N° 2329
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 avril 2000.
PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
relative à l'élection de l'Assemblée de la Polynésie française.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

présentée
par M. Emile VERNAUDON,
Député.

Outre-mer.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
La loi n° 85-1337 du 18 décembre 1985 fixe le régime électoral applicable aux élections des conseillers à l'Assemblée de la Polynésie française qui est composée de cinq circonscriptions :
· Iles du Vent : 22 ;
· Iles Sous-le-Vent : 8 ;
· Iles Tuamotu : 5 ;
· Iles Marquises : 3 ;
· Iles Australe: 3.
La disproportion entre certaines circonscriptions est flagrante : par exemple, les îles du Vent disposent de 22 conseillers sur 41, soit 54 % des élus, alors que la population dans cet archipel s'élève à un total de 162 686 habitants sur 219 521, soit un taux de 74 %.
Cette situation n'est plus conforme depuis longtemps à la réalité et nécessite une nouvelle redistribution des sièges à l'Assemblée de la Polynésie française selon le principe " un homme = une voix " et donc " un élu = un même nombre d'électeurs ".
En effet, le quotient électoral d'un élu des Iles du Vent est de 4 139 alors que celui des Iles Sous-le-Vent est de 2 163 et celui des Iles Australes de 1 428.

Archipels Population Inscrits Sièges Quotient
(96) électoral

Iles du Vent 162 686 91 055 22 4 139
Iles Sous-le-Vent  26 838 17 306  8 2 163
Iles Marquises   8 064  4 743  3 1 581
Iles Australes   6 563  4 283  3 1 428
Iles Tuamotu-Gambier  15 370  8 265  5 1 653
Total 219 521 125 652 41
Cette situation n'est plus acceptable pour des raisons d'une part morales, car il n'est pas normal que certains conseillers territoriaux soient élus par trois fois plus d'électeurs que d'autres, et d'autre part juridiques car elle n'est pas conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui, dans sa décision relative à loi du 11 juillet 1986 rétablissant pour l'élection des députés le scrutin majoritaire uninominal à deux tours, a assorti la loi de " strictes réserves d'interprétation " : pour lui, l'écart autorisé de 20 % par rapport à la population moyenne des circonscriptions était réservé à des " cas exceptionnels et dûment justifiés " et le découpage ne devait " procéder d'aucun arbitraire ".
Le Conseil constitutionnel admet néanmoins une exception : lorsque les circonstances le justifient, en particulier l'éloignement, il est possible de garantir une représentation minimale à certaines circonscriptions.
Il résulte de cette brève analyse qu'en matière de découpage des circonscriptions, le critère démographique, s'il est le plus important (ainsi que l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 85-196 du 8 août 1985), doit être relativisé en fonction des données géographiques et humaines des circonscriptions qui doivent se voir garantir un seuil minimal de représentation.
Dans le cas de la Polynésie, qui comporte plus d'une centaine d'îles dispersées sur une superficie maritime plus grande que l'Europe, les écarts de représentation sont tels qu'ils doivent être réduits et ramenés à un écart nul.
La présente proposition de loi rend donc d'une manière parfaitement équitable la représentation démographique de l'ensemble des cinq archipels qui compose la Polynésie au sein de l'Assemblée.
La Polynésie française formerait une circonscription unique dont l'Assemblée de Polynésie continuerait à comporter quarante et un membres. L'Assemblée de Polynésie serait élue au scrutin proportionnel à un seul tour, les sièges étant répartis entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés.
Tel est l'objet de la nouvelle rédaction qui est proposée de l'article 2 de la loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952 relative à la composition et à la formation de l'Assemblée territoriale de la Polynésie française.
Enfin, la proposition de loi actualise les dispositions relatives aux règles de remplacement éventuel des membres de l'Assemblée de Polynésie.
La démocratie représentative en Polynésie française nécessite l'adoption rapide d'une telle réforme.
Tels sont, Mesdames, Messieurs, les motifs de la proposition de loi organique qui vous est soumise.

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
Article unique

Les articles 1er à 3 de la loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952 relative à la composition et à la formation de l'Assemblée territoriale de la Polynésie française sont remplacés par les dispositions suivantes :

" Article 1er

" L'Assemblée de la Polynésie française est élue au suffrage universel direct.
" Elle est composée de quarante et un membres élus pour cinq ans et rééligibles.
" L'Assemblée se renouvelle intégralement. Sauf le cas de dissolution, le mandat de ses membres prend fin à la date de la première réunion de l'assemblée qui suit son renouvellement intégral.

" Article 2

" La Polynésie française forme une circonscription électorale unique.
" Les membres de l'Assemblée de la Polynésie française sont élus au scrutin de liste à un tour, à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel.
" Les sièges sont attribués aux candidats d'après l'ordre de présentation sur chaque liste.
" Les listes qui n'ont pas obtenu un nombre de voix au moins égal à 5 % des suffrages exprimés ne sont pas admises à répartition des sièges.
" Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité de suffrages, le siège est attribué au plus jeune des candidats susceptibles d'être proclamés élus.

" Article 3

" En cas d'annulation globale des opérations électorales ou de démission de l'ensemble des membres de l'Assemblée de la Polynésie française, les élections doivent avoir lieu dans les deux mois.
" Lorsqu'un siège de membre de l'Assemblée de Polynésie française devient vacant pour quelque cause que ce soit, il est pourvu par le candidat venant immédiatement après le dernier élu sur la liste dont le titulaire du siège vacant est issu.
" Lorsque l'application de cette règle ne permet pas de combler une vacance, il est procédé dans les trois mois à une élection partielle au scrutin uninominal à un tour lorsque la vacance porte sur un seul siège, et à la représentation proportionnelle dans les conditions fixées ci-dessus si la vacance porte sur plusieurs sièges. Toutefois, aucune élection partielle ne pourra avoir lieu dans le délai de trois mois précédant l'expiration du mandat des membres de l'Assemblée.
" Lorsque les dispositions de l'alinéa précédent ne peuvent être appliquées, et si l'Assemblée de la Polynésie française a perdu plus de la moitié de ses membres, il est, dans un délai de deux mois à compter de la dernière vacance, procédé au renouvellement intégral de l'Assemblée. La dernière vacance doit s'être produite avant la publication du décret ou de l'arrêté portant convocation des collèges électoraux pour une élection partielle. "


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