parlementaires l'absence de répercussion de leurs plaintes. Le fonctionnement des services de l'Etat et l'articulation de leurs relations sont ainsi pointés du doigt.
Les autorités municipales, quant à elles, face à la montée de la violence et aux possibilités de développement du trafic et de la consommation des substances illicites, sont de plus en plus peu enclines à autoriser sur le territoire de leurs communes des manifestations culturelles d'importance (carnaval, prestations musicales diverses...).
Il importe alors de lancer un signal fort pour remédier à ce sentiment d'insécurité généralisé, d'où la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête parlementaire relative à la prévention et à la lutte contre le trafic des stupéfiants dans les départements d'outre-mer.
Cette enquête parlementaire devra également déterminer les conditions dans lesquelles les services publics de police et de la justice réalisent leur travail. Il est reproché à la fois l'absence et la mauvaise répartition des moyens fonctionnels de prévention et de lutte contre l'emploi et le trafic de stupéfiants.
Pour ces raisons, il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, d'adopter la proposition de résolution dont la teneur suit.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique

En application des articles 140 et suivants du Règlement de l'Assemblée nationale, il est créé une commission parlementaire chargée d'enquêter sur la situation et l'état de la lutte contre le trafic des stupéfiants et sur le blanchiment de l'argent sale en Guyane, en Guadeloupe et en Martinique.
Elle proposera des réponses tant administratives que législatives visant à définir et à redéployer à cet effet les moyens fonctionnels de prévention et de lutte.
Des suggestions relatives aux modalités de coopération avec les pays environnants doivent aller dans le même sens, étant donné l'internationalisation de ce genre de trafic.


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