N° 3342
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 octobre 2001.
PROPOSITION DE LOI
visant à promouvoir un commerce international équitable entre le Nord et le Sud.
(Renvoyée à la commission de la production et des échanges, à défaut de constitution
d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée

par MM. Yves NICOLIN, Jean-Pierre ABELIN, Claude BIRRAUX, Émile BLESSIG, Bernard BROCHAND, Pierre CARDO, Henry CHABERT, Jean-François CHOSSY, Georges COLOMBIER, Lucien DEGAUCHY, Yves DENIAUD, Léonce DEPREZ, Franck DHERSIN, Laurent DOMINATI, Dominique DORD, Nicolas FORISSIER, Yves FROMION, Claude GAILLARD, Claude GATIGNOL, Hervé GAYMARD, Germain GENGENWIN, Louis GUÉDON, Pierre HELLIER, Francis HILLMYER, Philippe HOUILLON, Michel HUNAULT, Mmes Anne-Marie IDRAC, Bernadette ISAAC-SIBILLE, MM. Aimé KERGUERIS, Robert LAMY, Édouard LANDRAIN, Jacques LE NAY, Lionnel LUCA, Jean MARSAUDON, Christian MARTIN, Patrice MARTIN-LALANDE, Pierre MENJUCQ, Pierre MICAUX, Pierre MORANGE, Hervé MORIN, Jacques PÉLISSARD, Bernard PERRUT, Jean-Luc PRÉEL, Didier QUENTIN, François ROCHEBLOINE, Michel VOISIN et Pierre-André WILTZER,

Députés.

Consommation.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
La multiplication des échanges commerciaux au cours des vingt dernières années et le formidable essor du commerce mondial n'ont pas eu que des conséquences positives. L'écart entre les pays du Nord et les pays du Sud n'a cessé de s'accroître et les inégalités se sont creusées au sein de ces derniers. Le prochain cycle de négociations au sein de l'OMC devrait davantage prendre en considération cette réalité; mais les pays en développement considèrent que leurs intérêts sont encore insuffisamment pris en compte.
A côté de ce cadre institutionnel, s'est instaurée depuis les années 60 une autre forme de dialogue, à l'initiative de différentes organisations soucieuses de promouvoir un mode de commerce entre le Nord et le Sud fondé sur le respect de principes d'ordre éthique. Aux pratiques commerciales jugées responsables de l'appauvrissement des pays du Sud devrait se substituer un système d'échanges propre à assurer l'auto-développement de ceux-ci et la mise en _uvre de relations commerciales plus justes.
Ainsi s'est progressivement développé en Europe un « commerce équitable » ayant pour principaux objectifs de payer aux petits producteurs le juste prix de leurs récoltes, d'améliorer les conditions de travail, de favoriser la réalisation de projets collectifs, de réduire le poids des intermédiaires et de mieux respecter l'environnement.
A titre d'exemple, une association hollandaise qui délivre un label de commerce équitable à des produits de consommation courante : café, thé, miel, banane, cacao, sucre et jus d'orange, indique que pour un paquet de café, vendu en grande surface entre 12 et 20 F, un petit producteur perçoit environ 1,20 F dans le système traditionnel, contre 4,75 F pour un produit labellisé vendu entre 15 et 22 F en grande surface. Ainsi, pour une tasse de café labellisé, le consommateur supporte un surcoût moyen de huit centimes, mais le producteur bénéficie d'un supplément de revenu de 40 %.
Certes, le commerce équitable ne peut, à lui seul, constituer un remède aux difficultés que connaissent trop de petits producteurs des pays du Sud, mais il constitue une voie que de nombreux consommateurs, soucieux de réduire les inégalités nées du commerce international, empruntent de plus en plus souvent. Selon les associations de consommateurs, il apparaît que le commerce équitable concerne 800 000 travailleurs, soit près de 5 millions de personnes, dans environ 45 pays. S'agissant de la consommation, le café équitable représente 5 % de parts de marché en Suisse et au Royaume-Uni. Les enquêtes de consommation convergent : à une démarche « qualité » s'ajoute désormais l'intérêt des consommateurs pour les conditions de production et de distribution. Aux Etats-Unis et en Europe, des initiatives privées ont conduit de grandes entreprises à respecter des codes de bonne conduite, portant par exemple sur l'interdiction ou la limitation du travail des enfants, les horaires de travail ou la liberté syndicale. Tel a aussi été le cas, notamment, de la Fédération mondiale de l'industrie et du sport, qui a défini un code de bonne conduite auquel ont adhéré de très grandes entreprises comme Adidas, Nike et Reebok. A également été créée une norme internationale, dite SA 8000, qui, à partir de critères sociaux reconnus par la plupart des conventions de l'Organisation internationale du travail, garantit les bonnes pratiques sociales de l'entreprise adhérente.
Pour que ces différentes initiatives aient un réel impact sur le comportement des consommateurs, au-delà de la réaction de sympathie qu'elles peuvent provoquer, il est nécessaire qu'elles soient portées à la connaissance du plus grand nombre. En France, en 1998, plus de 70 % des consommateurs se disaient disposés à payer plus cher un produit fabriqué dans des conditions socialement acceptables, mais de très nombreux consommateurs ne connaissaient pas encore l'existence du commerce équitable.
Il est donc proposé aujourd'hui de relayer l'initiative privée par la création d'un dispositif légal ayant pour objet d'instituer en France une norme équivalente à la norme SA 8000.
Le dispositif proposé retient deux idées principales. D'une part, instituer une certification pour tout produit ou denrée répondant à certaines conditions fixées dans un référentiel. D'autre part, affirmer le principe d'un contrôle effectué par des organismes indépendants ayant reçu l'agrément des ministères concernés.
Les modalités d'application de ces nouvelles règles seraient renvoyées à un décret en Conseil d'Etat. Ce décret pourrait ainsi définir un référentiel fondé sur les principes suivants : pour le producteur, les engagements porteraient sur le niveau de salaire, les normes de sécurité et d'hygiène, la liberté syndicale, l'interdiction de recourir au travail forcé et au travail des enfants, le respect de l'environnement ; pour l'acheteur, la garantie de payer un juste prix, l'aide au financement de projets de développement, le paiement à la commande, le respect de délais de production raisonnables, l'engagement de relations commerciales à long terme. S'agissant, par ailleurs, de la certification, elle devrait être confiée à un organisme indépendant, à savoir l'Association française de normalisation.
Ce dispositif prendrait place au sein du code de la consommation, en s'inspirant de la rédaction de l'article L. 115-27 relatif à la certification des services et des produits autres qu'alimentaires.
A ce stade de la procédure, il a paru souhaitable de proposer un dispositif concis qui pourra s'enrichir des fruits de la concertation avec toutes les parties concernées : associations, ministères et entreprises notamment. Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons d'adopter la proposition de loi suivante.

PROPOSITION DE LOI
Article unique

Avant la section 1 du chapitre V du titre Ier du livre Ier du Code de la consommation sont insérés une section et un article ainsi rédigés :

« Section 1 A
« Certification "commerce équitable"

« Art. L. 115-1-A. - Peut recevoir la certification « commerce équitable » tout produit ou denrée alimentaire répondant à des caractéristiques de production, d'achat et de commercialisation décrites dans un référentiel et faisant l'objet de contrôles effectués par des organismes certificateurs ayant reçu l'agrément des ministères en charge de l'économie, du commerce, du travail et de l'environnement.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application de cet article. »
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N°3342-Proposition de loi de M.Nicolin visant à promouvoir un commerce international équitable entre le Nord et le Sud.(commission de la production)


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