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le 18 janvier 2001
N° 2867

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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 janvier 2001.

PROPOSITION DE LOI

relative aux droits du conjoint survivant.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE
PAR M. ALAIN VIDALIES, MME CHRISTINE LAZERGES,
MM. JEAN-MARC AYRAULT, BERNARD ROMAN, MME RAYMONDE LE TEXIER, M. JACQUES FLOCH, MME MARTINE LIGNIÈRES-CASSOU, M. GÉRARD GOUZES, MME MARIE-FRANCOISE CLERGEAU, M. FRANÇOIS COLCOMBET
et les membres du groupe socialiste (1) et apparentés (2),
Députés.

(1) Ce groupe est composé de : MM. Maurice Adevah-Poeuf, Stéphane Alaize, Damien Alary, Mme Sylvie Andrieux-Bacquet, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Dominique Baert, Jean-Pierre Baeumler, Jean-Pierre Balduyck, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Alain Barrau, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude
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Donations et successions.

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Beauchaud, Mme Yvette Benayoun-Nakache, MM. Henri Bertholet, Éric Besson, Jean-Louis Bianco, André Billardon, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Marie Bockel, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, André Borel, Jean-Michel Boucheron, Jean-Claude Boulard, Didier Boulaud, Pierre Bourguignon, Christian Bourquin, Mme Danielle Bousquet, MM. Jean-Pierre Braine, Pierre Brana, Jean-Paul Bret, Mme Nicole Bricq, MM. François Brottes, Vincent Burroni, Marcel Cabiddu, Alain Cacheux, Jérôme Cahuzac, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Odette Casanova, MM. Laurent Cathala, Jean-Yves Caullet, Bernard Cazeneuve, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Guy-Michel Chauveau, Jean-Claude Chazal, Daniel Chevallier, Didier Chouat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Jean Codognès, Pierre Cohen, François Colcombet, Mme Monique Collange, MM. François Cuillandre, Jacky Darne, Michel Dasseux, Yves Dauge, Mme Martine David, MM. Bernard Davoine, Philippe Decaudin, Marcel Dehoux, Jean Delobel, François Deluga, Jean-Jacques Denis, Mme Monique Denise, MM. Bernard Derosier, Claude Desbons, Michel Destot, Paul Dhaille, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Mme Brigitte Douay, MM. Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, Jean-Louis Dumont, Mme Laurence Dumont, MM. Dominique Dupilet, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Jean-Paul Durieux, Philippe Duron, Henri Emmanuelli, Jean Espilondo, Michel Etievant, Claude Evin, Alain Fabre-Pujol, Albert Facon, Mme Nicole Feidt, MM. Jean-Jacques Filleul, Jacques Fleury, Jacques Floch, Pierre Forgues, Raymond Forni, Jean-Louis Fousseret, Michel Françaix, Georges Frêche, Michel Fromet, Gérard Fuchs, Robert Gaïa, Yann Galut, Roland Garrigues, Jean-Yves Gateaud, Jean Gaubert, Mme Catherine Génisson, MM. André Godin, Gaëtan Gorce, Alain Gouriou, Gérard Gouzes, Bernard Grasset, Michel Grégoire, Mmes Odette Grzegrzulka, Paulette Guinchard-Kunstler, MM. Jacques Guyard, Francis Hammel, Mme Cécile Helle, MM. Edmond Hervé, Jacques Heuclin, François Hollande, Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Claude Jacquot, Serge Janquin, Jacky Jaulneau, Patrick Jeanne, Armand Jung, Jean-Noël Kerdraon, Bertrand Kern, Jean-Pierre Kucheida, André Labarrère, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Claude Lanfranca, Jean Launay, Mmes Jacqueline Lazard, Christine Lazerges, MM. Gilbert Le Bris, André Lebrun, Jean-Yves Le Déaut, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Yves Le Drian, Michel Lefait, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Patrick Lemasle, Georges Lemoine, Bruno Le Roux, René Leroux, Jean-Claude Leroy, Mme Raymonde Le Texier, MM. Alain Le Vern, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. Gérard Lindeperg, François Loncle, Bernard Madrelle, René Mangin, Jean-Pierre Marché, Daniel Marcovitch, Didier Marie, Jean-Paul Mariot, Mme Béatrice Marre, MM. Marius Masse, Didier Mathus, Gilbert Maurer, Guy Menut, Louis Mermaz, Roland Metzinger, Louis Mexandeau, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Gilbert Mitterrand, Yvon Montané, Gabriel Montcharmont, Arnaud Montebourg, Philippe Nauche, Bernard Nayral, Henri Nayrou, Mme Véronique Neiertz, MM. Alain Néri, Michel Pajon, Joseph Parrenin, Vincent Peillon, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Jean -Pierre Pernot, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Geneviève Perrin-Gaillard, M. François Perrot, Mmes Annette Peulvast-Bergeal, Catherine Picard, MM. Paul Quilès, Alfred Recours, Gérard Revol, Mme Marie-Line Reynaud, MM. Patrick Rimbert, Jean-Claude Robert, Alain Rodet, Marcel Rogemont, Bernard Roman, Yves Rome, Gilbert Roseau, Joseph Rossignol, Mme Yvette Roudy, MM. Jean Rouger, René Rouquet, Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM. Bernard Seux, Patrick Sève, Henri Sicre, Michel Tamaya, MM. Yves Tavernier, Pascal Terrasse, Gérard Terrier, Mmes Marisol Touraine, Odette Trupin, MM. Joseph Tyrode, Daniel Vachez, André Vallini, André Vauchez, Michel Vauzelle, Michel Vergnier, Alain Veyret, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque, Kofi Yamgnane.
(2) MM. Yvon Abiven, Léo Andy, Alain Calmat, Jean-Claude Daniel, Camille Darsières, Christian Franqueville, Guy Malandain, Daniel Marsin, Mmes Michèle Rivasi, Christiane Taubira-Delannon.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Le conjoint d'un défunt fait aujourd'hui figure de véritable « parent pauvre » de la succession. En effet, lorsque le défunt laisse des enfants ou petits-enfants, son conjoint ne bénéficie que d'un usufruit portant sur le quart des biens successoraux existants, à prendre sous le plafond de la quotité disponible. En présence d'ascendants ou de collatéraux privilégiés, sa situation est également défavorable, puisqu'il ne bénéficie d'aucun droit en pleine propriété mais simplement d'un usufruit sur la moitié de la succession. En l'état actuel du droit français, c'est donc seulement dans des situations résiduelles que le conjoint du défunt peut prétendre recueillir des droits en propriété dans la succession.
Si elle n'est pas tempérée par les libéralités qui peuvent être consenties entre époux, la rigueur de ces dispositions légales peut donc placer le conjoint survivant dans une situation particulièrement difficile, sans qu'il puisse même avoir l'assurance d'être maintenu dans le logement qu'il partageait avec le défunt.
Elaborées à une époque où l'objectif était d'éviter le démantèlement de la propriété foncière, ces dispositions du code civil ne reflètent manifestement pas la place que notre société octroie aujourd'hui au couple, autour duquel se resserre la cellule familiale, et donc au conjoint.
Bien que nécessaire et souvent évoquée, la réforme des droits du conjoint survivant n'a cependant jamais été mise en _uvre, sans doute en raison de la diversité des solutions juridiques susceptibles d'être retenues et des débats byzantins auxquels chacune d'entre elles donne lieu.
Sans réformer l'ensemble du droit des successions, la présente proposition de loi modifie le code civil afin de placer plus favorablement le conjoint survivant dans l'ordre successoral, en lui garantissant des droits propres en pleine propriété, même en présence d'enfants ou de parents du défunt, et en le plaçant avant les collatéraux privilégiés. Afin de lui laisser la possibilité de demeurer dans la résidence conjugale, la proposition de loi donne au conjoint survivant, s'il le souhaite et sauf volonté contraire exprimée par le défunt dans un testament par acte public, un droit viager au logement assorti d'un droit d'usage sur le mobilier le garnissant, qui s'impute sur les droits en propriété qu'il aura recueillis dans la succession. Enfin, sans faire du conjoint survivant un héritier réservataire, la proposition de loi lui alloue, nonobstant toute disposition testamentaire contraire, la jouissance gratuite, pendant une année, du logement occupé à titre d'habitation principale à l'époque du décès.
C'est le souci d'inscrire dans le code civil des dispositions claires, réparant l'injustice dont souffre aujourd'hui le conjoint survivant dans la loi successorale tout en respectant la volonté du défunt, qui inspirent cette proposition de loi qu'il vous est demandé de bien vouloir adopter.

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PROPOSITION DE LOI
Article 1er

La section VII du chapitre III du titre premier du livre troisième du code civil est ainsi modifiée :
I. -  L'intitulé de la section est ainsi rédigé : « Section VII - Des droits du conjoint successible ».
II. -  Avant l'article 765, sont insérés une division et un intitulé ainsi rédigés : « § 1. -  De la nature des droits et de leur montant ».
III. -  Les articles 765 à 767 du même code sont remplacés par quatre articles ainsi rédigés :
« Art. 765. -  Est conjoint successible le conjoint survivant non divorcé et contre lequel n'existe pas de jugement de séparation de corps passé en force de chose jugée.
« Le conjoint successible est appelé à la succession soit seul, soit en concours avec les parents du défunt.
« Art. 766. -  Lorsque le défunt laisse des enfants ou des descendants, le conjoint survivant recueille la propriété du quart des biens de la succession.
« Art. 767. -  Si, à défaut d'enfants ou de descendants, le défunt laisse ses père et mère, le conjoint survivant recueille la propriété de la moitié des biens de la succession. L'autre moitié est dévolue pour un quart au père et pour un quart à la mère.
Quand le père ou la mère est prédécédé, la part qui lui serait revenue échoit au conjoint survivant.
« Art. 767-1. -  En l'absence d'enfants ou de descendants du défunt et de ses père et mère, le conjoint survivant recueille toute la succession en propriété. »

Article 2

Après l'article 767-1 du même code, sont insérés une division et cinq articles ainsi rédigés :
« § 2. -  Du droit au logement et du mobilier le garnissant
« Art. 767-2. -  Sauf volonté contraire du défunt exprimée dans les conditions de l'article 971, le conjoint qui occupait effectivement, à l'époque du décès, à titre de résidence principale, un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, a sur ce logement, jusqu'à son décès, un droit d'habitation et un droit d'usage sur le mobilier le garnissant.
« Ces droits d'habitation et d'usage sont de plein droit opposables aux tiers et s'exercent dans les conditions prévues aux articles 627, 631, 632, 634 et 635.
« Art. 767-3. -  La valeur des droits d'habitation et d'usage s'impute sur la valeur des droits en propriété que le conjoint recueille dans la succession.
« Si la valeur des droits d'habitation et d'usage est inférieure à celle des droits en propriété, le conjoint peut prendre le complément sur les biens existants.
« Si la valeur des droits d'habitation et d'usage est supérieure à celle des droits en propriété, le conjoint n'est pas tenu de récompenser la succession à raison de l'excédent.
« Art. 767-4. -  Le conjoint successible dispose d'un an à partir du décès pour manifester sa volonté de bénéficier de ces droits d'habitation et d'usage.
« Art. 767-5. -  Les droits d'habitation et d'usage peuvent, avec l'accord du conjoint, être convertis en une rente viagère ou en un capital.
« Art. 767-6. -  Lorsque le logement faisait l'objet d'un bail à loyer, le droit au bail, réputé appartenir aux deux époux selon l'article 1751, est attribué au conjoint successible s'il en fait la demande, à l'exclusion de tous autres éventuels ayants droit. Dans cette hypothèse, le conjoint successible pourra également bénéficier du droit d'usage sur le mobilier prévu à l'article 767-2. »

Article 3

Après l'article 767-6 du même code, sont insérés une division et un article ainsi rédigés :
« § 3. -  Du droit au logement temporaire
« Art. 767-7. -  Si, à l'époque du décès, le conjoint occupe effectivement, à titre d'habitation principale, un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, il a de plein droit, pendant une année, la jouissance gratuite de ce logement ainsi que du mobilier qui le garnit.
« Si son habitation était assurée au moyen d'un bail à loyer, les loyers lui en seront remboursés par la succession pendant l'année, au fur et à mesure de leur acquittement.
« Les droits prévus au présent article sont réputés effets directs du mariage et non droits successoraux. »

Article 4

Les articles 1481 et 1491 du même code sont abrogés.

Article 5

Les pertes éventuelles de recettes pour l'Etat engendrées par les dispositions prévues ci-dessus sont compensées à due concurrence par une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
2867 - Proposition de loi de M Alain Vidalies relative aux droits du conjoint survivant (commission des lois)


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