N° 2738
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 21 novembre 2000.
PROPOSITION DE LOI
tendant à améliorer l'accès aux fonctions électives locales.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée

par Mme Jacqueline FRAYSSE, MM. François ASENSI, Gilbert BIESSY, Claude BILLARD, Bernard BIRSINGER, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Jacques BRUNHES, Patrice CARVALHO, Alain CLARY, Christian CUVILLIEZ, René DUTIN, Daniel FEURTET, André GERIN, Pierre GOLDBERG, Maxime GREMETZ, Georges HAGE, Guy HERMIER, Robert HUE, Mmes Muguette JACQUAINT, Janine JAMBU, MM. André LAJOINIE, Jean-Claude LEFORT, Patrick LEROY, Félix LEYZOUR, François LIBERTI, Patrick MALAVIEILLE, Roger MEÏ, Ernest MOUTOUSSAMY, Bernard OUTIN, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER, Michel VAXÈS et Jean VILA (1),

Députés.

(1) Constituant le groupe communiste et apparentés.
Collectivités territoriales.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
L'existence, dans notre pays, de plus de 512 000 élus municipaux est un atout formidable pour la démocratie, pour le lien social, comme pour le maintien d'un aménagement concerté et respectueux de l'ensemble du territoire national. Or, les dispositions actuelles en matière d'exercice des fonctions électives ne s'adressent pas à tous les élus, loin s'en faut, ce qui est une insuffisance grave.
De plus, celles qui existent sont, en l'état, difficiles à appliquer pour la plupart des élus et des communes. Pour ne prendre qu'un exemple, en 1996, alors que le montant théorique possible des crédits de formation s'élevait à 1,3 milliard de francs, l'étude des comptes administratifs des collectivités révélait que seuls 12,6 millions de francs, moins de 1 %, avaient été utilisés.
Ainsi, le statut de l'élu, envisagé dès les premières lois de décentralisation comme un pilier indispensable à leur mise en _uvre, s'affirme aujourd'hui comme une exigence démocratique : tout citoyen doit pouvoir être candidat à une élection politique. Actuellement, les assemblées élues ne sont pas à l'image de la société. Femmes, jeunes, urbains, salariés du privé et, à quelques exceptions près, professions indépendantes sont insuffisamment représentées, alors que fonctionnaires et retraités sont beaucoup représentés.
Pour permettre de réelles avancées, l'évolution du statut de l'élu doit donc concerner l'ensemble des 512 324 élus locaux et non pas seulement les élus membres des exécutifs. Il s'agit donc, à l'encontre de la professionnalisation de la vie politique, de donner à un plus grand nombre de citoyens les moyens d'exercer un mandat d'élu sans préjudice pour leur vie personnelle, familiale et professionnelle. Et cela d'autant plus que la volonté grandit d'élargir la participation à la vie politique locale de ceux qui en étaient jusque là exclus.
Bénéficier d'une sécurité matérielle et professionnelle, d'une formation et d'une clarification de son statut juridique, comme de ses responsabilités, sont des conditions indispensables pour permettre un tissu électif diversifié et à l'image de la société. La richesse et la vitalité de notre démocratie en dépendent.
La loi récente sur l'accès des femmes aux mandats électifs va élever leur nombre dans les conseils municipaux, elle doit s'accompagner de mesures visant à résoudre les difficultés matérielles auxquelles les femmes salariées seront particulièrement confrontées, sans quoi cette avancée citoyenne verrait ses effets fortement amoindris.
Ce constat appelle un certain nombre de réformes pour lever les obstacles qui conduisent trop de salariés et de femmes à renoncer à être candidats, trop d'élus à ne pas pouvoir assumer leurs mandats ou à renoncer à se représenter en raison des difficultés trop grandes qu'ils ont rencontrées.
C'est particulièrement vrai en matière de crédits heures et d'autorisations d'absences pour ceux qui continuent à exercer une activité professionnelle. Ils ne doivent pas être pénalisés financièrement, ni dans leur déroulement de carrière.
Les maires et les élus des petites communes ont des activités et des responsabilités municipales qui ne sont pas proportionnelles au nombre de leurs administrés. Ils n'ont pas pour les aider les équipes de fonctionnaires locaux présentes dans des communes plus importantes.
Dans l'esprit de favoriser la participation des conseillers municipaux à la vie démocratique et citoyenne de leur commune, l'article 1er conduit à verser aux élus salariés l'intégralité de leur salaire, lors de leurs absences autorisées.
Cette disposition devrait d'ailleurs amener le gouvernement à proposer la mise en place d'un fonds de compensation dont bénéficieraient, sur critères, les entreprises concernées les plus pénalisées.
L'article 2 abroge, en conséquence, les dispositions actuelles permettant aux communes d'indemniser leurs élus.
Dans son article 3, la proposition de loi, reprenant en ce sens le souhait exprimé par le rapport " Refonder l'action publique locale " de la commission pour l'avenir de la décentralisation, suggère un doublement en moyenne des crédits d'heures dont disposent les maires, maires adjoints et conseillers municipaux, en étendant ce droit à l'ensemble des élus, et non plus seulement à ceux des communes de plus de 3 500 habitants.
La proposition de loi, dans l'article 4, tend également à renforcer la protection, dans son entreprise, de l'élu salarié.
L'article 5 permet que la compétence acquise par les élus durant l'exercice de leur mandat puisse être valorisée dans leurs parcours professionnels, qu'il s'agisse d'accès à des concours de la fonction publique ou de possibilités de postuler sur des cadres d'emplois soumis à un recrutement direct.
L'accès des élus à la formation doit également être développé en portant de six à dix-huit le nombre de jours de formation pendant un mandat, ce que prévoit l'article 6.
L'article 7 élargit la notion de frais liés à l'exécution des mandats municipaux, en ouvrant droit au remboursement, par exemple, des gardes d'enfants.
Enfin, l'article 8, pour que les mesures en faveur des élus salariés soient respectées, ce qui - nous le vivons depuis près de dix ans - n'est pas le cas aujourd'hui, demande au gouvernement de présenter dans un délai de trois mois au Parlement un projet de codification prévoyant systématiquement une double inscription de chacune des dispositions relatives au statut de l'élu salarié, dans le code général des collectivités territoriales et dans le code du travail.
Il s'agit là de premières mesures qui doivent permettre que les échéances municipales de mars prochain soient réellement marquées par la démocratisation et la diversification de l'accès aux fonctions électives locales. Elles devraient être complétées ultérieurement, et ceci dans les meilleurs délais, afin de permettre un véritable essor de notre démocratie à la hauteur des aspirations légitimes manifestées par les citoyens.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

Le dernier alinéa de l'article L.2123-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
" L'employeur est tenu de payer comme temps de travail le temps passé par l'élu non indemnisé, ou dont le montant des indemnités ne couvre pas les pertes de salaire, aux séances et réunions mentionnées à l'article L.2123-1, aux absences liées aux crédits d'heures prévus aux articles L. 2123-3 et suivants. "

Article 2

L'article L. 2123-2 du code général des collectivités territoriales est abrogé.

Article 3

I. - Dans le premier paragraphe de l'article L. 2123-3 du code général des collectivités territoriales, les mots : " de 3 500 habitants au moins " sont supprimés.
II. - Le deuxième paragraphe du même article est ainsi modifié :
- au 1º, les mots : " trois fois " sont remplacés par les mots : " quatre fois " ;
- au 2º, les mots : " une fois et demie " sont remplacés par les mots : " trois fois " ;
- au 3º, les mots : " 60 % " sont remplacés par les mots : " une fois et demie " ;
- au 4º, les mots : " 40 % " sont remplacés par les mots : " une fois " ; les mots : " 30 % " sont remplacés par les mots : " 60 % " ; les mots " 15 % " sont remplacés par les mots : " 30 % " et les mots : " des communes de 3 500 à 9 999 habitants " sont remplacés par les mots : " des communes de moins de 10 000 habitants ".
III. - La dernière phrase du deuxième alinéa du même article est supprimée.

Article 4

Dans l'article L. 2123-8 du code général des collectivités territoriales, après les mots : " aucune sanction disciplinaire ", les mots : " aucune décision concernant la conduite et la répartition du travail, la formation professionnelle, l'avancement, la rémunération, l'octroi d'avantages sociaux, les mesures de discipline " sont insérés.

Article 5

L'article L. 2123-10 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
" De la même manière, un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions dans lesquelles la compétence acquise par tout élu local au cours de l'exercice de son mandat est reconnue dans son parcours professionnel, qu'il s'agisse de l'accès aux concours de la fonction publique ou de l'ouverture des droits au congé individuel de formation. "

Article 6

I. - Dans les articles L. 2123-13 et L. 2123-14 du code général des collectivités territoriale, les mots : " six jours " : sont remplacés par les mots : " dix-huit jours ".
II. - Dans l'article L. 2123-13, les mots : " d'une fois et demie la valeur horaire du salaire minimum de croissance " sont remplacés par les mots : " compenser intégralement ".

Article 7

Le premier alinéa de l'article L. 2123-18 est ainsi rédigé :
" Les fonctions de maire, d'adjoint, de conseiller municipal, de président et membre de délégation spéciale donnent droit au remboursement des frais, notamment de garde d'enfants, que nécessite l'exécution des mandats spéciaux. "

Article 8

Le Gouvernement devra, dans un délai de trois mois suivant l'adoption de la présente loi, déposer un projet de loi de codification visant à intégrer également dans le code du travail l'intégralité des dispositions du statut des élus locaux salariés.

Article 9

Les charges éventuelles qui découleraient, pour les collectivités locales, de l'application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement et de la dotation générale de décentralisation.
Les charges qui incomberaient à l'Etat sont compensées, à due concurrence, par une augmentation des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
2738 - Proposition de loi de Mme Jacqueline Fraysse tendant à améliorer l'accès aux fonctions électives locales (commission des lois)


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