N° 3131
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 juin 2001.
PROPOSITION DE LOI

permettant la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle à l'effondrement d'une marnière qui touche directement ou indirectement l'habitat d'un particulier.

(Renvoyée à la commission de la production et des échanges, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée
par MM. Hervé MORIN et Patrick HERR,
Députés.

Sécurité publique.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
L'utilisation de la marne pour amender les terres agricoles, pour être une méthode ancienne et naturelle, n'est pas sans danger, loin s'en faut. Cette technique, très répandue en Haute-Normandie où les plus anciennes marnières dateraient du xve, peut avoir des conséquences particulièrement tragiques aujourd'hui. Souvent réalisées de manière artisanale, ces marnières ont été abandonnées depuis de très longues années sans avoir été comblées et sans que leur localisation ait été relevée. Faute de connaître leur existence, les générations précédentes - mais aussi nos contemporains - ont donc pu réaliser des constructions sur des terrains particulièrement dangereux. S'ouvrant de façon inopinée, par exemple à la suite de fortes pluies, elles provoquent des effondrements qui peuvent être catastrophiques.
Ainsi, c'est un véritable drame qui s'est produit dans la nuit du samedi au dimanche 1er avril dans la commune de Neuville-sur-Authou et dont la presse locale a largement rendu compte. Dans la nuit, un cratère béant, dû à l'effondrement d'une marnière, a emporté, sur une circonférence d'une dizaine de mètres de diamètre, le jardin et une partie de la route le bordant, jouxtant une maison d'habitation. L'un des habitants, alerté par le bruit, est sorti de la maison et a chuté dans le trou, lequel n'a cessé de s'agrandir pendant la nuit. Les secours, bien qu'alertés immédiatement, ont dû renoncer à une opération de sauvetage immédiat, faute de pouvoir intervenir sur un terrain stabilisé. Le sous-préfet de Bernay a ainsi précisé que si tous les moyens avaient été immédiatement mis en _uvre pour sauver une vie humaine, il fallait veiller aussi à la sécurité de ceux qui interviennent. «Les pluies continuelles depuis un certain temps ne font qu'aggraver les risques», ajoutait-il. En dépit d'une succession de forages, notamment le creusement d'un puits de 31 mètres, les efforts pour sauver le jeune homme sont demeurés infructueux, la victime n'ayant pu échapper aux effondrements successifs, qui ont fini par combler la marnière. La personne mandatée par le ministère de l'Equipement pour répertorier les marnières dans le département a déclaré : « Dans cette commune, des marnières ont été répertoriées, pas plus, pas moins qu'ailleurs. Celle-ci ne l'était pas. Actuellement, il s'ouvre une dizaine de marnières par jour dans l'Eure. Les pluies, très abondantes, sont un facteur aggravant. Elles contribuent à faire céder les piliers de craie qui soutiennent les cavités des marnières. S'en suivent les effondrements actuels. »
Tous les effondrements de marnières ne prennent heureusement pas un tour aussi catastrophique. Mais, en toute hypothèse, il importe que les victimes soient indemnisées aussi rapidement que possible de tous les préjudices subis. Or, tel n'est malheureusement pas le cas.
Répondant aux nombreuses questions écrites posées par les parlementaires sur ce sujet, le Gouvernement a eu l'occasion de préciser que, dans certaines conditions, les effondrements de terrain pouvaient être qualifiés de catastrophe naturelle au sens de la loi du 13 juillet 1982, leurs effets pouvant alors être indemnisés à ce titre : l'état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté interministériel s'il est avéré, par un diagnostic préalable, que les dommages ont eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel et que les mesures habituelles de prévention n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises. Les pouvoirs publics apprécient donc au cas par cas si la rupture de la marnière est ou non la conséquence de l'action déterminante d'un agent naturel.
Mais cette procédure est souvent critiquée. Outre sa longueur excessive, elle est également contestable en ce qu'elle engendre des différences de traitement que les victimes, en particulier, ne peuvent que très difficilement admettre.
Or, il serait particulièrement souhaitable, compte tenu de la spontanéité des effondrements des marnières et du fait que leurs victimes se trouvaient dans l'ignorance de leur existence, que l'indemnisation des dommages puissent se faire aussi rapidement que possible. Tel est l'objet de la présente proposition de loi qui tend à étendre de façon systématique l'état de catastrophe naturelle à tout effondrement de marnière. En application de ce régime, les dommages matériels directs peuvent alors être indemnisés selon les clauses des contrats d'assurance et, dans certaines conditions, il peut être envisagé de recourir à la procédure d'expropriation. Toutefois, dans la mesure où la marnière n'est pas juridiquement définie, le souci d'éviter des contentieux conduit à préciser que le dispositif proposé ne serait applicable qu'aux seules communes figurant sur une liste établie par décret en Conseil d'Etat.
Enfin, et dans la mesure où la garantie de l'Etat peut être appelée, il est proposé de gager la proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

L'article L. 125-1 du code des assurances est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, l'état de catastrophe naturelle est systématiquement constaté lorsque la catastrophe a pour origine l'effondrement d'une marnière et qu'elle touche directement ou indirectement l'habitation d'un particulier. Un décret en Conseil d'Etat fixe la liste des communes dans lesquelles ce dispositif est applicable. »

Article 2

Les dépenses éventuelles pour l'Etat sont compensées par la majoration, à due concurrence, des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
N°3131- Proposition de loi de M.Morin permettant la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle à l'effondrement d'une marnière qui touche directement ou indirectement l'habitat d'un particulier(commission de la production).


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