N°  2351
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 avril 2000.
PROPOSITION DE LOI

permettant la liquidation, sans condition d'âge, de la pension des salariés ayant cotisé pendant le nombre de trimestres requis pour une retraite à taux plein.

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)
présentée
par M. Yves NICOLIN,
Député.

Retraites : généralités.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Les décrets nos 93-1022 et 93-1024 du 27 août 1993 ont prévu l'allongement progressif de la durée des cotisations pour obtenir une retraite à taux plein à 60 ans. Elle passe de trente-sept ans et demi à quarante ans, soit 160 trimestres au lieu de 150.
Les dispositions législatives et réglementaires actuelles sur les pensions de retraites, combinant la prise en compte d'une durée d'assurance minimale avec un âge minimal pour la jouissance de la pension à taux plein - fixé à 60 ans - pénalisant les assurés qui ont cotisé pendant le nombre de trimestres requis mais qui, âgés de moins de 60 ans parce qu'ayant commencé à travailler très jeunes, ne peuvent prétendre au bénéfice de la retraite.
Cette situation, loin d'être marginale puisqu'elle concerne 60 % des nouveaux retraités, pose à la fois un problème d'équité au plan social et aboutit à une situation désavantageuse en terme d'emplois.
Les assurés concernés éprouvent un sentiment d'injustice dans la mesure où ils doivent continuer de travailler et de cotiser une fois dépassée la limite du nombre de trimestres requis, tout en sachant que cette période d'activité supplémentaire ne leur ouvrira aucun droit nouveau pour leur retraite.Bien souvent, il s'agit de personnes qui sont entrées très jeunes dans la vie active et qui ont exercé une activité souvent pénible qui n'est pas sans conséquence sur leur espérance de vie.A titre d'exemple, à l'âge de 60 ans, celle-ci est de 21,7 pour les cadres et de 17,1 ans pour les man_uvres.
D'autre part, il s'agit généralement d'emplois ne nécessitant pas de formation. Or, les demandeurs d'emploi sans qualification sont, aujourd'hui, les plus touchés par le chômage.Ainsi le départ à la retraite, sans condition d'âge, pour les personnes ayant acquis le nombre de trimestres requis pour le bénéfice d'une pension à taux plein contribuerait à libérer des emplois, notamment pour les jeunes.
De plus, une telle modification de la législation concernant les retraites permettrait de tenir compte de la tendance actuelle de baisse du taux d'activité, avant l'âge légal de la retraite, du fait des déséquilibres apparus sur le marché du travail et du développement corrélatif des systèmes de préretraite.
En effet, le poids des actifs âgés de plus de 55 ans dans la population active n'a cessé de baisser depuis un quart de siècle, passant de 18,7 % en 1968 à 8 % en 1998.Le taux d'activité des hommes de 55 à 59 ans est ainsi passé de 83 % à 68 % aujourd'hui.
Par ailleurs, nombre de régimes spéciaux ont institué, depuis leur création, l'ouverture des droits à la retraite avant 60 ans.C'est le cas pour les salariés de l'EDF, la SNCF, la RATP, la Banque de France...
L'instauration de la possibilité de faire liquider une retraite à taux plein avant 60 ans s'appliquerait au régime général ainsi qu'aux régimes d'assurance-vieillesse des professions artisanales, industrielles et commerciales (cf. article L. 634-2 du code de la sécurité sociale) et aux salariés agricoles (cf. article 1038 du code rural).
L'article 1er modifie les articles L. 351-1 et L. 357-2 du code de la sécurité sociale pour les assurés du régime général et les Alsaciens et Mosellans.
L'article 2 répertorie un certain nombre de dispositions de conséquence : envoi d'un relevé de compte avant la comptabilisation du nombre de trimestres requis, alignement des règles de cumul emploi-retraite sur le nouveau droit proposé, modification des règles de substitution de la pension de retraite pour inaptitude au travail à la pension d'invalidité de 50%.
Une modification de la réglementation du régime général des retraites sur ce point se traduirait, d'un point de vue financier, par une diminution des charges d'assurance-chômage et par un rapport de cotisations supplémentaires du fait des emplois nouveaux ainsi libérés.Toutefois, afin de couvrir un excès de dépenses provenant de ce que, dans un premier temps, les recettes nouvelles ne vont pas automatiquement venir compenser les frais nouveaux imposés aux régimes d'assurance-vieillesse concernés, il y a lieu de prévoir, dans un article 3, une augmentation, à due concurrence, du taux de la cotisation d'assurance-vieillesse.
En conséquence, il vous est demandé d'adopter, Mesdames et Messieurs, la proposition de loi suivante.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
I.- Le premier alinéa de l'article L. 351-1 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
" L'assurance vieillesse garantit une pension de retraite à l'assuré qui en demande la liquidation.Celle-ci peut intervenir :
" - soit à partir d'un âge déterminé par décret ;
" -soit, sans condition d'âge, à partir du moment où l'assuré comptabilise le nombre de trimestres qui lui permettrait d'obtenir, à l'âge susmentionné, une retraite à taux plein. "
II. - Dans le quatrième alinéa du même article, après le mot : " liquidation " sont insérés les mots : " ainsi que les modalités relatives à la pension de vieillesse attribuées sans condition d'âge ".
III. - Le début du premier alinéa de l'article L. 357-2 est ainsi rédigé :
" La pension de vieillesse à laquelle ont droit les assurés à un âge déterminé, ou sans condition d'âge, après un nombre d'annuités fixé par décret, est constitué... (le reste sans changement). "

Article 2

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
I. - L'article L. 161-17 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
" Les caisses et services gestionnaires susmentionnés sont également tenus d'adresser un tel relevé de compte au plus tard quatre trimestres avant la date à laquelle l'assuré comptabilisera le nombre de trimestres requis pour obtenir, sans condition d'âge, une retraite à taux plein. "
II. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L.161-22, après les mots : " à compter " sont insérés les mots : " de la date à laquelle l'assuré totalise le nombre de trimestres requis ".
III. - Le premier alinéa de l'article L. 341-15 est ainsi rédigé :
" La pension d'invalidité prend fin à l'âge minimum auquel s'ouvre le droit à pension de vieillesse, ou, si le taux de celle-ci est de 50%, dès lors que l'assuré comptabilise le nombre de trimestres d'assurance requis pour obtenir une retraite à taux plein, sans condition d'âge.Elle est alors remplacée par la pension de vieillesse allouée en cas d'inaptitude au travail. "
IV.- Dans le premier alinéa de l'article L. 341-16, après le mot : " vieillesse ", sont insérés les mots : " ou à compter de la date à laquelle l'assuré a totalisé le nombre de trimestres requis pour obtenir, sans condition d'âge, une retraite à taux plein ".
V. - Dans le deuxième alinéa du même article, sont supprimés les mots : " à l'âge susmentionné ".
VI. - Dans le premier alinéa de l'article L. 634-6, après le mot : " intervient ", sont insérés les mots : " à compter de la date à laquelle l'assuré totalise le nombre de trimestres requis ".

Article 3

Les dépenses supplémentaires résultant de l'adoption de la présente loi sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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