N° 2346
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 avril 2000.
PROPOSITION DE LOI
relative à la société de l'information tendant à favoriser
le
déploiement d'Internet en France.
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution
d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)
présentée
par M. Olivier de CHAZEAUX,
Député.

Audiovisuel et communication.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Il est aujourd'hui admis qu'Internet est non seulement un formidable outil de croissance économique mais aussi un facteur d'aménagement du territoire d'une extraordinaire vitalité.
C'est pourquoi la France doit entrer rapidement et massivement dans la société de l'information.
Pour cela, notre pays doit se doter rapidement d'un accès Internet à haut débit. A ce titre, le déploiement rapide des réseaux et des débits liés à l'Internet constitue désormais dans chaque pays un enjeu de compétitivité nationale, le lien entre débit des réseaux, productivité des entreprises et attractivité des territoires créant des formes nouvelles de concurrence entre territoires et régions.
Cette concurrence entre territoires porte d'ailleurs plus sur le rythme d'adoption des technologies de l'information que sur le développement des infrastructures. En effet, le développement des services existants (centres d'appels, mise en réseau d'entreprises, télémédecine...) engendre une demande de débits qui, par les infrastructures qu'elle occasionne, attire à son tour d'autres entreprises de technologies de l'information (TI) intensives.
Or, la diffusion d'Internet auprès des entreprises et des particuliers ne peut se réaliser que dans un environnement concurrentiel et réglementaire favorable sur l'ensemble du territoire. Il s'agit là d'un élément clé du rythme d'adoption par les entreprises, et des ménages, des gains de productivité offerts par les TI comme facteur de compétitivité globale et de développement du territoire.
Dans ces conditions, afin d'assurer l'égal accès à Internet sur l'ensemble du territoire, il faut encourager et accélérer le déploiement du DSL surtout là où les techniques alternatives ne peuvent être rentabilisées. En effet, cette technique est la moins " capital-intensive " et donc la mieux à même de desservir les clients à faible et moyen trafic (PME, résidentiel).
Or, aujourd'hui, la législation produit des effets pervers sur les investissements des opérateurs, qu'ils soient dominants ou nouveaux entrants, quant au déploiement du DSL et donc de l'Internet. En effet, la réglementation affecte l'essentiel des investissements des nouveaux entrants sur les liaisons d'infrastructures (backbone) qui supportent le gros du trafic. Toutefois, si l'accroissement des capacités provoque une augmentation du trafic, il butte sur une barrière - l'accès au consommateur final - via la boucle locale. Il y a en quelque sorte embouteillage pour arriver au consommateur final, c'est-à-dire à l'internaute.
Dans ces conditions, l'actif industriel que représente la desserte par le réseau cuivre de chaque abonné du territoire connaît une forte valorisation. Plusieurs raisons à cela : premièrement l'accroissement des entrées et transmissions des appels longue distance dont le prix unitaire chute, ensuite l'accroissement du trafic Internet et des services associés et enfin l'effet amplifié de barrière à l'entrée.
Cette situation produit des effets pervers : d'une part, l'opérateur dominant n'a aucun intérêt à ouvrir la boucle locale source croissance de revenus, d'autre part les nouveaux entrants n'ont aucun intérêt à investir sans possibilités de retour sur investissement. Au final, le déploiement du DSL n'est rentable pour l'opérateur que là où la concurrence du câble le menace, soit 10 % du territoire.
Il faut donc sortir de cette logique préjudiciable au déploiement de l'Internet haut débit partout en France.
Pour cela, il faut intéresser l'opérateur dominant et les nouveaux entrants à développer le DSL là où les autres techniques de connexion (fibre, câble coaxial, boucle radio) ne sont pas rentables.
L'objet de la présente proposition de loi est donc de compléter le dispositif de la loi de réglementation des télécommunications en confiant à l'autorité de régulation des télécommunications les moyens et la mission de veiller au déploiement rapide et global du DSL hors zones câblées.
Pour ce faire, le dispositif proposé établit au profit de la seule A.R.T. le droit de fixer un calendrier du dégroupage et de déterminer le prix plafond des tarifs d'interconnexion. Cette mesure aurait pour effet de contraindre l'opérateur dominant de sortir plus rapidement qu'aujourd'hui de la rente de situation que lui confère l'accès monopolistique à la boucle locale.
Un indicateur d'objectif basé sur un taux de couverture national du DSL hors zones câblées permettant d'apprécier la réalité du déploiement de cette technique est institué dans le cadre des critères de décisions de l'A.R.T. Il s'agit là de garantir le déploiement effectif du DSL sur l'ensemble du territoire.
Enfin, sur demande de l'A.R.T., les opérateurs seraient dans l'obligation de faire la démonstration du déploiement du DSL. Les opérateurs doivent rendre compte de leur investissement en faveur du DSL compte tenu du caractère d'intérêt général d'une telle mesure.
Avec ses trois mesures simples, la France met la législation en conformité avec l'intérêt général du pays en faisant du développement des infrastructures de télécommunications le moyen le plus sûr d'une entrée rapide et massive dans la nouvelle économie numérique.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Le code des postes et télécommunications est ainsi modifié :
1. Après le 10° de l'article L. 32, sont insérés 2 alinéas ainsi rédigés :
" 10°bis Dégroupage de la boucle locale.
" On entend par dégroupage de la boucle locale l'accès à la ou aux paire(s) métallique(s) reliant la prise de l'utilisateur au répartiteur principal. "
2. Le titre de la section 4 du chapitre II du livre II est ainsi rédigé :

" Section 4
" Interconnexion, dégroupage de la boucle locale
et accès au réseau "

3. Après le I de l'article L.34-8, il est inséré un Ibis ainsi rédigé :
" I bis Les exploitants de réseaux ouverts au public figurant sur la liste établie en application du 7° de l'article L. 36-7 sont tenus
d'offrir aux titulaires d'une autorisation délivrée en application des articles L. 33-1 et L. 34-1 le dégroupage de leur boucle locale. Les tarifs de dégroupage de la boucle locale rémunèrent l'usage effectif de l'accès à l'utilisateur et reflètent les coûts correspondants".
4. Dans le III de l'article L. 34-8, après les mots : " refus d'interconnexion " et après les mots : " conventions d'interconnexion " sont insérés les mots : " ou de dégroupage de la boucle locale ".
5. Après le 2° de l'article L. 36-6, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
" 2° bis Les modalités de mise en _uvre et les conditions techniques et financières du dégroupage de la boucle locale mentionné au I bis de l'article L. 34-8. "
6. Dans le premier alinéa du I de l'article L. 36-8, après les mots : " refus d'interconnexion " sont insérés les mots : " ou de dégroupage de la boucle locale " et après les mots : " convention d'interconnexion " sont insérés les mots : " , de dégroupage de la boucle locale ".
7. Le premier alinéa du I de l'article L. 36-8 est complété par une phrase ainsi rédigée : " Le cas échéant, elle peut leur demander de faire la preuve du dégroupage de la boucle locale ".
8. Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa du I de l'article L. 36-8, après les mots : " dans lesquelles l'interconnexion " sont insérés les mots : " , le dégroupage de la boucle locale ".
2346 - Proposition de loi de M. Olivier de Chazeaux relative à la société de l'information tendant à favoriser le déploiement d'Internet en France (commission des affaires culturelles)


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