N° 3547
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 janvier 2002.
PROPOSITION DE LOI

instituant une peine minimale d'emprisonnement en matière correctionnelle en cas d'atteinte à des personnes protégées et notamment celles qui sont dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public.
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée
par M. Gérard HAMEL,
Député.

Droit pénal.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Le fondement de la sanction réside dans son exécution.
Or, en matière de peines correctionnelles, une infraction punie d'une peine d'emprisonnement n'implique pas systématiquement un séjour en prison pour son auteur.
En effet, lorsqu'un délit est puni d'une peine d'emprisonnement, d'une part, des peines de substitution peuvent être prononcées, et, d'autre part, le juge a le pouvoir et la liberté d'abaisser la peine de prison prévue par la loi sans avoir à justifier son choix par l'octroi de circonstances atténuantes.
Ce pouvoir ne se heurte d'ailleurs pas au respect d'un seuil minimum, aucune limite inférieure n'étant plus prévue pour l'emprisonnement.
Des faits graves peuvent donc rester parfaitement impunis, ce qui sécurise les auteurs de ces délits.
Il convient donc de frapper les esprits en prévoyant des peines d'emprisonnement fermes minimales et incompressibles pour les auteurs majeurs, et des peines fermes minimales et incompressibles d'internat éducatif ou de maison de correction, pour les mineurs.
Celles-ci doivent tout particulièrement s'appliquer dans les cas où il a été porté atteinte à des personnes dépositaires de l'autorité publique (policiers, gendarmes...) ou chargées d'une mission de service public (enseignants, pompiers, médecins...), lorsqu'il a été fait usage de violences physiques, de menaces ou d'outrages.
Il faut réaffirmer l'autorité de l'Etat.
A cette fin, il faut insister sur le sens de la sanction en assurant une répression efficace des infractions graves, et il faut dissuader toute atteinte dirigée contre les représentants de l'Etat qui doivent être protégés à l'occasion de l'exercice de leur mission ou de leur fonction.
Tel est, Mesdames, Messieurs, l'objectif poursuivi par la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

Le premier alinéa de l'article 132-19 du code pénal est ainsi rédigé :
« Lorsqu'une infraction est punie d'une peine d'emprisonnement, la juridiction peut prononcer une peine d'emprisonnement pour une durée inférieure à celle qui est encourue ; cependant, le respect d'une peine ferme minimale et incompressible est prévue aux articles 222-12, 222-13, 433-3 et 433-5. »

Article 2

L'article 222-12 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 222-12. - L'infraction définie à l'article 222-11 est punie de cinq ans d'emprisonnement dont deux ans fermes et incompressibles sont prononcés au minimum, et de 500 000 F d'amende lorsqu'elle est commise :
« 1° Sur un mineur de quinze ans ;
« 2° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse est apparente ou connue de son auteur ;
« 3° Sur un ascendant légitime ou naturel ou sur les père ou mère adoptifs ;
« 4° Sur un magistrat, un juré, un avocat, un officier public ou ministériel, un militaire de la gendarmerie, un fonctionnaire de la police nationale, des douanes, de l'administration pénitentiaire, un agent d'un exploitant de réseau de transport public de voyageurs ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l'auteur ;
« 5° Sur un témoin, une victime ou une partie civile, soit pour l'empêcher de dénoncer les faits, de porter plainte ou de déposer en justice, soit en raison de sa dénonciation, de sa plainte ou de sa déposition ;
« 6° Par le conjoint ou le concubin de la victime ;
« 7° Par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission ;
« 8° Par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ;
« 9° Avec préméditation ;
« 10° Avec usage ou menace d'une arme ;
« 11° Lorsque les faits sont commis à l'intérieur d'un établissement scolaire ou éducatif, ou, à l'occasion des entrées ou des sorties des élèves, aux abords d'un tel établissement.
« Les peines encourues sont portées à dix ans d'emprisonnement dont cinq ans fermes et incompressibles sont prononcés au minimum, et à 1 000 000 F d'amende lorsque l'infraction définie à l'article 222-11 est commise sur un mineur de quinze ans par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur.
« Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement dont trois ans fermes et incompressibles sont prononcés au minimum, et 700 000 F d'amende lorsque cette infraction est commise dans deux des circonstances prévues aux 1° à 10° du présent article.
« Les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement dont cinq ans fermes et incompressibles sont prononcés au minimum, et 1 000 000 F d'amende lorsqu'elle est commise dans trois de ces circonstances.
« Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables aux infractions prévues par le précédent alinéa. »

Article 3

L'article 222-13 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 222-13. - Les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail sont punies de trois ans d'emprisonnement dont un an ferme et incompressible est prononcé au minimum, et de 300 000 F d'amende lorsqu'elles sont commises :
« 1° Sur un mineur de quinze ans ;
« 2° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse est apparente ou connue de leur auteur ;
« 3° Sur un ascendant légitime ou naturel ou sur les père ou mère adoptifs ;
« 4° Sur un magistrat, un juré, un avocat, un officier public ou ministériel, un militaire de la gendarmerie, un fonctionnaire de la police nationale, des douanes, de l'administration pénitentiaire, un agent d'un exploitant de réseau de transport public de voyageurs ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l'auteur ;
« 5° Sur un témoin, une victime ou une partie civile, soit pour l'empêcher de dénoncer les faits, de porter plainte ou de déposer en justice, soit en raison de sa dénonciation, de sa plainte ou de sa déposition ;
« 6° Par le conjoint ou le concubin de la victime ;
« 7° Par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission ;
« 8° Par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ;
« 9° Avec préméditation ;
« 10° Avec usage ou menace d'une arme ;
« 11° Lorsque les faits sont commis à l'intérieur d'un établissement scolaire ou éducatif, ou, à l'occasion des entrées ou des sorties des élèves, aux abords d'un tel établissement.
« Les peines encourues sont portées à cinq ans d'emprisonnement dont deux ans fermes et incompressibles sont prononcés au minimum, et à 500 000 F d'amende lorsque l'infraction définie au premier alinéa est commise sur un mineur de quinze ans par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur.
« Les peines sont également portées à cinq ans d'emprisonnement dont deux ans fermes et incompressibles sont prononcés au minimum, et 500 000 F d'amende lorsque cette infraction, ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours, est commise dans deux des circonstances prévues aux 1° à 10° du présent article.
« Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement dont trois ans fermes et incompressibles sont prononcés au minimum, et 700 000 F d'amende lorsqu'elle est commise dans trois de ces circonstances. »

Article 4

L'article 433-3 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 433-3. - Est punie de deux ans d'emprisonnement dont neuf mois fermes et incompressibles sont prononcés au minimum, et de 200 000 F d'amende la menace de commettre un crime ou un délit contre les personnes ou les biens proférée à l'encontre d'un magistrat, d'un juré, d'un avocat, d'un officier public ou ministériel, d'un militaire de la gendarmerie, d'un fonctionnaire de la police nationale, des douanes, de l'administration pénitentiaire ou de toute autre personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, lorsqu'elle est soit réitérée, soit matérialisée par un écrit, une image ou tout autre objet.
« La peine est portée à cinq ans d'emprisonnement dont deux ans fermes et incompressibles sont prononcés au minimum, et 500 000 F d'amende lorsqu'il s'agit d'une menace de mort ou d'une menace d'atteinte aux biens dangereuse pour les personnes.
« Est puni de dix ans d'emprisonnement dont cinq ans fermes et incompressibles sont prononcés au minimum, et de 1 000 000 F d'amende le fait d'user de menaces, de violences ou de commettre tout autre acte d'intimidation pour obtenir d'une personne mentionnée au premier alinéa ou investie d'un mandat électif public soit qu'elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat, ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat, soit qu'elle abuse de son autorité vraie ou supposée en vue de faire obtenir d'une autorité ou d'une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable. »

Article 5

L'article 433-5 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 433-5. - Constituent un outrage puni de 50 000 F d'amende les paroles, gestes ou menaces, les écrits ou images de toute nature non rendus publics ou l'envoi d'objets quelconques adressés à une personne chargée d'une mission de service public, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de sa mission, et de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la fonction dont elle est investie.
« Lorsqu'il est adressé à une personne dépositaire de l'autorité publique, l'outrage est puni de six mois d'emprisonnement dont trois mois fermes et incompressibles sont prononcés au minimum, et de 50 000 F d'amende.
« Lorsqu'il est commis en réunion, l'outrage prévu au premier alinéa est puni de six mois d'emprisonnement dont trois mois fermes et incompressibles sont prononcés au minimum, et de 50 000 F d'amende, et l'outrage prévu au deuxième alinéa est puni d'un an d'emprisonnement dont six mois fermes et incompressibles sont prononcés au minimum, et de 100 000 F d'amende. »

Article 6

L'article 131-5 du code pénal est supprimé.

Article 7

L'article 20-2 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est ainsi rédigé :
« Art. 20-2. - La cour d'assises des mineurs ne peut prononcer à l'encontre des mineurs âgés de plus de treize ans une peine privative de liberté supérieure à la moitié de la peine encourue. Si la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité, elle ne peut prononcer une peine supérieure à vingt ans de réclusion criminelle.
« Toutefois, si le mineur est âgé de plus de seize ans, la cour d'assises des mineurs peut, à titre exceptionnel, et compte tenu des circonstances de l'espèce et de la personnalité du mineur, décider qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions du premier alinéa.
« En matière correctionnelle, les durées des peines applicables aux mineurs sont les mêmes que les durées des peines applicables aux majeurs. Un séjour en internat éducatif ou en maison de correction se substitue à l'emprisonnement. »
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3547 - Proposition de loi de M. Gérard Hamel instituant une peine minimale d'emprisonnement en matière correctionnelle en cas d'atteinte à des personnes protégées (commission des lois)


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