N° 3303
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 octobre 2001.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d'une commission d'enquête sur les pratiques de formation et de fixation des prix des biens et des services à l'occasion du passage à l'Euro, et notamment lors des opérations de conversion Franc/Euro.

(Renvoyée à la commission des finances, de l'économie générale et du plan, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée

par MM. Alain BOCQUET, François ASENSI, Gilbert BIESSY, Claude BILLARD, Bernard BIRSINGER, Patrick BRAOUEZEC, Jacques BRUNHES, Patrice CARVALHO, Alain CLARY, Christian CUVILLIEZ, Jean DUFOUR, René DUTIN, Daniel FEURTET, Mme Jacqueline FRAYSSE, MM. André GERIN, Pierre GOLDBERG, Maxime GREMETZ, Georges HAGE, Robert HUE, Mmes Muguette JACQUAINT, Janine JAMBU, MM. André LAJOINIE, Jean-Claude LEFORT, Patrick LEROY, Félix LEYZOUR, François LIBERTI, Patrick MALAVIEILLE, Roger MEÏ, Ernest MOUTOUSSAMY, Bernard OUTIN, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER, Michel VAXÈS et Jean VILA (1),

Députés.

(1) Constituant le groupe communiste et apparentés.
Consommation.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
La mise en circulation des pièces et billets en Euro le 1er janvier 2002, et la disparition définitive du Franc comme monnaie légale à compter du 14 février 2002 a comme conséquence concrète la modification des prix de centaines de milliers de biens et de services.
L'établissement des prix en Euro et la disparition à courte échéance d'une référence au prix en Franc, constitue une modification fondamentale qui peut être l'occasion de dérives importantes sur les prix avec un impact psychologique et économique d'autant plus conséquent dans un contexte marqué par la ralentissement de la croissance. Des règles précises sur les arrondis ont été fixées. Les professionnels et, en particulier, les grands distributeurs, se sont engagés à ne pas augmenter leur prix pendant la période cruciale de novembre 2001 à janvier 2002.
Nos concitoyens n'en continuent pas moins d'évoquer, dans toutes les enquêtes d'opinion, le risque majeur d'une flambée des prix à l'occasion du passage concret à l'Euro. Quatre français sur cinq craignent ainsi un dérapage des prix lors des conversions Franc/Euro. Ce risque n'est pas une vue de l'esprit. En effet, un certain nombre d'acteurs économiques ont, ces dernières semaines, manifestement anticipé le passage à l'Euro en augmentant souvent significativement les prix de nombreux biens et services de consommation courante.
Selon la revue « 60 millions de consommateurs », cette augmentation, sur un an, atteindrait 41 % sur un litre de lait, 38 % sur un baril de lessive, 20 % sur les yaourts et 12 % sur le litre d'eau minérale. Ce ne sont que quelques exemples.
Le ministère de l'économie et des Finances relativise l'ampleur du phénomène, mais le confirme cependant en s'appuyant sur les résultats d'une enquête réalisée par la direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes, réalisée en juillet et août derniers. Celle-ci souligne la réalité d'une hausse de prix dans la boulangerie, la coiffure ou encore le secteur de l'électroménager.
Le secrétariat d'Etat chargé du commerce et de la consommation, tout en précisant que ces augmentations sont davantage le fait des « fournisseurs » que des « distributeurs », a affirmé la volonté du gouvernement de ne pas laisser ce phénomène s'amplifier. Il évoque la possibilité d'engager des mesures réglementaires, et appelle nos concitoyens à faire preuve de vigilance, en considérant que faire jouer la concurrence était la meilleure réponse à apporter à cette dérive.
Ces mouvements de prix, à en croire l'enquête précitée, n'auraient, pour le moment en tout cas, pas d'incidence sur l'indice général des prix.
Cette flambée des prix constatée n'en demeure pas moins préoccupante, et appelle une réaction déterminée des pouvoirs publics. L'impact psychologique et économique de la multiplication des hausses de prix dans un contexte déjà particulièrement sensible ne saurait être sous estimé.
Le président de « Conso France » n'évoquait-il pas récemment le risque d'une chute de la consommation, qui pourrait engendrer un véritable choc économique, si la situation devait perdurer à l'automne?
Et de considérer que les pouvoirs publics ne doivent rien négliger pour éteindre cet incendie naissant, de même qu'ils ne devraient pas exclure de faire jouer les dispositions de l'ordonnance de 1986 qui permet de mettre en place un blocage temporaire des prix lors de circonstances exceptionnelles.
Les députés communistes, signataires de la présente proposition de résolution, partagent tant ce diagnostic que cette conviction. Ils avaient d'ailleurs défendu, lors de l'examen du projet de loi portant mesures urgentes de réformes économiques et financières, un amendement qui se proposait de confirmer que le passage à l'Euro relevait bien des circonstances exceptionnelles.
Ainsi, de la concertation avec les professions, du rappel à l'ordre jusqu'au blocage temporaire des prix, le gouvernement dispose réellement de moyens diversifiés et gradués d'agir. Les citoyens et consommateurs peuvent également beaucoup pour que les engagements pris par les fournisseurs et les distributeurs soient effectivement contrôlés. Encore convient-il de le leur en donner tous les moyens.
C'est dire combien il apparaît nécessaire d'aborder sans dogmatisme aucun la question de la durée du double affichage des prix en Franc et en Euro. Justifiant le respect strict de la suppression du double affichage à compter du 14 février, qui marquera la fin du Franc comme monnaie légale, le ministre de l'économie, des finances et de l'Industrie a évoqué, lors de l'examen du projet de loi précité (MURCEF), la nécessité de ne pas créer de confusion, et de favoriser l'appropriation la plus rapide possible par les Français de la nouvelle monnaie.
L'argument selon lequel le temps nécessaire à cette appropriation sera très variable entre nos concitoyens, mériterait pourtant d'être pris en considération. Le risque de dérive sur les prix, constaté ou prévisible après février 2002, ne pourra qu'être renforcé si on ne prend pas en compte le fait, comme toutes les études le confirment d'ailleurs, que des centaines de milliers de Français auront, au moins pendant plusieurs mois, des difficultés à se représenter la valeur exacte des biens et services facturés en Euro et l'impact effectif des augmentations intervenant durant cette période.
Un responsable régional de l'ordre des experts comptables vient ainsi, dans un entretien récent donné à quotidien économique, de se prononcer très clairement en faveur du maintien d'un double affichage des prix jusqu'en mai ou juin 2002, en affirmant de surcroît que c'est la meilleure façon pour les entreprises de jouer le jeu de la vérité des prix.
Le Parlement, en vertu de son rôle de contrôle de l'action du gouvernement et compte tenu des enjeux économiques et sociaux, se doit donc de porter une attention particulière à ce dossier.
Apporter une réponse adaptée à la « valse des étiquettes » aujourd'hui constatée, suppose d'évaluer l'ampleur du phénomène et la responsabilité respective des fournisseurs et des distributeurs. Il conviendrait plus généralement d'avoir une connaissance plus précise sur la manière dont sont aujourd'hui fixés les prix, notamment dans les secteurs d'activité mis en cause par l'enquête de la direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes.
Tel est le sens de la commission d'enquête que nous vous proposons de mettre en place, en acceptant de bien vouloir délibérer et adopter la proposition de résolution suivante.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique

En application des articles 140 et suivants du Règlement, est créée une commission d'enquête parlementaire de trente membres sur les pratiques de formation et de fixation des prix des biens et des services à l'occasion du passage à l'Euro, et notamment lors des opérations de conversion Franc/Euro.


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