N° 2733
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 novembre 2000.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

tendant à introduire la Convention internationale des Droits de l'enfant du 20 novembre 1989 dans la Constitution de la Ve République du 4 octobre 1958.
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

présentée

par MM. Dominique PAILLÉ, Jean-Pierre ABELIN, Jean-Claude ABRIOUX, André ANGOT, Jean-Louis BERNARD, Léon BERTRAND, Roland BLUM, LoÏc BOUVARD, Jean BRIANE, Pierre CARDO, Jean-François CHOSSY, Georges COLOMBIER, Marc-Philippe DAUBRESSE, Lucien DEGAUCHY, Renaud DONNEDIEU DE VABRES, Christian ESTROSI, Jean-Pierre FOUCHER, Claude GAILLARD, Michel GIRAUD, Pierre HELLIER, Pierre HÉRIAUD, Francis HILLMEYER, Philippe HOUILLON, Michel HUNAULT, Henry JEAN-BAPTISTE, Robert LAMY, Jacques LE NAY, Maurice LEROY, Lionnel LUCA, Patrice MARTIN-LALANDE, Pierre MENJUCQ, Michel MEYLAN, Jean-Marie MORISSET, Jacques PÉLISSARD, Étienne PINTE, Jacques REBILLARD, Marc REYMANN, André SANTINI, Léon VACHET, François VANNSON et Michel VOISIN,

Députés.

Enfants.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Le 20 novembre 1989 est une date importante dans l'histoire de l'humanité. A l'initiative de la Pologne, soutenue activement par la France, a été adoptée à l'unanimité la Convention internationale des Droits de l'enfant.
Dans sa présentation de la Convention, l'UNICEF indique qu'elle constitue une référence commune pour toutes les nations qui sont contraintes d'harmoniser leurs législations, leurs orientations et leurs pratiques avec les normes de la Convention, les gouvernements signataires doivent faire de ces normes une réalité pour tous les enfants et s'abstenir de toute intervention de nature à faire obstacle à la jouissance de ces droits ou les violer.
Toujours selon l'UNICEF, la Convention traduit une nouvelle conception de l'enfant. Ils ne sont pas la propriété de leurs parents et ne sont pas non plus des êtres que leur impuissance voue à la charité publique. Ce sont des êtres humains, sujets de droits. La Convention propose une conception de l'enfant en tant qu'individu, membre d'une famille et d'une communauté, doté de droits et de responsabilités.
Le rapport au Parlement du 20 novembre 1999 relatif à sa mise en _uvre souligne " qu'elle témoigne d'une prise de conscience universelle, celle que l'enfant constitue l'avenir de l'humanité et que ses droits doivent être, en conséquence, protégés. En effet, l'humanité ne progressera que si nous savons partout dans le monde préparer les enfants d'aujourd'hui à devenir les citoyens de demain en respectant mieux leurs droits mais aussi en leur faisant prendre conscience de leurs devoirs ".
L'enfant doit être, en effet, au c_ur de nos sociétés. Or, leur situation dans le monde suffit à elle seule à démontrer que l'application de la Convention relève de l'urgence absolue, et la nature des priorités actuelles pour les enfants l'atteste. Il appartient à chacun d'entre nous d'assurer avec une plus grande force la promotion des droits fondamentaux de l'enfant et de les mettre en pratique. La France a dans ce domaine un rôle moteur à remplir.
La paupérisation d'une fraction de la population française (12% des familles n'ont d'autres ressources que les allocations familiales), qui touche au moins 5% des enfants, engendre pour ces derniers des problématiques importantes quotidiennes dans les domaines de l'alimentation, la santé, l'éducation. Elles mettent en cause non seulement leur devenir mais aussi celui de la société toute entière si des politiques efficaces et toujours plus ambitieuses ne sont pas mises en place pour les éradiquer.
Alors que la Convention proclame que chaque enfant a le droit à une alimentation équilibrée, de nombreux rapports tel celui rendu public par l'UNICEF en 1998 ont mis en évidence que la nourriture de la frange de la population la plus pauvre, qui consacre pourtant un quart de ses revenus à l'alimentation, est déséquilibrée : absence de fruits et de légumes, pas de possibilité d'accès aux meilleurs produits en raison de leurs prix élevés...
Une récente enquête sur les nouveau-nés fait ressortir que 63% d'entre eux sont carencés en fer et 55% présentent une anémie. Autre facteur de risque, c'est la carence en iode, entraînant un développement de l'enfant perturbé et une diminution des capacités physiques et mentales. La baisse de la fréquentation des restaurants scolaires ne fait bien sûr qu'aggraver ces problèmes.
Chaque enfant a le droit à une protection contre l'exploitation dans le travail. En Europe, 7 enfants âgés de moins de 15 ans sur 100 travaillent. Ils sont 500 000 en Italie, 300 000 en Allemagne. On peut penser que plusieurs dizaines de milliers d'entre eux sont concernés en France. Il faut mieux leur faire connaître la législation concernant l'obligation scolaire ou la réglementation relative au travail des jeunes.
Le sort des enfants isolés étrangers arrivant en France demeure une préoccupation majeure (Assemblée nationale - séance des questions au Gouvernement du mardi 21 mars 2000). Plusieurs centaines disparaîtraient chaque année avec l'accord des autorités françaises car tous les moyens pour leur accorder un accueil d'urgence de qualité n'ont pas été mis en _uvre. Dans une note du 17 mars 2000, le président du tribunal pour enfants de Bobigny souligne que " les conditions d'accueil de ces enfants ne sont pas toujours dignes des standards nationaux et internationaux et tout simplement de la quatrième puissance mondiale qui se targue de défendre mieux que d'autres les Droits de l'homme ".
La Défenseure des enfants, Mme Claire Brisset-Foucault, autorité indépendante créée par la loi n° 2000-196 du 6 mars 2000 et nommée par un décret du 4 mai 2000, a dénoncé à son tour cette situation. "Tout mineur étranger isolé arrivant sur le sol français doit par définition être considéré comme en danger." (AFP, 4 octobre 2000.) C'est la raison pour laquelle elle s'est prononcée pour un accueil spécifique de ces enfants. Malgré sa gravité et les engagements du Gouvernement, ce problème n'a pas encore trouvé de solution.
Chaque année, en France, 85000 enfants sont en danger (ODAS - Observatoire national de l'action décentralisée). 90 % des violences contre les enfants s'exercent au sein de la famille. Il convient donc de les protéger face aux risques de la vie, au regard desquels ils n'ont pas les moyens de faire face en raison de leur vulnérabilité.
Sans méconnaître les efforts accomplis par la France pour rendre les mesures énoncées par la Convention internationale relative aux Droits de l'enfant effectives, ce sont toutes ses dispositions qui doivent être appliquées sans exception. Si certains de ces droits ont bien été mis en _uvre, il convient d'en vérifier l'exacte application et d'offrir de la manière la plus large à chaque enfant les moyens de développer sa personnalité, ses aptitudes, et qu'il trouve dans la société un cadre d'épanouissement idéal. La réalisation de son bien-être dépend d'une action qui doit être permanente.
Le rapport de l'Assemblée nationale n° 871, issu de la commission d'enquête présidée par M. Laurent Fabius sur l'état des droits de l'enfant, proposait déjà un certain nombre d'améliorations. Au-delà de ces mesures législatives et réglementaires indispensables à l'adaptation du statut de l'enfant, à ses droits et devoirs, au renforcement des pouvoirs et moyens du défenseur des enfants, il appartient à la représentation nationale de réaffirmer solennellement son attachement sans réserve à l'application de tous les droits fondamentaux énoncés dans la Convention internationale des Droits de l'enfant.
Signée par la France le 26 janvier 1990, le Parlement, par une loi du 2 juillet 1990, en a autorisé la ratification qui est intervenue le 7 août 1990. Mais la Cour de cassation ne lui reconnaît pas d'effet direct en droit interne, ce qui implique qu'un particulier ne puisse pas l'invoquer devant le juge judiciaire.
Aussi, à l'occasion du dixième anniversaire de son entrée en application, devons-nous prendre conscience plus que jamais de la nécessité d'accorder aux 17 millions d'enfants que compte notre pays une protection et une assistance particulières, sans discrimination d'aucune sorte.
C'est pourquoi il vous est proposé d'introduire dans le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 la Convention internationale des Droits de l'enfant pour élever ses dispositions au même rang que la Déclaration des droits de l'homme du 26 août 1789.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
Article unique

Le premier alinéa du préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 est ainsi rédigé :
" Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l'homme, aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration du 26 août 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, et par la Convention internationale relative aux Droits de l'enfant adoptée par les Nations unies le 20 novembre 1989. "
2733 - Proposition de loi de M. Dominique PAILLE tendant à introduire la Convention internationale des Droits de l'enfant du 20 novembre 1989 dans la Constitution de la Ve République du 4 octobre 1958 (commission des lois)


© Assemblée nationale