N° 3690
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 avril 2002.
PROPOSITION DE LOI
relative à la création de parcs nationaux
de
deuxième génération.
(Renvoyée à la commission de la production et des échanges, à défaut de constitution
d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉE
par M. Guy TEISSIER,
Député.

Environnement.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
En matière de protection des espaces sensibles, la loi du 22 juillet 1960 relative à la création de parcs nationaux a marqué une véritable avancée en permettant une alternative à la réglementation très stricte en vigueur dans les «réserves naturelles» (loi du 2 mai 1930 modifiée par la loi du 1er juillet 1957).
A la suite de ce texte, sept parcs nationaux ont vu le jour en France, le premier ayant été celui de la Vanoise le 6 juillet 1963. Depuis près de trente ans, force est de constater que les objectifs fixés à ces derniers ont été globalement atteints, alors même qu'a priori il pouvait paraître impossible de concilier conservation, recherche scientifique et ouverture de l'espace au public, comme le prévoyait la loi de 1960.
Ce succès doit cependant être nuancé : ainsi, depuis celui de la Guadeloupe, le 20 février 1989, plus aucun parc national n'a pu être créé sur le territoire national. Bien plus, ces dernières années, plusieurs projets de ce type ont subi des échecs (Corse, forêt de Fontainebleau), souvent à cause du manque de souplesse du texte fondateur face aux nouvelles problématiques des espaces sensibles : si les sept parcs nationaux français ont pu être mis en place sans véritable obstacle, cela est probablement dû au fait que leurs territoires étaient relativement isolés. Aujourd'hui, les caractéristiques des sites susceptibles de faire l'objet d'une telle protection sont différentes : souvent peuplés, ces espaces remarquables se trouvent le plus souvent à proximité immédiate de grandes agglomérations. Les exemples ne manquent pas : forêt de Fontainebleau, pointe du Raz, massif des calanques...
Cette situation géographique favorise indéniablement le phénomène de surfréquentation commun, la plupart du temps, aux «Grands Sites».
Afin d'éviter que le succès de ces espaces ne signifie leur lente destruction, une politique de gestion est nécessaire. A ce titre, si l'Etat doit rester le garant d'une uniformité des réglementations entre les différents parcs, il n'en demeure pas moins que les collectivités et les acteurs locaux doivent être parties prenantes de ces projets d'aménagement du territoire.
En effet, la principale critique que l'on peut formuler à l'égard du texte de loi du 22 juillet 1960 est probablement sa difficulté à intégrer le concept de décentralisation de manière satisfaisante. Dès 1993, le groupe de réflexion sur les parcs nationaux, présidé par M. Edgard Pisani, mettait en exergue ce problème : «Si, devant l'émergence des pouvoirs territoriaux, reconnue par le mouvement de la décentralisation, il est essentiel que l'Etat, garant en dernier ressort du patrimoine naturel, conserve la volonté et le moyen de faire (...), il doit, dans le même temps, associer aux informations, aux décisions et aux risques les acteurs locaux; ceux-ci doivent se sentir et se comporter comme les premiers responsables de la protection du bien commun.» (1)
(1) Groupe de réflexion sur les parcs nationaux, présidé par M. Edgard Pisani, Pour la définition, la protection et la gestion d'un réseau d'espaces naturels. Secrétariat d'Etat auprès du Premier ministre chargé de l'environnement et de la qualité de la vie, 15 avril 1983, p. 3.
Dans ses conclusions, le groupe de réflexion préconisait déjà la mise en place de nouveaux moyens juridiques dans le domaine de la préservation de l'environnement, afin d'intégrer au mieux cette problématique d'une meilleure participation locale, sans pour autant préciser lesquels : «les techniques utilisées peuvent être diverses, et au-delà des textes actuels concernant les parcs nationaux, les réserves naturelles, les classements de sites, le processus actuel de décentralisation permettra certainement d'inventer des moyens nouveaux permettant d'assurer la pérennité de notre patrimoine naturel national avec l'accord de tous, et d'abord des collectivités concernées» (1).
(1) Groupe de réflexion sur les parcs nationaux, présidé par M. Edgard Pisani, Premiers axes de mise en _uvre du rapport du groupe de réflexion. Secrétariat d'Etat auprès du Premier ministre chargé de l'environnement et de la qualité de la vie, 10 mai 1983, p. 2.
Cet espoir semble avoir été partiellement déçu puisque depuis 1993 aucun «nouveau moyen» significatif n'a vu le jour dans le domaine des espaces protégés.
Seule la récente loi relative à la démocratie de proximité a innové en la matière. En effet, cette dernière, adoptée en commission mixte paritaire au Parlement en janvier 2002, prévoit de nouveaux transferts de compétences vers les collectivités, notamment les conseils régionaux. Dans le domaine de l'environnement, ceux-ci se voient octroyer la possibilité de créer et de gérer des réserves naturelles. Auparavant, les réserves naturelles ne pouvaient être créées que par décret. Une telle réforme constitue donc une avancée en terme de décentralisation. C'est sur cette voie que doivent s'engager les futurs parcs nationaux, afin d'être compatibles avec les nouvelles aspirations des acteurs locaux.
Le décret d'application de la loi du 22 juillet 1960 prévoit explicitement que les parcs nationaux doivent être gérés par des établissements publics nationaux. A titre d'exemple, l'autorité administrative peut confier la gestion d'une réserve naturelle à un établissement public, une association, une fondation, une collectivité ou un propriétaire.
Cette souplesse de gestion n'existe donc pas pour les parcs nationaux. Les établissements publics nationaux sont sous la tutelle directe du concerné, ce qui constitue un obstacle non négligeable à l'implication des acteurs locaux dans le processus décisionnel de la structure.
Dans le cas des parcs nationaux existants, les collectivités et des personnalités sont intégrées au conseil d'administration des établissements publics. Cependant, il est indéniable que le poids des premières n'est que relatif du fait que le financement de la structure est principalement assuré par l'Etat. Le rôle de l'Etat est également déterminant vis-à-vis du groupe des personnalités puisque ces dernières sont nommées par le ministre chargé de la protection de la nature (code rural, R. 241-18).
Le but de cette proposition de loi est donc d'appliquer le concept de décentralisation aux établissements publics nationaux gérant les parcs nationaux, mais aussi éventuellement tous les établissements publics nationaux susceptibles de traiter des problématiques territoriales impliquant à la fois des intérêts nationaux et des intérêts locaux. En effet, si le concept de décentralisation est séduisant, il n'en demeure pas moins que l'Etat doit rester garant d'une homogénéité des règles de gestion des structures contribuant à la réalisation d'objectifs nationaux.
A cet effet, cette proposition de loi propose la création d'un nouveau type d'établissement publie national, permettant aux acteurs locaux de jouer un rôle plus en accord avec leurs attentes : les établissements publics nationaux à vocation régionale.
Ainsi, les collectivités locales auront la possibilité de réclamer la création de tels établissements et de participer plus largement au financement de ceux-ci, tout en ouvrant davantage les conseils d'administration à la société civile locale.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

Les collectivités territoriales, leurs groupements et les acteurs locaux peuvent constituer avec l'Etat un établissement public national à vocation locale, chargé de la gestion de parcs nationaux.

Article 2

Cette structure permet la protection d'un territoire aux caractères exceptionnels, par une gestion concertée associant les services de l'Etat, garant de la mission nationale de préservation de l'environnement, et les acteurs locaux concernés.

Article 3

Les établissements publics nationaux à vocation locale des parcs nationaux doivent permettre de prendre en compte l'intérêt croissant des collectivités locales et de leurs administrés pour leur territoire.

Article 4

La création d'un établissement public national à vocation locale peut intervenir à la demande de l'Etat, mais aussi dans des conditions qui seront fixées par décret par les collectivités locales concernées, ou leurs groupements.

Article 5

L'établissement public national à vocation locale est administré par un conseil d'administration et son président. Il est dirigé par un directeur.
Le président est élu en son sein par le conseil d'administration.

Article 6

Le conseil d'administration de l'établissement public national à vocation locale est composé :
· De représentants de l'Etat;
· De représentants des collectivités territoriales ou de leurs groupements, désignés en leur sein par leurs conseils ou leurs organes délibérants. Le nombre de représentants de l'Etat doit être égal au nombre de représentants des collectivités territoriales ;
· De personnalités qualifiées désignées à égalité par les collectivités territoriales, leurs groupements et l'Etat;
· De représentants des acteurs locaux concernés, désignés dans des conditions qui seront fixées par décret;
· De représentants du personnel.

Article 7

Le conseil d'administration détermine la politique de l'établissement, approuve son budget et en contrôle l'application.
Il approuve les créations, modifications et suppressions d'emplois.

Article 8

Le directeur est nommé par le conseil d'administration parmi une liste de candidats établie conjointement par les institutions publiques qui y sont représentées.

Article 9

Les ressources de l'établissement public national à vocation locale comprennent des subventions et des concours financiers de l'Etat, mais également des collectivités territoriales concernées, et de leurs groupements.
Les ressources pourront aussi comprendre des contributions diverses qui seront déterminées par décret.

Article 10

Les charges éventuelles qui découleraient, pour les collectivités locales, de l'application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement et de la dotation générale de décentralisation.
Les charges qui incomberaient à l'Etat sont compensées, à due concurrence, par une augmentation des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

3690 - Proposition de loi de M. Guy Teissier relative à la création de parcs nationaux de deuxième génération


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