N° 3680
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 mars 2002.
PROPOSITION DE LOI
relative à l'élection des députés.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE
par M. Gérard GOUZES,
Député.

Élections et référendums.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Les expériences successives de l'histoire électorale de notre pays depuis 1871 ont démontré qu'avec onze lois en cent-vingt ans, le législateur à constamment hésité entre l'efficacité procurée par des systèmes majoritaires plurinominaux ou uninominaux et des systèmes proportionnels plus soucieux de représentativité.
Un seul système semble aujourd'hui recueillir un très large consensus : celui adopté aux élections municipales de 1983 qui allie harmonieusement la représentation proportionnelle avec une prime majoritaire.
Aujourd'hui, alors que de nouveaux courants politiques sont apparus dans l'opinion publique, force est de constater qu'avec le mode de scrutin majoritaire actuellement en vigueur pour les élections législatives, des millions de voix peuvent se porter au premier tour sur des candidats qui, parce qu'ils ne veulent ou ne peuvent s'intégrer à des coalitions, sont exclus du second tour et, de ce fait, de toute représentation à l'Assemblée nationale.
Mais de nombreuse raisons s'opposent au choix d'une représentation proportionnelle intégrale.Ses principaux défauts sont l'émiettement politique et l'accentuation du poids des appareils des partis. Dans le contexte actuel, la représentation proportionnelle intégrale aggraverait l'incompréhension entre le citoyen et le politique. Il romprait le lien entre l'électeur et l'élu, qui constitue l'un des aspects essentiels de la vie politique française.
Le député pour lequel la Constitution exclut, en son article 27, tout mandat impératif représente la Nation tout entière. Par ses contacts quotidiens avec le peuple, il permet à la loi de tenir compte des exigences du concret, tout en restant l'expression de la volonté générale.
En outre, il faut bien convenir que l'application du scrutin proportionnel intégral ne donnerait pas, dans notre pays, des résultats comparables à ceux constatés dans les démocraties du nord de l'Europe, mais ouvrirait une période d'instabilité où les partis les moins représentatifs seraient les plus influents.
De ce double constat est née l'idée d'un mode de scrutin qui, à l'image du scrutin municipal de 1983, conserverait le caractère majoritaire garantissant la stabilité gouvernementale et politique indispensable à une démocratie moderne, mais instillerait une dose de représentation proportionnelle rendant le système plus démocratique.
Plusieurs méthodes permettraient de parvenir à cet objectif. L'une d'entre elles consisterait à conserver le scrutin majoritaire dans l'essentiel des départements et à introduire une représentation proportionnelle, sous une forme à définir, dans les départements les plus peuplés.
Mais cette introduction ne saurait concerner un grand nombre de départements, sauf à aboutir à un résultat équivalent, en termes de majorité introuvable, à celui du scrutin proportionnel intégral. Le scrutin majoritaire continuerait donc d'être appliqué dans la plus grande partie des départements.
D'autre part, si la représentation proportionnelle était introduite dans les départements les plus peuplés, là où le lien est déjà le plus ténu entre l'élu et les électeurs, ce phénomène ne pourrait qu'en être aggravé.
C'est pourquoi est proposé un système plus juste, qui consisterait à répartir nationalement soixante sièges au seul profit des formations politiques qui ne bénéficient pas du phénomène amplificateur du scrutin majoritaire et qui en subissent les inconvénients.
Il n'est en effet pas démocratique de priver de toute représentation ceux qui recueillent parfois des millions de voix au motif que l'efficacité majoritaire doit être la règle. Les principes de représentativité et d'efficacité peuvent être conciliés. C'est l'objet de la présente proposition.
Sa mise en _uvre nécessite également l'adoption d'une loi organique et, par conséquent, un accord assez large.
Concrètement, le système proposé, majoritaire avec une compensation de proportionnelle, signifie que, comme aujourd'hui, 577 députés seront élus dans des circonscriptions qu'il conviendra ultérieurement d'adapter aux résultats du dernier recensement. Mais, une déclaration préalable amènera les candidats qui le souhaitent à constituer des listes nationales au profit desquelles seraient comptabilisés ensemble les suffrages recueillis par eux.
Au soir du second tour seraient automatiquement exclues de la répartition des soixante sièges prévus pour le mode proportionnel les listes qui auraient obtenu un nombre d'élus supérieur à ce à quoi elles auraient eu droit à la représentation proportionnelle intégrale.
Ce système doit permettre aux formations pénalisées par le scrutin majoritaire de bénéficier d'une représentation nationale.
Les soixante sièges prévus pour cette représentation seraient alors répartis à la proportionnelle à la plus forte moyenne, déduction faite pour chaque liste nationale des voix recueillies au premier tour par ceux de ses candidats qui auraient pu être élus au scrutin majoritaire, au premier ou au second tour.
Enfin, il faut noter que pourraient figurer sur les listes nationales des candidats qui ne le seraient pas dans les circonscriptions.
Ainsi, l'Assemblée nationale ne pourrait plus se voir reprocher de ne pas représenter certains courants de la société française. Le nombre de ses membres serait augmenté puisqu'elle compterait alors 637 députés. Mais cet effectif la situerait dans la moyenne des assemblées des pays européens comparables, puisque, rappelons-le, la Chambre des députés italienne compte 630 membres, la Chambre des communes 650 et le Bundestag 656.
C'est au nom de cet équilibre entre démocratie, justice et efficacité qu'il vous est demandé de délibérer et d'adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

Sont insérés, avant l'article L. 123 du code électoral, la division et l'intitulé suivants :

« Section 1
« Députés élus dans les départements »
Article 2

L'article L. 123 du code électoral est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L. 123. - 570 députés sont élus dans les départements au scrutin uninominal majoritaire à deux tours. »

Article 3

Il est ajouté au chapitre II du titre II du livre Ier du code électoral une section 2 ainsi rédigée :

« Section 2
« Députés élus au plan national

« Art. L. 126-1. - 60 députés sont élus au scrutin de liste nationale à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel, dans les conditions prévues à l'article L. 126-2 ci-dessous.
« Art. L. 126-2. - Les sièges visés à l'article L. 126-1 sont repartis entre celles des listes nationales mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 157 dont le nombre de candidats proclamés élus à la suite du scrutin prévu à l'article L. 123 est inférieur ou égal à celui qui aurait résulté de l'application de la règle de la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne au total des suffrages que l'ensemble de leurs candidats ont recueillis au premier tour dudit scrutin.
« Les sièges sont attribués conformément à l'ordre de présentation des candidats sur chaque liste, compte non tenu de ceux qui ont déjà été proclamés élus en application de l'article L. 123 et du nombre de suffrages qui se sont portés sur eux.
« Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité de suffrages, le siège est attribué au plus âgé des candidats susceptibles d'être proclamés élus. »

Article 4

L'article L. 157 du code électoral. est remplacé par les dispositions suivantes :
« Les déclarations de candidature doivent être déposées, en double exemplaire, à la préfecture au plus tard vingt et un jours avant celui de l'ouverture du scrutin.
« Au plus tard quinze jours avant l'ouverture du scrutin doivent être déposées auprès du ministre de l'Intérieur les listes nationales constituées pour l'application de l'article L. 126-2. Ces listes sont signées des candidats et dressées dans l'ordre établi par eux. Elles ne peuvent comprendre moins de cent candidats ayant la qualité d'électeur dans au moins trente départements. Elles peuvent intégrer des personnes qui n'ont pas déclaré leur candidature en application du premier alinéa ci-dessus. Elles désignent un mandataire commun.
« Il est donné aux déposants un reçu provisoire de déclaration. »

Article 5

Après le premier alinéa de l'article L. 158 du code électoral, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas où une liste nationale constituée en application du deuxième alinéa de l'article L. 157 comporte des personnes qui n'ont pas déclaré leur candidature en application du premier alinéa du même article, le candidat tête de liste doit verser pour chacune d'entre elles un cautionnement de 1 000 F à la Caisse des dépôts et consignations. »

Article 6

La première phrase de l'article L. 159 du code électoral est ainsi rédigée :
« Si une déclaration de candidature ou le dépôt d'une liste nationale constituée en application du deuxième alinéa de l'article L. 157 ne remplit pas les conditions prévues aux articles précédents, le préfet ou le ministre de l'Intérieur saisit dans les vingt-quatre heures le tribunal administratif qui statue dans les trois jours. »

Article 7

Le premier alinéa de l'article L. 161 du code électoral est ainsi rédigé :
« Un récépissé définitif est délivré dans les quatre jours du dépôt de la déclaration de candidature ou du dépôt de la liste nationale constituée en application du deuxième alinéa de l'article L. 157 sur présentation du récépissé de versement du cautionnement, délivré par le trésorier-payeur général ou la Caisse des dépôts et consignations. »

Article 8

Après l'article L. 163 du code électoral, sont insérés deux articles L. 163-1 et L. 163-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 163-1. - Le retrait d'une liste nationale constituée en application du deuxième alinéa de l'article L. 157 prend la forme d'une déclaration signée du candidat tête de liste et contresignée par la majorité des membres de la liste.
« Le retrait individuel d'un candidat inscrit sur une liste nationale n'est pas autorisé.
« Art. L. 163-2. - En cas de décès d'un candidat figurant sur une liste nationale postérieurement à l'expiration du délai prévu au deuxième alinéa de l'article L. 157, il est procédé à la mise à jour de la liste par le dépôt auprès du ministre de l'Intérieur, en double exemplaire, dans les trois jours suivant le décès, d'une déclaration complémentaire signée du candidat tête de liste et d'un candidat nouveau appelé à compléter la liste au dernier rang.
« Toutefois, par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, demeurent valables sans modification les listes portant le nom d'un candidat décédé postérieurement au huitième jour précédant le scrutin. »

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3680 - Proposition de loi de M. Gérard Gouzes relative à l'élection des députés


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