N° 3129
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 juin 2001.
PROPOSITION DE LOI
visant à assurer la continuité du service public en cas de grève.

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

présentée

par MM. Christian ESTROSI, Jean AUCLAIR, André ANGOT, Bernard ACCOYER, Gautier AUDINOT, Pierre AUBRY, André BERTHOL, Jean BESSON, Philippe BRIAND, Henry CHABERT, Christian CABAL, Jean-Michel FERRAND, Xavier DENIAU, Yves DENIAUD, Jean-Michel DUBERNARD, René GALY-DEJEAN, Jean-Marc CHAVANNE, Richard CAZENAVE, Charles COVA, Lucien DEGAUCHY, Louis GUÉDON, François GUILLAUME, Jean-Claude GUIBAL, Didier JULIA, Christian JACOB, Jacques KOSSOWSKI, Pierre LASBORDES, Lionnel LUCA, Thierry LAZARO, Alain MARLEIX, Jean MARSAUDON, Pierre MORANGE, Thierry MARIANI, Jacques MASDEU-ARUS, Jacques PÉLISSARD, Didier QUENTIN, André SCHNEIDER, Michel TERROT, Léon VACHET, François VANNSON et Mme Marie-Jo ZIMMERMANN.

Députés.

Travail.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
La France se trouve de façon de plus en plus répétitive paralysée par des grèves touchant les agents des services publics.
Ces grèves mettent gravement en danger le fonctionnement normal de l'activité économique, touristique et sociale de notre pays.
Récemment encore à l'occasion de la grève à la SNCF, le Gouvernement n'a pas cru devoir exercer son droit de réquisition. Pourtant, un arrêt du Conseil d'Etat du 26 octobre 1962, Le Moult et Syndicat « Union des Navigants de Ligne » (A.J. 1962.671 Chr Gentot et Fourré), avait estimé, à la suite d'une grève déclenchée au sein de la compagnie Air France par le personnel navigant, que « la poursuite de cette grève était, eu égard à l'importance des liaisons aériennes interrompues et aux risques graves que son extension éventuelle pouvait comporter pour le fonctionnement de l'ensemble du service des transports aériens, de nature à porter à la satisfaction des besoins du pays une atteinte suffisamment grave pour justifier légalement le décret attaqué autorisant la réquisition de l'ensemble du personnel navigant de la compagnie nationale Air France ».
Si la jurisprudence considérait initialement la grève comme une rupture du « contrat de fonction publique » (Conseil d'Etat, 7 août 1909, Winkell), elle n'a eu de cesse d'assouplir sa position sur le droit de grève, jusqu'à le reconnaître aux fonctionnaires en 1950 (Conseil d'Etat, 7 juillet 1950, Dehaene), sur le fondement de l'article 7 du préambule de la Constitution de 1946 qui indique que «Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent».
Le commissaire du Gouvernement Gazier soutint à l'époque que ce préambule n'exprimait que des principes fondamentaux du droit, et que le principe du droit de grève devait être concilié avec d'autres principes tout aussi respectables, notamment celui de la continuité du service public. Les mots employés par le commissaire du Gouvernement sont à ce sujet éclairant : « Admettre sans restriction la grève des fonctionnaires, ce serait ouvrir des parenthèses dans la vie constitutionnelle et, [...] consacrer officiellement la notion d'un Etat à éclipses. Une telle solution est contraire aux principes fondamentaux de notre droit public. »
Cette formule exige la conciliation entre le principe de valeur constitutionnelle qu'est le droit de grève et d'autres principes de même valeur. Ainsi, il appartient au législateur de le réglementer, c'est-à-dire d'en soumettre l'exercice à des conditions, sous réserves que celles-ci n'aboutissent pas à priver ce droit fondamental de toute substance. Un service minimum peut donc sous cette angle être institué.
Le Conseil constitutionnel et le Conseil d'Etat admettent par ailleurs que le droit de grève soit concilié avec d'autres principes de même valeur, comme par exemple la liberté d'aller et venir ou encore la continuité du service public (Conseil constitutionnel, 2 juillet 1979, Droit de grève à la radio).
Là encore, le droit de grève ne doit pas entrer en contradiction avec ce principe, ce qui est rarement le cas. De même, la haute juridiction administrative estime qu'il est de la responsabilité de l'Etat d'y « apporter des limitations permettant d'en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessité de l'ordre public ».
Par ailleurs, les autorités administratives ont également le pouvoir de limiter l'exercice de ce droit, même sans habilitation légale (Conseil d'Etat, 7 juillet 1950, Dehaene).
Il n'existe donc en réalité aucun obstacle juridique à l'instauration d'un service minimum dans les services publics.
Aussi, face aux conséquences que fait peser l'absence de continuité du service public sur notre pays, il apparaît nécessaire de combler une carence de notre système législatif qui ne prévoit pas la mise en _uvre d'un service minimal.
Un tel service viserait à assurer la continuité du service public en faisant en sorte que les gênes résultant de la grève ne produisent pas une altération brutale du fonctionnement régulier du service.
La législation actuelle ne prévoit pas, en dehors de quelques dispositions spécifiques, l'organisation d'un service minimal en cas de grève (service public de la radio et de la télévision, contrôle et sécurité de la navigation aérienne). D'autres catégories de fonctionnaires publics sont également en principe interdits de droit de grève (les magistrats, les personnels de l'administration pénitentiaire, les militaires, les policiers).
Aussi, face à cette carence, la présente proposition vise à instaurer la mise en _uvre d'un service minimal en cas de grève des personnels mentionnés à l'article L. 512-2 du code du travail.
Elle prévoit de plus que les personnels ayant refusé de se soumettre aux conditions d'application de ce service minimal fixées par décret en Conseil d'Etat se placeront en dehors des statuts, règlements et conventions régissant leur emploi.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

Après l'article L. 521-4 du code du travail, il est inséré un article L. 521-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 521-4-1. - En cas de cessation concertée du travail des personnes mentionnées à l'article L. 521-2, un service minimal obligatoire assure la continuité du service public de telle sorte que le fonctionnement normal du service ne soit pas profondément altéré. »

Article 2

Les modalités d'application de ce service minimal obligatoire sont déterminées par des décrets en Conseil d'Etat.

Article 3

Le non-respect, par les agents mentionnés à l'article L. 521-2 du code du travail, des dispositions prévues aux articles 1er et 2 de la présente loi les place en dehors des statuts, règlements et conventions régissant leur emploi.
N°3129 -Proposition de loi de M.Estrosi visant à assurer la continuité du service public en cas de grève(commission des affaires culturelles)


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