N° 2982
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 avril 2001.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d'une commission d'enquête sur les causes notamment climatiques, environnementales et urbanistiques des inondations exceptionnelles afin d'établir les responsabilités, d'évaluer les coûts et de prévenir les crues à répétition.

(Renvoyée à la commission de la production et des échanges, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée
par MM. Jean-Louis DEBRÉ, Jean-François MATTEI
et Philippe DOUSTE-BLAZY,
Députés.

Sécurité publique.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
En France, le risque d'inondation touche plus d'une commune sur quatre et représente près de 10 % du territoire national. Il s'agit du principal risque naturel qui expose nos compatriotes à des sinistres répétitifs dont le coût pour les particuliers et la collectivité représente, chaque année, plusieurs milliards de francs et ne cesse de s'alourdir.
Au fatalisme qui a longtemps prévalu, il convient de substituer, de manière urgente, une politique énergique de prévention des risques afin de répondre à la colère légitime et au désarroi grandissant des populations touchées par ces inondations.
La météorologie atypique ne suffit pas à expliquer ces phénomènes exceptionnels, loin s'en faut. Pour ne prendre que l'exemple des deux dernières années, Météo France a certes relevé une année 2000 globalement excédentaire et un début d'année 2001 avec des moyennes de précipitations multipliées par deux ou trois. Mais au-delà d'une forte pluviométrie, de nombreuses études scientifiques accréditent l'hypothèse que de multiples facteurs climatiques, environnementaux et urbanistiques seraient à l'origine des récentes inondations exceptionnelles. Ces études soulignent également leur caractère de plus en plus rapproché.
Un relevé chronologique et synthétique des dernières grandes inondations sur une dizaine d'années démontre non seulement la récurrence des catastrophes mais aussi une aggravation de leurs conséquences :
1988 : Au printemps et en automne, de fortes pluies touchent l'Aquitaine, le Midi-Pyrénées, le Limousin, l'Ille-et-Vilaine : 11 morts, 50000 sinistrés, 3,3 milliards de francs de dommages.
1992 : Le 22 septembre, l'Ouvèze déferle sur Vaison-la-Romaine (Vaucluse) : 41 morts. Les Pyrénées-Orientales, l'Aube et l'Ardèche subissent des crues.
1993/1994 : Pendant l'automne et l'hiver, l'Oise, l'Aisne, la Vallée du Rhône et la Camargue sont frappées : 26 morts.
1995 : Pendant l'hiver, 2900 communes sont déclarées en état de catastrophe naturelle : la montée des eaux provoque 9 morts.
1999 : Le 13 novembre, l'Aude et les Pyrénées-Orientales subissent d'importantes inondations : 29 morts, 360 communes sinistrées, 2,6 milliards de dommages.
2000 : En juin, la Garonne connaît de fortes crues. En décembre, des inondations frappent le Nord et le Pas-de-Calais, la Haute-Saône, la Manche, le Finistère, les Alpes-de-Haute-Provence et l'Ille-et-Vilaine.
2001 : En janvier, une large partie de l'ouest de la France est touchée par des inondations. En mars, des crues exceptionnelles dans tout le bassin de la Seine et dans la vallée du Rhône. En Bretagne et plus particulièrement en Ille-et-Vilaine, certains villages connaissent leur quatrième inondation depuis octobre 2000. En avril, la vallée de la Somme doit faire face à des crues catastrophiques qui touchent plus de 60 communes et entraînent l'évacuation de milliers de personnes.
Dès décembre 1999, après les tempêtes Lothar et Martin qui avaient provoqué d'importants dégâts dans notre pays, le groupe RPR avait proposé que l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques se saisisse immédiatement du dossier des catastrophes naturelles en réalisant une étude approfondie à même d'éclairer la représentation nationale sur les éventuelles mesures législatives à prendre.
Selon un rapport de la Cour des comptes sur la prévention des inondations, paru en janvier 2000, les sommes investies dans la prévention s'avèrent largement insuffisantes. Environ un milliard de francs est dépensé chaque année dans ce domaine. Ce chiffre est à comparer au coût des inondations : les dégâts sont évalués aujourd'hui à 3 milliards de francs par an, soit le double de ce qu'ils étaient à la fin des années 1990.
Par ailleurs, dans ce même document, la Cour des comptes critique également la superposition des règlements qui rend le cadre juridique "inadapté, confus et obsolète".
Il convient donc, non seulement, de remédier à l'inefficacité de la réglementation actuelle et de mieux coordonner les multiples interventions de l'Etat, des agences de bassin, des établissements publics territoriaux et des collectivités locales, mais aussi d'identifier clairement les causes notamment climatiques (effet de serre), environnementales (mauvais entretien du réseau hydrographique français, nouvelles pratiques agricoles, déforestation...) et urbanistiques (extension des zones constructibles, " macadamisation " croissante,...) des inondations exceptionnelles afin d'établir les responsabilités, d'évaluer les coûts et de prévenir les crues à répétition dont les pouvoirs publics semblent aujourd'hui incapables de tirer les leçons.
C'est à la lumière de ces causes clairement identifiées que la représentation nationale sera à même de proposer des adaptations législatives susceptibles notamment :
- d'accentuer la solidarité intercommunale sur l'ensemble des bassins versants ;
- d'accélérer la mise en place des plans de prévention des risques (PPR) ;
- et de rendre plus efficaces et plus contraignants les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE).
Aussi, il vous est demandé d'adopter la présente proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique

Il est créé, en application des articles 140 et suivants du Règlement de l'Assemblée nationale, une commission d'enquête parlementaire de trente membres sur les causes notamment climatiques, environnementales et urbanistiques des inondations exceptionnelles afin d'établir les responsabilités, d'évaluer les coûts et de prévenir les crues exceptionnelles.


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