N° 2233
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 mars 2000.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d'une commission d'enquête sur la mise en cause des intérêts français par le réseau d'interception des communications dit " système Echelon ", ainsi que les moyens déployés pour préserver la confidentialité des télécommunications.

(Renvoyée à la commission de la défense et des forces armées, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée
par M. Yves NICOLIN,
Député.

Télécommunications.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
En 1948, un vaste système d'interception des transmissions hertziennes dit "système Echelon", a été mis en place par les Etats-Unis avec le concours de la Grande-Bretagne, du Canada, de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie, dans le but initial de recueillir des informations sur la situation militaire de leurs adversaires.
Or, pour la première fois, il a été confirmé officiellement l'existence d'un détournement de ce système à des fins d'espionnage, en particulier des pays de l'Union européenne, mené par la National Security Agency (NSA), agence chargée du codage et de la sécurité informatique de l'ensemble des organes fédéraux américains et de l'interception, au profit du département de la défense et d'autres services américains, de tout type de message.
L'existence de ce programme d'espionnage a été en effet attestée par une série de documents " top secret " américains récemment déclassifiés en vertu de la loi américaine sur la liberté de l'information. Ainsi, cet espionnage toucherait aussi bien la défense, l'industrie, la recherche ou le commerce, au détriment par exemple en France de Thomson et Airbus.
Selon ces révélations, le système permet l'interception de toute communication hertzienne dans le monde : téléphone longue distance ou mobile, fax, e-mail, télex, à raison de deux millions d'écoutes par minute. Un doute subsiste sur la question de savoir si les conversations locales, par câble, seraient épargnées ou si la NSA y a également accès, grâce à la complicité de grands opérateurs de téléphonie.
"Echelon" compterait ainsi une dizaine de stations d'écoute du programme, telles que Menwith Hill en Grande-Bretagne, membre de l'Union européenne, Bad Aibling en Allemagne sous contrôle américain, ou Sugar Grove situé en Virginie, sachant que le nombre d'antennes et la taille des stations d'écoute du programme augmente régulièrement depuis que la guerre économique a succédé à la guerre froide après l'effondrement du bloc soviétique.
Les institutions communautaires qui ont engagé une procédure d'enquête se sont malheureusement heurtées à un secret absolu sur le sujet.Après un premier rapport du Parlement européen rendu en 1998 sur "Echelon", un second rendu public le 22 février 2000 conclut à un espionnage économique de grande ampleur de l'Union européenne par les Etats-Unis.
De même, un rapport réalisé en 1999 pour la Délégation aux affaires stratégiques (DAS) du ministère français de la Défense intitulé " Sécurité des systèmes d'information, dépendances et vulnérabilités " soupçonne l'existence de liens entre la firme américaine Microsoft, dont le système d'exploitation Windows équipe neuf ordinateurs PC sur dix fabriqués dans le monde, et les services de renseignements américains. Ce document révèle l'existence de programmes espions et de formules mathématiques permettant de décrypter un message intercepté dans les produits vendus par Microsoft.
A l'occasion d'interpellations écrites ou orales qui lui ont été adressées, le Gouvernement français s'est contenté d'indiquer que "seules la prudence et la discrétion des utilisateurs de moyens de transmissions constituent une parade.Le contenu des communications ne doit jamais comporter d'informations vitales surtout lorsque la liaison est relayée par un satellite de rediffusion".
Une telle inertie des pouvoirs publics est inacceptable au regard des intérêts vitaux de la France, mis en cause par ce système "Echelon", alors même que nous disposons d'une institution, la Commission nationale informatique et libertés (CNIL), destinée précisément à appréhender ces questions.
Cette guerre de l'information révèle donc l'existence d'un retard réel de notre pays au plan des moyens techniques de codage destinés à protéger la confidentialité de ces télécommunications.
C'est pourquoi il appartient au Parlement de mener une investigation approfondie sur la nature des informations qui ont pu être obtenues en application du programme "Echelon" ayant une relation quelconque avec la défense militaire, la recherche scientifique, l'industrie ou le commerce de la France et plus généralement avec nos intérêts fondamentaux.
Par ailleurs, la lumière doit être faite sur la connaissance effective que les pouvoirs publics ont pu avoir de ce programme d'espionnage ainsi que les moyens le cas échéant mis en _uvre pour assurer la confidentialité des télécommunications.
Telles sont les raisons pour lesquelles il vous est proposé, Mesdames et Messieurs, d'adopter la présente proposition de résolution.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique

Il est créé, en application des articles 140 et suivants du Règlement, une commission d'enquête parlementaire composée de trente membres, sur les informations en relation avec des intérêts français, obtenues dans le cadre du réseau d'interception des transmissions hertziennes dit " système Echelon ", ainsi que les moyens publics mis en _uvre pour préserver la confidentialité des télécommunications.
2233 - Proposition de résolution de M. Yves Nicolin tendant à la création d'une commission d'enquête sur le réseau d'interception des communications dit "système Echelon" (commission de la défense)


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