N° 3288
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er octobre 2001.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
visant à créer une commission d'enquête
sur les
violences urbaines et les moyens d'y faire face.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée
par M. Renaud DONNEDIEU de VABRES,
Député.

Ordre public.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Hier niée ou occultée, la violence urbaine est devenue une réalité quotidienne. La rue, les lieux publics sont de plus en plus le théâtre d'actes de violence ou d'incivilités. L'augmentation du nombre de voitures incendiées, le développement de batailles de rue entre bandes rivales, la multiplication des échauffourées avec les forces de l'ordre et les services d'incendie ou plus simplement la multiplication des actes de petites délinquance, d'agressivité, d'incivilité, expliquent largement le renforcement du sentiment d'insécurité que partagent désormais 32 % de nos concitoyens contre 16 % il y a cinq ans. Si les crimes et les délits ont enregistré une hausse de 5,7 % en 2001, les chiffres de la délinquance auraient crû de 11,8 % au cours du premier trimestre de cette année. Policiers, magistrats et élus s'alarment par ailleurs du rajeunissement des populations impliquées dans des actes gratuits de destruction, de dégradation d'équipements collectifs et des vols. Par rapport à 1999, le nombre des mineurs mis en cause aurait officiellement augmenté de 3 % en 2000. Mais, selon la préfecture de police, la proportion de mineurs impliqués dans des crimes et délits est passée à Paris à 16,4 % en 2000 contre 13 % en 1999. Au-delà même de ces conséquences sociales, cette montée de la délinquance urbaine nourrit à travers le vol et le trafic de stupéfiants une économie souterraine fortement rémunératrice.
La fracture sociale, la crise, voire la disparition de nombre d'institutions qui constituaient hier autant de facteurs d'intégration, l'éclatement de la cellule familiale qui met à mal l'autorité parentale, la cohabitation délicate de populations socialement et culturellement différentes, les échecs de certaines formes d'urbanisation sont habituellement avancés pour expliquer ce phénomène. Mais force est de reconnaître que la France est aujourd'hui en quête de réponses. Au-delà des clivages idéologiques, les élus sont désemparés et cherchent des solutions sociales, policières et judiciaires à ce problème.
Si les études sur la question sont encore trop rares, les mesures prises pour enrayer cette délinquance urbaine ont montré leurs limites. La formule des conseils communaux de la prévention et de la délinquance s'est essoufflée. Les contrats locaux de sécurité sont critiqués pour ne pas impliquer assez les habitants. Les choix opérés en matière de logement social ne sont pas toujours pertinents. L'offre de médiation et d'animation socioculturelle est souvent loin d'être adaptée à la demande. La coordination entre les différents partenaires institutionnels sur le terrain est balbutiante. La transparence de l'utilisation des crédits de la politique de la ville est mise en doute. La capacité de surveillance et d'analyse des renseignements généraux ne semble pas toujours assurée. La présence de la police sur place fait problème, la généralisation de la police de proximité n'ayant même pas convaincu l'inspection générale de la police nationale, qui en a dressé un bilan critique. Le nombre des centres de placement immédiat et de centres d'éducation renforcée destinés aux mineurs délinquants est notoirement insuffisant. Pour lutter contre l'errance nocturne, nombre de communes ont été contraintes dans ces conditions d'instaurer un couvre-feu. Le Conseil d'Etat en a admis la légitimité le 9 juillet dernier, sous réserve que la mesure soit justifiée par l'existence de risques particuliers et soit adaptée par son contenu à l'objectif de protection poursuivi. Après Orléans, Cannes, Antibes et Colombes ont pris également des arrêtés afin que les mineurs non accompagnés ne puissent plus se rendre dans certains quartiers de ces villes après 23 heures. Assistera-t-on demain à une généralisation des couvre-feu ? Le couvre-feu constitue-t-il la seule réponse à la violence urbaine?
Pour faire face à ce désarroi, une réflexion d'ensemble associant parlementaires de tous bords au sein d'une commission d'enquête s'impose. Cette commission devra s'attacher à aller sur le terrain à la rencontre des élus, des fonctionnaires, des travailleurs sociaux, des associations et des citoyens exposés à la violence urbaine. Elle devra veiller à définir les termes de nouveaux rapports entre la prévention et la répression afin que l'autorité publique soit rétablie sur l'ensemble du territoire, garantissant à tous la sécurité ainsi que l'égalité devant la loi et la justice.
Les répercussions positives des travaux de la commission d'enquête sur la situation dans les prisons françaises nous ont montré que cette forme de contrôle de l'action gouvernementale peut être très utile pour notre société. C'est pourquoi nous vous demandons, Mesdames et Messieurs, d'adopter la proposition de résolution suivante.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique

Il est créé, en application des articles 140 et suivants du Règlement de l'Assemblée nationale, une commission d'enquête de trente membres sur les violences urbaines et les moyens d'y faire face.

N°3288-Proposition de résolution de M.Donnedieu de Vabres visant à créer une commission d'enquête sur les violences urbaines et les moyens d'y faire face.(commission des lois)


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