N° 3241
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 juillet 2001.
PROPOSITION DE LOI
destinée à rapprocher les représentants français
au
Parlement européen de leurs électeurs.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

présentée
par MM. Hervé GAYMARD, Didier QUENTIN
et Christian JACOB,
Députés.
Élections et référendums.

EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les élections européennes battent des records d'abstention dans notre pays, qui pourtant connaît un taux de participation traditionnellement élevé. Il n'est nul besoin d'épiloguer sur ce constat : une démocratie où moins de la moitié des électeurs se déplace pour aller voter mangue singulièrement de soutiens. Or, comment avancer dans la construction européenne sans un véritable soutien populaire ? Comment lutter contre la méconnaissance des institutions européennes sans le relais d'élus de proximité ? Ne serait-ce que pour éviter de faire de la politique européenne le bouc émissaire commode des insuffisances des politiques nationales.
L'origine de ce désintérêt apparent est double : Elle est d'abord liée aux traités fondateurs de l'Union européenne, qui se sont empilés au point que l'on ne sait pas qui est responsable de quoi. En outre, malgré une évolution récente, dans le cas de co-décision, le Parlement européen ne dispose pas du pouvoir législatif qui appartient au Conseil des ministres. Les citoyens, au moins confusément, perçoivent cette réalité. Ce problème va, dans le prolongement du traité de Nice, faire l'objet de nombreux débats, jusqu'à l'échéance de 2004 fixée par ce dernier. La question posée est notamment celle de la pertinence de l'élaboration d'une charte fondamentale, ou d'une Constitution, clarifiant les responsabilités au sein des institutions européennes.
Une autre explication tient au mode de scrutin qui éloigne trop l'élu du citoyen. Il appartient au Parlement français de le modifier, car, à l'exception du nombre de représentants, le choix du mode du scrutin est de la compétence des législateurs nationaux. Le mode de scrutin, c'est-à-dire la représentation proportionnelle appliquée à des listes nationales, comporte l'inconvénient d'éloigner le représentant européen de ses électeurs. De même, il arrive souvent que des régions soient privées de représentation et ne puissent pas faire entendre leur voix alors que la compétence européenne concerne très directement les compétences régionales, en particulier avec les fonds structurels.
De cette analyse découle le premier impératif de la proposition de loi, conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel (qui admet que chaque département métropolitain puisse être représenté par un minimum de deux députés indépendamment de sa population) : assurer une représentation minimale de chaque région quelle que soit son importance démographique. Dans le dispositif proposé, toute région est assurée d'être représentée au moins par un représentant, même si sa population est inférieure à 843 811 habitants (1/72e de la population française).
Ce principe de représentation minimale posé, il convient de procéder au découpage. Dans un premier temps, nous avons procédé à la répartition des soixante-douze sièges de représentants entre les régions à la plus forte moyenne puis, dans un second temps, nous nous sommes attachés à procéder à un découpage de chaque région en autant de circonscriptions que de sièges à pourvoir ; notre démarche privilégie le cadre départemental mais la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les écarts démographiques admissibles nous a parfois imposé des regroupements ou des scissions de département, dans ces cas, nous avons obéi au principe de continuité territoriale en prenant comme unité de base la circonscription législative.
Le résultat de cette démarche conduira à un tableau annexé à une loi qui conditionnera l'entrée en vigueur de la présente proposition de loi. Ce tableau des circonscriptions sera élaboré par une commission de vingt membres composée à la proportionnelle des groupes politiques composant l'Assemblée nationale et le Sénat.
En effet, il n'est pas possible de rapprocher l'électeur de ses élus européens si le premier n'est pas capable de mettre un visage sur son représentant et, peut-être plus important, de pouvoir le rencontrer et le contacter lorsque le besoin s'en fait sentir, ce qui est impossible dans un scrutin de liste nationale.
Abandonner l'idée d'une liste nationale conduit également à donner une certaine autonomie aux représentants européens par rapport aux appareils partisans, ce qui correspond à l'esprit de la Ve République qui prohibe le mandat impératif.
S'agissant des modalités de l'élection des représentants européens, il est prévu de suivre les mêmes règles que pour l'élection des députés, y compris la présence d'un suppléant.
Tels sont, Mesdames, Messieurs, les motifs de la proposition de loi qui vous est soumise.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

Le chapitre II de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen est ainsi rédigé :

« Chapitre II
« Mode de scrutin

« Art. 3. - L'élection a lieu au scrutin uninominal majoritaire à deux tours.
« Art. 4. - Le vote a lieu par circonscriptions déterminées conformément à la procédure prévue à l'article 3 de la présente loi.
« Art. 4-1. - Nul n'est élu au premier tour de scrutin s'il n'a réuni :
« 1° La majorité absolue des suffrages exprimés ;
« 2° Un nombre de suffrage égal au quart du nombre des électeurs inscrits.
« Au deuxième tour, la majorité relative suffit.
« Seul peuvent être candidats au second tour les deux candidats ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages au premier tour.
« En cas d'égalité des suffrages, le plus âgé des candidats est élu.
« Art. 4-2. - Pour l'élection des représentants au Parlement européen, les articles L. 154 à L. 163 ; L. 174 à L. 175 et L.178-1, ainsi que L.O. 176 à L.O. 178-1 du code électoral sont applicables. »

Article 2

La présente loi ne pourra entrer en vigueur que lorsque sera promulguée la loi approuvant le tableau des circonscriptions électorales.
Une commission émet, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un avis sur le découpage électoral nécessaire à la mise en _uvre de la loi. Elle est présidée par le président du Conseil constitutionnel et est composée de vingt membres, désignés proportionnellement à leur importance par les groupes parlementaires représentés à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Proposition de loi de M. Hervé Gaymard destinée à rapprocher les représentants français au Parlement européen de leurs électeurs (commission des lois).


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