No 3634
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 février 2002.
PROPOSITION DE LOI

visant à éviter les recours abusifs dont sont régulièrement victimes les forces de l'ordre, notamment lors des contrôles d'identité, des interpellations ou des gardes à vue.
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE
par M. Thierry MARIANI,
Député.

Droit pénal.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
L'actualité nous livre quotidiennement des informations concernant les violences urbaines et l'accroissement préoccupant de l'insécurité sur l'ensemble du territoire national.
Cette situation est malheureusement confirmée par les statistiques qu'il nous est donné de consulter. Depuis 1997, la délinquance augmente régulièrement de plus de 5 % par an. Cette année, le nombre des crimes et délits a encore progressé, atteignant 7,69 % en France selon des informations rendues publiques le 28 janvier 2002 (quelque 4061792 faits délictueux ont été constatés en 2001 par les services de police et les unités de gendarmerie, contre 3771849 en 2000).
On constate également une inflation des actes de délinquance en zone rurale.
En outre, les délits commis sont donc de plus en plus violents et se caractérisent par une participation grandissante des mineurs. L'année dernière, 40 % des auteurs de vols avec violence avaient moins de dix-huit ans.
Cette situation est, sans nul doute, favorisée par le renforcement d'un sentiment d'impunité des délinquants, notamment parmi les mineurs qui n'ignorent pas la protection juridique dont ils bénéficient. A ce titre, des textes comme la loi sur la présomption d'innocence constituent malheureusement une incitation à la délinquance chez des jeunes conscients que cette loi (faute de moyens suffisants pour l'appliquer correctement) entrave les forces de l'ordre et la justice dans l'exercice de leurs missions.
Confrontés quotidiennement à une dégradation de leurs conditions de travail, les policiers éprouvent de plus en plus de difficultés à faire face à cette augmentation de la délinquance et au sentiment d'impunité des fauteurs de troubles. Ne disposant pas des moyens humains et financiers nécessaires, ils ont parfois le sentiment, malgré leurs efforts répétés, de ne pas être suffisamment soutenus et reconnus dans leurs fonctions.
En effet, que peuvent-il penser lorsque les risques qu'ils ont pris pour une arrestation aboutissent à la rapide libération du prévenu?
De même, les forces de l'ordre vivent très mal l'augmentation du nombre des dénonciations calomnieuses dont ils sont victimes, notamment lors des contrôles d'identité, des interpellations ou des gardes à vue. Cette situation est une conséquence directe du développement du sentiment d'impunité des délinquants qui connaissent très bien leurs droits même s'ils ignorent tout de leurs devoirs et, parfois même, de la différence entre le bien et le mal.
Il est indispensable de mettre un terme à une telle attitude qui illustre malheureusement la grave crise dans laquelle s'enfonce la société française, minée par l'insécurité et la perte du respect de l'ordre public.
Pour cela, cette proposition de loi prévoit un arsenal législatif capable de limiter efficacement les recours abusifs dont font trop souvent l'objet les forces de l'ordre.
Actuellement, l'article 226-10 du code pénal stipule que le délit de « dénonciation calomnieuse» est sanctionné par une peine pouvant aller jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 45734 € d'amende. Ce délit, qui n'est d'ailleurs pas spécifiquement réservé aux forces de l'ordre, vise à éviter, par exemple, le développement des accusations mensongères de mauvais traitement envers une personne appréhendée ou gardée à vue.
Cette protection est malheureusement insuffisante et ne permet pas, dans la situation actuelle, de limiter efficacement le nombre des dénonciations calomnieuses qui entravent les forces de l'ordre dans leurs missions et peuvent générer un préjudice psychologique considérable.
En conséquence, cette proposition de loi prévoit de renforcer ce dispositif des deux manières suivantes :
- Tout d'abord, elle augmente les peines prévues par l'article 226-10 du code pénal en cas de dénonciation calomnieuse contre un représentant des forces de l'ordre.
Actuellement sanctionné d'une peine pouvant aller jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 45734 € d'amende, ce délit devient passible de sept ans d'emprisonnement et de 76224 € d'amende.
- Ensuite, elle prévoit une utilisation plus fréquente de l'article 226-10 du code pénal en assurant sa publicité lors des contrôles d'identité, des interpellations et des gardes à vue.
Concrètement, lors d'un contrôle d'identité, d'une interpellation ou d'une garde à vue, les personnes concernées se verront rappeler, par les forces de l'ordre, les peines encourues (telles qu'augmentées par la présente proposition de loi) en cas de dénonciation calomnieuse à l'encontre d'un officier ou agent de police judiciaire.
Concernant spécifiquement la garde à vue, le code de procédure pénale énumère, en l'état actuel de la législation, un certain nombre d'informations qui doivent être délivrées par les officiers ou agents de police judiciaire aux personnes gardées à vue. Ces informations portent toutes sur les droits de la personne gardée à vue : droit d'être informée de la nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête, droit d'être informée des dispositions sur la durée de la garde à vue, droit de ne pas répondre aux questions posées... Dorénavant, afin que les personnes concernées aient aussi conscience de leurs devoirs, elles seront informées des risques qu'elles encourent en cas de dénonciations calomnieuses lors de la garde à vue.
L'adoption de cette proposition de loi permettrait donc de restaurer la confiance des forces de l'ordre, de faciliter leur travail de recherche de la vérité et de respect de la loi mais aussi de lutter contre le développement insupportable du sentiment d'impunité parmi les délinquants.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

Le premier alinéa de l'article 226-10 du code pénal est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Dans le cas où une telle dénonciation est effectuée contre un officier ou agent de police judiciaire, elle est punie de sept ans d'emprisonnement et de 76224 € d'amende. »

Article 2

Le premier alinéa de l'article 63-1 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elle est, par ailleurs, informée de son devoir de ne pas porter d'accusations mensongères relatives aux conditions de son interpellation ou de sa garde à vue et des peines prévues par l'article 226-10 modifié du code pénal en cas de dénonciation calomnieuse. »

Article 3

Le deuxième alinéa de l'article 78-4 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toute personne est, par ailleurs, informée de son devoir de ne pas porter d'accusations mensongères relatives aux conditions du contrôle d'identité dont elle a fait l'objet, et des peines prévues par l'article 226-10 modifié du code pénal en cas de dénonciation calomnieuse. »

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3634 - Proposition de loi de M. Thierry Mariani visant à éviter les recours abusifs dont sont régulièrement victimes les forces de l'ordre, notamment lors des contrôles d'identité, des interpellations ou des gardes à vue


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