N° 2215
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er mars 2000.
PROPOSITION DE LOI
tendant à préserver les intérêts patrimoniaux des personnes
handicapées
bénéficiaires de prestations d'aide sociale.
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée

par M. Bernard PERRUT, Mme Sylvia BASSOT, M. Jean-Louis BERNARD, Mme Marie-Thérèse BOISSEAU, MM. Loïc BOUVARD, Jean-François CHOSSY, Georges COLOMBIER, Bernard DEFLESSELLES, Francis DELATTRE, Léonce DEPREZ, Franck DHERSIN, Laurent DOMINATI, Bernard DONNEDIEU de VABRES, Dominique DORD, Nicolas FORISSIER, Jean-Pierre FOUCHER, Claude GAILLARD, Gilbert GANTIER, Claude GATIGNOL, Germain GENGENWIN, Claude GOASGUEN, François GOULARD, Hubert GRIMAULT, Pierre HELLIER, Michel HERBILLON, Pierre HÉRIAUD, Jacques LE NAY, Maurice LEROY, Maurice LIGOT, Christian MARTIN, Jean-François MATTEI, Pierre MICAUX, Alain MOYNE-BRESSAND, Yves NICOLIN, Arthur PAECHT, Paul PATRIARCHE, Jean-Luc PRÉEL, Jean RIGAUD, Gérard VOISIN, Michel VOISIN, Jean-Jacques WEBER et Pierre-André WILTZER,

Députés.

Handicapés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
En l'espace de quelques décennies, grâce aux progrès de la médecine, l'espérance de vie des personnes handicapées a connu un accroissement considérable.
L'une des questions les plus angoissantes que se posent aujourd'hui de très nombreux parents de personnes handicapées concerne les conditions de vie de leur enfant après leur décès. De quel soutien affectif et financier va-t-il pouvoir bénéficier lorsqu'ils ne pourront plus lui assurer la protection dont il a tant besoin en raison de sa vulnérabilité ? Ce problème est d'autant plus sérieux que la législation actuelle ne permet pas aux intéressés d'envisager sereinement cette échéance.
Les dispositions de l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale prévoient en effet la récupération des prestations d'aides sociales - parmi lesquelles certaines prestations versées aux personnes handicapées, l'allocation compensatrice pour tierce personne, les frais d'hébergement en établissements spécialisés - sur le bénéficiaire revenu à meilleure fortune. Dès lors que la situation patrimoniale de l'allocataire vient à s'améliorer par suite d'une donation ou d'un héritage, les collectivités, selon des règles différentes, sont fondées à récupérer sur le patrimoine de l'intéressé les prestations qu'elles ont versées.
Il est important de relever que cette procédure peut entraîner des effets paradoxaux. Elle peut conduire tout d'abord à maintenir l'intéressé dans une situation de dépendance financière à l'égard des collectivités gestionnaires de l'aide sociale.
Elle peut aussi, en le privant par exemple de la jouissance d'un capital immobilier, aggraver sa situation de dépendance sociale et rendre inévitable son placement en établissement, ce qui est particulièrement coûteux pour la collectivité.
Elle revient surtout à sanctionner, ce qui est vraiment regrettable, toute manifestation de la générosité ou de la solidarité familiale à l'égard d'un proche atteint d'un handicap.
Sans doute, la plupart des collectivités locales font-elles preuve dans l'application de ces dispositions de prudence et de discernement, et nombre de règlements départementaux d'aide sociale comportent des aménagements qui évitent une trop grande rigueur.
La Commission nationale consultative des droits de l'homme a observé dans son avis formulé le 14 mai 1998 que « le handicap peut générer des comportements discriminatoires ayant pour traduction concrète une rupture d'égalité entre les citoyens, notamment au regard de la situation patrimoniale ». Elle a également rappelé le constat effectué par la Cour des comptes qui a dénoncé le fait que « les usagers ne sont pas dans une situation d'égalité au regard de leurs droits en matière d'aide sociale », les personnes handicapées subissant selon leur domicile, une différence de traitement de nature discriminatoire.
Elle a notamment recommandé la redéfinition des critères objectifs du « retour à meilleure fortune », qui permet au conseil général d'intervenir d'une manière trop largement discrétionnaire dans le patrimoine de la personne handicapée, d'assurer aux personnes handicapées l'égalité et la qualité de citoyens à part entière devant la loi, et de « réaffirmer avec force et détermination les principes généraux du droit minorés ou ignorés dans ce domaine ».
Par ailleurs, des déclarations ministérielles récentes permettent de considérer que les effets pervers de la législation actuelle ne sont pas ignorés des responsables de la politique sociale. Il est cependant regrettable que ces déclarations n'aient été suivies d'aucune initiative concrète.
Aussi, vous est-il proposé d'apporter une modification de l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale en instituant un seuil pour la récupération des prestations destinées aux personnes handicapées en cas de retour de l'allocataire à meilleure fortune.
Ce seuil serait identique à celui prévu par le même article 146 pour la récupération sur la succession du bénéficiaire des prestations d'aide sociale à domicile et de la prestation spécifique dépendance.
Certaines personnes handicapées connaissent souvent, tout au long de leur vie, des difficultés majeures en raison de l'amoindrissement de leur facultés physiques et/ou mentales. Leurs parents vivent également et, même parfois douloureusement, pendant toute leur vie, les problèmes liés à leur handicap. Certains se privent matériellement afin de transmettre un patrimoine à leur enfant handicapé.
Il semble équitable que ce patrimoine, bien nécessaire à la personne handicapée qui en hérite, puisse bénéficier, au moins, des mêmes protections que celles accordées aux biens transmis par succession aux héritiers d'un allocataire de l'aide social.
Tels sont les motifs pour lesquels il vous est demandé d'adopter la proposition de loi suivante.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

Le deuxième alinéa (a) de l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les recours contre les bénéficiaires de revenus à meilleure fortune ne peuvent s'exercer pour la récupération des prestations versées, en application du chapitre VI du présent titre ou de l'article 39 de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées, que sur la fraction de l'accroissement de patrimoine excédant le seuil prévu au sixième alinéa du présent article. »

Article 2

Les pertes de recettes qui découleraient, pour les départements concernés, de l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement.
Les charges et pertes de recettes pour l'État sont compensées à due concurrence par une augmentation des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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