No 2769
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 29 novembre 2000.
PROPOSITION DE LOI
tendant à améliorer la sécurité des locataires
dans les ensembles immobiliers à usage d'habitation.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée
par M. Pierre ALBERTINI,
Député.

Logement.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
L'insécurité dans les ensembles immobiliers à usage d'habitation est malheureusement un fait avéré. Elle prend souvent la forme d'incivilités et d'infractions pénales " mineures " qui empoisonnent la vie de nombreux locataires. Cette délinquance quotidienne, rarement constatée, souvent impunie, contribue, s'il en était besoin, à renforcer le sentiment d'inquiétude des habitants de ces ensembles dans lesquels la police n'intervient que par intermittence. En effet, de tels faits ne relèvent pas de la voie publique au sens légal du terme.
Parmi les incivilités et les infractions les plus courantes, il faut noter les occupations abusives des entrées d'immeuble par des groupes de jeunes, le saccage des parties communes, l'utilisation des placards et des gaines techniques par les " dealers ", les insultes et les menaces proférées à l'encontre des locataires... Il est évident que les auteurs de ce type d'infractions sont rarement pris sur le fait. On ne peut, en effet, imaginer de placer un policier en faction dans chaque hall d'immeuble ! De plus, les victimes répugnent de plus en plus à porter plainte, par crainte de représailles.
Pour assurer la paix civile dans ces ensembles immobiliers et maintenir en même temps une diversité sociale de l'habitat, il est nécessaire de compléter les dispositions législatives existantes. C'est l'objet de la présente proposition de loi.
Outre l'extension de la notion de jouissance paisible aux parties communes et aux dépendances extérieures de l'ensemble immobilier, elle comporte trois aspects essentiels :
- l'établissement d'un règlement intérieur national dont la violation pourrait être constatée par des gardiens assermentés ;
- la création d'une injonction à faire cesser les troubles, assortie d'une astreinte financière ;
- la communication aux bailleurs de rapports et procès-verbaux de police, sous le contrôle du procureur de la République.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

La jouissance paisible de son logement ainsi que des parties communes et dépendances extérieures de l'ensemble immobilier constitue le prolongement nécessaire du droit à l'habitat et à la sécurité affirmés par les lois en vigueur.
Leur exercice implique des devoirs réciproques de la part des bailleurs et des locataires, dans leurs relations individuelles et dans leurs relations collectives.

Article 2

Les dispositions de la présente loi ont pour but d'assurer la vie en bonne intelligence des occupants et de faciliter la lutte contre les troubles de voisinage et les incivilités.
Elles s'appliquent aux rapports entre les bailleurs et les locataires dans les ensembles immobiliers comportant plus de vingt logements.

Article 3

Un règlement intérieur des immeubles, applicable à l'ensemble du territoire national, appelé règlement intérieur national, est établi par décret.
Pour être opposable au locataire, le règlement intérieur national doit être intégralement inclus dans le contrat et spécialement signé par le preneur. Si nécessaire, une traduction dans une langue comprise par ce dernier lui sera proposée.

Article 4

Le règlement intérieur national pourra être complété par une annexe précisant, pour l'ensemble immobilier concerné, son périmètre et ses conditions particulières d'application. Cette annexe est opposable au bailleur et au locataire dans les mêmes conditions que le règlement intérieur national.

Article 5

Les gardiens d'immeubles sont autorisés, en accord avec le bailleur, à prêter serment devant le tribunal d'instance de leur ressort et sont habilités à dresser des procès-verbaux à l'encontre des personnes locataires qui contreviendraient aux dispositions du règlement intérieur national, exclusivement.

Article 6

L'avant-dernier alinéa de l'article 4 de la loi du 6 juillet 1989 est supprimé.

Article 7

En cas d'infractions répétées aux dispositions du règlement intérieur national, le bailleur peut, par requête au juge d'instance, solliciter qu'il soit fait injonction au locataire d'avoir à cesser les troubles provoqués par lui ou par les personnes dont il doit répondre.

Article 8

Le juge, saisi sur requête du bailleur, peut rendre une ordonnance portant injonction au locataire de cesser ou de faire cesser les troubles de voisinage. L'ordonnance qui mentionne les lieu, jour et heure de l'audience au cours de laquelle sera examinée l'affaire est assortie d'une astreinte financière.
L'audience a lieu dans un délai minimum de trois mois et un délai maximum de six mois.

Article 9

Si le locataire entend contester les motifs de l'injonction, il peut, dans les quinze jours de sa notification par huissier, saisir le tribunal d'instance par simple requête déposée au greffe.
Le juge statue comme en matière ordinaire. Il peut, au vu des éléments produits, mettre un terme à l'injonction, aménager le montant et le recouvrement de l'astreinte ou prononcer, à la demande du bailleur, la résiliation du bail et l'expulsion.

Article 10

A la demande écrite du bailleur, le commissaire de police compétent peut, après autorisation du procureur de la République, communiquer à celui-ci ou à son représentant les rapports et procès-verbaux établis à l'intérieur du périmètre d'application du règlement intérieur national.
2769 - Proposition de loi de M. Pierre Albertini tendant à améliorer la sécurité des locataires
dans les ensembles immobiliers à usage d'habitation (commission des lois).


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