N° 2865
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 15 janvier 2001.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
visant à créer une commission d'enquête sur les procédures et le contrôle des ventes et livraisons d'armes à l'étranger.
(Renvoyée à la commission de la défense nationale et des forces armées, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée

par MM. Pierre CARDO, François GOULARD, Mme Sylvia BASSOT, MM. Georges COLOMBIER, Bernard DEFLESSELLES, Laurent DOMINATI, Charles EHRMANN, Nicolas FORISSIER, Gilbert GANTIER, Claude GATIGNOL, Pierre HELLIER, Philippe HOUILLON, Alain MADELIN, Yves NICOLIN, Paul PATRIARCHE, Bernard PERRUT, Jean PRORIOL, José ROSSI, JoËl SARLOT et Jean-Pierre SOISSON,

Députés.

Défense.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Comme le rappelle le rapport d'information n° 2334 sur le contrôle des exportations d'armement, déposé le 25 avril 2000 par la commission de la défense nationale et des forces armées, le commerce de matériel de guerre est réglementé de manière stricte, par le décret-loi du 18 avril 1939. La vente et la cession de matériels de guerre, armes et munitions sont soumis à des restrictions ou à une procédure spéciale pour l'importation et l'exportation.
Dans son article 2, il est ainsi précisé que : « Les entreprises de fabrication et de commerce de matériels de guerre, d'armes et munitions de défense ne peuvent fonctionner et l'activité de leurs intermédiaires ou agents de publicité ne peut s'exercer qu'après autorisation de l'Etat et sous son contrôle suivant des modalités fixées par décret ».
Dans son article 3, il précise encore que : « Le ministre d'Etat chargé de la défense nationale exerce pour la réglementation et l'orientation du contrôle de l'Etat sur la fabrication et le commerce de ces matériels une action de centralisation et de coordination ».
L'article 12 rajoute : « Il ne devra être accepté aucune commande en vue de l'exportation des matériels visés sans agrément préalable donné dans des conditions par arrêté interministériel ».
Si, comme cela a été rappelé par ce rapport, un contrôle strict des exportations de matériel de guerre existe et que le gouvernement a déposé un rapport sur les ventes d'armes au Parlement, la commission de la défense nationale et des forces armées souligne que le système comporte des failles importantes.
Ainsi, comme cela a été rappelé à la suite de l'affaire du Rwanda, le régime actuel ne comporte pas formellement de dispositions permettant d'empêcher la sortie de France de matériels déjà dédouanés.
De même, les cessions gratuites d'armement posent problème.
Par ailleurs, demeure, comme l'a montré l'actualité récente, le problème grave des opérateurs agissant à partir du territoire français, mais pour des opérations physiques se déroulant exclusivement à l'étranger.
Le rapport de la commission de la défense nationale et des forces armées, dans son introduction, rappelle que « ce que l'on connaît le mieux du système français de contrôle des exportations d'armements, c'est son opacité. L'ensemble du système apparaît comme une sorte de boîte noire... ».
Enfin, en ce qui concerne le matériel touchant à la sécurité intérieure, une société anonyme, au capital détenu à 35 % par l'Etat a été créée par le ministre de l'intérieur en 1986. Elle se charge de l'exportation soit en servant d'intermédiaire, soit en vendant elle-même, soit en assurant formation et conseil aux pays acheteurs. Son activité officielle est « la promotion des exportations de matériels et de systèmes français permettant de couvrir les missions confiées au ministère de l'intérieur et la vente de matériel de guerre », objectif large et limpide ouvrant la porte à toutes les dérives possibles.
Mais son activité échappe au contrôle de la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre.
Or l'Etat est un acteur incontournable de l'organisation du commerce de matériels d'armement et il est de son devoir de s'assurer du respect des procédures qu'il a lui-même spécialement prévues.
L'actualité de ces derniers jours met une nouvelle fois en lumière l'opacité et le secret qui entourent les modalités d'organisation des ventes d'armes à l'étranger de l'Etat français ou d'organismes qui lui sont rattachés. Ce marché apparaît comme l'affaire de quelques initiés, organisés en réseaux aux multiples ramifications, au centre desquels la cellule africaine de la Présidence de la République a, semble-t-il, joué un rôle non négligeable entre 1981 et 1995.
Certains ont ainsi pu parler « d'une imposture commerciale et juridique, vaguement sponsorisée par une administration plutôt neutre, voire hostile ».
A l'évidence, il y a donc défaillance de l'Etat dans sa mission de contrôle de ces marchés. Les procédures demeurent floues et complexes, les responsabilités diluées, le Parlement ignoré.
Cette situation est particulièrement indigne d'un pays démocratique, patrie des droits de l'homme. Certaines de ces exportations peuvent ainsi contribuer à mener des guerres civiles et des actions offensives contre des populations civiles.
Face à la carence de l'Etat, il est du devoir de la représentation nationale de faire la lumière sur ces dérives. C'est dans le contrôle de l'organisation, si secrète, de ce type de marchés que les commissions d'enquête parlementaires trouvent toute leur justification.
C'est aux parlementaires, toutes tendances confondues, qu'il revient de dénoncer avec force ces pratiques et de faire des propositions afin que la France apparaisse comme une référence, au niveau international, en termes de transparence et de rigueur.
C'est la raison pour laquelle nous vous demandons, Mesdames et Messieurs, d'adopter la proposition de résolution suivante.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique

Il est créé, en application des articles 140 et suivants du Règlement de l'Assemblée nationale, une commission d'enquête de trente membres sur les procédures et le contrôle du commerce de matériels d'armement.
Cette commission vise plus particulièrement les conditions et les modalités d'organisation des ventes et livraisons d'armes à l'étranger, le rôle de la cellule africaine de la Présidence de la République entre 1981 et 1995 ainsi que les moyens de contrôle mis à la disposition de l'administration et du Parlement.

N°2865- Proposition de résolution de M. Pierre Cardo visant à créer une commission d'enquête sur les procédures et le contrôle des ventes et livraisons d'armes à l'étranger. (commission de la défense nationale)


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