N° 3057
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 mai 2001.
PROPOSITION DE LOI

visant à favoriser le développement de l'emploi dans la restauration par l'extension à l'ensemble de ce secteur du taux réduit de la TVA.
(Renvoyée à la commission des finances, de l'économie générale et du plan, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

présentée

par MM. Bernard CHARLES, Gérard CHARASSE, Jean-Pierre DEFONTAINE, Paul DHAILLE, Roger FRANZONI, Robert HONDE, Jean-Paul NUNZI, Jean PONTIER, Jacques REBILLARD, Jean RIGAL, Mme Chantal ROBIN-RODRIGO, MM. Alain TOURRET, Émile VERNAUDON, Aloyse WARHOUVER et Mme Marie-HélÈne AUBERT, MM. Jean-Michel MARCHAND, Jean-Pierre CHEVÈNEMENT, Jacques DESALLANGRE, Guy LENGAGNE, Georges SARRE, Gérard SAUMADE, Michel SUCHOD, Jean-Pierre ABELIN, Henry CHABERT,

Députés.

TVA.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
L'évolution des modes de vie, la déconnexion entre lieu de travail et d'habitation ont contribué, au cours des dernières décennies, à un important développement des services de restauration. Ainsi, selon le cabinet d'études Girasic, plus de 13% des repas principaux consommés par les Français se font hors du domicile. Le marché représente en 2000 près de 7 milliards de prestations contre 1,8 milliard en 1970.
Par ailleurs, l'ensemble de l'industrie hôtelière représente près de 4% de la population active, soit 800 000 actifs dont 600 000 salariés. Ce secteur est le quatrième employeur privé de France. Son chiffre d'affaires s'élève à 225 milliards de francs.
Aujourd'hui, la restauration traditionnelle et populaire est taxée à 19,6 %. Les autres formes de restauration (rapide, collective du travail) bénéficient de taux réduit de 5,5 %. Il en résulte des distorsions préjudiciables qui handicapent lourdement la restauration traditionnelle. II est donc proposé d'appliquer le taux réduit de 5,5 % à toutes les formes de restauration.
Une enquête réalisée en mars 2000 auprès de plus de 3 600 restaurateurs fait apparaître que l'harmonisation des taux de TVA à un niveau réduit se traduirait en premier lieu par une baisse des prix. Il est de l'intérêt des professionnels de la restauration traditionnelle et populaire de faire tout ce qui leur est possible pour restaurer des conditions concurrentielles favorables à la pérennité de leurs établissements.
Dès lors, il est probable qu'une baisse des prix se traduirait par un nouvel essor de l'ensemble de la restauration, et plus particulièrement de la restauration traditionnelle. La diminution du taux de la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle ces prestations sont assujetties le permettrait. Elle serait particulièrement bien venue au moment de l'arrivée de l'euro, permettant d'assurer une modération des prix au moment où tout le monde craint au contraire une augmentation des prix. Elle viendrait, ainsi, conforter les nombreux commerces de proximité et de très petites entreprises présentes dans ce secteur. Implantés en milieu rural, ils prennent une part essentielle dans le maintien de l'activité et contribuent à la mise en _uvre d'une politique active que l'on pourrait qualifier de «non-déménagement du territoire».
En ville, ils assurent le maintien du lien social et d'une réelle convivialité s'opposant à l'anonymat qui caractérise trop souvent la vie urbaine. En adoptant le dispositif proposé, le législateur faciliterait utilement la survie de ces petites entreprises souvent fragiles.
Par ailleurs, près de 85 % des restaurateurs investiraient pour améliorer la qualité des prestations offertes et plus de 80 % des entreprises sont prêtes à embaucher au moins une personne par établissement. On sait qu'il existe, en effet, un fort potentiel d'emplois dans l'hôtellerie restauration et l'on peut estimer au minimum à 40 000 le nombre d'emplois supplémentaires susceptibles d'être créés dès la première année grâce à une baisse de TVA à 5,5 %.
En outre, une baisse de TVA permettrait de lutter efficacement contre les activités et revenus dissimulés. Elle permettrait aussi à ce secteur de s'engager dans l'ère de la modernité en développant une véritable politique de réduction de temps de travail et d'amélioration des conditions de travail.
D'un point de vue juridique, la taxation uniforme des différents types de restauration s'impose.
Il convient de rappeler que le Conseil d'Etat a condamné à plusieurs reprises les régimes de TVA dérogatoires applicables à la restauration rapide (arrêt du 17 mai 2000) et à la restauration collective d'entreprise et d'administration (arrêt du 23 mars 2000 et du 28 février 2001). La Cour de justice européenne vient également de condamner par une décision du 29 mars 2001 le régime d'exonération de TVA sur le service. D'autres procédures contentieuses sont en cours. Toutes ces décisions de justice condamnent les distorsions de régime de TVA entre les différentes formes de restauration. L'application d'un taux unique de 5,5 % à tout le secteur permettrait donc d'apporter une solution à l'ensemble de ces procédures contentieuses.
Ce taux réduit est parfaitement possible au regard des règles de droit communautaire.
Bien que la 6e directive européenne prévoit l'application du taux normal de TVA à la restauration, on note que huit Etats membres bénéficient de dérogations pour appliquer un taux réduit à cette activité.
L'application d'un taux réduit en France est donc parfaitement envisageable, notre pays pouvant s'aligner sur les principales destinations touristiques européennes qui appliquent un taux réduit à la restauration, à l'exception de la France.
A titre d'exemple, une directive dérogatoire du 30 mars 2000 a validé rétroactivement la possibilité pour le Portugal d'appliquer un taux réduit à sa restauration. La France peut suivre le même exemple.
La présente proposition de loi, en adoptant une entrée en vigueur du taux réduit au 1er janvier 2002, laisse un délai suffisant au Gouvernement pour obtenir une dérogation auprès des instances communautaires.
Quant au coût budgétaire, le calcul doit se faire exclusivement sur les 42 % du chiffre d'affaires global de la restauration française, hors boissons alcoolisées, qui est effectivement soumis au taux de 19,60 %. La baisse de TVA n'aurait pas vocation à s'appliquer sur les ventes de boissons alcoolisées qui doivent demeurer taxées au taux normal de TVA.
Par ailleurs, l'harmonisation du taux de TVA entraînerait la suppression des régimes dérogatoires, créant des ressources nouvelles de TVA qui viendraient en partie compenser le coût pour les pouvoirs publics (suppression de l'exonération de TVA sur le service, suppression de l'exonération des cantines d'entreprises et d'administration imposée par le Conseil d'Etat...). Il y a lieu de tenir compte également de la récupération de la TVA par les entreprises sur la restauration d'affaire, imposée par la Cour européenne en septembre 2000.
Globalement, la baisse des prix, qui correspond à un engagement de la profession lié à la diminution du taux de TVA, se traduira par une augmentation de la fréquentation et donc du chiffre d'affaires de la restauration traditionnelle et populaire, créant par là même de nouvelles recettes fiscales.
En outre, cette disposition se traduira de manière incontestable par des créations d'emploi, venant alléger les charges pesant sur nos régimes sociaux et accroître les ressources.
On peut donc affirmer que le coût serait compensé quasi intégralement dès la première année par les effets positifs induits en terme d'emploi, d'investissement et de relance du marché.
Aujourd'hui, l'harmonisation du taux de la TVA dans le secteur de la restauration est la condition indispensable du maintien des métiers de la restauration traditionnelle et populaire française, de la nécessaire modernisation des conditions d'exercice de ces activités et de la défense de nos produits agricoles de qualité face à la concurrence de la restauration industrielle.
L'article 279 du code général des impôts dispose que la TVA est perçue au taux réduit de 5,5 % sur toute une série de prestations. Il est proposé de rajouter à cette liste, qui comprend déjà la fourniture de repas dans les cantines d'entreprises, l'ensemble des prestations de restauration à consommer sur place hors boissons alcoolisées. Ces dispositions pourraient être adoptées sans délai mais n'entrer en application qu'au 1er janvier 2002, de sorte à laisser le temps au Gouvernement d'obtenir les dérogations nécessaires auprès du Conseil européen.
Je vous invite donc à adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

A compter du 1er janvier 2002, le début du a bis de l'article 279 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« a bis. Les prestations de vente à consommer sur place de produits alimentaires et de boissons non alcoolisées ainsi que les recettes provenant de la fourniture des repas dans les cantines d'entreprises... (le reste sans changement).»

Article 2

La perte de recettes pour l'Etat est compensée, à due concurrence, par le relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
N°3057- Proposition de loi de M.Charles visant à favoriser le développement de l'emploi dans la restauration par l'extension à l'ensemble de ce secteur du taux réduit de la TVA.(commission des finances)


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