No 2572
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 septembre 2000.
PROPOSITION DE LOI
faisant porter la mention " donneur d'organes "
sur la
carte d'assuré social.
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée

par MM. Jacques LE NAY, Jean-Claude ABRIOUX, André ANGOT, Jean AUCLAIR, Pierre-Christophe BAGUET, Jacques BARROT, Léon BERTRAND, Mme Christine BOUTIN, MM. Philippe BRIAND, Jean BRIANE, Dominique CAILLAUD, Pierre CARDO, Jean-Charles CAVAILLÉ, Henry CHABERT, Georges COLOMBIER, René COUANAU, Marc-Philippe DAUBRESSE, Henri de GASTINES, Gilles de ROBIEN, Franck DHERSIN, Dominique DORD, Christian ESTROSI, Alain FERRY, Jean-Pierre FOUCHER, Roland FRANCISCI, Gilbert GANTIER, Germain GENGENWIN, Michel GIRAUD, Hubert GRIMAULT, Gérard HAMEL, Pierre HELLIER, Pierre HÉRIAUD, Patrick HERR, Mmes Anne-Marie IDRAC, Bernadette ISAAC-SIBILLE, MM. Jean-Jacques JÉGOU, Aimé KERGUERIS, Pierre LASBORDES, Édouard LANDRAIN, Arnaud LEPERCQ, Maurice LEROY, Lionnel LUCA, Thierry MARIANI, Jean MARSAUDON, Christian MARTIN, Philippe MARTIN, Pierre MENJUCQ, Michel MEYLAN, Pierre MICAUX, Pierre MORANGE, Jean-Marie MORISSET, Yves NICOLIN, Dominique PAILLÉ, Henri PLAGNOL, Jean-Luc PRÉEL, François ROCHEBLOINE, Rudy SALLES, Bernard SCHREINER, Guy TEISSIER, André THIEN AH KOON, Léon VACHET, François VANNSON, Gérard VOISIN et Michel VOISIN,

Députés.

Bioéthique.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Notre pays se trouve aujourd'hui confronté à une grave pénurie de dons d'organes.
En effet, alors que le nombre de dons s'élevait à 3 200 au début de la décennie, il n'est plus actuellement que de 2 850.
En conséquence, et en dépit d'une légère amélioration depuis la fin de l'année 1995, cette pénurie prive de guérison environ 2 000 malades sur les 5 000 en attente de greffons. Parmi ceux-ci, 400 à 500 meurent chaque année et les autres voient leur condition physique et psychique se dégrader de jour en jour.
Une telle situation est d'autant plus inacceptable qu'il existe des solutions chirurgicales qui permettraient de les sauver.
Pourquoi une telle diminution?
Celle-ci résulte essentiellement de l'augmentation des oppositions au prélèvement. Le pourcentage de refus de la part des familles s'élève à 30 %. Il s'explique, pour 10 % des refus, par des raisons religieuses ou philosophiques. Les autres refus résultent d'un défaut d'organisation des institutions hospitalières, d'une mauvaise information générale et de scandales successifs. Ces scandales sont apparus à partir du début des années quatre-vingt-dix, suite à des prélèvements abusifs et à des rumeurs sur les conditions dans lesquelles s'effectuaient l'approvisionnement et l'attribution d'organes. Ils ont altéré la confiance des patients et de leurs proches. Les mesures adoptées en 1994 dans le cadre des lois de bioéthique n'ont pas permis de rétablir cette confiance.
Il nous appartient donc aujourd'hui de réagir, de lancer des campagnes d'information ciblées à destination du personnel hospitalier et du public et d'introduire la mention " donneur d'organes " sur les cartes d'assuré social.
Le nombre de donneurs d'organes, en effet, pourrait être augmenté si le personnel hospitalier était davantage sensibilisé à cette question. Pour une bonne partie des établissements qui pourraient effectuer des prélèvements d'organes, cette activité reste une activité facultative et, bien souvent, les familles des personnes décédées sont accueillies dans l'urgence et interrogées par des personnes non formées à cette tâche.
Confrontée à une situation semblable, l'Espagne a adopté, ces dernières années, une politique qui a porté ses fruits. Elle a, en effet, mis sur pied un réseau structuré et décentralisé de coordinateurs, de médecins et d'infirmières qui s'est occupé à former les équipes hospitalières. Depuis lors, les dons d'organes ont sensiblement augmenté et l'Espagne est quasiment en situation d'autosuffisance. Cet exemple démontre qu'il est possible de mener des actions volontaires dans ce domaine. Il convient donc de se donner les moyens d'une telle politique.
Cette politique ne peut être menée, toutefois, sans campagnes d'information à destination du public. L'introduction de la mention " donneur d'organes " sur la carte d'assuré social pourrait être la base sur laquelle celle-ci s'appuierait.
L'introduction de la mention " donneur d'organes " serait en effet l'occasion pour chacun de se positionner à l'égard du don d'organes au moment de son inscription auprès de sa caisse d'assurance maladie.
L'assuré se verrait remettre un formulaire dans lequel il lui serait rappelé le rôle de solidarité nationale joué par la sécurité sociale ainsi que les droits et les devoirs qui en découlent.
Il serait informé de l'existence des lois "  bioéthiques " du 29 juillet 1994 selon lesquelles tout Français est présumé consentant au don d'organes. Il serait également informé de l'établissement du "  registre des non " rassemblant l'ensemble des personnes qui refusent le don d'organes.
La décision prise, au vu de ces éléments, serait ajoutée aux informations figurant sur la carte d'assuré social. En cas de refus, la mention " donneur d'organes  ", automatiquement inscrite sur la carte d'assuré social, serait retirée.
Ce procédé faciliterait grandement les démarches de l'équipe médicale chargée de recueillir l'avis de la famille du défunt avant de procéder au prélèvement. En effet, la question ayant déjà été réfléchie, les familles ne ressentiraient pas la demande du médecin comme une agression. Par ailleurs, elles ne seraient pas amenées à prendre une décision sous le coup d'une grande douleur, par définition non propice à la réflexion.
Cette mention, enfin, assurerait la sensibilisation de la population et favoriserait un débat continu sur cette question si capitale pour certains de nos compatriotes.
Pour ces raisons, je vous demande, chers collègues, de bien vouloir adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

Toute carte d'assuré social comporte la mention " donneur d'organes  ".

Article 2

Au moment de son inscription à la caisse primaire d'assurance maladie dont il dépend, l'assuré social peut, en application de la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, refuser l'inscription de la mention " donneur d'organes  ".

Article 3

La qualité de " donneur d'organes " est renouvelée tacitement chaque année sauf si la personne intéressée a informé de son refus la caisse primaire d'assurance maladie dont elle dépend dans les deux mois qui précèdent le renouvellement de sa carte.
2572 - Proposition de loi de M. Jacques Le Nay (commission des affaires culturelles) faisant porter la mention " donneur d'organes " sur la carte d'assuré social.


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