N° 2505
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 22 juin 2000.
PROPOSITION DE LOI

tendant à reconnaître officiellement le caractère de journée nationale du souvenir et du recueillement à la date du 19 mars, anniversaire du cessez-le-feu ayant mis fin à la guerre d'Algérie, le 19 mars 1962.

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée

par MM. Georges COLOMBIER, François ROCHEBLOINE, Jean-François CHOSSY, Pascal CLÉMENT, Léonce DEPREZ, Jean-Pierre FOUCHER, Jacques LE NAY, Christian MARTIN, Alain MOYNE-BRESSAND, François SAUVADET et Michel VOISIN,

Députés.

Cérémonies publiques et fêtes légales.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Un peuple oubliant son passé n'a pas d'avenir. Chaque citoyen a le devoir de rendre hommage à ceux qui ont combattu pour la Nation, et veiller à ce que leur sacrifice ne reste pas vain et serve la cause de la paix.
Pour les guerres mondiales 1914-1918 et 1939-1945, les dates symboliques retenues sont tout naturellement celles du cessez-le-feu. Ces dates sont porteuses d'espérances communes, chacune délivre un message particulier. Elles réfutent ainsi l'idée d'une journée unique du souvenir qui introduirait l'élément destructeur de l'unité nationale et trahirait la mémoire particulière de la mémoire collective de notre peuple.
Pour les combats en Afrique du Nord et la guerre d'Algérie, qui mobilisèrent près de trois millions d'hommes entre 1952 et 1962 et firent pas moins de 30 000 morts et 300 000 blessés ou malades, la reconnaissance officielle d'une journée nationale du souvenir et du recueillement dédiée à la mémoire des morts civils et militaires s'impose.
Il a fallu attendre plus de trente-sept ans pour que la France reconnaisse enfin, par un texte de loi, l'état de guerre en Algérie et mette ainsi en conformité le langage officiel avec le langage courant. Les conditions sont maintenant réunies pour qu'une date de commémoration officielle soit enfin adoptée.
Le 19 mars, date du cessez-le-feu, vient tout naturellement à l'esprit. Mais cette date fait l'objet d'une controverse eu égard au drame vécu par les populations restées attachées à la France et qui furent soit condamnées à l'exode, soit victimes de violences inhumaines, comme ce fut malheureusement le cas pour les harkis, dont beaucoup furent massacrés après le 19 mars 1962.
Loin de nier la réalité de ces événements tragiques, que l'on ne doit pas oublier, la France a le devoir d'assumer dans toute sa globalité et sa complexité cette période sombre de son histoire. Il serait regrettable de rejeter la tentative d'un rassemblement autour de la signification du drame algérien, dont les effets continuent d'ailleurs à se faire sentir aujourd'hui.
Si le cessez-le-feu du 19 mars 1962 ne marque pas l'arrêt total et définitif des hostilités, il cristallise la mémoire de l'événement. Il est un enjeu de la mémoire française. En vérité, aucune autre date ne satisfait autant aux conditions d'un recueillement national, instant privilégié de la réflexion et du renforcement des liens entre générations. La commémoration permet de tirer des enseignements, la compréhension du passé aidant à la compréhension du présent ; elle revêt une dimension pédagogique fondamentale qui permettra de mieux expliquer aux futures générations ce qu'a été réellement la guerre d'Algérie, y compris dans ses chapitres les plus sombres.
Au-delà des anciens combattants d'Algérie, la date du 19 mars appartient à notre peuple, à son histoire, à tous ceux qui sont épris de paix. Nous avons l'exigence du devoir de mémoire. Nous avons pour mission de faire vivre les valeurs de civisme et de citoyenneté, éléments fondateurs de notre démocratie.
C'est pourquoi nous vous demandons de bien vouloir adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

La République française institue une journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie de 1952-1962.

Article 2

Cette journée, ni fériée, ni chômée, est fixée au 19 mars, jour anniversaire du cessez-le-feu proclamé le 19 mars 1962 en Algérie, mettant fin à dix années de guerre et de combats en Afrique du Nord.


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