o 2464
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 juin 2000.
PROPOSITION DE LOI
relative à l'établissement et à la révision
des
listes électorales à Paris.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée
par MM. Philippe SÉGUIN, Jean-Louis DEBRÉ
et Édouard BALLADUR,
Députés.

Élections et référendums.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Les conditions d'établissement et de révision des listes électorales telles que fixées par les articles L. 16 et suivants du code électoral semblent pour le moins perfectibles. Le dispositif actuellement prévu pour assurer la mise à jour des inscriptions et des radiations se révèle souvent lacunaire, partiel, et débouche sur de nombreuses approximations, erreurs ou manquements. Une actualisation de l'ensemble de la législation et de ses modalités d'application s'impose à l'évidence.
Le constat vaut tout particulièrement à Paris. Il ne s'agit certes pas de mettre en cause les services qui sont chargés de l'application de la loi mais de constater que les caractéristiques propres de la capitale rendent nécessaire et urgent un renforcement des garanties de transparence et de clarté dans l'élaboration des listes des personnes autorisées à voter. La taille de l'agglomération, la mobilité de ses habitants, la fréquence des déménagements d'un arrondissement à l'autre, le maintien de liens familiaux en cas de départ de Paris sont autant de phénomènes qui conduisent à des situations de non-conformité à la loi, souvent liées à des négligences ou à des ignorances.
Cet état de fait n'a pas constitué une source de difficultés majeures, jusqu'à ce que la multiplication des consultations électorales et l'apparition concomitante de nouveaux modes de scrutin ne lui confère une véritable dimension politique.
D'abord circonscrits aux quelques villes qui disposaient de circonscriptions électorales à la réalité sociologique fort différente, les problèmes liés à l'établissement et à la tenue des listes ont pris une ampleur accrue, dès lors que la loi Paris-Lyon-Marseille confirmait l'arrondissement comme circonscription pertinente pour le scrutin municipal.
La répartition des électeurs sur le territoire d'une seule et même commune devenant un des éléments clés du résultat de l'élection, l'inscription sur la liste de tel ou tel secteur, de tel ou tel arrondissement, loin d'être anodine ou secondaire, prend un relief nouveau. Il est ainsi arrivé, dans un passé récent, en 1983 à l'occasion des élections municipales à Marseille, qu'à la faveur du découpage par arrondissement, une liste minoritaire en voix sur l'ensemble de la commune l'emporte en sièges au sein du conseil municipal.
Ces aléas - alimentés par les dysfonctionnements précédemment décrits - créent un contexte d'incertitude sur la sincérité des listes que ne peuvent qu'aggraver les informations relatives à des possibilités de fraude.
A un an des élections municipales, la présente proposition de loi a pour objet de le limiter, en attendant qu'une législation plus vaste et plus complète puisse être élaborée dans la sérénité. Ce faisant, elle vise à répondre à la légitime exigence de clarté qui se manifeste chez nos concitoyens en prévoyant une refonte complète des listes électorales de Paris avant le prochain scrutin.
Aucune des autres solutions généralement avancées pour procéder à une mise à jour des listes ne paraît satisfaisante, soit qu'elle se heurte à des objections de principes, soit qu'elle entraîne des difficultés matérielles. Il en est ainsi de celles qui viseraient à donner à l'autorité administrative le droit de manipuler des fichiers comportant des informations nominatives ou, dans un autre registre, de celles qui bouleverseraient le droit commun des élections en modifiant la composition des quelque 176 commissions de révision des listes à l'_uvre dans la capitale, ce qui rendrait obligatoire une mobilisation disproportionnée de l'appareil judiciaire et des juridictions administratives.
Une opération de révision générale des listes n'est pas, à proprement parler, une première. Elle a déjà été réalisée en Corse, et sous des formes adaptées au territoire d'outre-mer concerné, en Nouvelle-Calédonie.
Le dispositif proposé s'inspire de ces précédents, en gardant présentes à l'esprit les caractéristiques particulières de la capitale. Il s'agirait, en tout état de cause, de déroger au principe de la permanence des listes qui donne aux personnes inscrites une présomption à y figurer en leur faveur, en inversant, pour cette fois-ci, la charge de la preuve.
Il conviendrait donc que, arrondissement par arrondissement, les personnes souhaitant figurer sur la liste électorale en fassent la demande, dans les conditions et selon les critères prévus par le droit commun. Afin que ce processus ne souffre aucune contestation, il serait placé sous le contrôle de commissions indépendantes instituées par arrondissement et composées de la manière suivante :
- des membres du Conseil d'Etat, désignés par le vice-président du Conseil d'Etat ;
- des magistrats de l'ordre judiciaire, désignés par le premier président de la Cour de cassation ;
- des délégués désignés par chaque groupe d'élus représentés au Conseil de Paris, au sens de l'article L. 2121-28 du code général des collectivités territoriales.
La difficulté principale de l'espèce tiendra à l'importance de la population concernée, même divisée en arrondissements de taille inégale. Il appartiendra à l'administration de prendre les mesures d'accompagnement nécessaires pour que cette initiative ne se traduise pas par un embouteillage dans les mairies d'arrondissement.
A cet effet, et outre l'indispensable campagne d'information à mener auprès de nos concitoyens, on peut imaginer que des guichets spécifiques soient ouverts en mairie d'arrondissement, que les mairies annexes soient mobilisées, que les lieux hébergeant ordinairement les bureaux de vote soient au moins partiellement requis pour participer à la réussite de l'opération. On peut également multiplier les voies par lesquelles la demande d'inscription pourrait être accomplie : courrier, recueil au domicile par des agents indemnisés par l'Etat...
Au cas où, néanmoins, le Gouvernement parviendrait à convaincre le Parlement de la difficulté pratique à organiser une révision complète des listes d'ici au 31 décembre 2000 - thèse qu'il serait pourtant aisé de battre en brèche -, il conviendrait, à tout le moins, qu'on modifie la législation en vigueur, s'agissant de la supervision des commissions de révision des listes électorales. C'est à ce prix, en effet, que le travail de mise à jour des inscriptions et des radiations indispensables à la sincérité des listes et à leur transparence pourra être correctement réalisé.
Tel est, en tout état de cause, l'esprit qui anime l'économie générale du texte qui vous est proposé.

PROPOSITION DE LOI
Article unique

Il sera procédé, dans chaque arrondissement de Paris, à la refonte complète des listes électorales avant l'élection du Conseil de Paris et des conseils d'arrondissements prévus en mars 2001.
Pour être inscrits sur cette liste, les électeurs remplissant les conditions prévues aux articles L. 11 à L. 14 du code électoral devront présenter leur demande entre la date de publication de la présente loi et le 31 décembre 2000.
Dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, une commission de contrôle est installée dans chaque arrondissement. Composée de membres du Conseil d'Etat, désignés par le vice-président du Conseil d'Etat, de magistrats de l'ordre judiciaire, désignés par le premier président de la Cour de cassation et d'un délégué désigné par chaque groupe d'élus représenté au Conseil de Paris, elle est chargée de contrôler le bon déroulement de cette opération.
Dans l'exercice de cette mission, les membres de la commission de contrôle ont accès à tout moment aux documents nécessaires à la refonte des listes électorales. Ils transmettent leurs observations au représentant de l'Etat dans le département qui peut, le cas échéant, exercer le droit défini à l'article L. 25 du code électoral.

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N° 2464.- Proposition de loi de M. Philippe Séguin relative à l'établissement et à la révision des listes électorales à Paris (renvoyée à la commission des lois).


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