N° 2251
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 15 mars 2000.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
portant reconnaissance du principe de sécurité juridique dans la Constitution.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée
par MM. Charles MILLON et Michel MEYLAN,
Députés.

Lois.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
La confiance dans les lois et le respect de la parole de l'Etat sont essentiels au bon fonctionnement de la démocratie. De même que l'économie a besoin de règles stables pour se développer, de même chaque citoyen doit pouvoir connaître ses droits et obligations.
La sécurité juridique qui suppose le caractère prévisible, lisible et accessible des lois et réglementations, n'est pas garantie en droit français. En vertu de l'intangibilité des effets individuels des actes créateurs de droit, et de la non-rétroactivité des actes administratifs, les droits acquis sont intangibles pour le passé. En revanche, ni le législateur ni l'administration ne sont liés pour l'avenir par les normes qu'ils édictent.
Méconnaissant le principe selon lequel " Nul n'est censé ignorer la loi ", le recours fréquent à des dispositions rétroactives et les nombreux revirements de jurisprudence ont fait naître un sentiment d'insécurité juridique chez nos concitoyens, particulièrement dans le domaine de la fiscalité.
Il convient donc de faire évoluer le droit pour favoriser des relations plus transparentes et plus confiantes entre le citoyen et l'Etat, à l'exemple des pays européens où s'applique le principe de sécurité publique.
Ce principe, consacré par la Cour de justice des communautés européennes (C.J.C.E.), exige que toute situation de fait soit normalement, et sauf indication contraire, appréciée à la lumière des règles de droit qui lui sont contemporaines. La réglementation doit être claire et précise pour que l'administré puisse connaître sans ambiguïté ses droits et obligations et prendre ses dispositions en conséquence.
La sécurité juridique a pour corollaire la non-rétroactivité des actes communautaires et la confiance légitime des citoyens dans la stabilité de la situation créée par un acte juridique.
La C.J.C.E., mais aussi le Conseil constitutionnel, ont posé l'obligation pour les Etats membres et leurs juridictions de respecter les principes généraux du droit communautaire. A ce titre, le principe de sécurité juridique est de plus en plus souvent invoqué par les requérants devant les juridictions françaises. Mais, à de rares exceptions, le juge hésite à se référer à ce principe pour dire le droit, bien qu'il s'impose à notre pays.
Reconnaître au principe de sécurité juridique une valeur constitutionnelle permettrait de clarifier cette situation et de garantir une meilleure protection pour le citoyen.
Tel est l'objet de la présente proposition de loi constitutionnelle que nous vous demandons de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
Article unique

Avant le premier alinéa de l'article 34 de la Constitution, ajouter deux alinéas ainsi rédigés :
" - La loi doit être certaine et son application prévisible par les citoyens.
" - La loi ne dispose que pour l'avenir. Elle ne peut avoir d'effet rétroactif que lorsque, à titre exceptionnel, le but à atteindre l'exige, et lorsque la confiance légitime des citoyens est dûment respectée. "
2251 - Projet de loi constitutionnelle de MM. Charles MILLION et Michel MEYLAN portant reconnaissance du principe de sécurité juridique dans la Constitution (commission des lois)


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