N° 3615
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 février 2002.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

tendant à moderniser les institutions.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE
par Mme Nicole CATALA,
Députée.
EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Une nouvelle phase de modernisation de notre vie politique doit être entreprise.
Marquée par l'effacement excessif du Parlement, la Constitution de la Ve République, si elle a été modifiée à de nombreuses reprises, demeure, à bien des égards, contraire a une revalorisation significative de la représentation nationale. Le « parlementarisme rationalisé », _uvre du Constituant de 1958, conjugué avec le fait majoritaire, s'est avéré, en réalité, un parlementarisme étouffé. Certes, des révisions constitutionnelles ont assoupli le régime des sessions, introduit timidement un ordre du jour prioritaire des assemblées et étendu le contrôle du Parlement sur le financement de la sécurité sociale, tandis qu'une loi organique a récemment amélioré le contrôle parlementaire sur le budget de l'Etat.
Mais les rapports entre le Gouvernement et le Parlement restent extrêmement déséquilibrés au détriment de celui-ci. Cette situation ne saurait perdurer sans provoquer la désaffection de nombre d'élus à l'égard de leur institution, la démobilisation des plus actifs d'entre eux et l'incompréhension de l'opinion à l'égard de l'impuissance de leurs représentants.
L'objet principal de la présente proposition de loi est de porter remède aux excès les plus manifestes qui caractérisent notre loi fondamentale : l'abus des amendements déposés au dernier moment par le Gouvernement; le vote bloqué de tout ou partie d'un texte; la procédure par laquelle un texte peut être considéré comme adopté par l'Assemblée nationale, alors qu'il n'a été ni discuté ni voté. Par ailleurs, le texte qui vous est soumis modernise les conditions d'examen et de transposition des textes communautaires.
L'article 1er de la présente proposition de loi tend à supprimer la faculté dont dispose le Gouvernement de « s'opposer à l'examen de tout amendement qui n'a pas été antérieurement soumis à la commission ». Désormais, aucun amendement non soumis à la commission compétente saisie au fond ne pourra être discuté en séance publique. On évitera ainsi les abus constatés lors de la discussion de quantité de textes de grande portée et consistant pour le Gouvernement à modifier de façon substantielle, après la discussion générale, le projet de loi sur lequel les orateurs viennent de s'exprimer. L'examen du projet de loi de modernisation sociale constitue à cet égard un exemple particulièrement significatif : au caractère étrange que revêtait la discussion d'un texte devenu subitement différent de celui qui vient d'être évoqué au cours de la discussion générale s'est ajoutée l'absence d'un délai suffisant de réflexion entre le dépôt et l'adoption de modifications non négligeables du projet de loi.
L'article 2 de la proposition tend à abroger un procédé particulièrement pernicieux - le vote bloqué - qui, combiné avec une disposition de notre règlement relative à la seconde délibération, conduit trop souvent à priver la discussion parlementaire de tout intérêt : même si les auteurs d'amendements très élaborés ont obtenu un vote favorable de l'Assemblée en se montrant plus convaincants que le Gouvernement, tout peut être remis en cause en fin de séance par une seconde délibération assortie du vote bloqué. Il y a là un germe puissant de démobilisation des parlementaires les plus actifs, les plus travailleurs, les plus motivés. Nous vous proposons donc de supprimer le vote bloqué, tandis qu'une proposition de résolution modifiant le règlement de notre Assemblée (art. 101) tendra à entourer de garanties la procédure applicable à la seconde délibération.
L'article 3 tend à supprimer la disposition qui revêt sans doute l'aspect le plus caricatural de notre Constitution : l'article 49-3 de celle-ci permet au Gouvernement de considérer un texte comme adopté par l'Assemblée nationale alors qu'il n'a été ni examiné, ni discuté, ni voté par elle. Cette disposition équivaut à mettre purement et simplement à l'écart l'assemblée issue du suffrage universel direct. Elle est extrêmement choquante, incompréhensible pour les citoyens et incompatible avec une démocratie moderne. Elle est enfin en contradiction avec le principe énoncé clairement par la Constitution elle-même : la loi est votée par le Parlement. Il vous est par ailleurs suggéré de moderniser le premier alinéa de l'article 49 afin de prévoir systématiquement une déclaration de politique générale ou un exposé du programme gouvernemental au début de chaque législature et à l'occasion de la formation d'un nouveau Gouvernement.
Les articles 4 et 5 modernisent notre dispositif d'examen des projets d'actes communautaires et de transposition des directives. Ainsi, les assemblées pourront désormais se prononcer par voie de résolution sur tout projet de texte communautaire, et non sur les seuls textes que lui soumet le Gouvernement. Enfin, pour éviter l'accumulation inconsidérée de textes non transposés, il y aura lieu désormais de délibérer tous les ans d'un projet de loi d'adaptation de notre législation. On évitera ainsi de se trouver dans une situation particulièrement critiquable, où le Gouvernement est conduit à procéder par ordonnances à la transposition de plusieurs dizaines de directives de grande portée, faute d'y avoir pourvu en temps utile par la voie législative.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons d'adopter la proposition de loi constitutionnelle suivante.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
Article 1er

Le deuxième alinéa de l'article 44 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Les amendements qui n'ont pas été soumis à la commission ne peuvent être mis en discussion. »

Article 2

Le dernier alinéa de l'article 44 de la Constitution est abrogé.

Article 3

I. - Le premier alinéa de l'article 49 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Le Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, engage, au début de la législature et à chaque changement de Gouvernement, la responsabilité de celui-ci sur son programme ou sur une déclaration de politique générale. »
II. - Le troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution est abrogé.
III. - En conséquence, au début de la quatrième phrase du deuxième alinéa du même article, les mots : « Sauf dans le cas prévu à l'alinéa ci-dessous » sont supprimés.

Article 4

Le deuxième alinéa de l'article 88-4 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Selon des modalités fixées par le règlement de chaque assemblée, des résolutions peuvent être votées, le cas échéant hors des sessions, sur tout projet, proposition ou document émanant d'une institution de l'Union européenne. »

Article 5

Après l'article 88-4 de la Constitution, est inséré un article 88-5 ainsi rédigé :
« Art. 88-5. - Le Gouvernement dépose chaque année un projet de loi tendant à adapter la législation aux dispositions communautaires. Ce projet est inscrit à l'ordre du jour prioritaire des assemblées. »
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3615 - Proposition de loi constitutionnelle de Mme Nicole Catala tendant à moderniser les institutions (commission des lois)


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