N° 3259
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 septembre 2001.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d'une commission d'enquête sur les trafics d'armes en provenance des anciennes zones de conflits des pays de l'Est.
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée
par M. Christian ESTROSI,
Député.

Armes.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Selon une étude publiée en 1999 par des observateurs du commerce international des armes, l'Europe constitue une plaque tournante du trafic d'armes à destination, notamment, des pays en voie de développement.
En effet, tandis que les pays de l'Est s'efforcent d'écouler leurs surplus d'armes lourdes et légères, l'Ouest propose aux trafiquants ses services en matière de blanchiment d'argent via des « banques et des sociétés situées dans des paradis fiscaux européens », nous indique le rapport. Ce domaine est étudié entre autre par la commission d'enquête sur le blanchiment d'argent.
Mais si l'accumulation et la diffusion excessives et incontrôlées des armes légères et de petit calibre représentent aujourd'hui un problème de dimension mondiale (en particulier dans les pays et zones de crises en situation instable du point de vue de la sécurité), la prolifération des armes de petit calibre et l'insuffisance des contrôles alimentent certaines de nos cités.
Le trafic d'armes de petit calibre apparaît également comme un problème grave, contribuant à l'augmentation du banditisme, de la contrebande et d'activités criminelles analogues. Le flou est tel que l'on trouve actuellement dans la catégorie des armes dites « légères » aussi bien des armes de poing que des lance-missiles, qui sont parmi les plus prisés par les fauteurs de guerre.
Or, la multiplication des attaques de convoyeurs de fonds et autres braquages de banque, qui se déroulent désormais à l'arme de guerre, à l'image du drame qui a eu lieu à Béziers le 2 septembre 2001, ont mis au jour la réalité d'un véritable trafic clandestin. Les habitants de certains de nos quartiers affirment même savoir que des grenades et autres armes de guerre fourmillent dans leur quartier (cf. journal de 20 heures du 3 septembre 2001).
C'est ainsi que notre pays est aujourd'hui confronté à l'installation sur notre territoire d'un nouveau type d'organisations criminelles émanant des anciennes zones de conflit (Albanie, ex-Yougoslavie), qui, une fois sur le sol européen, dispose de toute latitude pour cacher, stocker et utiliser ces armes de guerre à des fins criminelles.
Ainsi, dramatique est le constat dressé par certains responsables politiques selon lequel « des conflits armés dans les Balkans alimentent le marché. C'est si facile de faire passer n'importe quoi, si on circule en voiture, au travers des frontières de l'espace de Schengen, dès qu'on possède un passeport européen ».
Toutefois, en l'absence de comptage officiel systématique, ce sont les saisies policières rendues publiques qui confortent les allégations sur l'inflation d'armes lourdes. En novembre 2000, onze lance-roquettes ont été découverts dans un garage automobile à Nanterre (Hauts-de-Seine). La direction des Renseignements généraux a également recensé une «demi-douzaine d'affaires» de saisies d'armes de guerre : deux kalachnikov (à Roubaix et à Nanterre); des obus à Troyes (Aube); un pistolet-mitrailleur à Colombes (Hauts-de-Seine) et, le 27 août, information seulement révélée hier, un lance-roquettes découvert dans la banlieue lyonnaise.
Ces nouveaux visages de la criminalité, qualifiés « d'actes de guerre », s'ajoutent à une délinquance qui s'accroît de façon exponentielle, au point même que la petite délinquance, qui se contentaient de vieux équipements, ont désormais la possibilité de se fournir en armes plus sophistiquées, à des prix très concurrentiels. En banlieue parisienne, on trouvait des lance-roquettes en décembre à moins de 3 000 F et les kalachnikov se négociaient quant à eux autour de 15 000 F.
Les services de police se déclarent aujourd'hui dans l'impossibilité de lutter efficacement contre ces nouveaux trafics originaires des pays de l'Est. Ainsi, la police judiciaire et les Renseignements généraux connaissent certaines caches et stocks d'armes, mais ils s'avèrent impuissants d'agir faute d'une législation adéquate mais également faute de moyens.
C'est le dramatique constat effectué par les policiers de Béziers : « Les policiers de Béziers qui s'occupent de la cité de Devèze où résidait Safir Bghouia avaient révélé récemment l'existence d'un trafic d'armes de guerre, confirmé par un rapport des Renseignements généraux. Personne n'en a tenu compte », a déclaré lundi 3 septembre Jean-Jacques Comparot, responsable du Syndicat national des policiers en tenue (SNPT) de l'Hérault.
Face à cette situation, il apparaît nécessaire de mener en ce domaine une véritable évaluation de la situation et de ces nouvelles formes de délinquance afin d'adapter notre système légal et nos moyens de lutte.
C'est pourquoi il vous est proposé, Mesdames, Messieurs, de créer une commission d'enquête parlementaire chargée d'étudier ces phénomènes et de proposer les moyens adaptés à la lutte contre ces nouveaux types de trafics.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique

Il est créé, en application de l'article 140 du Règlement, une commission d'enquête parlementaire de trente membres sur les trafics d'armes en provenance des anciennes zones de conflits des pays de l'Est.
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3250 - Proposition de résolution de M. Christian Estrosi tendant à la création d'une commission d'enquête sur les trafics d'armes en provenance des anciennes zones de conflits des pays de l'Est (commission des lois)


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