N° 2297

__________

ASSEMBLÉE NATIONALE

    CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

    ONZIÈME LÉGISLATURE

    Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 29 mars 2000.

    RAPPORT

    FAIT

    AU NOM DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE (1)
    SUR LA TRANSPARENCE ET LA SECURITE SANITAIRE
    DE LA FILIÈRE ALIMENTAIRE EN FRANCE

    Président

    MFélix LEYZOUR,

    Rapporteur

    MDaniel CHEVALLIER,

    Députés.

    --

    Tome I

    RAPPORT

    (1) La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

Agro-alimentaire.

    Cette Commission est composée de : MM. Félix LEYZOUR, Président, M. André ANGOT, Mme Monique DENISE, Vice-présidents MM. Pierre CARASSUS et Jean-François MATTEI, Secrétaires, M. Daniel CHEVALLIER, Rapporteur ; MM. André ASCHIERI, Jean BARDET, Alain CALMAT, Patrice CARVALHO, Mme Laurence DUMONT, MM. Renaud DUTREIL, Jean-Pierre FOUCHER, Claude GATIGNOL, Jean GAUBERT, Hervé GAYMARD, Germain GENGENWIN, Michel GRÉGOIRE, Mme Odette GRZEGRZULKA, MM. François GUILLAUME, Pierre LELLOUCHE, Patrick LEMASLE, Jean MICHEL, Gilbert MITTERRAND, Joseph PARRENIN, Jacques PÉLISSARD, Mmes Annette PEULVAST-BERGEAL, Michèle RIVASI, MM. François SAUVADET et Jean-Luc WARSMANN.

    SOMMAIRE

Avant propos de M. Félix Leyzour, Président de la Commission d'enquête

9

INTRODUCTION

11

PREMIERE PARTIE

 

NOURRIR

   

21

I.

DEFINIR

     

21

 

A.

L'Europe

   

22

 

B.

La Sécurite

   

22

 

C.

La Transparence

   

24

   

1.

L'étiquetage

 

24

   

2.

La traçabilité

 

28

 

D.-

Les Aliments

   

29

   

1.

Le Code civil

 

30

   

2.

Le Traité de Rome

 

30

   

3.

Le Code de la consommation

 

31

   

4.

La mise à l'écart du législateur

 

33

   

5.

La "malbouffe"

 

35

II.

COMPTABILISER

     

39

 

A.-

Une production en hausse en valeur absolue,
en baisse en valeur relative

   


39

 

B.

Un volume d'échanges considérable

   

49

 

C.

Une consommation qui se maintient à un niveau respectable

   

54

   

1.

1978-1998 : l'évolution des dépenses alimentaires sur 20 ans

 

55

   

2.

1990-1998 : l'évolution des dépenses alimentaires sur 8 ans

 

59

III.

COMBATTRE

     

73

 

A.

Des risques multiples

   

74

   

1.

Les risques mesurés par les enquêtes d'opinion

 

74

   

2.

Les risques évoqués par les associations de consommateurs

 

76

 

B.

Des risques identifiés

   

91

   

1.

Les contaminations : l'ESB, les listérias.....

 

93

   

2.

Les déséquilibres nutritionnels

 

120

   

3.

Le cas des organismes génétiquement modifiés

 

121

 

C.

Des risques difficilement mesurables

   

128

   

1.

Les incidences directes

 

128

   

2.

Les causes indirectes

 

129

   

3

Le bilan

 

130

IV.

DEBATTRE

     

133

 

A.

Débattre avec le monde agricole

   

134

   

1.

L'approche transversale :les grandes organisations représentatives

 

136

   

2.

L'approche verticale : les grandes filières

 

144

   

3.

L'approche locale : Les Côtes d'Armor

 

152

   

4.

Le débat avec les vétérinaires" de terrain"

 

153

 

B.

Débattre avec le monde industriel

   

156

   

1.

Les industries chimiques et phytosanitaires

 

156

   

2.

Les industries de l'alimentation animale, de l'abattage et de l'équarrissage

 

165

   

3

Les industries agro-alimentaires

 

170

 

C.

Débattre avec le monde des services

   

187

   

1.

Débattre avec le négoce et la distribution

 

188

   

2.

Débattre avec la restauration

 

199

 

D.

Le consommateur est-il suffisamment éduqué pour ne pas courir un risque à son domicile ?

   


203

           

DEUXIEME PARTIE

 

LEGIFERER

   

207

I.

COMPARER

     

209

 

A.

La complexité

   

209

   

1.

Le Codex alimentarius

 

210

   

2.

Le droit communautaire

 

214

 

B.

La diversité

   

216

   

1.

La diversité des structures

 

217

   

2.

La diversité des aptitudes

 

227

II.

CONJUGUER :

     

229

 

A.

Le Livre blanc de la Commission européenne peut-il être le présage...

   

229

 

B.

...d' une plus grande clarté normative en Europe ?

   

230

III.

POURSUIVRE

     

238

 

A.

La loi du 1er juillet 1998 relative à la veille sanitaire

   

238

 

B.

La loi d'orientation agricole

   

242

IV.

AMELIORER

     

251

 

A.

Disposer d'un outil permettant d'obtenir chaque année la vue la plus objective possible de la filière alimentaire

   


251

   

1.

Les contrôles de la DGAL et de la DGCCRF

   
   

2.

Les contrôles de l'OAV

   
 

B.

Disposer en droit français d'un texte qui enserre l'ensemble des règles relatives à l'alimentation

   

295

 

C.

Disposer d'une organisation administrative qui soit à même de répondre sans délai aux situations de crise

   

311

 

D.

Disposer de normes fondées sur le principe de précaution

   

335

CONCLUSIONS de la Commission d'enquête

361

EXPLICATIONS DE VOTE DES GROUPES POLITIQUES

371

ANNEXE : Rapport de l'Office Alimentaire et Vétérinaire de l'Union européenne
sur l'ESB en France

379

    NOTA BENE

    Au moment de l'impression, le tableau des pages 259 et suivantes

    a subi un incident. Celui-ci mettant en cause la forme et non le fond

    est néanmoins publié en l'état

    L'énoncé du mandat de la commission d'enquête

    Résolution

    créant une commission d'enquête sur la transparence

    et la sécurité sanitaire de la filière alimentaire en France

    Article unique

    Il est créé, en application de l'article 140 du Règlement, une commission parlementaire de trente membres chargée d'enquêter sur les méthodes de production des denrées destinées à l'alimentation humaine comme animale, ainsi que le contrôle auquel elles sont soumises.

    Cette commission s'intéressera notamment :

    à l'utilisation dans l'élevage des farines, graisses, et plus généralement des dérivés animaux, ainsi qu'à leur obtention ;

    à la sécurité liée aux méthodes de production et de transformation de la chaîne agroalimentaire vis-à-vis des diverses formes de contamination bactérienne, chimique ou physique et éventuellement liées à l'épandage des boues de station d'épuration sur les terres agricoles ;

    aux questions que pose l'incorporation d'aliments issus du génie génétique à des préparations proposées au consommateur ;

    aux problèmes résultant de l'adoption de normes différentes en Europe et hors d'Europe, par exemple en matière de recours aux activateurs de croissance dans l'élevage ou de « normes de bien-être animal ».

    Un bilan sera dressé des garanties, en particulier en termes de santé publique, que présente le système agroalimentaire français - notamment tel que récemment dessiné par la loi d'orientation agricole - au regard de ces risques.

    Délibéré en séance publique, à Paris, le 7 octobre 1999.

    Le président,

    Signé : Laurent FABIUS

AVANT-PROPOS de M. Félix LEYZOUR,

président de la commission d'enquête

Avec la publication de ce rapport de Monsieur Daniel Chevallier, s'achève le travail de la commission d'enquête que j'ai eu l'honneur de présider.

Mise en place le 20 octobre, la commission a conduit ses travaux à un rythme soutenu. Elle a entendu quatre membres du Gouvernement Français, les Préfets des Côtes d'Armor à Saint-Brieuc et des Yvelines à Versailles, entourés de leurs principaux collaborateurs. Elle a procédé à l'audition des plus grands experts et des principaux responsables institutionnels et organisé une dizaine de forums qui ont mobilisé près d'une centaine de personnalités : les principaux dirigeants agricoles, ceux du monde industriel et des services, sans oublier les associations de consommateurs, ni les grandes centrales syndicales. Elle a rencontré les acteurs « de terrain » qui sont le premier maillon d'alerte et d'intervention lorsqu'un problème est posé. Elle a appelé les Français eux-mêmes à se prononcer via Internet. Ses travaux ont conduit aussi la commission d'enquête à entendre à Berlin, Mme la Secrétaire d'Etat à la Santé de l'Allemagne, l'Ambassadeur du Royaume-Uni en France et quatre commissaires européens à Bruxelles.

Le présent rapport et tous les comptes-rendus des auditions et des forums qui lui sont annexés permettent de faire un tour, pratiquement complet, de la question relative à la transparence et la sécurité sanitaire de la filière alimentaire en France.

Au terme de cette enquête, je crois qu'on peut dire que la sécurité sanitaire des aliments en France n'a sans doute jamais été aussi bonne qu'aujourd'hui. Mais ce qui est également vrai, c'est que si on va de l'amont à l'aval de la production, en passant par l'alimentation des animaux, le génie génétique, le stade de la production elle-même, celui de la transformation, ceux du conditionnement, du transport, du stockage chez les consommateurs, il y a, dans et entre les maillons de cette longue chaîne, des risques de dysfonctionnement qui peuvent avoir de graves conséquences pour les consommateurs, mais aussi pour les producteurs.

Les accidents qui interviennent encore malheureusement ont des causes diverses. Ils résultent pour une large part, semble-t-il, de la pression permanente sur les coûts de production et de fabrication.

Il ne fait pas de doute qu'une rémunération correcte du travail, une coopération toujours plus poussée entre la recherche, les services vétérinaires, les douaniers, les salariés de l'agroalimentaire, les agriculteurs et les consommateurs sont de nature à écarter les dangers et à limiter les risques.

Dans les objectifs qui lui étaient également fixés, la commission avait aussi l'étude des problèmes résultant des normes différentes qui existent en Europe et dans les autres pays du monde. Je pense qu'un des objectifs est précisément de combattre ce qui tendrait à tirer notre système vers le bas et d'agir pour tirer le système européen vers le haut. Il faut également intervenir au plan mondial pour une plus grande sécurité alimentaire.

A cet égard, la commission européenne vient de publier un « Livre Blanc » et envisage la création d'une « autorité » à l'image de l'AFSSA. Je pense que la sécurité sanitaire alimentaire est un des points sur lesquels la prochaine présidence française pourrait mettre l'accent au niveau européen en prenant appui sur les travaux de la présente commission.

Qu'il me soit permis de remercier tous les députés membres de la commission qui ont su, sans agressivité, mais aussi sans complaisance, pousser le plus loin possible toutes nos investigations afin d'aller au fond des choses et de répondre à l'attente des Français.

Les rapports parlementaires, comme la plupart des rapports, sont souvent austères. Je ne doute pas que le style élégant du rapporteur et le sens de l'humour qu'il manifeste, sans jamais entamer la densité et la profondeur de la réflexion seront de nature à soutenir l'attention des lecteurs de ce document.

Félix LEYZOUR

Président de la Commission

INTRODUCTION

· La commission d'enquête parlementaire : un instrument de réflexion et de proposition mis au service des intérêts supérieurs de la nation

Par une contradiction dont nul n'a jamais réussi à percer le secret, la République bénéficia au début du siècle précédent, avec Alain1, du penseur le plus favorable à ses destinées en même temps que du chroniqueur le plus féroce à l'égard de ses représentants !

Pourtant, et c'est heureux, l'antiparlementarisme d'Alain s'efface avec respect devant une institution - la seule, il est vrai, qui lui agrée : la commission d'enquête parlementaire dont les conclusions estime-t-il « éclairent tout...non pas comme ces immenses enquêtes à forme statistique » mais parce qu'au travers de ses procès-verbaux « le lecteur moyen en apprend plus en une demi-heure sur la politique et sur la finance qu'il ne le ferait en des ouvrages statistiques, et en y usant dix ans de sa vie. »2

Sans doute serait-il très excessif de prendre pour argent comptant cette élogieuse appréciation tant il est vrai qu'il ne suffit pas qu'une commission - fût-elle parlementaire - élabore un rapport pour que celui-ci soit a priori satisfaisant ; d'autant que les membres d'uns commission d'enquête ne disposent pas de l'essentiel, c'est-à-dire de tout le temps nécessaire pour accomplir leur mission, non à cause du délai de six mois que leur accorde l'ordonnance de 1958 mais parce qu'aucune disposition ne vient les décharger de leurs tâches habituelles à savoir - et ce n'est pas rien - l'élaboration de la loi mais aussi cette mission - consubstantielle à tout élu de la République - d'intermédiation entre les électeurs de sa circonscription et les administrations !

Et pourtant, une heureuse conjonction de facteurs tend à briser sans cesse un si lourd handicap.

Le sujet d'une commission d'enquête (qu'il s'agisse soit d'un sujet d'actualité d'une particulière gravité - ainsi de la Corse ou du désastre de l'Erika -, soit d'un important sujet de société - ainsi des grands groupes industriels, de service et financiers ou des prisons -) a toujours la vertu de mobiliser les énergies.

Or dans le cas d'espèce, la commission d'enquête sur la transparence et la sécurité de la filière alimentaire en France se sera vu confier une mission qui, non contente de présenter à elle seule ce double aspect, se sera révélée totalement en phase sinon avec toutes les solutions du moins avec les préoccupations de la commission de l'Union Européenne quant à la nécessité de régler au mieux et au plus vite les problèmes relatifs à la sécurité alimentaire des Français et, au-delà, de tous les ressortissants de l'Union.

L'enquête a porté, en effet, sur un sujet de société d'une importance éminente : la préservation conjointe de la qualité de l'alimentation et de la santé de nos contemporains.

L'enquête a porté, au surplus, sur deux sujets d'actualité puisqu'elle a été intimement liée à l'embargo des viandes britanniques suspectées de présenter des risques graves pour la santé humaine et aux deux épidémies successives de listeria de décembre 1999 et février 2000.

Enfin, l'enquête s'est trouvée totalement en phase avec les préoccupations - sinon les solutions - de la Commission européenne, puisque, c'est au moment même où la commission d'enquête se trouvait à Bruxelles que, de son côté, la Commission européenne s'apprêtait à rendre public son Livre blanc sur la sécurité alimentaire.

Dès lors si, dans tous les cas, le président, le rapporteur, les membres d'une commission d'enquête, pris par le caractère intangible de la mission que leur a confiée la représentation nationale, font délibérément l'impasse sur leurs tâches habituelles, sur leurs obligations locales, voire sur leur vie de famille, il s'est ajouté dans le cas d'espèce un surcroît d'énergie qui explique l'ardeur inaccoutumée à répondre à la question posée.

Outre le simple bon sens - émanation de ce sentiment populaire dont ils sont les représentants - beaucoup de parlementaires n'ont pas oublié les leçons tirées de leurs expériences antérieures  ; et c'est ainsi que la commission aura pu faire fond sur les connaissances :

- de quatre exploitants agricoles  : MM. Jean Gaubert, François Guillaume (lui-même ancien ministre de l'Agriculture), Patrick Lemasle et Joseph Parrenin,

- d'un gérant de coopérative agricole : M. Germain Gengenwin,

- d'un technicien agricole : M. Michel Grégoire,

- de deux docteurs vétérinaires : MM. André Angot et Claude Gatignol,

- de trois professeurs de médecine : MM. Jean Bardet, Alain Calmat (lui-même ancien ministre délégué à la jeunesse et aux sports) et Jean-François Mattei,

- de dix universitaires et enseignants : MM. André Aschiéri et Daniel Chevallier, Mmes Monique Denise et Laurence Dumont, MM. Jean-Pierre Foucher, Pierre Lellouche, Félix Leyzour et Gilbert Mitterrand, Mmes Annette Peulvast-Bergeal et Michèle Rivasi,

- de quatre membres de la fonction publique : MM. Pierre Carassus, Renaud Dutreil, Hervé Gaymard (lui-même ancien secrétaire d'Etat à la santé), et Mme Odette Grzegrzulka,

- de trois avocats : MM. Jean Michel, Jacques Pélissard et Jean-Luc Warsmann,

- d'un mécanicien : M. Pierre Carvalho,

- d'un journaliste : M. François Sauvadet.

Or à ces éminentes capacités, se seront ajoutés les moyens juridiques spécifiques dont disposent les commissions d'enquête habilitées à requérir toute personnalité propre à les éclairer dans leur démarche et sommée de s'exprimer devant elles après avoir prêté le serment de dire la vérité, toute la vérité ; habilitées aussi à se voir communiquer, via leur rapporteur, tout document de service de quelle que nature que ce soit et à effectuer toute mission de contrôle sur pièces et sur place qui leur semble nécessaire, en application de l'article 6-II de l'Ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958, relative au fonctionnement des Assemblées parlementaires.

· La commission d'enquête sur la transparence et la sécurité sanitaire de la filière alimentaire en France : le recours aux moyens d'investigations les plus novateurs mis au service d'une unanime préoccupation

A.- le recours aux moyens les plus novateurs

Au surplus, on ne saurait passer sous silence les caractéristiques majeures et singulièrement novatrices qui ont notoirement amélioré, sous l'autorité du président Leyzour, les capacités de la présente commission.

La rapidité avec laquelle auront été conduits les travaux aura été sans précédent, puisque constituée le 19 octobre 1999, la commission était en mesure d'engager son premier débat dès le lendemain 20 octobre.

Le programme imaginé par la commission aura été, à ce point, si scrupuleusement respecté qu'il n'aura justifié aucune modification entre le 20 octobre 1999 et le 18 janvier 2000 date à laquelle la commission devait être saisie d'un rapport d'étape présenté moins de trois mois après le début de ses premières investigations.

Non que depuis cette date la commission ait temporairement cessé ses activités les amplifiant au contraire grâce à l'audition de plusieurs membres du gouvernement français, celle - à Berlin - d'un membre du gouvernement allemand, Mme Nickels, par diverses missions de contrôle du président et du rapporteur et par la synthèse que rendait nécessaire la masse de renseignements constituée tout au long des auditions et des courriers, mémoires et ouvrages reçus de toutes parts !

La commission d'enquête aura été sans doute la première à recourir à la formule des forums qui lui aura permis d'entendre un très grand nombre de personnalités, d'engager avec elles des débats approfondis, d'assister à des échanges voire à des assauts d'arguments, rendant les réunions infiniment plus vivantes, plus riches, plus instructives.

La commission d'enquête aura été la première a ouvrir, à l'intention des citoyens, un site Internet qui devait leur permettre de faire connaître directement leurs sentiments à la représentation nationale.

La commission d'enquête aura été la première à inviter à s'exprimer devant elle l'Ambassadeur d'un pays ami, la première à être invitée par le Gouvernement d'un autre pays ami.

Au total, c'est un nombre considérable de témoins qui aura eu l'opportunité de s'exprimer afin de répondre à des préoccupations partagées à ce point sur tous les bancs et qu'il en était résulté, le 7 octobre 1999, l'adoption à l'unanimité d'une résolution afin que toute clarté soit faite sur notre filière alimentaire, que soient purgées les incertitudes qui avaient peu à peu envahi l'opinion, que soient dénoncés de graves dysfonctionnements ou que soit donné quitus à notre filière alimentaire de sa qualité, non sans mettre à profit cette vaste enquête pour émettre d'éventuelles recommandations.

B.- Une unanime préoccupation

    Cette unanimité a surgi d'abord des récents et profonds bouleversements de nos pratiques alimentaires, de la complexité accrue de la filière, du rôle croissant de multinationales qui, ainsi que leur nom l'indique, semblent vouloir transcender les spécificités propres à chaque nation et notamment celles de la France dont la qualité ancestrale de la nourriture, la diversité des terroirs, la richesse gastronomique appartiennent, plus que chez d'autres, à l'identité nationale.

    Cette unanimité a surgi de cette irritante contradiction entre d'immenses efforts en faveur de la qualité hygiénique de nos produits et cette succession de crises qui donne le sentiment que la chaîne alimentaire, et par la même la sécurité des consommateurs, est à la merci du moindre incident, de la moindre défaillance, pire encore de la moindre malversation.

    Voici d'une part les actions conduites par l'ensemble de la chaîne au nom de la traçabilité, la mise en place par les pouvoirs publics d'un système d'épidémiosurveillance unique au monde, la création de l'Agence française pour la sécurité sanitaire des aliments, l'adoption de la nouvelle loi d'orientation agricole, l'incessante évocation du principe de précaution, notre constant souci d'une harmonisation européenne sans cesse plus poussée comme d'une position ferme car salvatrice de la personnalité de l'Europe au sein des négociations de l'Organisation Mondiale du Commerce.

    Voici d'autre part, une succession de crises qui perturbent gravement l'opinion, qui mettent en péril nos exploitations agricoles, qui ébranlent notre industrie agroalimentaire et notre système commercial, qui portent atteinte à la crédibilité de nos services publics de contrôle sans l'efficacité desquels le consommateur perdrait toute confiance.

    Voici des viandes hormonées en provenance d'outre-Atlantique que les spécialistes associent à certains cancers.

    Voici des farines animales qui conduisent l'opinion à considérer que nos ruminants ont été transformés en carnivores.

    Voici la crise - qui n'en finit pas - de la vache folle.

    Voici la réapparition de la peste porcine.

    Voici le poulet à la dioxine.

    Voici la multiplication de listeria dans nombre de nos bons et vieux fromages que l'on ne connaissait pas jadis si dangereux.

    Voici l'utilisation douteuse des boues d'épuration dont nos concitoyens ne savent s'il ne s'agit - au mieux - que de les étendre sur des terrains agricoles, - au pire - de les faire consommer par des animaux voués ensuite à la consommation humaine faisant indirectement de l'homme le consommateur indirect de ses propres immondices !

    Voici l'affaire Coca Cola d'autant plus inquiétante qu'aucune explication rationnelle n'est venue mettre un terme à cette étrange péripétie.

    Et, pour corser le tout, voici le développement subreptice des biotechnologies et l'engagement d'un débat tronqué sur les organismes génétiquement modifiés où certaines firmes donnent le sentiment de jouer aux apprentis sorciers pour le seul profit immédiat de leurs actionnaires.

    Qui ne s'étonnerait que de telles aventures n'aient été à l'origine d'ouvrages à sensation dont on ne saurait mésestimer l'heureuse portée médiatique à défaut d'une rigueur scientifique qui puisse s'avérer à toute épreuve ?

    Dès le 20 octobre, la commission se ralliait, unanime, au programme de travail organisé en six phases d'auditions, de débats, de déplacements, de contrôles sur pièces et sur place que retrace le tableau ci-dessous.

Premier Cycle

Le bilan des travaux du Parlement

Deuxième Cycle

Le témoignage des responsables institutionnels

Troisième Cycle

L'expertise des scientifiques

Quatrième Cycle

L'analyse de la situation par

les acteurs de la filière

Cinquième Cycle

L'environnement international

Sixième Cycle

Le témoignage du Gouvernement

Mais malgré, ou à cause de cet assaut de compétences, ce qui devait apparaître dès l'abord, c'est que rien n'est simple dès que l'on touche à notre alimentation c'est-à-dire au vivant, qu'au contraire tout y est complexe et que, sauf à faire l'impasse, il importe de prendre en compte le spectre le plus large possible.

Non que le rapporteur de la commission d'enquête n'ait eu parfois tendance à s'en plaindre in petto tant la charge d'analyse puis de synthèse fut lourde mais pour s'en réjouir aussitôt car elle s'est avérée, à l'expérience, la plus raisonnable. Rien, en définitive, n'aura été laissé au hasard de ce qui va, comme l'on dit, « de la fourche à la fourchette » ou « de l'étable à la table ». Tout aura été analysé. Le système alimentaire français aura été mis à nu.

· La commission d'enquête sur la transparence et la sécurité sanitaire de la filière alimentaire en France : des missions et des réponses précises

A.- des missions précises

Telle était bien la mission assignée par le titre même de la commission à qui était fait obligation d'analyser l'ensemble de la filière alimentaire sous le double aspect de sa transparence et de sa sécurité.

Au-delà de ces deux maîtres mots la résolution adoptée par l'Assemblée nationale ne manquait pas d'assigner des tâches complémentaires et plus spécifiques.

C'est ainsi qu'au sein de ce périmètre qu'elle se devait d'analyser de la façon la plus exhaustive possible, la commission s'est vu confier des segments sur lesquels elle a tenté d'exercer une vigilance particulière.

D'abord l'étude de l'alimentation des animaux et notamment l'obtention et l'utilisation des dérivés animaux tels que les farines et les graisses.

Ensuite l'étude du recours au génie génétique soit sur les animaux comestibles, soit sur les plantes qui servent à leur nourriture ou à celle des hommes.

En troisième lieu, l'étude des risques de contamination bactérienne, chimique et physique, tant au stade de la production - en ayant soin d'étudier particulièrement les incidences des boues des stations d'épuration sur les terres agricoles - que de la transformation.

Enfin l'étude des problèmes résultant de l'adoption de normes différentes en Europe et hors d'Europe, ce qui laissait supposer à la fois, une excellente connaissance des normes communautaires, l'aptitude à discerner comment ces règles sont effectivement mises en _uvre par chacun des Quinze, la meilleure connaissance possible des règles applicables (et appliquées) dans le cadre des trois grandes institutions que sont l'O.M.C., l'O.M.S. et la F.A.O., une étude particulière sur les Etats-Unis dans la mesure où la résolution fait état du recours aux activateurs de croissance.

Le rapporteur de la résolution qui proposait de créer la commission d'enquête - lequel se trouve être aussi l'auteur de ces lignes - a-t-il eu à l'époque pleinement conscience de la difficulté qui pouvait naître d'un objectif qui impliquait de mener des investigations hors du territoire national peu compatibles avec les dispositions de l'ordonnance de 1958 qui, faute de conventions internationales ad hoc, limitent ces pouvoirs d'investigation à ce territoire ?

Avait-il mesuré que, nonobstant une évolution qui depuis un demi-siècle a considérablement imbriqué les économies, tout dépend, quand une commission d'enquête parlementaire ressent le besoin de poursuivre ses travaux hors de nos frontières, de la bonne volonté de nos interlocuteurs y compris celle des organes de l'Union Européenne ?

Il est de fait que, malgré celle des quatre Commissaires européens qui ont bien voulu recevoir à Bruxelles la commission d'enquête, celle du Gouvernement allemand, celle de plusieurs Ambassadeurs en poste à Paris - au premier rang desquels il convient de placer Sir Michaël JAY Ambassadeur du Royaume Uni -, malgré les efforts conduits par les services du Ministère des Affaires Etrangères, l'étude de l'environnement international n'a pu être approfondie autant qu'il eût été souhaitable.

Aussi bien, prenant acte de cette situation, la commission suggère-t-elle, en préambule du compte-rendu de ses travaux, que le Bureau de l'Assemblée nationale engage une réflexion sur l'adaptation des dispositions de l'ordonnance de 1958 à la nouvelle donne internationale.

Quoi qu'il en soit, la commission s'estime en mesure, au terme de son mandat, de dresser, ainsi qui lui avait été demandé, le bilan des garanties apportées par le système agroalimentaire français et de faire des propositions adéquates.

B.- des réponses précises

Sans doute n'a-t-elle pu tout voir, tout entendre, tout lire, tout comprendre, sans doute a-t-elle omis d'écouter beaucoup d'experts, de praticiens, voire d'élus et d'abord ceux du Parlement Européen et du Conseil de l'Europe.

Sans doute, malgré l'obligation faite aux témoins de dire toute la vérité et rien que la vérité, a-t-elle été l'auditrice - si l'on peut dire - souvent consciente, parfois inconsciente, de quelques mensonges par omission.

Sans doute, à l'issue de ses travaux, n'est-elle pas porteuse de certitudes telles que les français puissent se sentir à l'abri de craintes irraisonnées comme de catastrophes insurmontables.

Elle n'en aboutit pas moins à un certain nombre de conclusions fortes et d'autant plus intangibles qu'elles s'appuient sur une intense et longue réflexion.

Cette réflexion, le présent document souhaite en porter témoignage.

Toutefois, refusant la pesanteur des habitudes, le lecteur voudra bien admettre qu'il se présente sous une forme inédite, faisant conjointement appel :

- à un texte aussi court que possible de telle sorte que les lecteurs des rapports parlementaires, souvent gens pressés, suivent rapidement le cheminement de sa réflexion et aboutissent rapidement à ses conclusions,

- à de nombreux tableaux et encadrés permettant au lecteur moins pressé de prendre connaissance des principaux points de vue émis devant elles, notamment à l'occasion des forums,

- à la publication in extenso de tous les procès-verbaux qui constitueront sans doute le témoignage le plus complet sur la façon dont les français avaient, en l'an 2000, l'habitude de se nourrir et leurs représentants de légiférer.

Première Partie

NOURRIR

« Apprenez que c'est un coupe gorge qu'une table remplie de trop de viandes,

« que pour bien se montrer de ceux que l'on invite,

« il faut que la frugalité règne dans les repas que l'on donne,

« et que, suivant le dire de nos Anciens,

« il faut manger pour vivre et non vivre pour manger.»

Molière, L'Avare Acte III, scène 1  

Il convient en préalable de nous mettre d'accord sur les mots.

Or les mots dont il s'agit ne sont pas toujours d'une absolue clarté.

Commençons par lever cette hypothèque et, après avoir abouti à des définitions précises, tentons de cerner, à la fois, l'importance, en terme économique, de la filière alimentaire et la gravité des maux - réels ou non - susceptibles de peser sur notre alimentation.

I.- Définir

Quatre mots caractérisent la mission confiée à la commission d'enquête repris dans le titre du présent rapport :

1°) l'un concerne une matière : l'aliment,

2°) le second, un impératif : la sécurité,

3°) le troisième, une nécessité : la transparence,

4°) le dernier, une aire géographique : l'Europe.

A.- l'Europe

L'Europe ne souffre pas d'ambiguïté : c'est bien de l'Union Européenne, c'est-à-dire de l'Europe des Quinze dont il s'agit, laquelle - dans le domaine alimentaire - joue, comme on le verra, un rôle normatif essentiel. Quelles pourraient être les conséquences de l'extension de l'Union dans le domaine alimentaire ? On admettra qu'il est prématuré de répondre à cette question qu'évoquait notre collègue François Guillaume en conclusion des travaux de la commission.

B.- la sécurité

La définition de la sécurité ne pose guère non plus de problème majeur et c'est au contraire avec l'aisance que forgent les longues habitudes que tout élu ayant exercé un mandat municipal songe à la définition qui figure au sein de l'article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales, héritier du Code des communes et, à travers lui, de la très vénérable loi de 1884 sur les libertés communales.

Article L 2212 - 2 du Code général des collectivités territoriales

La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment :

1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l'éclairage, l'enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des édifices menaçant ruine, l'interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des édifices qui puisse nuire par sa chute ou celle de rien jeter qui puisse endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles ;

2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les risques et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, y compris les bruits de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ;

3° Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes, tels que foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics ;

L'inspection sur la fidélité du débit des denrées qui se vendent au poids ou à la mesure et sur la salubrité des comestibles exposés en vue de la vente ;

5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure ;

6° Le soin de prendre provisoirement les mesures nécessaires contre les personnes atteintes de troubles mentaux dont l'état pourrait compromettre la morale publique, la sécurité des personnes ou la conservation des propriétés :

7° Le soin d'obvier ou de remédier aux événements fâcheux qui pourraient être occasionnés par la divagation des animaux malfaisants ou féroces ;

8° Le soin de réglementer la fermeture annuelle des boulangeries lorsque cette fermeture est rendue nécessaire pour l'application de la législation sur les congés payés, après consultation des organisations patronales et ouvrières de manière à assurer le ravitaillement de la population.

Constituant, en effet, aux côtés du « bon ordre », de la « sûreté », de la « salubrité », l'un des quatre piliers de la police municipale, la sécurité est constituée par la liberté d'aller et venir, la tranquillité publique, la prévention des pollutions, mais aussi par « l'inspection sur la fidélité du débit des denrées qui se vendent au poids ou à la mesure » - ce qui relève il est vrai plutôt de la répression des fraudes - mais encore de « la salubrité des comestibles exposés en vue de la vente » auxquelles on ajoutera les épidémies qui peuvent être d'origine alimentaire ou les épizooties qui sont celles qui frappent les animaux et peuvent, le cas échéant, mettre en cause la santé publique.

La salubrité des comestibles !

Ce que nous aurions volontiers cherché au sein du code rural, du code de la consommation ou du code de la santé publique, se trouve niché au sein des dispositions relatives aux pouvoirs de police des maires  !

C.- la transparence

1.- L'étiquetage

La transparence, par contre, ne constitue guère une notion juridique - à moins qu'on ne la résume aux règles relatives à l'étiquetage dûment acté au sein du Code de la consommation lequel n'est pas précisément un modèle de transparence !

L'article L. 113 - 3 ne souffre pourtant pas d'ambiguïté.

Article L. 113 - 3 du Code de la consommation

« Tout vendeur de produit ou tout prestataire de services doit, par voie de marquage, d'étiquetage, d'affichage ou par tout autre procédé approprié, informer le consommateur sur les prix, les limitations éventuelles de la responsabilité contractuelle et les conditions particulières de la vente, selon des modalités fixées par arrêtés du ministre chargé de l'économie, après consultation du Conseil national de la consommation. »

Et pourtant, il en resserre beaucoup.

D'abord de définition législative de l'étiquetage, point ! Le terme est cité, il n'est pas défini.

Ensuite de responsabilité du ministre chargé de la santé, de l'agriculture, a fortiori de celui de l'environnement, il n'est nulle question. Tout ressort de la compétence du ministre chargé de l'économie lequel procède par de simples arrêtés !

Du champ d'application de l'article, rien ou presque. Son alinéa 2 renvoie au précédent article, le 113 - 2, lequel renvoie à l'article 53 de l'ordonnance n° 86 - 1243 du 1er décembre 1986 lequel se borne à préciser que « les règles définies à la présente ordonnance s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public. »

Bref la transparence des denrées alimentaires dépend de tout procédé propre à informer le consommateur mais sur la base de critères dont les services du ministère de l'économie sont les seuls maîtres.

Il est vrai qu'après avoir laissé si peu de liberté d'action au législateur, le pouvoir réglementaire, dans la partie du code qui lui incombe, devient beaucoup plus précis tout au long des articles qui suivent, dont on rappellera notamment le texte des articles R. 112-7 à R. 112-9.

Article R. 112-7 du Code de la consommation

« L'étiquetage et les modalités selon lesquelles il est réalisé ne doivent pas être de nature à créer une confusion dans l'esprit de l'acheteur ou du consommateur, notamment sur les caractéristiques de la denrée alimentaire et plus particulièrement sur la nature, l'identité, les qualités, la composition, la quantité, la durabilité, la conservation, l'origine ou la provenance, le mode de fabrication ou d'obtention.

« L'étiquetage ne doit comporter aucune mention tendant à faire croire que la denrée alimentaire possède des caractéristiques particulières, alors que toutes les denrées alimentaires similaires possèdent ces mêmes caractéristiques.

« Sous réserve des dispositions applicables aux denrées destinées à une alimentation particulière ainsi qu'aux eaux minérales naturelles, l'étiquetage d'une denrée alimentaire ne doit pas faire état de propriétés de prévention, de traitement, de guérison d'une maladie humaine ni évoquer ces propriétés.

« Les interdictions ou restrictions prévues ci-dessus s'appliquent également à la présentation des denrées alimentaires, notamment à la forme ou à l'aspect donné à celles-ci, ou à leur emballage, aux matériaux d'emballage utilisés, à la manière dont elles sont disposées ainsi qu'à l'environnement dans lequel elles sont exposées.

Article R. 112-8 du Code de la consommation

« Toutes les mentions d'étiquetage prévues par le présent chapitre doivent être facilement compréhensibles, rédigées en langue française et sans autres abréviations que celles prévues par la réglementation ou les conventions internationales. Elles sont inscrites à un endroit apparent et de manière à être visibles, clairement lisibles et indélébiles. Elles ne doivent en aucune façon être dissimulées, voilées ou séparées par d'autres indications ou images. »

Article R. 112-9 du Code de la consommation

« Sans préjudice des dispositions relatives au contrôle métrologique, l'étiquetage des denrées alimentaires préemballées comporte, dans les dispositions et sous réserve des dérogations prévues au présent chapitre, les mentions obligatoires suivantes :

« 1° La dénomination de vente ;

« 2° La liste des ingrédients ;

« 3° La quantité de certains ingrédients ou catégories d'ingrédients, dans les conditions prévues aux articles R.112-17 et R.112-17-1 ;

« 4° La quantité nette ;

« 5° La date jusqu'à laquelle la denrée conserve ses propriétés spécifiques ainsi que l'indication des conditions particulières de conservation ;

« 6° Le nom ou la raison sociale et l'adresse du fabricant ou du conditionneur ou d'un vendeur établi à l'intérieur du territoire de la Communauté européenne ;

« 7° L'indication du lot de fabrication ;

« 8° Le lieu d'origine ou de provenance chaque fois que l'omission de cette mention est de nature à créer une confusion dans l'esprit de l'acheteur sur l'origine ou la provenance réelle de la denrée alimentaire ;

« 9° Le mode d'emploi chaque fois que sa mention est nécessaire à un usage approprié de la denrée alimentaire ainsi que, le cas échéant, les conditions particulières d'utilisation, notamment les précautions d'emploi. »

Au demeurant, reconnaissons que le terme qui nous occupe a du mal à se prêter à une définition parfaitement loquace, du moins si l'on fait référence au meilleur de nos grammairiens, Littré, qui se contente d'indiquer que la transparence est la « qualité de ce qui est transparent...»

Allons à ce terme : notre auteur y indique qu'est transparent ce « qui se laisse pénétrer par une lumière assez abondante pour permettre de distinguer nettement les objets à travers leur épaisseur. » Et Littré cite Montaigne : « Un corps diaphane et transparent, comme l'air ou l'eau, ou la glace ou le verre. » Mais en quoi un aliment - le pain, la viande, un fromage - peut-il être transparent ? L'eau elle-même n'est transparente qu'en apparence. Qui dira, sans analyses chimiques et bactériologiques préalables, si cette eau est potable ou pas ?

En fait, comme bien souvent, il est préférable de considérer le sens du mot inverse, par exemple celui du verbe « cacher » qui consiste à « dérober à la vue avec intention », « de prendre soin de ne pas dire, de ne pas faire connaître », de « soustraire aux regards. » Dans cette acception, n'est pas transparent tout aliment dont on cache un vice, autrement dit qui n'est pas, ou qui n'est que médiocrement, comestible. N'est pas transparente toute filière alimentaire qui occulterait ses processus de fabrication.

2.- La traçabilité

La notion est donc connexe, sinon totalement assimilable, à celle de « traçabilité » introduite conjointement par la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999 aux articles 258-2 du Code rural et L. 214-1-1 du Code de la consommation :

« Un décret en Conseil d'Etat fixe la liste des produits ou denrées pour lesquels la traçabilité doit être assurée. Il précise les obligations des producteurs et des distributeurs qui sont tenus d'établir et de mettre à jour des procédures d'informations enregistrées et d'identification des produits ou des lots de produits. Ces procédures permettent de connaître l'origine de ces produits et de ces lots, ainsi que les conditions de leur production et de leur distribution.

« L'autorité administrative précise pour chaque produit ou denrée, les étapes de production et de commercialisation pour lesquelles la traçabilité doit être assurée, ainsi que les moyens à mettre en _uvre en fonction de la taille des entreprises. »

La traçabilité, néologisme venu du mot « trace », tire son sens de ce dernier. La trace, c'est « tout ce qui sert à laisser une marque », à partir de laquelle il est possible de reconstituer à rebours l'itinéraire emprunté. Sous une apparence et avec des moyens de grande technicité, ce n'est guère plus que la démarche précautionneuse du Petit Poucet dès lors qu'il sème derrière lui non des morceaux de pain mais des petits cailloux. Encore faut-il qu'il en sème !

D'où cette obligation faite par la loi du 9 juillet 1999 : être en mesure, pour tout produit dûment désigné par décret en Conseil d'Etat, de connaître son origine, les conditions de sa production, à chaque étape de celle-ci, de même que les conditions de sa commercialisation, ambition si vaste que, si elle était déjà pleinement réalisée et respectée, les travaux de la commission d'enquête n'auraient plus guère de raison d'être.

Pour autant, sans doute l'aura-t-on remarqué, l'article 248-2 du Code rural prend place au sein du chapitre relatif au contrôle sanitaire des animaux et des viandes et ne concerne donc pas l'ensemble des aliments, tandis que l'article L. 241-1 du Code de la consommation se trouve au sein du titre relatif à la conformité des biens et a pour vocation de s'étendre au-delà des aliments eux-mêmes.

D.- les aliments

Qu'est-ce donc qu'un aliment ?

On dira, c'est un « comestible », c'est-à-dire ce « qui peut-être mangé », « ce qui est bon à manger. »

La réponse toutefois est un peu courte.

D'inoffensifs bonbons consommés sans raison, et qui peuvent être cause de diabète, sont-ils des aliments ?

En tout cas, de définition juridique, point !

1.- Le Code civil

Il y a bien la notion d'obligation alimentaire que traitent les articles 203 et suivants du Code civil.

article 203 : «  Les époux contractent ensemble, par le seul fait du mariage, l'obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants. »

article 205 : « les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin. »

Mais si le Code civil comme l'abondante jurisprudence qui en est issue définissent l'obligation alimentaire comme un moyen qui permet d'assurer un minimum de dignité à tout ascendant ou descendant démuni, par contre aucun de ses nombreux articles ne vient préciser ce qu'est un aliment.

Utilisons les méthodes d'investigation les plus modernes et lançons le moteur de recherche de l'ordinateur sur le CD ROM relatif au droit des aliments établi par les éditions Lamy.

    Le terme « aliment » renvoie à 660 rubriques !

Aucune ne correspond à une quelconque définition législative !

Voici donc le législateur pris à son propre piège ; lui qui se croyait en mesure de faire toute la lumière sur la filière alimentaire en France en prenant pour base - lui qui légifère tant - ses propres travaux. Et pourtant voici qu'il découvre qu'il a oublié de se prononcer sur l'un des actes les plus courants de notre vie quotidienne !

2.- Le Traité de Rome

Il est vrai - on aura l'occasion d'y revenir longuement - que la politique agricole comme celles du consommateur et de l'alimentation relèvent désormais du droit communautaire. Y aurait-il dès lors quelques définitions au sein des Traités de Rome, de Maastricht ou d'Amsterdam ?

Assurément l'article 38.I du Traité de Rome du 25 mars 1957 donne une définition sinon des produits alimentaires, du moins des produits agricoles :

« Par produits agricoles, on entend les produits du sol, de l'élevage et de la pêcherie, ainsi que les produits de première transformation qui sont en rapport avec ces produits » ; et, parce que la définition est sans doute imprécise, une annexe vient opportunément nous offrir une liste exhaustive des dits produits.

Or celle-ci fait clairement apparaître qu'on ne saurait totalement superposer agriculture et alimentation puisqu'elle prend en compte notamment « les animaux morts...impropres à la consommation humaine », « les produits de la floriculture », « les plantes industrielles et médicinales », « l'alcool éthylique », « les aliments préparés pour animaux », les « tabacs », mais encore le liège et le lin ou le chanvre...

3.- Le Code de la consommation

Il y a, toutefois en droit interne, un texte de portée réglementaire qui semble en mesure de nous éclairer : il s'agit de l'article D. 541.2 du Code de la consommation relatif aux avis qu'est susceptible de donner, à propos de la « politique alimentaire », le Conseil national de l'alimentation, organisme placé auprès du ministre de l'agriculture, du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de la consommation.

Article D. 541-1 Le Conseil national de l'alimentation est placé auprès du ministre de l'agriculture, du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de la consommation.

Article D. 541-2 Ce conseil national est consulté sur la définition de la politique alimentaire en donnant des avis sur les questions qui s'y rapportent.

Il peut, en particulier, être consulté sur les grandes orientations de la politique relative :

1°) A l'adaptation de la consommation aux besoins nutritionnels ;

2°) A la sécurité alimentaire des consommateurs ;

3°) A la qualité des denrées alimentaires ;

4°) A l'information des consommateurs de ces denrées.

Le Conseil national de l'alimentation ne se substitue pas aux instances qualifiées en matière scientifique ni aux instances d'orientation économique. Il peut les consulter sur les questions relevant de leur compétence.

N'allant pas, certes, jusqu'à s'aventurer à donner une définition des aliments, ce texte précise toutefois que les avis du Conseil sont relatifs à la « sécurité » alimentaire, aux « besoins nutritionnels », à « la qualité des denrées alimentaires », à « l'information des consommateurs » !

C'est dire que nous ne sommes plus loin de ce que nous recherchons.

Mais ce Conseil aurait-il à ce point si mal rempli sa tâche qu'il faille, sur le même sujet, constituer une commission d'enquête parlementaire ?

Cette dernière aura du moins cette vertu de tirer de l'anonymat un organisme d'autant plus respectable qu'il aura émis des avis d'un grand intérêt sur beaucoup de sujets qui sont de la compétence de la commission d'enquête.

Voici que, chemin faisant, nous nous rapprochons sinon d'un but qui serait totalement satisfaisant, du moins d'un texte qui constitue l'amorce d'une définition.

Car c'est bien dans la partie réglementaire du Code de la consommation, déjà citée, que se trouvent incluses des dispositions répondant à notre préoccupation.

Liste des études conduites par le Conseil national de l'alimentation

- 9 octobre 1986 le contrôle des denrées alimentaires

- 8 octobre 1987 la modernisation du droit alimentaire

- 24 mars 1988 la qualité microbiologique des denrées alimentaires

- 23 février 1989 la prévention nutritionnelle des maladies cardio-vasculaires

la diffusion des recommandations tendant à cette prévention

l'étiquetage nutritionnel

- 7 décembre 1989 la certification d'assurance-qualité dans l'agroalimentaire

- 29 mars 1990 la qualité dans le domaine agroalimentaire

- 26 avril 1990 l'eau (I)

- 21 juin 1990 l'eau (II)

- 18 avril 1991 les qualités organoleptiques de la viande bovine

- 29 avril 1993 la qualité dans la filière des fruits et légumes

- 9 décembre 1993 l'amélioration de la sécurité hygiénique des denrées

- 17 février 1994 l'alimentation des plus démunis

- 20 octobre 1994 la restauration scolaire du premier cycle

- 11 mai 1995 alimentation diversifiée et équilibre nutritionnel

- 21 avril 1997 l'identification de la qualité des produits agroalimentaires

-17 juin 1997 l'étiquetage des nouveaux aliments constitués d'O.G.M.

- 30 septembre 1997 les repas servis en restauration scolaire

- 6 février 1998 le chocolat : vers une redéfinition européenne

avis sur la proposition de loi relative à l'A.F.S.S.A.

- 30 juin 1998 allégations faisant un lien entre alimentation et santé

- 1er avril 1999 place de la science en matière de politique de l'alimentation

rôle des salariés dans le domaine de la sécurité des aliments

la place de l'éducation dans les comportements alimentaires

4.- La mise à l'écart du législateur

La matière échappe donc bien au législateur ! Pour quelles raisons ? On ne sait. Aucune requête devant le Conseil constitutionnel, pourtant si promptement saisi, ne s'est jamais souciée de lui ré attribuer ce domaine consubstantiel à toutes nos libertés ; car, encore une fois, sans aliment, il n'y a point de vie, et sans vie, il n'y a plus de liberté.

Citons ici notre collègue, le professeur Jean-François Mattei qui, dès notre première séance, acceptant d'être notre premier « témoin » affirmait : « Tout ce qui touche à l'alimentation touche à la fois à la vie et à la liberté. Il y a là une double symbolique et, lorsqu'on apprend brutalement qu'en mangeant de la viande, on peut éventuellement contracter une maladie mortelle, vous imaginez le retentissement que cela peut avoir. »

Mieux ou pire ! L'article pivot de la partie réglementaire du Code, le « R. 112-1 », n'a aucune base législative : en effet, les articles de la partie législative, qui, dans un louable souci de rationalité suivent la même numérotation que la partie réglementaire, passent directement de l'article L. 111-1 à l'article L. 113-1, faisant ainsi l'économie du L. 112-1 qui eut permis au législateur de dire timidement son mot.

La base la plus approchante est donc celle du L. 111-1, le premier du Code : « Tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service. »

Au surplus, nul titre approprié, nulle indication particulière ne viennent guider le lecteur qui, d'aventure, viendrait à s'égarer au sein du Code de la consommation. L'article R. 122-1 prend place au sein du Livre Premier Information des consommateurs et formation des contrats, du Titre Premier Information des consommateurs, du Chapitre II Modes de présentation et inscriptions, de la partie réglementaire du Code sans qu'à aucun moment, le moindre intitulé ne vienne suggérer qu'on puisse y traiter d'alimentation.

Que dit cet Article R. 112-1, dans une rédaction qui résulte de l'article 2 du décret n° 84-1147 du 7 décembre 1984 et si précautionneusement insérée de telle sorte que nul lecteur, hors le cercle des plus éminents spécialistes, ne vienne surtout pas jusqu'à elle ?

Article R. 112-1 du Code de la consommation

« Au sens du présent chapitre, on entend par :

1° Denrée alimentaire : toute denrée, produit ou boisson destiné à l'alimentation de l'homme ;

2° Denrée alimentaire préemballée ; l'unité de vente constituée par une denrée alimentaire et l'emballage dans lequel elle a été conditionnée avant sa présentation à la vente, que cet emballage la recouvre entièrement ou partiellement mais de telle façon que le contenu ne puisse être modifié sans que l'emballage subisse une ouverture ou une modification :

3° Étiquetage : les mentions, indications, marques de fabrique ou de commerce, images ou signes se rapportant à une denrée alimentaire et figurant sur tout emballage, document, écriteau, étiquette, bague ou collerette accompagnant ou se référant à cette denrée alimentaire. »

N'allons pas - du moins pour l'instant - plus loin et d'ailleurs nous ne trouverions aucune définition plus précise sauf à rechercher, hors du Code, tel décret ou tel arrêté qui, pour un produit donné, vienne apporter quelque complément.

En définitive ce sont davantage les hommes de lettres que les juristes qui vont nous tirer d'embarras.

5.- La « malbouffe »

Tout potache, fût-il peu attiré par les lettres classiques, aura du moins retenu cet aphorisme de Valère se moquant d'Harpagon : « Il faut manger pour vivre et non vivre pour manger» ; et la réponse qu'en donne implicitement notre auteur : s'il faut manger pour vivre, il importe aussi de vivre pour manger !

« Alimentation », « aliments », « nourriture », « nutrition », « manger »...

Autant de substantifs dont tout bon dictionnaire nous donne les définitions.

Feuilletons-les.

Voici, à nouveau, le plus ancien et le plus vénérable : le Littré.

Définitions tirées du Littré

Aliment : Ce qui nourrit. Dans le langage de la physiologie,

aliment est un terme générique qui sert à désigner toutes les matières, quelle qu'en soit la nature, qui servent habituellement ou peuvent servir à la nutrition. Au point de vue des besoins qu'ils satisfont, les aliments sont divisés en boissons, condiments ou assaisonnements, et aliments proprement dits, composés surtout de principes d'origine végétale ou animale

synonyme :

Aliment, Nourriture. Ce qui distingue ces deux mots, c'est que aliment désigne un objet, et nourriture, une action. L'aliment est la matière qu'on introduit dans le corps pour le nourrir ; la nourriture est l'action de nourrir. A ce point de vue, l'aliment sert à la nourriture ou, comme on dit en langage physiologique, à la nutrition. Mais quand le langage dépouille nourriture de son sens propre, il devient synonyme d'aliment : les aliments du paysan ou la nourriture du paysan ; on lui donne des aliments abondants ou une nourriture abondante ; le b_uf est une nourriture substantielle ou un aliment substantiel.

Alimentation : ne figure pas au Littré

Nourriture : Ce qui nourrit, ensemble des aliments destinés à nourrir l'homme et les animaux, à réparer leurs forces, entretenir leur existence.

Nutrition : Propriété élémentaire des corps organisés, caractérisée par le double mouvement continu de combinaison et de décombinaison que présentent, sans se détruire, les végétaux et les animaux. L'être vivant n'augmente pas par agrégation comme le minéral, mais par la nutrition, c'est-à-dire par la pénétration de la nourriture dans toutes les parties de son intérieur. (Buffon)

Manger : 1°) Mâcher et avaler quelque aliment. 2°) prendre des aliments. 3°) prendre ses repas....

Voici le plus moderne : le Robert.

Définitions tirées du Robert

Aliment (1120 du latin alimentum) : « toute substance susceptible d'être digérée, de servir à la nutrition de l'être vivant ». V. Comestible, denrée, nourriture, pâture, vivres.

Alimentation (1412 ; repris au début du XIXème siècle du latin alimentatio) : « Action ou manière d'alimenter, de s'alimenter »

Nourriture (XIVème siècle ; de nurture « bétail ») : « tout ce qui entretient la vie d'un organisme en lui procurant des substances à assimiler »

Nutrition (1361 ; du bas latin nutritio, de nutrire nourrir) : « Ensemble des phénomènes d'échange entre un organisme et le milieu, permettant l'assimilation par l'être vivant de substances qui lui étaient étrangères et la production d'énergie vitale » V. Alimentation...

Manger (1080 ; du latin manducare « mâcher ») : « Avaler pour se nourrir (un aliment solide ou consistant) après avoir mâché » V. Absorber, ingérer, ingurgiter, prendre ; et les pop. Bouffer, boulotter...

En conséquence, l'aliment est une denrée d'origine végétale ou animale qui, par le jeu de la nutrition - c'est-à-dire par l'absorption et l'assimilation - permet au corps humain de réparer ses forces et d'entretenir sa vie ; acte qui a donné lieu à quelques termes populaires comme « bouffer » qui nous rapproche de cette « mal-bouffe » qui - sans que la dignité de notre Assemblée l'ait autorisé à le dire expressément - se trouve, peu ou prou, à l'origine de notre commission d'enquête.

II. Comptabiliser

Qu'il faille manger pour vivre, voilà qui n'est pas discutable. Point de nourriture, point de vie !

Mais ce qui pouvait aller de soi du temps de Molière est devenu aujourd'hui un sujet d'une toute autre dimension.

Hier l'homme se contentait de recourir à l'expérience de pratiques ancestrales, à la plus ou moins grande faculté offerte par le sol sur lequel il vivait ou par le ciel sous lequel se déroulaient ses jours, aux relatives opportunités que lui offraient son potager, sa basse cour, son troupeau toujours de faible amplitude même si le propriétaire était d'origine aisée.

Or en un demi-siècle les bouleversements technologiques et l'ouverture des frontières ont été tels que tous les aliments sont disponibles en France, en tout moment et en tout lieu.

Au bout du compte, de quels produits pouvons-nous disposer ? A quels produits avons-nous recours ?

A.- une production :
- en hausse en valeur absolue,
- en baisse en valeur relative

Quitte à procéder avec célérité, rappelons d'un trait les bouleversements considérables qui auront marqué la seconde partie du siècle qui vient de s'achever.

Ainsi que le rappelaient à la commission les experts du ministère de l'Agriculture, l'agriculture française mobilisait, en 1945, 35 % de la population active. Pour autant la France était déficitaire pour quasiment tous les produits de base et devait affronter une situation de pénurie alimentaire généralisée - à l'exemple de sa production de blé qui ne couvrait que les 2/3 de sa consommation - conséquence d'exploitations de très petite dimension qui n'accordaient en moyenne aux agriculteurs qu'un niveau de vie incomparablement plus faible que celle d'une population que la guerre avait pourtant rendu exsangue.

C'est alors que la recherche agronomique allait provoquer, selon les termes du directeur général de l'I.N.R.A., M. Paul Vialle, « une accélération temporelle fantastique »

Il avait fallu trois millénaires pour que le blé vienne d'Asie mineure jusqu'au Languedoc, puis un millénaire et demi pour qu'il se répande du Languedoc au seuil du Poitou. Au contraire, en quelques années, les rendements allaient bientôt dépasser tout ce que l'imagination humaine avait pu concevoir.

Ainsi la tige de blé qui, en 1923 atteignait un mètre de hauteur, s'abaissait soixante ans plus tard de moitié tandis que le poids du grain passait concurremment de 35 à 50 % de la tige.

Simple novation technologique ? Nullement, car de cette révolution technique allaient naître des rendements insoupçonnables.

Lors des grands défrichements du début du deuxième millénaire un homme à l'année produisait, pense-t-on dix quintaux. Les semences du début du troisième millénaire permettent, dans les plaines du Bassin Parisien au même homme de produire chaque année cinq mille quintaux, soit cinq cent fois plus !

Et la progression est sensiblement identique dans l'ordre animal.

Jusqu'au début du XXème siècle, un vacher ne pouvait guère s'occuper que d'une douzaine de laitières lesquelles produisaient chacune deux tonnes et demie de lait par an soit trente tonnes par homme et par année. Au début du XXIème siècle, un technicien agricole procède chaque jour à la traite de deux cents vaches lesquelles produisent chacune dix tonnes par an soit deux mille tonnes de lait par homme et par an !

Or l'audace des chercheurs aura trouvé de précieux alliés au sein des producteurs et des pouvoirs publics.

Pourtant ceux-ci étaient encore fortement influencés, alors que nous étions déjà à mi-parcours du XXème siècle, par une tradition protectionniste issue de la pensée d'un homme d'Etat au demeurant fort respectable, Jules Méline (1838-1925) député puis sénateur des Vosges, maintes fois ministre de l'agriculture (jusque et y compris durant le premier conflit mondial), président de notre assemblée, enfin président du Conseil (la présidence la plus longue de la IIIème République !) et ... auteur d'un tarif douanier particulièrement protecteur à l'adresse d'une petite paysannerie considérée alors comme le socle de la République.

C'est dire combien il fallût d'audace pour envisager, en 1957, une politique d'ouverture qui dans le cadre du Marché commun allait briser les barrières frontalières puis pratiquer une politique agricole commune qui se donnait, en 1958, comme objectif d'assurer à l'Europe, l'organisation des marchés, la sécurité de ses approvisionnements, des prix stables et raisonnables pour les consommateurs et à un niveau de vie décent pour les agriculteurs.

Les lois d'orientation agricole de 1960 et de 1962 défendues par Edgard Pisani, qui seront le fondement de toutes les lois ultérieures, fixeront les principes fondamentaux qui régiront notre agriculture et notre alimentation jusqu'à l'adoption de la loi du 9 juillet 1999, à savoir :

- la restructuration des exploitations et l'augmentation notable de leurs superficies,

- l'aide massive aux investissements des exploitants mais aussi aux investissements collectifs d'un monde rural que la nation dote alors de chemins modernisés, de l'électricité, de l'eau courante, du téléphone...

- l'incitation au départ des plus anciens et à l'installation des plus jeunes dès lors que ceux-ci ont suivi les cursus de formation professionnelle organisés en liaison avec les Chambres d'agriculture.

Extraits de la loi n° 60-808 de la loi d'orientation agricole du 5 août 1960

Article 1er.- La loi d'orientation de l'agriculture française a pour but, dans le cadre de la politique économique et sociale, d'établir la parité entre l'agriculture et les autres activités économiques :

- en accroissant la contribution de l'agriculture au développement de l'économie française et de la vie sociale nationale, en équilibrant la balance commerciale agricole totale du territoire national, compte tenu de l'évolution des besoins, des vocations naturelles du pays, de sa place dans la Communauté économique européenne et de l'aide à apporter aux pays sous-développés ;

- en faisant participer équitablement l'agriculture au bénéfice de cette expansion par l'élimination des causes de disparité existant entre les personnes exerçant leurs activités dans l'agriculture et celui des personnes occupées dans d'autres secteurs, afin de porter notamment la situation sociale des exploitants et des salariés agricoles au même niveau que celui des autres catégories professionnelles ;

- en mettant l'agriculture et, plus spécialement, l'exploitation familiale en mesure de compenser les désavantages naturels et économiques auxquels elle reste soumise comparativement aux autres secteurs de l'économie.

Article 2.- La politique agricole doit assurer aux agriculteurs tous les moyens indispensables pour atteindre les buts définis à l'article 1er ci-dessus. Elle a pour objet :

- d'accroître la productivité agricole en développant et en vulgarisant le progrès technique, en assurant le développement rationnel de la production en fonction des besoins et de l'emploi optimum des facteurs de production, notamment de la main d'_uvre, et en déterminant de justes prix ;

- d'améliorer les débouchés intérieurs et extérieurs et les prix agricoles à la production par une action sur les conditions de commercialisation et de transformation des produits et par un développement des débouchés des matières premières destinées à l'industrie, en leur attribuant, d'une part, une protection suffisantes contre les concurrences anormales et, d'autre part, une priorité d'emploi par les industries utilisatrices :

- d'assurer la conservation et l'amélioration du patrimoine foncier non bâti et bâti ainsi que de la modernisation de ce dernier ;

- d'assurer au travail des exploitants et des salariés agricoles, aux responsabilités de direction, au capital d'exploitation et au capital foncier une rémunération équivalente à celle dont ils pourraient bénéficier dans d'autres secteurs d'activité ;

- de permettre aux exploitants et aux salariés agricoles d'assurer d'une façon efficace leur protection sociale ;

- d'orienter et d'encourager les productions les plus conformes aux possibilités de chaque région ;

- de promouvoir et de favoriser une structure d'exploitation de type familial, susceptible d'utiliser au mieux les techniques modernes de production et de permettre le plein emploi du travail et du capital d'exploitation.

Sans faire l'exégèse de ces deux premiers articles, notons en quels termes ils initient le nouveau cours de la politique agricole et alimentaire de notre pays : outre la parité promise entre la société française et le monde agricole, il s'agit de faire fond dorénavant sur les perspectives offertes par la Communauté Economique Européenne, sur le nécessaire accroissement de la productivité de son agriculture et - ce qu'on a eu, peut-être, trop oublié - sur notre contribution à ce qu'on appelait alors « les pays sous-développés », tant il est vrai que la sécurité alimentaire » commence par le simple fait de manger à sa faim et qu'il demeure, de par le monde, des endroits où cette faim n'est toujours pas éradiquée : qu'on permette à la commission d'enquête d'évoquer aussi cet aspect du dossier même s'il n'entre pas expressément dans le mandat qui lui a été confié.

En tout cas, pour la France, les résultats seront à la mesure de ce triple effort des chercheurs, des producteurs et des pouvoirs publics.

En un demi-siècle, sur une surface agricole utile qui aura diminué de 10 %, la production de lait et de viande aura doublé en volume, celle du blé aura quadruplé ; ce grâce à des exploitations qui se spécialisaient, à des troupeaux qui ne cessaient de s'agrandir, à des producteurs qui s'intégraient dans des filières - à la fois en amont par des relations accrues avec les laboratoires de génétique animale et végétale, les entreprises de production d'aliments du bétail, les entreprises chimiques et phytosanitaires - et en aval au titre de la collecte, de la transformation et de la commercialisation des produits.

Mais la baisse des prix à la production avait pour effet de masquer cet effort et notre collègue Germain Gengenwin n'avait pas tort de rappeler au ministre de l'agriculture qu'un producteur de maïs dont les prix baissent de moitié n'a que trop tendance à doubler sa production.

N'oublions pas toutefois que cette baisse était masquée elle-même par les subventions versées aux producteurs. Ainsi, ce que le consommateur pouvait gagner d'un côté, le contribuable le reversait de l'autre. Il est vrai qu'assez souvent l'intéressé n'était pas le même, ce qui pouvait, après tout, participer d'une heureuse politique de redistribution des revenus, du moins si le montant des subventions tirées de la poche du contribuable avait été davantage attribué à ceux qui en avaient réellement besoin - c'est-à-dire les éleveurs.

De surcroît, au risque d'être quelque peu discourtoise avec les experts venus l'éclairer tout entier pris par l'enthousiasme de leur sujet - mais parce qu'il lui importe de rapporter les faits dans leur entière réalité, la commission d'enquête qui ignore d'autant moins les Comptes de la Nation que ceux-ci figurent en annexe du projet de loi de finances pour l'année 2000 se voit dans l'obligation de dresser de l'agriculture et des industries agroalimentaires un tableau aux perspectives moins généreuses.

Et elle se trouve d'autant plus fondée à le faire que le président de la F.N.S.E.A., M. Luc Guyau, en tirait lui-même devant elle des conclusions désabusées.

C'est ainsi qu'en 1992, l'apport cumulé de l'agriculture et des industries agroalimentaires à notre économie - c'est-à-dire leurs valeurs ajoutées - s'est élevé à 422,3 milliards de francs, montant a priori respectable à ceci près qu'il ne représentait que 5,7 % d'un Produit Intérieur Brut crédité pour sa part de 7 357,6 milliards de francs valeur 1995.

Il est vrai que leur contribution à l'emploi (1,8 millions sur un total de 22,8 millions) pouvait apparaître plus significative avec un peu plus de 8 % des actifs ce, au prix d'une productivité (ou d'un montant des revenus) nettement plus faible que la moyenne nationale.

Et tandis que, de 1992 à 1998, le Produit intérieur brut progressait d'environ 12 %, la valeur ajoutée cumulée de l'agriculture et des industries agroalimentaires progressait de moins de 6 % : la part du secteur au sein de l'économie française en était encore réduite (5,4 % du P.I.B. en 1998) et si sa productivité pouvait apparaître plus élevée, c'était au prix d'une rétraction de la population active qui passait en six ans de plus de 1,8 million à 1,6 million d'emplois.

Evolution comparée du Produit Intérieur Brut et de la valeur ajoutée du secteur alimentaire de 1992 à 1998

(Agriculture et Industries agroalimentaires)

en milliards de francs valeur 1995 et en indice base 100 = 1992

Tableau établi par la commission d'enquête à partir du Rapport sur les Comptes de la Nation de l'année 1998, Tome II Comptes et indicateurs économiques

annexé au Projet de Loi de Finances pour 2000

 

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

P. I. B.

7 357,6

7 470,7

7 625,1

7752,4

7 837,9

7 992,2

8 245

En indice

100

101,5

103,6

105,4

106,5

108,6

112,1

Emplois

En milliers

22 800,5

22 520,6

22 509,4

22 689,2

22 752,2

22 821,6

22 086,5

En indice

100

98,8

98,7

99,5

99,8

100

96,9

V.A. Agriculture + I.A.A

422,3

417,3

418,5

427,1

435,8

441,4

447,3

En indice

100

96,8

99,1

101,1

103,2

104,5

105,9

Dont Agriculture

232,4

221,4

224,7

232,7

244,6

247,9

251,7

En indice

100

95,3

96,7

100,1

105,2

106,7

108,3

Dont I.A.A

189,9

195,9

193,8

194,4

191,2

193,5

195,6

En indice

100

103,1

102,1

102,4

100,1

101,9

103

Agriculture +I.A.A/P.I.B. en %

5,7

5,6

5,5

5,5

5,6

5,5

5,4

Agriculture + IAA

Emplois en milliers

1 856,8

1792,3

1 749,3

1 707

1 697,7

1 677,4

1 670,1

En indice

100

96,5

94,2

91,9

91,4

90,3

89,9

Agriculture +I.A.A
Exportations

186,2

196

200,3

214,6

215,7

219,7

229,3

En indice

100

105,3

107,6

115,3

115,8

118

123,1

Importations correspondantes

142,1

147,7

160,4

166,4

165,2

170,2

174,6

En indice

100

103,9

112,9

117,1

116,3

119,8

122,9

La dichotomie à laquelle se livrent les comptes de la nation ne descend pas au-dessous de la branche.

Pour connaître le montant pour chaque produit, il convient de se reporter aux Tableaux de l'économie française (T.E.F.) établis - tout comme les Comptes de la nation - par l'I.N.S.E.E. mais la différence d'approche est telle que ces deux séries de données ne sont pas superposables :

Les Comptes de la Nation raisonnent en termes de valeur ajoutée, le T.E.F. en termes de livraisons, c'est-à-dire qu'il incorpore les consommations intermédiaires pour retenir le prix auquel le bien s'affiche sur le marché,

Les Comptes de la Nation permettent de connaître les résultats de l'année 1998 (en francs valeur 1995) ; les séries du T.E.F s'arrêtent à l'année 1997 (en francs 1997).

Sous ces réserves - dont on admettra qu'elles ne sont pas négligeables puisqu'elles font apparaître dans l'ordre des connaissances économiques les mêmes incertitudes que dans l'ordre juridique -, on trouvera ci-dessous, à titre indicatif, par produit, les livraisons de l'année 1997.

Produits de l'agriculture pour l'année 1997

(en milliards de francs 1997)

Tableau établi par la commission d'enquête à partir des Tableaux de l'économie française tels qu'ils figurent sur le réseau documentaire Arbelès de l'Assemblée nationale

Céréales

40,9

Fruits et légumes

41,1

Betteraves et oléagineux

16,9

Vins

53,6

Total pour les productions végétales

152,5

Gros bovins

30,6

Veaux

9,9

Porcs

23,8

Chevaux

0,2

Autres

7,3

Volailles

24,4

Lait et _ufs

55,4

Total pour les productions animales

151,6

TOTAL

304,1

    Produits des industries agroalimentaires pour l'année 1997

    (En milliards de francs 1997)

    Même source que précédemment

    Viandes

    176

    Laits

    113

    Conserves

    43

    Pain, pâtisserie

    59

    Farines et grains

    99

    Huiles

    17

    Sucre

    23

    Divers

    61

    Boissons

    78

    TOTAL

    669

B.- un volume d'échanges considérable

Même si l'apport à l'économie française, de la filière alimentaire, est devenu, bien plus faible, en valeur relative, qu'elle ne le fut jamais, il n'en demeure pas moins que sa faculté exportatrice est allée en s'affermissant puisque ses importations sont passées de 142,1 milliards de francs (valeur 1995) à 174,6 milliards tandis que ses exportations progressaient de 186,2 milliards à 229,3 dégageant un solde positif qui est passé de 44,1 milliards en 1992, à 54,7 milliards de francs en 1998, soit une progression de 24 %.

Il reste que si la France produit globalement bien plus qu'elle ne consomme - et vend en conséquence très largement à l'étranger - elle lui achète également beaucoup ; si bien qu'il est fort difficile de superposer ce qu'elle produit et ce qu'elle consomme d'autant plus que, selon un principe fondamental du Traité de Rome, tout produit provenant d'un de nos partenaires de l'Europe des Quinze - fut-il importé par l'un des Quinze hors des frontières de la Communauté - est considéré comme provenant de la Communauté dès lors qu'il a été dédouané sur le territoire de l'un des Quinze.

Aussi bien le consommateur qui réside en France peut-il selon les cas :

1°) consommer un produit n'ayant subi - fait de plus en plus rare - aucune transformation (hors le transport et la commercialisation), ce produit provenant:

- soit d'une exploitation de la métropole,

- soit d'une importation effectuée par un importateur français, soumis aux investigations de la douane française et dès lors considéré comme un produit français,

- soit provenant d'une exploitation d'un de nos quatorze partenaires et totalement assimilé, lui aussi, à un produit national,

- soit ayant été importé et dédouané chez l'un de nos quatorze partenaires et considéré de même, une fois commercialisé en France, comme un produit national,

2°) consommer un produit - cas de plus en plus fréquent - issu d'une usine du secteur agroalimentaire :

- soit implantée en France et soumise aux contrôles sanitaires des services publics français,

- soit implantée hors du territoire communautaire mais important ses produits en France par l'entremise d'un opérateur français, soumis dès lors aux opérations de dédouanement des douanes françaises,

- soit implantée sur le territoire d'un de nos quatorze partenaires et dont les produits sont considérés, une fois en France, comme des produits français,

- soit implantée à l'extérieur de la Communauté mais y important ses produits, les faisant dédouaner par l'un de nos quatorze partenaires et leur faisant ainsi bénéficier du label communautaire qui les assimile à des produits français.

Les statistiques douanières les plus récentes apportent les indications qui nous sont nécessaires.

Quels produits exportons-nous ? Quels produits importons-nous ?

Comparaison des exportations et des importations en 1998
(en millions de francs valeur 1998)

Produits Alimentaires

Montant des Exportations

Montant des Importations

Montant des excédents

I.- Produits de l'agriculture

55 112

33 614

+ 21 498

11.- Céréales

24 359

1 235

+ 23 124

Blé dur

812

99

+ 713

Blé tendre

11 035

385

+ 10 650

Maïs

8 527

617

+ 7 910

Orge

3 512

18

+ 3494

Autres céréales

473

116

+ 357

12.- Plantes diverses

7 464

2 693

+ 4 771

Pommes de terre

1 534

572

+ 962

Oléagineux

5 807

2 094

+ 3713

Plantes fourragères

123

27

+ 96

13.- Fruits et légumes

12 990

19 857

- 7 867

Légumes frais

4 264

6 776

-2512

Fruits

7 726

13 081

-5355

14.- café, thé, cacao

148

5 685

-5 537

15 Total viandes

9 701

1 445

+ 7 867

Bovins

7 977

531

+ 7446

Veaux

597

238

+ 359

Ovins

283

292

-9

Equidés

561

208

+ 353

Porcins

283

176

107

16.- Volailles

697

122

+ 575

17.- _ufs et autres

901

2 577

-1676

II.- Produits de la Pêche

2 798

5 863

-3 065

III.- industries

Agroalimentaires

157 374

114 224

+ 43 150

31.- viandes

26 592

21 435

+ 5 157

Boucherie

13 952

16 293

- 2 341

Volailles

8 914

2 226

+ 6 688

Préparation

3 726

2 916

+ 810

32.- industries du lait

24 895

13 516

+ 11 379

Lait et crèmes

2 941

2 675

+ 266

Yaourts

1 041

478

+ 563

Beurre

1 228

2 911

- 1 683

Fromages

11 985

4 110

+ 7875

Autres produits laitiers

6 665

2 369

+ 4 296

Glaces

1 035

973

+ 62

33.- boissons

55 155

10 907

+ 43 248

Boissons distillées

10 493

3 135

+ 7 358

Champagnes

10 041

151

+ 9 890

Vins

25 267

3 316

+ 21 951

Cidres, bières et autres

3 437

2 451

+ 986

Eaux et boissons

4 917

1 854

+ 3 063

34.- travail des grains

9 087

5 359

+ 3 728

Farines

2 744

759

1 985

Autres activités

1 487

2 774

- 1 287

Produits amylacés

4 856

1 826

+ 3 030

35.- produits préparés

11 592

28 751

- 17 159

Poissons préparés

3 781

15 060

- 11 279

Légumes préparés

5 122

6 163

- 1 041

Jus de fruits

799

3 255

- 2 456

Fruits préparés

1 890

4 273

- 2 383

36.- huiles

4 653

14 041

-9 388

-

Huiles et graisses brutes

2 066

8 477

- 6 411

Huiles raffinées

1 457

3 715

- 2 258

Condiments

1 130

1 849

- 719

37.- pains, biscottes, pâtes

6 862

6 937

- 75

Pains et pâtisseries

1 165

1 044

+ 121

Biscottes, biscuits

5 157

4 307

+850

Pâtes alimentaires

540

1 586

- 1 046

38.- sucre, chocolat, café

18 483

13 035

+ 5 448

Sucre

8 907

1 338

+ 7 569

Chocolats, confiseries

7 598

8 998

- 1390

Café et thé

1 978

2 699

- 721

39.- aliments diététiques

1 055

243

+ 812

Total I+II+III

215 284

153 701

+ 61 583

On comprend, à cet énoncé, la difficulté de connaître la provenance de ce qui est offert sur le marché national sauf à bénéficier d'un étiquetage particulièrement exigeant.

On comprend de même l'absolue nécessité de règles sanitaires identiques sur le territoire des Quinze comme la nécessité tout aussi absolue de contrôles homogènes, notamment lors de l'entrée de produits alimentaires à l'intérieur des frontières communautaires.

Mais comment songer que tout produit importé puisse être systématiquement contrôlé par l'un des quinze services douaniers ?

Et comment imaginer des moyens et une rigueur identiques de la part de services aux moyens et aux traditions différentes, ce nonobstant les efforts d'harmonisation de l'Organisation Alimentaire et Vétérinaire de Dublin sur lequel nous allons sous peu revenir ?

Autant de sujets fondamentaux sur lesquels le présent rapport aura l'occasion de se prononcer.

C.- une consommation des produits alimentaires
d'un niveau respectable

Tous les produits du globe pouvant être à notre disposition - que nous les produisions ou que nous les importions - lesquels consommons nous et comment les consommons-nous ?

De même que les experts de l'I.N.R.A. et ceux du ministère de l'agriculture nous ont incité à faire un détour vers les évolutions technologiques pour mieux comprendre la nature des produits, de même ceux de l'I.N.S.E.E, du C.R.E.D.O.C. et du C.N.R.S. nous conseillent-ils volontiers de procéder à l'analyse des grandes évolutions sociologiques pour mieux comprendre celles de la consommation des produits alimentaires.

Sans mésestimer les difficultés nées du ralentissement de la croissance intervenue au début des années soixante-dix - ni les profondes mutations sociales en cours - c'est plutôt une image apaisée de notre société que les experts de l'I.N.S.E.E. ont présentée à la commission d'enquête.

D'abord, « au plan démographique, on observe une croissance continue d'un trimestre par an de la durée de vie des français et d'une vie que caractérisent la bonne santé et l'absence d'incapacité », constatation qui relativise les inquiétudes qui pourraient naître d'une apparente morbidité liée à un mauvais système alimentaire.

Les plus défavorisés sont moins confrontés à un problème de budget alimentaire que de déséquilibre alimentaire et ce n'est plus la faim qui est la marque de la déshérence mais l'obésité, conséquence d'une mauvaise hygiène de vie et de régimes alimentaires déséquilibrés.

Au surplus, si « on parle beaucoup - et à juste titre - des sans-abri «  les conditions de confort des logements des ménages sont en constante augmentation ». Les inégalités de revenus et de consommation n'augmentent pas, pour leur part considérablement et « malgré tout ce qui est dit et perçu, les ménages français connaissent en réalité sur une longue période une élévation continue de leur niveau de vie... »

1.- 1978-1998 : l'évolution des dépenses alimentaires sur vingt ans

De 1978 à 1998, soit sur vingt ans, la consommation totale des ménages est passée, en francs constants (valeur 1995), de 4 milliards de francs à 5, 7 milliards de francs soit une progression de plus de 41 % (un peu plus de 2 % par an), progression nettement positive même si elle peut apparaître médiocre eu égard aux taux de croissance des « trente glorieuses » et compte tenu d'un accroissement concomitant de la population qui a érodé d'autant le rythme de croissance de la consommation par habitant.

On notera toutefois que le montant de la consommation des produits agricoles non transformés aura connu en francs constants une progression beaucoup plus faible : 128, 6 milliards de francs en 1978, 142, 5 milliards de francs en 1998 d'où un recul en pourcentage par rapport à la consommation totale de 3,2 % en 1978 à 2,5 % en 1998.

On notera, en revanche, que la consommation des produits des industries agroalimentaires - 531,5 milliards de francs en 1978 ; 707,8 milliards de francs en 1998 - aura bénéficié d'une progression de 33,2 %, qui n'est pas si éloignée de l'ensemble de la consommation ( + 41,1 %).

En conséquence, le pourcentage des produits issus des industries agroalimentaires par rapport à la consommation totale s'effrite assez peu : de 16,4 % en 1978 à 15 % en 1998.

Parmi elles, d'ailleurs, les produits agroalimentaires lactés et carnés, crédités d'un taux de progression sur vingt ans de 38 %, l'emportent aisément sur les autres produits qui progressent de moins de 30 % :

Au total, l'ensemble des dépenses de consommation des produits agricoles et des produits des industries agroalimentaires sera passé de 610 milliards de francs en 1978, à 850,4 milliards de francs en 1998 soit une progression de près de 29 % ramenant les dépenses alimentaires de 16,4 % en 1978 à 15 % en 1998, soit une diminution de 1,4 point ce qui ne saurait être considéré comme un profond bouleversement.

Evolution des dépenses de consommation des ménages de 1978 à 1998 en francs valeur 1995

Tableau établi par la commission d'enquête à partir de la série 1978/1998 qui lui a été communiquée, à sa demande, par l'I.N.S.E.E.

Montants des dépenses de consommation

1978

en millions de f

valeur 1995.

1978

en % de la consommation totale

1998

en millions de f.

valeur 1995

1998

en % de la

consommation

totale

1998/1978

1978 = 100

Consommation totale

4 021 296

100

5 676 542

100

141,2

Consommation de produits agricoles

128 571

3,2

142 530

2,5

110,9

Consommation de produits des industries

agroalimentaires

Dont

Viande et lait

Autres

531 536

216 027

315 509

13,2

5,4

7,8

707 882

298 257

409 625

12,5

5,3

7,2

133

138

130

Total pour l'agriculture et les I.A.A.

610 107

16,4

850 412

15

128,8

Consommation autre que les dépenses de nourriture

3 361 189

83,6

4 826 130

85

143,5

En fait, la très forte diminution des dépenses alimentaires par rapport à la consommation totale des ménages, que certains experts se plaisent à souligner, constitue un phénomène déjà très ancien auquel s'est substitué :

1°) une lente érosion en termes relatifs,

2°) une lente progression en termes absolus,

double évolution qui doit être corrélée à d'autres phénomènes sociaux :

1°) la montée en puissance de la grande distribution (en laquelle l'I.N.S.E.E. voit, avec beaucoup d'autres, une des causes de la baisse des prix, conséquence de sa position dominante à l'égard de la production),

2°) la croissance de l'activité féminine qui incite aux achats groupés et à l'acquisition de produits préparés,

3°) la généralisation des zones péri urbaines où habitent beaucoup de gens modestes - de personnes âgées notamment - et où se développent précisément les hypermarchés.

Il reste que les montants attribués aux dépenses alimentaires sont en partie contestables si l'on veut bien considérer que l'I.N.S.E.E. :

1°) fait figurer dans les consommations de produits agricoles, les services divers rendus à la société par l'agriculture, ainsi que les produits de la sylviculture.

2°) de même qu'il compte parmi les produits de l'industrie agroalimentaire les aliments pour animaux de compagnie ou bien encore le tabac... que le sens commun n'a jamais songé à assimiler à un aliment même s'il constitue un réel danger pour la santé de celui qui le « consomme » !

Aussi, une fois ces diverses dépenses déduites, la consommation des produits alimentaires s'établit-elle à une somme un peu plus faible.

A contrario, ces montants ne comprennent pas les dépenses de restauration, et notamment ceux de la restauration collective, laquelle se développe de plus en plus, tandis que les dépenses « au café » ont tendance à baisser ; mais l'I.N.S.E.E. n'étant pas en mesure de faire la différence entre le repas pris au restaurant au cours d'une journée de travail de celui pris par un touriste, le cumul des dépenses alimentaires et des dépenses de restauration aboutit à des chiffres aléatoires même s'il s'agit dans tous les cas de dépenses alimentaires effectuées sur le territoire national.

Hasardons-nous à les additionner pour la période la plus récente. Elles s'établissent alors :

- en 1990 : à 1 milliard de francs (valeur 1995), soit 20,6 % de la consommation totale,

 - en 1998 : à 1,1 milliard de francs (valeur 1995) soit 19,2 %.

Bénéficiant d'une croissance d'un peu plus de 4 % de 1990 à 1998, cet agrégat subit néanmoins durant la même période un recul de 1,4 point par rapport au total des dépenses de consommation.

2.- 1990-1998 : l'évolution des dépenses alimentaires sur huit ans

Les dépenses alimentaires
au sein des dépenses globales de consommation

Ainsi qu'il apparaît dans le tableau ci-dessous, les dépenses d'alimentation, tout en connaissant au cours des huit dernières années une certaine croissance en volume, auront été surclassées par :

- les biens de consommation : indice 109 en 1998 (base 100 en 1990),

- les services aux particuliers : indice 109,4,

- les dépenses d'énergie : indice 110,2

- les dépenses de transport : indice 113,6

- les dépenses d'éducation : indice 116,6

- les dépenses de santé : indice 120,3

- les dépenses d'administration et d'action sociale : indice 121,6

- les services aux entreprises individuelles : indice 132,4.

En revanche, elles auront évolué plus rapidement que les dépenses en faveur de l'automobile et des biens intermédiaires restés stables tout au long de la période et auront nettement dépassé celles effectuées auprès du petit commerce de proximité en nette décroissance (indice 84,5).

Une brève étude des postes par importance décroissante démontre que celui de l'alimentation (ou plus exactement celui des dépenses de produits agricoles et agroalimentaires) demeure, quoi qu'on dise le premier - si l'on y inclut les dépenses effectuées au restaurant (19,2 %), le second si on les exclut (13,1 %), devancé seulement par les dépenses de location immobilière (14,3 %), arrivant bien avant les dépenses de santé (9,8 %) et d'éducation (6,9 %) ; comparaison qui relativise le discours sur l'effacement des dépenses alimentaires au sein des ménages qui, pour ne plus représenter, depuis bien longtemps la moitié de celles-ci, n'en demeurent pas moins dominante.

Au sein même des dépenses consacrées à l'alimentation, les évolutions internes sont faibles ainsi que le fait apparaître ce tableau, encore qu'elles soient significatives d'un souci lié à une plus grande sécurité des aliments.

Evolution des dépenses de consommation par grandes catégories de produits
de 1990 et 1998

(en millions de francs valeur 1995)

Tableau établi par la commission d'enquête à partir de l'étude de l'I.N.S.E.E. sur
La consommation des ménages en 1998

Produits

Montants pour 1990

Consommations 1990 en structure

Montants pour 1998

Consommations 1998 en structure

1998/1990

en %

Produits agricoles et des I.A.A.

811 081

15, 7

850 381

14,8

105,9

Restaurants, cafés et cantines

254 255

4,9

251 917

4,4

0,99

Produits alimentaires +

Restaurants, cafés et cantines

1 065 336

20,6

1 102 298

19, 2

103,5

Biens de consommation

689 629

13,4

752 041

13,1

109

Industrie automobile

265 482

5,1

267 114

4,6

100,7

Biens d'équipement

35 265

0,7

55 392

1

157,1

Biens intermédiaires

187 362

3,6

186 797

3,3

99,7

Energie

311 424

6

343 279

6

110,2

Petit entretien

45 376

0,9

49 408

0,9

108,9

Commerce

112 589

2,2

95 095

1,7

84,5

Transports

118 073

2,3

133 729

2,3

113,6

Assurances et autres

145 609

2,8

157 381

2,7

108,1

Activités immobilières

707 028

13,7

824 095

14,3

116,6

Service aux entreprises

154 156

3

204 126

3,6

132,4

Service aux particuliers

320 963

6,2

377 731

6,6

117,7

Education

340 967

6,6

397 514

6,9

116,6

Santé

467 668

9

562 474

9,8

120,3

Action sociale

103 427

2

125 741

2,2

121,6

Administration

92 972

1,8

113 033

2,2

121,6

Total

5 163 326

100

5 747.248

100

111

Ajustements

- 47 503

 

- 70 979

   

Total après ajustements

5 115 823

 

5 676 614

   

L'évolution des dépenses alimentaires par produits

De 1990 à 1998, la consommation, en francs constants, des produits alimentaires est, en conséquence, passée de 684,8 milliards de francs à 743,4 milliards soit une progression en volume de 8,6 %.

En leur sein, les produits venant de la mer ont connu une situation quasiment stable puisque leur consommation a augmenté de moins de 2 %. Au sein des dépenses alimentaires, leur position s'est rétractée même si cette rétraction reste marginale : 2,5 % des dépenses d'alimentation en 1990, 2,3 % en 1998.

De même, les produits de l'agriculture qui arrivent directement sur la table du consommateur n'ont-ils progressé que très faiblement : + 3,2 % en dix ans. Représentant 12,9 % des dépenses d'alimentation en 1990, ils n'en constituent plus que 12,3 %, mais la rétraction est de même marginale.

En revanche, les produits issus des industries agroalimentaires ont progressé de près de 10 %, progression elle-même assez faible - caractéristique, en tout cas, d'un pays fort heureusement nanti - puisqu'elle représente une progression moyenne de 1 % par an seulement. Elle permet néanmoins à ces produits d'affermir une position qui était déjà dominante : 84 % des dépenses alimentaires en 1990, 85,4 % en 1998.

C'est en leur sein que l'on sent deux évolutions susceptibles de trahir certaines inquiétudes, au travers de :

- la faible progression de la consommation des viandes ( + 2,3 % en dix ans) : la viande qui n'était pas loin de représenter près de 30 % des dépenses alimentaires (28,1 % en 1990) se rapproche en fin de période de 25 % (26,5 % en 1998),

- la forte progression des boissons (+ 26,3 %), du notamment à la progression des eaux minérales qui traduit à la fois la défiance à l'égard de l'eau du « robinet » et le souci de bénéficier de l'apport en « minéraux » que ces eaux promettent.

Cette évolution calculée à partir des prix du marché occulte toutefois les évolutions quantitatives (exprimées en poids ou en nombre d'unités) dans la mesure où une hausse des dépenses peut tout aussi bien traduire soit une stabilité quantitative et une amélioration qualitative du produit, soit une qualité maintenue à l'identique mais une croissance de la consommation.

De fait l'exacte signification de l'évolution des postes de dépense ne peut ressortir que d'études spécifiques et c'est ainsi qu'au-delà des éléments fournis par le tableau qui précède, l'I.N.S.E.E. a procédé à des études qui permettent de distinguer notamment :

1°) les produits dont les prix baissent et dont la consommation augmente : les boissons non alcoolisées, les jus de fruits, les vins A.O.C., les aliments diététiques, les aliments pour bébés, les conserves et les surgelés, les biscuits et biscottes, les produits laitiers, yaourts et fromages blancs,

2°) les produits dont les volumes et les prix croissent conjointement : les plats cuisinés, les crèmes glacées,

3°) ceux dont les volumes et les prix diminuent : le beurre, la farine, les _ufs, les pâtes, les entremets, les desserts.

L'évolution des dépenses de consommation de 1990 à 1998
(Tableau de synthèse)

Nature des dépenses

Indice des dépenses en 1998

Base 100 = 1990

Structures des dépenses alimentaires

En 1990

Structure des

dépenses alimentaires en 1998

produits issus directement de l'agriculture

103,2

12,9

12,3

Produits de la pêche

101,8

2,5

2,3

Industries agroalimentaires

Dont

Viandes

Produits lactés

Boissons

Farines et grains

Divers

109,6

102,3

113

126,3

118,8

107,8

84,6

28,1

13,3

12,2

0,9

30

85,4

26,5

13,8

14,2

1

29,9

Montant de la consommation effective par catégorie de produits alimentaires de 1990 à 1998

(en millions de francs constants valeur 1995)

Tableau établi par la commission d'enquête à partir de l'étude de l'I.N.S.E.E sur la consommation des ménages en 1998

Produits

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

I. produits agricoles

88 616

86 734

87 899

88 928

91 289

92 955

91 444

90 939

91 492

Pommes de terre

8 094

8 388

8 810

8 634

8 193

9 050

9 066

9 095

8 651

Légumes frais

33 434

33 499

34 209

34 130

34 613

35 258

34 490

35 167

35 725

Fruits

37 699

37 190

37 356

36 894

38 882

39 018

38 282

38 955

37 946

_ufs

7 602

7 657

7 524

7 462

7 789

7 802

7 732

7 722

7 784

Produits de l'élevage

1 787

1 797

1 788

1 808

1 812

1 827

1 874

1 839

1 836

II. produits de la pêche

16 940

16 464

16 923

17 831

18 069

16 879

17 643

17 587

17 237

III. produits des I.A.A.

579 236

589 389

593 004

602 617

602 177

613 301

611 154

623 578

634 700

31 produits de la viande

192 723

195 660

192 851

194 443

190 119

194 386

192 941

194 169

197 126

Viandes de boucherie

Dont

B_uf

Veau

Mouton

Cheval

Porc

Triperie

96 014

(48 133)

(15 734)

(10 632)

(2 980)

(13 651)

(5 011)

96 075

(47 892)

(15 954)

(10 909)

(2 765)

(13 637)

(5 030)

92 891

(46 837)

(14 950)

(10 483)

(2525)

(13 324)

(4 859)

91 438

(45 666)

(14 472)

(10 504)

(2 281)

(13 830)

(4 705)

87 818

(43 565)

(13 995)

(10 188)

(1 755)

(13 789)

(4 527)

88 540

( 44 305)

(14 051)

(10 249)

(1 760)

(13 581)

(4 594)

83 748

(40 894)

(13 348)

(10 117)

(1 980)

(13 567)

(3 842)

84 282

(41 507)

(13 508)

(9 804)

(2 020)

(13 595)

(3 862)

83 512

(40 220)

(13 319)

(9 715)

(1 979)

(14 370)

(3 872)

Volailles

34 735

35 231

35 130

36 376

35 672

36 323

37 932

38 413

38 781

Préparations

61 974

64 354

64 830

66 629

67 629

69 523

71 261

71 474

74 833

32. produits laitiers

90 869

92 915

94 738

96 945

98 619

100 306

92 882

99 885

102 713

Lait et crème

16 457

17 000

17 426

17 642

17 815

18 325

18 573

18 698

19 166

Yaourt

14 571

15 239

15 714

15 963

16 093

16 319

19 978

17 434

17 959

Beurre

9 674

9 612

9 545

9 362

9 460

9 246

9 210

9 461

9 481

Fromages

42 563

43 267

44 106

46 105

46 851

47 735

45 454

46 254

48 099

Autres

1 081

1 115

1 064

1 004

913

883

883

919

963

Glaces

6 523

6 682

6 883

6 869

7 487

7 798

7 073

7 119

7 045

33. boissons

83 666

86 852

88 865

93 857

93 951

96 809

99 445

101 840

105 666

Boissons distillées

18 104

19 229

19 878

21 795

21 815

21 761

22 708

22 713

22 958

Champagne

8 384

8 528

8 829

9 378

9 176

9 598

9 835

10 213

10 868

Vins

26 718

27 844

28 230

29 620

29 245

30 784

31 849

32 495

34 214

Cidres

1 454

1 599

1 777

1 956

1 901

1 987

1 922

1 960

1 994

Vermouths

1 671

1 674

1 759

1 880

1 960

1 596

1 290

1 260

1 218

Bières

9 140

9 052

9 318

9 210

9 099

9 131

9 275

9 454

9 909

Eaux

18 195

18 926

19 074

20 018

20 755

21 952

22 566

23 745

24 505

34 . grains et farines

6 014

6 218

6 455

6 463

6 641

6 876

7 088

7 209

7 144

35. produits divers

205 964

207 744

210 095

210 909

212 847

214 924

218 798

220 475


222 051

Poissons préparés

24 940

24 828

25 554

26 551

26 575

26 600


26 885

27 018

27 218

Conserves de légumes

17 589

18 299

18 957

18 919

19 127

19 165

19 682

19 505

19 894

Jus de fruit

4 096

4 855

5 166

5 532

5 840

6 588

6 726

7 036

7 113

Conserves de fruits

7 918

8 059

7 841

7 472

7 539

7 577

7 622

7 606

7 804

Huiles

9 243

9 115

9 096

9 051

8 725

8 481

8 710

8 596

8 434

Pain et pâtisserie

60 709

60 188

60 125

58 623

58 916

58 386

59 279

59 462

59 681

Biscuits

15 817

16 433

16 647

16 964

16 981

17 609

18 349

18 386

18 294

Sucre

4 005

3 945

4 134

3 803

3 655

3 633

3 525

3 366

3 292

Chocolat et confiserie

25 608

25 690

26 512

27 227

27 932

28 602

28 689

29 258

30 020

Pâtes

5 904

5 911

5 864

5 887

6 099

6 245

6 233

6 388

6 318

Café et thé

16 016

15 952

15 841

16 109

16 011

15 660

16 255

16 743

16 592

Condiments

5 079

5 160

5 135

5 315

5 501

5 788

6 025

6 278

6 278

Aliments diététiques

7 024

7 213

7 199

7 400

7 985

8 504

8 725

8 681

8 863

Autres

2 016

2 096

2 024

2 056

1 961

2 086

2 093

2 152

2 230

Total général I+II+III

684 792

692 587

697 826

709 376

711 535

723 135

720 241

732 104

743 429

On achèvera par deux constatations :

1°) nos habitudes alimentaires évoluent, ne serait-ce que par l'importance que prennent dans notre alimentation les produits importés que confirme le rapport entre les montants consommés et les montants importés : nos importations de légumes ont représenté 18, 2 % de notre consommation en 1998, celles de fruits 32,1 %, celles des produits de la pêche 30,4 %, celles de viandes 24,8 %, celles des produits lactés 13,2 %, celles des boissons 10,6 %.

Les études du C.R.E.DO.C, qui tentant de cerner cette évolution confirment cette importance lorsqu'elles discernent les quatre tendances suivantes  :

- d'abord la recherche gain de temps (moins un repas prend du temps et plus de temps est gagné),

a contrario, la convivialité,

- pour la période récente, le souci prioritaire d'une bonne santé par le renforcement des défenses immunitaires de l'organisme,

- enfin la fonction d'appropriation culturelle par le développement considérable des pratiques alimentaires en provenance de l'étranger.

Montants comparatifs des consommations et des importations
pour divers produits en 1998

(en millions de francs valeur 1995)

établi par la commission d'enquête à partir  :

- pour les consommations de l'étude de l'I.N.S.E.E. sur la consommation des ménages en 1998

- pour les importations à partir des comptes de l'agriculture en 1998

Produits

Montants consommés

(A)

Montants importés

(B)

B/A

en %

Légumes

37 309

6 776

18,2

Fruits

40 704

13 081

32,1

Pêches maritimes

19 276

5 863

30,4

Viandes

86 500

21 435

24,8

Produits lactés

102 765

13 526

13,2

Boissons

105 577

11 189

10,6

2°) A contrario, d'autres travaux du même organisme démontrent combien nos habitudes demeurent au fond assez stables allant jusqu'à respecter d'ancestrales différences régionales.

C'est ainsi qu'à l'occasion d'une étude, il est vrai relativement ancienne (1996), le C.R.E.D.O.C. distinguait dix régions alimentaires caractérisées par une nette sur ou sous consommation des principaux produits que l'on retrouve sur la table des français qui pouvaient laisser penser que sous des changements, somme toute superficiels, les traditions ancestrales demeuraient. Bref le couscous pour être apprécié à sa juste valeur n'aura pas fait oublier le cassoulet et la propension des jeunes pour le « Mc Do » ne les empêche pas, devenus un peu plus âgés de retrouver ce goût pour les qualités organoleptiques de nos produits de tradition.

Caractéristiques des consommations des dix régions alimentaires
discernées par les travaux du C.R.E.D.O.C.

Région alimentaire

Principaux aliments

Sur-consommés

Principaux aliments

sous-consommés

Nord et Picardie

Pommes de terre, bière, eaux minérales, beurre, charcuterie

Fruits frais, pâtisseries, huiles, vins

Ile de France

Agrumes, riz, thé, pâtisserie, boissons sucrées, thé, champignons de Paris

Pain, charcuterie, pommes de terre, _ufs, légumes frais

Grand Ouest

Beurre, cidre, fruits de mer, lait

Fromages, huiles, riz, agrumes, viande de mouton, biscuits secs

Région centrale

Fromages à pâte molle et à pâte fraîche, gibier

Viandes de mouton et de veau, fruits de mer, poissons frais

Nord-Est

Charcuterie, bière, pain, crème fraîche, viande de porc, prunes

Fruits de mer, cidre, apéritifs, poisson frais, thé

Jura / Rhône/ Savoie

Fruits frais, fromages à pâte persillée, gruyère, emmental, comté

Cidre, fruits de mer, apéritifs

Vallée du Rhône / Méditerranée / Alpes

Agrumes, bananes, fruits secs, huiles

Beurre, pommes de terre, eaux minérales, charcuterie, volaille, bière

Massif Central

Viande de veau, poires, fromages à pâte persillée et à pâte pressée, saucissons, vins de qualité courante

Fruits de mer, bière, viandes de porc et de b_uf, boissons sucrées

Pyrénées / Languedoc / Roussillon

Fromages à pâte persillée et à pâte pressée, saucisses, saucissons, vins de qualité courante

Beurre, cidre, eaux minérales, bière, viandes de porc et de b_uf, boissons sucrées

Sud Ouest

Volaille, pain, gibier, lapin domestique, vins de qualité courante

Crème fraîche, bière, beurre, boissons sucrées

III.- Combattre

N'en déplaise à Valère, s'il faut manger pour vivre, il faut également vivre pour manger.

Il le faut parce que manger est un plaisir, que la bonne chère - dès lors qu'elle sait être raisonnable - constitue vraisemblablement un facteur de longévité. Quelques travaux de psychologues, s'ils avaient été d'aventure communiqués à la commission, en apporteraient assez aisément la preuve et, faute de les détenir, la commission se contentera des conseils du Professeur en toxicologie François Narbonne qui estime qu'il n'y a pas de meilleure nutrition qu'un bon verre de Bordeaux ; de même que le Professeur Louisot qui, nonobstant les contraintes de la traçabilité, conseille de laisser suffisamment de place sur l'étiquette pour avoir confirmation qu'il s'agit bien d'une bonne bouteille !

Il le faut tout simplement parce que l'homme doit survivre à l'issue de son repas, qu'il n'est pas d'acte qui soit davantage contre nature que de transformer celui de se nourrir - qui tend à perpétuer la vie - en acte de décès par le jeu :

- soit d'un empoisonnement brutal dû à l'ingestion d'une substance mortelle, telle certaines listeria,

- soit d'un empoisonnement différé sous l'effet d'une incubation prolongée - comme on le soupçonne dans le cas de l'E.S.B. - 

- soit, sous l'effet de la prise répétitive de substances morbides : ainsi de métaux lourds en suspension dans l'eau destinée à la consommation.

Bref il s'agit de faire face aux dangers que pourrait présenter une alimentation malsaine, c'est-à-dire de tout mettre en _uvre pour les combattre, si possible préventivement, tant une action préventive est toujours infiniment moins coûteuse ainsi que le rappelait à la commission Madame Dominique Voynet.

A défaut, il conviendra de procéder de façon curative.

Au pire, cette action pourra se situer, au cas où un nombre élevé de nos compatriotes viendrait à être atteint, dans un contexte de crise aiguë pouvant rendre légitime le recours à des moyens exceptionnels.

A.- des risques multiples

Au fond, ce qui motive l'inquiétude de nos concitoyens, c'est de considérer qu'un acte de vie puisse, même en nombre infinitésimal, se traduire dans l'immédiat - du fait d'une coupable négligence - en un acte de mort ; ou, pis encore, à moyen ou long terme, prendre la forme des épidémies meurtrières subrepticement resurgies des temps jadis, non sous la forme de la peste ou du choléra mais sous celle d'une E.S.B. foudroyant des populations entières ou de maux plus incertains encore, conséquences de la modification génétique des espèces.

1.- les risques mesurés par les enquêtes d'opinion :
l'enquête de l'I.F.O.P. de novembre 1999

Soyons toutefois moins alarmiste que les propos qui précédent.

Il apparaît, en fait, que chacun dispose du sondage qui convient le mieux à la thèse qu'il entend défendre.

Prenons parmi d'autres les résultats de l'enquête conduite par l'I.F.O.P. au moment où la commission commençait ses travaux et que le journal « le Monde », qui en était le commanditaire, a bien voulu lui communiquer.

Comme toute enquête, celle-ci présente l'état de l'opinion à un moment donné, en l'occurrence avant que n'éclate la crise de Listeria de la fin de l'année 1999, mais alors que le débat sur le b_uf britannique était au centre des préoccupations.

Les enseignements - qu'il conviendrait encore une fois de faire valider par d'autres études - sont de prime abord relativement mesurée - si mesurés même qu'on en viendrait parfois à douter du bien-fondé de la création d'une commission d'enquête parlementaire !

Interrogées sur les risques que peuvent présenter neuf aliments dont les viandes de b_uf, de mouton et de porc, la volaille, les _ufs, le poisson et les fruits et légumes, 89 % des personnes interrogées se rangent, en effet, parmi celles qui ne sont « pas » ou « plutôt pas inquiètes » pour ce qui concerne le fromage et les fruits et légumes.

Les pourcentages, plus faibles pour les autres produits, démontrent néanmoins une confiance forte :

- pour le poisson (87 %),

- pour la viande de mouton (85 %),

- pour les _ufs (83 %),

- pour la viande de porc (78 %).

En définitive, les deux produits qui suscitent le moins de confiance sont - qui s'en étonnerait ? - ceux qui ont été concernés par les crises récentes : celles de la dioxine et de l'E.S.B., ce qui abaisse les pourcentages de confiance à :

- 75 % pour les volailles,

- 70 % pour la viande de b_uf.

Mais c'est dire a contrario (si l'on tient du 1 % des sondés qui ne se prononcent pas) que la crise de l'E.S.B. a eu pour effet d'inquiéter 29 % des français et celle de la dioxine 24 % ce qu'on ne peut tenir pour négligeable.

Au surplus, note le commentateur de l'I.F.O.P., «  60 % des personnes interrogées disent vérifier plus souvent qu'il y a quelques années l'origine de la viande qu'ils consomment, 49 %, celle de la volaille. «  Et il ajoute : « sur ces deux aliments, le nombre de personnes qui ont modifié leur comportement est bien supérieur à celui de celles qui se disent inquiètes. Tout se passe comme si des réflexes de précaution étaient déjà adoptés (qui permettent sans doute de renouer avec la confiance) et désignaient un nouveau comportement de consommation caractérisé par la précaution, et qui s'exprime par un besoin de transparence. »

Ce besoin se concrétise par le souhait à hauteur de 75 % de l'échantillon d'être rassuré par la création de ce que l'I.F.O.P. appelle, il est vrai assez improprement des « labels », ce qui revient à dire que les personnes qui ne sont pas inquiètes apprécieraient néanmoins l'existence d'un constat officiel d'innocuité des aliments qu'elles consomment.

Et le commentateur de conclure son étude par ce constat : « La forte adhésion à la création de labels vient confirmer la demande de plus de transparence exprimée par les personnes interrogées. En ce sens, la problématique des risques alimentaires devient emblématique, pour l'opinion publique, des dysfonctionnements des institutions et des pouvoirs publics en matière de prévention et de gestion des risques. »

Recours à plus de « transparence » !

« Dysfonctionnements des pouvoirs publics » !

Autant de termes qui réaffirment la légitimité de la commission d'enquête et c'est forte de cette légitimité qu'elle s'est entretenue une matinée durant des risques alimentaires avec dix organisations nationales représentatives des consommateurs, avant de procéder à l'audition du directeur de l'Institut national de la consommation, M. Marc Deby et des associations du département des Côtes d'Armor.

2.- les risques évoqués par les associations de consommateurs

En effet, qui écouter d'abord ?

Reconnaissons que pendant bien longtemps le problème ne s'est guère posé.

Il n'y avait, au sein de la chaîne alimentaire, que l'agriculteur d'autant plus solitaire qu'il cumulait les fonctions de producteur et de consommateur.

Maître Jean était « Roi sur sa terre » selon le titre d'un essai d'un de nos regrettés collègues - Pierre Godefroy - spécialiste en son temps des questions agricoles ; sauf à ce que quelques mauvaises saisons ne mettent le paysan entre les mains de l'usurier, voire de la communauté religieuse qui prêtait sans intérêt mais non sans gages. Un peu d'engrais tiré d'une marnière suffisait à engraisser son champ ; à moins que proche de la côte, il n'allât arracher quelques goémons. Un peu de ventes pour participer à l'économie monétaire... mais si peu.

Aujourd'hui qui commande ?

Le semencier ou le pourvoyeur de produits phytosanitaires qui appartiennent bien souvent à la même firme ?

Le vétérinaire sans lequel le troupeau ne survivrait pas ?

Le Crédit agricole sans les prêts duquel le jeune ne pourrait s'installer, sans la bienveillance de la caisse régionale qui permet à l'endetté de survivre à ses dettes ?

Ou bien encore l'épouse dont le salaire extérieur permet de boucler les fins de mois ?

Non aujourd'hui, c'est le consommateur qui commande et c'est ainsi qu'ont été amenées à s'exprimer :

1°) les associations liées aux grandes centrales syndicales :

A.D.E.I.C./F.E.N., représentée par son secrétaire général M. Christian Huard,

Etudes et Consommation/ C.F.D.T., représentée par son secrétaire général M. Daniel Huchette,

Force Ouvrière Consommateurs, représentée par son secrétaire Général, M. Eric Avril,

INDECOSA./C.G.T., représentée par son secrétaire général, M. Gérard Montant,

O.R.G.E.C.O./C.F.E.-C.G.C., représentée par son Vice-président, M. Gérard Benoist du Sablon ;

2°) celle qui se veut spécifiquement consumériste : U.F.C.- Que Choisir ?, représentée par sa présidente Mme Marie-Josée Nicoli ;

3°) ou bien encore celles qui, sans avoir aucune vocation syndicale, se fixent des objectifs plus généraux et notamment la défense des intérêts des familles :

- la Confédération de la Consommation, du Logement et du Cadre de Vie (C.L.C.V.), représentée par son directeur scientifique M. Vincent Perrot,

Familles Rurales, représentée par sa présidente, Mme Marie-Claude Petit, accompagnée de M. Daniel Pepers, chargé de mission,

l'Union Féminine Civique et Sociale (U.F.C.S.), représentée par Mme Françoise Guillon,

l'Union Nationale des Associations Familiales (U.N.A.F.), représentée par son président, M. Hubert Brin.

A cette occasion, point ou peu de chiffres, mais beaucoup d'idées soutenues par des analyses qui se traduisent par autant de préoccupations concrètes dont les encadrés ci-dessous tentent de faire la synthèse.

De toutes, c'est l'organisation dont la finalité est essentiellement consumériste - c'est-à-dire l'U.F.C. Que choisir ?, qui se montre la plus pugnace et c'est ainsi que, rentrant tout de go dans le vif du sujet, sa présidente, Mme Nicoli fait état - comme c'est son rôle - de multiples revendications :

1°) mettre un terme à l'utilisation abusive des produits phytosanitaires,

2°) mettre un terme à l'utilisation des antibiotiques,

2°) mettre un terme à l'utilisation frauduleuse d'hormones,

3°) mettre un terme à l'intégration des boues de stations d'épuration des abattoirs dans les aliments pour animaux,

4°) être soucieux d'une parfaite fiabilité de la chaîne du froid comme du respect des dates limites de consommation.

L'Union Féminine Civique et Sociale (l'U.F.C.S.) la relaie :

1°) se préoccupant des effets des métaux lourds dans la nourriture,

2°)demandant en conséquence l'interdiction de cultiver sur les sols contenant de tels métaux,

3°) souhaitant voir conduire des études sur la teneur des récoltes en métaux,

4°) préconisant l'établissement de conventions assurant l'innocuité des rejets des stations d'épuration des agglomérations.

Et ces deux associations conjuguent leur action pour demander - la première - des études sur les relations entre la croissance des allergies et l'alimentation, la seconde pour se préoccuper davantage des problèmes nutritionnels.

Pour leur part, les organisations de consommateurs proches des grandes centrales syndicales se montrent davantage soucieuses des techniques qu'utilise le segment industriel de la chaîne alimentaire.

Aussi bien :

Etudes et Consommation/C.F.D.T insiste-t-elle sur une bonne maîtrise du process de fabrication,

-  de même qu'INDECOSA/C.G.T. sur le droit d'alerte qui doit être reconnu aux salariés témoins de pratiques condamnables (exigence sur laquelle reviendra à plusieurs reprises au cours des débats en commission notre collègue Gilbert Mitterrand), les deux organisations se retrouvant sur la nécessité d'une plus grande formation et d'une plus grande information des personnels.

Mais, au-delà de certaines différences d'approche, une large identité de vues témoigne de soucis communs.

D'abord, et si l'on fait exception de l'association des Familles rurales qui se refuse à faire la distinction entre la sécurité et la qualité, la volonté pour tous de faire cette distinction en assurant à chaque denrée et quelle que soit sa qualité, une totale sécurité alimentaire : la sécurité, c'est l'obligation absolue, la qualité c'est de la plus-value.

Mais cette sécurité suppose trois conditions au moins :

1°) d'abord l'existence de contrôles,

- or estime l'INDECOSA/C.G.T., les contrôleurs sont en nombre insuffisant,

- mais aussi des contrôles sur les autocontrôles auxquels les nouvelles méthodes de production assujettissent les entreprises, ajoute l'U.F.C.-Que Choisir ?,

- mais encore une totale fiabilité des contrôles dans l'ensemble de l'Union Européenne ce que mettent en doute la C.L.C.V. comme Etudes et Consommation/C.F.D.T. qui dénonce leur hétérogénéité,

2°) ensuite la mise en place de la traçabilité,

- fondée sur un parfait étiquetage demande l'A.D.E.I.C./F.E.N.,

 - de même niveau que celle requise pour les médicaments exige Etudes et Consommation/C.F.D.T.,

- qui donne aux consommateurs toutes les informations que requiert chaque produit soutient la C.L.C.V.,

3°) la nécessité de sanctions pénales faute de quoi, soutient l'A.D.E.I.C./F.E.N., les obligations resteront lettre morte.

Pour autant, rejoignant la modération des sensibilités constatées dans le sondage de novembre 1999, les associations de consommateurs n'hésitent pas, pour plusieurs d'entre elles, à saluer la qualité de la filière alimentaire française :

l'INDECOSA/C.G.T. qui prend acte pour sa part des incontestables améliorations qui sont intervenues,

Etudes et Consommation/C.F.D.T. qui considère que la filière donne globalement satisfaction,

l'A.D.E.I.C./F.E.N. qui pense que l'alimentation est de plus en plus saine,

l'U.F.C.S. même si elle regrette que la législation française soit mieux conçue qu'appliquée.

Sur la base de ces exposés initiaux, les membres de la commission ne devaient pas manquer de faire part de leurs interrogations :

-M. Pierre Lellouche :

- sur la fiabilité différente des contrôles effectués par nos principaux partenaires commerciaux,

- sur les éventuelles insuffisances de nos propres contrôles,

- sur la notion de traçabilité,

- sur sa crainte d'une société alimentaire à deux vitesses,

- sur la nécessité de maintenir l'embargo sur le b_uf britannique,

- Mme Monique Denise  :

- sur la crainte de voir l'émergence de deux types de produits, ceux qui, labellisés, ne seront qu'à la portée des plus favorisés et les autres, les produits bas de gamme, dont devra se contenter le plus grand nombre,

- Mme Michèle Rivasi :

- sur les conditions d'étiquetage,

- les modalités d'information utilisées par les associations de consommateurs pour informer leurs adhérents de l'existence d'aliments issus d'organismes génétiquement modifiés ou d'aliments irradiés,

- sur les appréciations que portent ces associations sur les contrôles effectués par les administrations publiques,

- sur l'éventuelle suppression de la confidentialité des résultats des contrôles vétérinaires,

- M. André Aschiéri :

- sur la nécessité de compter les associations de consommateurs parmi les membres du conseil d'administration de l'A.F.S.S.A.,

- sur l'intérêt de disposer à l'échelle de l'Europe d'une structure identique,

- sur la création d'une agence « santé-environnement ».

On trouvera au procès-verbal les réponses apportées par les responsables auditionnés.

Les préoccupations des associations de consommateurs

liées aux grandes centrales syndicales 1

L'Association de Défense, d'Education et d'Information du Consommateur association de consommateurs liée à la Fédération de l'Education Nationale A.D.E.I.C./F.E.N.

1.- prendre acte du bénéfice d'une alimentation de plus en plus saine que semble contredire la succession conjointe des crises alimentaires mais qu'explique l'uniformisation des processus d'élaboration des aliments,

2.- dissocier la sécurité, qui est un droit pour tous, de la qualité,

3.- se persuader que la norme n'est respectée que s'il y a des sanctions pénales, lesquelles supposent des plaintes dont le nombre demeure particulièrement faible,

4.- prendre acte, pour y remédier, de l'hétérogénéité des contrôles en Europe qui doit bénéficier partout des mêmes contraintes, des mêmes contrôles et des mêmes sanctions,

5.- mettre en place la traçabilité en évitant le « blanchiment » de produits sales,

6.- faire de l'étiquetage un moyen d'information des consommateurs et non d'incitation à la protection qui déchargerait les pouvoirs publics de leur responsabilité.

L'Association Etudes et Consommation,
association de consommateurs liée à la C.F.D.T.

1.- faire la différence entre sécurité sanitaire et qualité des aliments.

2.- faire en sorte que les entreprises de l'alimentation possèdent une très grande maîtrise du process sans laquelle cette sécurité ne serait pas assurée.

3.- développer la traçabilité au même titre et au même niveau que celle qui est exigée pour les médicaments.

4.- faire référence au principe de prévention - plutôt qu'à celui de précaution - ; laisser aux experts le soin de se déterminer au cas par cas - de façon expérimentale et non théorique - le choix le plus acceptable, afin de ne pas bloquer le processus d'innovation,

5.- assurer la sécurité alimentaire sans aboutir pour autant à des aliments sans goût, voire sans flore microbienne qui - absente - laisserait l'organisme désarmé en cas d'épidémie.

6.- tendre à une meilleure formation, information et possibilité d'action des salariés de la filière alimentaire afin de leur permettre de s'opposer à la fabrication de produits mettant en cause la sécurité du consommateur,

7.- considérer que, globalement, la filière alimentaire donne satisfaction et que la mise en place de l'A.F.S.S.A. 1 renforce sa crédibilité.

Force Ouvrière Consommateurs

1.- considérer l'indice de confiance des associations de consommateurs (78 %) au regard de celui - nul - dont bénéficient les services de l'Etat.

2.- se souvenir que les difficultés actuelles remontent aux accords de Blair House qui ont récusé à l'Europe le droit de s'approvisionner en produits substitutifs du soja.

3.- sans admettre ce déséquilibre à long terme entre les Etats-Unis et l'Europe, être momentanément favorable aux farines animales à condition :

- qu'elles soient fabriquées avec des produits sains,

- qu'elles soient assujetties à une réglementation européenne.

4.- faire en sorte que la France ne se dessaisisse pas de ses prérogatives vis-à-vis de l'O.M.C. au profit de l'Union européenne de telle sorte qu'elle puisse défendre ses intérêts.

5.- s'opposer à ce que les grandes firmes s'arrogent la propriété du vivant et s'appuyer sur les pays en développement pour contrer les prétentions américaines.

6.- mettre à profit le principe de précaution à condition que le Parlement en donne une définition plus précise.

7.- obtenir des autorités européennes que les associations de consommateurs aient un réel droit de représentation et un total accès à l'information ; faire en sorte que ces nécessités, qui ont toujours été occultées, donnent lieu à débat.

L'Association pour l'Information

et la Défense des Consommateurs Salariés : INDECOSA/C.G.T.

1.- prendre conscience de la communauté d'intérêts des producteurs et des consommateurs, au regard notamment d'une politique agricole commune de plus en plus inadaptée,

2.- contrôler les process de fabrication malgré l'insuffisance des effectifs des corps de contrôle,

3.- considérer l'inadaptation des labels au regard de l'impératif de sécurité sanitaire des aliments,

4.- reconnaître aux salariés un droit d'alerte leur permettant, sans perdre leur emploi, de dénoncer des processus de fabrication dangereux,

5.- prendre acte des incontestables améliorations intervenues au bénéfice de la sécurité alimentaire même si la plus grande acuité des contrôles conduit à une plus grande exigence,

6.- permettre à l'A.F.S.S.A., qui doit servir d'exemple en Europe, de s'auto-saisir,

7.- prendre en considération l'absence de structures satisfaisantes, à l'échelle européenne, pour recueillir les attentes et permettre l'écoute des consommateurs.

L'organisation générale des consommateurs : ORGECO/C.G.C.

1.- prendre acte de cette révélation que nous a apportée la crise franco-britannique : la perte de la maîtrise de notre politique sanitaire, (perte qui résulte de ce que notre économie s'inscrit désormais dans un cadre qui dépasse le cadre national) nonobstant notre perception qui continue à se fonder sur des préoccupations locales.

2.- sachant que le « risque zéro » n'existe pas, ne pas en revendiquer une application maximaliste de telle sorte que ce principe exclue toute denrée nouvelle,

3.- Ne pas nous croire aussi exemplaire que nous le prétendons : ainsi laissons-nous les farines à hauts risques polluer nos sols ; ainsi n'avons nous pas encore su trouver l'état de veille et de vigilance que la nourriture rend nécessaire.

Les préoccupations de l'association à vocation essentiellement consumériste

L'Union Fédérale des Consommateurs.

U.F.C.- Que Choisir ?

1.- bien distinguer la sécurité sanitaire des produits alimentaires -qui est un préalable intangible - de la qualité - qui constitue une « valeur ajoutée » -,

2.- mettre un terme à l'utilisation abusive des produits phytosanitaires (autrement dit des pesticides) dont les doses maximales - largement dépassées en France - sont à l'origine d'un grand nombre de cancers chez les agriculteurs,

3.- mettre un terme à l'utilisation abusive que fait la France des antibiotiques au sein des élevages et punir, à due concurrence, l'utilisation frauduleuse d'hormones ou l'intégration des boues de stations d'épuration des abattoirs dans certains aliments pour animaux,

4.- s'assurer de la conformité des farines animales aux normes édictées par la France ; obtenir que ces normes soient étendues à l'Union Européenne en son ensemble,

5.- développer les autocontrôles, les certifications, les contrôles de l'Etat au sein du segment industriel, qui reste le segment le plus fragile de la filière alimentaire,

6.- se soucier, au niveau de la distribution, d'un parfait respect de la chaîne du froid et du respect des dates limites de consommation (D.L.C.),

7.- se préoccuper des relations entre alimentation et allergies.

Les préoccupations des associations à vocation générale

(familiale notamment)

La Confédération Consommation, Logement et Cadre de vie (C.L.C.V.)

1.- apporter au consommateur toutes les informations sur les produits mis sur le marché, d'où qu'ils viennent,

2.- se préoccuper de la fiabilité des contrôles conduits par nos partenaires commerciaux de l'Union Européenne (et a fortiori hors Union) qui sont souvent loin de présenter la même qualité que ceux des services français,

3.- ne pas admettre, au sein de l'Union, des viandes américaines gorgées d'antibiotiques et d'hormones que l'Union refuse à ses propres producteurs,

4.- fixer de façon précise les ingrédients des farines animales ou bien les interdire,

5.- assurer la traçabilité des produits, en vérifiant la qualité de tous les intrants (produits phytosanitaires, aliments donnés aux animaux),

6.- s'interroger sur l'articulation entre une Agence européenne des aliments et les agences nationales, type A.F.S.S.A.

L'association Familles rurales

1.- préserver à la fois la sécurité et la qualité grâce à une production fondée moins sur le souci de la quantité que de la qualité des produits élaborés sous un signe officiel de qualité,

2.- assurer la diversité des produits et des modes de production afin de répondre à l'attente des consommateurs,

3.- fournir l'indication précise des origines afin de répondre à une nécessité tant économique que culturelle, ce dans le cadre d'une mise en place généralisée de la traçabilité,

4.- construire un milieu rural équilibré, fondé sur des exploitations préoccupées par la qualité de leur production et le respect de l'environnement mais bénéficiant, en retour, d'une politique d'aménagement du territoire équitable.

L'Union Féminine Civique et Sociale (U.F.C.S.)

1.- assurer la transparence et la traçabilité des produits,

2.- s'assurer de l'entière innocuité des farines animales et sanctionner plus lourdement les fraudeurs,

3.- prendre les dispositions pour éviter la présence de métaux lourds dans la nourriture  :

- exiger des communes des conventions relatives à l'innocuité des rejets des stations d'épuration,

- interdire les cultures sur les sols contenant de tels métaux,

- conduire les études - qui font actuellement défaut - sur la teneur en métaux lourds des récoltes provenant de ces sols,

4.- se préoccuper des problèmes relatifs à la nutrition,

5.- prendre acte que la législation française est bien conçue même si elle n'est pas toujours correctement appliquée.

L'Union Nationale des Associations Familiales, U.N.A.F.

1.- permettre au consommateur de choisir entre des produits de qualité différente mais ne pas admettre une telle liberté dans le domaine de la sécurité (qui doit être assurée quelle que soit la qualité du produit ; interdire a fortiori toute opération de marketing qui porterait sur la sécurité,

2.- fonder la sécurité sanitaire des aliments sur une transparence totale et des règles intangibles.

Au total, que les analyses ci-dessus soient sans complaisance, nul ne saurait le nier.

Qu'elles versent dans une accusation sans nuance : rien de plus éloignée de la réalité !

Car il se pourrait bien que nos procureurs, sans cesser d'être conscients d'insuffisances parfois coupables, plaident sinon la relaxe du moins le sursis avec mise à l'épreuve n'étant pas loin de rejoindre le Professeur Louisot, président du conseil d'administration de l'I.N.S.E.R.M. et président du comité des principes généraux du Codex Alimentarius lorsqu'il plaide en faveur des produits français qui sont de « qualité », de « l'agriculture moderne française » qui l'est tout autant, de « la chaîne agroalimentaire qui est excellente ».

Aussi bien ses collègues médecins ou vétérinaires, comme tous les acteurs de la filière qui ont été entendus, de même que beaucoup de membres de la commission ou que M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, sont-ils parfaitement fondés à rappeler que le risque zéro n'existe pas ce que la commission s'autorise bien volontiers à affirmer elle-même se rappelant, avec Alphonse Allais, que la vie est d'autant plus dangereuse que nul n'en n'a jamais réchappé.

Pour autant on sent l'opinion sinon inquiète, du moins préoccupée.

Sans doute est-il fort condamnable que cette opinion soit moins sensible aux irrémédiables dégâts provoqués par les accidents de la route qu'aux quelques décès dus à une nourriture très passagèrement et très localement impropre à la consommation. Sans doute appartient-il aux élus de la nation d'inciter leurs mandants à manifester plus de circonspection et il est parfaitement exact de considérer avec M. Jean Glavany que « nous sommes confrontés à une forme d'irrationalité. Nous enregistrons quelques décès par an, exceptionnellement quelques dizaines, liés à un défaut de sécurité alimentaire, chaque crise engendrant une sorte de psychose collective alors que les routes font 8 000 morts par an sans que n'éclate la moindre terreur. »

Mais - sans ignorer l'échelle exacte des dangers - lui-même reconnaît que « nous sommes face à une aspiration, à certains égards irrationnelle, qui politiquement pose question », et dès lors les pouvoirs publics ne peuvent méconnaître le légitime désir de leurs administrés de voir lever les pernicieuses incertitudes que suscitent aujourd'hui ces crises répétitives pour s'approcher de la nécessaire quiétude alimentaire.

Telle est la raison pour laquelle le survol historique qu'a bien voulu présenter à la commission, M. Paul Vialle, directeur général de l'I.N.R.A., pour être rationnellement fondé et remarquablement documenté, n'en risque pas moins de n'être pas apprécié par certains autant qu'il conviendrait dans la mesure où la situation présentement acquise grâce à de patients efforts ne saurait légitimer, dans le présent, des reculs si minimes soient-ils.

S'il convient, en effet, de se réjouir de la disparition de la brucellose, du mal des ardents ou du saturnisme - maux à propos desquels, on le remarquera, toute statistique fiable fait malheureusement défaut -, s'il convient, deux siècles et demi après les faits, de regretter encore et toujours l'impossibilité où fut Turgot de faire annuler, en 1761, l'Edit du Parlement de Limoges interdisant la pomme de terre.

S'il convient de faire la part de l'imaginaire, on ne saurait faire si bon marché de risques qui, à l'instant donné, pour être statistiquement négligeables n'en demeurent pas moins très réels.

Aussi bien n'est-il pas illégitime que des parlementaires français se préoccupent en l'an 2000 de sécurité alimentaire.

Mais comme on ne combat bien que ce que l'on connaît correctement, il importe de dresser, même sommairement, un état des risques qui pèsent sur la salubrité de nos aliments.

Pour ce faire, les associations de consommateurs nous ont déjà aidés en citant les uns les problèmes nutritionnels, les autres l'inquiétante présence de métaux lourds. Mais, en une telle matière, mieux vaut encore s'en remettre aux experts.

B.- des risques identifiés

Il le faut d'autant plus que, selon le ministre de l'agriculture, les français n'ont pas la culture du risque, formule dont il convient de ne pas se méprendre, car elle pourrait prêter à une mauvaise interprétation : non que les français, plus frileux que d'autres aient peur de prendre des risques, mais que moins précautionneux et n'en connaissant pas les conséquences, ils ne peuvent guère s'en prémunir.

Essayons, en conséquence, de faire preuve de pédagogie, et de nous substituer un court instant à cette absence de politique de prévention dont le ministre de l'agriculture déplore l'inexistence, notamment à l'égard de ces populations à risque dont les récentes crises de listériose nous ont malheureusement permis de mesurer la fragilité.

Evitons toutefois d'entrer dans des considérations trop techniques qui risqueraient, sur un tel sujet, de donner le sentiment que la commission se substitue au corps médical.

Nous appuyant sur l'audition du Professeur Abenhaïm, directeur général de la santé, (même si la commission ne peut le suivre lorsqu'il estime que seuls les risques de contamination relèvent de sa compétence, à l'exclusion de risques nutritionnels), nous appuyant aussi sur la documentation remise par ses collaborateurs, rappelons, aussi brièvement que possible, les maladies que l'alimentation est susceptible de provoquer :

- celles qui sont liées à une contamination soit microbiologique, soit physico-chimique,

- celles, plus incertaines, qui sont liées précisément à la nutrition.

Chemin faisant - le lecteur s'en rendra compte - la commission d'enquête qui pensait, grâce aux incessants progrès de la Science, voir lever ses doutes, ne devait cesser de se heurter à des incertitudes tant les découvertes suscitent toujours de nouvelles questions, tant les nouvelles questions suscitent toujours de nouvelles recherches qui tardent toujours à déboucher sur des réponses aptes à satisfaire une opinion qui attend beaucoup de la Science... beaucoup trop selon les scientifiques eux-mêmes parfois pris, comme le Professeur Louisot par le doute qui caractérise les grands chercheurs

L'analyse de M. le Professeur Lucien Abenhaïm
directeur général de la santé

1.- La sécurité alimentaire stricto sensu, telle que la conçoit la Direction générale de la santé, exclut les risques nutritionnels (obésité, hypercholestérolémie) qui ne doivent pas être négligés pour autant.

2.- Dans le cadre de ses préoccupations, la Direction générale de la santé est responsable des contaminants  :

- de nature microbiologique  : bactéries, prions, etc.

- de nature chimique  : dioxine, etc.

- de nature radiochimique  : césium dans les champignons, etc.

3.- L'origine des contaminations est diverse  :

- naturelle  : ainsi de l'arsenic des plantes,

- liée aux activités humaines  : dioxine, prions issus des viandes d'équarrissage,

- accidentelle ou fortuite (hypothèse, un moment envisagée, pour l'affaire Coca Cola)

- due à des cultures effectuées sur des terrains eux-mêmes pollués,

- résultant d'aliments que l'on soupçonne d'être dangereux par nature  : les O.G.M.

4.- Il importe de faire la différence entre le danger et le risque  :

- le danger est lié à la nocivité ou à la toxicité que représentent certains éléments,

- le risque se mesure par rapport à la probabilité d'affronter un danger.

5.- La classification des risques doit tenir compte de la nature des expositions auxquelles les hommes sont assujettis  : les expositions qui, hier, étaient localisées, s'étendent aujourd'hui à des populations beaucoup plus vastes.

6.- La chaîne alimentaire se caractérise par des risques nouvellement apparus  : O.G.M., anabolisants, etc.

7.- Les méthodes d'approche, dans le domaine de la sécurité sanitaire, comprennent un certain nombre d'étapes  :

- l'évaluation du risque qui est désormais de la compétence de l'Agence française pour la sécurité sanitaire des aliments (A.F.S.S.A.),

- l'établissement de normes qui est de la compétence du Conseil supérieur d'hygiène publique de France, encore que la réglementation soit de plus en plus européenne,

- le contrôle du respect des normes,

- les actes de police judiciaire et administrative en cas de non-respect des normes,

- l'évaluation du processus d'épidémiologie qui relève de l'Institut de veille sanitaire.

1.- les contaminations

Les contaminations microbiologiques

Ce sont celles qui sont provoquées par des bactéries, des virus, des parasites ou tout autre agent : ainsi des prions.

La plupart sont à déclaration obligatoire car contagieuses et propices, pour certaines d'entre elles, à provoquer ce que les experts appellent des toxi-infections alimentaires.

Article L.11 du Code de la santé publique

« Font l'objet d'une transcription obligatoire de données individuelles à l'autorité sanitaire par les médecins et les responsables des services et laboratoires d'analyse de biologie médicale publics et privés  :

« 1° Les maladies qui nécessitent une intervention urgente, locale, nationale ou internationale ;

« 2° Les maladies dont la surveillance est nécessaire à la conduite et à l'évaluation de la politique de santé publique.

« Un décret pris après avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France définit la liste des maladies correspondant aux 1° et 2°. Les modalités de la transmission des données à l'autorité sanitaire, dans les deux, en particulier dont l'anonymat est protégé, sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »

Décret n°86-770 du 10 juin 1986
fixant la liste des maladies dont la déclaration est obligatoire
en application de l'article L.11 du Code de la santé publique

« Article 1er. La liste des maladies auxquelles sont applicables les dispositions des articles L.11 à L.14 du Code de la santé publique est fixée ainsi qu'il suit  :

« Première partie : Maladies justiciables de mesures exceptionnelles au niveau national ou international.

................................

« Deuxième partie : Maladies justiciables de mesures à prendre à l'échelon local et faisant l'objet d'un rapport périodique au ministère de la Santé suivant les modalités propres à chacune de ces maladies et définies par arrêté :

- ..............................

- toxi-infections alimentaires collectives ;

- botulisme ;

- ........................

- légionelle ;

- ........................

- brucelloses ;

- suspicion de maladie de Creutzfeldt-Jakob et autres encéphalopathies subaiguës spongiformes transmissibles humaines ;

- listériose. »

Portons d'abord notre intérêt sur celles dont les plus éminents spécialistes sont venus entretenir la commission : les listeria et l'encéphalopathie spongiforme bovine.

Le redoutable dossier de l'encéphalopathie spongiforme bovine

L'épidémie d'encéphalopathie spongiforme bovine qui a tenu dans les travaux de la commission une place d'autant plus singulière :

- qu'elle comprenait parmi ses membres le Professeur Mattei, auteur du rapport d'information de l'Assemblée nationale n° 3291 du 15 janvier 1997,

- que ses travaux se sont déroulés alors que se développait la tension diplomatique née de l'embargo des viandes britanniques, ce qui lui a valu notamment d'accueillir l'ambassadeur de Grande-Bretagne en France, Sir Michaël Jay, dont la commission tient à souligner la grande courtoisie et la compétence avec laquelle il a plaidé un dossier sur lequel demeure malheureusement un désaccord de fond.

Il était, en tout cas, inévitable que les extrêmes incertitudes qui caractérisent cette grave péripétie incitent à cette extrême humilité dont les plus grands experts sont venus porter témoignage.

L'E.S.B., rappelle notre collègue Jean-François Mattei, c'est d'abord un énorme traumatisme, cette « révision brutale le 20 mars 1996 à la Chambre des communes : le ministre en charge du dossier explique que la mort de dix personnes, sous la forme de ce qu'on peut qualifier de nouvelle maladie humaine variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob - est probablement liée à l'épidémie d'encéphalopathie spongiforme des bovidés qui s'est déclarée avant 1989.»

Quelle en est la raison profonde ?

Pour certains la crise actuelle trouve sa source originelle dans la difficulté qu'éprouve l'Europe à nourrir un cheptel bovin considérablement démultiplié par la croissance de la consommation lactée et carnée, pour d'autres - ainsi de M. Jean Glavany - dans une recherche excessive de productivité.

En tout état de cause, s'il lui est possible de faire appel au soja américain ou brésilien, faute que le climat européen soit propice à la culture de ce produit, l'Europe hésite à se mettre à l'excès dans la dépendance des Etats-Unis dont - au surplus - tout laisse à penser que la production est aujourd'hui transgénique.

Or il devait lui sembler judicieux de faire fond sur les protéines nécessaires aux animaux d'élevage en les récupérant, soit sur les parties inutilisées de ceux qui viennent d'être abattus - ce que l'on appelle le 5ème quartier -, soit sur les animaux morts de causes plus ou moins connues et impropres à la consommation humaine.

Non qu'il se soit agi de transformer de paisibles ruminants en carnivores mais d'intégrer dans leur alimentation les protéines dont ils ont besoin en les extrayant des parties incinérées à 130° et rebaptisées pudiquement du nom de « farines ».

Du moins la combustion des chairs et des os des animaux donne-t-elle la certitude que la méthode assurait une parfaite innocuité.

Pourtant divers facteurs sont venus bousculer ce bel ordonnancement.

Il est apparu d'abord que certains animaux pouvaient être porteurs de maladies mal définies, de caractère infectieux, transmissibles et - qui plus est - susceptibles de franchir la barrière des espèces.

C'est ainsi qu'il y a bien longtemps que l'on connaît la tremblante du mouton qui, heureusement n'est pas - elle - transmissible à l'homme mais dont les caractéristiques ne manquent pas d'être troublantes puisque, rappelle Mme la Professeur Jeanne Brugère-Picoux on sait depuis longtemps qu'il peut y avoir chez le mouton des lésions de spongiose sans manifestation de signes cliniques, mais aussi des signes cliniques sans lésions, mais encore ni signe clinique, ni spongiose mais franchissement de la barrière d'espèce par transmission de la maladie d'un mouton, en apparence sain, vers une souris.

D'où vient l'E.S.B. ?

L'encéphalopathie spongiforme bovine serait-elle, pour sa part, la manifestation moderne et médiatisée d'un mal aussi ancien que la tremblante ?

C'est, en tout cas, la question que pose notre collègue Jean Gaubert qui se souvient du décès d'un animal appartenant au cheptel de ses parents, qui aurait manifesté les mêmes signes cliniques que l'E.S.B. mais que l'on avait assimilés, à l'époque, à ceux d'une méningite ; opinion que ne réfutent ni le Professeur Dominique Dormont, ni la Professeur Jeanne Brugère-Picoux pour laquelle cette opinion semble d'autant plus plausible que, déjà en 1893, une revue médicale avait pu faire état, en Haute-Garonne, d'un cas identique.

Du moins le risque de contagion, au sein de l'espèce apparaissait sans vraisemblance et le risque de transmission à l'homme plus invraisemblable encore. Au surplus la température élevée requise pour l'obtention des farines, même si elle apparaît aujourd'hui comme insuffisante pour éradiquer de façon absolue l'intégralité des agents infectieux, en donnait alors la certitude ; certitude - précisons le - qui demeure d'un niveau très élevé, même si certains agents infectieux sont néanmoins susceptibles de survivre à une température de 133°.

Or voici, coup sur coup, que :

1°) l'industrie britannique introduit une méthode de fabrication des farines « à froid »,

2°) que l'agent infectieux, sur lequel on méconnaît absolument tout, se répand au sein de l'espèce au point que 180 000 bovins britanniques doivent être abattus,

3°) que la maladie s'avère transmissible à l'homme par la voie du système nerveux central au point que les britanniques connaissent aujourd'hui cinquante cas de maladie de Creutzfeldt-Jakob qui frappent, non des sujets âgés (qui étaient jusqu'à présent seuls concernés par la maladie) mais des sujets jeunes !

L'E.S.B. est-elle en passe de devenir une maladie endémique ?

L'E.S.B. risque-t-elle de devenir désormais une maladie endémique dans la mesure où, seule en Europe, la France a décidé (le cas de la Grande-Bretagne semble plus flou) :

1.- d'interdire toute administration de « farines » aux ruminants,

2.- d'exclure de la fabrication de « farines» destinés aux monogastriques (c'est-à-dire les volailles et les porcs), aux chevaux et aux animaux de compagnie, les cadavres d'animaux et les parties à risque ?

N'y a-t-il pas risque d'importations clandestines telles que l'a dénoncé, dès 1997, le rapport Mattei ?

N'y a-t-il pas risque de substitution, pour ne pas dire de « trafics » dès lors que rien ne peut interdire que des aliments initialement destinés aux porcs ou aux volailles soient donnés - ne serait-ce qu'à titre occasionnel ou de dépannage - à des bovins ?

Est-on sûr que les mesures de précaution qui visent à ne pas faire entrer en contact « farines » et aliments destinés aux bovidés ne connaissent jamais, involontairement ou non, quelques entorses ?

Ainsi pourrait expliquer les cas d'E.S.B. que Mme Jeanne Brugère-Picoux a appelé d'un terme qui appartient désormais au langage courant les cas N.A.I.F., c'est-à-dire les cas nés après l'interdiction des farines ?

D'autant que le professeur Dominique Dormont confirme qu'il est bien connu qu'en microbiologie, « il n'y a pas vraiment de procédés qui soient en mesure d'inactiver totalement un agent infectieux et qu'il en reste toujours une petite partie ce qui prouve l'intérêt d'avoir des verrous partout où cela s'avère possible »

Une seconde question se pose aussitôt : l'E.S.B. risque-t-elle de devenir une maladie difficilement maîtrisable ? Le risque ne peut être négligé puisque le prion, agent infectieux indécelable dans le produit fini destiné à l'alimentation humaine demeure, au stade des recherches actuelles, une construction purement intellectuelle qui explique de façon cohérente les mécanismes supposés mais sans que nul n'ait jamais vu un prion et sans que nul ne sache comment l'éradiquer.

D'ailleurs, est-on sûr que le prion existe, s'interroge le Professeur Pierre Louisot ?

La nature n'est-elle pas coutumière d'évolutions et la nouvelle forme de la maladie de Creutzfeldt-Jakob ne serait-elle, après tout que la traduction d'une évolution chez l'homme de cette maladie sans qu'il y ait de liens avec l'épidémie qui frappe les bovins ?

L'opinion, y compris celle de la communauté scientifique, ne serait-elle pas sous le coup de l'annonce intempestive et sans base scientifique réelle du ministre de la santé britannique devant la Chambre des Communes ?

Mais comment expliquer que cette nouvelle forme, même si les cas chez l'homme restent marginaux, soit précisément apparue au sein d'un pays si brutalement confronté à cette épidémie animale dont nul ne conteste que l'origine en soit la modification introduite dans l'alimentation des bovins ?

Car s'il est un phénomène qui n'est pas contestable, c'est bien l'épidémie dont a été victime le cheptel britannique dont 180 000 animaux ont été irrémédiablement atteints.

L'E.S.B. nous menace-t-elle d'une catastrophe de grande ampleur ?

Dès lors l'E.S.B. pourrait-elle être à la source d'une épidémie de grande ampleur au seuil du XXIème siècle comme l'aura été le S.I.D.A. à la fin du XXème ?

Les spécialistes estiment que le risque est faible, encore qu'on ne saurait mésestimer la prudence du Professeur Dominique Dormont qui, face à une telle responsabilité « revendique le droit à l'erreur », que tous rappellent que l'incubation est si lente chez l'homme que de nombreux cas ne se révéleront que dans des dizaines d'années.

Dès lors, que faire ?

1.- se fondant sur le principe de précaution qui exige d'accentuer les recherches dans les domaines où l'incertitude est forte, mettre un terme au délaissement dont souffrait jusqu'à ces dernières années ce type de maladies et abonder les crédits de recherche ; encore que l'augmentation des crédits ne crée pas ipso facto les équipes de chercheurs, que la multiplication des équipes n'est pas toujours à la source de découvertes plus rapides.

2.- mettre à profit la mise au point de trois tests différents, pour lancer une vaste campagne de dépistage et la France doit s'y appliquer avec d'autant plus d'empressement qu'elle dispose de l'excellent test mis au point par le Commissariat à l'Energie Atomique.

Mais il convient de mesurer les incidences de cette campagne.

Première incidence : elle ne met pas à l'abri le consommateur français de viandes porteuses de prions venues d'autres pays  : rappelons, en effet, que si notre industrie agroalimentaire exporte pour plus de 26 milliards de francs de viandes de boucherie, elle en importe parallèlement pour plus de 21 milliards.

Dans cette optique, il n'y a dès lors que trois solutions :

1°) soit mettre à profit la prochaine présidence française pour convaincre nos partenaires européens de conduire une campagne généralisée,

2°) soit fermer nos frontières et perdre corrélativement des marchés extérieurs (y sommes-nous prêts alors que la transmission à l'homme constitue une présomption, que les cas déclarés n'atteignent pas les cinquante en Grande-Bretagne et concernent deux victimes présumées en France ?),

3°) soit nous satisfaire d'une solution moralement inacceptable qui consisterait à mettre sur le marché certaines viandes exemptes de toute présomption tandis que d'autres verraient peser sur elles le soupçon d'être dangereuses ?

Deuxième incidence : il est vraisemblable, a contrario, qu'un certain nombre d'animaux d'apparence saine vont apparaître porteurs du prion.

Ne risque-t-on pas un vent de panique irraisonnée, une chute des cours ?

En tout cas, nous voici revenu au schéma précédent : si l'application du test fait apparaître un cheptel plus atteint que prévu, comment admettre qu'au sein d'un même marché, nos partenaires ne se soumettent pas aux mêmes contraintes ?

Comment admettre que l'Union Européenne ne mette pas à ses frontières d'indispensables barrières sanitaires dès lors que l'atteinte de son cheptel laisserait supposer que ceux des pays tiers ne sont pas eux-mêmes indemnes non plus ?

L'interdiction des farines animales constitue-t-elle une solution ?

La commission a longuement échangé tous les arguments relatifs à une interdiction pure et simple des farines animales au cours de l'ultime séance du mardi 21 mars 2000 au cours de laquelle elle a préparé sa réunion conclusive du 29 mars.

La solution a pu apparaître un temps séduisante en ce qu'elle donne la certitude qu'en interdisant d'administrer toute farine, on ferme la voie à la déviance qui conduit à remplir l'auge de la vache avec le produit destiné au cochon !

Mais, outre que la commission n'a entendu nulle association de consommateurs, nul expert, nul responsable agricole ou de l'industrie agroalimentaire procéder à une telle suggestion, les inconvénients lui sont apparus, au terme d'un large débat, plus grands que les avantages.

D'abord et, sauf à convaincre tous les pays de l'Union Européenne, on ne pourra empêcher - ainsi que le faisait remarquer à la commission une exploitante des Côtes d'Armor - que la côtelette de porc de tel ou tel de nos partenaires sera toujours issue d'un animal engraissé avec des viandes d'équarrissage et que la seule parade pour le consommateur français est d'exiger la mise en place d'une totale traçabilité comme pour le Parlement de convaincre le Gouvernement de mettre tout en _uvre pour y parvenir d'ici la présente année.

Il est apparu ensuite que les « farines » (qu'il conviendrait d'appeler sans tarder d'un autre nom), constituent un produit sain dès lors qu'elles sont élaborées à base de parties consommables par l'homme.

Il est apparu de même :

- qu'il ne s'agissait nullement de transformer un herbivore en carnivore puisque lesdites farines sont depuis plusieurs années interdites aux ruminants,

- que les porcs ou les gallinacés auxquelles elles sont destinées sont précisément des omnivores,

- qu'en tout état de cause le traitement qu'elles subissent conduit à n'extraire de ces parties que les protéines dont tout animal d'élevage a besoin,

- qu'en attendant les indispensables recherches visant à acclimater en Europe, un soja qui ne soit pas transgénique, l'abandon des farines conduirait l'Europe à une totale dépendance à l'égard des producteurs américains du Nord et du Sud.

Par contre la commission a estimé qu'il appartenait de mettre en place les garanties propres à éviter toute déviance :

- que les produits entrant dans la composition des farines soient classés dans une « liste positive »,

- que les farines soient fabriquées dans des usines où ne transite nul matériau à risque.

Enfin peut-on lever, dans ces conditions, l'embargo
sur les viandes britanniques ?

C'est avec la plus grande courtoisie que Sir Michaël Jay, Ambassadeur du Royaume-Uni est venu s'en expliquer devant la commission et c'est avec la même courtoisie, confortée par l'aisance que lui assurent les études et la pratique vétérinaires que le vice-président de la commission le Docteur André Angot lui a donné la réplique.

On trouvera dans les annexes le procès-verbal qui contient l'ensemble des arguments qui ont pu être échangés.

Comment expliquer enfin que le Comité supérieur scientifique européen que préside le Professeur Gérard Pascal, soit à l'origine d'un avis exactement opposé à celui du comité ad hoc de l'Agence dit Comité Dormont sur lequel s'est appuyé le gouvernement français pour pérenniser l'embargo sur les viandes britanniques ?

La question n'était pas la même, reçoit en réponse la commission d'enquête :

- à l'échelle de l'Europe, la commission s'est souciée de savoir si la France était elle-même indemne : même si les cas connus à ce jour sont infimes, la question ainsi posée laissait entendre que la France ne l'était pas,

- à son échelle, la France a pris acte de la différence d'intensité de l'épidémie : 50 cas d'E.S.B. en France pour 180 000 en Grande-Bretagne...

Le récent et inquiétant exemple des listeria
et la méthode H.A.C.C.P.

Les épidémies de listeria qui font partie de ces transmissions d'origine microbienne dues à une « relation directe entre l'ingestion d'un aliment avarié et la maladie qui se développe très rapidement chez la personne atteinte » constituent, non sans paradoxe, l'un des dangers alimentaires majeurs de l'époque contemporaine

Risque paradoxal, en effet, dans la mesure où faisant suite aux efforts de la N.A.S.A. pour laquelle il était hors de question que les cosmonautes fussent malades à bord des navettes, les industries agroalimentaires ont réalisé des progrès fantastiques conduisant les industries françaises des années 80 a développé, sur le modèle des Etats-Unis, le concept d'usines ultra-propres.

C'est ici qu'il convient d'introduire quelques considérations sur la méthode dite de l'H.A.C.C.P.

En l'occurrence, combien un sigle d'apparence technique et dès lors complexe, peut cacher un principe simple qui consiste à analyser, à tous les stades de la chaîne de production les risques potentiels, à en imaginer les parades et, bien entendu, à mettre en _uvre celles-ci avec une scrupuleuse attention !

De même que la traçabilité, c'est le petit Poucet semant ses cailloux pour faire sa route en sens inverse, de même la méthode H.A.C.C.P. n'est-elle guère plus que celle de Blanche Neige arrivant à faire comprendre aux sept nains que la propreté doit être un souci systématique, qu'il convient notamment de se laver les mains avant de passer à table, a fortiori avant de faire la cuisine. Encore faut-il que Simplet soit moins naïf qu'il n'en a l'air et que Grognon accepte sans trop de mauvaises grâces cette coutume venue d'un autre monde.

La révolution que constitue l'introduction de la méthode H.AC.C.P. résulte pourtant d'un texte d'apparence bien anodine : la directive 93/43 du 14 juin 1993 qui a conduit pourtant à une révolution quasi-copernicienne !

Tandis qu'il revenait traditionnellement à l'Etat - sur la base notamment de la loi n° 65-543 du 8 juillet 1965 relative aux conditions nécessaires à la modernisation du marché de la viande et de textes subséquents - de se porter garant, par ses contrôles, de la sécurité sanitaire des aliments, la méthode H.A.C.C.P., sans exclure ni l'intervention ex ante de la puissance publique, ni des contrôles ex post, repose d'abord sur la mission confiée à l'entreprise de se contrôler elle-même sur la base de quatre principes (qui inspirent également la norme adoptée à Genève lors de la 20éme session de la commission FAO/OMS du Codex alimentarius de juin/juillet 1993 sous la codification ALINORM 93/13 A) :

1.- Premier principe : chaque entreprise est responsable de l'hygiène qui préside à l'élaboration de son produit et de sa qualité hygiénique lors de sa mise sur le marché,

2.- Deuxième principe : cette responsabilité entraîne à la fois le respect des prescriptions d'ordre général applicables à toute entreprise du même type et des prescriptions particulières telles qu'elles résultent précisément des points critiques propres à l'entreprise,

3.- Troisième principe : chaque branche professionnelle peut, en outre, élaborer un Guide de bonnes pratiques d'hygiène sous l'égide de l'A.F.N.O.R., guide qui est ensuite validé par l'Etat et transmis aux services de la commission de l'Union Européenne,

4.- Quatrième principe : enfin toute entreprise peut faire certifier par un organisme agréé la qualité de sa démarche dans le cadre du système dit d'Assurance Qualité conforme à la norme ISO 9000.

Définitions et principes résultant de la norme ALINORM 93/13 adoptée dans le cadre du Codex alimentarius

Directives concernant l'application du système de l'analyse des risques point critique pour leur maîtrise (H.A.C.C.P.)

Définitions  :

H.A.C.C.P. : système qui permet d'identifier le ou les dangers spécifiques, de les évaluer et d'établir des mesures préventives pour les maîtriser.

Danger : possibilité de causer un dommage. Les dangers peuvent être biologiques, chimiques ou physiques.

Limite critique : valeur qui distingue l'acceptabilité de la non-acceptabilité.

Mesures correctives : mesures à prendre lorsque la surveillance révèle que le C.C.P. n'est pas maîtrisé.

Surveillance : mise en _uvre d'une série d'observations ou de mesures échelonnées pour déterminer si le C.CP. est maîtrisé.

Principes :

1.- Identifier le ou les dangers éventuels associés à la production alimentaire, à tous ses stades, depuis la culture ou l'élevage jusqu'à la consommation finale, en passant par le traitement, la transformation et la distribution. Evaluer la probabilité d'apparition du ou des dangers et identifier les mesures préventives nécessaires à leur maîtrise.

2.- Déterminer les points / procédures / étapes opérationnels qui peuvent être contrôlés pour éliminer le ou les dangers ou minimiser leur probabilité d'apparition (point critique de contrôle (C.C.P.). Par « étape », il faut entendre tout stade de production et/ou fabrication de produits alimentaires, y compris les matières premières, leur réception et/ou production, récolte, transport, formulation, traitement, entreposage, etc.

3.- Etablir la (les) limite(s) critique(s) à respecter pour s'assurer que le C.C.P. est maîtrisé.

4.- Etablir un système de surveillance permettant de s'assurer de la maîtrise du C.C.P. grâce à des tests ou à des observations programmés.

5.- Etablir les actions correctives à mettre en _uvre lorsque la surveillance révèle qu'un C.C.P. n'est pas maîtrisé.

6.- Etablir des procédures pour la vérification, incluant des tests et des procédures complémentaires, afin de confirmer que le système H.A.C.CP. fonctionne efficacement.

7.- Etablir un système documentaire concernant toutes les procédures et enregistrements appropriés à ces principes et à leur application.

Mais peut-être est-on allé trop loin car l'élimination de la flore microbienne des aliments semble avoir laissé le champ libre à des germes particulièrement résistants. Ainsi la listeria est d'autant plus dangereuse que, rappelle le Professeur Flandrois, pouvant se développer jusqu'à une température de 41°, le milieu le plus propice à son développement est précisément celui qui correspond à la conservation habituelle des aliments soit entre 4 et 10°.

De fait, confirme le Professeur Vincent Carlier « notre alimentation s'améliore - au plan de l'hygiène - de façon spectaculaire -, l'alimentation est toujours plus sure et plus saine mais laisse le terrain libre à des bactéries qui prennent la place des flores habituelles »... bactéries qui émergent désormais sans que le produit ne semble avarié alors qu'il y a vingt ans la dégradation manifeste de celui-ci eût découragé toute consommation.

Aussi bien, la listeria monocytogène constitue-t-elle un problème qui pour n'être apparu pour la première fois que dans les années 1980, s'avère pour l'instant bien plus meurtrière que l'E.S.B. que l'on évoquera infra :

- en 1992, lors d'une « dramatique contamination » du fait de viandes qui devait provoquer quatre vingt décès et deux cents quatre vingt malades,

- en 1993 lors de la contamination par les rillettes,

- en 1994/1995 lors de divers incidents qui ont été passés sous silence,

- depuis 1996 lors de divers incidents touchant aux produits laitiers,

- enfin les récentes épidémies de la fin de l'année 1999 et de février 2000.

Sans doute la listeria fait-elle l'objet de recherches qui, même si elles ont bénéficié en France de moyens moindres que ceux dégagés dans les pays anglo-saxons, recoure aux techniques les plus modernes de simulation et dont le Professeur Flandrois a longuement exposé le caractère novateur mais il n'empêche - si l'on suit le Professeur Vincent Carlier - que trois problèmes majeurs demeurent :

1.- l'insuffisance numérique des laboratoires aptes à analyser les produits soupçonnés d'être contaminés,

2.- le caractère très aléatoire des dates de péremption dont M. Vincent Carlier a bien voulu reconnaître, à la demande de notre collègue François Guillaume, qu'elles étaient parfaitement fiables pour les produits laitiers mais beaucoup plus sujettes à caution, car totalement laissées à la discrétion des distributeurs, pour les autres produits,

3.- plus en amont, les techniques d'ensilage propices à créer soit par la « récolte de cadavres de petits animaux » des poches de putréfaction, soit par la technique plus nouvelle de mise des ballots de foin sous bâche plastique les conditions de leur développement.

Les contaminations physiques

Poursuivons notre cursive description des contaminations par celles qui ont une origine physique par une liste qui semblera à la fois bien technique aux lecteurs non initiés et bien sommaire aux spécialistes.

les substances xénobiotiques

Répétons les indications que la Direction Générale de la Santé a bien voulu transmettre à la commission d'enquête et traitons des xénobiotiques, substances organiques sans valeur nutritionnelle mais qui peuvent être à l'origine de troubles particulièrement graves tels que :

- des troubles endocriniens,

- des troubles de la fertilité,

- des malformations,

- enfin des cancers.

Ces substances difficilement quantifiables, au sein d'une alimentation sans cesse plus complexe, résultent :

- soit de l'activité biosynthétique des organismes naturels,

- soit de produits de synthèse employés dans le cadre d'activités agricoles ou industrielles.

Ils comprennent :

1°) les xénobiotiques néoformés : hydrocarbures aromatiques polycycliques, amines hétérocycliques, N-nitrosamines,

2°) les contaminants que sont :

- les radionucléïdes naturels issus des sols ou des résidus atmosphériques des essais nucléaires de jadis,

- les dioxines (PCDDs et PCDFs) issus de processus de combustion incomplète de déchets chlorés ou à base de matière plastique,

- les PCBs qui se concentrent dans les tissus de l'homme et sont mobilisées au cours de la lactation,

- le DDT,

- les résidus de produits agro-chimiques et vétérinaires  :

- pesticides,

- médicaments vétérinaires,

- additifs à l'alimentation animale tels que les antibiotiques ou les hormones de croissance,

- enfin les mycotoxines, moisissures naturelles dont les effets multiples se traduisent par des manifestations soit aiguës, soit chroniques : hémorragiques, immunotoxiques, hépatotoxiques, néphrotoxiques, neurotoxiques, oestrogéniques, mutagènes, cancérogènes, tératogènes,

3°) les toxiques des plantes : alkénybenzènes, psoralènes, polyphénols, flavonols,

4°) les additifs alimentaires.

La commission, ne pouvant étudier chaque cas, a cru devoir s'intéresser plus particulièrement aux hormones de croissance - en ce qu'elles constituent l'une de ces normes qui différencient l'Europe des Etats-Unis, thème spécifique que l'Assemblée nationale a bien voulu confier à la réflexion de la commission d'enquête.

le cas spécifique des hormones de synthèse

Sur ce sujet, l'exposé fait devant la commission le 17 novembre 1999 par le Professeur François André a été suffisamment éclairant pour qu'il n'ait rendu nécessaire aucune question complémentaire et qu'aujourd'hui encore, il se suffise à lui-même.

Le débat est clair.

Le recours aux hormones a un avantage majeur puisqu'il permet d'activer la croissance musculaire d'un animal. Il présente toutefois un inconvénient auquel l'opinion est plus sensible encore : ce recours a, pour le consommateur, des incidences graves, cancérigènes notamment, qui ont conduit les instances européennes à en interdire l'emploi, mais non les Etats-Unis, entraînant un contentieux au sein de l'Organisation Mondiale du Commerce.

Ainsi que l'a rappelé le Professeur François André les hormones sont des molécules que l'on peut classer en trois catégories.

Les premières peuvent être soit naturelles - tels l'oestradiol, la testostérone, la progestérone - soit artificielles comme la trombolone, le zéranol ; la première hormone artificielle à avoir été utilisée, avant le second conflit mondial, le Diéthyl silbestrol ou DES appartenant à ce premier groupe. Destiné tant au cheptel bovin qu'à la médication humaine, le DES devait avoir pour effet de soumettre à des problèmes gynécologiques graves les filles des mères qui en avaient subi le traitement en son temps. Aussi le DES comme d'autres substances - la nandrolone, la chlortestostérone, l'éthynil oestradiol - devaient-ils être interdits même si d'autres apparaissaient suffisamment inoffensifs pour continuer à servir à l'élaboration de médicaments

A leur suite prend place un second groupe de molécules - les antithyroïdiens - utilisés en élevage dans les années cinquante et depuis interdits.

Enfin figurent les bêta-agonistes - clenbutérol, salbutamol, archdopamine - dont l'efficacité en élevage n'est pas contestable mais qui, surdosés, peuvent avoir de graves effets toxiques, ainsi du clenbutérol dont les incidences cardiaques ne sont plus contestées.

Face à des produits aux conséquences fort variables, dont certaines pouvaient être anodines, la loi Rocard de 1984 devait recourir à ce que l'on appelle couramment la liste positive, c'est-à-dire l'établissement d'une liste de molécules ne présentant pas de danger et dès lors dûment autorisées en élevage encore que cette liste semble avoir davantage suscité les injections illégales que de les avoir réfrénées.

Quoi qu'il en soit, le refus du Parlement européen de recourir à toute molécule a conduit à la directive 86-849 qui vaut interdiction absolue d'emploi, que la directive 96-22 est venue confirmer.

Il reste que le groupe des pays dits de Cairns, emmené par les Etats-Unis, autorise certains anabolisants sur la base d'analyses de toxicité qui datent d'avant 1970 et que les instances du Codex alimentarius ont, en juillet 1996 décidé qu'il n'y avait pas matière à fixer des limites maximales de résidus retrouvés dans les viandes, qu'il s'agisse soit d'injections d'hormones naturelles, soit de certains anabolisants artificiels inopérants selon les normes trentenaires rappelées ci-dessus.

Aussi, tandis que les instances européennes ont mis en place des contrôles particulièrement drastiques, celles-ci risquent d'être désavouées par les instances de l'O.M.C. pour entrave à la liberté du commerce.

Au bout du compte, si certains estiment que, nonobstant les moyens mis en _uvre, une fraude non négligeable subsiste en France au niveau de certains gros élevages (ce sur quoi la commission d'enquête n'a pu réunir nul élément à charge), le Professeur François André craint néanmoins que nos efforts soient réduits à peu de choses faute d'une vigilance suffisante au niveau du Codex.

les métaux lourds : le risque

Naturellement présents en faible quantité, indispensables à notre métabolisme sous forme d'oligo-éléments que sont le cuivre, le zinc, le sélénium..., certains métaux disséminés au sein de notre environnement et de notre alimentation s'avèrent, par contre, toxiques :

- le plomb que l'on trouve dans l'eau et les aliments mais aussi dans l'air qui a pour effet de provoquer des troubles cardio-vasculaires, sanguins, neurologiques, rénaux,

- le cadmium qui résulte soit des engrais phosphatés, soit des produits industriels qui s'attaque aux reins et aux os,

- le mercure disséminé dans les eaux mais aussi dans l'air qui porte atteinte au cerveau et aux reins (maladie de Minamata).

Le risque est tel - estime le Professeur François Narbonne dont c'est la spécialité - que rien ne peut justifier que les pouvoirs publics y consacrent de moins en moins de moyens alors même que la contamination - quand elle a lieu - est difficile à cerner, car elle se situe aux stades initiaux de la chaîne alimentaire et qu'elle exige, pour en connaître la cause, une parfaite et, dès lors, coûteuse traçabilité.

C'est ainsi qu'un pain, qui recèle de fortes doses de cadmium, résulte d'un blé cultivé sur un sol contaminé. Or si l'on veut retrouver l'origine de ce blé et, par cette voie, ce sol qui n'est lui-même que la conséquence de la détérioration de notre environnement, il y faut des efforts en termes de traçabilité pour ce qui concerne le produit.

Il y faut même davantage encore : décontaminer ce sol et le protéger de toute nouvelle agression !

Mais cette volonté existe-t-elle dans la mesure où cette mauvaise et inacceptable qualité résulte - estime le Professeur François Narbonne - de la pression faite sur des produits alimentaires considérés non pour ce qu'ils devraient être - c'est-à-dire des produits de santé - mais comme des produits spéculatifs ?

Vaste et essentielle question à laquelle la commission d'enquête - on le verra au niveau de ses recommandations - n'a pas entendu se dérober en laissant sans réponse la redoutable question que pose l'incidence de notre environnement dégradé et le risque lent d'un empoisonnement par l'entremise d'aliments provenant de sols contaminés.

ses causes

A cet égard, Mme la Professeur Jeanne Brugère-Picoux et M. le Professeur Vincent Carlier, dans le document conjoint qu'ils ont remis à la commission lors de leur déposition ont eu raison de rappeler qu'on ne pouvait imaginer des produits alimentaires parfaitement sains qui seraient à la fois issus d'un sol, arrosés d'une eau et entourés d'une atmosphère eux-mêmes compromis.

Tel est d'ailleurs le sentiment que partage le directeur des pollutions, M. Philippe Vesseron, qui insiste d'abord sur la pollution à laquelle on pense le moins : la pollution atmosphérique laquelle retombe inévitablement sur les cultures.

Il y a surtout l'état des sols. Non qu'il y ait un danger généralisé et immédiat. Mais enfin le message délivré par M. Philippe Vesseron à la commission est suffisamment clair pour susciter la vigilance.

Il est conforté par le bilan annuel de l'I.F.E.N.

« En vingt ans, note ce bilan, les connaissances sur le fonctionnement des sols et les processus de dégradation ont beaucoup progressé. On bénéficie aujourd'hui d'une amélioration spectaculaire des méthodes analytiques et d'un abaissement des seuils de détection qui permet de doser des substances présentes en très faibles quantités dans les sols ou les eaux. Cela n'implique pas nécessairement que l'état de notre environnement se soit dégradé, mais plutôt que les pressions qui s'exercent et leurs impacts sont mieux connus. Les sols sont de plus en plus placés au c_ur des problèmes d'environnement en milieu rural, interface entre la croûte terrestre, l'atmosphère, le monde biologique et les activités humaines. On sait maintenant que la qualité des eaux continentales (cours d'eau et nappes souterraines) dépend étroitement de la nature des sols et des activités qu'ils supportent...

« Aujourd'hui, les types de pollution des sols liés aux sources ponctuelles sont en recul. Mais l'héritage des pollutions générées depuis plus d'un siècle par les activités minières, industrielles, urbaines ou automobiles est lourd. La recherche de sites pollués, menée systématiquement depuis plusieurs années, a débouché sur le recensement de plusieurs milliers de points noirs... On s'interroge également de plus en plus sur l'impact des pollutions émergentes  : la présence en concentrations croissantes des PCDD (dont la dioxine) et des HAP dont les sols pourrait poser problème...

« [Le] plus grand impact [de] a dégradation des sols liée aux pratiques agricoles [qui] s'avère enfin très préoccupante est probablement la pollution directe des ruisseaux par les fertilisants et les pesticides.

L'ampleur exacte du risque chimique

Pour autant, le danger est-il aussi grave ?

A tout prendre, souligne le Professeur Pierre Louisot, n'est-il pas moins préoccupant que beaucoup d'autres, dans la mesure où l'on trouve dans les hôpitaux davantage de patients souffrant de diabète ou d'obésité qu'intoxiqués par la dioxine ou par des métaux lourds ?

Et d'ailleurs, confirment certaines études fournies par la Direction Générale de la Santé, les aliments consommés par les français sont fort loin d'atteindre les normes au-delà desquelles il y aurait un réel danger.

Reste l'eau qui commande tout, d'abord parce qu'on en boit, ensuite parce que le rappelait avec bon sens le président Leyzour il n'y aurait aucune agriculture, ni aucune alimentation sans eau.

Or les quelques éléments fournis par la Direction générale de la Santé confirment que l'innocuité de l'eau est loin d'être un phénomène acquis.

Pour autant, considérant que ce vaste problème relevait d'une autre instance, la commission d'enquête s'est attachée au mandat précis qui lui était imparti : le problème de l'épandage des boues.

le problème de l'épandage des boues
des stations d'épuration urbaines

Le risque ne serait pourtant que de faible étendue puisque l'épandage ne jouerait que sur 2 % des terres agricoles. Mais on imagine mal comment cette surface ne viendra pas à s'étendre au fur et à mesure de l'accroissement des rejets urbains.

Débat passionné, au demeurant, qui s'éloigne vite du terrain scientifique pour verser bientôt dans la confusion lorsque certains en viennent à assimiler :

1.- d'une part, les boues des usines d'équarrissage rendues tristement célèbre par le rapport de l'O.A.V. dont il a été fait mention plus haut,

2.- d'autre part, les boues des stations d'épuration urbaine qui, selon des rumeurs, elles totalement fantaisistes, auraient aussi servi à la fabrication de telles farines.

Pour l'éclairer la commission aura bénéficié de divers documents et notamment du rapport pour l'année 1999 de l'Institut français de l'environnement, et de l'étude commandée au cabinet Andersen par le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Qu'est ce qu'une boue ? C'est ce qui reste des eaux usées lorsque celles-ci ont été épurées suite au cycle de l'assainissement.

Quel en est le volume ? La boue totalement sèche représente 20 kilos par habitant et par an, soit un très faible volume rapporté à celui des ordures ménagères qui atteint 400 kilos par an. Quantitativement, le problème n'apparaît pas insurmontable.

Mais néanmoins, qu'en faire sinon analyser au préalable les dangers qu'elles représentent et a contrario leurs apports éventuels ?

Les dangers ! Ils sont multiples :

- la présence de micro-organismes pathogènes : virus, bactéries, protozoaires, parasites.

- la présence de métaux toxiques provenant de produits médicaux, ménagers, industriels, de la corrosion des conduites d'eau, des matériaux entraînés par le ruissellement des eaux de pluie,

- la présence de micropolluants organiques : pesticides, solvants, détergents, dioxines et les plus persistants : les hydrocarbures polycycliques aromatiques (H.P.A.) et les polychlorobiphéniles (P.C.B.).

Les apports ! Leur richesse en matière organique dès lors qu'ils sont épurés du reste. Mais le peut-on ?

De fait, une note du Bureau de la lutte contre la pollution des eaux communiquée à la commission fait clairement apparaître la difficulté d'un problème qui tient à l'ambiguïté du matériau : s'agit-il d'un déchet dont on doit se méfier ou d'un fertilisant que l'on doit s'empresser de s'approprier ? La boue tient de la chauve-souris : « je suis oiseau, voyez mes ailes ; je suis souris, voyez mes dents » :

Pour sa part, le rapport Andersen, (mais sa réponse n'est-elle pas dictée comme beaucoup d'études par les résultats qu'en espère celui qui les a commandés ?) prend position pour l'épandage en rejetant :

1°) le stockage au motif que cette solution sera interdite en juillet 2002 en vertu de la loi sur l'eau du 13 juillet 1992,

2°) la voie thermique qu'il n'exclue pas nécessairement mais sans bénéficier de ses faveurs.

Bref ! Quels sont les risques que présente chacune des solutions ?

Le tableau qui suit souligne l'ambiguïté du problème tel qu'il est posé.

Le rapport Andersen se déclare favorable à l'épandage mais à condition que « les bonnes pratiques agricoles soient maîtrisées. Est-on sûr qu'elles le soient toujours ?

Il exclut l'incinération mais sans envisager, en milieu urbain l'éventuelle récupération de la chaleur induite.

Il exclut la mise en décharge alors même qu'il laisse entrevoir d'autres solutions telles que l'utilisation des déchets comme soubassement des routes par exemple.

Solutions retenues

Impacts sur l'air

Impacts sur l'eau

Impacts sur le sol

Epandage

1.- Effet de serre
sans effet

2.- Dispersion de substances toxiques
très faible
pour les stations petites ou moyennes
importante
s'il s'agit de boues composées
forte
pour les boues solides de grandes stations
3.- formation d'oxydants photochimiques
forte
s'il s'agit de boues compostées

Nuls si les bonnes pratiques agricoles sont maîtrisées

1.- impact des toxiques sur les écosystèmes terrestres élevé mais inférieur aux normes retenues pour l'homologation des matières fertilisantes
2.- acidification
nulle

3.- utilisation de ressources naturelles
négative
si les boues ont été préalablement chauffées
sinon permis l'économie de phosphore

Incinération

1.- effet de serre

fort
2.- dispersion de substances toxiques

néant

3.- formation d'oxydants photochimiques
néant

Forts en cas de résidus mis en décharge

1.- impact des toxiques sur les écosystèmes terrestres
nul

2.- acidification

nulle
3.- Utilisation de ressources naturelles

forte du fait de la consommation d'énergie

Mise en décharge

1.- effet de serre

fort
2.- Dispersion de substances toxiques
très forte

3.- formation d'oxydants photochimiques
forte
par émission de méthane

Forts du fait de la très faible percolation de substances contenues dans les boues

1.- impact des toxiques sur les écosystèmes terrestres
nul
si la mise en décharge se traduit par une utilisation telle que la valorisation routière
2.- acidification
forte
par production d'ammoniac
3.- utilisation de ressources naturelles
néant

La dernière livraison de l'Institut français de l'environnement ne manque pas d'interpeller le lecteur lorsque traitant de l'épandage agricole des boues d'épuration, il écrit :

« les sols jouent-ils un rôle d'immobilisation des métaux ? Observe-t-on un transfert dans les plantes, puis les animaux, donc dans notre chaîne alimentaire (biodisponibilité) ? Ou une migration rapide (mobilité) vers les nappes phréatiques profondes ou vers les cours d'eau ? Quel est l'impact de ces métaux lourds sur les bactéries, champignons et toute la microfaune des sols, dont l'importance majeure sur le fonctionnement et la fertilité est désormais reconnue ? Un effet « bombe à retardement » (relargage des métaux précédemment accumulés sous l'influence d'un changement environnemental majeur, comme l'augmentation d'acidité des pluies) est-il à redouter à moyen ou long terme ? »

Telles sont les questions posées par les experts.

Et voici leurs réponses !

« Actuellement, il n'y a pas de réponses claires et universelles à ces questions, et pour certains experts, le respect de la réglementation n'est pas une garantie, même si le décret du 8 décembre 1997 va dans le sens d'un renforcement des normes (les valeurs limites autorisées pour la teneur en métaux dans les boues ont été divisées par deux par rapport à la norme NF U 44-041.) La teneur totale permet d'évaluer le stock d'un métal à un moment donné mais ne donne aucun renseignement sur la mobilité de cet élément dans le sol, ni sur sa biodisponibilité vis-à-vis des organismes vivants (plantes, animaux, micro-organismes). »

D'où ce prudent recours au principe de précaution :

« Des études approfondies sont donc indispensables pour déterminer l'origine des métaux (naturelle ou résultant de contaminations), préciser leurs formes chimiques plus ou moins réactives) et leur mode d'association aux phases organiques ou minérales. Le dosage direct des métaux effectivement absorbés dans les organes comestibles des plantes cultivées et le développement des tests biologiques pour savoir si ces plantes voient ou non leur physiologie perturbée par la présence de métaux dans les sols constituent des pistes de recherche prometteuses. »

Comment la commission d'enquête pourrait-elle ignorer ce conseil ?

2.- Les déséquilibres nutritionnels

Mais avant même l'empoisonnement par les métaux lourds ou par des souches microbiennes, prend place le risque nutritionnel comme le notait dès le début de nos travaux notre collègue Alain Calmat et comme le confirmait le Professeur Pierre Louisot, dans sa déposition du 16 novembre 1999, pour qui « le consommateur français court le danger de voir son équilibre métabolique perturbé » du fait de menaces multiples :

- l'obésité d'abord, « condamnable » parce que « génératrice de maladies cardio-vasculaires », « pulmonaires », propice aux cancers, si dangereuse en définitive qu'il n'y a rien de comparable entre le risque que peuvent faire courir « quelques tracicules de dioxine » et la boulimie et l'obésité,

- à l'inverse les carences constatées chez les jeunes filles pour garder la ligne et génératrices « dans leurs vieux jours » d'ostéoporose et de sciatiques,

- le « gavage » en vitamines et en minéraux qui répond à la mode mais dont on ne connaît absolument pas les dangers,

- ou encore les spécialités exotiques et les boissons « énergétiques ».

Aussi bien, est ce la raison pour laquelle - ainsi que le précisait le Professeur Gérard Pascal à la commission - dès le milieu des années 70, les Etats-Unis se sont préoccupés de créer différents centres de recherche en nutrition clinique dont l'objet était moins de se soucier de la nutrition des malades que celle des bien portants grâce à des travaux de nutrition préventive portant sur l'incidence de la nutrition de la mère sur l'enfant ou sur l'alimentation propre à retarder l'apparition des pathologies liées au vieillissement.

De même, les Britanniques prenaient-ils, de leur côté, une certaine avance sur une recherche française qui, consciente d'avoir été au bout de ses investigations en matière d'alimentation animale, ressentait alors l'impérieux besoin d'approfondir les recherches en nutrition humaine, d'où ces quatre centres de recherches de l'I.N.R.A. désormais spécialisés en la matière, notamment ceux de Clermont-Ferrand et de Nantes (plus accessoirement celui de Lyon et l'ensemble Marseille/Montpellier/Nice) qui travaillent depuis dix ans sur six thèmes :

- la fonte musculaire des personnes âgées,

- l'ostéoporose,

- le développement de certains cancers notamment des voies digestives,

- les maladies cardio-vasculaires,

- l'obésité,

- l'influence de l'alimentation sur la régulation de certains gènes.

En définitive plus que d'empoisonnements, foudroyants mais bien connus et bien maîtrisés, n'est-ce pas plutôt de risques nutritionnels que nous risquerions de souffrir et d'autant plus pervers que leurs effets ne jouent que sur le long terme.

Telle est la raison pour laquelle la commission a poursuivi sa quête du côté de l'I.N.S.E.R.M. et de l'I.N.R.A.

Des réponses longues et documentées de l'I.N.R.A., on en retiendra d'abord une leçon d'humilité tant les relations entre le corps humain et les aliments sont longues à décrypter.

Grâce aux efforts du Professeur Gérard Pascal, la France est en pointe et pourtant il apparaît qu'aucune grande leçon ne se dégage, que nul résultat majeur n'est incontestable.

La même incertitude prévaut pour ce qui concerne les O.G.M.

3.- le cas des organismes génétiquement modifiés

      Quelle est la mesure de la question ?

      Dans le monde, 40 millions d'hectares de plantes génétiquement modifiées sont cultivés dont 20 millions d'hectares aux Etats-Unis et 20 millions dans le reste du monde. Ils sont consacrés aux cultures du coton, du tabac, du soja, du maïs et du colza. Cet ensemble représente trois fois la surface qui est cultivée en France.

      Monsieur le sénateur Jean Bizet fait remarquer « aux Etats-Unis l'approche des O.G.M. est vécue comme une continuité de progrès scientifique ... en Europe et en France elle est considérée comme une rupture culturelle », il y a donc les faits, la réalité objective et puis aussi « la perception » de ces faits.

      Le développement du génie génétique et des biotechnologies ne concerne pas exclusivement le domaine de la vie végétale qui intéresse la production agricole. Le domaine de la santé bénéficie également de l'apport du génie génétique avec la recherche médicale dans le cadre de la lutte contre les maladies génétiques, les vaccins, la mise au point de produits thérapeutiques. Le domaine industriel met également à profit ces nouvelles technologies pour adapter les enzymes aux processus de la chimie par exemple.

      Selon les domaines que l'on considère, l'appréciation des applications des connaissances scientifiques est variable, c'est ce que fait remarquer M. Marc Fellous, directeur à l'Institut Pasteur, président de la commission du génie biomoléculaire : « On applique la technique des O.G.M. tant en médecine c'est la thérapie génique que dans le domaine des plantes : il est curieux de constater qu'autant la thérapie génique est acceptée sans aucune opposition, autant les plantes transgéniques sont craintes, alors qu'à mon avis, les problèmes sont les mêmes ».

      Les biotechnologies ouvrent des perspectives de progrès dans le domaine de l'agriculture, l'adaptation des plantes à des conditions de culture aujourd'hui interdites pourrait être un facteur déterminant pour lutter contre la sous-alimentation dans certaines parties du monde (adaptation à la sécheresse ou à la salinité), de même dans le domaine de la santé la possibilité de réduire ou de supprimer tel caractère allergène ou bien à l'inverse, celle d'apporter tel intérêt nutritionnel constituent des enjeux fondamentaux pour l'alimentation du siècle qui s'annonce.

      En fait, les plantes dotées de ces avantages utiles sont encore à venir, les premières applications biotechniques aux cultures ne portent que sur des avantages plus relatifs, résistances à certains herbicides ou à certains prédateurs. Les produits actuels issus de plantes génétiquement modifiées ne se caractérisent par aucun intérêt spécifique en termes de nutrition ou de santé.

      Mais avant d'entrer plus avant dans la discussion du problème il convient de comprendre comment s'opère la transgénèse, comment obtient-on ces plantes ? La plante n'est plus obtenue par sélection ou par hybridation mais l'opération consiste à franchir la barrière des espèces. M. Gérard Pascal, directeur scientifique du département nutrition de l'I.N.R.A., nous l'explique :

      M. Gérard Pascal : « Comment fait-on ? On se fixe un objectif. Je vais prendre un exemple, le plus simple, celui de plantes résistant à la pyrale du maïs. On sait depuis une vingtaine d'années, et c'est utilisé en lutte biologique, qu'il existe des protéines sécrétées par des micro-organismes, bacillus thurigencis, qui sont capables de détruire l'intestin de ces larves d'insecte.

      On a identifié le gène qui code pour cette protéine. On est donc capable, même par synthèse, de l'introduire dans un plasmide. On utilise le plus généralement pour ce faire des plasmides c'est-à-dire des constructions artificielles d'A.D.N. dans lesquelles on place le gène d'intérêt, c'est-à-dire celui qui produit la protéine qui détruit le tube digestif de la larve d'insecte. On l'insère dans cette boucle circulaire d'A.D.N. dans laquelle on va mettre le gène d'intérêt et des morceaux de l'A.D.N. qui vont permettre à ce gène de s'exprimer dans une plante.

      La première étape est donc la synthèse de ce plasmide.

      Comme il en faut une certaine quantité pour réussir la transformation des plantes, dans une deuxième étape, on fait multiplier ce plasmide dans des micro-organismes. Cette transformation de micro-organismes ne réussit pas toujours, le succès est même relativement limité. On est donc obligé d'introduire des gènes marqueurs pour trier les micro-organismes dans lesquels la transformation a réussi. Souvent, on utilise des gènes de résistance aux antibiotiques. Ce qui pose problème par la suite. On fait donc reproduire ce plasmide dans des micro-organismes. On obtient alors une quantité importante que l'on utilise pour introduire ces plasmides dans le génome de la plante, deuxième étape de la transformation.

      On utilise pour cela des méthodes diverses comme, par exemple, un canon à gènes ; ce sont des microbilles recouvertes de ces plasmides que l'on projette sur des embryons de plantes. Il existe aussi d'autres méthodes. On peut utiliser des micro-organismes qui vont introduire eux-mêmes ces plasmides dans le génome de la plante. En définitive, on introduit dans le génome de la plante un gène d'intérêt avec tout ce qu'il faut pour qu'il puisse s'exprimer, donc que la protéine qui détruit le tube digestif de l'insecte puisse être fabriquée dans la plante. L'insecte va se trouver détruit en commençant à attaquer la plante.

      On peut avoir souvent un deuxième gène marqueur parce que la transformation de la plante elle-même n'est pas toujours réussie et qu'il faut trier les plantes dans lesquelles elle a réussi. On trie les micro-organismes dans lesquels le plasmide s'est multiplié grâce à l'antibiotique, pour lequel on a introduit un gène de résistance, puisque seuls résistent les micro-organismes dans lesquels ce gène s'est introduit en même temps que le gène d'intérêt. On peut trier les plantes dans lesquelles la transformation a réussi, souvent par un gène de résistance à un herbicide. Ces marqueurs ont posé problème, notamment les gènes de résistance aux antibiotiques. »

      La plante ainsi modifiée se trouve porteuse d'un gène dit « d'intérêt », c'est celui qui a été introduit pour apporter une qualité recherchée pour la plante, mais elle est également porteuse de « gènes marqueurs » qui eux sont introduits dans la plante pour les besoins de l'opération ou pour un intérêt annexe comme celui de résister à un herbicide. Les questions qui se posent alors sont celles des risques induits et celles de méthodes utilisées pour évaluer ces risques, question centrale du principe de précaution.

      Les risques susceptibles d'apparaître et les plus souvent évoqués concernant les O.G.M. sont des risques pour la santé humaine ou animale, risque d'allergie ou de toxicité, risque de résistance aux antibiotique (dans l'exemple du maïs, l'antibiotique utilisé est l'ampicilline et ce même antibiotique est efficace contre la listériose). Des risques pour l'environnement sont également susceptibles d'apparaître, Mme Marie-Odile Guth, directrice de la nature et des paysages au ministère de l'Aménagement du territoire et de l'environnement évoque « l'introgression », ce phénomène désigne un flux de gènes entre populations végétales par hybridations successives, les gènes pouvant être transférés à une espèce voisine, plantes de cultures ou plantes sauvages.

      L'évaluation des risques est elle, problématique, les méthodes de la toxicologie classique sont inopérantes et c'est un défi pour les scientifiques que de chercher à résoudre le problème :

      M. Gérard Pascal :« Au moins sous cet angle, les O.G.M. présentent un aspect positif car ils nous obligent, nous, toxicologues, à imaginer des approches totalement nouvelles et beaucoup plus sensibles. Nos outils ne sont pas adaptés aux problèmes du moment. »

      La même difficulté se présente s'agissant de l'étiquetage destiné à l'information du consommateur, quelle méthode utiliser pour quantifier le pourcentage d'O.G.M. qui pourraient être contenus dans un aliment, et par voie de conséquence la traçabilité du transgène dans les produits ne peut être totalement assurée.

      Les O.G.M. sont encadrés par un dispositif réglementaire très complet.

      La dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement est régie par la directive n°90/22O/CEE du 23 avril 1990 transposée par la loi n°92-654 du 13 juillet 1992.

      Cette réglementation prévoit que la décision d'autorisation de mise sur le marché et l'inscription au catalogue de la nouvelle plante est précédée d'une procédure d'expertise scientifique approfondie tant au niveau national qu'au niveau communautaire, cette procédure prévoit des clause des sauvegarde et des possibilités de provoquer la révision des décisions, il est procédé à l'évaluation du risque de la manière la plus scrupuleuse dans le cadre du principe de précaution. Une nouvelle directive relative à l'autorisation des produits O.G.M. est en cours d'examen devant les instances européennes et devrait être soumise au Parlement européen au cours de l'année 2000. Les processus d'autorisation devraient être renforcés et intégrer de nouvelles précautions découlant de l'évolution des connaissances scientifiques.

      Un règlement européen impose depuis septembre 1998 (Règlement 1139-98 du 26 mai 1998) l'étiquetage des aliments contenant des produits transgéniques. Cependant certains ingrédients ou additifs alimentaires, tel l'émulsifiant lécithine de soja qui échappaient à l'obligation d'étiquetage, y sont désormais soumis par un Règlement 50-2000 du 10 janvier 2000.

      La mise en _uvre de cette obligation d'étiquetage se heurte à de nombreuses difficultés et n'est toujours pas appliquée à ce jour.

      Le 21 octobre 1999, le comité permanent des denrées alimentaires de la Commission européenne a décidé de rendre obligatoire l'étiquetage des produits alimentaires contenant 1 % d'O.G.M. Les méthodes et les normes devant permettre la détection et la quantification des O.G.M. ne sont toujours pas arrêtées.

      « Nos outils ne sont pas adaptés aux problèmes du moment » précisait M. Gérard Pascal déjà cité, cette réglementation inappliquée et inapplicable illustre les difficultés soulevées par ce type de produit pour lesquels la traçabilité n'est pas maîtrisable, l'étiquetage fiable est difficile voire impossible à mettre en _uvre, outre les questions scientifiques et économiques qu'elles engendrent et auxquelles nous n'avons pas de réponse :

      Existe-t-il un danger, un risque de toxicité ou un risque sanitaire justifiant de fixer ce seuil à 1 %, quelle en est l'explication scientifique ? Que signifie vraiment la notion de « pourcentage » en la matière, et quelle est la différence significative entre 0,5 % de produits O.G.M. et 1,5 % ?

      Le critère de présence ou non d'O.G.M. dans les aliments pose le problème économique de la coexistence de filières « avec O.G.M. » et « sans O.G.M. », peut-on autoriser l'utilisation de ces allégations comme arguments de marketing ? La baguette de pain à 4 F 30 que nous connaissions en 1999 doit-elle devenir un produit de luxe à 6 Francs en 2001 si elle doit être étiquetée « sans O.G.M. » ? Qui doit supporter les coûts induits par la mise en culture de plantes O.G.M. pour les cultures « sans O.G.M. » c'est-à-dire les cultures actuelles ?

      L'exemple de ce dossier illustre les difficultés de faire coïncider des réglementations classiques avec les réalités nouvelles nées des biotechnologies : évaluation scientifique du risque, gestion de ce risque par la décision et la réglementation, transparence des processus à tous les stades, participation de tous les intéressés acteurs et consommateurs, à qui incombe la charge des coûts induits - principe pollueur-payeur.

      Malgré ce déploiement impressionnant de procédures, malgré la mobilisation des élites scientifiques, les consommateurs ne sont pas convaincus, le monde agricole est réticent, M. Gérard Pascal conclut : « A mon sens, les industries de biotechnologie se sont peut-être un peu trop précipitées pour essayer de mettre sur le marché des produits qui, d'une part, ne répondaient pas aux attentes des consommateurs et, d'autre part, n'avaient pas tout à fait abouti à quelque chose de raisonnablement propre ».

      L'opinion ne peut être tranchée en matière de biotechnologie - pour ou contre - il faut effectuer des études cas par cas.

      La recherche scientifique fondamentale doit poursuivre son _uvre et s'employer à aboutir à quelque chose de raisonnablement propre pour reprendre la formule de Gérard Pascal.

      Ceci étant assuré, dans le domaine de l'agroalimentaire, les consommateurs porteront un regard plus favorable sur des produits qui répondront à leurs intérêts plutôt qu'aux intérêts économiques et industriels de quelques grandes firmes internationales.

      L'augmentation de l'industrialisation des pratiques agricoles est une des conséquences du développement des biotechnologies, la réflexion de M. Marc Fellous expose très clairement l'enjeu de cette composante socio-économique :

      « Il est vrai que les O.G.M. ont un impact socio-économique sur le monde agricole, qu'ils modifient les relations entre les agriculteurs et les firmes qui vendent les semences, qu'ils renforcent les multinationales, qu'ils posent le problème de la relation entre les dépôts de brevet et les gains qui en résultent, qu'ils posent aussi des problèmes d'ordre éthique et religieux, comme ils perturbent les relations entre l'homme et la nature, mais c'est le cas de la génétique en général. Les O.G.M. s'étendent sur une surface qui n'est pas sans importance... Vous pouvez vous apercevoir que certaines grandes puissances ont pris une avance considérable qui est susceptible de fragiliser notre agriculture et de mettre en jeu son avenir. De ce point de vue, l'Europe est frileuse à moins que vous ne jugiez qu'elle soit précautionneuse. »

      Mutations des pratiques agricoles dans le cadre d'un marché mondial où la compétition s'accroît, le débat nous éloigne du concept de l'agriculture raisonnée, respectueuse de l'environnement. Que gagnerait le monde agricole qui assure une production, voire une surproduction de qualité, à mettre en cause ses compétences et ses avantages pour des modes de productions comportant des risques multiples, évoqués ci-dessus, y compris pour lui-même.

      « Pour ce qui est des O.G.M., je tiens à dire que je ne crois pas que le principal problème posé soit de nature sanitaire ou environnementale. Les O.G.M. posent, selon moi, avant tout un problème de politique agricole et tout particulièrement celui de l'autonomie de nos agriculteurs par rapport aux stratégies commerciales de grands groupes alimentaires mondiaux » » C'est Mme Dominique Voynet, ministre de l'Aménagement du territoire et de l'environnement qui fait part à la commission d'enquête de son avis sur la nature du problème posé par les O.G.M.

      A une question posée par M. André Aschiéri sur le protocole de Montréal, M. Jean Glavany, ministre de l'Agriculture et de la pêche, situe la question à son juste niveau « les incidences socio-économiques de l'impact des O.G.M., ce qui est un point essentiel ».

      « Le protocole sur la bio-sécurité qui réglemente les échanges d'organismes vivants modifiés a fait l'objet d'un accord. Le principe de précaution y est décrit comme un outil de décision. C'est une grande nouveauté. Le protocole établit une procédure d'accord préalable à l'importation d'organismes génétiquement modifiés. Il mentionne la possibilité pour un pays de tenir compte dans sa décision des incidences socio-économiques de l'impact des O.G.M., ce qui est un point essentiel. La coexistence entre cet accord et l'Organisation mondiale du commerce y est reconnue, même si, avouons-le, elle n'est pas encore suffisamment précisée. Le protocole marque une avancée, mais pas seulement : c'est un succès manifeste des thèses françaises ».

      Au-delà du champ de compétence de la commission d'enquête, c'est la question de la politique agricole de demain qui est posée par les organismes génétiquement modifiés.

C.- des risques difficilement mesurables

Au bout du compte, le problème est bien celui là : sommes-nous, du fait de notre alimentation, moins malades qu'hier ou qu'avant hier ?

Par rapport à avant-hier ? Assurément oui, ne serait ce que parce que tous nos concitoyens (ou presque tous) mangent à leur faim !

Hier ? C'est-à-dire, y a vingt, trente ou quarante ans.

Voilà qui est plus difficile à dire, tant nous manquons d'instruments de mesure.

1.- Les incidences directes

Parmi les causes directes qui ont été recueillies en 1997 par la Direction Générale de la Santé, on notera, sur beaucoup de points, une situation particulièrement encourageante.

La poliomyélite est éradiquée.

Le choléra n'a fait que trois victimes qui avaient d'ailleurs contracté la maladie hors de nos frontières.

Le botulisme s'est limité à huit foyers déclarés touchant dix sept individus.

Les fièvres typhoïdes et paratyphoïdes ont concernés 77 malades en métropole, davantage dans la lointaine Guyane où persiste un foyer endémique.

Les cas de brucellose - 93 - ont, il est vrai, été un peu plus nombreux.

La listériose, dont on a signalé. l'inquiétante progression, s'est manifesté à 228 reprises en métropole, 6 dans les D.O.M.-T.O.M., dont 14 cas étaient dus à une même épidémie générée par deux fromages à pâte molle.

Les salmonelles auront été, par contre, responsables de 797 foyers de Toxi-Infections Alimentaires Collectives ; et les shigella de 66 foyers.

Au total on aura comptabilisé 478 foyers de T.I.A.C. qui auront touché 7 817 malades dont 60 % en restauration collective. Un tiers des foyers avait pour origine la consommation d'_ufs ou de produits à base d'_ufs. 44 % auront été infectés par la salmonella enteridis.

Les consultations en médecine générale, pour des cas de diarrhées auront été, il est vrai beaucoup plus nombreuses : 3,4 millions.

Quant à la maladie de Creutzfeldt-Jakob, on aura compté 128 suspicions. Les 74 autopsies pratiquées auront confirmé ces suspicions dans 80 % des cas. Un cas seulement concernait la nouvelle forme due à l'E.S.B. Mais nul ne saurait assurer des certitudes quant à l'avenir.

2.- Les causes indirectes

Par contre, en 1995, la France subissait :

- chez les hommes 135 000 décès par cancer soit une progression considérable de 25 % en vingt ans dû dans l'ordre à la prostate, aux poumons, au colon-rectum, à la bouche et au pharynx, enfin à la vessie,

- chez les femmes de 105 000 soit une progression un peu moindre - 21 % - dû au sein, au colon-rectum, au corps utérin, au col utérin, aux ovaires et aux poumons.

Dans quelle mesure cette progression était-elle due à la progression de la longévité humaine ? La corrélation entre la longévité féminine et la moindre croissance des cancers donne lieu, sur ce point à des interprétations contradictoires.

Et comment mesurer les raisons exactes de la progression des décès ?

Le tabac ? Mais n'en déplaise à l'I.N.S.E.E qui le classe parmi les aliments, c'est d'un toxique non alimentaire dont il s'agit.

La dégradation de notre environnement ? Mais quelles sont les conséquences de cette dégradation sur notre alimentation ? Aucune réponse probante n'a été apportée par la commission.

L'alimentation elle-même ? La commission d'enquête n'a été saisie d'aucune étude probante.

3.- Le bilan

Aussi bien, avant de poursuivre, tentons de dresser un court bilan.

Notre environnement, lequel est aussi celui au sein duquel s'élabore notre alimentation, s'est, en cent ans, notablement dégradé par la pression d'activités humaines mal contrôlées. Si un certain rétablissement de la situation ex ante est en cours - pour autant qu'il soit partout possible - il sera d'autant plus de difficile à poursuivre que, sous le seul effet de la croissance démographique, cette pression ne cessera de s'accentuer.

Au surplus, si cette dégradation a des effets directs sur notre santé qui sont, en principe, moins mal connus, elle procède aussi, via notre alimentation, par des effets qui le sont beaucoup moins, voire qui ne le sont guère : il y a là un champ de recherches qui mériterait d'être exploité.

Dans le même temps, l'hygiène qui entoure nos aliments s'est, par contre, considérablement améliorée mais les chiffres manquent, une fois encore, pour en mesurer l'incidence exacte. Nous ne disposons, semble-t-il, d'aucune statistique sur l'évolution des décès pour cause alimentaire. En disposerions-nous qu'elles seraient fausses dans la mesure où la constante amélioration du recueil des données tend à accumuler le nombre des incidents et à donner le sentiment inverse d'une insurmontable dégradation.

Au demeurant ces données ne sont éventuellement maîtrisables que pour les causes directes : que dire, en effet, des décès par la voie de tumeurs malignes dues à la consommation de certains aliments ou, malheureusement, tout simplement de la faim qui sévissait il y a encore si peu de temps, au regard de l'Histoire, dans notre propre pays, qui sévit encore dans de si larges proportions dans le Tiers-Monde ?

Mais cette incontestable amélioration, chez nous, de la sécurité alimentaire se trouve néanmoins contrée par les incidences de facteurs nouveaux.

D'abord l'hygiène cède la place à des souches plus résistantes ; ainsi des listeria.

Corrélativement, la complexité de la chaîne alimentaire repose sur l'intégration de multiples acteurs tous liés par une autre chaîne, celle du froid, dont l'irrespect par l'un peut avoir de graves conséquences pour les autres.

En troisième lieu, la facilité des échanges facilite les transmissions de sources pathogènes. Sans la fluidité avec laquelle les viandes peuvent transiter d'un pays à l'autre, sans la fluidité plus grande encore avec laquelle transitent les farines animales, il n'y aurait sans doute pas aujourd'hui d'épidémie d'E.S.B.

D'une façon générale, la circulation des informations amplifie le risque d'insécurité. Tel incident qui n'eut pas été connu hier, ou que nul n'aurait lié à une cause alimentaire est aujourd'hui largement répercuté auprès de consommateurs qui, situés à des centaines de kilomètres mais s'approvisionnant auprès de la même chaîne alimentaire et consommant les mêmes produits, sont ou se sentent menacés de la même façon.

Enfin, et sans avoir la prétention d'être exhaustif, l'abondance de biens liée à une mauvaise éducation alimentaire peut-être source de graves nuisances : ainsi de l'obésité.

Au bout du compte, notre nourriture est plus abondante, plus saine, plus sûre qu'elle ne l'a jamais été.

Elle ne nous met pas pour autant à l'abri :

1°) soit d'épidémies isolées, rapidement contrôlées mais qui peuvent dans certains cas être à l'origine de décès,

2°) soit de l'apparition de maux nouveaux ou de la résurgence de maux anciens amplifiés par la facilité des communications.

Plus encore peut-être la menace tient-elle à la psychose que peuvent faire naître l'ubiquité et la rapidité des informations. L'épidémie change alors de nature. Source hier de milliers de morts du fait de la transmission d'agents pathogènes, elle prend la forme d'une crainte diffuse à l'égard de maux facilement éradicables.

Notre société aurait-elle dès lors davantage besoin de sociothérapeutes que d'épidémiologistes ?

A moins qu'il ne s'agisse, dans le strict respect de la liberté des médias, de conduire en concertation avec eux, une bonne stratégie de l'information.

A tout prendre, mieux vaut sans doute vivre à une époque où une excessive aseptisation peut néanmoins nous « jouer des tours » qu'à des époques révolues où nous pourrions situer à tort cet inaccessible âge d'or.

Ce qui ne nous empêche nullement de tenter de cerner les responsabilités afin de contribuer, autant que faire se peut, à l'éradication des maux réels et des craintes irraisonnées.

IV.- Débattre

      Nous avons pris, il y quelque temps l'avis des consommateurs.

      Il nous faut donner maintenant la parole à tous et permettre d'argumenter en défense ceux qui auraient pu apparaître visés par les plaidoiries des procureurs.

      Quels sont, face aux consommateurs, les sentiments des acteurs de la filière alimentaire ?

      La parole ne pouvant être donnée à tous, la commission a dû se tourner vers les dirigeants des associations ou des syndicats professionnels, lesquels étant eux-mêmes si nombreux, ont le plus souvent été entendus dans le cadre de forums.

      Au bout du compte, la commission aura rencontré successivement :

      1°) les agriculteurs et les vétérinaires qui les conseillent jour après jour,

      2°) les représentants des industries chimiques et phytosanitaires, de l'alimentation animale, des industries agroalimentaires (ces dernières tant au travers des organisations patronales que salariales),

      3°) enfin ceux du négoce en gros, de la petite et de la grande distribution et des différentes formes de restauration,

      4°) pour en revenir, en fin de parcours, aux témoignages des experts médicaux, juges des attitudes d'un consommateur au profit duquel est conçue cette imposante chaîne alimentaire.

      Ne nous méprenons pas toutefois sur le sens et la portée de cet exercice ! Rappelons une fois encore que la commission n'attendait de ce vaste débat ni d'inédites voire scandaleuses révélations, ni des informations d'ordre comptable, statistique, juridique, scientifique qu'elle n'eut pas été à même d'obtenir par ailleurs mais des impressions, des sentiments ou des informations susceptibles de conduire vers des investigations plus appropriées.

      Les développements ci-dessous tentent de retracer cette phase des travaux de la commission d'enquête - qui constituent sans doute la plus vaste consultation de la filière alimentaire qui ait jamais été entreprise par l'Assemblée nationale - développements qu'on a souhaité les moins austères possibles par le recours systématique à des « encadrés » qui permettent d'alléger d'autant le texte soumis aux lecteurs et qui ne sauraient se substituer aux procès-verbaux publiés in extenso en annexe du présent rapport.

    A.- Débattre avec le monde agricole

      La commission d'enquête aura d'autant moins négligé les agriculteurs qu'elle les aura reçus quatre fois, pour dialoguer :

      1°) de façon transversale, avec l'intégralité des organisations représentatives conduites, le 8 décembre 1999, par MM. :

      - Gérard Chappert, président du MODEF,

      - Pascal Coste, président du C.N.J.A.,

      - Luc Guyau, président de la F.N.S.E.A.,

      - René Louail, secrétaire national de la Confédération paysanne

      - et François Lucas, président de la Coordination rurale ;

      2°) de façon verticale, avec les représentants des différentes filières de production représentées quelques jours auparavant, le 24 novembre 1999, par MM. :

      - Henri de Benoist, président de l'Association générale des producteurs de blé et autres céréales,

      - Jacques Lemaître, président de la Fédération nationale porcine,

      - Jean-Michel Lemétayer, président de la Fédération nationale des producteurs de lait,

      - Bernard Martin, président de la fédération nationale ovine,

      - Pierre Pagesse, vice-président de l'Association générale des producteurs de maïs,

      - Jacques Risse, président de la Fédération nationale des industries avicoles,

      - Marcel Saint-Cricq, président de la Fédération nationale des palmipèdes à foie gras,

      - Eugène Schaeffer, vice-président de la F.N.S.E.A. et président de la Confédération française de l'aviculture ;

      3°) de façon locale, avec plusieurs responsables professionnels du département des Côtes d'Armor entendues à Saint-Brieuc le 9 décembre 1999 :

      - M. René Aribart, président de la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles,

      - M. Michel Binel, président du MODEF,

      - M. Compain,

      - Mme Anne-Marie Crolais, responsable de l'assurance qualité en production porcine,

      - M. Pierre-Yvon Lohazic, président du Centre départemental des jeunes agriculteurs,

      - M. Gaby le Troadec, responsable départemental de la confédération paysanne ;

      4°) avec les vétérinaires « du terrain » rencontrés à Saint-Brieuc ce même jour, à savoir MM. les Docteurs Vétérinaires :

      - François Cormier, représentant de l'Ordre pour le département des Côtes d'Armor,

      - Guy Pouliquen, président du syndicat des vétérinaires libéraux,

      - Pierre Mayaux, président du Groupement départemental de défense sanitaire,

      - Guy Joncour, responsable de l'environnement au sein du Groupement.

      5°) de façon institutionnelle et à titre conclusif, avec le représentant de l'Assemblée permanente des Chambres d'agriculture dont on trouvera le procès-verbal aux annexes.

      Tentons la difficile synthèse de quelques douze heures de débat.

      1.- l'approche transversale :

      les positions de grandes organisations syndicales représentatives

      Les agriculteurs seraient-ils devenus, par méconnaissance des services rendus, les mal-aimés d'une société qui hier, rurale et paysanne, ne compte plus guère de paysans même si elle compte encore des ruraux ?

      Car, au bout du compte, et au-delà des inévitables disparités qui singularisent chaque organisation (le MODEF notamment qui est la seule à évoquer la sous-nutrition du tiers-monde, ou la Confédération paysanne qui plaide pour le maintien d'une agriculture familiale, ou bien encore la Coordination rurale qui défend la cause du « souverainisme » agricole) beaucoup d'analyses ou de préoccupations identiques lient le monde agricole :

      1°) la place désormais marginale de l'agriculture dans l'alimentation : 4 % des dépenses de consommation des ménages,

      2°) l'incessante pression de la grande distribution qui pourrait bien, un jour, aller jusqu'à mettre en cause la sécurité des produits,

      3°) l'importance des contrôles et des autocontrôles auxquels se soumet la profession,

      4°) malgré ses efforts, sa vocation à supporter les conséquences économiques des crises alimentaires,

      5°) l'apparition de menaces diffuses qui se substituent aux grands fléaux de jadis,

      6°) néanmoins la fiabilité de la chaîne alimentaire, l'une des plus sûres du monde,

      7°) la crainte d'un désengagement de l'Etat comme l'insuffisante répression judiciaire en cas de fraude,

      8°) la nécessité d'une plus grande harmonisation européenne, notamment pour ce qui concerne le contrôle sanitaire des importations,

      9°) l'intérêt mais aussi la difficulté - au sein d'une économie pleinement ouverte - d'assurer une parfaite traçabilité des produits.

      Des interventions liminaires brièvement reprises dans les encadrés ci-dessous, naîtront de multiples questions :

      - du rapporteur de la commission d'enquête sur :

      1°) la mise en place du système de biovigilance,

      2°) l'application des autocontrôles,

      3°) l'éventuelle perméabilité des contrôles aux frontières,

      4°) la place et l'avenir de l'agriculture biologique,

      5°) le rôle que peuvent être appelés à jouer les contrats territoriaux d'exploitation dans le domaine de la sécurité alimentaire,

      6°) l'application du principe de précaution,

      7°) la mise en place d'une filière de produits non génétiquement modifiés,

      8°) la compatibilité entre les règles de la compétitivité économique et la sécurité des aliments,

      9°) l'embargo sur les viandes britanniques,

      10°) les conséquences de l'échec du sommet de Seattle...

      - de M. André Aschiéri sur l'embargo des viandes britanniques, le risque « fondamental » que fait courir l'emploi des hormones et des antibiotiques, le risque conjoint de la privatisation du vivant,

      - de M. Alain Calmat sur l'étiquetage et la traçabilité,

      - de M. Jean Gaubert sur l'utilisation des boues des stations d'épuration pour l'élaboration des aliments pour animaux et sur la possibilité pour le petit transformateur d'assumer les mêmes contraintes que les grandes industries,

      - de M. Germain Gengenwin sur une Agence européenne de sécurité, la nécessaire traçabilité des produits importés, la difficulté qu'éprouve le consommateur à s'y retrouver parmi la multiplicité des labels, la nécessité pour la profession agricole d'améliorer sa capacité à communiquer,

      - de M. Patrick Lemasle sur la maîtrise quantitative des productions, l'éventuel boycott des O.G.M., les semences fermières, l'utilisation des farines animales élaborées à partir de produits sains,

      - de M. François Sauvadet sur le risque dérégulateur qui peut naître de l'application du principe de précaution et le rôle d'une éventuelle Agence européenne de sécurité alimentaire...

      ... autant de questions qui susciteront de longues réponses que l'on retrouvera dans les annexes du présent rapport et qui font l'objet du tableau analytique que l'on trouvera infra.

      Les préoccupations manifestées par les organisations représentatives du monde agricole à l'occasion du Forum organisé par la commission d'enquête le 8 décembre1999

      par ordre alphabétique de leur appellation

      Le Centre national des Jeunes Agriculteurs

      1.- l'alimentation française est une des plus saines et des plus sûres du monde. Elle est entourée des contrôles de plus en plus rigoureux qui conduisent nécessairement à faire apparaître certains écarts par rapport aux normes. En tout état de cause, les crises les plus récentes ne sauraient nous conduire à verser dans le catastrophisme.

      2.- du moins ces crises ont-elles démontré la nécessité de mieux informer le consommateur de la complexité de la filière de telle sorte que l'agriculteur ne soit pas tenu pour responsable alors qu'il est souvent la victime de pratiques industrielles qu'il ne maîtrise pas et qu'il est le premier convaincu de la nécessité de protéger l'environnement.

      3.- la sécurité alimentaire représente un coût qui doit être équitablement réparti.

      4.- l'adoption de normes mondiales dans le cadre du Codex ne doit pas se faire au détriment de la variété des modes de consommation.

      5.- les pouvoirs publics doivent être tout autant responsables des contrôles et de la répression des fraudes que de l'indemnisation des producteurs lorsque ceux-ci sont victimes de situations de crise dues bien souvent à une mauvaise information des consommateurs.

      6.- de même doivent-ils faire en sorte que la sécurité des aliments échappe à des opérations de surenchère publicitaires.

      7.- il ne faut pas confondre méthode de production et sécurité sanitaire : ainsi de l'agriculture « bio » ou de la production locale et artisanale de viandes bovines.

      8.- en matière de viande, les viandes américaines hormonées méritent le même sort que les viandes britanniques.

      9.- les contrats territoriaux d'exploitation prévus par la loi d'orientation agricole devraient se traduire par une réorientation vers la qualité mais ne sont nullement le gage d'une plus grande sécurité.

      La Confédération paysanne

      1.- quoique les risques sanitaires liés aux grandes épidémies et aux maladies contagieuses véhiculées par l'alimentation soient globalement maîtrisés, la sensibilité de l'opinion publique aux risques sanitaires provenant des aliments, est plus grande que jamais.

      2.- cette sensibilité provient des risques nouveaux et diffus engendrés par la complexification de la chaîne alimentaire et la massification de la production industrielle des aliments.

      3.- cette complexité repose pour une large part :

      - sur la croissance des échanges mondiaux qui exige des normes sanitaires identiques fondées sur une expertise scientifique indépendante ; laquelle se heurte au droit des brevets qui protègent les grandes firmes industrielles et leurs innovations,

      - sur la contradiction que génèrent, à l'échelon européen, la liberté des échanges et les modalités d'application différenciée de la gestion du risque sanitaire ; même si la Confédération paysanne reste attachée pour sa part au droit des peuples à choisir leur alimentation et les meilleurs moyens de maîtriser les risques alimentaires.

      4.- bien que n'exerçant guère de responsabilité dans cette massification et dans ses conséquences, les agriculteurs sont les premières victimes des réactions brutales des consommateurs dont les décisions économiques - conséquence directe des diverses crises sanitaires - pèsent lourdement sur leur activité. Premier maillon de la filière, l'agriculture en est aussi le maillon faible, d'autant que les producteurs sont désormais soumis, comme les fabricants de produits manufacturés, à l'obligation générale de sécurité vis à vis du consommateur.

      5.- leur fragilité est d'autant plus grande que les pouvoirs publics se sont soustraits à leur obligation régalienne de contrôle et de garantie de la chaîne de production au profit d'un système d'autocontrôles dont le coût ne peut être supporté que par les grandes entreprises ce qui contribue à l'élimination progressive des petites structures.

      6.- seule la domination des impératifs économiques explique pourtant les difficultés actuelles et notamment la crise de la vache folle dont la solution réside tout simplement dans l'interdiction des farines, de même que doivent être interdits les antibiotiques et les activateurs de croissance qui ne sont là que pour répondre aux exigences de compétitivité des grands élevages. La taille de l'exploitation n'est pas synonyme, en effet, d'une meilleure maîtrise des risques. Telle est bien la leçon donnée par les produits à base de lait cru dont la fabrication artisanale assure une sécurité bien supérieure aux fabrications industrielles.

      7.- la traçabilité s'impose mais ne doit pas s'arrêter au stade du producteur initial.

      La Coordination rurale

      1.- si l'Europe semble à l'abri des grands fléaux, des causes plus insidieuses peuvent mettre en cause la sécurité sanitaire des aliments par le jeu des pollutions atmosphériques, des déchets, des substances chimiques tels que les activateurs de croissance ou l'ingestion de dioxine. Si, hors la crise de la vache folle, nous n'apparaissons plus menacés par de grandes pandémies, par contre nous sommes devenus des cobayes qui ne seront fixés sur leur sort que dans quelques décennies.

      2.- la grande dépendance de l'Europe en protéines végétales nous impose de recourir à des importations sur la qualité desquelles nous n'avons nulle maîtrise : du soja transgénique américain aux graines de tournesol ukrainiennes dont on doit craindre qu'elles ne proviennent de terres radioactives. Dès lors, si la traçabilité est envisageable - à condition d'en admettre le coût - pour les produits que nous élaborons nous-mêmes, elle est impossible pour ceux qui sont élaborés loin de chez nous. Le besoin de traçabilité vient opportunément rappeler que l'on ne maîtrise que ce que l'on produit soi-même et que la notion de souveraineté alimentaire n'est pas obsolète.

      3.- les normes sont indispensables dès qu'il s'agit de sécurité sanitaire mais il faut prendre garde à ce qu'elles ne deviennent une arme au profit d'une alimentation uniforme provenant d'exploitations de grande dimension.

      4.- le risque sanitaire justifie pleinement l'embargo sur les viandes britanniques et il n'y aurait de pire système que celui d'un étiquetage qui conduirait les plus démunis à prendre des risques en achetant de la viande britannique, au motif qu'elle est moins chère, tandis que les autres se garderaient bien de s'en porter acquéreur.

      5.- la privatisation du vivant est inacceptable.

      La F.N.S.E.A

      1.- la sécurité des aliments, qui constitue la base des relations entre les agriculteurs et les consommateurs, est aujourd'hui garantie : notre alimentation est l'une des plus sûres du monde parce que l'une des mieux contrôlées ; quoique la multiplication des contrôles aboutisse à ce paradoxe que plus il y a de contrôles, plus le nombre des anomalies tend en apparence à croître.

      2.- dès lors, en cas de crise, l'opinion fait peser la responsabilité sur l'agriculteur alors qu'il est la première victime des dysfonctionnements de la société : ainsi des erreurs commises par certains fabricants d'aliments pour les animaux ou de l'épandage des boues des stations d'épuration dont la F.N.S.E.A. demande la suspension comme elle demande, dans le domaine des farines animales, une attitude commune des pays européens.

      3.- pour autant, le coût du produit agricole de base est devenu marginal : la farine contenue dans une baguette représente 16 centimes, le prix du couvercle d'un yaourt est supérieur à celui du produit lacté qu'il recouvre, le panier de la ménagère n'est plus composé qu'à hauteur de 16 % par des produits alimentaires et à hauteur de 4 % seulement par des produits agricoles de base. La pression sur les prix conduit à une productivité outrancière que l'agrandissement des exploitations ne compense que jusqu'à un certain seuil. Au-delà, c'est la sécurité sanitaire qui peut être en jeu de même que la préservation de l'environnement.

      4.- l'Europe, quant à elle, doit aboutir à une harmonisation des règles et des pratiques - notamment dans le domaine de la traçabilité -, par un contrôle beaucoup plus rigoureux des importations le tout sous le couvert d'une Agence européenne de sécurité sanitaire tandis qu'un souci identique doit se manifester au niveau de l'O.M.C. dans le cadre de l'élaboration du Codex alimentarius.

      5.- s'agissant des risques induits par les produits phytosanitaires, ou bien ces produits représentent un danger et l'Etat doit refuser leur mise sur le marché, ou bien leur innocuité est réelle et on ne saurait reprocher aux agriculteurs de les utiliser ; sachant d'ailleurs que bien d'autres y ont recours à commencer par les D.D.E. ou la S.N.C.F. qui désherbent les accotements en utilisant largement de tels produits.

      6.- S'agissant de la brevabilité du vivant, celle-ci n'est pas acceptable et ne saurait être acceptée ; comme est inacceptable notre dépendance en protéines qui résulte de l'insuffisance de la recherche publique, laquelle aurait pu parfaitement adapter des variétés conformes au climat européen. Or la sécurité sanitaire des aliments et l'indépendance des approvisionnements sont liées : un pays dépendant est contraint d'accepter ce qu'on lui propose, fût-ce au détriment de la sécurité sanitaire.

      7.- en matière d'autocontrôles, il convient d'abord de faire confiance aux producteurs, sachant qu'il y aura toujours des fraudeurs contre lesquels il faudrait sévir ; bien plus d'ailleurs que n'y procède l'autorité judiciaire guère portée jusqu'à présent à prononcer les sanctions qui seraient nécessaires.

      8.- l'agriculture « bio », qui peut constituer un nouveau créneau pour l'agriculture de demain ne saurait être négligée. Il reste qu'elle n'est nullement synonyme de sécurité sanitaire, qu'il faudrait, en ce domaine, se fonder sur des règles strictes étendues à l'Europe toute entière. Or les règles applicables par exemple, en Autriche, à propos de la viande bovine « bio », sont telles qu'elles permettraient à la moitié de la production française de s'en réclamer. Comment admettre d'ailleurs que seuls les « nantis » puissent accéder aux produits « bio » dès lors que ceux-ci seraient seuls synonymes de sécurité ? Et comment maintenir leur réputation si ceux-ci sont banalisés par la grande distribution ?

      9.- la sécurité a un coût et la pression de la grande distribution qui entraîne les prix dans une spirale descendante présente un réel danger pour une politique de sécurité optimale. Au bout du compte, c'est aux consommateurs de trancher.

      10.- les contrats territoriaux d'exploitation n'ont de valeur que s'ils s'appliquent à des exploitations économiquement viables. Si tel est le cas, le critère de la sécurité alimentaire peut être un de ceux qui seront retenus dans le cadre d'une vocation multifonctionnelle de l'exploitation.

      Le MODEF

      1.- la salubrité des produits consommés repose sur celle du produit initial. Celui-ci doit également assurer la salubrité de l'environnement par une prise de conscience des dangers que représente l'utilisation intensive des pesticides, herbicides, insecticides.

      2.- la salubrité suppose l'émergence des produits « bio » définis par des cahiers des charges rigoureux et produits par une agriculture familiale, gage du maintien des emplois en milieu rural.

      3.- la sécurité alimentaire suppose en aval la soumission de la distribution à des cahiers des charges qui la garantissent.

      4.- cette exigence de salubrité ne concerne pas les seuls pays développés mais doit s'étendre à la population mondiale dont un quart souffre de malnutrition.

      2.- l'approche verticale :
      les positions des organisations représentatives des grandes filières

      Du forum organisé le 24 novembre 1999 avec les filières vont apparaître des préoccupations plus concrètes :

      1°) les risques dépendent d'abord de l'état de la science : on ne recherche dans les analyses que ce que celle-ci connaît,

      2°) de ce point de vue, les contrôles et les analyses auxquels se soumettent les éleveurs et les producteurs français sont aussi nombreux (ainsi des producteurs de lait) que satisfaisants (ainsi des producteurs de foie gras),

      3°) malgré les critiques d'un intervenant à l'égard d'une certaine inertie des pouvoirs publics dans le domaine de la traçabilité, l'avance de la France est incontestable pour ce qui concerne le cheptel bovin - laitier notamment - même si une traçabilité totale est difficile pour les carcasses de viande une fois débitées ;

      4°) ce souci d'une parfaite traçabilité est aussi celui des producteurs de blé ou de maïs qui n'oublient pas la place éminente tenue par la France sur le marché mondial des semences ;

      5°) l'avance est tout aussi incontestable dans le domaine de l'étiquetage où c'est l'Union européenne qui a décidé de retarder l'application des mesures initialement envisagées dès 2000 ;

      6°) les éleveurs français sont les premiers à condamner l'administration d'hormones aux bovins, de même que les éleveurs de volailles poursuivent leur réflexion sur les mesures susceptibles d'éviter tout recours aux antibiotiques ;

      7°) sachant la sécurité des aliments parfaitement assurée, le consommateur se préoccupe désormais du bien-être de l'animal ; sur ce dossier les producteurs se retrouvent assez aisément tant avec l'expert qui avait été entendu par la commission d'enquête, le Professeur Pierre Le Neindre, qu'avec notre collègue Jean Gaubert lui-même éleveur :

      - il convient d'éviter tout anthropomorphisme : les habitudes et les besoins de l'animal ne sont pas ceux de l'homme,

- un animal maltraité constitue toujours un mauvais produit : l'intérêt de l'animal rejoint ici celui de l'éleveur,

- le bien-être de l'animal ne saurait faire oublier le bien-être auquel a droit aussi celui qui l'élève.

      8°) reste le problème du recours aux farines animales déjà évoqué dans le cadre du présent rapport :

- du moins, le problème ne se pose-t-il plus pour les vaches laitières pour lesquelles une alimentation traditionnelle est réservée,

      - comme il ne se poserait pas pour les autres animaux, si l'Union Européenne étendait à l'Europe entière les règles que la France s'impose à elle-même : n'avoir recours pour leur fabrication qu'à des matériaux qui pourraient tout aussi bien être consommés par l'homme,

      - en tout état de cause les farines sont destinées à des omnivores qui ont besoin des protéines qu'elles contiennent, les porcs et les gallinacés qui ne sont concernés en rien par l'E.S.B.

      les producteurs de céréales et autres plantes

      L'Association générale des producteurs de blé et autres céréales

      1.- la thématique de la sécurité alimentaire préoccupe autant les professionnels que le grand public dans la mesure où un seul incident peut mettre en cause la crédibilité de toute un filière.

      2.- à cette fin, la profession met au point des guides de production raisonnée qui préfigurent une totale traçabilité, préoccupation forte des consommateurs qui doivent en conséquence être pleinement associés à sa mise en _uvre, ne serait-ce que parce qu'ils devront supporter l'augmentation du coût très significatif qu'elle aura sur les produits de base.

      3.- les risques de contamination biologique, chimique et physique dépendent de l'état de la science. Les investigations ne peuvent trouver que ce que l'on cherche et l'on ne cherche que ce que l'on connaît. A contrario, les investigations doivent en permanence se caler sur les résultats scientifiques les plus récents ce qui n'est guère toujours le cas : ainsi de la directive Nitrates établie sur la base des connaissances acquises il y a cinquante ans et sans que nul ne se soit soucié au cours des vingt dernières années de l'incidence réelle des nitrates sur la santé.

      4.- l'homogénéisation de la réglementation internationale sera l'un des enjeux du XXIème siècle, notamment dans le cadre du Codex alimentarius. Or la France y est mal préparée

      L'Association générale des producteurs de maïs

      Quoique l'intervention de l'A.G.P.M. ait porté pour l'essentiel sur les O.G.M. et sur le principe de précaution, analysés par ailleurs, on notera néanmoins trois points qui concernent le présent développement :

      1.- la place éminente que tiennent les producteurs français de semences sur les marchés internationaux : ainsi du maïs dont la France est le deuxième exportateur.

      2.- le souci de la filière de répondre aux besoins de sécurité du consommateur mais aussi le problème que suscitent, sur les marchés mondiaux, les distorsions de concurrence.

      3.- l'importance sans cesse accrue de l'O.M.C., notamment des offices créés en son sein : celui du Codex de même que l'Office international sur l'épizootie des animaux et l'Office international sur la protection des végétaux.

      les producteurs de lait

      Les thèmes développés par les producteurs de lait

      1.- la rétraction relative de la production française (23 millions de tonnes chaque année) et la réunification de l'Allemagne ont fait passer cette production au second rang en Europe (113 millions de tonnes), laquelle demeure le premier bassin de production (monde = 430 millions de tonnes)..

      2.- la transformation totale du produit de base, soit en lait de consommation, soit en fromages, soit en yaourts ce qui implique un souci de sécurité sanitaire qui concerne désormais autant l'exploitant que l'ensemble de la filière.

      3.- l'importance des contrôles :

      - ceux qui sont assurés par les vingt six laboratoires interprofessionnels qui analysent chaque année 60 millions d'échantillons,

      - les quatre contrôles mensuels auxquels se trouve assujettie in situ chaque exploitation,

      - le contrôle des animaux eux-mêmes dès lors que l'exploitation a choisi d'être soumise au « contrôle de performance » et au « contrôle laitier » (la majorité des exploitations a librement choisi cet assujettissement),

      - la création d'une cellule de veille au niveau de l'interprofession laitière qui réunit des scientifiques et des vétérinaires.

      4.- l'avance de la France dans le domaine de la traçabilité des animaux puisque tous les animaux qui naissent au sein d'une exploitation soumise au contrôle de performance sont inscrits, dès leur naissance, sur le livre généalogique qui permet de les identifier leur vie durant,

      5.- le travail « énorme » accompli dans le domaine de la santé et du bien-être des animaux grâce :

      - à l'action des groupements d'intérêt économique dans la lutte contre la brucellose, la leucose et autres maladies,

      - aux chartes de bonne pratique qui devraient bientôt concerner 100 % des éleveurs, les autocontrôles qui expliquent l'extrême faiblesse du nombre des incidents,

      - à l'absence de tout recours aux farines animales pour assurer la nourriture des vaches laitières,

      - au souhait de la profession de voir définitivement interdites non seulement la somatotrophine qui augmente la production de lait mais encore toute hormone quelle qu'elle soit.

      6.- la vigilance sur la qualité et la conservation des fourrages qui ne peut malheureusement compenser notre dépendance protéinique, laquelle nous conduit à ne pouvoir maîtriser la traçabilité de produits importés et à devoir admettre des aliments dont l'étiquetage souffre de ne bénéficier de toute la transparence souhaitable.

      7.- l'importance de l'O.M.C.

      les producteurs de viande

      La Fédération nationale bovine

      1.- Que ce soit au titre de l'E.S.B., de la dioxine, des farines animales, des O.G.M, des anabolisants, des antibiotiques, des salmonelles, des boues des stations d'épuration etc. les producteurs de viande bovine sont au c_ur de toutes les crises et finissent par être épuisés de servir d'otages au profit d'une société qui leur fait supporter des problèmes qui sont les siens mais qu'elle se garde bien de trancher.

      2.- Pourtant la France a atteint, dans le domaine de la sécurité alimentaire, un niveau que beaucoup lui envie quoique - malgré ce niveau et même si le risque zéro n'existe pas - les exigences des consommateurs, toujours insatisfaits, se portent désormais au-delà des problèmes de sécurité alimentaire vers les conditions de la production et du bien-être des animaux.

      3.- cette avance de la France est particulièrement notoire dans le domaine de l'étiquetage alors même que la commission des Communautés européennes a repoussé à 2001 l'obligation de faire mention de l'endroit où l'animal a été abattu et à 2003 celle concernant le lieu de la naissance et de l'élevage, indications qui sont pourtant courantes en France et qui démontrent combien des progrès restent à accomplir au niveau de l'harmonisation communautaire.

      4.- la traçabilité est, par contre, plus difficile à mettre en _uvre quand on sait qu'une carcasse de 400 kilos représente 1 500 portions.

      5.- au bout du compte, cinq niveaux devraient être considérés ;

       - celui de l'expertise qui doit se fonder sur une analyse scientifique indépendante,

       - celui de la gestion du risque qui relève de l'autorité administrative,

       - celui de la réduction du risque qui dépend de la profession,

       - celui de la traçabilité,

       - enfin celui des contrôles qui relèvent de l'autorité de l'Etat.

      La Fédération nationale ovine

      1.- la situation déficitaire de la filière par rapport à la consommation française de moutons.

      2.- la qualité d'une viande dont les animaux sont nourris avec des produits végétaux et sur la base de cahier des charges dûment actés mais aussi l'important apport que représente la filière par la fabrication de fromages au lait cru, ce qui n'est pas sans poser des problèmes tant avec nos partenaires européens qu'avec les Etats-Unis.

      3.- l'impossibilité d'obtenir néanmoins de Bruxelles l'utilisation de références de qualité fondées sur l'origine géographique.

      4.- la poursuite des travaux sur la tremblante même s'il semble acquis qu'elle soit sans lien avec l'E.S.B.

      La Fédération nationale porcine

      1.- L'Europe = 200 millions de têtes ; la France = 25 millions de têtes ; la concurrence est particulièrement sévère avec l'Espagne et les Pays-Bas ;

      2.- 1 kg. de viande = 3 kg. de céréales ; mais le porc étant omnivore a besoin de protéines et d'acides aminés ; l'ensemble des aliments = 60 % du coût de production ;

      3.- 75 % du porc sont transformés d'où une exigence absolue de traçabilité ; la quasi-totalité des éleveurs adhère à un cahier des charges qui est scrupuleusement respecté ;

          4.- la suppression des farines fabriquées en France, au demeurant parfaitement saines :

          - augmenterait les coûts de production,

      - mettrait en péril la filière,

      - poserait le problème des sous-produits d'abattage,

      - nous mettrait dans la dépendance du soja américain,

      5.- l'absence d'harmonisation des procédés d'alimentation animale impose un contrôle des importations, d'Espagne notamment ;

      6.- le bien être des animaux est sans doute supérieur à l'abri qu'à l'extérieur

      Les fédérations de producteurs de volailles

      1.- la filière avicole = 2, 4 millions de tonnes par an dont 0,9 à l'export ;

      2.- nos parts de marché reculent parce que les pouvoirs publics n'ont pas en France étaient suffisamment soucieux de mettre en place des procédures de traçabilité ; néanmoins celle-ci est satisfaisante pour le foie gras du fait des efforts de la profession ;

      3.- la filière avicole utilise 80 % des farines animales ; ce recours aux farines est la conséquence, en 1973, d'un embargo sur le soja ;

      4.- sauf à se retrouver dans la même situation, il faut maintenir l'usage des farines, sous trois conditions :

      - avoir recours à des matériaux sélectionnés,

      - établir des normes européennes,

      - faire appel à l'Etat pour contrôler le processus de fabrication ;

      5.- les règles relatives au bien-être animal risquent de se retourner contre les économies concernées, à l'image de la filière porcine britannique qui a disparu au profit d'exportateurs aux coûts de production moins élevés ; elle peut mettre en cause l'avenir d'une filière comme le foie gras ;

      5.- la contamination des élevages par l'absorption d'antibiotiques constitue un problème qui n'est pas sans solution ;

      6.- la contamination au stade de la production constitue un problème plus sérieux qui a entraîné, dès 1993, l'adoption par la profession de guides de bonnes pratiques d'hygiène ; les tests microbiologiques pratiqués sur les foies gras se sont tous révélés négatifs ;

      7.- la crise de la dioxine a révélé une plus mauvaise maîtrise de la part de l'administration française que des autres administrations ;

      - retard dans la prise en compte des informations qui étaient connues de tous,

      - durée excessive de consignation des élevages,

      - absence de tout mécanisme d'indemnisation

      3.- l'approche locale avec les responsables
      des organisations agricoles du département des Côtes d'Armor

      Sans nier aucunement la connaissance concrète des problèmes que peuvent avoir les responsables nationaux rencontrés à Paris, il est de fait que la réunion de travail organisée à Saint-Brieuc le 9 décembre 1999 aura permis une prise en compte plus directe des difficultés et efforts conduits par la profession.

      Non sans les mésestimer - mais parce qu'ils sont connus de tous ou qu'ils sont évoqués par ailleurs - on ne fera qu'en évoquer trois :

      1.- la modestie des revenus mise en avant par le représentant du MODEF bien souvent, chez les éleveurs, inférieurs au S.M.I.C.,

      2.- la nécessité de voir respecter partout en Europe les mêmes règles dans la mesure où, la fluidité des marchés est telle, qu'on retrouve partout - quels que soient les contrôles - des aliments pour animaux légalement ou subrepticement importés, des animaux sur pied, des denrées alimentaires de toute nature, tel ce porc importé, par exemple du Danemark, qui a été nourri avec des farines élaborées à partir de cadavres d'animaux,

      3.- les efforts conduits en faveur du bien-être des animaux mais non sans éprouver quelques difficultés à discerner ce qui est souhaitable de ce qui est condamnable.

      Sur ce denier point, on citera trois exemples :

      - celui de la poule courant en liberté, symbole du bien-être, à ceci près qu'elle est porteuse de salmonelles,

      - celui de l'éleveur d'il y a trente ans - cité par notre collègue Jean Gaubert - porteur dès sa tournée du main, de sa seringue et de ses doses d'antibiotiques, symboles de la modernité d'hier qui est condamnée aujourd'hui,

      - la nécessité néanmoins de vacciner correctement le élevages dans la mesure où un élevage mal vacciné peut, dans les circonstances présentes, contaminer toute une région.

      On s'étendra davantage sur les efforts de traçabilité, déjà anciens pour ce qui concerne l'espèce bovine, plus récents pour ce qui concerne les porcs et que devait présenter à la commission la responsable départementale, Mme Crolais.

      C'est ainsi que tout éleveur désirant bénéficier de « l'assurance qualité » - et de la prime qui y correspond - se voit obliger de tatouer chaque porcs par référence au lot auquel ce porc appartient et de rendre parfaitement identifiable ce lot lui-même.

      Tout porc « tracé » doit répondre à un cahier de charges précis agréé par un cabinet privé indépendant.

      Ce cahier des charges porte notamment sur les aliments, qui sont composés à 75 % de céréales avec ajout de protéines et de minéraux, dont chaque lot doit être identifié et analysé.

      Ce cahier impose que tout traitement antibiotique soit prescrit par un vétérinaire dont l'ordonnance doit être conservée, portée sur une main courante et qui n'autorise l'abattage de l'animal qu'après un certain délai.

      Pour autant, ces contraintes ne sont pas sans succès auprès des éleveurs puisque près de 80 % des porcs du département des Côtes d'Armor sont sous assurance qualité.

      4.- le débat avec le vétérinaires « de terrain »

Aux côtés des éleveurs, l'action des vétérinaires libéraux - soumis, de même que les vétérinaires inspecteurs de l'administration, aux prescriptions de leur Ordre - est essentiel.

Il l'est d'abord parce qu'ils préviennent ou soignent les maladies des cheptels.

Il l'est parce que ce sont eux qui assurent les déclarations des maladies « à déclaration obligatoire » auprès de la Direction des Services Vétérinaires.

Il l'est, parce que la plupart sont détenteurs d'un mandat sanitaire qui les assimile, sinon à des Officiers ministériels, du moins à des collaborateurs permanents du service public en charge de combattre les épizooties, notamment dans le cadre des Groupements départementaux de défense sanitaires regroupés dans une fédération nationale - la F.G.D.S. - en charge, en contrepartie de cotisations, de l'éradication des maladies à déclaration non obligatoire et de l'indemnisation des éleveurs victimes des impondérables qui s'attachent à la profession.

Il l'est parce que le vétérinaire est le confident de l'éleveur, rôle particulièrement sensible en ce temps où - même lointaine ou très ponctuelle - rôde la menace aléatoire de l'E.S.B.

Aussi n'était-ce pas inutile que la commission tienne une séance de travail avec certains d'entre eux, ce qui devait être le cas, le 9 décembre 1999, à Saint-Brieuc grâce à la participation des docteurs vétérinaires cités en « en tête » du présent chapitre.

On prendra connaissance, par la lecture des annexes, de leurs analyses et du débat conduit, pour l'essentiel, du côté de la commission, outre le président Leyzour, par le rapporteur assisté de ses collègues André Angot, député mais aussi vétérinaire dans le département voisin du Finistère, et Jean Gaubert, député mais aussi éleveur dans le département des Côtes d'Armor.

On se contentera donc ici de faire mention des leçons essentielles tirées de cette séance de travail :

1°) la qualité du réseau français d'épidémiosurveillance mis en place dès la fin de l'année 1990, « irréprochable » selon le docteur Guy Joncour, qui permet la détection immédiate de tout nouveau cas ; ce que confirme le Dr. Cormier : « la filière est bien contrôlée, les vétérinaires sont présents « de la fourche à la fourchette, dans les abattoirs, les ateliers de découpe. Ils sont bien placés pour avoir une vue de la filière qui n'est pas si mal que cela. »

2°) l'excellence de notre traçabilité - avant même que le mot ne connaisse la faveur qu'on lui accorde - puisque l'un des intervenants a pu très aisément retrouver un veau qui avait été vendu avant qu'un cas d'E.S.B. ne se présente dans l'élevage d'où il était issu,

3°) la très forte incertitude qui demeure sur l'origine de la maladie encore que l'on soit en droit de soupçonner très fortement les farines d'animaux - les cas N.A.I.F. étant souvent liés à des croisements c'est-à-dire à des opérations consistant à donner à des bovidés des aliments pour porc ou volailles - confirme le même interlocuteur qui rappelle que des farines anglaises ont été importées jusqu'en 1996 afin de nourrir des porcs et des volailles,

4°) la possibilité, selon le Dr. Mayaux, que des farines animales d'origine britannique continuent d'arriver par des voies inconnues, ce qui devrait nous conduire, au nom du principe de précaution, à interdire tout usage de cet ingrédient,

5°) d'autant que, précise son collègue Guy Joncour, nous arrivent vraisemblablement des farines venant d'Allemagne où se trouve le plus gros producteur d'Europe lequel utilise des cadavres d'animaux, pratique interdite en France,

      6°) le nécessaire recours aux tests qui sont désormais sur le marché : celui du C.E.A., celui mis au point par les Irlandais, celui utilisé à titre expérimental par les britanniques qui a abouti à 0,01 % de résultats positifs sur des lots d'animaux en apparence indemnes, ce qui laisserait supposer, malgré la faiblesse du pourcentage que la maladie est plus répandue qu'on ne le croit (mais, il est vrai que selon d'autres informations recueillies, le test n'indiquerait pas la présence du prion si l'animal est en période d'incubation),

      7°) les incertitudes relatives à la transmission à l'homme : que représente, demande le Dr. Cormier les 47 cas relevés en Grande-Bretagne par rapport aux 180 000 bovins atteints sinon un rapport de 1 000 à 0,26 ? Encore que son collègue Mayaux juge nécessaire d'atténuer cette analyse car « on ne peut avoir pour l'instant une idée précise du nombre de morts supposés dues à la maladie de Creutzfeldt-Jakob ... peut-être de 10 000 comme de 100 000 ... »

      8°) la nécessité de continuer à sillonner les élevages alors même que les éleveurs, traumatisés par la crise préfèrent perdre une bête plutôt que de faire appel au vétérinaire,

      9°) la nécessité de maintenir dense un réseau de praticiens alors que la profession est désormais majoritairement féminisée et urbanisée,

      10°) la nécessité d'étendre cette présence aux élevages de volailles où il ne viendrait à l'idée de personne d'appeler un vétérinaire pour pratiquer l'autopsie d'un poulet mais qui, de ce fait, ne bénéficient pas de la même surveillance sanitaire.

B.- Débattre avec le monde industriel

1.- les industries chimiques et phytosanitaires

Désormais, point d'agriculture sans intrant.

Aussi bien la commission d'enquête devait-elle accueillir, à l'occasion d'un Forum consacré au rôle joué par les industries chimiques et phytosanitaires, MM. :

- Jean-Pierre Guillou, directeur général de l'Union des Industries de la Protection des Plantes - U.I.P.P. -,

- Jean Pelin, directeur général de l'Union des Industries Chimiques - U.I.C.

- Alain Chalandon, directeur général de la Société Rhône-Poulenc Agro France,

- Bernard Charlot, directeur général de la Société Novartis,

- Jeremy Macklin, directeur général de la Société Sopra,

- Bertrand Meheut, directeur de la Division Agro de la Société B.A.S.F.,

- Jean Pougnier, directeur général de la Société Dupont de Nemours France,

- Daniel Rahier, directeur des relations extérieures de la Société Monsanto-France,

- Claude Vincinaux, directeur technique à la Société Bayer,

- et leurs experts.

La commission d'enquête ne pouvait être ni insensibles aux arguments présentés en introduction de ses travaux par les Directeurs généraux de l'U.I.P.P. et de l'U.I.C. (que le lecteur retrouvera sous une forme synthétique au sein des encadrés ci-dessous et in extenso au sein des procès-verbaux) ni redevable à chaque représentant des firmes de la présentation synthétique qu'il devait faire de la sienne, avant que n'intervienne un long et fructueux débat que devaient alimenter les questions :

- du rapporteur sur :

1°) le respect par les utilisateurs des procédures et des doses sur la base desquelles l'autorisation de mise sur le marché a été accordée et la formation corrélative qui peut être donnée au monde agricole,

2°) l'implication des industriels dans la gestion des risques que présentent les molécules retrouvées dans les résidus, notamment ceux des boues de station d'épuration urbaine,

3°) l'orientation des recherches tendant à l'appropriation de nouvelles molécules,

4°) les conséquences de l'émergence des Organismes génétiquement modifiés,

5°) la réalité de l'indépendance scientifique des comités consultatifs sont s'entourent les grandes firmes,

6°) l'erreur médiatique qu'a présenté le lancement du maïs transgénique et les conséquences à en tirer,

7°) l'état d'avancement des recherches pour ce qui concerne les O.G.M. de seconde génération ;

- de M. Pierre Lellouche sur :

1°) la part de l'agriculture française qui ne fait appel à aucun traitement chimique,

2°) l'avenir de l'agriculture tel qu'il se dessine au travers des O.G.M. de 2ème génération,

3°) les responsables chargés de fixer les normes - notamment l'apport journalier en molécules tolérable ou A.J.M.T. - de même que les procédures visant à contrôler le respect de ces normes qui se rapportent - on ne saurait l'oublier - à des produits potentiellement dangereux,

4°) la création éventuelle d'une Agence chargée de s'assurer de la formation des utilisateurs et de la réalité de leur bonne utilisation,

5°) la façon d'éviter que ces produits ne soient détournés par d'autres puissances qui pourraient constituer des armes de guerre à partir de tels ingrédients ;

- de M. François Guillaume sur

1°) la nécessité de disposer d'un document didactique montrant combien ont été bénéfiques les herbicides, les insecticides et les traitements anticryptogamiques,

2°) l'état des recherches relatives à une l'évolution de la lutte contre les parasites qui, de chimique, pourrait devenir biologique,

3°) la nécessaire comparaison entre l'utilisation rationnelle des produits chimiques par des agriculteurs bien formés et celle des grands services publics telles que les D.D.E . ou la S.N.C.F.ou de simples particuliers,

4°) sur le « gaucho » soupçonné de stériliser les abeilles,

5°) sur le danger de diffusion des O.G.M. par le phénomène de pollinisation,

6°) sur l'affectation des taxes pesant sur les produits phytosanitaires au financement des actions tendant à leur meilleure utilisation ;

- de M. Germain Gengenwin sur :

1°) les progrès accomplis au cours des vingt dernières années par les industries chimiques,

2°) les dangers, bien plus élevés, que font peser désormais les produits chimiques à finalité domestique,

3°) la mauvaise gestion médiatique du dossier des O.G.M. qui a suscité la méfiance de l'opinion et les enjeux de pouvoir entre les firmes que représente l'émergence des O.G.M. 

- de M. Joseph Parrenin sur :

1°) la proportion de produits phytosanitaires utilisés par les agriculteurs et par les pouvoirs publics, collectivités territoriales comprises,

2°) l'état précis des suivis agronomiques menés depuis trente ans visant à mesurer les conséquences de l'utilisation de ces produits ;

- de M. André Aschiéri sur la diffusion des produits chimiques et phytosanitaires au sein des milieux naturels, leur transmission aux aliments et les études de toxicité qui ont pu être conduites, ou qu'il conviendrait de conduire, afin de mesurer les corrélations entre l'utilisation de ces produits et l'évolution de certaines pathologies, les cancers notamment ;

- de Mme Monique Denise sur la nature des efforts des industriels afin de conduire les agriculteurs à choisir, au sein de la gamme des produits qui leur sont offerts, ceux qui sont les moins polluants ;

- de M. André Angot sur le délai de latence entre l'administration d'un produit sur un végétal et la commercialisation de celui-ci

      Les thèmes développés par

      l'Union des industries de la protection des plantes

      U.I.P.P.

      1.- les produits phytosanitaires ont pour mission d'aider la plante à lutter contre ses parasites ; sans eux, 80% des récoltes seraient perdus.

      2.- ces produits font l'objet d'une homologation particulièrement complexe qui comprennent :

       - un volet toxicologique qui permet de fixer les doses admissibles toujours diminuées d'un coefficient de 100,

       - un volet éco/toxicologique,

       - un volet sécurité/consommateur avec :

       - seize essais au niveau des résidus qui aboutissent à fixer la limite maximale de résidus X quantité moyenne théorique = apport journalier maximum théorique (AJMT),

       - des essais sur l'alimentation animale,

       - des essais sur des produits transformés.

      3.- le produit vendu est accompagné d'un étiquetage informatif et de recommandations.

      4.- il n'est pas contestable que ces recommandations ne sont pas suivies autant qu'il le faudrait.

      5.- une harmonisation des règles est nécessaire dans le cadre du Codex.

      Les thèmes développés par l'Union des industries chimiques

      1.- La place des industries chimiques françaises est déterminante : 460 milliards de chiffres d'affaires en 1998, 22 milliards d'investissements, 55% du C.A. réalisé à l'exportation, croissance annuelle de la production de 3,4%, 236 000 emplois.

      2.- Sur 460 milliards de ventes, la clientèle agricole se limite toutefois à 44 milliards de francs

      3.- Sur 22 milliards d'investissements, 1,4 est consacré à la protection de l'environnement. De 1980 à 1998, les émissions d'oxyde d'azote ont diminué de moitié pendant que la production s'accroissait de 80%.

      4.- les substances ayant un rapport avec la filière alimentaire figurent sur une liste « positive » établie par la D.G.C.C.R.F. depuis 1973.

      5.- la réglementation française, fondée sur la loi du 1er août 1905, est particulièrement bien suivie.

      Présentation succincte des sociétés présentes au forum
      du 7 décembre 1999

DUPONT de NEMOURS

1.- Société américaine, Dupont de Nemours revendique un chiffre d'affaires mondial de 180 milliards de francs en 1998 et 100 000 employé,

2.- Le chiffre d'affaires en France s'établit à 7 milliards de francs (soit moins de 4 % de l'ensemble) dont 3 milliards à l'export, répartis en six usines qui emploient 2 000 personnes,

3.- L'activité relative à la protection des cultures - essentiellement les herbicides - représente :

- au niveau mondial : 15 milliards de francs et 4 800 employés

- au niveau français : 600 millions de francs et 500 employés répartis entre 2 usines.

4.- Dupont de Nemours a, sur les biotechnologies, une position extrêmement net :

- ce sont des technologies d'avenir,

- ces technologies ont des implications multiples qui vont bien au-delà des biens alimentaires,

- afin d'éclairer sa démarche, et conscient de inquiétudes de l'opinion, Dupont de Nemours entend mettre en place un Comité consultatif indépendant,

- la Société s'engage de même à éclairer le consommateur par toutes les démarches propres à assurer une parfaite traçabilité.

NOVARTIS

1.- Société suisse dont le siège est à Bâle, Novartis réalise en France un chiffre d'affaires de 4 milliards de francs dont :

- 3 milliards pour la chimie correspondant à 1 000 emplois

- 1 milliard pour les semences correspondant à 500 emplois,

2.- Chacun des deux secteurs forme une société :

- Novartis Agro pour la chimie et les produits phytosanitaires, responsable de deux sites de production,

- Novartisi pour les semences réparti entre trois sites,

- auxquels s'ajoutent divers centres de recherche.

MONSANTO

1.- Société américaine, MONSANTO, emploie 30 000 personnes dot 10 % se consacrent à la recherche,

2.- la Société développe ses activités dans trois directions :

    1°) la santé (contraceptif, anti-inflammatoire ... ),

    2°) la nutrition (l'Aspartam ... ),

    3°) l'agriculture (l'herbicide Round up ...),

3.- la Société a commencé ses recherches en biotechnologie en 1980 pour déboucher, en 1996, sur le soja tolérant au glucosate - le soja runduprédi - qui constitue la 1ère plante de grande culture génétiquement modifiée,

4.- la division Agriculture de MONSANTO représente la moitié du C.A. et 40 % des effectifs (12 500 collaborateurs) et situe la société :

- en 4ème position mondiale pour les plantes,

- en 2ème pour les semences avec 8 % du marché mondial,

- en 1ère pour les biotechnologies végétales,

5.- la France constitue la 3ème implantation de la Société avec 1 200 collaborateurs répartis entre :

- le siège de la division nutrition / santé / grande consommation à Paris,

- le siège de la division agriculture à Lyon,

- 9 sites de production,

6.- la division Agriculture représente un C.A. de 1 milliard de francs et emploie 560 personnes dans quatre domaines :

1°) la phytopharmacie

2°) les semences (blé, maïs, colza, tournesol, soja),

3°) les nouveaux itinéraires culturaux

4° et les biotechnologies,

ce qui fait de la France le 1er centre européen de fabrication (7 sites), et de recherche (7 fermes),

7 .- Dans le domaine du génie biomoléculaire, la France a autorisé l'importation :

- du soja runduprédi,

- du maïs Mon 810 résistant aux insectes.

SOPRA

1.- SOPRA est la filiale française du groupe ZENECA lui même partie du groupe ASTRO ZENECA de capital anglo-suédois implanté à Londres et d'un C.A. de 100 milliards de fr.

2.- ZENECA est centré sur les activités phytosanitaires et biotechnologiques et représente un C.A. de 17 milliards de fr. dont :

- 56 % pour les herbicides,

- 23 % pour les fongicides,

3.- SOPRA représente un C.A. de 1,7 milliards en 1998 et concentre ses activités sur :

1°) les produits phytosanitaires,

2°) les biotechnologies afin de :

- remplacer à terme les produits phytosanitaires,

- offrir de nouveaux produits dûment signalés par leur étiquetage et repérable par leur traçabilité ;

B.A.S.F.

1.-D'origine allemande, leader mondial des activités chimiques, B.A.S.F.

- se fonde sur un C.A. de 180 milliards de fr. et 100 000 collaborateurs,

- dont 20 % consacrés à la santé et à la nutrition (le C.A. des produits phytosanitaires s'établit à 11,5 milliards de francs),

2.- La France représente la deuxième position du groupe avec un CA de 1,6 milliards de francs pour la partie phytosanitaire et se trouve présent sur tous les marchés (céréales, colza, vignes...)

3.- Les investissements en faveur des OGM de deuxième génération constituent une des priorité du groupe.

Rhône-Poulenc Agro France

    1.- Rhône-Poulenc Agro France représente 600 milliards de chiffre d'affaires pour 600 emplois,

    2.- le souci de sécurité y est tel que l'usine de Villefranche n'a connu, en quatre ans, aucun accident,

    3.- le groupe Rhône-Poulenc a pour souci conjoint de développer au mieux les biotechnologies, souci qui est à l'origine de sa fusion avec le groupe Hoechst au sein d'Aventis, nouveau groupe qui orientera ses activités vers la pharmacie et l'agriculture avec la double préoccupation de la santé publique et de la santé des plantes,

    4.- cette double préoccupation conduit à un partenariat avec les coopératives agricoles ou les filières et d'une façon générale à réunir les conditions optimales de la protection de l'environnement qui est aujourd'hui l'objectif prioritaire des industries adhérentes à l'U.I.P.P.

Bayer

    1.- Le groupe comprend, en France, quatorze sociétés totalisant un C.A. de 14 milliards de francs dont 3 à l'export, pour 4 250 employés répartis sur neuf sites industriels,

    2.- l'agrochimie représente un C.A. de 1,3 milliard pour 140 collaborateurs,

    3.- au titre de l'agrochimie, de nombreuses études sont conduites sur le territoire français, notamment sur les résidus (à hauteur d'une centaine).

2.- les industries de l'alimentation animale, de l'abattage
et de l'équarrissage

Outre les intrants qui concernent les végétaux, les aliments composés destinés aux animaux ont une incidence directe sur la qualité des produits destinés à la consommation humaine et on se souvient que la commission d'enquête a reçu un mandat spécifique relatif à l'alimentation animale conformément au texte de la Résolution qui est à l'origine de sa création.

Le rapport ayant déjà fait largement mention de ce débat, on ne fera qu'en rappeler les grand thèmes grâce aux encadrés ci-dessous qui furent défendus le 1er décembre 1999 par :

1.- MM. Yves Montecot président du Syndicat national des industriels de la nutrition animale et Daniel Rabillier président de la Fédération nationale des coopératives de production et d'alimentation animale,

2.- MM. Laurent Spanghero président de la Confédération française des entreprises bétail et viandes et François Toulis président de la Fédération nationale de la coopération bétail et viandes,

3.- M. Bruno Point président du syndicat des industries françaises des coproduits animaux.

Thèmes développés par la Confédération française
bétail et viandes (C.E.B.V.) et la Fédération nationale de la coopérative bétail et viandes

1.- l'importance économique du secteur : 350 abattoirs dont 300 agréés C.E.E., 50 marchés aux bestiaux, 2 100 000 bovins et 1 150 000 ovins commercialisés directement liée à la consommation atteinte par les français (95 kilos de viande par an et par personne, volailles comprises).

2.- sa répartition entre un secteur industriel regroupé en syndicats (fédération nationale des industries du commerce en gros des viandes, syndicat national des industriels de la viande, syndicat national du commerce du porc, marchands de bestiaux) et le secteur coopératif (35 % de la production ovine, 50 % de la production bovine, 90 % de la production porcine).

3.- l'éradication de toutes les maladies (brucellose, fièvre aphteuse, peste porcine) grâce à l'efficacité de la surveillance des services de l'Etat quoique la France n'est pas encore atteint le niveau « secteur propre » tel qu'il résulte de la classification de l'O.M.C.

4.- la nécessité de mettre un terme à des pratiques contestables (ainsi du recyclage des boues des stations d'équarrissage), aux incidents mettant en cause l'hygiène alimentaire (ainsi des viandes contaminées par l'escherichia coli 157) grâce au renforcement des méthodes type H.A.C.C.P.

5.- l'application du principe de transparence par la clarification des marchés, la mise en place, par le secteur coopératif dès 1988, de filières qualité associant sécurité et gustativité et de labels type Certiviande, la création par la Confédération et le secteur coopératif d'une interprofession qui a permis au plus fort de la crise de la vache folle d'identifier la « viande bovine française »,

6.- le retard des institutions européennes à mettre en oeuvre une identification communautaire des viandes dont la mise en oeuvre semble devoir être repoussée à 2003.

Thèmes développés par la Fédération nationale des Coopératives de production et d'alimentation animale

1.- l'alimentation des animaux représente entre 80 et 85 % du prix de revient de l'animal, c'est dire combien, au plan strictement économique, ce poste ne peut-être négligé.

2.- cette alimentation a une incidence directe sur la qualité et la sécurité du produit.

3.- cette incidence a toujours suscité la vigilance des industriels, ce avant même la crise de l'E.S.B. puisque les usines fabriquaient alors des aliments destinés à diverses espèces dont les compositions fort différentes exigeaient, afin d'éviter toute erreur, une grande vigilance. C'est cette vigilance qui a conduit la profession à éliminer les farines de la composition des aliments pour ruminants dès 1989 soit un an avant que la loi ne leur en fasse l'obligation.

4.- au demeurant l'industrie de l'alimentation animale a toujours été très contrôlée tant par la D.G.C.C.R.F. que par les services vétérinaires qui s'y sont intéressés, il est vrai plus récemment.

5.- Chaque usine fait l'objet d'un contrôle deux à trois fois par an au moins. Ces contrôles sont démultipliés dès que surgit un cas NAIF, leur durée dépassant la semaine et conduisant les inspecteurs à analyser chaque facture et chaque échantillon, du moins ceux qui ont été conservés dans la mesure où certains lots ont pu être mis dans le circuit commercial bien avant qu'ils ne soient livrés à la consommation.

6.- L'étiquetage évolue, pour sa part, en fonction des exigences de l'administration et se trouve constamment surveillé de même que sont contrôlées les matières premières qui rentrent dans la composition du produit fini.

7.- Achevant ce cycle, toute usine de fabrication d'aliments devrait faire, sous peu, l'objet d'un agrément sur la base de critères fixés par décret.

8.- sans attendre, la profession s'est soumise aux obligations inscrites dans de multiples cahiers des charges (quinze pour certaines usines) soumis eux-mêmes à des organismes certificateurs. Ces cahiers imposent le contrôle des matières premières, définissent les procédés de fabrication, prévoient des analyses au début, au cours et à la fin du processus de fabrication, font obligation de conserver un certain temps des échantillons de chaque lot afin de pouvoir répondre de tout incident qui viendrait à intervenir à l'issue de la commercialisation. Au bout du compte, les mentions portées sur les étiquettes sont aujourd'hui plus complètes que celles des produits destinés à l'alimentation humaine.

9.- par contre, il semblerait qu'à aucun moment les pouvoirs publics ne se soient souciés de diligenter les recherches propres à comprendre pour quelles raisons des cas nouveaux d'E.S.B. sont apparus alors que les industriels n'incorporaient plus les farines aux aliments ; de même qu'il se pourrait que des matières premières mises sur le marché, qui devraient présenter toutes les conditions de sécurité - dès lors que cette mise sur le marché nécessite une autorisation administrative - ne présentent pas toujours les garanties nécessaires

10.- cette abstention conduit aujourd'hui les éleveurs de porcs et de volailles, animaux omnivores que l'on peut donc légitimement nourrir avec les restes d'animaux sains, à récuser les farines animales ce qui pose un nouveau problème : celui de la gestion des déchets d'abattoirs.

Thèmes développés par le Syndicat des industries françaises
des coproduits d'animaux

1.- Il est impératif de distinguer, depuis la loi du 31 décembre 1996,

11.- les cadavres d'animaux et les Matières à Risques Spécifiés (M.R.S.) tous deux mis de côté par les services vétérinaires au sein des abattoirs et destinés à la destruction,

12.- et celle, spécifique de l'équarrissage qui consiste à récupérer des matériaux sains issus de l'abattage d'animaux, dans le cadre d'établissements agréés et contrôlés, afin de fabriquer :

 - soit des produits destinés à l'alimentation humaine : le suif et le saindoux,

 - soit des produits destinés à la savonnerie,

 - soit, surtout, des produits destinés à l'alimentation animale,

2.- l'industrie française des coproduits contribue à l'élaboration de rations pour les porcs et les volailles qui sont omnivores, à l'exception des ruminants qui ne sont plus, en France, alimentés par des farines,

3.- la réglementation est particulièrement stricte :

 - pour les bâtiments qui sont à la fois :

 - des installations classées (au titre du ministère de l'environnement),

 - soumis à un agrément identique à celui des abattoirs (au titre du ministère de l'agriculture),

 - soumis à la dissociation des matières premières, des produits finis et des produits stockés (conformément à la règle communautaire dite de la marche en avant),

 - pour les véhicules qui obéissent à une législation spécifique,

 - pour le traitement thermique des produits,

4.- l'importance des exigences des cahiers des charges et des contrôles,

5.- les négociations tant avec les fournisseurs (les abattoirs) qu'avec les utilisateurs (les éleveurs) pour aboutir à des compositions précises bientôt soumis à un organisme certificateur.

3.- les industries agroalimentaires

Les industries agroalimentaires, eu égard à leur importance économique et sociale, ont fait l'objet de deux forums.

Le premier organisé le 14 décembre 1999 devait permettre aux membres de la commission d'enquête de débattre avec les responsables patronaux par l'entremise de trois entités ou organismes différents :

1°) les organismes transversaux représentatifs de l'ensemble de la profession :

- la Confédération française de la coopération agricole (la C.F.C.A.) et son président, M. Joseph Balle accompagné du docteur vétérinaire

- l'Association nationale des industries agro-alimentaires (l'A.N.I.A.) et son directeur général, M. Benoît Mangenot

2°) les organismes professionnels représentatifs de secteurs déterminés, caractérisé soit par un mode de fabrication (les conserves par exemple), soit par un produit (la charcuterie) ; ainsi de :

- la biscotterie, la biscuiterie, la confiserie, la chocolaterie dont les firmes sont adhérentes d'une association, « l'Alliance 7 » (du nombre des spécialités regroupées) présidée par M. François Coindreau présent à l'Assemblée nationale le 14 décembre,

- la charcuterie regroupée au sein de la Fédération française des industries charcutières (la F.I.C.) représentée par son délégué général, M. Gérard Le Tyrant,

- l'industrie des corps gras dont l'émanation, la Fédération nationale des Industries des corps gras (la F.N.I.C.G.), avait désigné son président M. Georges Robin,

- le secteur fort important des vins représenté par M. Jérôme Quiot, président du Comité national des vins et eaux de vie de l'Institut national des appellations d'origine (l'I.N.A.O.),

- la Fédération française des industries d'aliments conservés (la F.I.A.C.) représentée par son directeur général, M. Yves Michelon,

3°) enfin les deux grands groupes français de l'agroalimentaire :

- le groupe Danone qui avait délégué le directeur général de son département sécurité alimentaire, réglementation et environnement, M. Jean-François Molle,

- et le groupe Nestlé-France représenté par son directeur Qualité, M. Roland Stalder.

Le second forum organisé le 22 décembre permettait de débattre avec les représentants des grandes centrales syndicales :

 - la fédération agroalimentaire de la C.F.E./C.G.C. représentée par son vice-président, M. André Visse,

- la C.F.T.C représentée par M. René Depret délégué général central au sein du groupe Beghin-Say ;

- la C.F.D.T. représentée par M. Jean-Pierre Bompard chargé de mission au service des affaires économiques, M. Gilbert Capp, représentant de la fédération générale agroalimentaire et M. Biger représentant de la fédération des syndicats de l'éducation nationale,

- la C.G.T représentée par M. Jean-Luc Bindel, représentant du bureau confédéral,

- la fédération de l'agroalimentaire de F.O. représentée par ses secrétaire général et secrétaire général adjoint MM. Rafaël Nedzynski et Alain Kerbriand-Postic,

Des exposés initiaux du premier forum, devaient surgir de nombreuses interrogations, et d'abord celles du président sur :

    1.- les centres de recherche qui se consacrent à l'alimentation animale,

    2.- la définition qu'impose la notion d'agriculture raisonnée et les critères propres à en reconnaître aisément les produits,

    3..- la nécessité absolue, quelque soit la qualité d'un produit, d'en assurer une totale sécurité,

    4.- les risques de contamination accrus dus à une chaîne alimentaire de plus en plus complexe, caractérisée par des stades de transformation de plus en plus nombreux et l'adaptation des contrôles à cette situation nouvelle,

    5.- les plaintes déposées par les industriels victimes de livraison de produits frauduleux et la pertinence des sanctions prononcées par l'autorité judiciaire ;

Puis celles du rapporteur sur :

1.- la difficulté des consommateurs à « 'y retrouver »dans la multiplication des labels et des certifications de qualité,

2.- la qualité des contrôles au sein des P.M.E./P.MI.,

3.- la nature des contrôles effectués sur les autocontrôles pratiqués par les entreprises,

4.- le recours aux experts et leur indépendance à l'égard des grands groupes auxquels les lient des contrats de recherche,

5.- la nature même du principe de précaution et la légitimité qui s'attache à l'embargo sur le b_uf britannique dès lors que l'on se fonde sur ce principe,

6.- le montant comparatif des dépenses de recherche conduites par les firmes et de leurs dépenses de publicité,

7.- les sanctions applicables en cas d'irrespect des cahiers des charges souscrits par les professions,

8.- la détermination des dates limites de consommation,

9.- les conséquences à tirer de l'absence du respect du principe de précaution à l'égard des O.G.M. et la hâte excessive de mise sur le marché de certains produits sans l'information préalable des consommateurs,

10.- les moyens techniques propres à déceler qu'un produit a subi une altération dans le cadre d'une chaîne du froid dont un maillon a pu être défaillant ,

11.- la nature exacte du surimi ;

Enfin celles de :

- de Mme Michèle Rivasi sur :

1.- les incidences sur les produits alimentaires des rejets de dioxine par les industries,

2.- l'attitude des industries agroalimentaires à l'égard de l'épandage des boues de stations d'épuration,

3.- l'indemnisation accordée aux agriculteurs quand leur lait se trouve contaminé par des rejets industriels de dioxine,

4.- la position des industriels à l'égard des labels,

5.- la médiocre valeur organoleptique de la viande des porcs issus des élevages industriels, de même que celle, qui était hier encore autorisée, du veau aux hormones et l'intérêt de bien connaître la relation entre la nature des aliments donnés aux animaux et la qualité de leurs viandes,

6.- la faculté de l'industrie agroalimentaire à anticiper sur les problèmes à venir, ainsi des O.G.M.,

- de M. André Angot sur la création de cellules de crises rassemblant les représentants de l'administration, les spécialistes mais aussi des responsables des associations de consommateurs de telle sorte que ceux-ci puissent d'eux-mêmes temporiser l'attitude parfois alarmistes des médias,

- de M. Claude Gatignol sur les avantages de l'ionisation.

Les exposés du second forum suscitaient les questions :

- du président sur :

      - le principe de précaution,

      - le développement de la formation continue au niveau des régions,

- du rapporteur sur :

- l'éventualité du recours au droit d'alerte, notamment dans les entreprises ne disposant pas de comité d'hygiène et de sécurité,

- la préservation des secrets de fabrication,

- le principe de précaution appliqué aux O.G.M.,

- les procédures des groupements d'achat de la restauration scolaire,

- sa crainte de voir émerger une alimentation à « deux vitesses » : l'une dûment labellisée, l'autre non,

- de M. André Aschiéri sur :

- sur les intoxications alimentaires susceptibles d'être générées par des procédés de fabrication faisant appel à certains produits chimiques,

- l'obligation de recourir au droit d'alerte au cas où un produit constitue un danger pour la santé publique,

- de Mme Annette Peulvast-Bergeal sur :

- l'exigence de transparence et de clarification qui impose le droit d'alerte,

- la nécessité de mieux surveiller la restauration collective et notamment la restauration scolaire et d'établir des cahiers des charges plus contraignants,

- de M. Pierre Carassus sur les échanges d'informations entre les chercheurs dans le domaine des O.G.M.

      Les thèmes développés par l'Association nationale
      des industries agroalimentaires
      A.N.I.A.

      1°) il convient de prendre, en premier lieu, toute la mesure de l'importance économique du secteur :

       - 803 milliards de chiffre d'affaires soit deux fois l'industrie automobile,

       - 403 000 emplois,

       - des emplois en zone rurale qui en font la plus grand « aménageur du territoire »

       - un tissu économique qui mêle 10 000 entreprises de moins de dix salariés et de très grands groupes

       - le débouché naturel de 70 % des produits agricoles

       - avec 173 milliards de francs, le premier exportateur mondial dont 1/3 vers l'Union Européenne et les 2/3 au dehors

      2°) Or tout repose sur la confiance des consommateurs et dès lors sur la sécurité qu'offrent ces produits :

      - la meilleure preuve de cette sécurité résulte de l'extrême faiblesse des toxi-infections alimentaires :

      - l'intégralité des récentes crises trouve son origine ailleurs que de l'industrie agroalimentaire même si l'opinion poussée par les médias pratique parfois l'amalgame

      3°) l'administration n'a pas fait preuve, lors des crises récentes de toute l'efficacité désirable :

       - les délais de réponse ont été trop longs,

       - les mesures prises n'ont pas été proportionnées,

       - les dysfonctionnements administratifs ont pénalisé les entreprises

      4°) les crises récentes appellent les réponses suivantes :

       - le principe de précaution doit être mieux défini, éclairé par ceux de proportionnalité et de réversibilité,

       - l'A.F.S.S.A. a donné toute satisfaction mais non l'échelon européen qui doit se doter d'une « autorité » propre

       - la coordination des administrations a pris beaucoup trop de temps et exige un dispositif plus efficace

      5°) la richesse de notre alimentation tient à sa diversité et à des produits emblématiques qu'il importe de défendre

      Les thèmes développés par la Confédération française
      de la coopération agricole C.F.C.A.

      1°) le système coopératif qui regroupe 600 000 coopérateurs dont 3 800 entreprises de l'agroalimentaire est directement concerné par la sécurité alimentaire pour diverses raisons :

      - il est fournisseur d'intrants,

      - il accorde des labels et des certifications par l'entremise d'un organisme agréé,

      - il met à disposition de ses adhérents un référentiel de conseils sur l'ensemble du cycle...

      2°) il met en garde à l'encontre de l'extrême pression qui s'exerce sur les prix du fait

      - de marchés saturés,

      - de l'attitude de la grande distribution,

      3°) soucieux de tendre vers le risque zéro, il considère néanmoins que, dans le domaine de l'alimentation qui est celui du vivant, celui-ci est inatteignable du fait des risques de contamination

      - par des substances étrangères à la matière première (dioxine, fuel dans de l'huile de palme, etc.),

      - par des substances qui apparaissent au cours du cycle de la conservation : les mycotoxines,

      - par le transfert d'agents infectieux de l'animal vers l'homme : coliibacillose, salmonellose, listériose,

      - par des contaminations croisées entre des produits destinés à une espèce animale et toxiques pour une autre mais traités en un même lieu,

      4°) il insiste toutefois sur l'importance et le succès des parades mises en _uvre :

      - 96 % des produits consommés par les animaux sont d'origine végétale : il convient donc de relativiser le risque inhérent aux farines animales quoique celles-ci participent, par le biais du recyclage, à la nécessaire élimination des déchets animaux,

      - 70 % de nos aliments sont composés de céréales produites en France,

      - les exigences des producteurs à l'égard des matières premières, étrangères notamment, sont de plus en plus fortes et la conformité des livraisons fait l'objet de contrôles analytiques permanents,

      - la multiplication des sources d'approvisionnement complète la prévention par la dilution des risques,

      - les pratiques de fabrication et d'hygiène sont toutes inspirées par la directive 93-43, mais les cahiers des charges imposés par les clients vont beaucoup plus loin encore,

      - les plans de contrôle de l'administration aboutissent à une surveillance constante des pouvoirs publics,

      - la conjugaison des efforts ont conduits à la disparition des maladies qui frappent les animaux

Les thèmes développés par les industries de la biscotterie, de la confiserie, chocolaterie

« Alliance 7 »

1°) L'Alliance regroupe des Marques dont la valeur sur le marché dépend de la confiance mise en elle par les consommateurs. Toute perte de confiance entraîne la disparition de la marque.

Une marque est conçue pour que le produit soit racheté et non acheté. Le rachat est une marque de fidélité dans la qualité du produit dont la sécurité est l'une des composantes

2°) le maintien de la confiance est d'autant plus essentiel qu'avec un chiffre d'affaires de 55 milliards de francs générés par près de 500 entreprises créatrices de 84 000 emplois dont la moitié induite, le secteur représente 7 % de l'industrie agro-alimentaire dont 1/3 à l'export

3°) La politique de sécurité extrêmement stricte conduite en liaison avec les pouvoirs publics est fondée sur la prévention d'où :

 - la décision prise dès 1990 d'exclure les viandes britanniques

 - la mise en _uvre depuis dix ans d'un plan annuel de surveillance des contaminants dans la biscotterie et la biscuiterie étendu à la meunerie

 - la publication entre 1992 et 1995 de tous les guides de bonne pratique

    4°) la sécurité suppose autant la coopération avec les fournisseurs que l'information des consommateurs

        5°) la prévention doit être complétée par un dispositif de gestion des crises

    6°) la sécurité doit reposer sur des principes simples :

    1.- le consommateur commande et est en mesure de sanctionner lui-même toue défaillance

    2.- les entreprises sont prêtes à assumer leurs erreurs civilement et pénalement

    3.- la sécurité dépend « au quotidien » des contrôles et des analyses des entreprises

    4.- la réglementation doit fixer des résultats et des objectifs et laisser libres l'entreprise sur les moyens

7°) les capacités d'analyse ont fait de tels progrès que le niveau de sécurité ne doit pas se confondre avec le niveau détectable

    8°) il convient d'éviter les distorsions de concurrence

Les thèmes de la Fédération française des Industries d'Aliments Conservés (F.I.A.C.)

1°) il importe de souligner le poids d'un secteur qui emploie 30 000 personnes et représente 35 milliards de francs de chiffre d'affaires

2°) la sécurité doit porter conjointement sur la matière première utilisée et le mode de conservation - la conserve aseptisée - qui constitue l'un des moyens les plus sûrs

3°) parmi les mesures prises, il convient de souligner :

 - la mise en place de codes de bonne pratique d'hygiène tant pour les conserves que désormais les produits surgelés

 - l'assistance pratique accordée aux entreprises pour la mise en place de la méthode H.A.C.C.P.

 - le recours, la première du secteur industriel, à la mise sous assurance qualité dans le cadre du programme P.A.Q.U.A. : Programme d'assurance qualité pour appertisé réalisé avec le concours de la D.G.C.C.R.F. et la D.G.A.L.

4°) l'ensemble des opérations n'aurait pu se faire sans l'appui du Centre technique de la conservation des produits alimentaires financé au moyen d'une taxe parafiscale

5°) les industriels recherchent d'eux mêmes la traçabilité grâce à des contrats d'approvisionnement s'attachant à définir la qualité sanitaire des produits qu'ils achètent

6°) Au cas où les produits émanent de terrains où des boues urbaines ont été répandues, les cahiers des charges sont particulièrement stricts

7°) les exigences sont plus fortes encore pour les produits déshydratés où la concentration des résidus est très forte

8°) la crise de la dioxine a conduit à mettre en place un système de prévention et de gestion des crises en étroite liaison avec les administrations

9°) une bonne information du consommateur suppose des informations spécifiques destinées à des publics ciblés qui évitent la mise en place de mesures générales préjudiciables à toute la profession

10°) la fiabilité du système repose sur un contrôle sanitaire strict des produits importés

Les thèmes de la Fédération française des
industries charcutières

1°) Quoique composée pour l'essentiel de P.ME. au nombre de 400 entreprises dont le chiffre d'affaires représente 35 milliards de francs et les emplois 34 000, l'industrie de la charcuterie a fait un effort d'autant plus nécessaire dans le domaine de la sécurité qu'elle travaille une matière première - les viandes de porc et de volaille - qui peuvent constituer, s l'on n'y prend garde le vecteur de listérioses

2°) elle s'appuie sur le Centre technique de la charcuterie, de la salaison et des conserves de viandes, fort de 40 ingénieurs et vétérinaires, situé au sein même de l'Ecole vétérinaire de Maisons-Alfort à laquelle la profession fait appel autant que de besoin ainsi que sur le Centre technique de la salaison

3°) depuis 1990, elle a réalisé :

 - les guides de bonne pratique d'hygiène par famille de produits (jambons cuits, jambons secs, rillettes, saucissons secs),

 - un logiciel de formation à la méthode H.A.C.C.P.,

 - des documents sur les dangers microbiens,

 - un protocole de validation des dates limites de consommation (D.L.C.)

4°) Quoiqu'elle fasse elle-même, la sécurité des produits de la profession charcutière dépend de la qualité microbiologique des viandes : de ce point de vue, les abattoirs et ateliers de découpe des viandes ont réalisé des progrès notables

5°) la transparence est essentielle :

 - pour le consommateur qui bénéficie désormais d'une bonne information sur la composition des produits, ses conditions de conservation etc.

 - pour l'industriel qui doit connaître l'origine des animaux qu'il transforme : à cet égard, l'identification des animaux tant en élevage qu'au moment de la tuerie progresse mais n'en est pas au stade de la filière bovine et un lot de viande peut provenir de plusieurs élevages

Les thèmes de la Fédération nationale
de l'industrie des corps gras

1°) L'industrie des huiles et de la margarine (12 milliards de francs de chiffre d'affaire, 10 000 emplois) produit des ingrédients de grande consommation en grande quantité (552 000 tonnes d'huiles alimentaires) et se trouve confrontée depuis longtemps aux problèmes de la sécurité alimentaire sans qu'il y ait eu jamais d'accidents sauf falsifications

2°) L'industrie investit dans la recherche via l'Institut technique de recherche des huiles et oléagineux animé par trente scientifiques et financé par une taxe parafiscale particulièrement vigilant sur les conditions de transport

3°) La sécurité suppose remplies cinq exigences :

    1.- l'existence d'une autorité européenne,

    2.- l'existence de contrôles :

 - du respect des codes de bonne pratique

 - sur les parasites de toutes natures

    3.- la fin de la rivalité et de la confusion entre les services de l'Etat

    4.- la mise en place de structures administratives simples

    5.- l'existence de règles claires qui suppose la normalisation des méthodes d'analyse

    6.- la formation du consommateur afin qu'il sache lire une étiquette et nettoyer son réfrigérateur

Les thèmes du Comité national des vins et eaux de vie

1.- Le vin étant un produit fiscalisé, supporte des contrôles tels que ceux-ci lui assurent une excellente traçabilité,

2.- la présomption de sécurité est renforcée par le Label Qualité mis en place en liaison avec la D.G.C.C.R.F. qui se traduit par des prélèvements en grande surface suivis par des analyses en laboratoires portant sur des matières telles que le chloroanisole, le chlorophénol, les métaux lourds...

3.- 30 % de la production française est exportée et la France est le premier exportateur mondial :cette position, qui est enviée, ne va pas sans susciter des attitudes peu favorables chez certains de ses concurrents ; d'où la campagne à l'encontre du « collage » par le sang de b_uf qui constitue une procédure traditionnelle bénéficiant d'une parfaite innocuité, la profession ne pouvant se permettre une quelconque suspicion, elle a :

- dès 1996, renoncé à cette pratique que l'Etat a ensuite interdite par la voie réglementaire et reprise par l'Office international du Vin,

- décidé, pour ce qui concerne le Champagne, de récuser tout épandage de boues de stations d'épuration urbaines,

- décidé d'éviter le recours à tout produit pouvant contenir des O.G.M.,

- entrepris de conduire une réflexion sur le contrôle des intrants,

- est consciente que la médiatisation de son produit lui impose des règles de sécurité qui vont au-delà des normes réglementaires et des procédures requises par la méthode H.A.C.C.P.

Les arguments des deux grands groupes : Danone et Nestlé

Les arguments du groupe Danone

1°) la mondialisation exerce des effets impératifs auxquels les groupes eux-mêmes doivent se plier :

- la nécessité de se recentrer sur certains métiers : avec 87 milliards de chiffre d'affaires et quoique leader mondial des produits laitiers frais, Danone n'est plus qu'une petite société qui a du resserrer ses activités sur le lait, les biscuits et l'eau,

- le capital considérable que représente la confiance dans une marque qui est d'abord le gage de la sécurité,

- la fragilité de cette confiance qui peut sombrer du seul fait de l'erreur d'un concurrent qui entache la crédibilité des autres firmes

- l'importance des efforts qui sont conduits en la matière : ainsi de la microbiologie prévisionnelle dont Danone est à l'origine

2°) l'exercice est d'autant plus difficile qu'il faut distinguer les risques réels des risques perçus comme des risques pour lesquels il manque encore une évaluation suffisante:

- le risque que présentent les résidus, et notamment les pesticides, est l'exemple même du risque perçu qui ne se fonde sur aucune réalité

- les O.G.M. constituent l'exemple du risque qu'on ne peut négliger mais qui souffre de la culture du secret et d'une insuffisante évaluation

- les risques réels - tels les salmonelles - sont pour leur part pris en compte par des plans de prévention et de contrôle qu'implique la formule d'assurance-qualité à laquelle la plupart les industriels adhèrent

3°) La création de l'A.F.S.S.A. constitue un progrès incontestable mais une évaluation indépendante suppose d'être conduite à l'échelon européen

4°) le renforcement de la sécurité exige d'autres impératifs :

- faire des progrès au double niveau des alertes puis de la gestion des crises

- préciser par la voie législative la portée du principe de précaution dont la portée n'est pas la même à l'égard d'un risque irréversible (l'E.S.B.) ou réversible (les effets indésirables mais mineurs d'un O.G..M.)

5°) la traçabilité, revendication légitime du consommateur est d'ores et déjà un acquis : c'est ainsi que toute bouteille d'eau d'Evian porte les marques de son identification au moment même de la mise en bouteille

Les arguments du groupe Nestlé France

1.- Jamais les produits alimentaires n'ont été aussi sûrs, ni aussi diversifiés permettant l'élaboration de repas répondant à tous les critères nutritionnels,

2.- la sécurité alimentaire intéresse autant les industriels que les pouvoirs publics car la moindre faute entraîne la perte de confiance du consommateur,

3.- les dangers potentiels sont analysés sur la base de toutes les connaissances scientifiques et technologiques, dans le cadre de la méthode H.A.C.C.P.,

4.- la gestion des crises requiert cinq conditions :

1°) une diffusion rapide de la nature du problème à tous les acteurs de la chaîne alimentaire : la crise de la Dioxine est un parfait contre-exemple puisqu'il a fallu attendre quatre mois avant que l'information ne soit transmise,

2°) une évaluation conduite sur la base des connaissances évoquées au point 3,

3°) une réponse supranationale dès lors que la crise touche plusieurs pays,

4°) la coordination des administrations impliquées,

5°) la participation aux cellules de crise des partenaires économiques,

.- les risques alimentaires doivent être clairement perçus. Ce sont :

1°) une alimentation déséquilibrée : la « mal-bouffe » existe sans que la firme Mac Donald n'y soit pour rien,

2°) la cacophonie d'avis divergents qui ne fait qu'augmenter l'insécurité du consommateur,

3°) les hésitations et les retards qui affectent les décisions.

Les positions défendues par les organisations syndicales

Positions défendues par la C.F.D.T.

1.- Se nourrir fait partie des droits fondamentaux de l'homme : on ne peut ignorer totalement ce que pourrait être l'apport des O.G.M. pour la partie de l'humanité qui ne mange pas toujours à sa faim,

2.- de même ne peut-on nier les progrès majeurs qui ont été accomplis au plan de la qualité et de l'hygiène, notamment par les grandes entreprises dans le cadre des procédures H.A.C.CP. ; aussi bien est-ce la raison pour laquelle la crise de confiance des consommateurs pourrait apparaître paradoxale si elle n'était néanmoins justifiée par certains dysfonctionnements,

3.- les dysfonctionnements qui apparaissent sont la conséquence :

- de fraudes dont il ne faut pas en exagérer l'importance,

- des carences constatées au sein des petites entreprises,

- avant tout de l'insuffisance de la formation des personnels due, dans l'agroalimentaire, à une forte précarisation de l'emploi,

- enfin des progrès dans les méthodes d'investigation,

4.- outre l'accroissement de la formation, il est déterminant qu'il y ait, dans le cadre des démarches qualité, une attitude identique des entreprises :

- les unes félicitant, pour l'instant, le salarié qui a mis en évidence un défaut dans le process de fabrication,

- les autres, procédant, au contraire, par voie de sanctions,

5.-le rôle du salarié dans le contrôle de la qualité des produits est essentiel puisqu'il est présent en permanence dans l'entreprise tandis que les contrôles effectués par les pouvoirs publics sont numériquement très limités,

6.- une partie des difficultés tient à l'imprécision des concepts : ainsi du principe de précaution,

7.- le rôle de l'A.F.S.S.A. est essentiel ; la C.F.D.T. ne s'étant pas encore prononcée sur l'intérêt d'une structure identique à l'échelle européenne.

Positions défendues par la C.F.E. / C.G.C.

1.- le premier problème de l'année 2000 est celui de la sécurité alimentaire du fait de produits alimentaires, qui par le jeu des additifs, colorants, conservateurs etc. sont devenus d'une haute technicité,

2.- la sécurité suppose :

- la mise en place de procédures afin de bien maîtriser les processus chimiques,

- le renforcement de la formation des personnels, en donnant les moyens nécessaires aux petites entreprises,

- d'envisager d'accorder le droit d'alerte aux comités d'hygiène et de sécurité,

3.- elle impose conjointement une grande vigilance à l'égard des produits importés.

Positions défendues par la C.G.T.

1.- les technologies de l'industrie alimentaire évoluent de plus en plus rapidement et les aliments sont de plus en plus composés,

2.- or la formation des personnels n'est pas à la hauteur de cette technicité accrue,

3.- cette formation est d'autant plus insuffisante que les industries agroalimentaires se caractérisent par un taux particulièrement élevé de précarité de l'emploi,

4.- le salarié, qui a la possibilité de refuser d'accomplir une tâche qui met en jeu sa propre sécurité, n'en dispose pas quand il s'agit de celle d'autrui : la seule voie qui lui est offerte est celle de la délation auprès des services de la répression des fraudes,

5.- il faut, en conséquence, reconnaître le droit à tout salarié de l'agroalimentaire de refuser d'accomplir une tâche qu'il sait dangereuse pour le consommateur.

Positions défendues par Force Ouvrière

1.- la formation professionnelle est insuffisante compte tenu des produits utilisés : additifs, conservateurs etc.

2.- les procédures type H.A.C.C.P. sont respectées, au sein des grandes cuisines de la restauration collective, qui disposent de personnels suffisants, non dans les autres,

3.- le problème le plus grave est constitué par les risques inhérents à la rupture de la chaîne du froid,

4.- les comités d'hygiène et de sécurité devraient pouvoir disposer d'un droit d'alerte en cas de mise en cause de la santé d'autrui qui pourrait s'intituler « le principe de précaution dans l'entreprise » qui consisterait à saisir la direction des services vétérinaires ou la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes comme est saisi l'inspecteur du travail en cas de danger pesant sur un salarié.

3.- débattre avec le monde des services

débattre avec le négoce et la distribution

Par l'effet d'une subite et inattendue distraction, la commission d'enquête allait oublier qu'entre les producteurs et le commerce de détail - petit commerce ou grande surface - prend place le négoce de gros.

Mais c'eût été sans compter avec l'intérêt qu'ont suscité les travaux de la commission d'enquête et sur la promptitude des professionnels à réagir, lesquels devaient être entendus par le rapporteur au cours d'une réunion de travail spécifique le 10 janvier 2000, dont on trouvera le procès-verbal aux annexes et qui complète utilement les éléments recueillis le à l'occasion du forum avec la petite et la grande distribution

Fallait-il procéder à l'audition conjointe de la distribution « traditionnelle » et de la distribution « moderne » au risque d'un affrontement susceptible de tourner au « spectacle » ?

Fallait-il au contraire entendre séparément les deux formes de commerce pour juger plus sereinement de leurs solutions respectives face aux problèmes de la transparence et de la sécurité alimentaires ?

La commission d'enquête devait choisir la première solution ; mais au risque d'un autre écueil, celui d'un nombre excessif d'interlocuteurs puisque prenaient place le 15 décembre 1999 :

1°) au titre de la distribution traditionnelle :

1.- le président de la Confédération de l'alimentation de détail : M. Claude Bellot,

2.- la représentante de l'Assemblée des Chambres françaises de Commerce et d'Industrie, Mme Cécile Felzines elle-même Présidente de la Chambre de Commerce de la Nièvre, assistée de Mme Claudie Corvol chef du service commerce-distribution de cette Assemblée,

3.- les représentants de l'Assemblée permanente des Chambres des métiers à savoir :

- le président de la Chambre des métiers des Côtes d'Armor : M. Raymond Gaudin,

- le président de la Chambre des métiers du Vaucluse : M. Paul Gilles,

- le président de la Chambre des métiers des Vosges : M. Pascal Kneuss ;

2°) au titre de la grande distribution :

1.- le président de la Fédération du Commerce et de l'industrie : M. Jérôme Bedier,

2.- les responsables Qualité des trois chaînes qui lui dont affiliées :

- M. Joël Duc, responsable du service Qualité du Groupe Carrefour,

- M. Pierre Ginestel, responsable Qualité des produits frais du Groupe AUCHAN,

- M. Philippe Imbert, directeur Qualité de la Société Opéra,

3.- ainsi que les responsables « Qualité » des chaînes qui n'adhèrent pas à cette fédération :

- M. le Docteur vétérinaire Yves Boisard, conseiller au Groupement d'achats LECLERC,

- M. Pierre-Yvon Le Maoult, responsable de la qualité au Groupement des Mousquetaires.

Risque de cacophonie ? C'était compter sans la bienveillante fermeté du président Leyzour.

Risque d'affrontement ? C'était compter sans le souci - excessif - de chacune des parties de tenir un langage policé et convenu.

Au vrai, la commission d'enquête devait regretter :

- de ne guère entendre les représentantes de l'Assemblée des Chambres françaises et d'industrie,

- de constater que les artisans s'en tenaient à leurs préoccupations sectorielles, laissant largement M. le président Claude Bellot s'exprimer en leur nom.

Et si du côté de la grande distribution, il serait très excessif d'affirmer que chaque représentant des grandes chaînes se soit insuffisamment exprimé, il faut bien dire que le débat fut assez largement pris en main par M. Jérôme Bedier.

Or entre M. Bellot et M. Bedier, devait se manifester une telle volonté de conciliation, une description si consensuelle et aseptisée du grand et du petit commerce alimentaire qu'elle devait conduire la commission d'enquête à une certaine perplexité

Quelles furent d'abord ses préoccupations ?

D'abord, démontrer l'importance économique du secteur : 850 000 emplois pour la distribution traditionnelle, 500 000 pour la grand distribution, nombres qu'il conviendrait de rapporter aux chiffres d'affaires et aux valeurs ajoutées respectives des deux secteurs qui démontreraient sans doute la productivité nettement plus élevée de la grande distribution.

Ensuite, si l'on en croît les interlocuteurs de la commission -laquelle n'a pas à mettre en doute leurs propos lorsqu'elle considère par ailleurs les constats effectués par la D.G.C.C.R.F.- une volonté conjointe d'assurer aux consommateurs la plus grande sécurité possible :

- la collaboration du commerce traditionnel à l'élaboration des guides de bonnes pratiques, la création d'un Centre national d'action Qualité que relaient des centres régionaux,

- l'avance, au plan international de la grande distribution française qui, depuis longtemps a créé au sein de chaque groupe un service « Qualité » et a mis sur pied un service d'information alimentaire.

Au fond, les responsables des difficultés ce furent « les autres ». Non point les consommateurs, c'est-à-dire les clients dont il serait assurément mal venu de dire du mal, mais les agriculteurs pris dans une logique productiviste, ou bien encore les instances internationales et notamment Bruxelles qui tarde à se prononcer sur les règles relatives à la sécurité alimentaire, voire l'A.F.S.S.A. dont le fonctionnement ne serait pas sans défaut.

Des exposés liminaires nombreux et souvent documentés devaient naître une longue série de questions :

- du président sur :

1.-les plaintes que les consommateurs sont susceptibles d'adresser aux dirigeants de la grande distribution,

2.- le fonctionnement de l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments,

- du rapporteur sur :

1.- Le paradoxe d'un consommateur qui s'adresse à la grande distribution du fait des prix écrasés qu'elle est seule à pouvoir offrir et du risque d'insécurité que cette pression fait naître alors même que le consommateur est attaché avant tout à la sécurité,

2.- La nécessité de disposer d'un guide de bonnes pratiques propres à toute la distribution et non segmentarisé comme aujourd'hui en de multiples documents,

3.- la propension des professionnels à retirer d'eux-mêmes des lots suspects sans attendre d'y être intimé par les pouvoirs publics,

4.- le degré d'indépendance des scientifiques employés dans les laboratoires des grandes centrales d'achat,

5.- les raisons pour lesquelles les grandes centrales ont créé leurs propres marques ,

6.- les difficultés des grandes Centrales à surveiller l'ensemble de leurs points de vente et sur leur aptitude à déceler en certains endroits des pratiques frauduleuses ,

7.- la capacité des Centrales à contrôler la composition des produits acquis auprès des fournisseurs,

8.- la possibilité de d'imaginer, pour chaque type de produit, un socle en dessous duquel la sécurité serait compromise et, au dessus de ce socle différents niveaux correspondant à des qualités différentes :

- de M. François Guillaume sur :

1.- le déséquilibre structurel entre la grande distribution qui écrase les prix et le producteur qui, soucieux de ne pas mettre en cause la sécurité du produit, en sort exsangue,

2.- l'impérieuse nécessité de traiter ce sujet dans le cadre des interprofessions,

3.- les garanties, à son sens illusoires, que peut obtenir une Centrale qui achète aux Etat-Unis du Soja exempt d'O.G.M. ou des viandes sans hormones,

- de M. Joseph Parrennin sur :

1.- les libertés prises au travers d'un étiquetage sibyllin susceptible d'induire en erreur des consommateurs « à risques » et de porter ainsi atteinte à leur sécurité,

2.- les risques que fait courir une excessive pression sur les prix,

3.- le maintien d'une qualité qui a davantage tenu à la législation et aux contrôles de la puissance publique que d'une filière qui a été davantage soucieuse de productivité,

- de Mme Odette Grzegrzulka sur la réelle indépendance des scientifiques attachés aux grandes Centrales d'achat et sur l'objectivité des audits internes,

- de M. Jean Gaubert sur :

1.- l'attitude de la grande distribution à l'égard des viandes néerlandaise, espagnoles, danoises etc. qui sont issues d'animaux nourris avec des farines qui sont interdites en France pour des raisons de sécurité,

2.- la méconnaissance du coût que représente pour le producteur la mise en place de la traçabilité,

3.- le sort réservé aux produits invendus atteints par la date de péremption,

- de M. Patrick Lemasle sur le risque de méconnaissance du principe de précaution à l'occasion de prix d'appel qui sont si bas que celui qui y répond n'est guère loin de mettre en cause la sécurité du consommateur ou à l'occasion d'affirmations péremptoires sur l'absence d'O.G.M. dans certains produits alors que les analyses des laboratoires conduisent à l'affirmation inverse,

- de Mme Laurence Dumont sur les garanties invoquées par la grande distribution et les fortes incertitudes qui pèsent sur l'alimentation du bétail alimenté en soja dont il est vraisemblable qu'il a été génétiquement modifié,

- de M. André Aschiéri sur :

1.- les critères de choix de la distribution à l'égard des produits issus de l'agriculture biologique,

2.- l'évolution des mentalités des consommateurs,

- de M. Jacques Pelissard sur la capacité de la grande distribution, compte tenu de son poids, à obtenir de ses fournisseurs toutes les garanties désirables.

On trouvera l'analyse des arguments liminaires développés par les interlocuteurs de la commission au sein des encadrés ci-après et l'intégralité de leurs réponses au sein du procès-verbal annexé au présent rapport.

Les thèmes développés par la Confédération de l'alimentation de détail C.G.A.D.

1.- l'importance que revêt encore l'alimentation traditionnelle forte de 17 branches professionnelles, 290 000 entreprise et 850 000 salariés,

2.- la fragilité du secteur, au regard des crises alimentaires, qui - constituant le dernier maillon de la chaîne - se trouve être l'otage des pratiques mises en _uvre en amont,

3.- a contrario ses efforts dans le domaine de la sécurité sanitaire que caractérisent :

- depuis 1992, l'élaboration de guides de bonnes pratiques d'hygiène conformes à la démarche type H.A.C.C.P. et validés par l'administration,

- la création conjointe, en partenariat avec la D.G.C.C.R.F., la D.G.A.L. et la D.G.S., d'un Centre national d'action qualité que relaient 64 centres locaux dont la mission est de sensibiliser la profession à la mise en _uvre de ces guides,

4.- face à l'intensification « excessive » des pratiques agricoles et aux risques de la course à la productivité et à la concentration des structures,, la mise en place, au sein de la filière bovine, puis ovine, de l'identification des produits,

5.- la nécessité de la traçabilité, mais sa difficulté à la mettre en _uvre pour les produits de seconde transformation,

6.- le manque d'harmonisation en Europe et l'absence d'informations et de garanties sur la qualité de produits que les commerçants français doivent pourtant mettre sur le marché.

7.- les améliorations à apporter au fonctionnement de l'A.F.S.S.A. dont seul le comité scientifique est consulté, à défaut du conseil d'administration où le secteur de la distribution ne dispose que d'un poste de titulaire - laissé à la grande distribution - l'alimentation de détail n'étant que suppléante.

Les thèmes développés par les représentants
des Chambres des métiers

1.- Les thèmes du représentant des artisans bouchers et charcutiers traiteurs

les artisans bouchers répondent déjà au souci de traçabilité puisque :

1°) 70 % des animaux des élevages traditionnels sont commercialisés par ceux-ci,

2°) 87 % de la viande qu'ils commercialisent sont sous label rouge tandis qu'ils ont créé l'appellation « b_uf de tradition bouchère » qui représente le tonnage le plus important en viande certifiée.

3 ) les détaillants français qui, dans le cadre de l'interprofession des viandes, ont toujours été soucieux d'informer leur clientèle, attendent que cette exigence s'étendent à l'ensemble de l'Europe.

4°) Tout emploi d'un procédé nouveau relatif à l'alimentation animale doit faire auparavant l'objet d'une étude approfondie.

5°) Dans le domaine de l'hygiène, les guides de bonnes pratiques définissent clairement les obligations du détaillant. Encore faut-il que les viandes ne soient pas contaminées au stade de l'élevage, de la découpe et du transport.

2.- Les thèmes développés par les artisans boulangers

les conséquences des évolutions alimentaires sont considérables :

1°) en 1900, chaque français consommait 700 grammes par jour ; il n'en consomme plus que 160 grammes,

2°) depuis 1970, 10 000 entreprises ont disparu ; 34 800 subsistent employant 98 000 salariés et « faisant » un chiffre d'affaires de 54 milliards de francs dont  56 % pour la fabrication du pain, 36 % pour la pâtisserie, le solde au titre de la revente,

3°) néanmoins le pain demeure un produit sain :

- malgré la présence de métaux lourds dans le blé, conséquence de l'épandage des boues des stations d'épuration urbaine, les analyses conduites par la meunerie permettent de ne pas dépasser des seuils qui seraient dangereux,

- les résidus de traitements chimiques sont insuffisants pour constituer un danger significatif,

- la vigilance à l'égard des mycotoxines est constante,

4°) toutefois, alors que la réglementation française n'admettait, à l'origine, qu'un seul additif, la directive européenne 95-2 en admet 105.

5°) la confection du pain demeure artisanale (à hauteur de 71 %) même si la concurrence des laboratoires des grandes surfaces se fait vive malgré la loi du 25 mai 1998 relative à l'appellation « boulanger ».

Les thèmes développés par

la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (F.E.C.D.)

1.- l'importance, en termes d'emploi, de la grande distribution qui représente 500 000 salariés,

2.- sa conviction que la sécurité, qui est d'intérêt général, doit exclure tout réflexe de compétition ou de concurrence et doit être distinguée de la qualité,

3.- la mise en place, depuis longtemps, de guides de bonnes pratiques qui sont en voie d'être unifiés au sein d'un document unique,

4.- la création, en avril 1997, d'un service d'information alimentaire associé à un conseil scientifique,

5.- le droit du consommateur à l'information et à la transparence,

6.- la nécessité de développer le partenariat au sein de l'A.F.S.S.A.,

7.- l'importance en période de crise des interprofessions qui permettent, grâce à l'étiquetage et à la traçabilité, de repérer l'origine de la crise (cf. a contrario la crise de la listeria où la grande distribution a souffert de cette absence d'une bonne connaissance mutuelle entre producteurs et distributeurs),

8.- la lenteur et la prudence des organismes internationaux :

- l'absence de décision relative à la sécurité alimentaire au sein du Codex alimentarius,

- la lenteur à se mouvoir des institutions européennes qui se gardent de se prononcer sur les pesticides, les antibiotiques, l'ionisation

Les thèmes développés en complément par les Enseignes membres de la F.E.C.D.

1.- la Société OPERA

1.- OPERA, centrale d'achat créée en avril 1999, acquiert des marchandises à hauteur de 80 milliards de fr. H.T pour différentes enseignes : CASINO, CORA, MATCH...

2.- La direction Qualité qui se fonde sur une expérience qui date de 1927 (date de la création de la marque CASINO) emploie 27 personnes chargées de la mise en _uvre des plans de contrôle qui intéressent 190 hypermarchés, 600 supermarchés et 4 000 magasins de détail.

2.- la Société AUCHAN

1.- la sécurité repose, en France (où sont implantés 120 magasins, pour 200 dans le reste du monde), sur deux équipes :

      - la première suit les marques du distributeur et les produits sensibles,

      - la seconde suit les marques nationales commercialisées aux côtés des marques « distributeurs »

2.- chacune a, dans son secteur, la responsabilité :

      - des cahiers des charges,

      - des plans de contrôle,

- des audits conduits par des organismes extérieurs,

- des prélèvements (de l'ordre de 20 000 par mois) ,

- de l'écoute des consommateurs ;

3.- l'ensemble assure la gestion des crises et se trouve destinataire des messages d'alerte du réseau européen, autorisant de diffuser à tous les destinataires un message de rappel des lots en moins d'une heure.

3.- la Société CARREFOUR

1.- le service Qualité est organisé autour de trois pôles :

1°) un laboratoire d'analyses,

2°) un pôle chargé du suivi des marques de la Société dont sont responsables 35 chefs de produits,

3°) un pôle « produits frais »,

2.- le service repose sur le principe de l'externalisation :

1°) il n'emploie directement que 12 personnes,

2°) par contre, il fait appel, autant que de besoin, à un réseau d'experts : nutritionnistes, pédiatres, biochimistes, etc ;

3.- au niveau des magasins, son action se traduit par :

1°) la formation du personnel aux bonnes pratiques professionnelles,

2°) des autocontrôles journaliers, des contrôles par des laboratoires accrédités, soit au total ,pour le dernier exercice : 200 000 autocontrôles, 1 600 audits, 7 000 analyses microbiologiques, 24 000 tests.

4.- lancée en 1977, la politique de sécurité alimentaire aboutit en 1998 à l'application du principe de précaution à l'égard des O.G.M. et, en 1999, au refus de toute viande contenant des résidus d'antibiotiques ou des facteurs de croissance.

débattre avec la restauration

Comme devait l'indiquer M. André Daguin, président de l'Union des métiers et industries de l'hôtellerie : « il faut que le café soit bon au restaurant parce que c'est la prestation la plus proche de l'addition ».

Sans doute, le Bureau de la commission devait-il s'inspirer de cet adage pour organiser, à quatre jours des fêtes de fin d'année, le forum consacré à la restauration, dont on trouvera les principaux thèmes dans les encadrés ci-dessous et que devaient animer successivement : MM. Damien Verdier, Bernard Leymonie, Jean-Claude Gandrille au titre de la restauration collective, MM. Philippe Labbé et Gravier au titre de la restauration rapide, MM. Pierre Gauthier, Alain Frouard et André Daguin au titre de la restauration traditionnelle et M. Dominique Crépet au titre de la haute cuisine française, auxquels n'hésitaient pas à donner la réplique MM. François Guillaume, Germain Gengenwin et François Aschiéri.

Thèmes développés par

le Syndicat national de la restauration collective

S.N.R.C.

et par le Comité de coordination des collectivités

1.- la restauration collective représente chaque jour 15 millions de repas dont

-75% sont élaborés par les collectivités elles-mêmes représentées par le Comité de coordination des collectivités dont l'action est relayée par des organisations sectorielles et régionales

- 25% à des entreprises extérieures regroupées au sein du syndicat national de la restauration collective,

2.- elle a pour « clientèle » des consommateurs « captifs » au profit desquels le souci de sécurité doit aller jusqu'à un souci nutritionnel si affirmé que celui-ci doit tenter de pallier, par la restauration collective, la déstructuration nutritionnelle qui progresse au sein des foyers,

3.- ce souci nutritionnel se heurte toutefois à une méconnaissance des bon dosages entre les différents apports offerts par les aliments,

4.- quoi qu'il en soit, le souci de sécurité a conduit notamment le S.N.R.C. à constitué trois commissions, sur l'hygiène et la qualité, la nutrition et l'hygiène alimentaire, les approvisionnements et la sécurité alimentaire,

5.- les contacts sont constants avec le Groupe permanent d'étude des marchés des denrées alimentaires, le Conseil national de l'alimentation, la D.G.A.L., la D.G.C.C.R.F.,

6.- un guide des bonnes pratiques d'hygiène est en préparation,,

7.- le personnel tant des entreprises du S.N.R.C. que celui des collectivités est formé aux règles d'hygiène selon la méthode H.A.C.C.P.(conformément à une circulaire de 1984 pour les collectivités),

8.- les entreprises mènent des « démarches Qualité » allant jusqu'à la certification ISO 9002, certaines conduisent divers programmes de recherche avec les Universités sur les équilibres alimentaires, au travers notamment de la perception que peuvent en avoir les enfants, des négociations sont engagées avec la filière agro-alimentaire relatives à la traçabilité, des études sont conduites sur les risques alimentaires émergents.

Thèmes développés par les représentants
de la restauration rapide

1.- Sur une restauration hors foyer estimé à 280 milliards de francs de chiffres d'affaires, la restauration traditionnelle représente 155 milliards et la restauration rapide, 25 milliards seulement répartis entre 11 000 établissements employant 80 000 personnes ;

2.- Quoique la restauration rapide se présente sous de multiples formes : magasins d'alimentation, stations-service, sandwicherie dans les boulangeries etc., le secteur est caractérisé par des marques à forte notoriété qui doivent s'assurer, sauf à perdre leur clientèle, de la garantie des produits offerts, d'où les efforts dans le domaine de la traçabilité et sur la qualité des sources d'approvisionnement ;

3.- les établissements d'un certain nombre d'enseignes fonctionnent déjà selon les normes H.A.C.C.P. , le guide de bonnes pratiques est en voie de finalisation, le nombre de contrôle opérée par la profession elle-même répond à lui seul au procès de « malbouffe » ;

4.- la formation des personnels à l'hygiène et à la sécurité est de la compétence d'une commission permanente du syndicat professionnel ; 950 000 heures ont été consacrés en 1998 à la formation aux pratiques d'hygiène ;

Thèmes développés par les représentants de la restauration traditionnelle
S.N.R.L.H. et U.M.I.H.

1.- le guide de bonnes pratiques en restauration a été publié au Journal officiel dès 1997 ; l'U.M.I.H. à elle seule en a distribué 5 000 ;

2.- le centre de formation du S.N.L.R.H. a mise place des modules spécifiques à l'hygiène tandis que l'U.M.I.H. procède à ses propres contrôles ;

3.- la cuisine « immédiate » qui est la caractéristique de la restauration traditionnelle, est toujours moins porteuse de germes que la cuisine différée ;

4.- de même, la restauration traditionnelle s'adressant aux touristes étrangers, moins immunisés contre les germes locaux, s'impose des précautions particulières ;

5.- se situant à l'issue de la chaîne, la profession est condamnée à subir les conséquences des erreurs susceptibles d'avoir été accumulées en amont ;

6.- il ne faut pas céder, toutefois, à la mode de crises surmédiatisées alors que le nombre de décès pour cause alimentaire est infime et que les risques sont plus grands au sein du réfrigérateur du particulier que dans celui du restaurateur qui est un professionnel.

Thèmes développés par la Chambre syndicale
de la haute cuisine française

1.- Il n'y a pas de bonne cuisine sans excellente matière première ; de ce fait, les relations avec les producteurs s'établissent sur des bases qui vont bien au-delà des cahiers des charges ;

2.- l'effort conduit en faveur de la sécurité et de la qualité est considérable, la Chambre syndicale participant bénévolement à toutes les instances officielles ; : commissions des A.O.C., des labels, Conseil national de l'alimentation...

3.- la nouvelle approche, en terme de sécurité alimentaire, a provoqué une transformation radicale des métiers de bouche soumis dorénavant aux démarches préventives et aux contraintes de la traçabilité : la haute cuisine française y était déjà préparée mais non tout le secteur traditionnel qui peut en sortir fragilisée ;

4.- la profession toute entière a besoin de transparence, y compris celle qu'elle attend des scientifiques, seuls à même de répondre aux interrogations relatives à l'E.S.B. ou aux O.G.M. ;

5.- la part de la formation aux contraintes sanitaires est encore trop faible dans le cursus suivi par les jeunes ;

6.- seul le partenariat avec le ministère de l'agriculture est susceptible de faire le tri entre les risques sanitaires réels et « l `intoxication médiatique ».

Bref, à chaque stade de la filière, la commission n'aura cessé de rencontrer :

- des acteurs toujours soucieux de mettre en _uvre, dans le louable souci d'être en conformité tant avec la loi qu'avec la mode, les guides de bonnes pratiques issues de la méthode H.A.C.C.P.

- des acteurs prompts parfois à rechercher les responsabilités moins chez eux que chez les autres, à considérer qu'ils sont chacun des boucs émissaires, à faire de l'autre le responsable: celui qui l'a précédé dans la chaîne alimentaire ou celui qui le suit !

- des acteurs conscients surtout que la seule façon de conserver leur clientèle est de lui assurer sécurité et qualité, qui regrettent unanimement et sincèrement que quelques « brebis galeuses » qui s'introduisent, comme dans tout système, au risque de le pervertir, rendant nécessaires ces contrôles si sourcilleux et aboutissant à ces dysfonctionnements sources de suspicion.

- des acteurs pour lesquels il importe certes de légiférer, mais sans doute beaucoup moins qu'avant car soumis à la pression d'une concurrence internationale peu disposée à faire des cadeaux et aux Directives communautaires qui, dans le domaine de l'alimentation, ont largement pris la place des instances nationales.

- des acteurs qui, vu de près, comportent d'indéniables défauts, qui comparés aux autres, semblent plutôt appartenir aux meilleurs.

Allons ! Quelques efforts encore et la filière alimentaire française sera en mesure de demeurer un exemple de transparence et de sécurité en Europe !

D.- le consommateur est-il suffisamment éduqué
pour ne courir aucun risque à son domicile ?

Mais, à propos, ce consommateur dont nous disions - au début du présent paragraphe - qu'il était notre nouveau maître !

Ne serait-il pas un maître dont on ne sait s'il est réellement représenté par les organisations qui prétendent parler en son nom ?

Ne serait-il pas un maître qui s'en laisserait volontiers imposer par une filière dont la transparence - malgré de réels efforts - n'est pas encore la vertu cardinale ?

Ne serait-il pas un maître qui se laisserait guidé par l'astuce et l'âpreté au gain de la grande distribution ?

Ne serait-il pas un maître qui étant encore ce bambin de l'école maternelle, ou ce salarié qui se nourrit à la « cantine » de son entreprise, ou enfin ce vieillard mis en pension dans quelque institution spécialisée, ne serait qu'un consommateur « captif » ?

D'ailleurs ce maître est-il seulement maître chez lui ?

Bénéficie-t-il d'une éducation suffisante pour étant - par hasard - à son domicile être capable de se préparer des repas équilibrés, propices à éviter anorexie, obésité, ou cancer des voies digestives ?

Nullement, car hors les quelques brochures diffusées par la D.G.A.L. - non à lui-même car il est bien trop nombreux - mais son médecin traitant lequel n'a vraisemblablement que peu de temps pour s'imprégner des judicieux conseils du ministère de l'agriculture, rien, ni personne, ne vient lui faire état des conclusions auxquelles les puissantes équipes de l'I.N.R.A. et l'I.N.S.E.R.M. aboutissent à l'issue de dix ans de recherches.

Et nul ne semble d'autant moins y procéder que même la commission d'enquête constituée à cet effet n'a eu - on l'a précédemment souligné - que des communications assez sommaires sur les recherches nutritionnelles en cours.

Reste ce que certains appellent la pathologie du réfrigérateur !

Au bout du compte, ce qui est devenu déterminant dans notre alimentation c'est - outre une correcte hygiène alimentaire - la fiabilité de la chaîne du froid.

Or aucun maillon - et ils sont nombreux - n'est invulnérable, soit du fait de la négligence des uns, soit du fait de la fraude des autres que la D.G.C.C.R.F. a précisément mission de combattre.

Pour autant le maillon le plus faible ne se situe-t-il pas au domicile du consommateur comme au bureau d'études des fabricants de réfrigérateur qui conçoivent et livrent les appareils les plus fiables qui soient à ceci près que leur extrême facilité d'emploi ne conduit personne à en diffuser quelques modalités fort simples :

1°) en nettoyer les parois à l'eau de Javel chaque mois,

2°) se méfier du choc thermique que crée l'introduction massive des produits achetés quelques minutes plus tôt au supermarché, à l'occasion de cet achat mensuel ou hebdomadaire auquel procède dorénavant un nombre sans cesse grandissant de ménages,

3°) savoir que l'introduction et la sortie répétées d'un même produit facilite la croissance rapide des agents pathogènes : les personnes qui ont le plus souffert de l'épidémie de listériose due à la mauvaise qualité de rillettes sont celles qui en ont consommées par petites doses, sortant le pot et le remettant sans cesse dans le réfrigérateur,

4°) équiper celui-ci d'un thermomètre en ayant soin de vérifier de temps à autre qu'il donne la bonne température.

Fallait-il réunir une commission d'enquête parlementaire, fallait-il entendre, en conclusion de ses travaux, Madame la Secrétaire d'Etat à la Consommation pour aboutir à ce qui risque fort d'apparaître comme, ce qu'on appelait jadis (non sans irrespect pour les femmes), des « recettes de bonne femme » ?

Allons ! Il n'y a pas de petits problèmes quand ils concernent la santé de nos concitoyens et le législateur est aussi dans son rôle quand il se préoccupe de la vie quotidienne des français - qui est aussi la sienne et celle de ses proches - sauf à concevoir une législation éthérée propre à satisfaire d'autant plus d'éminents jurisconsultes qu'elle sera éloignée des réalités.

    Deuxième Partie

    LEGIFERER

      « Il ne faut point faire par les lois,

      « ce que l'on peut faire par les m_urs »

      MONTESQUIEU

              « La multitude des lois fournit souvent
              « des excuses aux vices en sorte qu'un « Etat est bien mieux réglé lorsque n'en « ayant que fort peu, elles y sont fort « étroitement observées. »

DESCARTES

Une fois le débat public arrivé à ses conclusions, le moment vient de légiférer.

Est-ce si sûr ?

Ne convient-il pas d'examiner aussi la législation d'autrui ?

Nombre de règles, d'ailleurs, sont désormais de la compétence de l'Union Européenne.

Peut-on légiférer en méconnaissant ses directives ?

Leur transcription en droit interne passe-t-elle par un acte législatif ?

N'a-t-on point recours depuis longtemps à des décrets, voire à de simples arrêtés ?

Sur un sujet aussi sensible que les organismes génétiquement modifiés, toute l'énergie du Parlement n'a-t-elle pas été requise pour que la transposition du droit européen en droit français, initialement jugé comme de la simple compétence réglementaire, soit hissée au niveau législatif ?

Enfin l'émergence du Codex alimentarius qu'élaborent conjointement la F.A.O. et l'O.M.S. est source de règles nouvelles.

Reconnues désormais par l'O.M.C. ne risquent-elles pas à l'avenir d'être aussi contraignantes que les obligations communautaires ?

Il importe, en tout cas, de situer au préalable la législation française par rapport aux normes mondiales et européennes ; de la situer aussi par rapport à celles de nos principaux partenaires : bref, d'entreprendre une brève étude comparative avant d'amender nos propres règles.

I.- COMPARER

L'exercice nous apporte deux confirmations :

1°) d'abord la complexité des règles qui s'imposent désormais à la France,

2°) ensuite la diversité des solutions retenues par chacun de nos partenaires au titre de leur mise en _uvre, ce qui tendrait à prouver que l'Union a parfois du mal à imposer une harmonisation sans laquelle les pays soucieux - comme la France - de sécurité alimentaire peuvent être mis en difficulté par ceux qui s'en soucient moins.

A.- la complexité

Deux phénomènes concourent à rendre les règles plus complexes :

1°) l'utile sinon l'indispensable émergence d'une réglementation internationale : le Codex alimentarius si complexe que sa lecture tend à décourager d'emblée tout lecteur bien intentionné ;

2°) la capacité des services de l'Union à élaborer, directive après directive, un réseau normatif de plus en plus dense dont la transcription en circulaires, arrêtés, décrets, et plus rarement décrets en Conseil d'Etat ou en lois, fait en sorte que les experts eux-mêmes - certains ont eu le courage de le confier à la commission - ne s'y retrouvent plus eux-mêmes.

1. le Codex alimentarius

Le Codex est notamment un de ces documents qui ont le mystérieux pouvoir de régenter notre vie quotidienne sans que nul ou presque n'en soupçonne l'existence.

La contribution de la commission d'enquête se limiterait-elle à la découverte de ce texte que sa création n'aurait pas été totalement inutile.

Sans doute doit-on regretter qu'elle n'ait pu se rendre, faute de temps, ni à Rome, au siège de la F.A.O., ni à Genève à celui de l'O.M.S.

De même regrette-t-elle de n'avoir pu entendre en séance plénière certains de ses experts, à l'exception toutefois du plus éminent d'entre eux, le Professeur Pierre Louisot, président du Comité des principes généraux qui devait brosser des personnalités qui contribuent à l'élaboration du Codex une description d'une plaisante ironie au point que la commission ait pu concevoir la crainte d'un accord international où les décisions seraient, plus que de raison, marquées du sceau de l'obscurité.

Ce sentiment ne devait pas être totalement démenti par l'audition des fonctionnaires français qui, au sein des services du Premier ministre, suivent jour après jour le dossier.

Que l'exercice soit difficile, qui ne le comprendrait ?

Il convient d'arriver, sinon à mettre d'accord, du moins à ne pas susciter le désaccord (c'est ce qu'on appelle la règle du consensus) de l'ensemble des Etats appartenant aux deux organisations internationales précitées.

Il convient de même de couvrir le champ particulièrement vaste que concerne l'alimentation en prenant en considération, d'une part des règles générales, telles que des règles d'hygiène, et d'autre part, des règles spécifiques à chaque production déterminée ; d'où la nécessité d'animer deux ensembles de comités - les uns compétents pour les problèmes transversaux, les autres pour chaque type de produit ou d'aliment.

Il convient encore de tenir compte de la nécessaire révision des normes qui exige un travail constant de réévaluation et la réunion à due concurrence des comités ad hoc.

Il convient en même temps de prendre acte de la considérable hétérogénéité des pays en cause : ceux de l'Union Européenne couverts par un dense réseau de directives et les pays du Tiers-Monde dont beaucoup n'ont pour seules références que les normes du Codex.

Il convient de prendre acte enfin que, dans le cadre de ce système imaginé au début des années soixante, il n'existe a priori aucun moyen de contrôle, aucune obligation de moyens, ni de résultats.

Est-ce à dire qu'une telle organisation qui exige, en France un secrétariat général auprès du Premier ministre et la vigilance conjointe de deux ministères - celui de l'Agriculture et celui des Finances - ne sert qu'à justifier l'existence, au sein de la F.A.O. d'une importante structure, prompte - paraît-il - à mettre à profit la préparation des dossiers pour imposer ses vues ?

Mais au profit de qui, puisque rien n'est obligatoire et qu'il ne s'agit que d'engagements de principe ?

Ce serait oublier que, lors de sa création, l'Organisation Mondiale du Commerce a décidé que les normes du Codex lui serviraient de référence et, à ce titre, pourraient être revendiquées en cas de conflit entre deux pays ou deux groupes de pays.

Et c'est ainsi que cet accord en constant renouvellement, imaginé en d'autres temps et pour une toute autre fonction, sert présentement aux Etats-Unis et aux pays du groupe de Cairns pour tenter de faire condamner l'Union européenne qui se refuse à accepter les viandes hormonées d'Outre Atlantique !

Dans ces conditions, il est vraisemblable, ainsi que le faisait remarquer le Professeur Pierre Louisot, que la France ne se préoccupe pas assez des travaux du Codex.

Elle accueille certes le premier de ses Comités - celui des principes généraux - mais celui-là seulement tandis que les Etats-Unis en accueillent quatre, la Suisse trois, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Nouvelle-Zélande deux chacun.

En tout état de cause, la promotion du Codex au rang de corpus de référence de l'Organisation Mondiale du Commerce exige une vigilance particulière à l'égard de textes qui représentent plusieurs mètres linéaires de documents.

La commission d'enquête a pu prendre virtuellement la mesure de cette vaste compilation en compulsant les CD ROM qui lui ont été obligeamment communiqués. On voudra bien admettre que, vu la complexité de la matière et le temps qui lui était imparti, elle n'ait pas eu l'ambition d'en assurer une plus fidèle restitution que celle qui figure ci-dessous.

Le Codex Alimentarius

1. sa base juridique

Le Codex Alimentarius est fondé sur des statuts qui résultent d'une résolution adoptée, en 1961, par la 11ème session de la F.A.O. et, en 1963, par la 16ème Assemblée mondiale de la santé. Ces statuts sont complétés par un règlement intérieur.

2. ses objectifs

Conformément à l'article 1er des statuts, le Codex vise à :

a) protéger la santé des consommateurs et assurer des pratiques loyales dans le commerce alimentaire ;

b) promouvoir la coordination de tous les travaux en matière de normes alimentaires... ;

c) établir un ordre de priorité et prendre l'initiative et la conduite du travail de préparation des projets de normes... ;

d) ...après leur acceptation par les gouvernements, les publier...soit comme normes régionales, soit comme normes mondiales...

3. ses organes

Le Codex est régi par une commission où sont représentés tous les Etats membres qui se réunit en session tous les deux ans. La commission fonctionne sur la base d'un Manuel de procédures.

Ses décisions sont préparées par trois séries de Comités :

1. les Comités compétents pour les questions générales ou Comités horizontaux, qui sont présidés par les pays qui les accueillent en permanence :

· le Comité sur les principes généraux : France,

· le Comité sur l'étiquetage des denrées alimentaires :Canada,

· le Comité sur les méthodes d'analyse et d'échantillonnage : Hongrie,

· le Comité sur l'hygiène alimentaire : Etats-Unis,

· le Comité sur les résidus et pesticides : Pays-Bas,

· le Comité sur les additifs alimentaires et les contaminants : Pays-Bas,

· le Comité sur les systèmes d'inspection et de certification des importations et des exportations alimentaires : Australie,

· le Comité sur la nutrition et les aliments diététiques ou de régime : Allemagne,

· le Comité sur les résidus de médicaments vétérinaires dans les aliments : Etats-Unis.

2. les Comités compétents au titre des produits :

· le Comité sur les graisses et les huiles : Royaume-Uni,

· le Comité sur le poisson et les produits de la pêche : Norvège,

· le Comité sur le lait et les produits laitiers : Nouvelle-Zélande,

· le Comité sur les fruits et légumes frais tropicaux : Mexique,

· le Comité sur les produits cacaotés et le chocolat : Suisse,

· le Comité sur les sucres : Royaume-Uni,

· le Comité sur les fruits et légumes traités : Etats-Unis,

· le Comité sur les protéines végétales : Canada,

· le Comité sur les céréales, les légumes secs et les légumineuses : Etats-Unis,

· le Comité sur les produits traités à base de viande et de chair de volaille : Danemark,

· le Comité sur les potages et bouillons : Suisse,

· le Comité sur l'hygiène de la viande : Nouvelle-Zélande,

· le Comité sur les eaux minérales naturelles : Suisse.

3. les Comités de coordination à vocation régionale qui n'ont pas de pays d'accueil prédésigné et concerne l'Afrique, l'Asie, l'Europe, l'Amérique latine et les Caraïbes, l'Amérique du Nord et le Pacifique.

4. sa structure

Le Codex comprend treize volumes (en fait seize) :

· Volume 1 A - Dispositions générales

· Volume 1 B - Dispositions générales (hygiène alimentaire)

· Volume 2 A - Résidus des pesticides dans les aliments (textes généraux)

· Volume 2 B - Résidus de pesticides dans les aliments (limites maximales pour les résidus de pesticides)

· Volume 3 - Résidus de médicaments vétérinaires dans les aliments

· Volume 4 - Aliments diététiques ou de régime (y compris les aliments pour nourrissons et pour enfants en bas âge)

· Volume 5 A - Fruits et légumes traités et surgelés

· Volume 5 B - Fruits et légumes frais

· Volume 6 - Jus de fruits

· Volume 7 - Céréales, légumineuses (légumes secs) et produits dérivés et protéines végétales

· Volume 8 - Graisses et huiles et produits apparentés

· Volume 9 - Poissons et produits de la pêche

· Volume 10 - Viandes et produits carnés, potages et bouillons

· Volume 11 - Sucres, produits cacaotés et chocolat et produits divers

· Volume 12 - Lait et produits laitiers

· Volume 13 - Méthodes d'analyse et d'échantillonnage.

2.- le droit communautaire

Aux côtés du Codex, si méconnu, quoi de plus solennel, de moins occulte que les principes fondamentaux qui président aux destinées de l'Union Européenne !

Hors les textes qui résultent des traités de Rome de 1957, de l'Acte Unique adopté par le Parlement français en 1987, du Traité de Maastricht ratifié lors du référendum de 1992, enfin du récent Traité d'Amsterdam, point de salut !

Que disent-ils ?

Qu'il convient de considérer quatre domaines de compétence :

1°) d'abord la politique commerciale fondée sur l'entière liberté de circulation des biens et des services, sur l'interdiction de toutes mesures qui s'apparenteraient à une barrière quelconque,

2°) ensuite, la politique agricole commune fondée, à l'inverse, sur des décisions qui s'inscrivent dans la logique d'une politique dirigiste comme telle largement soustraite aux lois du marché,

3°) en troisième lieu, la politique visant à la protection des consommateurs qui constitue un domaine copartagé,

4°) enfin la politique de la santé, où la Communauté vient en appui des politiques nationales lesquelles demeurent du domaine des nations.

Aussi bien, se plaçant sur ce dernier terrain, la France est-elle parfaitement fondée à exciper du danger que pourrait faire peser sur la santé de ses citoyens la viande britannique.

Pour cette raison, elle est en droit de s'opposer, comme tout membre de l'Union, à la liberté des échanges à un moment donné et à l'encontre d'un produit donné.

Sans doute, convient-il d'éviter des abus mais la Cour de Justice européenne est là précisément pour trancher et c'est bien parce qu'elle reconnaît la légitimité d'un tel raisonnement que la commission a cru devoir saisir la Cour.

Il n'empêche que la répartition entre ces quatre domaines peut sembler assez théorique tant une disposition sanitaire particulièrement drastique peut constituer une entrave à la liberté de circulation : aussi bien, le procès conduit contre la France est-il soutenu par certains avec d'autant plus de bonne foi que, depuis toujours, la commission est allée dans le sens le plus favorable à la liberté des échanges.

La France a-t-elle d'ailleurs matière à s'en plaindre puisque c'est dans ce cadre, et avec le concours conjoint de la politique agricole commune, qu'elle est devenue, dans le secteur agroalimentaire, ce large bénéficiaire net qu'elle est aujourd'hui ?

D'ailleurs le problème se poserait-il si les crises de l'E.S.B., de la listeria, de la trichinellose, de la dioxine, etc n'avaient eu pour effet d'exciper de l'éventuelle incompatibilité du libre-échange avec une réglementation sanitaire à dominante nationale ?

Et dès lors que le problème se pose de façon suffisamment prégnante, est-il anormal que la Commission européenne s'empare du dossier, au risque, il est vrai que la règle selon laquelle la politique de la santé demeure d'abord une prérogative nationale risque fort de s'en trouver écornée ?

Afin d'y voir plus clair, le président et le rapporteur de la commission se sont tournés vers nos meilleurs spécialistes et notamment vers Mme Pascale Andréani, aujourd'hui directrice de la coopération européenne au Quai d'Orsay ; quoique que l'interprétation qui suive n'engage que la commission d'enquête.

De 1957 à 1987, aucune disposition en Europe ne vise à protéger le consommateur et ce n'est qu'en 1987, lors de la mise en place définitive du marché intérieur, que l'Acte unique proclame que toutes les décisions de l'Union doivent se fixer comme objectif un niveau de protection élevé dans les domaines conjoints de la santé et de la protection du consommateur.

Puis les traités de Maastricht et d'Amsterdam font état d'une double nécessité :

1. que les consommateurs s'organisent à l'échelle de l'Union,

2. que l'Union fasse, à leur intention, un nécessaire effort d'information et d'éducation.

Enfin la crise de la « vache folle » conduit à l'affirmation, dès 1997 et 1998, des principes qu'énonce la commission Santer et que confirme la commission Prodi :

1. toute mesure qui concerne la santé publique doit procéder d'une évaluation des risques fondée sur l'ensemble des connaissances scientifiques et techniques,

2. les services chargés de l'évaluation des risques, de l'élaboration des règles et des contrôles doivent être impérativement séparés,

3.l'effort d'information et de transparence, de même que les contrôles, doivent être renforcés tout au long de la chaîne alimentaire.

Tirant les conclusions de cette évolution, le 11 janvier dernier à Bruxelles, notre ancien collègue, M. Michel Barnier aujourd'hui Commissaire européen, dira à la commission d'enquête combien il est significatif que le premier acte pris par la commission Prodi soit de faire paraître (ce sera le lendemain 12 janvier) un Livre Blanc sur la sécurité alimentaire, symbole de la nécessaire conjugaison des efforts de tous.

    B.- la diversité

    Car ce monde complexe est, en même temps, un monde divers et sa diversité est d'une double nature :

1°) si la norme est commune aux membres de l'Union, il revient à chacun de déterminer les modalités de sa mise en _uvre, le volume, le statut et l'organisation des services compétents comme les modalités des contrôles (ils ne s'en privent guère),

2°) mais la diversité apparaît aussi dans leur aptitude à appliquer plus ou moins la norme. Certains membres de l'Union sont davantage disposés à la mettre en _uvre plus rapidement que d'autres. La France, de ce point de vue, n'est pas la plus mal placée.

1. la diversité des structures

    Outre l'invitation reçue du gouvernement allemand à se rendre à Berlin, ce qui a permis à la commission d'enquête de prendre la mesure des points nombreux de convergence entre la France et l'Allemagne, celle-ci doit à la Direction de la Coopération européenne du ministère des Affaires étrangères, d'avoir interrogé nos principaux postes diplomatiques en Europe ce qui lui vaut de disposer de renseignements récents et normalisés relatifs à l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, l'Espagne, la Grande-Bretagne, l'Italie, les Pays-Bas, le Portugal et la Suède.

    On trouvera ci-dessous les encadrés concernant l'Allemagne, l'Espagne, la Grande-Bretagne et l'Italie qui ont été établis à partir de ces informations.

    Quelques enseignements majeurs s'en dégagent.

    En premier lieu, même si cette donnée fait partie des connaissances de base de tout étudiant en droit, la plupart des Etats européens sont des Etats fédéraux fort respectueux de leurs régions ou de leurs provinces aux compétences particulièrement larges : l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne mais aussi l'Autriche, la Belgique et de facto la Grande-Bretagne qui a accordé une large autonomie à l'Ecosse, à l'Irlande du Nord et au Pays de Galles.

    Il en résulte que la transcription en droit interne des Directives communautaires est assez souvent de la compétence des instances fédérées, non sans que cette transcription ait parfois pour conséquence inattendue de contribuer à borner les libertés régionales au profit d'un mouvement « re » centralisateur généré de Bruxelles : ainsi, par exemple, de la directive 93/43/CEE relative à l'introduction en Europe de la méthode H.A.C.C.P. qui a conduit à substituer aux seize lois différentes adoptées par les Länder allemands une réglementation unifiée relative à l'hygiène alimentaire.

    De même la propagation des crises alimentaires tend-elle à renforcer la connexion des réseaux et à intégrer les instances fédérées au sein d'un maillage visant à mieux assurer la diffusion des consignes des instances communautaires.

    Les contrôles, par contre, donnent lieu à une répartition des compétences entre les instances fédérales et les instances fédérées qui rend leur perception singulièrement difficile quant à leur nature et à leur efficacité. Disons tout au plus que, par principe, ceux-ci sont de la compétence des autorités locales mais laissent néanmoins un rôle d'inspiration ou de coordination aux instances nationales c'est-à-dire assez souvent au ministère de l'Agriculture, compétent au stade de la production et plus encore à celui de la santé, compétent au stade de la commercialisation.

    Bref on découvre partout une dualité des rôles non seulement à l'échelon central (entre le ministère de la Santé et celui de l'Agriculture) mais aussi entre les instances nationales et les instances fédérées ce qui donne, au bout du compte, le sentiment d'un certain manque de clarté.

    Il se pourrait bien dès lors que, par un étrange retour des choses, la France bénéficiât, grâce à sa décentralisation inachevée, d'une plus grande efficacité dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments, encore que beaucoup d'incertitudes entourent une telle appréciation.

    La sécurité alimentaire en ALLEMAGNE

      1°) un corpus unifié au service d'un Etat fédéral

      11. Le fondement juridique de toute action concernant la sécurité alimentaire est constitué par la loi sur les denrées alimentaires et de première nécessité (ou L.M.B.G.) qui :

    précise les compétences respectives du gouvernement fédéral et des Länder,

        fixe les mesures générales visant à garantir la sécurité sanitaire des aliments :

          conditions de mise sur le marché,

          retrait et saisie des denrées à risque,

          formation des agents,

        fixe le cadre juridique des contrôles :

          accès aux locaux professionnels et privés,

          recherche d'informations,

          réalisation des analyses.

      12. La L.M.B.G. est complétée par divers textes concernant :

        soit des normes (étiquetage, additifs, polluants, etc.)

        soit des produits (laits, viandes etc.)

      13. L'instance fédérale dispose, en outre, de six instituts et de divers laboratoires fédéraux

      2°) un Etat où les instances fédérales se voient reconnaître d'importantes responsabilités

    22. Le ministère fédéral de la santé prépare les textes relatifs à la sécurité alimentaire et les soumet au Bundesrat,

    23. le ministère fédéral désigne en coopération avec les Länder la commission chargée d'élaborer chaque année les plans de prélèvements en coordination avec le B.G.V.V. (cf. infra 3°)

    24. des groupes de travail réunissent à intervalles réguliers les chefs de service fédéraux et les responsables des Länder

    25. le ministère peut, en cas de « danger immédiat », promulguer une ordonnance d'urgence pour une durée maximum de six mois

    26. pour la même raison, le Bundesrat peut autoriser les Länder à prendre des mesures d'exception.

      3°) une évaluation des risques effectuée par une instance indépendante : « l'Institut fédéral pour la protection sanitaire du consommateur et la médecine vétérinaire » ou B.G.V.V.

    31. le B.G.V.V. évalue tous les risques sanitaires,

    32. il est à la disposition tant des instances fédérales que fédérées,

    33. son indépendance est garantie par la loi,

    34. il dispose de 900 chercheurs et agents.

      4°) des Etats fédérés pleinement responsables des contrôles et des recherches courantes

    41. la politique alimentaire est définie dans chaque Länd :

      soit par le ministère des affaires sociales (Bavière, Saxe, Sarre...),

      soit par le ministère des affaires sociales (Basse Saxe, Mecklembourg),

      soit celui de l'environnement (Rhénanie-Palatinat)

      et se trouve mise en _uvre par les services vétérinaires qui en dépendent.

    42 les contrôles sont effectués au niveau de circonscriptions,

    43 les recherches courantes sont effectuées par des laboratoires locaux

      5°) un ensemble de près de 10 000 agents au service de la sécurité alimentaire dont :

      51. 5 000 vétérinaires inspecteurs affectés soit à l'échelon national, soit à l'échelon fédéral ou local

      52. 2 500 contrôleurs des denrées alimentaires

      53. 2 000 membres du corps des chimistes spécialisés dans le contrôle alimentaire,

      54. plus les personnels des laboratoires

    La sécurité alimentaire en Espagne

      1°) une décentralisation si forte qu'elle ne laisse à l'Etat qu'un rôle d'assez lointaine coopération

      11. une mission de représentation internationale,

      12. la compétence sur les Postes d'Inspection Frontaliers (P.I.F.),

      13. la coordination des instances décentralisées (Autonomies, grandes municipalités) au moyen des services ministériels :

        131. le Ministère de la Santé et de la Consommation :

          dont la sous-direction générale de l'hygiène des aliments a une compétence plénière, hormis les produits carnés,

          dont la sous-direction générale de la santé extérieure et vétérinaire a compétence sur les P.I.F. et suit les dossiers des viandes,

          qui est responsable des plans de surveillance en coopération avec les instances décentralisées,

          - qui est relié au réseau informatique d'alerte rapide de l'Union européenne,

          - qui dispose du Laboratoire national central national de l'alimentation,

          - qui exerce la tutelle sur l'Institut national de la Consommation, chargé :

            de la répression des fraudes,

            des relations avec les associations de consommateurs,

            du Centre de recherche et de contrôle de la Qualité

        132. le Ministère de l'Agriculture, de la Pêche et de l'Alimentation, dont la sous-direction de la santé vétérinaire suit les dossiers de la santé animale, est relié au réseau informatique ANIMO, coordonne les campagnes de prophylaxie,

          la sous-direction de la santé végétale chargée du registre national des produits phytosanitaires,

          qui dispose d'une société d'Etat, la TRAGSA, compétente pour aider les autorités locales à lutter contre les prophylaxies,

        133. le Ministère de l'Economie et des Finances (Secrétariat d'Etat au Commerce et aux P.M.E.) exerce le contrôle sur les échanges extérieurs et notamment sur la qualité des fruits et légumes exportés, compétence du Service Officiel d'Inspection et de Surveillance du Commerce Extérieur (SOIVRE).

      2°) une décentralisation qui confie l'essentiel des moyens aux « Autonomies »

        22. les Autonomies sont dotées d'organes gouvernementaux propres à leur permettre d'effectuer l'essentiel des tâches :

          un Conseil de l'Agriculture doté de services vétérinaires et chargé des contrôles,

          un Conseil de la Santé en charge du suivi de l'hygiène des aliments et de la sécurité alimentaire

        23. l'intégralité des médecins et vétérinaires de santé publique sont des agents des Autonomies qui assument l'ensemble des contrôles quoique le maintien de très petits abattoirs impose le recours des Groupements de défense sanitaire.

        24. la liberté d'action des Autonomies est toutefois bridée par l'obligation de transcrire dans leurs droits internes les Directives européennes.

      3°) un système susceptible d'évoluer sous le double effet de la politique de sécurité de l'Union Européenne et des mises en réseau rendues nécessaires par les crises récentes

        31. la directive Hygiène qui organise les autocontrôles et la propagation de la méthode H.A.C.C.P. mobilisent les industriels de l'agroalimentaire,

        32. le retard des mises en réseaux rend nécessaires une mobilisation et une meilleure coordination de tous les acteurs,

        33. le Parlement a donné mandat au Gouvernement de mettre en place une Agence de Sécurité Sanitaire des Aliments (A.E.S.A.), du type de l'A.F.S.S.A française qui, comme elle, serait chargée de l'évaluation.

    La sécurité alimentaire en Italie

    1°) Une organisation marquée, à l'échelon central, par la forte prééminence du ministère de la Santé

11. Attributaire, au niveau de l'administration centrale, du département de l'Alimentation, de la Nutrition et de la Santé Publique, le ministère de la Santé a, parmi ses missions :

l'hygiène et la technologie des aliments (hygiène des viandes, des produits laitiers, des aliments d'origine végétale etc.)

    les plans de prophylaxies, la police vétérinaire et l'épidémiosurveillance,

    la protection animale, la pharmacie vétérinaire et l'alimentation animale ;

12. A cet effet, il dispose d'un personnel pluridisciplinaire constitué de médecins, vétérinaires, chimistes, pharmaciens, agronomistes. Ce personnel bénéficie du statut d'officiers de police judiciaire ;

13. Il s'appuie, en outre, sur deux organismes :

131. l'Institut supérieur de la Santé dont la mission de recherche publique porte notamment sur la bactériologie, la microbiologie médicale, la toxicologie, la médecine vétérinaire,

132. le Conseil supérieur de la Santé : organisme consultatif, il est notamment compétent pour donner ses avis pour tout ce qui concerne les denrées alimentaires ;

14. cette prééminence n'est remise en cause par aucune autre structure ministérielle :

141. ni par le ministère des politiques agricoles et forestières qui :

        assume la tutelle des industries agroalimentaires,

        dispose de l'Inspectorat central de la répression des fraudes,

a néanmoins pouvoir de définir dans le cadre du Comité de coordination qui le lie au ministère de la Santé un plan conjoint de lutte contre les falsifications alimentaires,

142. ni par le ministère des finances qui n'agit qu'au titre de douanes et de la répression des fraudes présentant un aspect fiscal,

143. ni par le ministère de la défense dont le corps des carabiniers et son unité spécialisée dans le domaine sanitaire et vétérinaire est mis à la disposition du ministère de la Santé.

2°) une organisation qui doit s'adapter à un pays dont la Constitution reconnaît une large autonomie aux collectivités locales : les 20 régions, 102 provinces et 8 100 communes

21. Dans le cadre des orientations nationales, ce sont les régions qui assurent la conduite de la politique sanitaire :

211 . chaque région dispose d'un gouvernement constitué d'assessorats dont l'un est chargé de la santé et notamment du contrôle des denrées alimentaires,

212. il revient à chaque région d'organiser ses services et notamment des Unités sanitaires locales dont les compétences s'étendent à l'hygiène alimentaire et au contrôle vétérinaire et, de ce fait, travaillent tant avec les médecins qu'avec les vétérinaires,

213. toutefois, en cas d'urgence, le représentant de l'Etat dans la région est habilitée à prendre toutes mesures pour sauvegarder la santé publique,

22. chaque commune a, en outre obligation de se doter d'un règlement d'hygiène publique qui précise les exigences locales dans le domaine de l'eau, de la salubrité des denrées, des mesures contre les maladies infectieuses.

    La sécurité alimentaire au ROYAUME-UNI

      1°) un dispositif en instance de profonde évolution avec la mise en place de la Food Standard Agency (F.S.A.)

      11. une gestation de trois années :

        1er mai 1997 : dépôt d'un rapport scientifique préconisant la création d'une Agence indépendante,

        janvier 1998 : publication d'un Livre Blanc,

        janvier 1999 : dépôt du projet de loi,

        mars 1999 : dépôt du rapport de la commission de la Chambre des Communes

        11 novembre 1999 : approbation de la Reine,

        avril 2000 : création de la F.S.A.

      12. une structure placée sous la tutelle administrative du Ministre de la Santé mais qui ne répond que devant :

        le Parlement du Royaume Uni,

        le Parlement d'Ecosse,

        l'Assemblée du Pays de Galles,

        l'Assemblée d'Irlande du Nord,

      13. une structure puissante :

        chargée de l'évaluation mais aussi des contrôles,

        dont le domaine de compétences s'étend de la sécurité alimentaire à la nutrition,

        au sein duquel doivent s'intégrer :

          les comités consultatifs,

          le Meat Hygiene Service,

          les services centraux de contrôle,

        fort de 500 agents.

      2°) une législation qui, hors la création de la F.S.A., repose sur les principes fondamentaux du Food Safety Act de 1990 et les textes qui en précisent la portée :

      21. le Food Safety Act précise les règles fondamentales :

        de l'hygiène alimentaire, notamment la « due diligence defence »,

        de la protection du consommateur des denrées alimentaires,

        de l'enregistrement des producteurs de denrées,

        des contrôles et des pouvoirs des contrôleurs (Environmenthal Health Officer),

        des saisies et des peines.

      22. Elle est complétée par les textes qui en précisent la portée :

          la Food Sampling and Qualifications Regulation de 1990 qui détermine la procédure de relevé des échantillons contrôlés,

          la Food Safety Enforcement Authority England and Wales Order 1990 relative aux autorités de contrôle,

          la Detention of Food Prescibed Forms Regulations 1990 relative à l'enregistrement des établissements,

          la Food Safety General Food Hygiene Regulations 1995 (transcription de la directive 93/43 sur la méthode H.A.C.C.P.)

          les transcriptions des directives sur le lait (92/46), la viande (92/5), les produits de la mer (92/5), les viandes fraîches (91/497 et 91/495) et les viandes de volailles (91/495 et 92/116).

      3°) Un système décisionnel, pour l'instant, complexe car nécessitant les décisions ou les avis conjoints de :

      deux ministères : 1. la Santé, 2. l'Agriculture, les Pêches et l'Alimentation,

      trois exécutifs locaux : 1. l'Irlande du Nord; 2. l'Ecosse, 3. le Pays de Galles,

      divers comités consultatifs dont ceux relatifs :

        à la sécurité microbiologique alimentaire (ACMSF),

        à l'alimentation (FAC),

      diverses Agences et Laboratoires dont l'Agence d'hygiène de la viande :

        qui emploie les vétérinaires inspecteurs,

        qui effectue les contrôles dans les abattoirs sur l'ensemble du territoire.

      4°) hors les abattoirs, un système de contrôle scindé en deux corps et agissant sous la double autorité des instances nationales et locales

      deux corps d'inspection :

        celui des Environmental Health Officer (EHO) compétent pour la sécurité alimentaire,

        celui des Trading Standard Officers (TSO) compétent pour la qualité alimentaire,

      une double autorité :

        les EHO et TSO agissent sous l'autorité décentralisée de chaque Council,

        l'action des EHO et TSO est coordonnée par deux organes gouvernementaux :

          le Local Authority Body on Food and Trading Standart (LACOTS),

          le Local Authority Joined Avisory Committee qui publie les guides d'hygiène alimentaire.

    2.- la diversité des aptitudes

    Outre la diversité des structures et des procédures, il y a celle qui naît de l'aptitude des Etats à mettre en _uvre avec plus ou moins de rapidité, plus ou moins d'efficacité, les directives venues de Bruxelles.

    A cet égard, on imaginerait volontiers, la France assez fidèle à elle-même c'est-à-dire frondeuse et dissipée.

    Il était donc judicieux que les directions ministérielles compétentes fassent parvenir à la commission d'enquête une étude comparative conduite en 1997 par les services communautaires.

    Sans doute ce document a-t-il maintenant trois ans, mais son intérêt n'est pas niable dans la mesure où cette étude vient de faire l'objet d'une actualisation début janvier 2000.

    Il nous est possible d'en tirer deux enseignements.

    Il apparaît d'abord que les structures de contrôle ont fait l'objet récemment, dans de nombreux pays, de mesures de rationalisation.

    C'est ainsi qu'on assiste dans la moitié des pays de l'Union, note la Commission, « à des changements importants....visant notamment à un regroupement, une coordination, une synergie, une performance accrue des services existants » :

      - soit par le « regroupement des activités de contrôle des différents secteurs alimentaires sous un même ministère »,

      - soit par le « renforcement de la collaboration entre ministères au niveau central, régional et avec les autorités locales »,

      - soit par la « création d'un nouvel organisme unique de contrôle alimentaire contractant les services existants »,

      - soit par la « création d'une agence pour la sécurité sanitaire des aliments dédiée notamment à l'évaluation des organismes de contrôle et à l'évaluation des risques »,

    soit par le « passage de compétences de contrôle alimentaire des autorités locales aux autorités centrales. »

Il apparaît, de même, que l'accréditation des laboratoires d'analyse s'est améliorée et c'est ainsi que « le délai du 1er novembre 1998 fixé par la directive 93/99/CEE pour l'accréditation de tous les laboratoires chargés du contrôle officiel a été respecté dans plusieurs Etats membres... »

    En revanche, « la transposition tardive dans plusieurs Etats membres de la directive 93/43/CEE relative à l'hygiène des denrées alimentaires, et aux dispositions concernant l'H.A.C.C.P. explique le retard de l'application du système par les entreprises » tandis que « l'élaboration des guides de bonnes pratiques d'hygiène progresse à des degrés variables dans les Etats membres. »

    Dans ce contexte, la France se situe à un très bon rang par le jeu de quatre actions :

    1. Si on ne note en France aucun de ces regroupements de services, source de synergie et d'efficacité accrue dont se félicitent les instances communautaires, ceux-ci ne manquent pas de noter par contre la création de « l'Agence de sécurité sanitaire des aliments placée sous la tutelle des Ministères de l'Agriculture, de l'Economie et de la Santé et chargée de missions d'évaluation... »

    2. Les arrêtés de transcription de la directive 93/43/CEE sur l'hygiène des denrées alimentaires ont été publiés, pour chaque secteur alimentaire, imposant à tous le recours aux principes du HACCP.

    3. L'élaboration des guides de bonnes pratiques d'hygiène par les différents milieux professionnels alimentaires, notent les services de Bruxelles, est en bonne voie, onze ayant déjà été validés par les pouvoirs publics, lesquels incitent à leur application quoique des statistiques ne soient pas encore disponibles et qu'une entreprise dont les pouvoirs publics constatent qu'elle omet de recourir à la méthode H.A.C.C.P. ne fasse pas encore l'objet d'un procès-verbal.

    4. Enfin les informations sur les laboratoires font état de l'accréditation de beaucoup d'entre eux tandis qu'une diminution de leur nombre devrait permettre de concentrer les analyses sur certains d'entre eux et d'en raccourcir les délais.

    II. CONJUGUER

    A.- Le Livre blanc de la Commission européenne...

    C'est dans ce contexte que la commission Prodi a décidé de se lancer dans une ambitieuse politique de sécurité sanitaire des aliments dont certains peuvent se demander si elle ne déborde pas quelque peu des compétences reconnues par les Traités.

    Peut-on y consentir sans une nouvelle modification des Traités ? Ou bien, nécessité faisant loi, doit-on considérer que l'extension du champ communautaire est l'inévitable conséquence de cette liberté des échanges sur laquelle nul n'entend revenir ? Qu'au demeurant, cette extension est limitée à l'aspect sanitaire de l'alimentation et que hormis cette nécessaire dérogation la santé demeure bien de la compétence nationale ?

    Telle est la principale question que pose le Livre Blanc présenté sous le timbre de la Commission, le 12 janvier 2000, dont la commission d'enquête pouvait d'autant moins éviter d'en débattre :

    1°) que le champ des investigations que lui avait confié l'Assemblée nationale le 7 octobre 1999 correspondait à la mission que s'était fixée de son côté la commission de l'Union Européenne,

    2°) que la commission d'enquête s'est spécialement déplacée à Bruxelles pour s'en entretenir avec quatre Commissaires européens la veille de la publication du Livre,

    3°) que la Commission européenne demande à tous les acteurs concernés de leur apporter leur contribution avant le mois d'avril 2000.

Quel membre de la commission d'enquête pourrait-il être choqué par les analyses et par les propositions de la commission de l'Union Européenne ?

    Les analyses conduites à Bruxelles ne s'inspirent-elle pas des mêmes méthodes d'investigation que celles de la commission d'enquête c'est-à-dire sur une prise en compte globale de toute la filière (« de la ferme à la table », selon la formule de la commission Prodi). Les solutions retenues de part et d'autre ne semblent-elles pas si proches qu'un lecteur inattentif pourrait penser que le présent rapport s'est contenté de prendre connaissance des travaux des instances communautaires ?

    L'analyse part en effet des mêmes constats :

    1°) « les secteurs agricole et alimentaire présentent une importance majeure pour l'ensemble de l'économie européenne »,

    2°) « la chaîne alimentaire européenne est l'une des plus sûres du monde » et « les mesures de sécurité alimentaire font partie de l'arsenal législatif européen depuis les débuts de la Communauté »,

    3°) compte tenu de cette sûreté (qui bénéficiait de la force de l'habitude), « les crises récentes dans l'alimentation « ont soumis les systèmes de sécurité alimentaire de la Communauté et des Etats membres à une pression sans précédent »,

    4°) cette pression impose que soit rétablie « la confiance de l'opinion publique dans l'approvisionnement, les connaissances scientifiques, la législation et les contrôles en matière d'alimentation »,

    5°) car « ces situations d'urgence » qui ne sont pas totalement dues au hasard, « ont mis en lumière des faiblesses » qui tiennent notamment au fait que « la chaîne de production alimentaire devient de plus en plus complexe »,

    6°) cette complexité impose que « tous les maillons de la chaîne doivent être aussi solides les uns que les autres », que « la politique de sécurité alimentaire repose sur une approche globale, intégrée », la seule qui permette « d'assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et des consommateurs. »

    B.-...peut-il être le présage d'une plus grande clarté normative
    en Europe ?

    Or cette approche condamne, ainsi que l'affirme le Livre Blanc, cette « vaste législation [d'inspiration communautaire dont] aucune tendance cohérente globale n'a guidé l'évolution », c'est-à-dire ce manque de cohérence conceptuel que la commission d'enquête n'a cessé elle aussi de ressentir à étudier notre législation qui pour l'essentiel est d'inspiration communautaire, cette nécessité « de créer un ensemble de règles cohérent et transparent en matière de sécurité alimentaire », fondé sur des textes « clairs, simples à mettre en _uvre, compréhensibles pour tous les opérateurs » ainsi que l'écrit elle-même la commission Prodi.

    Et, s'il en fallait une preuve, ne devrait-on pas citer ce « vaste ensemble de dispositions en matière d'hygiène des denrées alimentaires qui compte plus de vingt textes juridiques destinés à assurer la sécurité des aliments produits et mis sur le marché... dispositions...adoptées en ordre dispersé » qui imposent « la refonte de toutes les dispositions juridiques existantes afin de garantir cohérence et clarté dans l'ensemble de la chaîne de production alimentaire » ?

    N'est-il pas jusqu'à cette Autorité alimentaire européenne qui semble un hommage à l'Agence Française de Sécurité des Aliments ?

    Mais précisément, comment s'effectuera le lien entre l'Autorité et les agences nationales ? Quel sera leur rôle respectif ? Les unes devront-elles s'effacer devant l'autre ? Y aura-t-il encore place pour la jurisprudence dite du « Cassis de Dijon » selon laquelle un Etat membre peut restreindre la mise sur le marché de produits légalement commercialisés dès lors qu'il s'agit de protéger la santé publique et que les mesures prises sont proportionnées par le but à atteindre ?

    Pour quelles raisons le Livre Blanc s'étend-il aussi longuement sur l'indépendance, l'excellence, la transparence de cette future Autorité pour nous en dévoiler à la fin ses missions, qui semblent si imprécises ?

    Pour quelles raisons tant insister sur la nécessaire refonte et sur l'indispensable harmonisation des textes en vigueur pour briser d'entrée de jeu cette action en 84 propositions dont la plupart n'ont pour objet que d'amender des Directives existantes, lesquelles demeureront côte à côte sans cette cohérence dont la Commission européenne nous dit pourtant qu'elle fait gravement défaut ?

    Certes il y a bien ce point n° 3 qui fait état d'une directive de portée générale à qui il reviendrait de fixer les principes de base (références scientifiques, détermination de la responsabilité des acteurs de la filière, traçabilité, efficacité des contrôles) mais pour quelles raisons le Livre Blanc, par ailleurs si prolixe, ne fournit-il, pour ce qui la concerne, aucune précision de quelque portée que ce soit ?

    Qu'on ne voie point dans ces réflexions une quelconque prévenance contre la nécessaire poursuite de la construction européenne. Mais la rédaction manifestement hâtive de ce document, cette liste de 82 propositions dont on pressent qu'elles sont le fruit de l'empilement d'idées collectées à la hâte auprès de chacun des bureaux de la « D.G. » compétente, donne le sentiment que, face au désarroi des Etats et des opinions, la commission Prodi s'est empressée de donner l'illusion qu'elle était seule en mesure de prendre l'initiative.

    Nul doute que l'intention fut louable mais nul doute non plus, qu'en l'état, le texte proposé ne doive être très largement repris pour servir de base utile de discussion.

L'excès de normes ne risque-t-il pas de tuer la norme ?

Comment imaginer que les experts, a fortiori les citoyens se retrouvent au sein d'un tel conglomérat qui prévoit d'amender deux Règlements, les 258/97 et 194/97, et trente et une Directives :

· une directive de 1968 : la 68/193,

· une directive de 1970 : la 70/524 concernée par deux actions différentes,

· deux directives de 1979 : la 79/112 (concernée elle aussi par deux actions) et la 79/373,

· une directive de 1980 : la 80/777,

· une directive de 1981 : la 81/712,

· trois directives de 1989 : les 89/107, 89/109 et 89/398,

· trois directives de 1990 : les 90/128, 90/424 et 90/667,

· trois directives de 1991 : les 91/32, 91/414 (concernée par deux actions successives) et la 91/526,

· deux directives de 1992 : les 92/117 et 92/118,

· une directive de 1994 : la 94/381,

· cinq directives de 1995 : les 95/2, 95/31, 95/45, 95/53 et 95/69,

· quatre directives de 1996 : les 96/5, 96/23, 96/25 (concernée par deux actions) et 96/77,

· une directive de 1997 : la 97/534,

· une directive de 1998 : la 98/272,

· enfin deux directives de 1999 : les 99/3 et 99/129.

Objectifs poursuivis par le Livre Blanc

Textes susceptibles d'être modifiés

Modification des définitions des matières premières, notamment pour les huiles, les graisses et les produits animaux

(Action n° 7)

Annexe à la directive 96/25/CE concernant la circulation des matières premières pour aliments et animaux

Renforcement de la surveillance de l'Encéphalopathie spongiforme transmissible

(Action n° 9)

Décision 98/272/CE relative à la surveillance épidémiologique des encéphalopathies spongiformes transmissibles

Modification de certaines compétences concernant les additifs alimentaires et dispositions spécifiques aux enzymes

(Action n° 11)

Directive 89/107/CEE

Concernant les additifs alimentaires

Révision de la liste des additifs alimentaires autres que les colorants et édulcorants

(Action n°12)

Directive 95/2/CE

Concernant les additifs alimentaires

Modification des règles relatives aux substances toxiques

(Action n° 13)

Directive 88/388/CEE

Concernant les arômes

Adaptations requises par la mise en _uvre de la directive 90/220/CEE

(Action n° 14)

Règlement n° 258/97

Relatif aux nouveaux aliments

Suppression de la possibilité de ne pas mentionner les composants intervenant pour moins de 25  % dans un produit (Action n° 16)

Directive 79/112/CEE

Concernant l'étiquetage

Fixation de nouvelles limites maximales de résidus (L.M.R.) dans les produits agricoles et alimentaires (Action n° 17)

Annexe I de la directive 91/414/CEE

Fixation de limites maximales de résidus pour les pesticides contenus dans les additifs destinés à l'alimentation animale

(Action n° 19)

Directive 70/524/CEE

Concernant les additifs dans l'alimentation des animaux

Modifications à la liste des ingrédients interdits dans les aliments pour animaux

(Action n° 20)

Décision 91/516/CEE

Fixant la liste des ingrédients dont l'utilisation est interdite dans les aliments composés pour animaux

Fixation de limites maximales de dioxines pour les huiles et graisses

(Action n° 21)

Annexe de la directive 1999/29/CE

Concernant les substances et produits indésirables dans l'alimentation des animaux

Etablissement d'une liste positive des matières premières autorisées

(Action n° 22)

Directive 96/25/CE concernant la circulation des matières premières pour aliments des animaux

Etablissement d'une clause de sauvegarde en cas d'apparition de risques pour la santé humaine liés à l'alimentation animale

(Action n° 23)

Directive 95/53/CE fixant les principes relatifs à l'organisation des contrôles officiels dans le domaine de l'alimentation animale

Révision des dispositions relatives à l'étiquetage des aliments pour animaux

(Action n° 24)

directive 79/373/CEE concernant la commercialisation des aliments composés pour animaux

Modification des dispositions relatives à l'agrément des fabricants et la traçabilité des aliments pour animaux

(Action n° 25)

directive 95/69/CE établissant les conditions et modalités applicables à l'agrément et à l'enregistrement de certains établissements et intermédiaires dans le secteur de l'alimentation animale

Amélioration du système de surveillance des maladies de l'animal transmissibles à l'homme

(Action n° 26)

Directive 92/117/CEE relative aux zoonoses

Amélioration de l'éradication des maladies animales

(Action n° 29)

Directive 90/424/CEE relative à certaines dépenses dans le domaine vétérinaire

N.B. : l'action n° 29 ne propose pas de modifier la directive mais d'accroître les crédits qui lui sont liés

Refonte des mesures relatives

aux sous-produits animaux

(Action n° 30)

directive 90/667/CEE

Et

directive 92/118/CEE

Concernant les déchets animaux et les produits dérivés

Modifications relatives aux Matériels à Risques Spécifiés (M.R.S.)

(Action n° 32)

Décision 94/381/CE

Et Décision 97/534/CE

Relatives à l'élimination des matériels à risques spécifiés

Renforcement du contrôle des P.C.B. et dioxines dans l'alimentation animale

(Action n° 35)

directive 96/23/CE

Relative au contrôle des résidus

Fixation de limites pour plusieurs contaminants (Action n° 38)

Règlement n° 194/97 portant fixation des teneurs maximales pour certains contaminants

Mise à jour des dispositions

Relatives aux additifs alimentaires

(Action n° 41)

directive 95/31/CE

directive 95 /45/CE

directive 96/77/CE

Portant établissement de critères de pureté pour les additifs alimentaires

Modification des dispositions relatives à certains critères de pureté des additifs alimentaires

(Action n° 42)

directive 81/712 /CEE

Portant fixation des méthodes d'analyse communautaires

Mise à jour des (et adjonction aux) dispositions relatives à l'étiquetage

des matériaux en contact

avec les denrées alimentaires

(Action n° 47)

Directive 89/109/CEE concernant les matériaux destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires

Mise à jour de la liste des matières plastiques autorisées

(Action n° 48)

Directive 90/128/CEE concernant les matériaux et objets en matière plastique destinée à entrer en contact avec les denrées alimentaires

Complément à la liste des denrées alimentaires pouvant être traitées par ionisation

(Action n° 53)

Directive 1999/3/CE établissant une liste communautaire de denrées et ingrédients alimentaires traités par ionisation

Définition des conditions de certaines mentions d'ordre nutritionnel

(Action n° 57)

Directive 89/398/CEE concernant les aliments diététiques

Etablissement d'une liste de pesticides interdits dans les produits agricoles destinés aux préparations pour nourrissons

(Action n° 62)

Directive 91/32/CEE concernant les préparations pour nourrissons et les préparations de suite

Etablissement d'une liste de pesticides interdits dans les produits agricoles destinés aux préparations pour bébés

(Action n° 63)

Directive 96/5/CE concernant les préparations pour bébés

Etablissement d'une liste de constituants des eaux minérales

(Action n° 64)

Directive 80/777/CEE relative aux eaux minérales

Précisions à apporter aux allégations concernant les caractéristiques nutritionnelles des denrées alimentaires

(Action n° 65)

Directive 79/112/CEE concernant l'étiquetage et la présentation des denrées alimentaires ainsi que la publicité faite à leur égard

Retrait du marché de substances actives de pesticides, évaluation, démarcation avec les biocides, rôle des micro-organismes

(Action n° 70, 72 et 73)

Directive 91/414/CEE

Définition de l'évaluation applicable aux O.G.M.

(Action n° 76)

Règlement n° 258/97 concernant les variétés végétales génétiquement modifiées

Evaluation et étiquetage des matériels relatifs à la vigne génétiquement modifiée

(Action n° 78)

Directive 68/193/CEE concernant la commercialisation des matériels de multiplication végétative de la vigne

    III. POURSUIVRE

Il n'empêche que la conjugaison des efforts des Etats membres de l'Union européenne leur laisse une marge certaine de liberté, que la France ne s'est pas privée d'utiliser en votant récemment les deux lois qui doivent retenir maintenant notre attention.

La première concerne directement la santé publique puisqu'il s'agit de la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle sanitaire des produits destinés à l'homme.

La seconde concerne directement les produits alimentaires au stade de leur première élaboration puisqu'il s'agit de la loi 99574 d'orientation agricole du 9 juillet 1999 dont l'important volet relatif à la sécurité sanitaire des aliments ne saurait nous échapper.

Elles sont d'ailleurs si récentes qu'on peut se demander si l'exercice confié à la commission d'enquête (dresser un bilan des garanties, en particulier en termes de santé publique, qu'offre le système agroalimentaire français au regard de la loi d'orientation agricole) n'a pas un caractère prématuré ; mais les événements commandent : aussi bien ne saurait-on reprocher au législateur de s'inquiéter de la façon dont ses décisions commencent à être mises en _uvre.

    A.- la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998
    relative au renforcement de la veille sanitaire
    et du contrôle sanitaire des produits destinés à l'homme

La loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 « relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle sanitaire des produits destinés à l'homme » a constitué une étape de notre politique de sécurité alimentaire.

Renvoyant le lecteur au texte des auditions, qui sont fort éclairantes sur ce point, on se contentera de rappeler que cette loi a pour origine une proposition adoptée en première lecture par le Sénat le 25 septembre 1997 sur le rapport de M. Claude Huriet et qui était elle-même le fruit des travaux d'une mission d'information sénatoriale créée en 1996, présidée par M. Charles Descours et dont M. Claude Huriet était déjà le rapporteur.

Elle a fait l'objet de plusieurs lectures par les deux Assemblées, notre collègue Alain Calmat en ayant été le rapporteur au fond au nom de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales à l'Assemblée nationale.

Elle crée pour l'essentiel trois nouvelles institutions :

- l'Institut de veille sanitaire,

- l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments,

- l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, elle-même « héritière » pour l'essentiel de l'Agence du médicament instituée en 1993.

Ce sont les deux premiers organismes qui nous intéressent principalement.

L'Institut de veille sanitaire auquel sont consacrés les articles 2 à 5 de la loi, est placé sous la tutelle du ministre chargé de la Santé ; il effectue une surveillance permanente de l'état de santé de la population, en s'appuyant sur des correspondants publics et privés appartenant à un réseau national de santé publique. Il est également chargé d'alerter les pouvoirs publics, notamment l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, en cas de menace pour la santé publique, quelle qu'en soit l'origine et de leur recommander toute mesure appropriée.

Certes, la veille sanitaire est depuis longtemps assurée en France par divers organismes, tels que les hôpitaux, les observatoires régionaux de la santé, le réseau professionnel de médecins généralistes ou encore l'I.N.S.E.R.M. Le Réseau national de santé publique (R.N.S.P.) a été créé ensuite en 1992 sous la forme de groupement d'intérêt public (G.I.P.) ; l'Institut de veille sanitaire, qui a, lui, la nature d'établissement public, a repris les attributions du Réseau national de santé publique mais en les élargissant notamment à la médecine scolaire et il constitue une tête de réseau de l'ensemble des institutions de la veille sanitaire.

Il est administré par un conseil d'administration, comprenant à parité des représentants de l'Etat et des personnalités qualifiées ainsi que des représentants du personnel.

Il faut rapprocher de ces diverses dispositions celles que prévoit l'article 5 de la loi, lequel détermine les conditions dans lesquelles le Conseil supérieur de l'audiovisuel (C.S.A.) fixe les règles de diffusion, par voie hertzienne terrestre, aux heures de grande écoute, des messages d'alerte sanitaire émis par le ministère de la Santé.

Quant à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (A.F.S.S.A.) prévue au Titre III, elle a été placée sous la triple tutelle des ministres chargés de la Santé, de l'Agriculture et de la Consommation. Elle apparaît comme un organe d'expertise, d'évaluation et non de gestion des risques, ne disposant de pouvoirs de police sanitaire que dans le domaine très limité du médicament vétérinaire. Elle intègre enfin une institution préexistante, le Centre national d'études vétérinaires et alimentaires (C.N.E.V.A.).

Le rôle de l'A.F.S.S.A. est de contribuer à assurer la sécurité sanitaire de l'ensemble de la chaîne alimentaire depuis le stade de la matière première jusqu'à celui du consommateur final ; l'A.F.S.S.A. a, de la même façon, compétence pour l'ensemble des aliments, qu'il s'agisse de produits animaux, végétaux ou encore d'eaux d'alimentation.

Les évaluations auxquelles procède l'A.F.S.S.A. concernent les divers risques sanitaires, mais aussi nutritionnels, que peuvent présenter les aliments destinés à l'homme ou aux animaux.

L'A.F.S.S.A. est chargée, dans le cadre de ses missions, de fournir au Gouvernement, l'expertise et l'appui scientifique et technique qui lui sont nécessaires pour l'élaboration et la mise en _uvre des dispositions législatives et réglementaires, des règles communautaires ainsi que des accords internationaux. Elle a pour tâche aussi de recueillir les données scientifiques ou techniques nécessaires à ses missions. Elle est chargée enfin de mener, dans le respect du secret professionnel, des programmes de recherches scientifiques et techniques, notamment dans le domaine du génie vétérinaire.

Ainsi que M. Jean-François Mattei l'a rappelé aux membres de la commission d'enquête lors de leur première audition, la création d'un organisme public en charge de la veille sanitaire en France comme celle d'une instance composée d'experts ayant la responsabilité d'évaluer les risques, figuraient au nombre des souhaits forts exprimés par la mission d'information commune sur l'E.S.B. constituée à l'Assemblée nationale en juillet 1996.

De la même façon, la distinction entre, d'une part, une évaluation des risques, relevant des instances scientifiques, et d'autre part, leur gestion, incombant, elle, au politique, était prônée dans le document sur « les forces et faiblesses du dispositif national de sécurité alimentaire » publié le 1er décembre 1997 par un « groupe de réflexion » constitué à la demande du Premier ministre.

L'Institut de veille sanitaire et son directeur, M. Jacques Drucker y a insisté lors de son audition par la commission d'enquête, tire sa force du fait qu'il recense les cas de maladie à déclaration obligatoire.

Quant à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, elle constitue une instance d'expertise, qui a su, avec la compétence et l'indépendance nécessaires, inspirer les pouvoirs publics à la fin de 1999 avec le refus français de lever l'embargo sur les importations bovines en provenance du Royaume-Uni, qui aura su inspirer la Commission européenne lorsqu'elle préconise dans son « Livre blanc » la mise en place d'une « Autorité alimentaire européenne » chargée d'évaluer les risques existants, inspirer aussi les autorités britanniques elles-mêmes qui envisagent la création en 2000 d'une agence sanitaire, relevant, il est vrai, à la différence de l'A.F.S.S.A., de la tutelle de l'administration de la santé et disposant de réels pouvoirs de police sanitaire.

L'institution de l'A.F.S.S.A. a mis un terme surtout à une situation préoccupante en France, qui voyait coexister de nombreuses instances d'expertise, à l'action insuffisamment lisible, au profit d'un système qui présente un triple mérite :

- celui de la cohérence, s'agissant plus particulièrement de l'AFSSA, qui permet d'améliorer l'évaluation des risques alimentaires au travers de la création d'un organe indépendant, doté de moyens significatifs et propre à fédérer des institutions existantes aux compétences mal coordonnées ;

- celui de la souplesse, les aliments et les produits de santé étant traités par deux agences séparées, ce qui tient compte de la particularité de ces deux types de produits et de la spécificité des méthodes de contrôle à mettre en _uvre ;

- celui enfin de la clairvoyance, car il consacre cette distinction désormais reconnue par tous entre l'évaluation des risques, qui relève d'appréciations scientifiques et la gestion de ceux-ci, qui consiste à mettre en rapport les résultats de l'évaluation et les intérêts en jeu pour opérer des choix avant tout politiques.

    B.- la loi n° 99574 d'orientation agricole du 9 juillet 1999

Article 1er

« La politique agricole prend en compte les fonctions économique, environnementale et sociale de l'agriculture et participe à l'aménagement du territoire en vue d'un développement durable. Elle a pour objectifs, en liaison avec la politique agricole commune et la préférence communautaire :

- L'installation en agriculture, notamment des jeunes, la pérennité des exploitations agricoles, leur transmission, et le développement de l'emploi dans l'agriculture, dont le caractère familial doit être préservé, dans l'ensemble des régions françaises en fonction de leurs spécificités ;

- L'amélioration des conditions de production, du revenu et du niveau de vie des agriculteurs ainsi que le renforcement de la protection sociale des agriculteurs tendant à la parité avec le régime général ;

- La revalorisation progressive et la garantie de retraites minimum aux agriculteurs en fonction de la durée de leur activité ;

- La production de biens agricoles, alimentaires et non alimentaires de qualité et diversifiés répondant aux besoins des marchés nationaux, communautaires et internationaux, satisfaisant aux conditions de sécurité sanitaire ainsi qu'aux besoins des industries et des activités agro-alimentaires et aux exigences des consommateurs et contribuant à la sécurité alimentaire mondiale ;

- Le développement de l'aide alimentaire et la lutte contre la faim dans le monde, dans le respect des agricultures et des économies des pays en développement ;

- Le renforcement de la capacité exportatrice agricole et agro-alimentaire de la France vers l'Europe et les marchés solvables en s'appuyant sur des entreprises dynamiques ;

- Le renforcement de l'organisation économique des marchés, des producteurs et des filières dans le souci d'une répartition équitable de la valorisation des produits alimentaires entre les agriculteurs, les transformateurs et les entreprises de commercialisation ;

- La mise en valeur des productions de matières à vocation énergétique ou non alimentaire dans le but de diversifier les ressources énergétiques du pays et les débouchés de la production agricole ;

- La valorisation des territoires par des systèmes de production adaptés à leurs potentialités ;

- Le maintien de conditions favorables à l'exercice de l'activité agricole dans les zones de montagne conformément aux dispositions de l'article L. 113-1 du Code rural ;

- La préservation des ressources naturelles et de la biodiversité et l'entretien des paysages, l'équilibre économique des exploitations ne devant pas être mis en péril par les obligations qui en découlent, notamment en matière de préservation de la faune sauvage, sans qu'il en résulte des charges supplémentaires pour l'État ;

- La poursuite d'actions d'intérêt général au profit de tous les usagers de l'espace rural ;

- La promotion et le renforcement d'une politique de la qualité et de l'identification de produits agricoles ;

- Le renforcement de la recherche agronomique et vétérinaire dans le respect des animaux et de leur santé ;

- L'organisation d'une coexistence équilibrée, dans le monde rural, entre les agriculteurs et les autres actifs ruraux, dans le respect d'une concurrence loyale entre les différents secteurs économiques.

La politique agricole prend en compte les situations spécifiques à chaque région, notamment aux zones de montagne, aux zones humides précisément délimitées dont les particularités nécessitent la mise en place d'une politique agricole spécifique, aux zones défavorisées et aux départements d'outre-mer, pour déterminer l'importance des moyens à mettre en _uvre pour parvenir à ces objectifs. La politique forestière participe de la politique agricole dont elle fait partie intégrante.

La politique agricole est mise en _uvre en concertation avec les organisations professionnelles représentatives et avec les collectivités territoriales en tant que de besoin.

Chaque année, en juin, au cours d'un débat organisé devant le Parlement, le Gouvernement rend compte de la politique agricole mis en _uvre au titre de la présente loi et de la politique agricole commune. »

La loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999 dont on a cité ci-dessus l'article 1er, fixe des objectifs qu'il convient de mettre en parallèle avec ceux définis quelque trente ans plus tôt par la loi de 1960 et de faire apparaître la nature des évolutions en cours.

C'est ainsi que la politique agricole met désormais clairement l'accent sur :

- la multifonctionnalité de l'agriculture,

- la préservation de l'eau, des paysages, de la biodiversité,

- le maintien, voire la création d'emplois, grâce notamment à l'encouragement à l'installation de nouveaux agriculteurs,

- la situation spécifique de certaines régions : la montagne, les départements d'outre-mer notamment.

Elle trace ainsi clairement l'avenir de notre politique agricole à travers plusieurs maîtres mots : multifonctionnalité et durabilité de l'agriculture en sont le socle, le territoire en est le cadre, et, si cette politique a pour objectif la qualité, sa méthode est la contractualisation, qui s'incarne dans le contrat territorial d'exploitation (CTE) que l'on examinera plus loin.

Rappelons d'abord quel est l'état du droit, à la veille de la promulgation de la loi du 9 juillet 1999 pour ce qui concerne la sécurité des produits issus de l'élevage.

L'arsenal de mesures est déjà fort complet.

C'est ainsi qu'il existe au sein du Livre II du Code rural (ancien) :

- un Titre III consacré à la lutte contre les maladies des animaux,

- un titre IV consacré au contrôle sanitaire des animaux vivants et des viandes et à l'équarrissage, auquel est venu s'adjoindre un titre IV bis relatif aux échanges extérieurs,

- un Titre VII relatif à la médecine des animaux,

- un Titre VIII à vocation pénale,

- et un Titre X qui concerne la protection des plantes.

Analysons plus avant ces dispositions.

Conformément au Titre III du Code rural (ancien), le ministre de l'agriculture assisté d'une commission nationale vétérinaire « peut prendre toutes les mesures destinées à prévenir l'apparition, à enrayer le développement et à poursuivre l'extinction des maladies des animaux réputées contagieuses... » (article 214) c'est-à-dire qu'il a de facto les « pleins pouvoirs » qu'exige cette situation exceptionnelle que crée toute menace de transmission pathogène à caractère épidémique qui concerne :

- soit les animaux avec les incidences possibles sur la santé humaine,

- soit la santé humaine proprement dite que gèrent le Code de la santé publique et celui de la consommation.

Le ministre a, de même, le pouvoir :

- d'assurer la collecte des données épidémiologiques en liaison avec les vétérinaires « libéraux », les laboratoires vétérinaires départementaux et les organisations professionnelles (article 215 -1 A),

- de conduire des actions de prophylaxie préventive en collaboration avec des organismes à vocation sanitaire agréés (article 215 - 1 - B) qui peuvent être étendues à l'ensemble des éleveurs d'une zone donnée,

      Ces agents de l'Etat que sont les vétérinaires inspecteurs de l'administration, les agents techniques sanitaires et les préposés sanitaires commissionnés par le préfet ont eux-mêmes tout pouvoir de recherche et de constatation des infractions dans les limites de leur département d'affectation ; pouvoirs si exorbitants qu'ils leur donnent libre accès, de jour comme de nuit, à tout bâtiment, dès lors qu'y séjournent des animaux et qu'il s'agit d'y coucher du soleil, par un agent de police judiciaire (en fait un gendarme).

Les propriétaires d'animaux doivent faire procéder, de leur côté, à toutes les opérations prescrites, y compris l'abattage. Ces opérations sont confiées à tout vétérinaire libéral dès lors qu'il est investi par l'administration d'une mission de police que reconnaît l'attribution d'un mandat sanitaire qui fait obligation de prévenir le préfet de tout manquement aux mesures d'éradication.

Quel est l'état du droit après la promulgation de la loi du 9 juillet 1999 ?

Les pouvoirs exceptionnels qui figurent au début du Titre troisième du Livre II du Code rural (ceux des articles 214 et suivants) ne changent pas. Ils étaient déjà si protecteurs de la santé humaine et animale - dès lors qu'ils sont employés à bon escient - qu'on n'imagine guère devoir prendre des dispositions complémentaires.

A ces pouvoirs liés à une situation épidémique, s'ajoutent désormais (article 215) le pouvoir de mise en demeure adressée par les agents des services vétérinaires à tout propriétaire ou détenteur d'un bovin, ovin ou caprin qu'il s'avère impossible d'identifier selon les règles fixées par la loi sur l'élevage de 1966 et qui n'est pas accompagné des documents qui permettent de confirmer cette identification. Cette mise en demeure impose de procéder à la communication de ces documents dans un délai de 48 heures sauf à voir l'animal conduit à l'abattoir.

En outre, dans le cadre des pouvoirs relatifs à la police sanitaire qu'imposent les maladies contagieuses (Chapitre III, section 2), les micro-organismes pathogènes pour l'animal sont désormais définis par arrêté du ministre de l'agriculture en fonction des risques qu'ils présentent pour la santé humaine (article 235).

Mais c'est surtout le Chapitre 1er du Titre IV consacré au contrôle sanitaire des animaux et des viandes qui se trouve considérablement modifié.

1°) Tout détenteur d'animaux destinés à l'alimentation est tenu de déclarer son élevage tandis que chaque préfet organise la procédure d'immatriculation.

2°) Tout détenteur doit tenir un registre d'élevage sur lequel sont recensées toutes les données sanitaires des animaux, de même qu'y sont portées toutes interventions du vétérinaire.

3°) Toute ordonnance délivrée par celui-ci doit être conservée.

4°) Tout animal conduit à l'abattoir et dont l'espèce figure sur un arrêté pris par le ministre de l'agriculture doit être accompagné d'une fiche sanitaire.

5°) L'abattage peut être différé si les délais d'attente qu'impose la prise de médicaments vétérinaire n'ont pas été respectés.

6°) Si la fiche sanitaire est manquante et ne peut être présentée dans les 48 heures l'animal est abattu et détruit (article 253).

7°) Toute denrée d'origine animale susceptible de présenter un danger pour la santé publique est, soit détruite sur ordre du vétérinaire inspecteur compétent, soit traitée en conséquence (article 2532) et les vétérinaires libéraux détenteurs d'un mandat sanitaire se voient attributaires de ces pouvoirs au même titre que les vétérinaires inspecteurs (article 253-3).

8°) Interdiction itérative est faite d'introduire sur le territoire national et d'y administrer des stilbènes et tous produits qui leur sont assimilés ainsi que des anabolisants.

9°) Au surplus est interdite la détention et a fortiori la cession de tout animal qui se serait vu administrer une de ces substances (article 254).

10°) Tout irrespect de ces dispositions donne pouvoir aux vétérinaires inspecteurs de faire séquestrer les animaux, de les faire abattre, de mettre sous contrôle tout élevage ayant été en relation avec l'exploitation concernée (article 256).

11°) Tout établissement qui traite de produits destinés à l'alimentation animale présentant des risques pour la santé des animaux doit satisfaire à des conditions sanitaires particulières et justifier de l'origine des produits utilisés (article 255).

12°) L'autorité administrative se voit reconnaître le pouvoir de collecter toute donnée en vue d'études épidémiologiques sur les denrées destinées à l'alimentation humaine auprès des producteurs, distributeurs ou laboratoires agréés pour exercer les contrôles officiels ou les autocontrôles (article 258-1).

13°) La notion de traçabilité se voit introduite conjointement dans le Code rural (article 258-2) et le code de la consommation. Ainsi tout producteur et tout distributeur est-il désormais tenu de suivre les procédures permettant de connaître l'origine de tout produit ou de tout lot conformément aux critères définis par l'autorité administrative pour chaque produit à chaque étape de sa production et de sa commercialisation.

14°) Tout animal, toute denrée dont il apparaît, après le départ de l'établissement d'origine qu'il est susceptible de constituer un danger pour la santé publique peut être consigné ou rappelé (article 2591).

15°) Tout établissement qui, par suite d'un manquement à la réglementation, présente le même danger peut se voir intimer par l'autorité administrative de procéder à toute réalisation de travaux, formation du personnel, renforcement des autocontrôles de même qu'il peut faire l'objet d'une décision préfectorale de fermeture ou d'arrêt de certaines de ses activités.

Ces dispositions législatives sont toutes en voie d'être précisées par des mesures réglementaires qui, soit sont d'ores et déjà élaborées et soumises à l'arbitrage, soit à la veille d'être publiées.

La loi du 9 juillet 1999 comporte également de réelles innovations s'agissant des productions végétales.

C'est ainsi qu'elle prévoit la mise en place d'un important dispositif de surveillance biologique du territoire.

Les agents chargés de la protection des végétaux se voient ainsi confier des pouvoirs de contrôle renforcés sur les végétaux, y compris les semences, les produits antiparasitaires à usage agricole, les matières fertilisantes et les supports de cultures, composés en tout ou partie d'organismes génétiquement modifiés (O.G.M.) disséminés dans l'environnement ou mis sur le marché dans le cadre d'une « biovigilance ». La mise en place de plans de surveillance de ces O.G.M. permettra précisément à ces agents d'observer leurs incidences sur les milieux végétal et animal environnants, puis de prendre les mesures de police nécessaires.

La loi instaure également un comité de « biovigilance » chargé de donner un avis sur les protocoles de suivi de l'apparition éventuelle d'événements défavorables et d'alerter le cas échéant le ministre de l'Agriculture et celui chargé de l'Environnement. Coprésidé par ces derniers, le comité de « biovigilance » est composé, précise la loi, de personnalités compétentes en matière scientifique, d'un député et d'un sénateur membres de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ainsi que de représentants d'associations de protection de l'environnement agréées, d'associations de consommateurs et des groupements professionnels concernés.

L'utilisation des produits antiparasitaires et non plus leur seule mise sur le marché fait quant à elle désormais l'objet d'un contrôle, pouvant conduire à des mesures d'interdiction ou de restriction. Les agents de la protection des végétaux disposeront en outre de pouvoirs de contrôle et de police administrative pouvant conduire à la destruction de produits ou de récoltes.

La loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999 comme celle du 1er juillet 1998 sur la veille sanitaire que l'on a précédemment analysée permet donc de grands progrès dans le domaine de la sécurité sanitaire, tout particulièrement pour les productions animales.

Il est essentiel de noter que les dispositions en question contenues dans les articles 91 à 103 de la loi, soit son Titre IV intitulé « Qualité, identification et sécurité des produits » ont fait l'objet d'un accord très large lors de leur discussion à l'Assemblée nationale ; elles s'inspiraient étroitement, et ce, à l'exception des nouvelles règles sur la surveillance biologique du territoire, d'un dispositif d'ensemble contenu dans un projet de loi élaboré sous la législature précédente par le ministre de l'Agriculture, de la Pêche et de l'Alimentation, M. Philippe Vasseur et dont la dissolution de l'Assemblée nationale puis le changement de majorité intervenu au début de cette XIème législature avaient empêché l'examen.

Il faut observer que plusieurs des textes réglementaires nécessaires à la mise en _uvre de ces dispositions législatives sont à ce jour, intervenus et que la publication de plusieurs décrets en Conseil d'Etat et arrêtés interministériels est envisagée pour les mois d'avril et mai 2000.

Qu'on permette également de rappeler le contenu du contrat territorial d'exploitation (C.T.E.), dont certains experts du ministère de l'Agriculture auditionnés par la commission d'enquête ont souligné l'éventuelle contribution à la politique de sécurité alimentaire.

Les données ci-dessous présentent les grandes lignes du C.T.E. à la lumière des articles que la loi consacre à cette nouvelle technique, à la lumière aussi des dispositions du décret n° 99-874 du 13 octobre 1999, qui en précisent les règles.

· Le contrat territorial d'exploitation (C.T.E.) concerne l'ensemble de l'activité de l'exploitation ; les engagements souscrits par les exploitants comportent une « partie économique et relative à l'emploi » et une « partie territoriale et environnementale ».

· Le C.T.E. doit être compatible avec un « contrat-type départemental » ; un cahier des charges précise, pour chaque action, les moyens devant être mis en _uvre ainsi que la contribution financière versée en contrepartie des engagements pris ; les contrats-types, comme les cahiers des charges, sont arrêtés par les préfets après avis des commissions départementales d'orientation agricole (C.D.O.A.).

· Les exploitants candidats à la signature d'un C.T.E. doivent remplir plusieurs types de conditions : être de nationalité française ou ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ; être âgés de 21 à 56 ans (ou 60 ans, s'ils s'engagent à libérer leur exploitation pour installer un jeune) ; justifier des compétences professionnelles requises pour mener à bien le projet présenté ; être en règle au regard du contrôle des structures et à jour de leurs cotisations sociales.

· Dans leur projet de C.T.E., les exploitants doivent prendre l'engagement de maintenir, pour une durée non inférieure à deux ans, au minimum l'effectif des emplois non salariés de l'exploitation et, le cas échéant, l'effectif des salariés sous contrat de travail à durée indéterminée.

· L'instruction des demandes est réalisée sous l'autorité du préfet qui, après avoir recueilli l'avis de la C.D.O.A., se prononce sur le projet de C.T.E.

· Le financement des C.T.E. résulte de subventions de l'Etat, complétées éventuellement par d'autres concours publics, le paiement en étant effectué par le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (C.N.A.S.E.A.). Les aides agricoles « non directement liées à la production » sont mentionnées dans le C.T.E., ce qui devrait être le cas notamment de la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs (D.J.A.). Les engagements financiers de l'Etat enfin ont vocation à être modulés et plafonnés sur la base de critères économiques de l'exploitation, du nombre d'actifs, de facteurs environnementaux et d'aménagement du territoire.

· Le C.T.E. est établi pour une durée de cinq ans mais peut être prorogé et éventuellement modifié par avenant.

· En cas de non-respect par l'exploitant des engagements souscrits ou encore de fausse déclaration, les aides sont, suivant les cas, suspendues, réduites ou supprimées.

Le mérite essentiel de la loi d'orientation agricole, sera sûrement, selon les mots utilisés par M. Jean Glavany lors de son audition par la commission d'enquête le 1er février 2000, d'avoir aidé à la mutation « qualitative » de notre agriculture, désormais largement préoccupée de préservation de l'environnement et de durabilité.

Elle aura aussi pour autre mérite d'intégrer en son sein de nombreuses dispositions relatives à la sécurité sanitaire de notre alimentation, qui était en attente, faute que la loi préparée par M. Philippe Vasseur ait pu être votée du fait de la dissolution de l'Assemblée nationale.

IV. AMELIORER

Nul doute que les lois de 1998 et de 1999 n'aient conforté une situation qui était déjà favorable.

La commission d'enquête considère toutefois que des améliorations sont encore possibles, notamment celles qui consisteraient à disposer :

1. d'un outil qui permette d'obtenir chaque année la vue la plus objective possible de la filière alimentaire ;

2. d'un texte synthétique et global qui enserre l'ensemble des règles relatives à l'alimentation et restaure, à cette occasion, le Parlement dans la plénitude de ses droits ;

3. d'une organisation administrative qui soit à même de répondre sans délai aux situations de crise ;

4. de normes toujours respectueuses du principe de précaution.

A. disposer d'un outil qui permette d'obtenir, chaque année,

la vue la plus objective possible de la filière alimentaire

Les moyens existent : ce sont ceux que nous offrent les contrôles effectués par les services officiels.

De ce point de vue, la filière agroalimentaire française ne manque pas d'être contrôlée.

Elle connaît d'abord les contrôles des services nationaux.

Ils sont, on le sait, multiples quoique d'importance variable :

- les contrôles fiscaux,

- ceux des douanes pour les produits importés, encore que le rôle de la douane, comme les moyens qui lui sont attribués, vont diminuant puisque les échanges qui s'effectuent entre les pays de l'Union européenne sont considérées - sauf mesures de sauvegarde comme des échanges domestiques ;

- ceux de la direction générale de l'alimentation au sein du ministère de l'Agriculture, relayée par les directions des services vétérinaires,

- ceux de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes au sein du ministère de l'économie et des finances.

Les pouvoirs de contrôle de chaque administration sont dûment actés dans chacun des codes correspondant : Code général des impôts, Code des douanes, Code rural, Code de la consommation.

Leurs résultats, par contre, sont fort peu connus, hors des administrations qui en assument la responsabilité.

Il n'existe en tout cas aucun document de synthèse, hors les plaquettes « grand public » fort bien faites que certaines administrations font paraître, mais que la commission juge insuffisantes pour assurer une information exhaustive et harmonisée de l'action de l'Etat.

On remarquera d'abord que les directions départementales des services vétérinaires n'établissent pas de rapport d'activités annuel mais assurent l'intégration « en continu » sur un site central des informations qu'elles recueillent au profit de la direction générale de l'alimentation, à charge pour celle-ci de faire paraître chaque année un bilan synthétique.

Le dernier qui se trouve disponible, établi sur la base des activités de l'année 1998, a été publié en juin 1999.

      Ceux qui regretteraient cette publication tardive, pourront néanmoins trouver dans ce document des compléments fort utiles à leur information.

C'est ainsi qu'on y apprend que la France compte 60 000 sites justiciables de la législation relative aux établissements classés, que, sur ces 60 000, 25 000 (soit près de 42  %) sont des élevages, et 10 000 (soit près de 17  %) des entreprises agroalimentaires (ainsi près de 60  % des établissements classés sont-ils à vocation agricole ou alimentaire, pourcentage qui donne la mesure de la surveillance que les services du ministère de l'Agriculture doivent accomplir), parmi lesquels figurent 345 abattoirs dont 293 sont agréés au titre de la Communauté européenne ; soit 85  %, pourcentage qui confirme ceux déjà communiqués par la profession.

      La France compte, de même, un certain nombre d'ateliers agréés, c'est-à-dire de locaux où sont préparés des produits constitués à partir de la chair des animaux ou de produits issus d'animaux vivants (ainsi des produits laitiers ou des _ufs) et qui à ce titre sont couverts par une réglementation vétérinaire spécifique, notamment les établissements agréés de produits laitiers.

      Elle compte encore nombre de cuisines à caractère social soumises à des contrôles, semble-t-il, identiques.

      Elle compte encore des contrôles dans le cadre des dépistages que suscitent les campagnes de prophylaxie, ou lors de contrôles effectués sur les marchés ou bien encore lors du transport des animaux.

Soucieuse, au surplus, de protéger le consommateur contre les dysfonctionnements de sa chaîne alimentaire, la France entend se prémunir également des dangers susceptibles de provenir de l'extérieur de ses frontières.

      Elle y parvient pour les pays qui ne sont pas membres de l'Union Européenne en exigeant que leurs exportations vers notre pays passent par :

      - les 27 postes d'inspection frontaliers vétérinaires destinés à vérifier les produits d'origine animale,

      - et les 40 postes d'inspection frontaliers phytosanitaires.

      Mais elle n'est pas sans prendre non plus ses précautions à l'égard des pays de l'Union Européenne dans le cadre des contrôles à destination, c'est-à-dire des contrôles qu'elles se réservent de conduire aux lieux où sont effectués les premiers déchargements de produits venant de nos partenaires de l'Union.

      Il est vrai, a contrario, que l'Etat entend protéger ceux qui font confiance à ses producteurs et c'est ainsi que les 12 000 entreprises autorisées à commercialiser dans l'Union Européenne des produits végétaux tels qu'agrumes, plants de fruitiers à pépins, plants de fruitiers à noyaux, plants de houblon etc. (il faut donc, nonobstant les règles du libre-échange des autorisations pour faire acte de commerce !) soient titulaires d'un passeport phytosanitaire, ce qui n'exclut pas des supercontrôles chez les producteurs soumis à des contrôles de « deuxième niveau » tels que les producteurs de fraises, de plants de vignes ou de plants de pommes de terre...

      Il n'en reste pas moins que ces chiffres abondamment cités laissent transparaître diverses imprécisions dont les tableaux ci-dessous donnent quelques exemples.

    Nombre d'ateliers agréés

    Non précisé

    Nombre d'inspections au sein des ateliers

    50 964

     % d'ateliers inspectés

    Impossible à déterminer

    Nombre d'établissements agréés au titre des produits laitiers

    Non précisé

    Nombre de prélèvements effectués

    15 191

     % de prélèvements par rapport au nombre des établissements

    Impossible à déterminer

    Nombre de prélèvements non conformes aux critères microbiologiques réglementaires

    1 523

     % de prélèvements non conformes par rapport au nombre total de prélèvements

    10  %

    Nombre de « lieux à destination »

    Non précisé

    Nombre de contrôles effectués

    18 935

     % des contrôles

    par rapport au nombre de lieux

    Impossible à déterminer

    Tonnage des denrées inspectées au cours des contrôles de toutes natures

    Non précisé

    Tonnage saisi

    731 317 tonnes

     % du tonnage saisi par rapport au tonnage inspecté

    Impossible à déterminer

    Nombre d'établissements inspectés

    Non précisé

    Nombre d'établissements fermés

    333

     % d'établissements fermés par rapport aux établissements inspectés

    Impossible à déterminer

    Nombre total d'opérations conduites (A)

    5 788 181

    Nombre de procédures administratives (B)

    28 073

    B / A en  %

    0 ,5

    Nombre de procédures pénales engagées (C)

    1 697

    C / A en  %

    0,03

    Nombre d'inspections visant à protéger les animaux de rente hors transports (A)

    15 566

    Nombre d'inspections en cours de transport (B)

    7 523

    A + B = C

    23 089

    Nombre de procédures administratives (D)

    1 825

    D / C en  %

    7,9

    Nombre de procédures pénales engagées (E)

    281

    E / C en  %

    1,2

    Nul doute pourtant que les contrôles accomplis ne représentent une tâche considérable, malgré des moyens comptés au plus juste, mais leur restitution aboutit à une image trop floue qui n'est pas au niveau qui serait souhaitable.

    S'agissant de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, la commission a obtenu la communication de documents plus confidentiels : les rapports d'activités pour l'année 1998 de dix départements choisis de façon aléatoire.

    La commission s'est employée, pour chacun de ces dix départements, à faire le partage entre les actes qui semblaient porter atteinte à la sécurité des personnes, ceux qui résultaient de fraudes sans incidence sur la santé publique et ceux qui, au contraire, constituaient la manifestation d'une volonté des acteurs économiques d'améliorer la fiabilité des produits offerts au public.

    Les résultats auxquels aboutissent les tableaux ci-dessous sont encourageants dans la mesure où :

        1. les actes susceptibles de porter atteinte à la sécurité sont en définitive assez peu nombreux,

        2. les fraudes inévitables sont bien décelées par les services compétents,

        3. les actes visant à l'amélioration de la fiabilité des produits s'avèrent suffisamment nombreux pour démontrer combien les acteurs de la filière alimentaire sont conscients de leur responsabilité.

    Toutefois, on ne manquera pas d'être frappé par l'hétérogénéité que caractérisent à la fois le nombre d'actions conduites dans chaque département et la nature des actes, favorables ou défavorables à la sécurité alimentaire qui sont décelés.

    Les résultats des contrôles de la Direction Générale de la Consommation, de la Concurrence et de la Répression des fraudes dans dix départements choisis de façon aléatoire durant l'exercice 1998 sous forme de statistiques d'ensemble

Contrôles portant sur la qualité des produits

Contrôles sur la sécurité


Département

Population du
département

Nombre d'actions

Nombre de rappels à règlement


Nombre d'infractions

Anomalies
en %

Contrôles en entreprises

Dont agro-alimentaires

Nombre d'actions

Nombre de rappels à règlement

Nombre d'infractions

Anomalies
en %

N° 1

514 700

2 692

321

51

13,8

126

74

1 973

395

45

22,3

N° 2

120 000

659

17

29

7

23

23

1 503

65

16

5,4

N° 3

896 000

4 538

248

126

8,3

89

55

5 184

245

201

8,6

N° 4

305 200

2 729

202

73

10,1

211

197

1 546

255

103

23,1

N° 5

630 800

1 719

309

66

21,8

116

43

1 939

362

97

23,7

N° 6

205 800

3 212

123

41

5,1

146

107

1 145

83

8

8

N° 7

500 700

6 511

280

145

6,5

371

334

1 733

74

16

5,2

N° 8

333 100

1 376

28

16

3,2

78

51

792

16

4

2,5

N° 9

1 575 200

4 199

115

69

4,4

414

259

2 798

97

93

6,8

N° 10

541 300

2 238

161

80

10,8

201

152

1 116

93

13

9,5

Le résultat des contrôles de la Direction Générale de la Consommation, de la Concurrence et de la répression des fraudes dans dix départements choisis de façon aléatoire durant l'exercice 1998 sous une forme descriptive

Infractions ayant pu avoir une incidence sur la sécurité des consommateurs

Infractions n'ayant pu avoir d'incidences sur la sécurité des consommateurs

Initiatives des entreprises et de l'administration favorables au renforcement de la sécurité des consommateurs

Premier département

Contrôle sur les viandes

- congélation illicite de 273 produits, soit 340 kg. de viande à base de canard dont certains avec des D.L.C. datant de 1995 ; découverte effectuée au début de quatre journées portes ouvertes chez le professionnel

- des catégories d'animaux vendus par un opérateur, notamment à l'export, ne correspondaient pas dans 25 % des cas aux lots mentionnés sur les factures.

Cette fraude, détectée grâce à la mise en place de la traçabilité, a donné lieu à contentieux

- une enquête sur les cahiers des charges établi par le groupement d'achat des établissements scolaires a fait apparaître la large marge de man_uvre laissée au fournisseur quant à la qualité des viandes livrées tandis que le classement des carcasses n'est pas toujours respecté

- une enquête conduite dans des élevages de volailles fait apparaître que la livraison de produits médicamenteux qui ne peut être délivrés que sur ordonnance d'un vétérinaire font l'objet d'une ordonnance établie par un vétérinaire attaché à la firme sans que celui-ci ait connaissance de l'élevage. Toutes les parties concernées font l'objet d'une procédure contentieuse

- une enquête a mis en évidence l'utilisation par un opérateur de colles synthétiques pour l'enrobage des saucissons inadaptées au contact des aliments. Le fournisseur a proposé un produit de substitution.

- de même des anomalies concernant l'hygiène sont constatées à l'occasion de diverses foires ou salons

- Tous les abattoirs et tous les ateliers travaillant de la viande bovine ont tous fait l'objet d'au moins un contrôle

- La traçabilité a été mise en place dans tous les sites quoiqu'elle soit moins précise sur les découpes qui regroupent toujours plusieurs animaux que sur les carcasses

- La publication du règlement CEE sur les OGM a pour incidence que les charcutiers et préparateurs de plats abandonnent le soja ou le maïs au profit de l'amidon de pomme de terre ou riz ou les protéines de blé

- Aucune anomalie n'a été constatée à l'occasion de l'enquête sur la teneur en nitrates et nitrites des produits de charcuterie

Contrôle sur les végétaux

 

- le contrôle sur la radioactivité des champignons venus de l'Est fait apparaître la nécessité d'investigations plus ciblées et d'une amélioration des procédures de crise

- des divergences de position entre la D.G.C.C.R.F et la D.G.S concernant les plantes susceptibles de servir d'additifs du fait d'une absence de réglementation spécifique et d'information sur les décisions du C.S.H.P.F.

Les opérateurs, tous engagés dans des démarches qualité, :

- exigent de leurs fournisseurs des qualités supérieures aux normes, une meilleure maîtrise des pratiques culturales (traçabilité des traitements),

 - font pratiquer pour certains des analyses régulières portant sur les nitrates, les bromes et dithiocarbamates (quoique les analyses complètes des résidus demeurent exceptionnelles).

- les exigences de la grande distribution sont si grandes qu'elles font perdre toute valeur aux conventions passées avec les professionnels

Divers

 

- les boulangers n'ont pas connaissance de l'interdiction de congeler le pain .

- cinq dossiers contentieux sont en cours concernant les vins.

 

Deuxième département

Contrôle sur les Végétaux

   

- contrôle renforcé sur des pommes destinées à l'exportation

Divers

   

les contrôles sur les vins n'appellent pas d'observations particulières

Troisième Département

Contrôle sur les viandes

 

 - établissement de 6 procès-verbaux (sur 182 établissements inspectés) concernés pour des ventes de viande importée.

 - 21 rappels de réglementation. une tromperie sur de la viande attendrie.

 - moyens conséquents engagés par la grande distribution afin d'assurer des analyses micro-biologiques régulières, des hygénioscopies par laboratoires spécialisés etc.

- meilleur respect de l'accord interprofessionnel INTERBEV

Contrôle sur les fruits et légumes

 

 - faiblesse des suites judiciaires réservées à de précédents dossiers pour tromperie ou publicité mensongère

 - 2 procès-verbaux à la suite de 57 contrôles sur les ventes au bord des routes (fausses allégations et qualité non conforme)

 - problèmes posés par l'entrée d'huile d'olive venant d'un pays membre de l'Union Européenne non conforme au règlement communautaire

- absence généralisée de problèmes d'ordre qualitatif.

- très nette amélioration de la qualité dans les grandes surfaces.

- 40 contrôles de détaillants dans les stations balnéaires n'ont amené aucune remarque particulière

Contrôle sur les vins (cas spécifique d'un département produisant de nombreux vins de table)

 

Vérification des vins d'appellation d'origine : divers actes contentieux dont un pour usurpation d'appellation d'origine et tromperie.

Suivi de filières de produits _nologiques :

-utilisation importante d'acide sulfurique : actions contentieuses contre 4 vendeurs et 2 utilisateurs

 -marché important de produits phytopharmaceutiques destiné au traitement des vignes et provenant d'un pays frontalier ; dossier transmis au parquet.

- Contrôle général d'un vignoble : sur 12 entreprises, 2 ont présenté des anomalies rendant nécessaire un rappel à réglementation et des investigations complémentaires.

- Enquête sur des vins piqués : acidité volatile supérieure à la normale dans 4 coopératives.

- Filières sucres :  - 2 cas d'utilisation irrégulière de 3,5 tonnes de sucre (chaptalisation)

- vente irrégulière de 12 tonnes de sucre par un supermarché.

- Contrôle des aides f.e.o.g.a. : 22 % de non conformité sur 70 contrôles

Au total :

24 rappels à réglementation,

6 procès-verbaux de délit,

3 procès-verbaux de contravention,

2 rapports au parquet.

 

Contrôles sur les produits de la mer (cas spécifique d'un département maritime)

destruction chez un grossiste, dans le cadre d'une opération conduite avec la D.S.V., de 5500 kg. de bulots illicitement congelés et ne comportant aucune date.

- 2 prélèvements non conformes concernant des poissons ont étayé des dossiers contentieux.

- Etablissement d'un procès-verbal pour vente de coquillages sans étiquette de salubrité.

 de même 4 procès-verbaux ont été établis à l'encontre de mareyeurs concernant le libellé de documents commerciaux.

4 procédures contentieuses relatives aux produits de la mer ont été engagées à la suite de 28 contrôles dans les grandes surfaces.

 - les algues prélevées sont conformes aux normes radioactives

Contrôles sur les restaurants (cas spécifique d'un département touristique)

- Irrespect de la réglementation sur les températures de conservation des aliments par de nombreux établissements spécialisés dans la vente à emporter.

- (au surplus parmi les nombreux manquements aux règles d'hygiène figurant dans la colonne centrale, il en est vraisemblablement un certain nombre qui ont mis en cause la sécurité)

- Verbalisation de 4 restaurants haut de gamme pour non-respect des règles d'hygiène ayant entraîné d'importants travaux de remise à niveau.

- 29,5 % des restaurants de niveau inférieur contrôlés ont été verbalisés pour manquement aux règles d'hygiène.

- Etablissement de 7 procès-verbaux contre des traiteurs pour les mêmes raisons.

- Nombreuses infractions pour dénomination susceptible d'induire les clients en erreur et pour indisponibilité des prestations offertes.

- taux infractionnel plus faible chez les débits de boissons (4,7 %).

 

Produits alimentaires divers

- destruction de 850 kg. de denrées impropres à la consommation et fermeture de «  établissements de détail à l'occasion des opérations vacances et fins d'année.

- infractions en matière d'hygiène, de DLC non respectées

- des prélèvements à échantillons multiples ont entraîné 4 procès-verbaux pour dépassement de doses autorisées ou utilisation de produits interdits

- un dossier de tromperie sur le miel

- mise en demeure adressée à une pâtisserie d'effectuer des travaux de mise à niveau

1 procès-verbal pour fausses dénominations à l'étal à la suite de 104 inspections dans des établissements traditionnels

- respect des nouvelles dispositions par les boulangeries

Produits phytosanitaires

 

- nombreux avertissements dressés suite au recensement effectué, en relation avec le service régional de protection des végétaux, des vendeurs de produits antiparasitaires.

- Verbalisation d'un fabricant d'insecticide pour tromperie sur les qualités substantielles

 

Quatrième département

Divers

 

- Apposition par un confectionneur de préemballage d'oignons d'une indication de terroir ne correspondant pas à l'origine effective.

- Absence de registres d'auto-contrôle correctement formalisé.

- Le cahier des charges mentionnés en colonne de droite a conduit à fixer des prix de vente communs à toute l'interprofession, ce qui constitue une pratique anti-concurrentielle justifiant une observation.

- 1 infraction a été relevée pour l'emploi du terme « naturel » au profit de tomates hors sol.

- la mise en place généralisée des procédures de maîtrise (nonobstant les insuffisances au niveau des registres, cf. colonne centrale) conduit :

 - à une plus grande qualité des produits au regard notamment de la conduite des cultures et de résidus de pesticides

- à une amélioration de la dénomination des produits sur les documents commerciaux et à leur identification.

- Les exigences de la grande distribution renforcent les effets des procédures de maîtrise du cycle productif.

 

- De même constate-t-on des allégations sur des valeurs nutritionnelles non conformes aux exigences réglementaires.

- au niveau de la GMS, infractions fréquentes des pancartes informatives et des dépliants qui annoncent des indications d'origine, des variétés ou des prix qui ne correspondent pas à la réalité

- très grande faiblesse des cas de non conformité (8 cas au total dont 7 concernent les fraises ce qui a conduit les professionnels à organiser une interprofession et à élaborer un cahier des charges).

Contrôle sur les produits phytosanitaires

 

 - sur 12 prélèvements de fraises et 7 de tomates venant de deux pays étrangers, dont l'un membre de l'Union Européenne, 6 contenaient des résidus de tétradifon non autorisé en France.

 - de même un lot de céleris provenant de ce dernier pays contenait des résidus d'un pesticide prohibé : le chlorothalonil.

 - un produit phytosanitaire vendu en GMS s'est révélé doté d'un doseur inadapté aux consignes du fabricant. Un dossier pour tromperie a été constitué.

- la teneur en ochratoxine de fruits séchés importés : aucune contamination n'a été constatée

 

- les actions spécifiques sur des fruits secs ou séchés ont révélé : -au niveau des hydrocarbures aromatiques polycycliques : 4 échantillons sur 10 ont été déclarés à suivre pour teneurs en H.A.P. toxiques supérieures à µg/kg ;- au niveau des teneurs en métaux : 3 échantillons de pruneaux sur 26 ont été déclarés non conformes pour teneur élevée en plomb ; 

au niveau de la teneur en sulfites : 1 échantillon sur cinq d'abricots secs venant d'un pays d'Asie mineure s'est révélé non conforme ;- au niveau de la contamination des pistaches par des aflatoxines : 1 lot sur 8 échantillons (7 d'Asie, 1 d'Amérique du Nord a été déclaré impropre, saisi, et a donné lieu à poursuite (l'importateur ayant démontré que 1 sous/lot n'était pas atteint, a obtenu le retour des autres lots vers les pays d'origine et un non-lieu) au niveau des bois importés afin de conditionner les fruits : la plupart des planchettes se sont révélées non conformes dont 4 faiblement et à la suite d'une contamination accidentelle ; un rappel à règlement a été signifié.

 

Contrôles sur les vins

   

- mise en place des contrôles de traçabilité des vins de châteaux

Contrôles sur la restauration

- sur 182 établissements contrôlés, 29 ont donné lieu à procès-verbaux dont 80 % pour congélation de denrées animales dans des conditions illicites aboutissant à la destruction de 200 kg. de produits

outre les 29 procès verbaux mentionnés dans la colonne de gauche, 47 rappels de réglementation ont été adressés

 

Cinquième département

Contrôles sur les viandes

 

- utilisation comme complément alimentaire de gélatine provenant du Royaume-Uni.

- Nécessité de vérifier l'origine de la gélatine servant à la fabrication de gélules utilisées par un important laboratoire pharmaceutique.

- Conflit entre un organisme certificateur et un professionnel de la salaison à propos duquel les services de l'Etat se sont déclarés incompétents dès lors qu'aucune tromperie n'était en cause.

 - Effort particulier afin d'assurer la fiabilité des procédures de traçabilité dans le domaine des viandes fraîches et de la salaison comme dans les autres domaines.

 - Effort, en relation avec la D.S.V., pour développer l'auto-contrôle et la formation aux bonnes pratiques d'hygiène.

 - forte incidence sur la vente des jambons et saucissons du recours aux signes de qualité

Contrôle sur les fruits et légumes

 

- utilisation abusive, par des producteurs de poires non labellisées mais en situation de surproduction, de mentions rappelant celles des espèces labellisées dans l'espoir de résorber les surplus

 - insuffisance de signes différents au niveau de l'étiquetage de la part d'un producteur se livrant conjointement à des productions biologiques et à des productions non biologiques

 

Contrôle divers
(cas particulier d'un pays de montagne)

 

- l'image « montagne » très valorisante peut donner lieu à une utilisation insuffisamment rigoureuse des signes de qualité

- succès des signes de qualité, notamment pour les fromages mais qui peut aller jusqu'aux poissons des lacs

- publication des guides de bonne pratique en liaison avec le Centre local d'action Qualité et formation des personnels

Contrôles sur les vins

 

- étiquetage de nature à induire en erreur sur l'origine de certains vins

- condamnation d'un producteur pour utilisation abusive d'une AOC

- très grand nombre d'anomalies sur les cartes des restaurants (origine, millésimes, indisponibilité)

 

Sixième département

Contrôle sur les viandes

Condamnation d'une entreprise à une amende de 20000F pour réemballage de viande 2 jours après la date limite de consommation

- Vente par un boucher-charcutier de magrets de canard dépourvus de tout étiquetage et ayant subi une opération de congélation/décongélation.

- Verbalisation d'un supermarché pour publicité de nature à induire le consommateur sur l'origine et la qualité de la viande ;

- Vigilance des bouchers à l'égard de l'E.S.B., aucune présence de viandes britanniques ou portugaises.

- Approvisionnement local.

Contrôle sur les fruits et légumes

 

 - un seul dossier contentieux pour tromperie (francisation de produits importés) ;

 - une seule condamnation pour auto-contrôles ;

 - condamnation pour tromperie d'un président de coopérative conventionnée dont 52 % des colis de raisins étaient non conformes ;

- les acheteurs de la grande distribution sont de plus en plus exigeants sur la qualité, l'hygiène, l'emballage et la logistique ;

- les produits importés (Argentine, Mexique, Hongrie, Chine, Roumanie ne présentent aucun défaut ;

- apparition d'espace « bio » dans les hypermarchés ;

Divers

   

-  - Le tribunal sanctionne régulièrement fortement toutes les infractions en matière d'hygiène

Septième département

Contrôles sur les viandes

   

- La traçabilité est toujours possible et satisfaisante

Tous les magasins de distribution visités pratiquent des autocontrôles

Contrôle sur les Végétaux

   

-  - Des résidus d'hydrocarbures benzèniques ayant été trouvé dans de l'huile d'olive, il a été procédé à un contrôle exhaustif des moulins du département

 

- Vins

-  - Croissance exponentielle des mentions valorisantes contraires à la réglementation, les consommateurs ont droit à un étiquetage sincère et loyal

 
 
   

- - Contrôle des produits à l'importation :
555 attestations pour 14 209 tonnes
Produits du Maroc de qualité excellente

Huitième département

 
   


 - Le gel a détruit 75% de la production de pommes de terre et 75 % de la production des cerises.
Aucune remarque à formuler sur la qualité et la conformité des produits

- Radioactivité : pas d'anomalies
Pesticides : aucune anomalie

Divers

   

-
 - En matière de sécurité l'activité a diminué de 9,7%
 - 352 actions ; - 30% dans le domaine de l'alimentaire

    Neuvième département

Contrôles sur la restauration rapide et pâtisserie

- Prélèvements bactériologiques :
25,7% non conformes

   
 

Divers

 
   


 - Une action a été engagée dans le secteur des compléments alimentaires, produits diététiques, substituts de repas et produits issus de l'agriculture biologique, secteurs en développement constant car issus d'une demande forte de la part des consommateurs à la recherche de produits supposés agir de façon positive sur la santé.


 - La tendance dominante est le développement de produits nouveaux additionnés d'ingrédients divers et variés issus le plus souvent de plantes exotiques pour lesquelles aucune étude ou dossier déposé ne permet de garantir leur innocuité.

Dixième département

Contrôles sur les viandes

   


La filière a été suivie de façon permanente pendant l'année :

- 152 visites d'entreprises
14 prélèvements
8 rappels à la réglementation
2 procès-verbaux pour tromperie

- 2 infractions relevées pour présence de polyphosphates dans des jambons de qualité « supérieure »

Contrôle sur les fruits et légumes

   


En 1998, 85 visites d'entreprises ont été effectuées

- 11 procès verbaux et 7 rappels à la réglementation pour la sécurité au stade de la vente au consommateur

Contrôle sur les produits de la mer

 


Pas d'infraction
Bonne application de la réglementation « appellation Saint Jacques »

Lait

 


Aucun fait marquant

_ufs

 


Filière ovoproduits : taux d'infraction à l'étiquetage élevé

O.G.M.

 


 - Les centrales d'achat exigent des produits sans OGM, et l'annoncent, elles incitent le secteur de la production à exclure ces graines de la fabrication en l'absence d'une traçabilité incontestable

 

-  - La plupart des marchés ne répondent pas aux normes d'hygiène prévues par l'arrêté du 9 mai 1995.
Les collectivités doivent aménager les aires de marché :

- Prises de courant, branchements d'eau potable, évacuation des eaux usées.

 

      Les contrôles communautaires
      de l'Office Alimentaire et Vétérinaire de Dublin

    Il est vrai que s'ajoutent désormais aux contrôles des services nationaux, ceux des instances communautaires, contrôles a priori bien venus en ce qu'ils permettent de surveiller au plus près des Etats qui pourraient être moins rigoureux ; bien venus aussi puisque l'Union Européenne a obtenu que ces contrôles soient conduits sur la planète entière, partout où les pays européens peuvent être clients.

Notons, à cet égard, la puissance de l'Union Européenne et posons cette question : quel membre de l'Union, agissant seul, obtiendrait des Etats-Unis comme de la plus modeste Roumanie de conduire de telles investigations selon un rythme que le tableau ci-dessous vient attester ?

      Programme des inspections

      de l'Office Alimentaire et Vétérinaire de l'Union Européenne.

      au sein des pays tiers, pour le premier semestre 2000

Pays

Objet des inspections

Afrique du Sud

Plats préparés

Albanie

Santé animale

Angola

Produits de la pêche

Argentine

Produits et préparations à base de viande

Lait et produits laitiers

Structures des exploitations

Recherche des résidus

Antilles néerlandaises

Produits de la mer

Australie

Viandes fraîches

Recherche des résidus

Belize

Produits de la pêche

Botswana

(programme conjoint avec

le Zimbabwe et la Swaziland)

Santé animale

Bulgarie

Recherche de résidus

Contrôle des laboratoires

Cameroun

Produits de la pêche

Canada

Viandes fraîches

Recherche des résidus

Chili

Santé animale

Recherche des résidus

Chypre

Santé animale

Lait et produits laitiers

Costa Rica

Produits de la pêche

Egypte

Plantes médicinales

Pommes de terre

Etats-Unis

Viandes fraîches (audit des implants)

Plantes médicinales

Produits de la pêche

Recherche des résidus

France

Nouvelle Calédonie

Produits de la mer

Gabon

Produits de la pêche

Groenland

Mollusques bivalves

Honduras

Produits de la pêche

Hongrie

Viandes fraîches

Produits et préparations à base de viande

Production de volailles

Recherche de résidus

Iles Féroé

Mollusques bivalves

Iles Saint-Vincent et Grenades

Produits de la pêche

Iles Salomon

Produits de la pêche

Kazakhstan

Produits de la pêche

Laos

Santé animale

Liban

Santé animale

Conditions de transport

Malte

Produits de la mer

Mozambique

Produits de la mer

Nicaragua

Produits de la mer

Norvège

non défini

Pologne

Plats préparés

Produits et préparations à base de viande

République Slovaque

Plats préparés

Plantes médicinales

République Tchèque

Plats préparés

Lait et produits laitiers

Russie

Recherche de résidus

Singapour

Lait et produits laitiers

Slovénie

Recherche de résidus

Suisse

Viandes fraîches

Swaziland

en liaison avec le Zimbabwe et le Botswana

Santé animale

Taiwan

Santé animale

Produits divers

Tunisie

 

Turquie

Lait et produits laitiers

Ukraine

Etude de la contamination radioactive

Uruguay

Plats préparés

Lait et produits laitiers

Santé animale

Zimbabwe

Plats préparés

Santé animale (en coopération avec le Botswana et le Swaziland)

Pour autant, quel membre de la commission d'enquête avait-il entendu parler de l'Office Alimentaire et Vétérinaire avant l'ouverture des travaux de la commission puisque cet Office ne résulte d'aucun texte sinon d'une décision prise par la commission Santer et rendue publique au travers d'un simple communiqué de presse ?

      Et comment la commission d'enquête en a-t-elle entendu parler sinon par une ou deux allusions de la Direction générale de l'alimentation alors même que l'O.A.V. vient brutalement prendre la France en défaut, ébranlant toutes nos certitudes :

      - celles qui nous persuadent que, dans le domaine alimentaire, nous ne pouvons être que les meilleurs,

      - celles qui nous conduisent à considérer que nous disposons de la filière la plus sûre parce que la plus prestigieuse,

      - celles qui nous portent à estimer que parce que nous cultivons l'art du bien manger notre filière alimentaire apporte une totale sécurité à tous les Français.

      En tout cas, cet organisme qui ne dispose, pour l'instant, d'aucune base juridique solide s'est déjà constitué un corps d'inspecteurs communautaires et entend s'affirmer comme un des régulateurs de l'Union Européenne :

      - par le nombre des ses agents,

      - par celui de ses inspections,

      - par ses pouvoirs de contrôle qui apparaissent sans limite,

      - par sa procédure à la fois inquisitoriale et contradictoire dans la mesure où l'on reconnaît du moins aux Etats le droit de répondre

      - enfin par ses rapports d'une extrême et sans doute bienfaisante sévérité (du moins s'ils s'avèrent toujours aussi fiables qu'équitables).

      Mais le Parlement français peut-il en avoir communication ?

      Comment, s'étonnent certains experts ? Les rapports de l'O.A.V.? Vous n'en disposez pas ? Pourtant, ils sont sur Internet !

      Hélas ! Le jour choisi, le site est inaccessible car en cours de réaménagement.

      Qu'à cela ne tienne, mille interlocuteurs se pressent pour vous faire des photocopies.

      Mais êtes vous si sûr d'en avoir besoin ?

      Car le dernier rapport n'a parait-il guère d'intérêt !

      Quant à photocopier tous ceux qui précédent, vous n'y songez pas ! Qui ne connaît la prolixité des instances communautaires ?

      S'adresser à l'O.A.V. elle-même ! Comment ? L'Assemblée nationale de la République française a créé une commission d'enquête sur la transparence et la sécurité de la filière alimentaire en France ! Elle s'intéresse à nos travaux ! Eh bien ! Qu'elle fasse comme tout le monde : qu'elle aille sur Internet lui répond-on tout de go à l'occasion de trois appels téléphoniques à Dublin.

      Qu'au surplus, la commission d'enquête ose s'étonner qu'en dehors des rapports d'inspection concernant son propre pays, tous les autres rapports soient établis en anglais, sinon en allemand ? Eh bien ! Qu'elle fasse comme tout le monde : qu'elle apprenne la langue de Shakespeare, sinon celle de Goethe. Quant à celle de Voltaire, n'a-t-elle point eu jadis son heure de gloire ?

      Ah ! Il n'est pas simple, pour un modeste rapporteur d'une commission d'enquête d'envergure hexagonale, de tenter de se hisser quelques instants au niveau des instances européennes.

Aussi bien, mettons-nous donc sans tarder à la tâche grâce à la triple obligeance.

      1. de la Représentation permanente de la France auprès de la Commission de l'Union européenne poste avancé du Comité interministériel pour les Questions de Coopération Economique Européenne sis à Paris auprès du Premier ministre,

      2. de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes qui dépend depuis toujours du puissant Ministère de l'Economie des Finances et de l'Industrie

      3. de la Direction Générale de l'Alimentation qui dépend du puissant, mais sans doute un peu moins, Ministère de l'Agriculture et de la Pêche.

      Nous voici donc en possession d'une modeste mais significative moisson.

      Voici même des rapports sur des pays qui ne font pas partie de l'Union Européenne mais dont les intérêts commerciaux les incitent à se soumettre aux investigations d'une organisation internationale pour ne pas dire d'un Etat confédéral en gestation.

      Ils sont fort peu nombreux en vérité ceux dont la commission d'enquête a pu disposer :

      - un rapport sur l'utilisation des hormones aux Etats-Unis,

      - un autre sur la Pologne,

      - deux sur la Roumanie.

      Quant à l'Union Européenne, notre collection se limite à une poignée de rapports dont un, notons l'exception, en français qui prend acte des efforts accomplis par la Belgique à la suite de la crise de la Dioxine.

      Non que, pour la France, tous les rapports de l'O.A.V. soient systématiquement critiques.

      Il suffit de citer celui issu de la mission effectuée du 25 au 29 janvier 1999 relative à l'éradication de la Brucella Melitensis par lequel l'équipe des experts affirme avoir « été impressionnée par la détermination et l'efficacité du service vétérinaire français dans la conduite des opérations d'éradication. »

      Il suffit de citer de même le rapport sur l'application même si elle n'est pas encore transcrite en droit français de la directive 96/22/CE concernant l'interdiction de certaines substances à effet hormonal ou thyréostatique et des substances Bêta-agonistes.

      Il est vrai que l'Office trouve matière à faire quelques réprimandes : retard de la transcription de la directive en droit national, retard dans l'envoi du plan annuel de référence qui dénonce une insuffisance en personnels, absence d'harmonisation des sacs de prélèvements des échantillons et risque de confusion en résultant, absence de registres au niveau des exploitations des animaux ayant subi un traitement médicamenteux, absence de coordination des laboratoires publics à l'échelon national.

      Mais les satisfactions l'emportent du fait de la mise en _uvre « convenable » des directives de la Direction Générale de l'Alimentation la D.G.A.L., du contrôle « correct » de la distribution des médicaments vétérinaires, de la création de la Brigade nationale d'enquêtes vétérinaires, de la densité du réseau des laboratoires publics.

      Surtout les traces de résidus sont faibles tant en ce qui concerne les médicaments vétérinaires et les contaminants que les activateurs de croissance :

      aucune trace en 1997 de nitrofurants, de tranquillisants, d'ivermectine, de plomb (dans les muscles), faible dose de pesticide, même si les doses sont un peu plus fortes pour les antibiotiques ou les sulfamides,

      extrême faiblesse du nombre des animaux trouvés porteurs d'activateurs de croissance.

      Mais, pour le reste, combien les conclusions sont négatives !

      1°) la France gère mal ses postes d'inspection frontaliers ainsi que le prouve le rapport de mission de l'O.A.V. du 2 au 5 juin 1998

      Sans doute, le rapport d'inspection des postes frontaliers, qui s'est déroulée du 2 au 5 février 1998, donne d'un de ses postes d'inspection frontaliers une image plutôt satisfaisante : le personnel vétérinaire est en nombre suffisant, bien au fait de la législation communautaire ; les infrastructures comme les installations des centres d'inspection, sont satisfaisantes de même que l'équipement et la documentation ; l'enregistrement des contrôles sur support informatique permet une manipulation aisée de toutes les données utiles et. s'agissant de la procédure, des améliorations incontestables ont eu lieu même si des déficiences ont encore été mises en évidence.

      Mais avec le poste d'inspection frontalier qui suit, les choses se gâtent.

      Le personnel vétérinaire doit être mieux informé des procédures communautaires et les mettre en application. Les infrastructures doivent bénéficier d'une maintenance et d'un entretien améliorés. Les tables d'examen doivent être complètes et/ou se trouver sur place à l'aéroport. La documentation doit être complète et mise à jour tant au port qu'à l'aéroport. Et si l'enregistrement des contrôles est satisfaisant, la procédure a conduit à constater toute une série de déficiences :

      à l'aéroport où le personnel vétérinaire n'a pas accès au « manifeste » des avions, n'est pas informé du traitement des déchets de cuisine d'avion, ni des activités du « catering » en relation avec les produits des pays tiers,

      au port où :

      · un grand nombre de lots (produits secs notamment) ne sont pas présentés physiquement au poste d'inspection frontalier pour y être examinés ce qui est tout à fait inacceptable,

      · les résultats des analyses de laboratoire ne sont pas enregistrés dans certains cas on ne tient pas compte des résultats pour la gestion des lots ultérieurs de même provenance,

      · les déchets de cuisine (matériels à hauts risques) sont simplement acheminés à la décharge publique,

      · toute une série de lots harmonisés ont subi un deuxième contrôle alors qu'ils étaient déjà pourvus d'une annexe B conforme.

        On achèvera par un troisième poste d'inspection où le personnel vétérinaire est insuffisant compte tenu du nombre des lots présentés et où les infrastructures sont devenues si inadaptées pour les produits animaux que ces installations ne sont pas utilisées....

      2°) la France gère mal les crises alimentaires ainsi que le prouve le rapport sur une mission du 15 au 18 juin 1999 sur la crise de la dioxine belge

C'est ainsi que du 15 au 18 juin 1999, l'O.A.V. diligente en France une équipe d'inspecteurs pourvue d'une triple mission :

      « 1. Contrôler que toutes les dispositions prévues par les mesures de sauvegarde de la Commission étaient mises en _uvre correctement par les autorités françaises.

      « 2. Le cas échéant, vérifier que tous les aliments pour animaux contaminés ont bien été identifiés et détruits.

      « 3. Vérifier que toutes les denrées alimentaires éventuellement contaminées sont identifiées et, si nécessaire, détruites. »

      De ce déplacement, les experts de l'O.AV., qui dans un autre rapport, ne manquent pas de souligner la solidité des mesures prises par la Belgique, en tire trois enseignements qui, tous trois condamnent la France :

      1. pour avoir réagi avec trop de lenteur aux informations communiquées par la Belgique,

      2. pour avoir pris des dispositions trop drastiques à l'égard des producteurs belges afin de sauvegarder les intérêts des producteurs français,

      3. pour avoir appliqué ces dispositions de façon dilatoire en excipant aux postes frontaliers de l'insuffisance de vétérinaires alors même que la traçabilité est parfaite dans le secteur des viandes.

      3°) la France ne tient nulle compte du bien être animal ainsi que le prouve, le rapport du 2 au 5 novembre 1999 concernant les points d'arrêt agréés pour le transport d'animaux à longue distance de même que le rapport sur les abattoirs

      Né de la très légitime préoccupation du bien-être animal, qui entre aussi rappelons le dans le cadre des missions de la commission d'enquête, le rapport de l'O.A.V. de novembre 1999 fait état de nouvelles anomalies :

      - le retard dans la transcription de la directive concernée en droit interne,

      - l'absence d'harmonisation pour ce qui concerne les agréments des plans d'arrêt,

      - la trop grande distance de certains points d'arrêt par rapport aux ports de débarquement,

      - l'irrespect des plans de route par les transporteurs, etc.

      ...insouciance d'autant moins acceptable qu'elle s'ajoute aux traitements subis par les animaux avant leur abattage.

      4°) Par sa gestion des matériaux à risque, comme celle de ses abattoirs et de ses usines d'équarrissage, la France donne le plus mauvais exemple.

      Du volumineux rapport établi en juillet 1998 par deux équipes distinctes, allons d'abord aux conclusions de la première :

      conclusions d'une extrême gravité en ce qu'elles mettent en doute la mise en _uvre par la France des mesures qui l'ont conduit afin de mieux lutter contre l'E.S.B. à créer une catégorie de matériels à hauts risques,

      conclusions d'une extrême gravité pour la crédibilité de l'O.A.V., et par voie de conséquence pour les instances européennes, si ces allégations sont erronées,

      conclusions d'une extrême gravité pour la France, car si les allégations de l'O.A.V. sont exactes, faisant perdre toute crédibilité à prétendre à une exemplaire rigueur.

      Que dit, en effet, la première équipe ?

      Qu'en vertu de l'arrêté du 28 juin 1996, il existe bien en France trois catégories différentes de déchets d'animaux :

      · Matières à hauts risques à incinérer (H.R.I.)

      · Matières à hauts risques (H.R.)

      · Matières à faibles risques (F.R.).

      Mais que dans la pratique les matières dites « valorisables » incluent tant des matières à faibles qu'à hauts risques, d'autant plus aisément assimilables que « de nombreuses usines en France regroupent différentes opérations/chaînes sur un même site. »

      Pire ! Cette équipe considère que les décisions communautaires ne sont même pas mises en _uvre.

      S'agissant de la décision 96/449/CE et de la directive 90/667/CE qui a exigé l'agrément des entreprises produisant des protéines d'animaux comme celles effectuant des échanges de protéines, la France se contente d'exiger l'agrément pour les premières, non pour les secondes.

      Au surplus « la plupart des usines transformant des déchets de mammifères à traiter conformément aux exigences de l'annexe de la décision 96/449/CE de la commission ne sont pas encore équipées » (ou du moins ne l'étaient pas encore en juillet 1998). D'ailleurs, « en raison des mesures nationales spécifiques en vigueur en France, une certaine confusion est perceptible sur le terrain en ce qui concerne les différentes catégories de déchets d'animaux (les « matières valorisables » sont appelées en pratique matières à bas risque, bien qu'elles ne le soient pas) » auxquelles s'ajoutent diverses constations qui tendent à confirmer la légèreté des instances nationales.

      S'agissant de la décision 97/735/CE qui exige de vérifier la conformité des exportations et des échanges intra-communautaires, la France, qui a publié ces dispositions avec retard, ne les appliquent au surplus qu'avec une coupable négligence.

      Elle importe et exporte des farines de viandes d'origine animale incorrectement transformée.

      Elle exporte des farines destinées à l'incinération alors que ces exportations ne sont pas permises.

      Elle exporte des farines correctement transformées mais sans respecter les procédures expressément prévues.

      Elle importe des matières premières pour l'élaboration d'aliments pour animaux familiers sans les certificats obligatoires.

      Quant aux préoccupations de la seconde équipe elles consistent à suivre l'activité des abattoirs et notamment de leur contrôle par les instances vétérinaires.

      Il y a bien, constate-t-elle dans chaque département des circonscriptions dotées de vétérinaires mais « il n'existe, au niveau national, aucune instruction écrite sur l'organisation ni aucune documentation sur le travail de contrôle du vétérinaire officiel dans les établissements qui soient harmonisées, normalisées et détaillées. »

      « La présence du vétérinaire, exigée par la directive 64/433/CEE n'est pas garantie dans tous les abattoirs et tous les établissements de découpe. »

      « Les niveaux de compétence et l'interprétation/l'application rigoureuse des règlements et des instructions données ne sont pas les mêmes dans tous les établissements. »

      « Les inspections effectuées soit par le directeur des services vétérinaires, soit par les contrôleurs généraux n'aboutissent pas encore à l'aplanissement des différences individuelles. »

      L'hygiène dans les abattoirs fait l'objet de critiques plus acerbes encore.

      « Dans tous les établissements visités petits, moyens et grands, le dépouillement a très souvent été à l'origine d'une contamination visible de la viande par des salissures à la surface de la peau susceptibles de présenter un risque considérable pour la santé des consommateurs. »

      « Certains éléments de l'équipement technique n'étaient pas montés pour faciliter les opérations d'hygiène...d'autres manquaient. »

      « Il n'y a pas d'approche systématique du contrôle de l'hygiène des abattages...dans certaines installations...aucun vétérinaire n'est présent », tandis que « l'implication du service vétérinaire dans la formation du personnel n'est pas satisfaisante. »

      La protection des animaux est elle aussi défaillante et c'est ainsi que « les enclos d'étourdissement n'ont pas été construits de manière à immobiliser suffisamment les animaux... que pour les veaux, l'étourdissement...n'étourdit pas... » etc.

      La traçabilité ne vaut guère mieux.

      Les marques sanitaires sur les carcasses sont parfois illisibles.

      La découpe de lots effectués dans des installations de découpe dissociées de l'abattoir rend difficile cette traçabilité qui devient totalement impossible au niveau des abats.

      Les documents commerciaux comportent souvent des lacunes et « la traçabilité s'efface lorsque la viande transite par un marché de gros. »

      Achevons par le rapport par lequel le scandale devait arriver : celui relatif à l'épisode des « boues » des 19 et 20 août 1999.

      Une fois encore, de quoi s'agit-il ?

      Le 16 août 1999, l'O.A.V. reçoit de la France un rapport du Comité interministériel pour les Questions de Coopération Economique Européenne qui fait état des résultats de diverses visites effectuées à la fin de l'année 1998 et du début de l'année 1999 par les services de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes dans cinq usines de transformation de déchets d'animaux, autrement dit des usines d'équarrissage, dont pour l'une précise pudiquement le rapport de l'O.A.V. « en raison d'informations provenant d'un professionnel. »

      Quant au fond, les constats sont, il faut en convenir, a priori affligeants.

      C'est ainsi que la première usine, qui fabriquait entre autres des farines de viandes, faisait figurer parmi les ingrédients entrant dans leur composition :

      « a) les déchets solides récupérés sur un filtre placé devant l'entrée du système d'évacuation, mais où toutes les eaux résiduaires sont mélangées, y compris les eaux usées provenant des fosses septiques ;

      « b) les matières résultant du traitement chimique/physique des eaux résiduaires (essentiellement des graisses) ;

      « c) les boues issues du traitement biologique des eaux résiduaires. »

      Au bout du compte, et concernant cette seule usine, constate l'O.A.V. : »Il n'y avait pas de ségrégation entre les « déchets d'origine humaine' et les « déchets industriels » dans le système d'évacuation des eaux usées. Les farines n'étaient pas traitées à l'aide d'un système sous pression prévu par la décision 96/449/CE de la commission. Du point de vue administratif, l'usine était autorisée à produire des F.V. et du suif et, en ce qui concerne les F.V., sans aucune obligation d'appliquer le système sous pression visé par la décision 96/449/CE de la commission. »

      La seconde usine faisait, comme la précédente, entrer dans la composition de ses farines « les eaux usées des fosses septiques et d'autres eaux résiduaires comme par exemple les eaux de lavage et de désinfection des camions. »

      Les troisième et quatrième usines présentaient d'autres problèmes du même ordre.

      Sans doute la France a-t-elle la faculté de réagir aux critiques de l'O.A.V., mais elle l'a fait jusqu'à une période récente trop timidement, en donnant un sentiment de frilosité qui accentue sa présomption de culpabilité.

      A moins que trop consciente de ses faiblesses, elle n'en soit que plus encline à prendre une attitude réservée.

      La filière alimentaire de la France ne serait donc pas aussi exemplaire qu'on le voudrait ?

      De fait, les accusations sont si graves qu'elles exigent des investigations, ce à quoi s'est employée la commission d'enquête.

      Il est vrai que la gestion aléatoire de la crise de la dioxine a été critiquée également par les représentants des organisations françaises des producteurs de volailles, quoique l'administration se défende sur ce point de toute imprévoyance.

      Il est vrai en tout cas que l'inacceptable épisode des fosses septiques des usines d'équarrissage n'est nullement contesté, mais que ce dysfonctionnement avait été sévèrement relevé par les services français compétents avant même que l'O.A.V. n'en ait connaissance.

      De fait, il apparaît que la plupart des rapports manquent pour le moins d'objectivité, qu'ils sont adressés aux autorités françaises en des termes si comminatoires qu'ils sont inacceptables.

      Bref, il importe que l'Office Alimentaire et Vétérinaire de Dublin repose sur des règles telles qu'elles soient incontestables ; que les inspections, par exemple, donnent lieu à des rapports établis conjointement par les agents de l'Office et par ceux du pays inspecté, quitte à que sur certains points, chacune des deux parties fassent part de ses divergences.

      En tout état de cause, le souci de nos concitoyens de bénéficier d'une totale sécurité dans le domaine alimentaire est si grand que le Parlement ne saurait plus se contenter de ces informations sujettes à controverse.

      Telle est la raison pour laquelle la commission propose que le Gouvernement dépose chaque année, en annexe de la loi de finances, un rapport sur les actions conduites en faveur de la sécurité alimentaire et présentant sous une forme claire, harmonisée, incontestable les résultats des investigations des différents services et organismes nationaux et communautaires.

B.- disposer d'un texte synthétique et global qui enserre l'ensemble des règles relatives à l'alimentation

Deux caractéristiques ne manquent pas d'attirer l'attention de l'observateur :

1. d'abord la dilution des règles législatives au sein de cinq codes : le Code général de la santé, le Code rural mais aussi celui des douanes, celui de la consommation, des impôts sans compter ainsi que le faisait judicieusement remarquer notre collègue Gilbert Mitterrand le Code du travail qui concerne, en dehors des salariés agricoles stricto sensu, l'ensemble des salariés de la filière et notamment ceux des industries agroalimentaires ;

2. ensuite, et hors ces codes, rien sinon quelques dispositions législatives anciennes et éparses à l'exception des lois sur l'eau que caractérise présentement une situation juridique désordonnée auquel, il est vrai, une prochaine codification devrait porter remède.

Pour le reste, tout relève d'un domaine réglementaire où rien n'est simple.

Bref, nous ne sommes pas loin sinon de ce « capharnaüm » évoqué par notre collègue Pierre Lellouche, en tout cas proche avec Gilbert Mitterrand de ce « maquis dont les directions ministérielles reconnaissent elles-mêmes qu'il est assez inextricable », et il serait vain de cacher plus longtemps combien la commission d'enquête a été désagréablement surprise de découvrir le désordre normatif que, majorité après majorité, le législateur a laissé s'instaurer.

Quels que soient, en effet, les efforts et les réussites de la filière, la France ne pourra convaincre ses partenaires si elle ne met, au plus vite, de l'ordre dans un droit positif dont la clarté n'apparaît qu'aux seuls initiés. Elle n'abordera pas en bonne position les débats qui vont incessamment s'engager sur la base du Livre blanc de l'Union Européenne si elle n'est pas en mesure de démontrer que sa législation est d'une telle limpidité, d'une telle clarté, d'une telle cohérence, qu'elle a vocation à être, pour partie, l'inspiratrice des décisions de l'Union, non celle qui doit s'effacer au profit de textes conçus par d'autres et, par préférence, retenus parce que plus lumineux.

Sans doute cette situation est-elle inhérente à la complexité de la matière et les juristes connaissent bien cet effet de miroirs où un code se reflète dans un autre : ainsi du Code général des collectivités territoriales qui renvoie au Code électoral et vice et versa. Mais outre qu'une telle situation n'est pas fondamentalement satisfaisante, elle est encore plus préoccupante dès lors que les pouvoirs publics doivent se soucier de rassurer une opinion par l'émergence de principes simples et de règles claires.

      Le code rural ?

      La formule est-elle heureuse ?

Car le juriste doit-il mettre en _uvre deux Codes « rural » qui appartiennent tous deux à notre droit positif :

- le « Nouveau » Code rural consacré 

- à l'aménagement et à l'équipement de l'espace rural (Livre Premier),

- à la protection de la nature (Livre II),

- à l'exploitation agricole (Livre III),

- aux baux ruraux (Livre IV),

- aux organismes professionnels agricoles (Livre V),

- à la production et aux marchés (Livre VI),

- à l'enseignement, à la formation professionnelle, au développement agricole et à la recherche agronomique (Livre VIII) ;

- et « Le » Code rural « l'ancien » (même si le terme n'est pas officiellement employé puisque les dispositions qu'il contient appartiennent encore au droit positif d'où elles tardent à disparaître) composé pour sa part :

- des bribes d'un Titre I qui se résume désormais à diverses dispositions relatives aux cours d'eau non domaniaux,

- d'un Livre II (amputé de son Titre I) qui traite des animaux et des végétaux,

- d'un Livre V consacré au crédit agricole,

- et d'un Livre VII consacré aux dispositions sociales en agriculture.

Les dispositions touchant à la sécurité des aliments se trouvent ainsi inscrites au sein :

1. non seulement du Livre II du Code rural (ancien) consacré aux animaux et aux végétaux,

2. mais aussi de la loi n° 525 du 2 novembre 1943 relative aux produits antiparasitaires agricoles, validée en 1945 mais demeurée (on ne sait pourquoi) hors du Code rural...

le Code général de la Santé

Nous l'avons lui aussi déjà rencontré à l'occasion de l'évocation de la loi sur la veille sanitaire et notamment de l'agence Française de Sécurité sanitaire des Aliments puisque c'est ce code qui, avec raison, a servi de réceptacle aux articles la concernant.

Pour le reste reconnaissons que ses dispositions concernant la sécurité des aliments sont peu nombreuses.

Il est vrai qu'elles n'en restent pas moins essentielles.

Dès son article 1e le Code de la santé publique s'en préoccupe puisqu'il range au sein des matières appelées à faire l'objet de décrets en Conseil d'Etat les règles générales d'hygiène relatives à la préparation, la distribution, au transport et à la conservation des denrées alimentaires, la prévention des maladies transmissibles, l'alimentation en eau destinée à la consommation humaine et d'une façon générale toute mesure relative à la protection des populations.

Article L. 1er du Code de la Santé publique

« Sans préjudice de l'application de législations spéciales et des pouvoirs reconnus aux autorités locales, des décrets en Conseil d'Etat, pris après consultation du Conseil supérieur d'hygiène publique de France, fixent les règles générales d'hygiène et toutes autres mesures propres à préserver la santé de l'homme, notamment en matière :

- de prévention des maladies transmissibles ;

- de salubrité des habitations, des agglomérations et de tous les milieux de la vie de l'homme ;

- d'alimentation en eau destinée à la consommation humaine ;

- d'exercice d'activités non soumises à la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement ;

- d'évacuation, de traitement, d'élimination et d'utilisation des eaux usées et des déchets ;

- de la lutte contre les bruits de voisinage et la pollution atmosphérique d'origine domestique ;

- de préparation, distribution, transport et conservation des denrées alimentaires. »

      A la suite, au Chapitre II relatif à la lutte contre les épidémies, viennent les prérogatives prévues à l'article L. 17 qui, en cas d'épidémie donne tous les pouvoirs au Préfet.

Article L. 17 du Code de la santé publique

« En cas d'urgence, c'est-à-dire en cas d'épidémie ou d'un autre danger imminent pour la santé publique, le préfet peut ordonner l'exécution immédiate, tous droits réservés, des mesures prescrites par les règlements sanitaires prévus au chapitre Ier du présent titre.

« L'urgence doit être constatée par un arrêté du maire, et, à son défaut, par un arrêté du préfet, que cet arrêté spécial s'applique à une ou plusieurs personnes ou qu'il s'applique à tous les habitants de la commune. »

Ce, sans oublier l'article suivant qui relève, par ses dispositions, de la théorie jurisprudentielle des circonstances exceptionnelles, en ce qu'il donne tout pouvoir au Gouvernement dès lors que le péril vient à s'étendre à l'ensemble du territoire.

Article L 18 du Code de la Santé publique

« Lorsqu'une épidémie menace tout ou partie du territoire ou s'y développe et que les moyens de défense locaux sont reconnus insuffisants, un décret détermine, après avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France, les mesures propres à empêcher la propagation de cette épidémie. Il règle les attributions, la composition et le ressort des autorités et administrations chargées de l'exécution de ces mesures et leur délègue pour un temps déterminé, le pouvoir de les exécuter. Les frais d'exécution de ces mesures, en personnel et en matériel, sont à la charge de l'Etat. Les décrets et actes administratifs qui prescrivent l'exécution de ces mesures sont exécutoires dans les vingt-quatre heures à partir de leur publication au Journal officiel. »

C'est dire que nous ne sommes plus éloignés à ce stade des dispositions de l'Ordonnance n° 59147 du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense dont l'article 1er dispose que celle-ci « a pour objet d'assurer en tout temps, en toutes circonstances et contre toutes les formes d'agression ...la vie de la population » et dont l'article 3 prévoit la mise en garde qui « consiste en certaines mesures propres à...diminuer la vulnérabilité des populations.

Notons encore que le Code général de la Santé contient au sein du Chapitre III du même Titre des dispositions fondamentales sur les eaux potables, qu'elles soient publiques - Article L. 20 et ss. - ou privées - Article L. 24 .

2. les Codes du ministère de l'Economie,

des finances et de l'industrie

Ils sont trois : ceux de la Consommation, des Douanes et des Impôts.

Attachons-nous au Code de la consommation que nous connaissons déjà bien.

Jules Méline serait-il à l'origine de tout comme de son contraire ?

Inspirateur d'une politique agricole protectionniste que la France a abandonnée en 1958, le voici qui est aussi à l'origine d'une politique de protection des consommateurs à laquelle le Code de la consommation demeure, en revanche, toujours fidèle.

C'est, en effet, Jules Méline qui, reprenant un projet de loi en date du 22 octobre 1895 (lequel n'avait pas abouti) devait déposer au Sénat, le 6 avril 1898, en sa qualité de président du Conseil, un projet de loi n° 248 sur la répression des fraudes dans la vente des marchandises et des falsifications des denrées alimentaires et des produits agricoles dont l'exposé des motifs mérite d'être pour partie cité en ce qu'il démontre la pérennité des problèmes qui nous préoccupent.

« Depuis un certain nombre d'années, on se plaint dans tous les pays du monde des fraudes et falsifications opérées dans le commerce des denrées alimentaires, des semences, des engrais et des produits agricoles de toutes sortes.

« Ces fraudes, provoquées par la soif de gains excessifs et favorisées par la concurrence de plus en plus acharnée qui a amené la baisse générale des prix et par la crédulité du public, se sont malheureusement multipliées dans ces dernières années ; elles compromettent le commerce honnête à l'intérieur et nos relations à l'extérieur, parce qu'il n'est pas possible de lutter contre l'avilissement des prix qui en est la conséquence ; elles nuisent ainsi à la fois aux consommateurs et aux intérêts généraux du pays.

« Ainsi partout les pouvoirs publics se sont-ils préoccupés et ont-ils édicté des dispositions législatives pour les prévenir et les combattre. C'est ainsi que l'Angleterre, la Belgique, l'Allemagne, le Danemark, le Luxembourg, les Etats-Unis et d'autres contrées qui régissent les transactions commerciales en matière d'engrais, de beurre, de margarine, de semences et d'autres produits...

« Malheureusement, en même temps que la technologie agricole faisait des progrès pour perfectionner les procédés de nos industries et améliorer la qualité de leurs produits, l'esprit inventif des fraudeurs était en éveil et découvrait parallèlement le moyen de réaliser de nouveaux bénéfices par des voies illicites ; ici, c'étaient des huiles de végétaux exotiques dont on tirait partie par d'habiles mélanges pour contrefaire nos fines huiles d'olive ... des viandes frigorifiées venaient se vendre comme des viandes fraîches ... »

N'allons pas plus loin ! Viandes falsifiées, recours à des huiles douteuses ... Que nous voici près de dossiers tels que ceux de la viande bovine, de l'affaire de la dioxine, ou bien encore de la nécessaire coopération internationale !

Mais dira-t-on, le projet Méline n'envisage que les fraudes, non les agissements qui mettent en cause la sécurité des personnes.

Nullement !

Et c'est ainsi que le § 3 de son article 3 prévoit que « si la substance falsifiée ou corrompue est nuisible à la santé de l'homme et des animaux », les peines seront doublées.

De fait, le projet Méline s'articule en un dispositif à trois niveaux :

1°) son article 1er s'applique à toutes les tromperies d'ordre commercial quelles qu'elles soient :

« Quiconque aura trompé ou tenté de tromper l'acheteur :

« Soit sur la nature, les qualités substantielles, la composition et la teneur en principes utiles de toutes marchandises,

« Soit sur leur espèce ou leur origine lorsque d'après les conventions et les usages, la désignation de l'espèce et de l'origine, faussement attribuées aux marchandises, devra être considérée comme la cause principale de la vente,

« Soit sur la quantité des choses livrées ou sur leur identité par la livraison d'une marchandise autre que la chose déterminée, qui a fait l'objet du contrat,

« Sera puni de l'emprisonnement pendant trois mois au moins, un an au plus et d'une amende de 100 francs au moins, de 5 000 francs au plus,

« Ou de l'une de ces deux peines seulement. »

2°) le § 1er de son article 3 spécifie que la loi s'applique expressément aux « denrées servant à l'alimentation des hommes et des animaux... »

3°) le § 2 du même article double les peines en cas de nuisance à la santé de l'homme et des animaux.

Il ne semble pas utile de procéder à une analyse plus complète d'un projet qui trouvera son aboutissement sept ans plus tard dans la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes mais qui mérite néanmoins l'intérêt en ce qu'il demeure le socle de notre actuel Code de la Consommation, même si celui-ci a eu tendance, comme c'est normal, à prendre quelques distances avec le texte initial.

Notons en effet que :

1°) des pans entiers du Code actuel sont étrangers à la mission de la commission d'enquête  (ainsi du Livre III consacré à l'endettement),

2°) que d'autres ne la concernent qu'assez peu : ainsi des dispositions sur les ventes par correspondance et les délais de livraison qui n'intéressent qu'assez rarement les denrées alimentaires (hors les achats de vins fins ou de foie gras par correspondance) encore que le développement de la chaîne du froid soit de nature à multiplier le recours à ces dispositions législatives qui auront de plus en plus à s'appliquer à des commandes de denrées courantes, sur catalogue ou par Internet suivies de livraisons à domicile.

Notons aussi que les dispositions spécifiques aux produits alimentaires sont parcellaires :

1°) au Chapitre V : Valorisation des produits et services du Titre I Information des consommateurs du Livre Premier Information des consommateurs et formation des contrats, le plus grand nombre des dispositions relatives aux procédures et des labels  n'est que la reprise de dispositions figurant déjà dans « le » Code rural (ancien) :

1. à la procédure administrative de protection (L. 115 5 à L 115 7),

2. aux labels et certification des produits alimentaires et agricoles (L. 115 21 au L. 11526),

3. aux appellations d'origine protégées, indications géographiques protégées, indications géographiques protégées et attestations de spécificité (L.115 26 1 à L. 115 26 4)

2°) au Chapitre I Pratiques commerciales réglementées, du Titre II Pratiques commerciales, du Livre Premier lesdites pratiques se limitent :

1. à la publicité et aux pratiques commerciales concernant les préparations pour nourrissons (articles L. 121 - 50 à L. 121 - 53) lesquelles côtoient au sein d'un invraisemblable mélange le Contrat de jouissance d'immeuble à temps partagé,

2. à l'appellation de boulanger et enseigne de boulangerie (L. 121 - 80 à L. 121 - 82).

Qu'on ne cherche surtout pas de dispositions spécifiques sur le pain, le vin, la viande, le lait, les _ufs ou toute autre denrée alimentaire.

Il n'y a rien dans la partie législative du Code, non plus d'ailleurs que dans sa partie réglementaire !

Par contre, beaucoup de ses dispositions qui viennent à s'appliquer aux autres « biens et services » s'appliquent de même aux aliments.

Il en va ainsi de son premier article - le L 111 - 1 - :

« Tout professionnel vendeur de biens ou prestataires de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service » et c'est sur la base de cet article que la chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré que le vendeur d'une denrée alimentaire présentée comme naturelle doit indiquer aux acheteurs la présence, même à faible dose d'un produit chimique. (Crim. 20 déc. 1988, note n° 5 du code Dalloz 1999 p. 2).

Il en va de même de l'article L. 121 - 1 relatif à la publicité - :

« Est interdite toute publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur... » encore que la matière soit désormais du domaine du droit communautaire, la Cour de Justice des Communautés européennes s'étant notamment prononcée sur la base du Règlement C.E.E/ n° 1907 - 90 du Conseil du 26 juin 1990 relatif aux normes de commercialisation applicables aux _ufs en indiquant que le juge national pouvait se prononcer en fonction de l'attente du consommateur national (CJCE 16 juillet 1998, note n° 1 du code Dalloz précité).

Il en va d'une façon générale des dispositions du Livre Deuxième du Code de la Consommation relatif à la Conformité et à la Sécurité des Produits et des Services notamment :

1°) à l'obligation générale de conformité telle que définie à l'article L. 212 - 1 : « Dès la première mise sur le marché, les produits doivent répondre aux prescriptions en vigueur relatives à la sécurité et à la santé des personnes ... »

2°) aux dispositions relatives aux fraudes et falsifications qui reprennent les dispositions de la loi de 1905 sur :

- la tromperie telle que définie par l'article L. 213 - 1

les falsifications telles que définies par l'article L. 213-3

- les mesures d'application telles que définies par l'article L. 214 -1 qui stipule notamment dans une rédaction résultant de la loi n° 98 - 535 du 1er juillet 1998 que «  les décrets prévus ... sont pris après avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments lorsqu'ils portent sur des produits entrant dans son champ de compétences ou qu'ils comportent des dispositions visant à prévenir des risques sanitaires ou nutritionnels... »

3°) aux dispositions relatives à la sécurité les mesures d'urgence qui ne sont pas sans rappeler celles prévues par le code de la santé publique :

Au titre des fraudes, l'article 215 - 5 qui autorise les saisies sur la voie publique, hors cas de flagrant délit et hors de toute décision judiciaire sur « les produits reconnus impropres à la consommation, à l'exception des denrées visées aux articles 258, 259 et 262 du Code rural (c'est-à-dire les animaux vivants, viandes et conserves) dont l'impropriété à la consommation ne peut être reconnue qu'en fonction de caractères organoleptiques anormaux ou de signes de pathologie lésionnelle. »

Au titre de la sécurité, l'article L. 221-5

    Article L. 221-5 du Code de la consommation

« En cas de danger grave et immédiat, le ministre chargé de la consommation et le ou les ministres intéressés peuvent suspendre par arrêté conjoint, pour une durée n'excédant pas un an, la fabrication, l'importation, l'exportation, la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux d'un produit et faire procéder à son retrait en tous lieux où il se trouve ou à sa destruction lorsque celle-ci constitue le seul moyen de faire cesser le danger. Ils ont également la possibilité d'ordonner la diffusion de mise en garde ou de précautions d'emploi ainsi que la reprise en vue d'un échange ou d'une modification ou d'un remboursement total ou partiel.

« Ils peuvent, dans les mêmes conditions, suspendre la prestation d'un service.

« Ces produits et ces services peuvent être remis sur le marché lorsqu'ils ont été reconnus confirmes à la réglementation en vigueur.

« Le ministre chargé de la consommation et, selon le cas, le ou les ministres intéressés, entendent sans délai les professionnels concernés au plus tard quinze jours après qu'une décision de suspension a été prise. Ils entendent également des représentants du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, du comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel de l'entreprise intéressée, ainsi que les associations nationales de consommateurs agréées.

« Ces arrêtés préciseront les conditions selon lesquelles seront mis à la charge des fabricants, importateurs, distributeurs, ou prestataires de services les frais afférents aux dispositions de sécurité à prendre en application des dispositions du présent article. »

Mais le travail législatif ne suffit point.

Il faut, en général, des décrets d'application.

Mais, faute bien souvent que les gouvernements tiennent la main à leurs administrations toujours soucieuses de faire au mieux donc d'en faire trop, le domaine réglementaire s'enrichit de normes toujours plus nombreuses, toujours plus complexes, et dès lors souvent moins compréhensibles.

Le droit de l'alimentation a-t-il su éviter ce travers ?

On ne saurait en certifier l'absolue certitude tant les normes foisonnent.

La complexité du sujet peut l'expliquer en partie.

Mais ce renouvellement incessant ne peut être la seule traduction des évolutions technologiques lesquelles - pour être rapides ne sauraient suivre un tel rythme.

La propension naturelle des bureaux à tout régenter in vitro tant de Paris que de Bruxelles l'explique sans doute tout autant.

Car les règlements spécifiques aux aliments sont dispersés dans de multiples textes qui échappent au législateur, disséminés de ci, de là, quelques-uns bien antérieurs à la construction européenne, la plupart qui lui sont postérieurs issus de Directives communautaires ; le tout plus ou moins bien regroupés dans des brochures du J.O. qui n'ont pas encore l'honneur de prendre la forme de C.D ROM actualisés à date fixe, laissant à un vaste ouvrage marqué du sceau d'une respectueuse confidentialité le LAMY DEHOVE le soin de présenter de façon remarquable l'intégralité du droit des aliments, à ceci près qu'il est publié non sous le timbre régalien de l'administration mais sous celui d'un éditeur privé.

Restons néanmoins fidèles aux éditions du Journal Officiel.

Qu'y constatons-nous ?

Que le nombre des brochures atteint au moins, car toutes ne figurent pas dans le relevé ci-dessous, la dizaine.

Que leur parution date, en moyenne, d'il y a cinq ans ; qu'il y a certes des mises à jour mais si nombreuses (on en compte 74) qu'elles rendent singulièrement malaisée une bonne connaissance du droit positif.

Que le nombre de pages dépasse les 2 700, chiffre déraisonnable même si le producteur d'_ufs n'a guère à se soucier des règles qui s'imposent au mareyeur de même que le producteur de viandes n'a pas à connaître les règles spécifiques relatives aux eaux minérales.

Que le lecteur se rassure au moins sur deux points :

1°) la commission d'enquête a tenu à tout lire, tant les textes qui figurent au sein des brochures officielles que le long commentaire des éditions Lamy ;

2°) sous les réserves qu'impose un tel exercice, il lui a semblé que toutes les règles de sécurité étaient prévues à ceci près que l'absence de mise en perspective - faute de tout effort de codification, que cet empilement - faute de claires mises au net pouvaient toujours laisser une faille inapparente, que cette confusion érigée au rang d'un principe fondateur mettait tous les acteurs en défaut :

- les producteurs qui ne peuvent, en l'état, tout connaître et sont, à tout moment, susceptible d'être pris en situation de non-conformité, fût-elle involontaire avec les règlements,

- les consommateurs qui en connaissent encore moins - hors les animateurs des associations de défense - et qui sont les victimes toutes désignées de dysfonctionnements, conséquence d'un état chronique de confusion juridique,

- l'administration elle-même qui se verrait créditée de propos plus bienveillants si elle n'avait laissée s'instaurer, pour s'en accommoder, cette confusion au point que la commission a dû entendre un de ses principaux responsables considérer qu'une codification des règles propres à l'alimentation relevait d'une naïve rêverie,

- les institutions communautaires qu'on ne saurait totalement absoudre puisqu'elles sont à l'origine de la quasi-totalité des normes qui s'imposent à nous.

Telle est la raison pour laquelle la commission d'enquête estime indispensable que soit élaboré au plus vite un code législatif de l'alimentation.

Car qui dit code, dit à nouveau légiférer !

    Or tel est bien le paradoxe devant lequel, d'entrée de jeu, nous nous trouvons.

    L'alimentation est consubstantielle à la vie, avons-nous dit. Sans alimentation point de vie et sans vie point de libertés publiques.

    Pour ceux qui chercheraient une base juridique à une telle argumentation, il suffit de rappeler les termes du Préambule de la Constitution de 1946 : « la nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. »

    Une alimentation suffisante, saine et équilibrée est-elle l'une des conditions du développement des familles et des individus ? Assurément oui !

    Les principes contenus dans le Préambule de 1946 appartiennent-ils au corpus des libertés publiques ?

    Assurément oui ! Et nul aujourd'hui ne saurait remettre en cause l'heureuse évolution doctrinale du Conseil Constitutionnel.

    Or l'article 34 de la Constitution dispose de façon parfaitement claire que la loi fixe les règles concernant « les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques.»

    Y aurait-il la moindre difficulté que l'article 34 s'empresse d'y pourvoir lorsqu'il stipule que « les dispositions du présent article pourront être précisées et complétées par une loi organique », évitant ainsi une révision constitutionnelle devenue, au demeurant, bien banale.

    Il suffit donc d'appliquer strictement la Constitution comme la jurisprudence du Conseil Constitutionnel pour faire du droit de l'alimentation une matière qui soit du domaine législatif.

    Oui mais jusqu'où ? Est-il de la compétence du législateur de se prononcer sur des sujets aussi techniques que les limites de résidus chimiques susceptibles d'être admis dans les denrées alimentaires ?

    A la réflexion, dans un domaine connexe, ne lui revient-il pas de fixer, sur la base des conclusions des experts, le taux d'alcoolémie admissible dans le sang pour être autorisé à prendre le volant ?

    Sans doute, mais parce que tout dépassement de ce taux peut mettre en jeu les vies humaines, que cette mise en jeu constitue un délit, qu'en vertu de l'article 34 précité la loi fixe les règles concernant « la détermination des crimes et des délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ».

    Mais, si ces résidus constituent un grave danger, ne doit-on pas considérer qu'il est délictueux de se rendre responsable de leur présence dans les denrées alimentaires ?

    Pour autant, est-il besoin d'encombrer plus qu'il ne l'est l'ordre du jour des assemblées dès lors que les règles relatives à l'alimentation sont toutes la transcription en droit interne de directives européennes ?

    C'est que la transcription législative est conduite au grand jour tandis que la transcription réglementaire l'est dans l'ombre des bureaux.

    Or l'opinion, sourdement inquiète des évolutions en cours, souhaite ardemment être à la fois éclairée par des débats publics.

    Tableau récapitulatif des brochures du Journal Officiel relatives aux règles d'hygiène alimentaire

Objet de la brochure

Année de parution

Nombre de pages

Nombre de mises à jour

Textes généraux

1999

296

2

Règles relatives à l'importation

1997

411

5

Eaux destinées à la consommation humaine

1991

194

16

Laits et produits laitiers

1996

335

6

Viandes

1996

393

13

Volailles, lapins et gibiers

1996

350

6

_ufs et ovoproduits

1995

206

3

Produits de la mer et d'eau douce

1996

309

12

Produits diététiques et de régime

1994

228

11

 

Année moyenne de parution

1995

Nombre de pages

2722

Nombres de mises à jour

74

    Tableau comparatif des pouvoirs exceptionnels liés à la crise reconnus par les différents codes

Code rural

Code de la santé publique

Code de la consommation

Article 214 - Suivant les modalités prévues par un arrêté conjoint du ministre chargé de l'Agriculture et du ministre chargé de l'Economie et des finances, le ministre chargé de l'Agriculture peut prendre toutes mesures destinées à prévenir l'apparition, à enrayer le développement et à poursuivre l'extinction des maladies des animaux réputées contagieuses, en vertu du présent titre. Des décrets en Conseil d'Etat définiront les modalités selon lesquelles pourront être prises les mesures de lutte contre les maladies des animaux non ainsi réputées contagieuses.

La commission nationale vétérinaire, à laquelle le ministre chargé de l'Agriculture communique tous renseignements relatifs aux épizooties, donne son avis sur le choix des maladies pouvant faire l'objet de mesures réglementaires et sur les mesures que peut exiger une maladie.

Le ministre chargé de l'Agriculture peut accorder aux exploitants qui en font la demande, en vue du diagnostic, de la prévention et du traitement des maladies des animaux, de l'élimination des animaux malades, de la réfection du logement des animaux et de l'assainissement du milieu, des subventions dont le montant est déterminé par des arrêtés conjoints du ministre chargé de l'Agriculture et du ministre chargé de l'Economie et des finances.

Ces arrêtés fixent les conditions d'indemnisation des propriétaires dont les animaux ont été abattus sur l'ordre de l'Administration, ainsi que les conditions de la participation financière éventuelle de l'Etat aux autres frais obligatoirement entraînés par l'élimination des animaux.

Article L. 17 En cas d'urgence, c'est-à-dire en cas d'épidémie ou d'un autre danger imminent pour la santé publique, le préfet peut ordonner l'exécution immédiate, tous droits réservés, des mesures prescrites par les règlements sanitaires prévus au chapitre Ier du présent titre.

L'urgence doit être constatée par un arrêté du maire, et, à son défaut, par un arrêté du préfet, que cet arrêté spécial s'applique à une ou plusieurs personnes ou qu'il s'applique à tous les habitants de la commune.

Article L 18 Lorsqu'une épidémie menace tout ou partie du territoire ou s'y développe et que les moyens de défense locaux sont reconnus insuffisants, un décret détermine, après avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France, les mesures propres à empêcher la propagation de cette épidémie. Il règle les attributions, la composition et le ressort des autorités et administrations chargées de l'exécution de ces mesures et leur délègue pour un temps déterminé, le pouvoir de les exécuter. Les frais d'exécution de ces mesures, en personnel et en matériel, sont à la charge de l'Etat. Les décrets et actes administratifs qui prescrivent l'exécution de ces mesures sont exécutoires dans les vingt-quatre heures à partir de leur publication au Journal officiel.

Article L. 221-5 En cas de danger grave et immédiat, le ministre chargé de la consommation et le ou les ministres intéressés peuvent suspendre par arrêté conjoint, pour une durée n'excédant pas un an, la fabrication, l'importation, l'exportation, la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux d'un produit et faire procéder à son retrait en tous lieux où il se trouve ou à sa destruction lorsque celle-ci constitue le seul moyen de faire cesser le danger. Ils ont également la possibilité d'ordonner la diffusion de mise en garde ou de précautions d'emploi ainsi que la reprise en vue d'un échange ou d'une modification ou d'un remboursement total ou partiel.

« Ils peuvent, dans les mêmes conditions, suspendre la prestation d'un service.

« Ces produits et ces services peuvent être remis sur le marché lorsqu'ils ont été reconnus confirmes à la réglementation en vigueur.

« Le ministre chargé de la consommation et, selon le cas, le ou les ministres intéressés, entendent sans délai les professionnels concernés au plus tard quinze jours après qu'une décision de suspension a été prise. Ils entendent également des représentants du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, du comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel de l'entreprise intéressée, ainsi que les associations nationales de consommateurs agréées.

« Ces arrêtés préciseront les conditions selon lesquelles seront mis à la charge des fabricants, importateurs, distributeurs, ou prestataires de services les frais afférents aux dispositions de sécurité à prendre en application des dispositions du présent article. »

C.- disposer d'une organisation administrative qui soit à même de répondre sans délai aux situations de crise ;

Que l'Assemblée nationale se garde de prendre pour cible celle qui est la plus facile, celle qui est toujours désignée à la vindicte publique, celle qui n'a, en l'espèce, nul moyen de réponse, c'est-à-dire l'administration et notamment ces Directeurs généraux et Directeurs qui ont été priés de monter en première ligne en venant témoigner sous serment devant la commission, recevant de façon impromptue la visite de son président et de son rapporteur, faisant rassembler l'abondante documentation qui leur était sans cesse demandée.

La commission d'enquête, au moment d'achever ses travaux se doit, au contraire de rendre hommage à l'_uvre accomplie par tous les membres de la fonction publique, à quelques corps qu'ils appartiennent, quelques soient leurs grades et leurs échelons, sans lesquels ce rapport n'aurait pu voir le jour ; ne se reconnaissant nullement le droit de juger du mérite des uns et des autres, lesquels ne sont responsables que devant leur hiérarchie laquelle s'arrête à leurs ministres respectifs.

Mais il est vrai aussi pour citer cette fois-ci non Molière mais Corneille, « qu'à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire » qu'un serviteur de l'Etat dès lors qu'il est suffisamment haut placé pour être convoqué par une commission d'enquête parlementaire prend le risque de voir son action, même involontairement, mise en cause tant il est parfois difficile de faire la différence entre des structures administratives, que le législateur a le droit de critiquer pour en demander la réforme, et l'action de ceux qui les animent.

Une fois encore, qu'on ne se méprenne pas sur les propos qui suivent.

Leur absence délibérée de complaisance trouve son origine dans la même inspiration que celle qui anime les fonctionnaires que la commission d'enquête a rencontrés: servir le bien public en disant crûment ce que pensent de nos structures administratives celles et ceux qui, étant les élus de la Nation, les voient avec les yeux du citoyen qui est notre souverain à tous.

Or de même que chaque administration hormis la direction générale de l'alimentation a généré son code, de même chaque ministère concerné a généré, dans le domaine de l'alimentation, une (voire pour le ministère des finances plusieurs) administration spécifique d'où une dispersion dont le législateur peut craindre qu'elle ne témoigne ni d'une totale cohérence, ni du meilleur rapport coût/efficacité.

Constatons d'abord que le terme même de « sécurité sanitaire des aliments » laisse la porte ouverte à diverses solutions :

1. soit confier la conduite des opérations au ministère de la Santé,

2. soit à celui de l'Agriculture, tuteur de toute la filière,

3. soit accorder la « tutelle » au ministère de l'Agriculture pour ce qui concerne la phase d'élaboration des produits puis la transmettre au ministère de la Santé pour ce qui concerne la phase de commercialisation.

4. en tout état de cause, ne pas oublier celui de l'environnement qui commande tout.

Constatons que la réalité n'est pas encore exactement conforme à cet objectif !

Constatons enfin que la coordination, pour être souvent efficiente, ne l'est pas toujours autant qu'il le faudrait.

Disons que deux ministères ne se voient pas reconnaître l'importance qui conviendrait, l'environnement et la santé, tandis que deux autres tantôt coopèrent, tantôt s'opposent l'agriculture et l'économie et les finances .

l'administration de l'environnement

L'administration de l'environnement !

Qu'en dire de plus que ce qu'en témoigne Mme Dominique Voynet à la tête d'un personnel trente fois moins nombreux que celui du ministère de l'agriculture, qui s'épuise en des actions curatives beaucoup plus coûteuses que les actions préventives, que l'on oublie trop souvent d'associer aux décisions essentielles ?

le Secrétariat d'Etat à la Santé

La souriante et ferme compétence de Mme Dominique Gillot, Secrétaire d'Etat à la Santé, aurait-elle une si grande faculté de persuasion qu'elle ait réussi à convaincre la commission d'enquête du rôle déterminant de ses services dans le domaine qui nous préoccupe ?

A contrario la commission serait-elle si irrespectueuse de l'autorité gouvernementale, ses membres seraient-ils si discourtois pour mettre en doute l'affirmation selon laquelle la Direction générale de la Santé est « une administration conséquente, organisée en directions, sous-directions avec des personnels engagés, compétents et disponibles. » 

Compétents et disponibles, sans aucun doute et d'ailleurs la commission d'enquête avait été, quelques semaines auparavant, impressionnée par la connaissance des dossiers dont avait fait preuve, à l'occasion de son audition, le Professeur Abenhaïm, tout récent directeur général même si la commission n'avait reçu de sa part aucune information concrète ni sur les moyens dont il dispose, ni sur les missions qui lui sont expressément confiées dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments. La maîtrise conceptuelle des dossiers dont fait preuve le Professeur Abenhaïm aurait-elle dès lors comme vertu inattendue d'estomper la faiblesse de l'administration dont il a la charge ?

Car soucieux de remplir la mission que leur avait confiée l'Assemblée nationale et décidant non sans avoir prévenu de se rendre auprès de la sous direction de la veille sanitaire (plus spécialement compétente dans le domaine de la sécurité alimentaire), le président et le rapporteur de la commission d'enquête se trouvaient en présence d'un sous-directeur aussi brillant que débordé :

- dont l'un des bureaux, celui consacrés précisément à l'alimentation se limite à « un médecin inspecteur de santé publique de très grande qualité », « un ingénieur de génie sanitaire, fraîchement émoulu de l'école et arrivé il y a un an, « tout à fait opérationnel mais qui nécessite d'être accompagné et soutenu... », « et une personne ayant des diplômes de nature scientifique, mise à disposition par le « ministère des armées, intermédiaire entre un cadre A et un cadre B qui a en charge « certaines questions »,

- dont l'autre bureau, celui de l'eau, est « malheureusement » affecté par une épidémie d'« heureux » événements. et traverse une passe difficile »,

- tandis que « le bureau des agents transmissibles » est « constitué d'un pharmacien » à tiers temps ».

Ce qui fait qu'il arrive à ce serviteur de l'Etat d'envier les 350 agents de la Direction générale de l'alimentation, non sans «donner de sa personne ».

En tout cas, le Docteur Coquin, ne manque ni de franchise lorsqu'il reconnaît « accomplir des missions parfois totalement disproportionnées par rapport aux moyens « qui lui sont attribués, ni d'idées lorsqu'il expose ses opinions et ses jugements lesquels ne reflètent pas forcément, prévient-il, la vérité que le président de la commission d'enquête lui a demandé de livrer sous serment.

La veille sanitaire, qui donne son titre à sa sous-direction, c'est-à-dire une activité d'observation systématique de façon à identifier le plus tôt possible un élément susceptible d'infléchir une stratégie ? Elle implique une coordination des enquêtes qui est particulièrement difficile à conduire, ainsi que l'a prouvé la crise de Listeria en 1992 ; et pourtant elle ne représente pas plus de 10  % de l'activité de sa sous-direction : telle est d'ailleurs la raison pour laquelle a été crée l'Institut de Veille Sanitaire !

L'évaluation du risque ? Elle est confiée à des instances scientifiques consultatives indépendantes, hier le Conseil supérieur d'hygiène publique de France, aujourd'hui l'A.F.S.S.A. pour ce qui concerne les aliments. Car nous sommes désormais entrés dans un système d'agences qui « est en passe d'introduire un bouleversement de l'organisation de l'Etat »

Est-ce à dire que l'administration centrale soit dépourvue de légitimité ? Nullement puisqu'il lui appartient de préparer, à l'issue des phases de veille et d'évaluation, celle de la décision; une décision à la fois segmentée et partenariale, ainsi que l'expose Mme Gillot:

- segmentée car « on ne peut pas demander que tout soit dans tout », que « je me vois mal aller réglementer la production des tomates ou la fabrication de la sauce tomate », mais que par contre « dans le contrôle de la sécurité sanitaire des aliments... j'assume complètement la responsabilité en bout de chaîne des conséquences sur la santé » de l'homme »,

      - partenariale parce que si le secrétariat d'Etat à la santé n'est nullement responsable de l'alimentation, il peut l'être par contre de l'éducation du consommateur, de son souci d'une meilleure nutrition, d'une information réciproque dans le cadre normal de la « pluridisciplinarité » avec l'administration de l'environnement.

Mais une telle ambition est-elle réalisable avec des services extérieurs aussi démunis que l'administration centrale ?

Telle est l'inquiétude que devait manifester face à Mme Gillot notre collègue Odette Grzegrzulka « frappée de l'absence des Directions départementales des affaires sanitaires et sociales sur le terrain dès lors qu'il s'agit de santé », une absence que n'avait pas manqué de remarquer la commission d'enquête lors de ses différentes missions d'inspection.

le ministère de l'Agriculture et la direction générale à l'alimentation

Que M. Jean Glavany qui plaidait devant la commission d'enquête pour éviter que celle-ci n'ouvre la voie à une nouvelle réforme administrative se rassure. Non seulement la commission n'a nulle envie, au moment de conclure, de se substituer au Gouvernement, maître de l'organisation de ses services (même si le Parlement peut aussi avoir son mot à dire, ne serait-ce qu'au moment du vote de la loi de finances), mais plus encore, elle aurait plutôt tendance à plaider en faveur du renforcement des prérogatives de son ministère.

Car une Direction générale semble, pour la matière qui nous préoccupe, devoir l'emporter sur toutes les autres : celle de l'alimentation.

Ce préjugé favorable ne tient pas d'ailleurs à l'aide qu'elle n'aura cessé d'apporter à la commission d'enquête.

Il ne tient pas non plus à la disponibilité de sa Directrice générale, Mme Marion Guillou.

Il ne tient sans doute pas non plus à la confraternité qui peut lier les vétérinaires membres de la commission d'enquête, fort assidus à ses travaux, à cette Direction générale qui est d'abord celle des vétérinaires inspecteurs de l'administration dans la mesure où les médecins, fort assidus eux aussi, auraient pu tout aussi bien, au nom de la même confraternité, plaider pour un renforcement des attributions de la Direction générale de la Santé et emporter la conviction.

la présentation initiale de la Direction générale de l'alimentation

Dans l'exercice, toujours solennel et toujours périlleux qui consiste à témoigner devant une commission d'enquête, certains choisissent d'être synthétiques et d'en dire peu ou le moins possible. D'autres, ayant juré de dire toute la vérité, la livrent tout entière.

Or le Contrôleur général des services vétérinaires Bernard Vallat, directeur général adjoint de l'alimentation, est de ceux qui, comme le Docteur Coquin, disent toute la vérité.

Ainsi la commission allait-elle découvrir grâce à lui les textes que la Direction de l'alimentation doit mettre en _uvre :

- les codes précédemment cités,

- quatre vingt-dix règlement et directives,

- six cent vingt textes d'application, ce uniquement pour les denrées d'origine animale,

- sans compter les milliers de textes dont on ne sait s'ils sont définitivement abrogés, en tout cas constitutifs d'un champ si large que nul ne saurait dire quel est l'état exact du droit positif !

La commission devait prendre pour la première fois connaissance de l'environnement international qui s'impose à elle :

- les accords de l'Organisation Mondiale du Commerce, l'accord S.P.S., l'accord T.B.T.,

- la montée en puissance du Codex alimentarius,

- la convention internationale sur les végétaux,

- les directives et règlement européens et l'emprise croissante des directions générales de Bruxelles,

- les contrôles, les trop fameux contrôles de l'Office alimentaire et vétérinaire de Dublin, organisme sur lequel le présent rapport aura tout loisir de revenir.

Puis la commission prenait la mesure des procédures qu'imposent désormais :

- l'identification et la « caractérisation » des dangers,

- l'évaluation et la « caractérisation » des risques,

- le respect du principe de précaution.

Elle était conduite à réfléchir aux incidences qu'auront sur les destinées de la Direction de l'alimentation :

- l'essor de l'A.F..S.S.A.,

- les novations issues de la loi d'orientation agricole : le dispositif national de biovigilance, le contrôle accru des pesticides, les nouveaux pouvoirs sur les élevages, l'alimentation animale, l'épidémiosurveillance, le rappel des lots suspects, le renforcement des contrôles aux frontières.

Et la commission achevait de prendre connaissance de la Direction de l'alimentation en commençant à percevoir l'heureuse émulation ou à la perte d'énergie que crée l'action, sur le même terrain, d'administrations conjointes, de fait concurrentes, et d'abord celle, redoutable, du ministère de l'économie et des finances.

Le déplacement effectué auprès de l'administration centrale
le 12 janvier 2000

Le déplacement auprès de l'administration centrale, le 12 janvier 2000, du président et du rapporteur de la commission d'enquête allait permettre de préciser plus encore les structures et les moyens de l'administration centrale, exercice d'autant plus nécessaire que le Bureau de la commission avait quelques semaines auparavant pris les contacts les plus utiles avec l'un des services extérieurs les plus puissants : celui du département des Côtes d'Armor.

C'est avec de toutes nouvelles structures - celles qui incitent avec raison M. Jean Glavany à ne rien changer dans l'immédiat - que le président et le rapporteur allaient prendre connaissance.

Mais les structures ne sont rien sans les moyens ou l'état d'esprit avec lequel les missions sont conduites.

Or les moyens seront apparus un peu faibles au regard des missions actuelles, plus encore au regard des missions futures que la commission verraient bien assigner à la Direction de l'Alimentation.

Doté d'effectifs jeunes dont on espère qu'ils disposent néanmoins de toute la sagesse que fait acquérir l'expérience, bien au fait des techniques informatiques, bénéficiant de nouveaux locaux situés au c_ur de Paris, réunissant autant que de besoin des équipes s'essayant aux procédures requises pour la gestion des crises, l'administration centrale est apparue comme ses services extérieurs nourrie d'une culture moins répressive que curative, destinée à être moins crainte que d'autres en un domaine, celui de la sécurité des personnes où malheureusement la menace de la répression compte autant sinon plus que les vertus des conseils préventifs.

Elle a confirmé l'esprit d'indépendance de ses directions départementales, consubstantiel à ses origines, comme l'avait fort bien expliquer lors de son audition par la commission d'enquête, la Présidente du syndicat des vétérinaires inspecteurs, Mme Bouvier.

Lorsque, suite au vote de la loi de 1905, est créée le service de la répression des fraudes, il y a bien longtemps que la puissance publique vérifie la qualité hygiénique des comestibles : l'article L 12212 du Code général des collectivités territoriales en porte, on l'a vu, encore la trace, et cette vérification se trouve alors confiée aux maires qui exercent cette prérogative d'ordre public grâce à des préposés détenteurs des compétences techniques nécessaires.

C'est ainsi que naît le corps des vétérinaires inspecteurs, lequel passe d'abord de l'autorité municipale à celle des Conseils généraux pour devenir un corps de l'Etat en 1967, date fort récente qui explique un état d'esprit qui, sur le terrain, fait coexister de facto les Directions départementales des services vétérinaires et les Directions départementales de l'agriculture et de la forêt.

Les déplacements effectués auprès des services extérieurs

Sans doute est-ce un peu l'amour qu'il porte à son pays et la légitime fierté qu'il en éprouve qui devaient conduire le président Leyzour à conseiller à la commission d'enquête de se rendre dans son département des Côtes d'Armor le 9 décembre 1999.

Mais il y avait aussi des raisons plus objectives tenant à la nécessaire prise de contact avec un département qui est le premier producteur de viande porcine et d'_ufs, le second producteur laitier, le troisième producteur de volailles, soumis de ce fait à une forte pression environnementale; ayant au surplus le triste privilège d'avoir connu le plus grand nombre de cas d'E.S.B., disposant de ce fait d'une Direction des Services Vétérinaires plus puissante que partout ailleurs.

En tout état de cause, cette direction, fût-elle dotée de moyens d'une importance particulière, donne la mesure des services que peuvent rendre « sur le terrain », en termes de sécurité alimentaire, les directions départementales qui dépendent de la direction générale de l'alimentation

C'est ainsi que, forte de 180 agents, la « D.S.V. » des Côtes d'Armor est apparue fortement structurée entre ses trois services :

1°)  celui de la santé et de la protection animales chargé de quatre missions :

- la police sanitaire c'est-à-dire des mesures qu'impose l'apparition de toute épizootie ou, mieux, la prophylaxie grâce aux mesures propres à éradiquer les épidémies conduites par la Fédération départementale des groupements e défense sanitaire forte de plus de 250 vétérinaires libéraux,

- du bien-être des animaux par les inspections des élevages, chenils, centres hippiques,

- du contrôle de la pharmacie vétérinaire au travers de deux priorités : la vérification que toute délivrance correspond bien à une ordonnance, la mesure des résidus médicamenteux au sein des viandes,

- du contrôle de l'alimentation animale.

2°) celui de l'hygiène alimentaire chargé de :

- l'agrément des abattoirs,

- l'inspection systématique de tous les animaux abattus en leur sein,

- l'inspection des laiteries, des industries agroalimentaires, des restaurants,

3°) celui des installations classées et de la protection de l'environnement chargé :

- du contrôle des élevages intensifs et des industries agroalimentaires et de la maîtrise des pollutions,

- de l'instruction des plaintes,

- des dossiers d'autorisation soumis au Conseil départemental d'hygiène.

l'imperium du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Quels que soient les services rendus par ses administrations, la France, disait Joseph Caillaux, qui s'y connaissait pour avoir été à la fois membre de l'Inspection générale des finances, ministre des finances et président du Conseil, est un pays gouverné par son comptable.

A l'issue de ses travaux, la commission d'enquête reprendrait volontiers cette appréciation, si l'on ose dire, à son compte.

Non qu'elle n'ait point appréciée, à sa juste mesure, l'audition de Mme la Secrétaire d'Etat à la Consommation, Mme Marylise Lebranchu qui s'exprimait juste avant Mme Dominique Voynet, quelques jours après Mme Dominique Gillot et quelques jours avant M. Jean Glavany, mais au contraire parce que sa claire assurance et son absolue détermination étaient à l'image de son administration

Du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, la commission d'enquête prise par le temps s'autorisait à ne pas déranger M. le directeur général des Impôts, concerné certes, mais à la marge, par son sujet et écoutait par contre, avec tout l'intérêt qu'ils méritent les Directeurs généraux des douanes et de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes.

De M. Auvigne, directeur général des Douanes, elle est redevable d'un exposé clair, court, didactique et d'une présentation synthétique des missions et des moyens du service, complétée quelques jours plus tard par l'exposé de Mme la Directrice régionale des douanes de Bretagne.

De M. Gallot directeur général de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, auquel le rapporteur de la commission rendait lui-même visite au début du mois de janvier 2000, elle recevait toute l'information désirable d'un jeune, brillant, courtois et grand commis de l'Etat, soucieux de démontrer l'harmonie qui règne entre sa Direction générale et les autres administrations concernées - notamment avec la Direction générale de l'alimentation.

Qu'est ce donc que la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des fraudes, ou pour employer le langage des initiés, de cette D.G.C.C.R.F. tout entière vouée de façon austère et quasi-monacale à l'application du Code de la Consommation ?

C'est au total, expose M. Gallot, une administration forte de plus de 4 000 agents, dont 460 au sein de l'administration centrale, 340 affecté à huit laboratoires de grande réputation avec lesquels la commission regrette de n'avoir pu prendre contact, enfin 3 300 répartis au sein des directions régionales et départementales.

Certes, il n'y a pas que dans le secteur qu'occupe la filière alimentaire qu'il convient de veiller au respect des règles de la concurrence et de poursuivre les fraudeurs mais enfin celle-ci fait l'objet d'une vigilance toute particulière puisque 30 à 40  % des effectifs de la Direction s'occupent à traquer les infractions au Code.

Car M. Gallot le précise : la vocation de son administration est répressive tant au regard des manquements à la sécurité qu'à ceux du respect des normes, encore que la différence n'est pas toujours si aisée à faire entre ces deux notions et qu'il y a fort à craindre que celui qui « mouille » son lait n'ait pas la délicatesse de vérifier que l'eau du mouillage soit aussi saine qu'il serait souhaitable.

Toute entière vouée à la rigueur qui la caractérise, la D.C.C.R.F. conduit imperturbablement ses enquêtes :

- d'abord ces enquêtes permanentes, programmées sur le long terme, reconduites d'année en année, qui sont des plans de surveillance comme celui sur les nitrates ou la listériose, dont les résultats sont désormais systématiquement transmis à l'A.F.S.S.A.,

- ensuite des enquêtes trimestrielles conduites en fonction des exigences ressenties soit par une direction départementale, soit par l'administration centrale,

- enfin des interventions quotidiennes provoquées par des plaintes ou le souci d'aller vérifier sur place qu'il a été mis fin à telles dérives précédemment constatées au sein des entreprises.

Et les enquêtes conduisent à des mises en garde, à des injonctions ministérielles ou préfectorales, à des saisies, à des mises en garde, à des plaintes au parquet, suivies ou non d'effets.

Or cette action, soutient M. Gallot, est conduite dans 80  % des cas en pleine harmonie avec les autres administrations, notamment la Direction générale de l'alimentation.

80  % ! Ce qui veut dire que dans 20  % des cas il peut y avoir mésentente, sinon conflit.

Le chiffre est suffisamment conséquent pour alarmer la commission d'enquête.

Sans doute celle-ci n'a-t-elle point perçu au cours de ces déplacements de rivalités fortes mais elle a néanmoins conscience que coexistent de facto deux administrations poursuivant des missions identiques à partir de deux états d'esprit différents conduisant à des actions qui mériteraient, c'est le moins que l'on puisse dire, une meilleure coordination.

La coordination ? Mais elle existe plaide avec conviction M. le directeur général de la Concurrence et de l'alimentation.

Il n'y a pas d'instant que les trois Directeurs généraux - ceux de la Santé, de l'Alimentation et de la Consommation - ne soient en contact téléphonique, ou ne se rencontrent.

La façon dont a été gérée par exemple la crise de la listériose en février 2000 que la commission d'enquête a été étudier auprès de M. le Préfet des Yvelines, ne porte-t-elle pas témoignage, par son efficacité, de l'harmonie qui règne entre les services ?

D'ailleurs, à preuve de leur bonne foi, les trois directeurs généraux n'ont-ils pas signé un Protocole d'accord qui a eu l'éminent mérite de passer d'une logique d'affrontement à celle de franche et active coopération ?

Un protocole d'accord ?

Concernant la sécurité alimentaire ?

Mais s'agissant d'une affaire qui revêt une telle importance aux yeux de l'opinion, n'était-ce point aux ministres eux-mêmes d'y procéder ?

Et pour quelles raisons l'auraient-ils fait, puisqu'ils sont liés par le principe intangible de la solidarité gouvernementale ?

Quelles raisons ont conduit à en exclure le ministère de l'environnement dont on a vu qu'il avait vocation à s'assurer de la qualité du cadre d'où émerge notre alimentation ?

Il est vrai qu'il lui manque - mais la remarque est dira-t-on triviale - une direction générale susceptible de le mettre sur le même pied que les autres administrations.

D'ailleurs quelle juridiction serait appelée à trancher un éventuel et étrange conflit née de l'inapplication de ce Protocole ?

L'Etat n'a-t-il point seul la personnalité juridique ?

A moins que les services n'en appellent au Gouvernement du soin de trancher !

Nous revoici au point de départ de notre réflexion : la sécurité alimentaire relève de la responsabilité du Gouvernement qui, sur un tel sujet doit s'appuyer sur ses services, non leur déléguer des pouvoirs qu'il tient de la confiance que lui accorde le Parlement c'est-à-dire la souveraineté populaire.

C'est en son nom que la commission d'enquête estime que cette façon de gérer sous forme de protocole n'a guère de valeur sinon de démontrer que la présente structure administrative, où nul n'est responsable en bloc et tous le sont dans le détail, n'a pu susciter dans le passé que des conflits, qui pour être temporairement apaisés n'attendent que de resurgir.

Dans le cas d'espèce, nul doute que la pratique du Protocole n'ait eu un heureux effet d'annonce mais pour combien de temps ?

Dès lors que faire ?

La commission d'enquête s'autorisera à faire appel aux réflexions conjointes d'un haut fonctionnaire confronté aux problèmes concrets du terrain et celles du ministre de l'Agriculture confronté, tant à Paris qu'à Bruxelles, à des problèmes non moins concrets, pour en arriver à une troisième solution.

Des administrations qui doivent accepter
la nécessaire unité de commandement

On ne saurait bien sûr conduire l'action de l'Etat sur le témoignage d'un seul de ses serviteurs, fut-il le plus brillant qui soit Préfet hier du département des Hautes-Alpes dont le rapporteur de la commission d'enquête est l'élu, Préfet aujourd'hui du département des Côtes d'Armor dont le président de ladite commission est cette fois ci l'élu, ni perturber la carrière de ce fonctionnaire d'autorité en mettant en exergue des propos qui pourraient être portés un jour à son discrédit.

Mais, enfin, son expérience est grande. Il était dûment invité, conformément à l'Ordonnance de 1958, à s'exprimer devant une commission d'enquête qui avait délégué pour l'entendre l'ensemble de son Bureau ainsi que son rapporteur. Et d'ailleurs ses propos, malgré leur franchise mais grâce à leur lucidité, ne sauraient nullement porter atteinte ni à l'autorité de l'Etat qu'il représente, ni a fortiori être considéré comme un manquement au devoir de réserve dont la procédure de la commission d'enquête l'avait précisément délié.

Or que confie, à la représentation nationale, M. le Préfet des Côtes d'Armor ?

« Si la sécurité alimentaire est une exigence du consommateur, elle ne s'est peut-être pas encore traduite par une réalité administrative visible. Vous avez devant vous six services qui contribuent de près ou de loin à cette sécurité alimentaire : l'un pour la santé publique, l'autre pour la mer, le troisième pour les importations et les exportations, le quatrième pour les contrôles, et les deux derniers sur les contrôles en terme d'hygiène alimentaire et d'installations classées.

« Nous avons donc une structure administrative éparpillée qui ne contribue pas beaucoup à la sécurité alimentaire...

« Je sais bien que les cultures des services sont différentes, qu'il y a trois grandes masses : les services relevant du ministère des finances, les services relevant de l'agriculture et les services relevant de la santé. Ces trois grands ministères devraient mieux coopérer encore qu'ils ne le font...On pourrait même aller c'est encore sans doute prématuré vers des regroupements de services plus structurels. Je rêverais d'une direction départementale de la sécurité alimentaire... »

Cette création devrait-elle impliquer une restructuration des administrations ?

Nul doute que, sur ce terrain, M. le Préfet des Côtes d'Armor ne soit guère entendu du Gouvernement car c'est non sans faire preuve de beaucoup de réflexion et de mesure que le ministre de l'agriculture, M. Jean Glavany devait faire part à la commission du faible intérêt qu'il prête à une telle éventualité :

« La grande question politique sur l'organisation du risque, devait-il déclarer le 1er février 2000, est celle de la gestion du risque à travers trois administrations : la Direction générale de la Santé, la Direction générale de l'alimentation au ministère de l'agriculture. Peut-être pourrions nous aller droit au but. Après tout, si j'étais encore parlementaire, je me poserais certainement cette question : faut-il changer le dispositif pour l'unifier ? »

Et de poursuivre : 

« A ce stade, deux raisons m'incitent à répondre négativement. Il faut l'améliorer et non pas le changer. Pourquoi ?

« 1°) parce que nous venons de tout changer et que trop de changements tue le changement...

« Nous venons de mettre en place l'A.F.S.S.A...

« A travers la loi d'orientation agricole, nous avons instauré un système de biosurveillance et de sécurité alimentaire...

« Dans l'organisation même du ministère de l'agriculture et de la direction générale de l'alimentation...nous venons d'engager une réforme ;

« 2°) (parce que c'est par) l'interministérialité (qu') il nous faut conjuguer des problèmes de santé publique, des problèmes économiques... »

Mais, le ministre de l'Agriculture en convient lui-même bien volontiers, « l'interministérialité » est un long combat, un exercice difficile qui exige beaucoup d'abnégation tant de la part des fonctionnaires qui assistent les ministres et à qui il faut sans cesse rappeler qu'avant d'être les serviteurs d'un ministère ils sont ceux de la République, que de la part des ministres eux-mêmes qui, soumis sans cesse à la pression médiatique y résistent, selon les circonstances, avec plus ou moins de fermeté.

Alors recourir à l'arbitrage de Matignon ? M. Jean Glavany en convient, le mécanisme est lourd.

Mais la solution ainsi évoquée est-elle envisageable ?

N'est-ce pas créer une structure complémentaire qui, ou bien sera sans moyen et sans grand poids, ou une structure qui n'aura de cesse d'accroître ses moyens, que certains n'auront de cesse de restreindre, qui s'opposera tantôt à la D.G.C.C.R.F., tantôt à la D.G.A.L. sans jamais avoir la capacité d'arbitrer ?

Car la commission d'enquête, dont c'était précisément l'une des missions, se permet de faire part elle aussi de ses réflexions et à avancer une solution assez simple autant que peu coûteuse.

Elle le dit d'emblée : elle ne croît pas à la solution d'un secrétariat général à la sécurité alimentaire.

Pour tout dire, elle ne souhaite pas la création d'organismes nouveaux qui seraient générateurs de dépenses nouvelles.

Elle n'est pas non plus favorable - que M. Glavany se rassure sur ce point - à une redistribution des rôles et à une modification des structures tout simplement parce qu'elle n'est pas suffisamment naïve pour croire que les recommandations d'une commission par essence transitoire - fut-elle une commission d'enquête parlementaire - soient suffisantes pour l'emporter sur la résistance d'administrations qui, à l'énoncé de simples réflexions faites par les uns ou par les autres à l'occasion de ses travaux, ont déjà - pour certaines d'entre elles - fait le siège de leurs ministres respectifs pour que surtout rien ne change et que tout reste comme auparavant.

Sans doute, y a-t-il quelque doublon, notamment entre la D.G.A.L. et la D.G.C.C.R.F. tant, on vient de le voir, le fil est ténu entre la mission de réprimer les fraudes et celle d'éviter les risques, si ténus que la commission n'a pas vraiment réussi à déterminer où se situaient les périmètres propres des deux administrations et qu'elle n'est pas convaincue qu'elles-mêmes le sachent vraiment et désirent le savoir.

Pour autant, en pareil domaine, la redondance dès lors qu'elle suscite l'émulation et non l'affrontement est préférable à l'insuffisance et la commission d'enquête laisse le soin aux structures permanentes de contrôle, les Commissions des finances des deux assemblées, la Cour des comptes... de faire preuve de leur vigilance coutumière en ce domaine.

Par contre il est un point sur lequel il lui semble impossible de transiger : c'est celui de la nécessaire unité de commandement qui doit présider en une telle matière.

Qui dit sécurité dit crise ou « entre les crises » mise au point des dispositifs susceptibles d'y faire face immédiatement et avec efficacité.

Il est vrai - dira-t-on que la crise, de même que la menace ou l'agression - pour constituer des notions bien connues des administrations, ne bénéficie guère, tout comme les aliments, ni d'une définition claire, ni de procédure unifiée.

Eh bien non ! Il faut à certains moments que l'audace l'emporte sur la séculaire prudence administrative grâce à laquelle il est parfois si doux de gérer au mieux les réalités d'hier mais non en fonction des exigences dérangeantes d'un présent qui seront davantage encore celles d'un proche futur.

Ah ! Que l'ancien temps était bon, c'est-à-dire le temps où chaque administration conduisait sa politique sous l'_il lointain d'un ministre davantage préoccupé par le sort qu'allait lui réserver la prochaine crise ministérielle (nous voici revenu au temps d'Alain) que par l'évolution de l'économie internationale qui nous touchait si peu du fait de nos frontières cadenassées.

Mais aux regards de ce qui se passe dans le monde et en Europe, que vaut telle ou telle réformette d'une sous direction de l'administration centrale ou d'un bureau d'un service extérieur ?

Ce qu'il nous faut, pour en imposer à nos partenaires de l'Europe des Quinze, c'est une « Task Force » mise au service de la sécurité alimentaire. Cette « Task Force », nous en avons les moyens, à condition de rassembler ceux qui sont présentement dispersés.

Dès lors, disons-le de suite, ce n'est ni rêver, ni anticiper à l'excès que de dire qu'il faut :

1°) répondre aussi vite que possible aux inquiétudes de nos concitoyens par une initiative suffisamment hardie,

2°) montrer l'exemple à l'extérieur de nos frontières, au moment où s'engage nous allons y venir le débat sur le Livre blanc relatif à la sécurité alimentaire proposé par la Commission Prodi,

3°) montrer l'exemple, au-delà même de l'Union Européenne, alors que s'amplifie le rôle du Codex alimentarius.

Ce n'est ni rêver, ni anticiper que de disposer :

1°) à Paris : d'une Direction générale de l'alimentation, devenue la Direction générale de la Sécurité alimentaire, ayant primauté sur toutes les autres administrations pour traiter du dossier, voire pouvoir de commandement, mais d'autant plus apte à y prétendre qu'elle cessera d'apparaître comme la direction des « vétérinaires », que ses équipes pluridisciplinaires feront appel aussi à des médecins, dont la présence à leur côté est indispensable, ou, comme c'est aujourd'hui le cas pour la D.G.C.C.R.F. ou l'A.F.S.S.A, aux grands corps que sont le Conseil d'Etat ou la Cour des Comptes,

2°) au niveau des régions et des départements : des directions régionales et départementales de la sécurité alimentaire,

3°) l'ensemble mettant en _uvre un Code de l'alimentation, anticipation de cette très prochaine directive européenne dont la France a tout intérêt, par la rapidité et le sérieux de ses travaux, à être l'inspiratrice,

4°) le tout servi par le scrupuleux respect du principe de précaution.

ANALYSE DE LA CRISE DE LISTERIOSE
DE FEVRIER 2000

Pendant que sévissait une épidémie de listériose sur l'ensemble du territoire, un communiqué de presse en date du 18 février 2000 émanant du ministère de l'agriculture, du Secrétariat d'État à la Santé et du Secrétariat d'État à la Consommation, faisait état de 23 cas dont 7 décès.

Un cas ayant été recensé dans le département des Yvelines, la commission d'enquête a décidé d'évaluer sur place et en situation l'action menée par les services départementaux responsables, elle s'est donc transportée à la préfecture des Yvelines le mercredi 23 février 2000 où elle a pu rencontrer M. Bernard Prévost, Préfet des Yvelines, ainsi que les directeurs départementaux des services vétérinaires, de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales et de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

La listériose est une maladie rare mais qui peut s'avérer grave, revêtir une forme septicémique, ou présenter des atteintes neurologiques (méningites, encéphalites), elle fait à ce titre l'objet d'une réglementation spéciale.

Le décret n° 98-169 du 13 mars 1998 et l'arrêté du 10 avril 1998 ont rendu obligatoire la déclaration de la listériose pour tout docteur en médecine qui en a connaissance.

Le centre national de référence des listéria (CNR), de l'Institut Pasteur et son réseau de laboratoire centralise la surveillance de cette maladie.

Une procédure d'alerte a été organisée en cas de manifestation d'une épidémie. Cette cellule de crise regroupe la Direction générale de la Santé, le Réseau national Santé publique, le CNR, la DGCCRF et la DGAL, et décide des actions à entreprendre.

La commission d'enquête a pu contrôler sur pièces, l'ensemble des correspondances, télécopies, notes échangées et reçues au cours de l'action menée tant par les services de l'État que par ceux du département des Yvelines à l'occasion de l'épidémie de listériose.

C'est sur ces documents que se fonde la chronologie détaillée des contacts entre administrations présentée ci-dessous.

CHRONOLOGIE DES CONTACTS ENTRE ADMINISTRATIONS CENTRALE (DGAL) ET DÉCONCENTRÉES

Lundi 7 février :

appel de la DSV à la DDASS pour signaler l'appel de l'hôpital de St-Germain en Laye ;

appel de la DSV au Laboratoire départemental d'analyses (LDA) pour les informer de l'arrivée de prélèvements.

Mercredi 9 février :

appel de la DSV à la DDASS pour connaître les informations recueillies sur ce cas et obtenir quelques précisions

Mardi 15 février au soir :

réception par la DSV de la télécopie des résultats préliminaires des analyses (18 h 15)

Mercredi 16 février :

appel de la DSV à la DDASS pour l'informer des résultats obtenus

réception de la télécopie de la DGAL informant les DSV de l'émergence d'une anadémie et donnant des instructions

appel de la DSV à la DGAL pour savoir si le cas des Yvelines doit faire l'objet de l'enquête préconisée par les instructions étant donné les circonstances particulières (habitudes culinaires de la famille et lieu d'achat des denrées à la coupe)

Jeudi 17 février :

déplacement de la DSV à la DDASS pour remettre une copie des instructions reçues par la DSV et récupérer le questionnaire alimentaire auquel a répondu le malade

appel de la DDASS et de la DGAL pour confirmer que le cas doit faire l'objet de l'enquête et confirmation de la DDASS de l'accord du malade pour que la DSV l'interroge

appel de la DSV au LDA pour les informer du dépôt de prélèvements le 18 février

appel de la DGAL pour informer le DSV que le cas des Yvelines appartient à l'anadémie 

réception d'une télécopie de la DGAL relative aux souches de listeria détenues par les laboratoires (20 h 39)

Vendredi 18 février :

réception d'une télécopie de la DGAL relatives aux lettres adressées aux préfets et aux professionnels de la distribution (10 h 50)

transmission par télécopie de la DSV au LDA des instructions de la DGAL et appel de la DSV pour vérifier la bonne réception du fax

Samedi 19 février :

réception par télécopie du communiqué de presse élaboré par les trois ministères (12 h 18)

Lundi 21 février :

transmission par télécopie de la DSV à M. le Préfet et à la DDASS d'un résumé des faits (12 h 15 et 12 h 38)

réception d'une télécopie de la DGAL concernant les fabricants de langues de porcs en gelée (23 h 45)

réception par télécopie des résultats validés des prélèvements du 7 février (17 h 21)

appel de la DSV au LDA pour les informer de l'arrivée d'un prélèvement pour analyse le 22 février

contact entre la DSV et la DDCCRF au sujet de la préparation d'une réunion. Au cours de ce contact la DDCCRF informe la DSV de la réception par le DDCCRF d'instructions relatives aux fabricants de langues de porc en gelée

réception d'une télécopie de la DGAL relative aux instructions concernant les fabricants de langues de porc en gelée et faisant le point sur la situation au 18 février (23 h 45)

Mardi 22 février :

réception d'une télécopie de la DDCCRF des instructions reçues la veille par la DDCCRF (10 h 45)

transmission par télécopie de la DSV à la DDASS des résultats des analyses effectuées sur les prélèvements du 7 février (19 h 46)

transmission par télécopie par la DSV à la DGAL des résultats de l'enquête relative aux produits et aux fournisseurs du charcutier auprès duquel se fournissait le malade (21 h 51)

COMMENTAIRE :

Pendant que le laboratoire de microbiologie de l'hôpital de Saint-Germain-en-Laye isole le 4 février 2000 une souche de listeria chez un patient hospitalisé, transmise au Centre national de référence de l'Institut Pasteur, le 7 février, l'hôpital prévient les services vétérinaires aux fins d'analyse de restes alimentaires provenant du réfrigérateur du patient atteint de listeriose.

L'enquête alimentaire effectuée conduit à des analyses négatives - aucune souche n'est trouvée dans les denrées analysées - les résultats sont notifiés le 15 février.

Le cas sporadique des Yvelines est joint à l'épidémie « nationale » le 17 février après la réception de la télécopie émanant de la DGAL en date du 16 février signalant l'émergence d'une épidémie.

Il ressort des éléments du dossier :

1. au niveau départemental :

Dès la connaissance de la nature de la maladie du patient hospitalisé à Saint-Germain-en-Laye :

- le CNR a été informé et saisi pour analyses

- la DSV a été alertée, une enquête alimentaire a été diligentée - interrogatoire et analyses

- la DDASS a été informée.

C'est donc sans délai que toutes les mesures d'enquête et de prévention ont été prises, avant même que l'alerte relative à l'épidémie émergente ne soit lancée.

Le 16 février, date de cette alerte, le nécessaire était fait.

2. au niveau national :

Le système de centralisation auprès du CNR a repéré la suspicion d'une émergence d'une épidémie, et a entrepris des analyses complémentaires dès le début du mois de février.

Dès que l'épidémie s'est trouvée avérée la cellule de crise est entrée en fonction pour engager les actions d'information et d'enquête adaptées à la nature de l'épidémie.

La commission d'enquête constate ainsi que les dispositifs de vigilance ont fonctionné normalement et rempli leur fonction d'alerte, les instances locales agissant en complément des instances nationales.

En revanche, la gestion de la communication par les ministres cogestionnaires, responsables a pris la forme d'une « polémique » et donné lieu à des déclarations contradictoires, brouillant ainsi le message qui devait être adressé à l'opinion.

Mme Dominique Gillot, Secrétaire d'Etat à la santé déclarait le 22 février que la langue de porc en gelée était très vraisemblablement le principal véhicule de la bactérie en contredisant les propos du ministre de l'agriculture qui avait déclaré peu de temps auparavant « que toutes les personnes atteintes n'avaient pas mangé de ce produit ». La Secrétaire d'Etat à la santé devait déclarer également que « l'épidémie était arrivée à son terme » avant la survenue de nouveaux cas, de même il s'avérait qu'il n'existait aucun élément probant susceptible de mettre en cause l'aliment soupçonné à la suite des investigations conduites auprès des fabricants. M. Glavany, Ministre de l'agriculture, devait démentir nettement ces propos « il ne faut parler que lorsque l'on a quelque chose à dire ».

La communication en situation de crise ne devrait se fonder que sur des faits ou des réalités objectives - le produit , cause de la contamination n'est pas identifié, des enquêtes sont menées activement, les dispositifs de surveillance sont en alerte et remplissent leur mission - plutôt que tenter de donner l'impression de vouloir rassurer l'opinion en prétendant que tout est maîtrisé. C'est en fait l'effet opposé qui est obtenu et les instances responsables sont décrédibilisées.

Enfin pour conclure sur la crise de listériose, nous référant à une observation de M. Vincent Carlier, professeur d'hygiène des viandes à l'École nationale vétérinaire de Maisons-Alfort :

« en ce qui concerne les critères microbiologiques, la France a été un pays pionnier en ce domaine puisque l'arrêté ministériel date du 21 décembre 1979, ce qui fait qu'il a vingt ans. Il a rendu des services éminents à la sécurité des aliments en France. Aujourd'hui, il a, je pense, atteint ses limites et je considère qu'il serait grand temps que les opérateurs des filières et les pouvoirs publics disposent de vrais critères microbiologiques, je fais référence à un ensemble de données qui sont liées les unes aux autres. Un critère, c'est une valeur chiffrée, une méthode d'analyse, un lieu d'application et des actions correctives en cas de dépassement ».

nous estimons qu'à l'occasion de la nécessaire révision des dispositions relatives aux critères microbiologiques des aliments, des mesures de prévention soient prévues et renforcées contre les bactéries de type listeria.

D.- Disposer de normes respectueuses du principe de précaution

Toutes les personnalités auditionnées par notre commission d'enquête ont d'une manière ou d'une autre souligné l'importance et l'intérêt du principe de précaution. Qu'il s'agisse d'agriculteurs, d'industriels, de distributeurs, de syndicalistes ou de consommateurs, de scientifiques, de représentants de l'administration ou de responsables politiques, tous décrivent comment à leur niveau ils sont amenés à mettre en _uvre ce principe qui par ailleurs fait l'objet de nombreux débats dans l'opinion.

Le Premier ministre a donné mission à deux experts de clarifier le sens et la portée de ce principe et de proposer des principes de réflexion et d'action sur ce thème. Le rapport de M. Philippe Kourilsky et de Mme Geneviève Viney a été déposé le 29 novembre 1999.

La Commission des Communautés européennes vient, à la suite de la publication du Livre blanc sur la sécurité alimentaire, de rendre publique une communication sur le recours au principe de précaution

Nous assistons donc à un grand effort de réflexion tendant d'une part à préciser les conditions d'utilisation du principe et d'autre part à en définir les limites et identifier les possibles effets négatifs d'une mauvaise utilisation de celui-ci.

Il sera utile de rappeler l'origine de ce principe et de prendre en compte les éléments constitutifs qui ont servi à en forger le concept dans le creuset du droit international.

Nous serons ainsi mieux à même d'apprécier le sens et la portée de la fonction qu'il remplit dans notre droit et dans la société.

En fait, il s'agit d'une idée simple «il faut agir avec prudence en toutes circonstances » qui se décline en une infinité de cas et c'est cette déclinaison qui est plus problématique.

Origine et définitions du principe de précaution

    Le principe de précaution est devenu un principe essentiel du droit international de l'environnement. A ce titre, le principe s'inscrit dans le concept de développement durable et va de pair avec d'autres principes tels que l'équité entre les générations, la prévention de la pollution, le principe du pollueur - payeur, le principe de participation.

    Le souci initial de la société internationale qui est à l'origine de l'élaboration de ce principe est celui de protéger les ressources naturelles, l'environnement et la santé humaine en imposant une exigence de prudence adaptée à la complexité des risques de dommages que les activités humaines et industrielles peuvent engendrer.

    En droit international :

    C'est ainsi qu'avant même l'identification sous le terme générique de précaution, ce principe est apparu dans le contexte de la lutte contre la pollution marine (protection de l'écosystème marin et réduction des émissions polluantes de substances toxiques rémanentes -Conférence sur la protection de la mer du Nord - 1987)

    Puis l'approche ou le principe de précaution ont été définis ou mentionnés dans diverses conventions internationales, on citera notamment :

    - La déclaration de Bergen de 1990 ;

    - La Convention d'Oslo et de Paris pour la prévention de la pollution marine, article 2, septembre 1992 ;

    - La déclaration de Rio sur l'environnement, article 15 juin 1992 ;

    - la Convention cadre sur les changements climatiques, article 3, signée par la France en juin 1992 ;

    - plus récemment le Protocole sur la bio-sécurité adopté à Montréal le 28 janvier 2000 a expressément prévu le recours au principe de précaution dans son article 10 paragraphe 6.

    En droit international le principe a acquis la valeur d'un principe de portée générale, la commission des principes généraux du Codex alimentarius doit inscrire cette question à l'ordre du jour de ses travaux et proposer des recommandations qui alors pourraient acquérir la valeur de règles de références pour les membres de l'OMC.

    L'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a adopté le 27 janvier 2000 une recommandation « Sécurité sanitaire des populations européennes » qui mentionne le principe de « prévention et précaution » et préconise d'inviter les Etats membres à s'inspirer de ce principe de doctrine pour guider les politiques de gestion des risques.

    En droit communautaire :

    Le principe de précaution a été introduit par le Traité de Maastricht de 1992 à l'article 130 R du traité sur l'Union européenne, aujourd'hui article 174 du Traité de la Communauté européenne dans le titre consacré à l'environnement :

    « La politique de la Communauté dans le domaine de l'environnement vise un niveau de protection élevé, en tenant compte de la diversité des situations dans les différentes régions de la Communauté. Elle est fondée sur les principes de précaution et d'action préventive, ... »

    Le Traité mentionne le principe mais n'en donne aucune définition. Cependant la communication de la Commission des Communautés européennes sur le recours au principe de précaution précise que «dans la pratique son champ d'application est plus vaste que celui de l'environnement » et englobe « la santé humaine, animale ou végétale » pour lesquels la commission « a choisi un niveau élevé de protection »

    En droit interne :

    Le principe de précaution a été introduit en droit interne à l'occasion du vote de la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement.

    L'article premier du projet de loi rappelle solennellement les principes adoptés par la France au niveau international, au rang desquels figure en premier lieu le principe de précaution suivi des autres principes caractéristiques du concept du développement durable : les principes d'action préventive, du pollueur-payeur et de participation.

    Ce texte figure à l'article L 200.1 du code rural :

    « Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l'air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation.

    Leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état et leur gestion sont d'intérêt général et concourent à l'objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants :

    le principe de précaution, selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable ;

    le principe d'action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable ;

    le principe pollueur-payeur, selon lequel les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur ;

    le principe de participation, selon lequel chacun doit avoir accès aux informations relatives à l'environnement, y compris celles relatives aux substances et activités dangereuses. »

    Ainsi le principe de précaution participe d'un ensemble de concepts avec lesquels il entretient des relations d'interdépendance et de complémentarité.

    Il faut observer que le champ initial de l'article L200.1 du code rural orienté essentiellement vers l'objectif du développement durable dans le cadre de l'environnement a étendu ce cadre a celui de la santé humaine « la santé des générations présentes » à l'occasion du vote de la « loi du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie. Les mots «  et la santé » et «  la qualité de l'air » ont été ajoutés, élargissant ainsi à la santé humaine le champ d'application du principe de précaution.

    Il s'agit là d'une évolution très significative de la manière de penser et l'environnement et la santé, celle-ci étant de ce fait intégrée à l'objectif de développement durable et donc comprise avec les concepts de précaution, de participation et d'action préventive, la santé devient globale.

Quel est le champ d'application du principe de précaution ?

La définition des objectifs à atteindre est variable selon les textes, mais elle est s'est précisée et continue encore d'évoluer.

Du contrôle de substances toxiques rémanentes, en 1987, le champ s'est élargi dans la déclaration de Bergen en 1990 : « les politiques environnementales doivent prévoir, prévenir et réduire les causes de détérioration de l'environnement, en cas de risque de dommages graves ou irréversible, l'absence de certitude scientifique ne doit pas servir de prétexte pour reporter les mesures visant à prévenir la dégradation de l'environnement ».

L'article 15 de la convention de Rio de 1992 ajoutera à la définition la notion de coût acceptable « des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les Etats selon leur capacité »

Le champ d'application s'est encore précisé et a été étendu à la protection des écosystèmes et à la diversité biologique, et par l'effet du concept de développement durable, les domaines de la santé humaine, animale ou végétale, de la sécurité des générations actuelles et futures sont également devenus des objets auxquels les comportements de précautions doivent s'appliquer.

    COMPOSANTES DU PRINCIPE DE PRECAUTION

Convention de RIO art.15

L 200.1 du code rural

Définition proposée par Rapport Kourilsky-Viney

Livre Blanc de la Commission des Communautés

L'absence de certitude scientifique absolue

Absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment

Attitude à observer par tout décideur concernant une activité supposée comporter un danger grave pour la santé ou l'environnement

Insuffisance des données scientifiques

Incertitude scientifique
Projet « Risques technologiques et gestion de l'incertitude » (4 rapports)

Ne doit pas servir de prétexte à remettre à plus tard l'adoption

Ne doit pas retarder l'adoption

Attitude à observer par toute personne qui prend une décision. Il s'impose aux Pouvoirs publics qui doivent faire prévaloir la santé et la sécurité sur la liberté des échanges

Agir ou ne pas agir :
décision politique fonction du niveau de risque acceptable par la société

De mesures effectives

Mesures effectives et proportionnées

Protection

Restauration

Gestion

Il commande de prendre....
Dispositif doit être proportionné à l'ampleur du risque
et révisable à tout moment

mesures :
- Proportionnées
- non discriminatoires
- cohérentes
- examen des avantages et des charges
- réexaminées (révisables)
- Charge de la preuve scientifique

Visant à prévenir
La dégradation

Visant à prévenir

Dispositif doit être proportionné

Sélectionner les actions les plus appropriées à prendre

En cas de risque

Un risque

Détecter et évaluer le risque
le réduire à un niveau acceptable
l'éliminer si possible
respect des 10 commandements

Hypothèse de risque potentiel :
- identification du danger
- caractérisation du danger
- évaluation du risque
- caractérisation du risque

De dommages graves et irréversibles

De dommages graves et irréversibles

Une activité supposée comporter un danger grave

effets potentiellement négatifs d'un phénomène, produit, procédé

De l'environnement

A l'environnement
Air, espèces animales ou végétales
Biodiversité
Santé des générations présentes et futures

Pour la santé ou sécurité des générations actuelles ou futures ou l'environnement

pour l'environnement, la santé humaine, animale ou végétale

Des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les Etats selon leurs capacités

A un coût économiquement acceptable

Un coût économiquement et socialement supportable

 
   

Informer consulter les personnes concernées

 

    La mise en _uvre du principe de précaution

    La mise en _uvre du principe peut s'effectuer selon diverses méthodes, le but à atteindre et la nature de l'objet pouvant revêtir une infinité de formes, il faut choisir l' »outil » de mise en _uvre parmi la diversité des techniques juridiques ou scientifiques qui s'offre au décideur; on peut citer de façon non limitative :

Des mesures de prévention :

    promotion et aide à des méthodes de production non polluantes

    contrôles antipollution

    interdictions

    recours à l'expertise scientifique

    système d'autorisation préalable (ce qui n'est pas expressément autorisé est interdit)

    Des dispositifs légaux ou réglementaires :

    lois de responsabilité attribuant la charge de la preuve à l'auteur de l'action

    enquêtes publiques, publicité, participation de tous les intéressés

    études d'impact

    études de risque / coût / avantages

    mécanismes d'assurances

    études épidémiologiques et programmes de recherche

    C'est au moyen de ces différents outils que le décideur, politique, industriel ou autre, sera amené à mettre en _uvre des mesures de précaution qu'elles soient relatives à la protection de l'environnement (rejets de fumées ou d'effluents), relatives à la sécurité des aliments (contrôles des additifs, respect de réglementation, normes sanitaires), relatives à la santé (campagnes d'information, recherche médicale, épidémiologie).

    Le législateur quant à lui doit veiller à concevoir une législation qui prenne en compte ces différentes exigences et organiser la mise en place de structures et de procédures qui devront permettre l'évaluation et la gestion des risques, la prévention de dommages et leur réparation.

    Apprécier et gérer le risque

    Le but principal du principe de précaution, en situation d'incertitude scientifique, est de diminuer ou de réduire autant que faire ce peut le risque. Il convient d'une part de définir, d'analyser et d'évaluer le risque, d'autre part de le gérer.

    L'appréciation du risque s'opère en plusieurs étapes que l'on pourrait résumer ainsi d'après les analyses du rapport Kourilsky-Viney :

    1°. Identifier, objectiver le risque potentiel qui n'est ni un fantasme ni une appréhension

    2°. Evaluer, graduer le risque, préciser le seuil à partir duquel il devient nécessaire d'agir, établir un plan de recherche

    3°. Prendre en compte les retours d'expérience

    4°. Comparer les scénarios « agir - ne pas agir »

    5°. Recueillir l'ensemble des données : environnementales, sanitaires, économiques et sociales, comparer les différents scénarios et procéder à une analyse coût - avantages

    L'appréciation du risque incombe aux experts, aux scientifiques et elle doit préparer la prise de décision du décideur qui gérera le risque, instance politique ou industriel par exemple.

    La qualité de l'évaluation du risque est fonction des capacités d'expertise, se posent alors les questions de la formation des experts, de leurs méthodes, de leur indépendance, en fait, de leur statut.

    Le rapport Kourilsky-Viney déclare : « l'expertise en France est très largement sous dimensionnée ». Les scientifiques auditionnés par la commission arrivent tous à cette même conclusion - que le lecteur se reporte aux textes des procès-verbaux des professeurs Pierre Louisot, Gérard Pascal, Jean-François Narbonne, Martin Hirsch, Marc Fellous, Jean-Pierre Flandrois, M. Dominique Dormont, Jeanne Brugère-Picoux, tous dénoncent en termes mesurés, parfois avec amertume la précarité et les difficultés de la fonction d'expert. L'expertise est souvent accomplie à titre bénévole, sans indemnité, sans décharge d'enseignement, des laboratoires sont fermés ou ne disposent pas de moyens suffisants, l'expertise ne fait pas l'objet d'une filière d'enseignement, et y procéder nuit à la carrière des chercheurs.

    M. Pierre LOUISOT : Ensuite, il faudra prendre en considération les experts car il n'est pas normal que le travail d'expert ne soit pas un travail reconnu par les instances publiques. Que ce soit à l'Université, l'hôpital ou dans les organismes de recherche, la fonction d'expert n'est pas considérée. Les experts sont à peine remboursés de leur frais ; il va bientôt falloir avoir une fortune personnelle pour être expert quand on vient de province ! Cette situation ne peut pas durer. Une amélioration de leur travail et de leur condition est à prendre en compte. L'Agence ne fonctionnera pas sans une prise en considération sérieuse des experts et de l'expertise en France. Nous ne pouvons plus rester dans le cadre de l'amateurisme et de la bonne volonté que nous avons connus jusqu'à présent.

    En France les experts ont des capacités et des idées mais ils n'ont pas de statut et ne disposent que de peu de moyens.

    Revaloriser la recherche et l'expertise, dans les laboratoires, dans l'enseignement, organiser un statut, voilà la priorité. C'est à la façon dont il sera répondu à cette urgence, unanimement soulignée, que sera jugée toute volonté politique de contribuer à la sécurité sanitaire en France.

    De la revalorisation de l'expertise et de son statut dépend également l'indépendance des experts, condition essentielle de la crédibilité de toute expertise. C'est encore la condition indispensable pour que la France puisse être entendue dans les instances internationales telles celles du Codex alimentarius, de la F.A.O. de l'O.M.S. ou de l'O.M.C.

    Après la phase d'appréciation du risque arrive le moment de la décision, à ce stade l'expert s'efface et le politique ou un autre décideur tranche.

    Dans le cadre du principe de précaution, l'évaluation du risque est effectuée en situation d'incertitude scientifique, dans ces conditions la décision doit pouvoir être révisée, les connaissances étant amenées à évoluer, elle doit également être proportionnée, mesurée en fonction des critères du rapport coût-avantages.

    Mme Michèle RIVASI : Je voudrais revenir sur vos propos relatifs aux sciences et à la problématique du scientifique et du non scientifique.

    .... Lorsque vous dites « ce n'est pas scientifique », je dirais plutôt, en tant que scientifique, qu'en fait, je n'ai pas de modèle explicatif. Cela explique pourquoi, dans l'appréciation des choses, il y a une partie intuitive, que l'on dit irrationnelle, qui fait que les gens perçoivent que c'est bon ou moins bon alors qu'à l'heure actuelle, nous n'avons pas les arguments d'une démonstration....

    Il faut une éducation plurielle parce que l'on constate que ce sont des évolutions parallèles qui ont conduit à la prise de conscience que nous sommes dans un monde qu'il faut protéger et dans un monde où les certitudes peuvent être remises en question dans les années qui suivent leur énoncé.

    M. Pierre LOUISOT : Madame, je me sens en harmonie totale avec ce que vous venez de dire.

    S'il est utile du point de vue théorique de bien distinguer les phases de l'évaluation du risque (l'expertise) de celle de la gestion du risque (la décision), il ne faut pas minimiser le fait qu'en pratique la distinction n'est pas aussi évidente et qu'il existe une osmose entre les fonctions d'expertise et de décision. Parmi les cinq étapes que nous avons distinguées pour caractériser le processus de l'appréciation du risque, les quatrièmes et cinquièmes étapes (Comparer les scénarios « agir - ne pas agir »; recueillir l'ensemble des données : environnementales, sanitaires, économiques et sociales, comparer les différents scénarios et procéder à une analyse coût - avantages) constituent des éléments qui préparent et « annoncent » la future décision. De même toute expertise est définie par une mission, dûment formalisée par un texte. Les termes de la mission déterminent l'objet de la recherche, en déterminent plus ou moins largement le champ.

    S'il faut illustrer cette évidence par un exemple, comment un même objet d'étude peut-il conduire à des réponses différentes voire contradictoires d'un point de vue sémantique :

    M. Gérard PASCAL : A propos des problèmes d'E.S.B., je voudrais tout d'abord souligner combien, me semble-t-il, la presse a brouillé les débats scientifiques entre le groupe d'experts français et les experts européens. Une lecture attentive des questions et des réponses apportées par les uns et les autres montrerait que la différence d'analyse scientifique est extrêmement ténue ; nous n'avons pas de désaccords fondamentaux.

    En fait, les questions qui furent posés à ces deux groupes d'experts n'étaient pas les mêmes......

    Par exemple, il n'a jamais été posé au comité scientifique directeur la question de savoir si l'on pouvait ou si l'on devait lever l'embargo. C'est une décision politique, qui concerne évidemment l'évaluation scientifique du risque, mais qui est, avant tout, une décision politique, dans laquelle d'autres éléments que l'évaluation scientifique du risque peuvent être pris en compte. C'est tout à fait légitime. Nous avons toujours essayé de faire respecter cette séparation entre les deux types de décisions.

    Je ne suis pas sûr que la question posée à l'A.F.S.S.A., l'agence française, ait été aussi claire sur ce point, puisqu'on lui demandait d'émettre un avis sur un texte réglementaire, ce qui relève du domaine de la gestion du risque. Nous n'avons donc pas répondu aux mêmes questions.

    Mais, sur le plan scientifique, la réponse du groupe des experts français était que le risque lié à l'exportation de viande britannique dans les conditions de schéma proposé par l'Angleterre n'était pas maîtrisé. Le comité scientifique directeur à Bruxelles n'a pas répondu autrement ; il a répondu que le risque n'était pas totalement maîtrisé, c'est-à-dire que nous ne sommes pas au « risque zéro », mais qu'il n'est pas maîtrisé non plus dans d'autres pays de l'Union européenne.

    En effet, ce sont ceux qui vont gérer le risque, les décideurs, qui consultent les experts, qui posent les questions, qui définissent la mission. S'il faut définir le statut de l'expert, il faut également définir la méthode de l'expertise, garantie de l'indépendance des experts et garantie de la transparence de l'évaluation scientifique, celle-ci ne doit pas être sous l'emprise d'un artefact.

    Dans leur rapport M. Kourilsky et Mme Viney synthétisent les principes des procédures susceptibles d'encadrer la réflexion et l'action sous la forme des dix commandements de la précaution :

    1) Tout risque doit être défini, évalué et gradué.

    2) L'analyse des risques doit comparer les différents scénarios d'action et d'inaction.

    3) Toute analyse de risque doit comporter une analyse économique qui doit déboucher sur une étude coût/bénéfice (au sens large) préalable à la prise de décision.

    4) Les structures d'évaluation des risques doivent être indépendantes mais coordonnées.

    5) Les décisions doivent, autant qu'il est possible, être révisables et les solutions adoptées réversibles et proportionnées.

    6) Sortir de l'incertitude impose une obligation de recherche.

    7) Les circuits de décision et les dispositifs sécuritaires doivent être non seulement appropriés mais cohérents et efficaces.

    8) Les circuits de décisions et les dispositifs sécuritaires doivent être fiables.

    9) Les évaluations, les décisions et leur suivi, ainsi que les dispositifs qui y contribuent, doivent être transparents, ce qui impose l'étiquetage et la traçabilité

    10) Le public doit être informé au mieux et son degré de participation ajusté par le pouvoir politique.

    Comment le principe de précaution est mis en _uvre
    dans différentes législations

    Aux Etats-Unis,

    L'attitude américaine est caractérisée par une certaine résistance au principe de précaution, les mesures doivent être fondées et justifiées tant économiquement qu'au niveau écologique. Toutefois le système de la liste positive, fondé sur l'autorisation préalable, sur justification de l'innocuité du produit est mis en pratique, notamment pour les additifs alimentaires. Cependant prédomine l'idée selon laquelle il faut établir la preuve de la nuisance d'une action ou d'un produit avant d'établir une norme ou de prendre une mesure de restriction.

    M. Pierre LOUISOT : directeur à l'I.N.S.E.R.M et président du comité des principes généraux du Codex alimentarius :

    « Il faut une proposition concrète... Je pense que ce sera un principe internationalement reconnu ou que cela ne sera pas.

    Il faut bien le cadrer ... La position des Américains est de dire que si nous n'avons pas d'arguments scientifiques, il n'y a pas lieu de discuter ».

    En matière de gaz à effet de serre, le président Clinton semble avoir adopté une approche de précaution plus nette, et dernier pas en date, l'accord de Montréal du 28 janvier 2000 sur la biodiversité marque une évolution certaine des Etats-Unis vers la reconnaissance de la logique de précaution.

    Au Royaume Uni :

    Le Royaume Uni  fait du principe de précaution l'axe central de sa politique environnementale. L'approche du principe est utilitaire et témoigne d'une certaine méfiance à l'égard des conséquences néfastes de son application sur le plan économique.

    Son Excellence Sir Michaël JAY : « Vous avez évoqué l'importance du principe de précaution et la nécessité de débats ouverts sur des questions qui soulèvent des problèmes au sein de l'opinion publique...Le principe de précaution nous semble aussi important qu'aux Français et, pour ce qui concerne le débat ouvert sur ce type de question, nous jouons nous-mêmes la transparence. Sur le fond nous sommes tout à fait d'accord avec cette résolution. » (recommandation « Sécurité sanitaire des populations européennes » du Conseil de l'Europe)

    En Allemagne :

    Le droit allemand est depuis longtemps imprégné du principe de précaution et inspire la politique environnementale mais également la politique sanitaire. C'est l'appréciation du coût acceptable qui constitue le critère essentiel de la décision.

    Le principe de précaution et la législation française

    L'article L 200. 1 du code rural énonce ainsi les principes fondamentaux du droit de l'environnement et assigne aux actions relatives à l'environnement et la santé un objectif de développement durable, il convient d'apprécier la portée de ce dispositif et de s'interroger sur son effet normatif ainsi que sur sa capacité à remplir les fonctions que la société attend de lui.

    Un principe énoncé en forme de préambule

    L'article premier de la loi n°95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, codifié à l'article L 200.1 du code rural est une déclaration de caractère général, traduisant une philosophie de l'action et la volonté d'édifier une législation cohérente fondée sur un socle d'idées qui doivent inspirer le législateur comme toute action.

    Le législateur français a choisi de donner une forme solennelle à cette déclaration, source d'inspiration qui permet à la France de dire sa conception du développement durable et du principe de précaution tant au plan international qu'au plan interne.

    Les travaux préparatoires à la loi illustrent le cheminement de la réflexion du législateur, tentant de cerner et de définir le plus rigoureusement possible le contenu du principe, renonçant à faire entrer la santé dans le champ d'application du principe dans la loi initiale, pour la modifier et en faire mention à l'occasion du vote d'une législation sur l'air à peine deux années plus tard, finalement la définition retenue sera très proche de celle donnée par le principe n° 15 de la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement ( voir le tableau Composantes du principe de précaution).

    Le choix du législateur d'exposer dans une déclaration liminaire les objectifs qu'il assigne à la législation est une technique courante. Elle permet d'encadrer et d'orienter de façon cohérente les différentes étapes législatives laissant le soin au pouvoir réglementaire de mettre en _uvre l'application des lois selon des modalités appropriées. Elle offre au juge également la définition d'une doctrine qui permettra d'apprécier avec justesse les contentieux incidents qui pourraient survenir en facilitant l'interprétation des actions ou des décisions par rapport à la loi. En fixant des orientations générales, le législateur ménage des marges de man_uvre et permet l'adaptation de l'action politique en fonction de l'évolution des connaissances scientifiques et techniques ou des modifications des données économiques.

    Cependant il convient d'observer que les obligations ainsi prescrites par la loi n'ont qu'un effet normatif assez faible puisque seules des procédures instituées, inspirées par ces principes sont susceptibles d'avoir une application directe et concrète, c'est là que réside la responsabilité du législateur.

    le principe de précaution oblige

    Légiférer ou ne pas légiférer ?

Le principe de précaution recommande un modèle de comportement lorsqu'en l'absence de certitudes scientifiques et techniques, un décideur se trouve face à un risque de dommages graves ou irréversibles : le principe exprime une exigence d'action réfléchie, c'est presque l'une des définitions de la prudence donnée par le dictionnaire « attitude d'esprit d'une personne qui réfléchissant à la portée et aux conséquences de ses actes, prend ses dispositions pour éviter des erreurs, des malheurs possibles, s'abstient de tout ce qu'elle croit pouvoir être source de dommage(1596) ».

    La maxime « dans le doute, abstiens-toi » exprime une recommandation d'évitement du risque, sous forme de maxime le principe de précaution pourrait s'exprimer ainsi « dans le doute, mets tout en _uvre pour agir au mieux » (Philippe Kourilsky-Geneviève Viney) : le principe de précaution oblige et c'est un principe de prudence.

    M. Pierre Sargos, conseiller à la Cour de Cassation, rappelle que la notion de précaution et de prévention imprègne la doctrine judiciaire de la responsabilité depuis longtemps et cite Jean Domat, jurisconsulte du XVIIème siècle dont les travaux ont constitué l'une des bases du code civil :

    « ceux qui pouvant empêcher un dommage que quelque devoir les engageait à prévenir y auront manqué, pourront y être tenus selon les circonstances » et encore « il faut mettre au nombre des dommages causés par des fautes, ceux qui arrivent par l'ignorance des choses que l'on doit savoir ». Il expose que de façon constante la jurisprudence civile retient le concept de précaution pour apprécier un comportement estimé fautif. Il cite notamment la jurisprudence dite des « farines de Pont-Saint-Esprit » (Civ.1er, 19 janvier 1965) relative au drame survenu dans les années cinquante, concernant des farines contaminées, qui à la suite de la vente de pains toxiques avaient causé la mort ou l'invalidité de dizaines de personnes : « le vendeur professionnel connaît les vices de ce qu'il vend, il ne doit pas ignorer ceux qu'il peut déceler, il existe une présomption de connaissance fondée sur un devoir de vigilance et seule pourrait l'exonérer de cette présomption la preuve du vice indécelable ». (note de M. le professeur Gérard Cornu).

    M. Sargos en déduit qu'en cas de dommage résultant d'un manquement à cette norme générale de comportement qui irrigue tout le droit de la responsabilité, « il ne semble pas nécessaire d'avoir un texte particulier qui définirait le principe de précaution ».

    Cette approche de la jurisprudence en matière de responsabilité est confortée par diverses dispositions législatives récentes qui organisent l'obligation générale de sécurité, telle la loi du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, transposant la directive européenne 85-374 du 25 juillet 1985, codifiée aux articles 1386-1 et suivants du Code civil : « Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit... »

    Un autre dispositif législatif, plus ancien, poursuivant un but analogue, la loi du 21 juillet 1983 relative à la sécurité des consommateurs, avait été intégré aux articles L-221 et suivants du code de la consommation aux termes duquel « les produits et les services doivent, dans des conditions normales d'utilisation et dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par les professionnels, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et ne pas porter atteinte à la sécurité des personnes. »

    Dans leur rapport au Premier Ministre, M. Kourilsky et Mme Viney émettent un avis différent, constatant que les textes aujourd'hui en vigueur ne font pas du principe de précaution une règle d'application directe, ils proposent d'insérer dans la loi une définition plus précise du principe de précaution, car ils considèrent « que laisser aux juges le soin de décider au cas par cas, si le principe de précaution a été respecté, sans lui donner de guide législatif pour porter cette appréciation, est un facteur d'insécurité qui n'est pas écarté par la loi Barnier »

    M. Jacques-Henri Stahl, Maître des Requêtes au Conseil d'Etat estime quant à lui qu'il serait difficile de concevoir comment préciser les choses et pense que le principe, dans sa généralité se suffit à lui-même sans qu'il soit nécessaire de légiférer. Il précise sa conception de l'application du principe de précaution :

    «  Je crois davantage à l'intervention du législateur, domaine par domaine, procédure par procédure, chaque fois qu'il s'agit de régir telle procédure d'autorisation pour un produit donné. Le législateur fixe le cadre de ces procédures, en intégrant l'idée de précaution dans la description des procédures, y compris dans des descriptions très précises et contraignantes pour l'administration, en imposant à l'autorité administrative le recours à l'expertise, la modulation des décisions, la possibilité de revenir sur des décisions accordées, le fait de prendre des décisions provisoires, révisables en fonction de l'évolution de la science.

    Cela encadrera le pouvoir et l'action de l'administration, et facilitera véritablement le travail du juge qui aura tendance à vérifier que, très précisément, l'administration a bien respecté toutes les obligations de procédure, de consultation, de recours à l'expertise que le législateur lui a imparti. Il me semble que l'intervention du législateur est davantage une piste à suivre, plutôt que la rénovation ou le toilettage un peu général de l'article sur le principe de précaution. »

    L'appréciation de ces différents points de vue nous conduit à considérer que l'urgence d'avoir à légiférer sur le principe de précaution, en tant que tel, afin de construire « un guide législatif » pour mieux l'appliquer, n'est pas démontrée.

    En effet, les juges civil et administratif disposent d'un corps de doctrine solide sur le droit de la responsabilité et sur les obligations de prudence. Il appartient par ailleurs au législateur d'intégrer l'idée de précaution - donc de définir un guide de précaution - dans la législation relative à ses domaines d'application.

    Le législateur n'a pas encore suffisamment de recul pour légiférer plus précisément, au risque de réduire la portée du principe en voulant en préciser l'effet normatif.

L'office du législateur :

La législation applicable à la dissémination des OGM dans l'environnement, en Europe et en France, a été conçue en intégrant le principe de précaution, elle organise une chaîne de procédures d'instruction de dossiers, d'avis scientifiques et de décisions d'autorités politiques et prévoit des possibilités de contestations qui, au cas où elles sont formalisées, relancent un train de procédures d'évaluation et de décisions, au final la décision d'autorisation peut encore faire l'objet d'un nouvel examen si un Etat membre invoque la clause de sauvegarde prévue à l'article 16 de la directive.

    En outre, l'article 11 de la directive prévoit la possibilité de réviser l'ensemble de la procédure « si de nouveaux éléments d'information sont devenus disponibles au sujet des risques que présente le produit pour la santé humaine ou l'environnement... »

    Le principe de précaution s'applique en conséquence à chaque étape de la procédure et l'architecture de la législation offre les garanties les plus incontestables quant au respect des mesures de prudence qu'exige ce principe.

    Pour être exhaustif, il faut souligner que la description de ce schéma ne mentionne pas les recours possibles auprès des instances juridictionnelles qui offrent encore des garanties supplémentaires, Conseil d'Etat et Cour de Justice des Communautés européennes.

    Cet exemple illustre la manière dont le législateur peut prendre en compte le principe de précaution, cependant le modèle n'est pas uniforme, l'architecture des procédures de contrôle doit être adaptée à chaque objet et à chaque situation, la prise en compte des risques sismiques, la surveillance de la qualité de l'eau potable ou la prescription de normes sanitaires appliquées à l'alimentation constituent des domaines soumis à ce principe et c'est « dans le cadre des lois ...(art. L2OO.1 code rural)» qui les régissent que le législateur doit intégrer les dispositifs de prévention nécessaires.

    Cependant M. Jacques-Henri Stahl fait observer que l'intrication des décisions entre l'échelon national et l'échelon communautaire soulève de grandes difficultés :

    « Il existe une imbrication souvent très complexe et très peu lisible entre ce qui relève de la responsabilité de l'Etat membre et ce qui relève de la responsabilité de l'instance communautaire.

    Les systèmes diffèrent d'ailleurs d'une directive à l'autre, mais schématiquement, le système retenu le plus couramment est le suivant. Se tiennent, à l'échelon national, les prémices de l'instruction des dossiers avec, parfois, la possibilité de bloquer un dossier. Ensuite, la décision elle-même appartient le plus souvent, en vertu des directives, à l'instance communautaire laquelle sera la seule à même de prendre une décision positive d'autorisation valant pour l'ensemble des pays de la communauté.

    Raffinement supplémentaire, parfois le dossier revient devant l'autorité nationale, à charge pour elle d'entériner la décision prise à l'échelon communautaire. C'est précisément le cas de figure qui a été posé dans l'affaire du maïs génétiquement modifié.

    De ces imbrications de décisions, il ressort une difficulté de lire les procédures et les systèmes, et d'identifier les responsabilités. Le juge national, qui juge de la légalité de sa décision nationale, a toujours un doute sur la validité des expertises qui ont pu être faites ailleurs et dans une instance communautaire. Cette question d'imbrication des responsabilités des décisions, entre l'instance nationale et l'instance communautaire, est l'une des plus grandes difficultés en ce domaine, particulièrement pour l'application du principe de précaution ».

    Le législateur, communautaire et national, devrait tout particulièrement veiller à la meilleure conception possible des dispositifs qu'il entend édicter.

    L'office du « décideur » et sa responsabilité

Après avoir précisé le sens des termes « dans le cadre des lois qui en définissent la portée » revenons à l'article L 200.1 du code rural, et soulignons :

    « Leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état et leur gestion sont d'intérêt général et concourent à l'objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants... »

    On soulignera surtout le terme « gestion », gérer c'est administrer, gouverner, régir, c'est décider de faire ou de ne pas faire, et malgré le caractère général et indéfini de cet énoncé liminaire, la loi désigne expressément les actes de gestion qui, eux, renvoient aux choix de tous les décideurs, qu'ils soient politiques, industriels, élus locaux ou autres. Les lois peuvent définir le cadre des prises de décision de façon plus ou moins précise, de manière très complexe dans le cadre de la dissémination des OGM dans l'environnement mais ce cadre peut n'être qu'un simple pouvoir de police municipale ou qu'un nième arrêté préfectoral régissant telle obligation de salubrité.

    Cette disposition implique que le décideur doit, dans son choix, s'inspirer du principe de précaution et éventuellement s'il y a lieu des principes subséquents, c'est ici que la prudence, l'imprudence, la faute, la responsabilité peuvent se trouver évoquées.

    Il s'agit pour le décideur de faire preuve de prudence, et cette norme générale de comportement irrigue tout le droit de la responsabilité précise M. Sargos. M. Stahl quant à lui fait observer qu'il n'existe pas de différence d'approche entre les ordres de juridictions judiciaires et administratifs sur cette question de la responsabilité. En fait rien ne permettrait d'affirmer que le principe de précaution constitue un nouveau fondement de la responsabilité, d'autant plus que n'ayant pas d'effet normatif d'application directe il ne pourrait à lui seul fonder une action en réparation d'un préjudice.

    Cependant, M. Kourilsky et Mme Viney soulignent la « tendance inquiétante des victimes et des parquets à privilégier la voie pénale, chaque fois qu'elle est ouverte, par rapport à la voie civile, et à interpréter très largement la notion d'imprudence pénale pour favoriser l'indemnisation des victimes, la faute civile étant pour l'instant assimilée à la faute pénale d'imprudence », c'est la raison pour laquelle ils préconisent, afin d'éviter une pénalisation excessive qui pourrait décourager et dissuader les décideurs, de clarifier et de distinguer clairement la faute pénale d'imprudence de la faute civile.

    Cette suggestion fait l'objet d'une proposition de loi sénatoriale, tendant à préciser la définition des délits non intentionnels, la question est donc en cours d'examen devant par les assemblées parlementaires.

    Cependant, les décideurs, doivent pouvoir disposer de toute leur capacité d'action pour agir au mieux dans l'intérêt public, surtout en cas de crise, en toute responsabilité, sans qu'ils soient retenus par la crainte de mises en cause pour inaction devant des dangers indécelables, ou pour des conséquences dommageables résiduelles en regard des bénéfices escomptés ou des dangers maîtrisés.

    Afin de consolider et de garantir le pouvoir nécessaire des décideurs il serait recommandable d'avoir recours à l'un des outils de mise en _uvre du principe de précaution, celui des mécanismes d'assurance ou des fonds de garanties, il est en effet légitime que le dommage incident éventuel puisse être réparé, il faut favoriser le droit à réparation des victimes, ce qui n'est pas la vocation première de la voie pénale.

    Agir, suppose toujours une prise de risque, on dit autrement que le risque zéro n'existe pas : démontrer scientifiquement l'absence totale de risque pour fonder la décision d'agir ou de ne pas agir relève de la preuve impossible et de la rupture du discours logique, c'est pourquoi les juristes qualifient cette preuve impossible à établir de « probation diabolica »

    La fonction de décision doit être préservée et le principe de précaution ne doit pas être le prétexte de mises en causes inconsidérées, ce qui constituerait une dérive.

    M. Kourilsky et Mme Viney concluent leur propos en disant que le principe de précaution est entre les mains du législateur, de l'autorité réglementaire et du juge qui peuvent en faire la meilleure ou la pire des choses.

    A ces différentes instances nous ajouterions « le décideur ».

    La meilleure des choses est qu'en toutes circonstances les décisions soient prises avec prudence, quant au pire, c'est-à-dire « l'écueil d'une démission générale devant toute prise de risque, le carcan excluant toute souplesse et décourageant l'innovation et le progrès », s'il n'est jamais sûr, nous paraît encore moins probable si le législateur remplit son office en toute connaissance de cause, si le décideur se sent fortifié et non « prévenu », si le juge demeure encore éclairé par, selon la formule de Boileau, « le restaurateur de la raison dans la jurisprudence ».

    Dans ces conditions, la commission estime qu'il n'est pas en l'état actuel du droit nécessaire de légiférer sur la définition et la mise en _uvre du principe de précaution.

    Tout au plus un toilettage pourrait être envisagé en supprimant les mots « et irréversibles » qui apparaissent paradoxaux avec la notion d'absence de certitudes scientifiques et en ajoutant à la suite des mots  « dommages graves à l'environnement » les mots « ou à la santé humaine, animale ou végétale »

    Elle recommande d'intégrer ce principe à l'occasion de l'élaboration des législations relatives à l'environnement, à l'agriculture et à la santé en définissant les procédures qui garantissent les mesures de prudence exigées par la précaution.

    La prudence recommande d'organiser les modalités d'une révision possible concernant les domaines ou les certitudes scientifiques ne sont pas absolument établies.

    Elle recommande de veiller à ce que la répartition des compétences entre les échelons nationaux et communautaires soit clairement définie et conçue de manière à ce que des incidents de procédures n'aboutissent pas à bloquer les processus de décision.

Il faut favoriser le droit à réparation des victimes en utilisant les mécanismes d'assurance ou de fonds de garantie.

    Il faut revaloriser la recherche et l'expertise, définir un statut de l'expert qui garantisse l'indépendance des experts, qui favorise l'excellence de l'expertise et dote la France des moyens de faire valoir son point de vue dans les négociations internationales.

COMMUNICATION DE LA COMMISSION EUROPEENNE

sur le recours au principe de précaution.

Résumé

1. Quand et comment utiliser le principe de précaution, tant dans l'Union européenne que sur la scène internationale, est une question qui suscite de nombreux débats et donne lieu à des prises de position diverses, et parfois contradictoires. De ce fait, les décideurs sont confrontés à un dilemme permanent, celui d'établir un équilibre entre les libertés et les droits des personnes, des secteurs d'activité et des organisations, d'une part, et la nécessité de réduire le risque d'effets négatifs sur l'environnement et la santé humaine, animale ou végétale, d'autre part. Par conséquent, trouver l'équilibre adéquat permettant de prendre des décisions proportionnées, non discriminatoires, transparentes et cohérentes requiert un processus de prise de décision structuré, fondé sur des données scientifiques détaillées et autres informations objectives.

2. Les objectifs de la présente communication sont au nombre de quatre :

·_présenter dans ses grandes lignes l'approche que la commission entend suivre dans l'application du principe de précaution ;

·_mettre au point des lignes directrices de la commission pour l'application de ce principe ;

·_établir un accord sur la manière d'évaluer, d'apprécier, de gérer et de communiquer les risques que la science n'est pas en mesure d'évaluer pleinement ;

·_éviter tout recours injustifié au principe de précaution en tant que forme déguisée de protectionnisme.

La communication vise également à donner une impulsion au débat en cours sur le principe de précaution à la fois au sein de la Communauté et au niveau international.

3. Le principe de précaution n'est pas défini dans le Traité, qui ne le prescrit qu'une seule fois - pour protéger l'environnement. Mais, dans la pratique, son champ d'application est beaucoup plus vaste, plus particulièrement lorsqu'une évaluation scientifique objective et préliminaire indique qu'il est raisonnable de craindre que les effets potentiellement dangereux pour l'environnement ou la santé humaine, animale ou végétale soient incompatibles avec le niveau élevé de protection choisi pour la Communauté. La commission considère qu'à l'instar des autres membres de l'O.M.C., la Communauté dispose du droit de fixer le niveau de protection, notamment en matière d'environnement et de santé humaine, animale et végétale, qu'elle estime approprié. L'application du principe de précaution est un élément essentiel de sa politique, et les choix qu'elle effectue à cette fin continueront d'influer sur les positions qu'elle défend au niveau international quant à la manière d'appliquer ce principe.

4. Le principe de précaution devrait être considéré dans le cadre d'une approche structurée de l'analyse du risque, fondée sur trois éléments: l'évaluation du risque, la gestion du risque et la communication du risque. Il est particulièrement pertinent dans le cadre de la gestion du risque.

Le principe de précaution, que les décideurs utilisent essentiellement dans le cadre de la gestion du risque, ne doit pas être confondu avec l'élément de prudence que les scientifiques appliquent dans l'évaluation des données scientifiques.

Le recours au principe de précaution présuppose que les effets potentiellement dangereux d'un phénomène, d'un produit ou d'un procédé ont été identifiés et que l'évaluation scientifique ne permet pas de déterminer le risque avec suffisamment de certitude.

La mise en _uvre d'une approche fondée sur le principe de précaution devrait commencer par une évaluation scientifique aussi complète que possible et, si possible, déterminant à chaque stade le degré d'incertitude scientifique.

5. Les décideurs doivent être conscients du degré d'incertitude lié aux résultats de l'évaluation des informations scientifiques disponibles. Juger ce qui est un niveau « acceptable » de risque pour la société est une responsabilité éminemment politique. Les décideurs confrontés à un risque inacceptable, à une incertitude scientifique et aux préoccupations du public ont le devoir de trouver des réponses. Par conséquent, tous ces facteurs doivent être pris en considération. Dans certains cas, la bonne réponse pourrait consister à ne pas agir ou du moins à ne pas prendre une mesure juridique contraignante. Une vaste gamme d'initiatives est disponible en cas d'action, depuis une mesure légalement contraignante jusqu'à un projet de recherche ou une recommandation.

La procédure de décision devrait être transparente et associer dès le début et dans toute la mesure du possible la totalité des parties intéressées.

6. Si une action est jugée nécessaire, les mesures basées sur le principe de précaution devraient notamment :

·_Etre proportionnées au niveau de protection recherché ;

·_Ne pas introduire de discrimination dans leur application ;

·_Etre cohérentes avec des mesures similaires déjà adoptées ;

·_Etre basées sur un examen des avantages et des charges potentiels de l'action ou de l'absence d'action (y compris, le cas échéant et dans la mesure du possible, une analyse de rentabilité économique) ;

·_Etre réexaminées à la lumière des nouvelles données scientifiques ;

·_Etre capables d'attribuer la responsabilité de produire les preuves scientifiques nécessaires pour permettre une évaluation plus complète du risque.

La proportionnalité signifie l'adaptation des mesures au niveau choisi de protection. Le risque peut rarement être ramené à zéro, mais une évaluation incomplète du risque peut limiter considérablement le nombre d'options disponibles pour les gestionnaires du risque. Une interdiction totale peut ne pas être dans tous les cas une réponse proportionnée à un risque potentiel.

Cependant, dans certains cas, elle peut être la seule réponse possible à un risque donné.

La non-discrimination signifie que des situations comparables ne devraient pas être traitées différemment et que des situations différentes ne devraient pas être traitées de la même manière, à moins qu'un tel traitement soit objectivement justifié.

La cohérence signifie que les mesures devraient être d'une portée et d'une nature comparable avec les mesures déjà prises dans des domaines équivalents où toutes les données scientifiques sont disponibles.

L'examen des avantages et des charges signifie qu'il faut établir une comparaison entre le coût global pour la Communauté de l'action envisagée et de l'absence d'action, tant à court qu'à long terme. Il ne s'agit pas d'une simple analyse de rentabilité économique : sa portée est beaucoup plus vaste et inclut des considérations d'ordre non-économique, telles que l'efficacité d'options possibles et leur acceptabilité par la population. Dans la mise en _uvre d'un tel examen, il faudrait tenir compte du principe général et de la jurisprudence de la Cour qui donnent la priorité à la protection de la santé par rapport aux considérations économiques.

L'examen à la lumière des nouvelles données scientifiques signifie que les mesures basées sur le principe de précaution devraient être maintenues aussi longtemps que les informations scientifiques sont incomplètes ou non concluantes et que le risque est toujours réputé trop élevé pour le faire supporter à la société, compte tenu du niveau approprié de protection. Les mesures devraient être réexaminées périodiquement à la lumière du progrès scientifique, et modifiées selon les besoins.

L'attribution de la responsabilité de fournir les preuves scientifiques est déjà une conséquence fréquente de ces mesures. Les pays qui imposent une autorisation préalable (autorisation de mise sur le marché) pour les produits réputés a priori dangereux renversent la charge de la preuve en les traitant comme des produits dangereux à moins et jusqu'à ce que les entreprises réalisent les travaux scientifiques nécessaires pour démontrer qu'ils ne le sont pas. Lorsqu'il n'y a pas de procédure d'autorisation préalable, il peut appartenir à l'utilisateur ou aux pouvoirs publics de démontrer la nature d'un danger et le niveau de risque d'un produit ou d'un procédé. Dans de tels cas, une mesure de précaution spécifique pourrait être prise pour placer la charge de la preuve sur le producteur, le fabricant ou l'importateur mais ceci ne peut devenir une règle générale.

Conclusions de la commission d'enquête

En achevant ses travaux, la commission d'enquête se doit de souligner, au préalable, les conditions particulièrement favorables d'écoute, de dialogue, d'information dont elle a bénéficié de la part de tous ses interlocuteurs. Elle en remercie vivement les autorités allemandes, britanniques et françaises, la Commission européenne, les experts scientifiques les plus éminents qui sont venus témoigner devant elle, l'ensemble des acteurs de la filière alimentaire ainsi que les fonctionnaires qui ont tous répondu à ses investigations.

En retour, ce n'est pas sans une légitime fierté qu'elle livre au public les procès-verbaux des auditions auxquelles elle a procédé qui portent témoignage de la densité de l'enquête qu'elle avait mission de conduire. Nul doute que ces procès-verbaux ne servent de socle à de prochains Etats-Généraux de l'alimentation.

Impressionnée par les efforts conduits par tous les acteurs de la filière, elle s'estime en mesure d'assurer que la France offre à ceux qui y résident une alimentation abondante, saine et de qualité ; que le caractère impérieux des normes qu'impose la puissance publique, le réseau particulièrement dense des contrôles et des autocontrôles qui y sont pratiqués, les moyens sanitaires de toutes natures qui s'y trouvent déployés sont le gage de la sécurité et de la qualité des aliments offerts au public et des soins qui, en cas de crise, peuvent lui être administrés.

Cette situation globalement satisfaisante n'exclut pas pour autant d'importantes améliorations.

1°) Il lui est apparu d'abord que les informations livrées au public par les deux grandes administrations chargées de contrôler la sécurité et la qualité des denrées alimentaires - la Direction générale de l'alimentation et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes - dont la commission salue les efforts, risquaient d'être insuffisantes face aux allégations des rapports de l'Office Alimentaire et Vétérinaire de l'Union européenne dont beaucoup peuvent susciter de doutes sur l'incontestable sécurité alimentaire offerte par la filière alimentaire française.

En conséquence, la commission estime nécessaire que, chaque année, une annexe de la loi de finances livre un bilan normalisé des contrôles effectués par les services de l'Etat et par les organes de l'Union Européenne sur les denrées alimentaires fabriquées et livrées au public dans chaque département, ainsi que les suites administratives et judiciaires qui leur ont été réservées.

Elle demande aux membres de son Bureau comme à son rapporteur de prendre, en ce sens, les initiatives nécessaires lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2001.

2°) De même, l'extrême dispersion des textes relatifs à l'alimentation lui semble très préjudiciable à une bonne compréhension des efforts qui sont demandés tant aux services de l'Etat qu'aux acteurs de la filière. Aussi souhaite-t-elle vivement qu'un effort de clarification conduise sans tarder à l'élaboration d'un code de l'alimentation.

Elle estime que l'achèvement rapide de cette tâche permettrait à la France de s'en prévaloir, au moment où elle assurera la présidence de l'Union, afin d'aboutir conjointement à une plus grande clarté des prescriptions normatives qui s'imposent à l'ensemble des Etats membres.

Aussi demande-t-elle aux membres de son Bureau et à son rapporteur, une fois clos les travaux de la commission d'enquête et dans le cadre de leurs prérogatives législatives ordinaires, de prendre les initiatives qui leur paraîtront les plus utiles, afin que cette tâche soit menée à bien.

3°) Elle considère que les règles qui gouvernent notre alimentation, pour satisfaisantes qu'elles soient sur le fond, échappent sans raison à la compétence du législateur et que les normes - tant celles qui relèvent de la compétence des Etats membres que celles qui résultent de la transcription en droit national de directives communautaires - doivent au niveau des principes fondamentaux être soumis à la vigilance du Parlement.

Elle rappelle, à l'appui de cette thèse :

1.- qu'en vertu du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 « la Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à son développement »,

2.- que les dispositions de ce Préambule font partie des libertés publiques fondamentales qui, au titre de l'article 34 de la Constitution, sont du domaine de la loi,

3.- qu'une alimentation suffisante, saine et équilibrée étant une des conditions nécessaires au développement des individus et de leur famille, les principes fondamentaux du droit de l'alimentation sont du domaine de la loi.

4°) Pleinement respectueuse de la séparation des pouvoirs, la commission se refuse à procéder à des recommandations relatives aux structures administratives qui seraient si impératives qu'elles s'apparenteraient à des injonctions au Gouvernement.

Elle considère toutefois que les situations de crise, que peuvent générer les conditions modernes de diffusion des aliments, exigent à la fois la promptitude des réactions et la nécessaire unité de commandement.

Aussi estime-t-elle indispensable qu'à l'échelon national le Gouvernement - outre les avis scientifiques qu'il reçoit désormais de l'Agence française pour la sécurité sanitaire des aliments - puisse s'appuyer, pour la conduite des opérations, sur une administration ayant compétence permanente et plénière dans le domaine de la sécurité alimentaire et autorité sur les autres administrations pour tout ce qui relève de cette compétence.

Elle suggère, en conséquence, que la Direction générale de l'alimentation, dotée des équipes interdisciplinaires qui lui seraient nécessaires, soit érigée en Direction générale de la sécurité alimentaire et se voie confier ces prérogatives.

Elle suggère que, dans les mêmes conditions, les directions départementales des services vétérinaires assument sous l'autorité des préfets la responsabilité des pôles de compétences qui sont à l'heure actuelle mis en place dans chaque département.

5°) Le débat relatif aux farines animales et à leur éventuelle responsabilité dans l'apparition de nouveaux cas d'encéphalopathie spongiforme bovine a particulièrement retenu l'attention de la commission.

Compte tenu des informations qu'elle a pu recueillir, la commission d'enquête estime nécessaire que les farines destinées à nourrir les animaux autres que les ruminants répondent aux conditions suivantes :

1.- que leur composition soit élaborée à partir d'ingrédients inscrits sur une liste positive établie par la loi,

2.- que leur fabrication soit effectuée dans des usines où ne transite aucun matériau à risque spécifié,

3.- que des normes précises d'étiquetage et de traçabilité soient les garantes des exigences ainsi définies,

4.- que toute précaution soit prise pour éviter, tout au long de la chaîne de fabrication et de commercialisation, un risque de contamination croisée.

Se fondant sur les contraintes qu'impose la sauvegarde sanitaire de sa population, la commission considère que la France ne doit plus admettre désormais à l'importation des farines qui ne répondraient pas aux critères précédents et appelle de ses v_ux un alignement des règles communautaires sur les exigences qu'elle vient de définir.

6°) S'agissant de l'épandage des boues des stations d'épuration sur les terrains agricoles, qui peut présenter des risques et heurter l'opinion, la commission considère qu'il importe de procéder à une classification des boues et qu'en tout état de cause, les exposés qui ont été faits devant elle, de même que les études et notes qui lui ont été communiquées sont soit lacunaires, soit contradictoires et exigent d'urgence un complément d'informations.

Compte tenu de la clôture de ses travaux, la commission demande au gouvernement de communiquer d'ici la fin de l'année aux commissions permanentes compétentes des deux assemblées, les résultats des études complémentaires qu'appellent les incidences physiques, chimiques, bactériologiques de cet épandage et une définition claire du régime de responsabilité applicable.

Faute que le gouvernement y procède, elle suggère que l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques se saisisse sans tarder du dossier.

7°) Se fondant sur les nombreux travaux déjà produits en la matière - notamment ceux des deux assemblées et de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques - ainsi que sur les auditions des parlementaires, scientifiques, responsables industriels, dirigeants de syndicats agricoles ou d'associations de consommateurs, la commission constate que les organismes génétiquement modifiés, bien acceptés par l'opinion dans le domaine médical suscitent un scepticisme croissant dans le domaine alimentaire.

A l'issue de ses investigations, elle estime, qu'en matière de biotechnologies, la recherche scientifique doit poursuivre son _uvre et s'employer à offrir les garanties indispensables qu'attendent les consommateurs. Dans cette attente, elle estime prématurée la mise sur le marché de nouveaux produits issus d'organismes génétiquement modifiés et considère que toute denrée contenant à l'heure actuelle des indices d'organismes génétiquement modifiés doit bénéficier d'un étiquetage qui le mentionne expressément.

8°) La commission qui, tout au long de ses travaux n'a cessé d'évoquer ou d'entendre évoquer le principe de précaution estime utile, que les dispositions inscrites au sein de l'article L 200 - 1 du code rural soient précisées par la voie législative.

Elle estime toutefois préférable de préciser ce principe chaque fois que le besoin s'en fera sentir dans les domaines de la santé, de l'environnement, de l'alimentation, plutôt que de légiférer in abstracto.

Elle recommande également de veiller à ce que la répartition des compétences entre l'échelon national et l'échelon communautaire accorde à chaque Etat membre, au nom de ce principe et sous forme d'une clause de sauvegarde, une certaine marge d'appréciation dans le domaine de la sécurité alimentaire.

9°) De même la commission, qui au travers de sa mission a été conduite à rencontrer un grand nombre d'experts, considère qu'il importe :

1.- de définir un statut de l'expert qui garantisse son indépendance,

2.- de développer l'expertise afin notamment de doter la France des moyens de faire valoir son point de vue dans les négociations internationales.

10°) Outre les problèmes spécifiques qui lui étaient confiés et ceux qu'elle a rencontrés au long de ses investigations, la commission juge indispensable que les maillons successifs de la chaîne alimentaire fassent l'objet des diverses mesures suivantes :

- promotion du concept « d'agriculture raisonnée », c'est-à-dire respectueuse de l'environnement, soucieuse de durabilité comme du bien-être animal, au demeurant déjà pris en compte par de nombreux exploitants agricoles ;

- création de l'Agence sanitaire de l'environnement dans la mesure où le sol, l'air et l'eau constituent les trois fondements créateurs des aliments ;

- développement de la microbiologie prédictive ;

- développement de la formation professionnelle des personnels des entreprises de la filière aux règles d'hygiène et de sécurité des aliments et défense des droits des salariés des industries agroalimentaires touchés plus que d'autres par la précarité ;

- amélioration de l'information du consommateur sur les produits diététiques et les règles d'hygiène et de sécurité ;

- définition plus rigoureuse du régime des allégations santé et des supplémentations ;

- définition législative des principes relatifs aux dates limites de consommation, évaluation de l'utilisation de la technique de la « pastille fraîcheur » afin d'éviter toute rupture dans la chaîne du froid, actualisation des normes relatives aux réfrigérateurs ;

- renforcement de la traçabilité et de l'étiquetage des produits de la restauration.

11°) Prenant acte de l'importance croissante des normes internationales, la commission, qui a découvert avec étonnement la faiblesse des moyens que nous consacrons à l'élaboration du Codex alimentarius établi sous l'égide de la F.A.O, de l'O.M.S. et de l'O.M.C., estime souhaitable un effort plus conséquent, soit de la France, soit de l'Union européenne (si les négociations au titre du Codex devenaient une compétence communautaire) qui est l'une des façons de nous affirmer face aux ambitions des pays du groupe de Cairns.

12°) Enfin, la commission n'a pu manquer de prendre connaissance des orientations présentées par la Commission européenne dans son Livre blanc sur la sécurité alimentaire du 12 janvier dernier

Elle se félicite de constater que l'analyse de la situation et les procédés d'investigations de la Commission européenne sont très sensiblement identiques aux siennes.

Elle s'étonne toutefois, qu'après avoir condamné la complexité des normes en vigueur, le Livre Blanc conduise à les rendre plus complexes par le jeu de 84 mesures qui préconisent d'amender quelques 40 règlements, directives et décisions sans qu'il soit envisagé de mettre à profit cette vaste réforme pour aboutir à un ensemble normatif d'une plus grande clarté.

Elle adhère à la notion d'Autorité indépendante qui s'inspire du modèle de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments. Elle estime toutefois qu'en cas d'analyse différente entre cette Autorité et celles dont peuvent se doter les Etats membres, il importe d'admettre qu'un Etat confronté à une menace de grave amplitude puisse suivre l'avis de ses propres experts.

Elle estime que cet important « train » de mesures doit être mis à profit pour définir les modalités d'action de l'Office Alimentaire et Vétérinaire dont l'Union s'est dotée suite à une décision de la précédente commission et dont les méthodes d'investigation n'ont pas manqué d'étonner la commission d'enquête tout au long de ses travaux.

Elle espère enfin que « la nécessité de garantir un haut degré de sécurité alimentaire » se fasse sur la base de la règle la plus protectrice.

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La commission a examiné le présent rapport au cours de sa séance du Mercredi 29 mars 2000 et l'a adopté.

Elle a ensuite décidé qu'il serait remis à M. le président de l'Assemblée nationale afin d'être imprimé et distribué, conformément aux dispositions de l'article 143 du Règlement de l'Assemblée nationale.

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    EXPLICATIONS DE VOTE

EXPLICATIONS DE VOTE DES COMMISSAIRES APPARTENANT AUX GROUPES RPR ET UDF

Après avoir pris connaissance du contenu du présent rapport, les commissaires des Groupes R.P.R et U.D.F, membres de la commission d'enquête, ont voté en faveur des conclusions du rapporteur considérant que la sécurité sanitaire et alimentaire est un sujet grave sur lequel toute avancée doit être considérée comme positive.

Ils tiennent cependant à préciser les enjeux de ce dossier et leurs propositions en ce domaine.

Les cinquante dernières années ont vu en effet se réaliser une véritable évolution dans l'histoire de l'alimentation des pays développés avec le passage de l'insuffisance à l'abondance alimentaire. Les efforts de l'agriculture française tant en matière quantitatives que qualitatives sont à ce titre remarquables.

Cette pluralité de l'offre, associée d'une part, à l'industrialisation, à la massification de la production, à la mondialisation des filières et des marchés et d'autre part, aux évolutions technologiques en ce domaine ainsi qu'à la multiplication des facteurs de risques, se sont traduits par des exigences fortes en terme de sécurité alimentaire.

Or, si des progrès importants ont été fait en faveur de la qualité et de la conservation de nos produits, des crises successives (ESB, dioxine, utilisation non contrôlée d'hormones), ont semé le doute dans les esprits.

S'il convient de ne pas en amplifier l'importance, il nous appartient de ne pas en nier les conséquences (fragilisation de l'ensemble des filières et de nombreuses exploitations agricoles, détérioration de l'image des produits français et européens, méfiance accrue des consommateurs) et de proposer des remèdes efficaces. On ne peut nier que des risques existent et qu'ils sont d'ailleurs d'autant plus grands qu'un seul lot contaminé peut en 24 heures être réparti sur tout le territoire.

Des mesures importantes ont d'ores et déjà été prises après le rapport de la commission d'enquête Guilhem-Mattei de janvier 1997 qui ont conduit à la création de l'agence de sécurité sanitaire et alimentaire. Le présent rapport y contribuera également.

Cependant, les commissaires des groupes R.P.R et UDF, membres de la commission, considèrent que des progrès restent à faire :

- en matière de prévention afin :

* de lancer un programme mobilisateur en matière de recherche scientifique et médicale permettant de coordonner l'action des différents organismes intervenant sur ces dossiers (agence de sécurité sanitaire et alimentaire, INSERM, INRA, CNRS département des sciences de la vie) et de déterminer les secteurs non couverts par la recherche afin d'y lancer des programmes.

* de renforcer notre dispositif de veille épidémiologique au niveau européen. Certes, des propositions intéressantes ont été récemment faites par la Commission. Mais, il convient d'aller encore plus loin dans la coordination et la prévention afin d'éviter tout retard dans l'identification d'une nouvelle crise alimentaire. Il convient également d'être vigilant sur l'application du principe de précaution. Le débat sur les OGM souvent évoqué doit être traité avec prudence, tant que les scientifiques n'ont pas livré un jugement sans ambiguïtés.

* enfin de renforcer le rôle et le statut des experts, pièce importante du dispositif de prévention ainsi que la coordination entre les différents services de veille au niveau local (vétérinaires des DDA, DDCCRF...).

- En matière de contrôle afin :

* de rappeler que la sécurité alimentaire est un impératif pour l'ensemble de la filière allant de la production à l'assiette du consommateur.

* d'établir un bilan de compétence de l'agence de sécurité alimentaire afin de déterminer comment pourrait être efficacement renforcé son rôle en matière d'alerte et de contrôle.

Enfin, les commissaires des Groupes RPR et UDF soulignent que la qualité alimentaire a un coût et qu'on ne peut, en la matière, proposer des produits à des prix toujours plus bas , sans jouer avec la sécurité des consommateurs.

EXPLICATIONS DE VOTE DES COMMISSAIRES APPARTENANT AU GROUPE DÉMOCRATIE LIBÉRALE ET INDÉPENDANTS

Bien que la qualité alimentaire se soit nettement améliorée au cours de ces dernières décennies, de nombreuses lacunes subsistent dans l'ensemble des filières alimentaires, ce qu'a souligné la Commission d'enquête sur la transparence et la sécurité sanitaire de la filière alimentaire en France.

Le Groupe Démocratie Libérale, représenté par M. Jean-François Mattei et M. Claude Gatignol, considère que l'analyse qui a été faite par la Commission d'enquête est de grande qualité.

Mais au-delà de l'excellente analyse, les conclusions ne sont pas à la hauteur des mesures que l'on était en droit d'attendre, c'est pourquoi le Groupe Démocratie Libérale et Indépendants s'abstiendra sur ce rapport.

EXPLICATIONS DE VOTE DES COMMISSAIRES
APPARTENANT AU GROUPE COMMUNISTE

Le rapport de la commission d'enquête parlementaire et tous les comptes rendus des auditions et des forums qui lui sont annexés permettent de faire un tour, pratiquement complet, de la question relative à la transparence et la sécurité de la filière alimentaire.

Au terme de cette enquête, on peut dire, que la sécurité sanitaire des aliments en France n'a sans doute jamais été aussi bonne qu'aujourd'hui. Mais ce qui est également vrai, c'est que si on va de l'amont à l'aval de la production, en passant par l'alimentation des animaux, le génie génétique, le stade de la production elle-même, celui de la transformation, ceux du conditionnement, du transport, du stockage chez les consommateurs, il y a, dans et entre les maillons de cette longue chaîne, des risques de dysfonctionnement, voire des fraudes, qui peuvent avoir de graves conséquences pour les consommateurs, mais aussi pour les producteurs.

Les accidents qui interviennent encore malheureusement, résultent, pour une large part, de l'ultra-libéralisme, de la pression permanente sur les coûts de production et de fabrication.

Il ne fait pas de doute qu'une rémunération correcte du travail, une coopération toujours plus poussée entre la recherche, les services vétérinaires, les douaniers, les salariés de l'agro-alimentaire, les agriculteurs et les consommateurs sont de nature à limiter les risques.

Dans les objectifs qui lui étaient également fixés, la commission avait aussi l'étude des problèmes résultant des normes différentes qui existent en Europe et dans les autres pays du monde. Nous pensons qu'un des objectifs est précisément de combattre ce qui tendrait à tirer notre système vers le bas et d'agir pour tirer le système européen vers le haut. La lutte contre la mondialisation ultra-libérale que veut imposer l'OMC est un moyen d'agir également au plan mondial pour une plus grande sécurité sanitaire alimentaire.

A cet égard, la commission européenne vient de publier un « Livre Blanc » et envisage la création d'une « autorité » à l'image de l'AFSSA. Nous pensons que la sécurité sanitaire alimentaire doit être un des points sur lesquels la prochaine présidence française doit mettre l'accent au niveau européen en prenant appui sur les travaux de la présente commission.

Les députés communistes, membres de la commission d'enquête ont approuvé le présent rapport présenté par Daniel Chevallier.