No 2647
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 octobre 2000.
PROPOSITION DE LOI
relative à la conservation pendant trente ans
des
objets placés sous main de justice.
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée

par MM. Yves NICOLIN, André SANTINI, Dominique PAILLE, Léonce DEPREZ, Francis HILLMEYER, Germain GENGENWIN, Jean-François CHOSSY, Pierre MICAUX, Hubert GRIMAULT, Jacques LE NAY, Michel VOISIN, Maurice LIGOT, Rudy SALLES, Claude GAILLARD, Pierre-Christophe BAGUET, François ROCHEBLOINE,

Députés.

Justice.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Lorsqu'un procès est clos par une condamnation définitive, le code de procédure pénale ne prévoit aucune obligation de conservation ultérieure des pièces à conviction au-delà de ce délai d'épuisement des voies de recours ordinaires.
Les scellés qui auraient pu être utiles à la manifestation de la vérité peuvent donc être restitués ou détruits sans délai, et ce malgré le droit de tout condamné à un procès en révision par la Commission puis par la Cour de révision des condamnations pénales de la Cour de cassation, lorsque est apparu ultérieurement un fait nouveau autorisant à douter de sa culpabilité. Une telle destruction des scellés complique donc considérablement la tâche d'une justice qui, en rouvrant exceptionnellement le dossier d'un individu condamné définitivement, se voulait soucieuse de mettre un terme rapide à une éventuelle erreur judiciaire.
Or, il apparaît que les avocats pénalistes sont de plus en plus sollicités par des détenus condamnés définitivement pour engager une procédure de révision pour erreur judiciaire. Il conviendrait donc que les objets placés sous la main de la justice, utiles à la manifestation de la vérité, ne soient pas restitués et puissent être conservés pendant trente années à compter de la condamnation définitive.
Une telle disposition légale aurait été précieuse au moment où doit s'achever devant la Cour de cassation le procès en révision du jugement prononcé à l'encontre de M. Patrick Dils, aujourd'hui âgé de 30 ans et condamné le 27 janvier 1989 par la Cour d'assises des mineurs de la Moselle à la réclusion criminelle à perpétuité, pour le meurtre en 1986 de deux enfants de huit ans. Cet apprenti pâtissier, qui fut à l'époque le plus jeune détenu de France et qui clame sont innocence depuis maintenant quatorze ans, n'avait même pas bénéficié de l'excuse de minorité qui aurait adouci sa peine.
La Cour de révision a récemment désigné l'un de ses membres pour compléter diverses investigations concernant le tueur en série Francis Heaulme, dont on a pu faire valoir la présence sur les lieux du double crime le jour des faits. C'est la raison pour laquelle la nécessité de la recherche d'empreintes génétiques sur les pierres ayant servi au meurtre est apparue au cours des débats.
Toutefois, c'est sans savoir qu'en 1995 l'ensemble des pièces à conviction du dossier avaient été légalement détruites, que l'avocat général avait suggéré d'étudier cette possibilité d'une mission d'analyse des ADN éventuellement récupérables sur les pierres.
Dans un arrêt du 28 juillet 2000, la chambre criminelle de la Cour de cassation, statuant comme Cour de révision, a donc dû ordonner un supplément d'instruction dans cette affaire (sans délai butoir...), faute notamment de pouvoir réunir toutes les pièces utiles à la manifestation de la vérité et de les soumettre aux techniques d'analyses génétiques aujourd'hui si précieuses à la justice.
Avec le droit imprescriptible à la révision d'un jugement devenu définitif, notre système pénal admet pourtant la possibilité de sa propre défaillance et d'une erreur judiciaire par l'institution de cette voie de recours extraordinaire.
C'est pourquoi toutes les garanties matérielles et procédurales pour la conduite de nouvelles investigations sont indispensables à la bonne administration de la justice, dans le cadre d'une procédure en révision qui constitue, pour le condamné qui se sait innocent, l'unique espoir de voir un jour rétablir la justice et de recouvrer la liberté.
Telles sont les raisons pour lesquelles il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, d'adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

La seconde phrase du premier alinéa de l'article 373 du code de procédure pénale est ainsi rédigée :
"Toutefois, s'il y a eu condamnation, les objets placés sous la main de la justice utiles à la manifestation de la vérité ne sont pas restitués et sont conservés pendant trente ans à compter de la condamnation définitive."

Article 2

Après le deuxième alinéa de l'article 481 du code de procédure pénale, il est inséré un nouvel alinéa ainsi rédigé :
"S'il y a eu condamnation, les objets placés sous la main de la justice utiles à la manifestation de la vérité ne sont pas restitués et sont conservés pendant trente ans à compter de la condamnation définitive."

2647 -Proposition de M.Nicolin relative à la conservation pendant trente ans des objets placés sous main de justice.(Commission des lois)


© Assemblée nationale