N° 2808
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 décembre 2000.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
visant à consulter par référendum les populations
des
collectivités territoriales de la République.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

présentée
par M. Pierre LELLOUCHE,
Député.

Elections et référendums.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Depuis plus de trente ans, les gouvernements successifs n'ont pu mettre fin à la violence politique en Corse, en dépit de multiples aménagements et révisions du cadre institutionnel de l'île : c'est ainsi qu'une véritable autonomie fiscale et qu'un statut particulier, ont été mis en place, sans pour autant que ne se résorbent les revendications indépendantistes. En réalité, la persistance de revendications nationalistes, comme celle de la violence, n'ont qu'un rapport lointain avec le débat sur la décentralisation et ne sont nullement liées à la conclusion d'accords visant à satisfaire de légitimes besoins de démocratie de proximité et de développement économique local. Pour la minorité nationaliste, dont chacun connaît les liens avec la grande criminalité, il s'agit en fait de rompre le pacte républicain et d'entamer l'unité nationale.
Dans un tel contexte, l'assassinat du préfet Erignac en février 1998 constitue un acte dont la portée historique n'a pas fini de se faire sentir, alors que l'assassin présumé court toujours. Cet acte visait pour la première fois le plus haut représentant de l'Etat dans cette région. A la suite de cet attentat, le Gouvernement Jospin révélait une nouvelle fois le délitement de son autorité à l'occasion du scandale des paillotes ou devait "s'illustrer" une unité spéciale de gendarmerie, le GPS, fonctionnant apparemment dans une totale improvisation de ses règles de tutelle et d'engagement, et dont le ministre de l'Intérieur de l'époque admettait devant la représentation nationale, qu'il en ignorait lui-même l'existence. La spirale de ces échecs successifs devait conduire le même Gouvernement à s'engager quelques mois plus tard, dans des négociations politiques avec les nationalistes aboutissant, dans le cadre des Accords dits de Matignon du 28 juillet 2000, à un démembrement sans précédent de la République française. Pour tenter d'acheter la paix civile et d'apaiser la violence dans l'île, le Premier ministre, en désaccord public avec son ministre de l'Intérieur et une partie de son Gouvernement, décidait d'entreprendre une refonte du statut de la Corse, dans une direction extrêmement préoccupante pour le devenir de l'unité nationale.
Parce qu'ils prévoient non seulement l'apprentissage obligatoire de la langue corse, en contradiction avec l'article 2 de notre Constitution, mais aussi, le transfert sans précédent de pouvoirs législatifs à l'Assemblée territoriale de Corse, là encore en totale contradiction avec notre Constitution, les Accords de Matignon menacent à terme de remettre en cause le principe de l'unité et de l'indivisibilité de la République.
Fruit de négociations entre le Gouvernement et un petit nombre de responsables de l'Assemblée territoriale, dont certains ont été désavoués depuis par les électeurs corses eux- mêmes, ces Accords sont juridiquement incertains et politiquement contestables. Ils ignorent, en effet, le caractère de collectivité administrative de l'Assemblée de Corse, en l'élevant de facto au rang d'une assemblée constituante, puisque telle est clairement la portée des Accords.
Or, l'Assemblée de Corse n'est pas investie d'un pouvoir constituant. Les Accords sont également politiquement contestables, car les négociations dont ils sont le produit ont été conduites sans la participation des élus locaux et nationaux non membres de l'Assemblée de Corse, et surtout des Corses eux-mêmes, confisquant ainsi la démocratie, alors même que sondage après sondage, une écrasante majorité des habitants de l'île (83%) expriment leur volonté de demeurer dans la République.
Enfin, plus scandaleux encore, certains élus nationalistes n'hésitent plus à réclamer l'amnistie pour les violences terroristes, y compris pour les assassins du préfet Erignac. Dans ces conditions, la seule façon de sortir de cette spirale, de restaurer la crédibilité de l'Etat républicain en Corse et de trouver les voies et moyens pour un aménagement du statut administratif de l'île, dans le cadre de la décentralisation, est de consulter les Corses eux-mêmes sur leur propre avenir.
Tel est le but de cette proposition de loi constitutionnelle : permettre aux Français de la Corse de se prononcer par référendum sur le bien-fondé des Accords de Matignon ou d'éventuels aménagements qui pourraient intervenir par la suite.
Par ailleurs, cette proposition participe du nécessaire élargissement de la procédure référendaire dans le cadre de notre vie démocratique. Quarante ans après l'avènement du référendum législatif dans notre système institutionnel et alors que celui-ci a été introduit dans notre vie municipale, il est souhaitable qu'aujourd'hui son champ d'application soit élargi afin de renforcer la participation des Français aux enjeux qui les touchent.
Donner la parole aux citoyens et fonder sur leur volonté l'action publique sont deux exigences fondamentales de la démocratie. Les respecter permet aussi de résoudre les difficultés auxquelles les représentants du peuple, à différents niveaux, se trouvent confrontés.
Le texte que nous vous proposons est simple. Il permet de trouver une solution véritablement démocratique au problème corse en renforçant la vie démocratique de notre pays par la participation directe de l'opinion populaire, là où elle seule peut indiquer le chemin à suivre. Son caractère démocratique devrait guider votre choix. C'est pourquoi, nous vous demandons de bien vouloir adopter la présente proposition de loi constitutionnelle.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
Article unique

L'article 72 de la Constitution est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
"Le Président de la République peut consulter la population des collectivités territoriales de la République sur tout projet de réforme relatif à l'organisation des pouvoirs publics les concernant.
"Une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux Assemblées du Parlement détermine les conditions de mise en _uvre de l'alinéa précédent."
2808 - Proposition de loi constitutionnelle de M. Pierre Lellouche visant à consulter par référendum les populations des collectivités territoriales de la République (commission des lois)


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