N° 3059
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 mai 2001.
PROPOSITION DE LOI
relative au cumul d'avantages de réversion
avec des avantages personnels de
retraite.

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée

par MM. Germain GENGENWIN, Jean-Pierre ABELIN, Jacques BARROT, Jean-Louis BERNARD, Claude BIRRAUX, LoÏc BOUVARD, Émile BLESSIG, Mme Marie-ThérÈse BOISSEAU, MM. Jean BRIANE, Dominique CAILLAUD, Pierre CARDO, Antoine CARRÉ, Hervé de CHARETTE, Jean-François CHOSSY, Georges COLOMBIER, René COUANAU, Charles de COURSON, Bernard DEFLESSELLES, Léonce DEPREZ, Renaud DONNEDIEU de VABRES, Alain FERRY, Jean-Pierre FOUCHER, Nicolas FORISSIER, Claude GAILLARD, François GOULARD, Hubert GRIMAUD, Jean-Pierre HELLIER, Pierre HÉRIAUD, Francis HILLMEYER, Mmes Anne-Marie IDRAC, Bernadette ISAAC-SIBILLE, MM. Denis JACQUAT, Henry JEAN-BAPTISTE, Aimé KERGUERIS, Christian KERT, Édouard LANDRAIN, Roger LESTAS, Maurice LIGOT, François LOOS, Christian MARTIN, Pierre MÉHAIGNERIE, Pierre MENJUCQ, Michel MEYLAN, Pierre MICAUX, Hervé MORIN, Alain MOYNE-BRESSAND, Dominique PAILLÉ, Paul PATRIARCHE, Bernard PERRUT, Jean-Luc PRÉEL, Jean PRORIOL, Marc REYMANN, Jean RIGAUD, François ROCHEBLOINE, André SANTINI, Jean-Pierre SOISSON, Guy TEISSIER et Michel VOISIN,

Députés.

Retraite : régime général.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
La présente proposition de loi vise à supprimer une injustice qui est faite à de nombreuses veuves bénéficiaires de pensions de réversion.
La pension de réversion est un avantage destiné à garantir au conjoint survivant, le plus souvent la femme, un niveau de vie convenable en lui assurant le versement d'une fraction de la pension de son conjoint décédé.
Les principes généraux du droit à pension de réversion dans le régime général d'assurance vieillesse sont fixés par l'article L. 353-1 du code de la sécurité sociale. Les conditions d'application de ces dispositions sont déterminées par des textes réglementaires.
Actuellement, en cas de décès ou de disparition depuis plus d'un an d'un assuré, le conjoint a droit, sous conditions de ressources, d'âge et d'ancienneté du mariage, à une pension de réversion. Seuls les conjoints survivants disposant de ressources modestes, c'est-à-dire n'excédant pas 2 080 fois le SMIC horaire par an, soit 87 401 F (7 283 F par mois), peuvent en bénéficier.
La pension de réversion est, en principe, égale à 54 % de la pension principale ou rente dont bénéficiait ou eût bénéficié l'assuré décédé ou disparu dans la limite d'un maximum de 4 036,50 F (54 % du maximum de retraite au régime général). Elle ne peut cependant être inférieure à un montant minimal de base, actuellement 1 501,75 F, à condition d'avoir cotisé pendant quinze ans au régime général.
Le conjoint survivant peut cumuler la pension de réversion avec les avantages personnels de vieillesse et d'invalidité dont il est titulaire.
Toutefois, l'article L. 353-1 précité prévoit que le cumul est possible « dans des limites fixées par décret ».
L'article D. 355-1 du code de la sécurité sociale autorise ainsi le cumul d'une pension de vieillesse avec une pension de réversion dans une limite - appelée « limite de cumul calculée » - égale à 52 % de la somme des droits propres et des droits dérivés, qui ne peut être inférieure à une autre limite - appelée « limite de cumul forfaitaire » - égale à 73 % de la pension de vieillesse maximale servie par le régime général (65 481 F par an ou 5 456 F par mois). En cas de dépassement de la limite de cumul, la pension de réversion est diminuée du dépassement constaté.
En outre, des dispositions spécifiques concernent les polypensionnés. L'article D. 171-1 du code précité prévoit que lorsque le conjoint survivant a droit, outre ses avantages personnels, à des avantages de réversion au titre de plusieurs régimes de retraite de base, il n'est tenu compte pour le calcul des limites de cumul et du montant de l'avantage de réversion à servir par le régime général que d'une fraction des avantages personnels du conjoint survivant obtenue en divisant leur montant total par le nombre des régimes débiteurs des avantages de réversion.
Ainsi, en cas de réversions multiples, la règle du fractionnement permet, en réduisant un des éléments pris en compte, d'abaisser la limite calculée de cumul et, en conséquence, de diminuer le montant de la pension de réversion à la charge du régime général.
La Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAVTS) considère que la règle du fractionnement doit être appliquée non seulement pour calculer « la limite de cumul calculée » mais aussi la limite de cumul forfaitaire (limite des 73 %). Elle divise donc non seulement les avantages personnels mais aussi le montant de la limite de cumul forfaitaire. Cela tend à aggraver encore les effets de la règle du fractionnement, en particulier lorsque les différents avantages de réversion sont de montants très différents.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 23 octobre 1997, a pourtant condamné cette pratique. Dans un arrêt du 8 avril 1999, elle a confirmé son interprétation stricte des textes.
Pourtant, la CNAVTS maintien sa position et refuse toujours d'appliquer la jurisprudence de la haute juridiction. Face à cette contradiction, les caisses régionales, chargées de la liquidation des droits, soucieuses d'éviter des condamnations par les tribunaux, prennent dans certains cas, contrairement aux instructions de la caisse nationale, des décisions conformes au droit et plus favorables aux intéressés.
La position de la CNAVTS qui persiste à préconiser une application des textes en vigueur défavorable aux assurés et à refuser d'appliquer les arrêts de la Cour de cassation est inacceptable. Elle crée des inégalités entre les bénéficiaires de pensions de réversion.
Au demeurant, le fractionnement des avantages personnels sur la base du nombre de régimes débiteurs d'avantages de réversion, indépendamment du montant des avantages servis par chacun, conduit à des situations inéquitables.
Depuis 1945, les règles régissant les pensions de réversion ont été améliorées. Le taux de réversion a été porté de 50 % à 54 %. La limite forfaitaire du cumul a été portée de 60 % à 73 %. En revanche, la règle du fractionnement en cas de pluralité de pensions de réversion, dont on observe aujourd'hui les effets, n'a jamais été modifiée depuis son institution.
Le contexte économique a cependant beaucoup changé. A l'origine, peu de femmes pouvaient bénéficier de droits propres à pension de retraite. De ce fait, la règle du fractionnement n'avait que peu d'impact. Il n'en est plus de même aujourd'hui où la couverture par l'assurance vieillesse est généralisée, la majorité des femmes ayant la possibilité d'acquérir des droits propres à pension de retraite. En outre, la mobilité professionnelle est désormais plus fréquente.
La règle du fractionnement et l'existence de limites de cumul de pensions pénalisent les polypensionnés et constituent, de ce fait, un frein à l'indispensable mobilité professionnelle. Enfin, les règles en vigueur, excessivement complexes, sont illisibles pour les assurés et même difficilement compréhensibles par les meilleurs spécialistes du droit social. Appliquées dans les conditions qui viennent d'être décrites, elles sont sources de coûts de gestion importants, de nombreuses tracasseries administratives, de multiples contentieux et d'inégalités de traitement, d'autant plus injustifiables qu'elles concernent les pensionnés les plus modestes. Les personnes concernées ne peuvent y voir qu'une spoliation.
Une intervention du législateur est donc nécessaire, non seulement pour mettre un terme à la résistance injustifiable de la CNAVTS qui pénalise de nombreux veuves et veufs, mais aussi pour régler, plus globalement, et sur des bases juridiquement saines, la question du cumul des droits à pension de réversion avec une pension personnelle.
L'aménagement de la règle du fractionnement, outre le fait qu'il relève du pouvoir réglementaire, paraît insuffisant. De même, une mesure d'augmentation du plafond de cumul ne serait qu'un pis-aller insatisfaisant.
Aussi, au bénéfice des observations qui précèdent, et sous réserve du maintien de la condition de ressources, il paraît préférable de supprimer la limite de cumul des avantages de réversion avec des avantages personnels.
L'impact financier de cette mesure de justice, d'efficacité et de simplification devrait être limité (de l'ordre de un milliard de francs).
Tel est l'objet de la proposition de loi suivante qu'il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

Dans le dernier alinéa de l'article L. 353-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « , dans des limites fixées par décret, » sont supprimés.

Article 2

Les dépenses résultant, pour les régimes sociaux, des dispositions de l'article 1er sont compensées, à due concurrence, par une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts dont le produit est affecté à ces régimes.
N°3059- Proposition de loi de M. Gengenwin relative au cumul d'avantages de réversion avec des avantages personnels de retraite.(commission des affaires culturelles)


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