graphique
graphique

N° 1026

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Annexe au procès-verbal de la séance du 25 juin 1998.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ
en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN (1)
sur la
situation économique et financière
de la Nouvelle-Calédonie,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. YVES TAVERNIER,

en conclusion d'une mission d'information composée en outre de
MM. Philippe AUBERGER, Dominique BAERT,
Gilbert GANTIER et Gérard SAUMADE

Députés.

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

T.O.M. et Collectivités territoriales d'outre-mer.

La commission des finances, de l'économie générale et du plan est composée de : MM. Augustin Bonrepaux, président ; Didier Migaud, rapporteur général ; Jean-Pierre Brard, Arthur Dehaine, Yves Tavernier, vice-présidents ; Pierre Bourguignon, Jean-Jacques Jegou, Michel Suchod, secrétaires ; MM.  Maurice Adevah-Poeuf, Philippe Auberger, François d'Aubert, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, François Baroin, Alain Barrau, Jacques Barrot, Christian Bergelin, Jean-Michel Boucheron, Michel Bouvard, Mme Nicole Bricq, MM. Christian Cabal, Jérôme Cahuzac, Thierry Carcenac, Gilles Carrez, Henry Chabert, Didier Chouat, Alain Claeys, Yves Cochet, Charles de Courson, Christian Cuvilliez, Jean-Pierre Delalande, Francis Delattre, Yves Deniaud, Michel Destot, Patrick Devedjian, Laurent Dominati, Philippe Douste-Blazy, Raymond Douyère, Tony Dreyfus, Jean-Louis Dumont, Daniel Feurtet, Pierre Forgues, Gérard Fuchs, Gilbert Gantier, Jean de Gaulle, Hervé Gaymard, Jacques Guyard, Pierre Hériaud, Edmond Hervé, Jacques Heuclin, Jean-Louis Idiart, Michel Inchauspé, Jean-Pierre Kucheida, Marc Laffineur, Jean-Marie Le Guen, Guy Lengagne, François Loos, Alain Madelin, Mme Béatrice Marre, MM. Pierre Méhaignerie, Louis Mexandeau, Gilbert Mitterrand, Alain Rodet, Nicolas Sarkozy, Gérard Saumade, Philippe Séguin, Jean-Pierre Soisson, Jean Tardito, Georges Tron, Philippe Vasseur, Jean Vila.

INTRODUCTION 7

I.- LA NOUVELLE-CALÉDONIE, UNE ÉCONOMIE RICHE, INSULAIRE
ET ATYPIQUE
11

A.- UNE ÉCONOMIE INSULAIRE 11

1.- Les contraintes géographiques d'un archipel du bout du monde 11

a) L'éloignement de la métropole 11

b) Une population réduite, éparpillée sur un relief tourmenté 12

2.- Le poids des administrations dans la richesse néo-calédonienne
est financé par des transferts publics métropolitains 13

a) Le poids des administrations 13

b) Les transferts massifs de métropole 16

3.- Une préférence pour l'importation 18

a) Le poids des importateurs et des commerçants 18

b) Les causes de l'hypertrophie du secteur commercial 19

B.- UN " CAILLOU " QUI A DES RESSOURCES 20

1.- Le sous-sol : le nickel 20

a) L'état des ressources en " or vert " 20

b) L'utilisation du nickel 22

2.- Les habitants et les paysages de " l'île la plus proche du paradis " 23

a) Et si la principale richesse du Territoire était sa population ? 23

b) Les paysages du " pays de l'éternel printemps " 23

3.- Des ressources halieutiques sous-exploitées 24

C.- UNE ÉCONOMIE ATYPIQUE 24

1.- " Le système nickel " 25

a) L'extraction du minerai 25

b) La métallurgie du nickel 30

2.- L'univers mélanésien : la modernité assumée ? 32

II.- MALGRÉ DES EFFORTS CONSTANTS ET RÉGULIERS DE L'ÉTAT, L'ÉCONOMIE
NÉO-CALÉDONIENNE RESTE MARQUÉE PAR DE MULTIPLES DÉSÉQUILIBRES
35

A.- L'ÉTAT A DONNÉ À LA NOUVELLE-CALÉDONIE LES OUTILS DE SON DÉVELOPPEMENT 35

1.- Le bilan positif des contrats de développement 35

a) Objectifs 35

b) Historique 36

c) Des réalisations nombreuses, surtout en termes d'infrastructures 37

d) L'analyse financière et comptable fait cependant apparaître quelques retards dans la réalisation 42

2.- Les concours de l'État aux collectivités de la Nouvelle-Calédonie 43

a) Les communes 43

b) Les Provinces 44

3.- Une aide de structure 45

a) L'Institut calédonien de participation 45

b) L'Agence de développement économique de la Nouvelle-Calédonie 46

c) L'Agence de développement rural et d'aménagement foncier 47

d) La loi de défiscalisation des investissements a connu un démarrage difficile 49

B.- DE PROFONDS DÉSÉQUILIBRES SECTORIELS ET RÉGIONAUX 50

1.- Les déséquilibres sectoriels n'ont pas été réduits 50

a) Les structures économiques n'ont pas changé 50

b) L'exemple de l'activité agricole 51

c) Une balance commerciale sous influence 53

2.- Le rééquilibrage régional se fait attendre 53

a) " Nouméa et le désert calédonien ? " 54

b) Les déséquilibres interprovinciaux ont subsisté 55

C.- CES DÉSÉQUILIBRES PÈSENT SUR LA SITUATION DES FINANCES
DES COLLECTIVITÉS LOCALES
56

1.- Le poids du Territoire dans la redistribution des ressources 56

a) La péréquation assurée par le Territoire au profit des Provinces suit
des règles statutaires strictes
56

b) La péréquation au profit des communes 58

2.- La situation financière des collectivités locales est globalement saine 59

a) Le Territoire 60

b) Les Provinces  60

c) Les communes 62

III.- PROPOSITIONS POUR UN NOUVEL ÉQUILIBRE ÉCONOMIQUE 65

A.- RÉORIENTER L'ACTION DE L'ÉTAT 67

1.- Adapter l'application de la loi de défiscalisation des investissements réalisés outre-mer 67

2.- Le niveau des traitements de la fonction publique : le débat impossible ? 69

B.- CHANGER L'ORGANISATION INSTITUTIONNELLE 70

1.- Reconsidérer le rôle des communes 70

a) Promouvoir l'action des communes dans le développement économique et social 70

b) Le problème des exonérations décidées par le Territoire 71

c) Des contentieux qui révèlent une entente insuffisante entre le Territoire
et les communes
71

d) S'orienter vers une garantie de ressources et la clarification des charges 73

C.- " LES USINES DU NORD " OU LE RÉÉQUILIBRAGE MINIER 74

1.- L'usine du nord n'est plus un mythe 74

a) La levée du " préalable minier " 75

b) La viabilité de ce projet industriel reste soumise à quelques inconnues 77

2.- " L'usine du nord " au pluriel 78

D.- UNE DIVERSIFICATION INDISPENSABLE : COMMENT METTRE FIN
À LA MONO-INDUSTRIE ?
78

1.- Pêche industrielle : le projet " ORTHONGEL " 79

2.- Le projet de création d'une filière " poulets de chair "
en Nouvelle-Calédonie 80

3.- Tourisme : comment exploiter le potentiel ? 81

a) Un développement encore balbutiant 81

b) Faut-il créer les bases d'une " industrie touristique " ? 82

E.- LA RÉFORME FONCIÈRE, APPROFONDIE PAR LES ACCORDS
DE NOUMÉA, DOIT ÊTRE POURSUIVIE
84

F.- PROMOUVOIR L'INSERTION DES POPULATIONS MÉLANÉSIENNES
DANS L'ÉCONOMIE
85

1.- La formation : prolonger l'esprit des " 400 cadres " 85

2.- Une promotion accrue de l'emploi local 87

CONCLUSION 89

EXAMEN EN COMMISSION 93

ANNEXES 93

INTRODUCTION

Le 26 juin 1988, le Premier ministre, M. Michel Rocard, signe avec les représentants du Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR) conduits par M. Jacques Lafleur, et ceux du Front de libération kanak socialiste (FLNKS), conduits par M. Jean-Marie Tjibaou, les Accords de Matignon. Les Accords Oudinot signés le 20 août 1988 les complètent. L'article 2 de la loi référendaire du 9 novembre 1988 prévoit un délai de dix ans avant l'organisation d'un scrutin d'autodétermination.

Le 21 avril 1998, la délégation du RPCR, dirigée par M. Jacques Lafleur, celle du FLNKS conduite par M. Roch Wamytan, et les représentants du Gouvernement, signent à Nouméa un texte marquant l'aboutissement des discussions engagées à Paris le 24 février 1998, puis poursuivies à Nouméa. Le 5 mai 1998, le Premier ministre paraphe les Accords à Nouméa.

Ce Préambule et ce Document d'orientation traduisent la volonté des partenaires de mettre en _uvre une solution " consensuelle " afin d'éviter la brutalité d'un " référendum-couperet " suivant l'expression d'un des négociateurs. Le texte reconnaît le " fait colonial ", créée un Sénat coutumier, pose le principe d'un exécutif territorial élu et prévoit des transferts de compétences progressifs pouvant aboutir, au bout d'un délai de 15 à 20 ans, à une " complète émancipation ".

Le texte ne s'étend pas sur les aspects économiques et financiers de cette nouvelle étape, le communiqué de presse du Premier Ministre du 21 avril 1998 précisant qu'" un dispositif pour favoriser le développement économique et social de la Nouvelle-Calédonie sera défini par des accords particuliers ".

*

* *

Le délai de dix ans posé par les Accords de Matignon, selon l'expression de M. Michel Rocard, n'était pas un " répit " mais un " défi ". Cette décennie devait laisser le temps au Territoire de prendre un essor économique équilibré, comme le soulignait l'annexe 1 des Accords de Matignon, qui mentionnait le " développement économique, social et culturel équilibré de l'ensemble du Territoire ".

Ce développement équilibré, dans l'esprit des partenaires des accords, donnerait aux habitants du Territoire les moyens de choisir leur avenir. L'État n'a pas ménagé ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif dans la période de dix ans prévue par les Accords de Matignon.

Dix ans après, qu'en est-il ?

Il a paru indispensable à la commission des Finances de l'Assemblée nationale de faire un bilan économique et financier des Accords de Matignon.

La démarche de la commission des Finances était motivée par deux préoccupations.

· D'abord, suivant le " jaune ", le fascicule budgétaire qui récapitule les efforts financiers de l'État en direction des Territoires d'outre-mer, l'État dépense annuellement plus de quatre milliards de francs pour la Nouvelle-Calédonie.

Il ne s'agit pas de montrer du doigt telle ou telle collectivité de la République, mais il entre dans les missions de la commission des Finances de vérifier sur place l'utilisation de ces sommes et d'en mesurer les effets sur le développement de la Nouvelle-Calédonie.

· Après la signature des Accords de Nouméa, la réflexion de la délégation s'inscrit dans une démarche prospective. En effet, le Préambule des Accords de Nouméa précise :

" La Nouvelle-Calédonie bénéficiera pendant toute la durée de mise en _uvre de la nouvelle organisation de l'aide de l'État, en terme d'assistance technique et de formation et des financements nécessaires, pour l'exercice des compétences transférées et pour le développement économique et social. Les engagements seront inscrits dans des programmes pluriannuels ".

Le Document d'orientation des Accords de Nouméa prévoit que " des contrats de développement pluriannuels seront conclus avec l'État. Ils peuvent concerner la Nouvelle-Calédonie, les provinces et les communes et tendront à accroître l'autonomie et la diversification économique. "

Dans cette perspective, il paraît nécessaire que la commission des Finances de l'Assemblée nationale fasse le point sur cette période de dix ans, particulièrement sur les modalités et les résultats de l'aide de l'État.

Une délégation de la commission s'est donc rendue en Nouvelle-Calédonie du 13 au 20 avril 1998. Le présent rapport est le fruit de ses réflexions.

Il analyse d'abord la situation économique de la Nouvelle-Calédonie, marquée par son insularité et ses caractéristiques atypiques. Il montre ensuite comment l'effort de l'État, bien que conséquent et soutenu, n'a pu contribuer à un complet rééquilibrage du Territoire, avant d'avancer quelques propositions.

La délégation a pu rencontrer un grand nombre d'interlocuteurs qu'elle remercie pour leur coopération grâce au soin qu'a apporté le délégué du Gouvernement à l'organisation de la mission. Le programme complet du déplacement se trouve en annexe.

Laisser cette page blanche sans numérotation.

I.- LA NOUVELLE-CALÉDONIE,
UNE ÉCONOMIE RICHE, INSULAIRE ET ATYPIQUE

La Nouvelle-Calédonie, archipel d'environ 200.000 habitants et de 18.575 km2, est un Territoire d'outre-mer (TOM) français situé dans l'Océan Pacifique, à 17.000 km de la métropole.

Le classement des États réalisé par l'OCDE en fonction de leur produit intérieur brut par habitant place régulièrement la Nouvelle-Calédonie aux alentours de la 22ème place, entre la Nouvelle-Zélande et l'Australie.

Malgré l'insularité et des handicaps géographiques propres, l'archipel vit donc dans une relative prospérité. Ses structures économiques présentent des singularités liées à son histoire et à ses richesses naturelles.

A.- UNE ÉCONOMIE INSULAIRE

La Nouvelle-Calédonie est une terre... entourée d'eau. Au-delà de l'évidence, ce fait a façonné l'économie néo-calédonienne en lui imprimant les traits courants des économies insulaires : les handicaps géographiques, le poids des transferts publics, une administration développée et une préférence implicite pour l'importation.

1.- Les contraintes géographiques d'un archipel du bout du monde

a) L'éloignement de la métropole

La Nouvelle-Calédonie, quasiment aux antipodes de la métropole, est située à 1.500 km de l'Australie et à 7.000 km du Japon. Cette distance est de nature à décourager les flux touristiques et des pays concurrents comme les Antilles, la Réunion ou même la Polynésie offrent au touriste un dépaysement certain pour une durée de vol moindre.

Les importations, qui proviennent à 41 % de métropole, voient mécaniquement leur coût renchéri par le coût du fret, estimé à environ 10 % de la valeur des biens. L'éloignement conduit également à financer des stocks abondants.

b) Une population réduite, éparpillée sur un relief tourmenté

La Nouvelle-Calédonie a une superficie totale de 18.575 km2, soit deux fois la superficie de la Corse, pour moins de 200.000 habitants. Lifou, une des îles Loyauté, a une surface de 1.200 km2 pour 10.000 habitants.

A titre de comparaison, le département de la Guadeloupe, l'île la plus grande des Antilles françaises, compte 417.000 habitants sur une superficie de 1.704 km2, et la Martinique, 150.000 habitants pour 1.100 km2.

La structure archipélagique et l'obstacle représenté par la chaîne centrale handicapent les communications, laissant enclavées de nombreuses zones rurales, particulièrement sur la côte Est du Territoire.

Notamment à cause des pentes, la surface agricole utile n'est que de 10 % de la superficie totale.

Cette configuration des reliefs rend les communications internes de la Nouvelle-Calédonie très fragiles, à la merci d'un cyclone qui submerge une route, d'un barrage ou d'une grève de la compagnie aérienne locale.

La densité de peuplement s'élève en moyenne à 11 habitants au km2 (4,3 habitants au km2 dans la Province nord), avec deux extrêmes :

· 1,2 habitant au km2 dans la commune de Yaté (Province sud) ;

· 1.670 habitants au km2 dans la commune de Nouméa (Province sud).

En Nouvelle-Calédonie, comme dans beaucoup de pays insulaires, le peuplement se concentre dans l'unique pôle urbain d'envergure : Nouméa et les communes voisines (le " Grand Nouméa ").

La dispersion de peuplement entraîne des coûts accrus lorsqu'il s'agit de procéder à l'électrification du Territoire, à l'extension du réseau téléphonique ou des raccordements d'eau potable. Le kilomètre marginal d'infrastructure devient de plus en plus cher, et rend parfois plus opportune la recherche de solutions alternatives (par exemple, l'énergie photovoltaïque pour les tribus de la chaîne).

Cette répartition humaine rend en particulier très coûteuse la construction d'un réseau routier cohérent. Son entretien, dans ce pays où certaines communes sont de taille comparable à des structures intercommunales de métropole, sans avoir les bases fiscales comparables, représente une lourde charge budgétaire pour les collectivités locales et, indirectement, pour l'État.

L'étroitesse du marché intérieur handicape le développement d'industries locales, en limitant les effets d'économie d'échelle. Indirectement, elle favorise la construction d'une économie avec un fort tropisme pour l'importation.

Enfin, un des derniers handicaps géographiques de la Nouvelle-Calédonie est sa dépendance énergétique. Rappelons que la métallurgie du nickel consomme beaucoup d'électricité. Le Territoire est donc obligé d'importer de grandes quantités de pétrole. Le coût de cette dépendance varie en fonction du prix du fioul.

2.- Le poids des administrations dans la richesse
néo-calédonienne est financé par des transferts publics métropolitains

a) Le poids des administrations

C'est également un trait caractéristique des économies insulaires : une structure du PIB marquée par l'importance des services non marchands.

Comme le précise le rapport de l'Institut d'émission outre-mer (IEOM) de 1996 sur la Nouvelle-Calédonie, " le poids des collectivités publiques et en particulier de l'État demeure prépondérant dans l'économie néo-calédonienne ".

Le secteur public est en effet, en proportion du PIB, le premier secteur de l'économie. En 1996, la part des services non marchands (administrations publiques et employés de maison) représentait 26,6 % du PIB, contre 22,45 % en 1989.

La majeure partie de ces transferts est constituée de salaires et de traitements : la part des salaires versés par l'administration constituait, en 1994, environ 52 % de l'ensemble des salaires versés en Nouvelle-Calédonie.

Selon un document élaboré par le Haut-Commissariat intitulé " L'emploi public en Nouvelle-Calédonie ", il y aurait en Nouvelle-Calédonie, en 1996, 15.277 agents civils rémunérés par l'État et les collectivités territoriales, pour un coût global de 76 milliards de francs CFP. Le même document relève l'extrême diversité des statuts entre la fonction publique d'État et la fonction publique territoriale.

L'État rémunère 7.654 fonctionnaires en poste en Nouvelle-Calédonie, dont 4.082 enseignants. Le tableau ci-dessous met en évidence la proportion supérieure d'emplois publics (au sens large) en Nouvelle-Calédonie par rapport à la métropole : 23,10 % de la population active occupée y travaille pour l'État ou une collectivité publique, contre 21,7 % en métropole.

LE POIDS DE LA FONCTION PUBLIQUE EN NOUVELLE-CALÉDONIE

 

Métropole

 

Nouvelle Calédonie

 

Total

% par rapport à

Total

% par rapport à

Classification du ministère
de la Fonction publique

 

Population totale
(58,5 millions d'habitants)

(en %)

Population active occupée
(22,430 millions d'habitants)

(en %)

 

Population totale
(200.000 habitants)

(en %)

Population active occupée
(64.377 habitants)

(en %)

Agents civil de l'État

2.184.000

3,73

9,73

5.392

2,69

8,37

Agents des collectivités territoriales (hors CHT, CHS et OPT)

1.371.000

2,34

6,11

7.299

3,64

11,33

Agents hospitaliers

830.000

1,41

3,70

1.387

0,69

2,15

Agents de la Poste et de
France Télécom

493.000

0,84

2,19

OPT + FCR
794

0,39

1,23

Total

4.878.000

8,33

21,74

14.872

7,43

23,10

Source : "L'emploi public en Nouvelle-Calédonie ", services du Haut-Commissariat.

Cette proportion supérieure s'explique en partie par le caractère " indivisible " de certains services publics, dont l'existence est indispensable, quelle que soit la taille de la population administrée.

Le document du Haut-Commissariat précise que " le coût d'un agent public en Nouvelle-Calédonie est élevé et nettement supérieur à celui d'un agent du secteur privé ".

En effet, pour l'État, le coût moyen annuel d'un agent en poste en Nouvelle-Calédonie se monte à 6.171.000 CFP (1), en raison notamment d'une indemnité d'éloignement et de l'indexation des allocations familiales si l'agent est expatrié. Il faut également prendre en compte les frais de déménagement (coûts qui donnent d'ailleurs lieu à certains abus), et, éventuellement, de logement.

Le coût moyen d'un fonctionnaire territorial est moins élevé.

Ces rémunérations bénéficient de " coefficients de majoration ", qui bénéficient à tous les fonctionnaires, qu'ils relèvent de l'État, du Territoire ou des communes. Le tableau ci-dessous récapitule ces coefficients pour la Nouvelle-Calédonie et d'autres Territoires du Pacifique :

COEFFICIENTS DE MAJORATION

Communes

Coefficient

Nouméa (Nouvelle-Calédonie)

1,73

Dumbéa (Nouvelle-Calédonie)

1,73

Païta (Nouvelle-Calédonie)

1,73

Mont-Dore (Nouvelle-Calédonie)

1,73

Autres communes de Nouvelle-Calédonie

1,94

Wallis et Futuna

1,84

Polynésie Française

2,08

La Province nord a émis des critiques contre ce système de bonification qui la conduit à subir un surcoût annuel important, qu'elle évalue à 360 millions de CFP.

Le haut niveau de ses rémunérations a un effet attractif certain sur la main d'_uvre du Territoire. En particulier, il détournerait certains jeunes mélanésiens de l'exploitation agricole ou commerciale.

De plus, si ces traitements de la fonction publique ont des effets directs sur la consommation globale des ménages, ils ont également un effet inflationniste difficile à évaluer, mais mentionné par des interlocuteurs de la délégation. Une partie de ces " sur-rémunérations ", thésaurisée, est cependant renvoyée en métropole.

L'hypertrophie du secteur public, accompagnée d'une pression fiscale néo-calédonienne modérée, oblige le Territoire à trouver un financement par des subventions métropolitaines.

Ces transferts marquent donc la dépendance vis-à-vis de la métropole.

b) Les transferts massifs de métropole

C'est un autre trait caractéristique de nombre d'économies insulaires. Comme tant d'autres Départements et Territoires d'outre-mer, l'économie néo-calédonienne n'échappe pas à cette " loi d'airain de l'insularité ".

L'effort financier prévu pour les TOM, et notamment la Nouvelle-Calédonie, tous départements ministériels confondus, est retracé par le " jaune " " Territoires d'outre-mer ". Conformément à l'article 85 de la loi de finances pour 1969, complété par l'article 100 de la loi de finances pour 1979, cet état est annexé chaque année au projet de loi de finances.

L'analyse de ce document fait apparaître qu'en 1997, sur un total de 10,420 milliards de francs versés aux TOM, les versements au titre des dépenses ordinaires et des crédits de paiement à la Nouvelle-Calédonie ont représenté 4,525 milliards de francs (pour la Polynésie, ces versements s'élèvent à 5,323 milliards de francs). Les autorisations de programme destinées à la Nouvelle-Calédonie se sont montées à 618 millions de francs.

Les prévisions 1998 s'élèvent, respectivement, à 4,676 milliards de francs et 552 millions de francs.

Le tableau ci-après fait apparaître la structure des dépenses en 1997.

DÉPENSES ORDINAIRES ET CRÉDITS DE PAIEMENT À DESTINATION DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE (1997)

(en milliers de francs)

Agriculture, pêche et alimentation

45.166

Aménagement du territoire, ville et intégration

3.905

Anciens combattants

32.350

Charges communes

414.045

Commerce Artisanat

137

Culture

449

Éducation nationale

1.860.412

I. Enseignement scolaire

1.750.359

II. Enseignement supérieur

49.467

III. Recherche

100.586

Environnement

300

Équipement

37.612

I. Urbanisme et services communs

7.916

II. Transports

27.150

1. Routes

 

5. Météo

27.150

IV. Mer

2.546

Industrie, Poste et télécommunications

5.796

I. Industrie

5.796

II. Poste, télécommunications et espace

 

Intérieur et décentralisation

433.527

Jeunesse et sports

14.722

Justice

77.836

Outre-mer

583.429

Services financiers

91.181

Travail et affaires sociales

74.168

I. Travail

10.337

II. Santé publique

50.913

III. Action sociale, solidarité

12.918

Défense

777.425

Aviation civile

72.597

Total

Dépenses ordinaires + Crédits de paiement

4.525.057

Source : État récapitulatif de l'effort budgétaire et financier consacré aux départements et territoires d'outre-mer annexé à la loi de finances pour 1998.

Il faut nuancer l'importance de ces flux en valeur absolue.

D'abord, d'un point de vue comptable, le solde net des mouvements du compte du Trésorier-Payeur-Général se situe, généralement, à un niveau plus bas. Des dépenses qui apparaissent dans le compte de l'État en Nouvelle-Calédonie peuvent être payées en métropole.

Ensuite, beaucoup de ces flux de financement venus de métropole y repartent sans avoir bénéficié d'une manière ou d'une autre au Territoire. Il s'agit notamment des bénéfices des sociétés (flux estimés de 150 à 200 millions de francs par an) et des flux d'épargne des ménages métropolitains expatriés en Nouvelle-Calédonie. Cette fuite de l'épargne locale est évaluée par certains économistes à un montant correspondant à environ le tiers des transferts publics.

Selon certaines études, l'État, en dépenses totales annuelles par habitant, aurait dépensé, en 1996, 13 % de plus en métropole qu'en Nouvelle-Calédonie.

3.- Une préférence pour l'importation

Ce type d'économie, marqué par la puissance des commerçants et des importateurs, est souvent qualifié d' " économie de comptoir ".

Cette appréciation a une connotation péjorative, alors qu'elle a une explication historique et géographique : l'exploration et l'aménagement d'un pays neuf ne peuvent immédiatement conduire à son industrialisation, d'où des échanges avec la métropole marqués par l'importation de produits finis ou semi-finis et l'exportation de ressources naturelles peu valorisées. Dès 1863, les clippers de Louis Ballande sillonnent le Pacifique entre la métropole et la Nouvelle-Calédonie.

En 1996, l'économie néo-calédonienne repose encore en grande partie sur ce secteur. Comment pourrait-il en être autrement, vu l'étroitesse du marché intérieur et son insularité ?

a) Le poids des importateurs et des commerçants

Le poids important des activités commerciales se traduit dans la ventilation du PIB, dans les effectifs employés et le taux de marge du secteur.

· ·   La ventilation du PIB

En 1996, si les services marchands représentent 50 % du PIB, 23 % provient de l'activité du commerce. D'après les derniers comptes économiques publiés par l'ITSEE, le commerce constitue le premier secteur économique marchand.

·   Les effectifs

Le 31 décembre 1996, le commerce employait 5.811 salariés, soit environ 13 % des effectifs de l'ensemble des branches. La branche recrute beaucoup de salariés à qualification basse et moyenne. Seuls les services publics emploient plus de salariés que les entreprises de distribution.

·   Le taux de marge

Compte tenu des taxes et droits à l'importation, le taux de marge sur les produits importés, de 108,5 %, est très élevé (il se montait à 71,9 % il y a dix ans). Le taux de marge global est de 80,5 %.

Depuis la fin des années 1980, l'arrivée d'enseignes métropolitaines, notamment d'hypermarchés, a permis de renforcer la concurrence dans ce secteur. La ville de Nouméa est maintenant dotée de structures de distribution comparables (voire d'une densité supérieure) à une métropole européenne.

b) Les causes de l'hypertrophie du secteur commercial

Elles sont à rechercher dans :

· l'insularité qui, conjuguée à une population réduite, oblige à organiser des flux importants d'importations et d'exportations. Les " grandes maisons " néo-calédoniennes cumulent ainsi, dans une intégration verticale, les rôles d'importateur, de grossiste et de détaillant ;

· la forte propension à l'importation des fonctionnaires et des expatriés, souvent désireux de continuer à consommer des produits métropolitains.

Certains commentateurs ont décelé dans cette organisation de l'économie une " préférence pour l'importation ".

D'ailleurs, environ un quart du produit de la fiscalité propre du Territoire repose sur la TGI, la taxe générale d'importation, qui comporte 6 taux. Elle a rapporté 741,70 millions de francs en 1997.

B.- UN " CAILLOU " QUI A DES RESSOURCES

Les habitants de la Nouvelle-Calédonie jouissent d'un des niveaux de vie parmi les plus élevés des pays océaniens insulaires. Le PIB/habitant se montait en 1994 à environ 90.000 francs. Selon certains commentateurs, en trente ans, la richesse intérieure aurait quadruplé.

Une des explications de cette relative prospérité tient à la qualité du sous-sol de la Nouvelle-Calédonie.

1.- Le sous-sol : le nickel

Ce sont évidemment les ressources en matières premières qui viennent d'abord à l'esprit lorsque l'on évoque les richesses du Territoire. Ces richesses sont surtout constituées de minerais de nickel, qui fait l'objet d'une exploitation depuis 1874, mais aussi de chrome, de cobalt, de fer, de cuivre et de plomb. Certains de ces minerais ne font pas l'objet d'exploitation, d'autres sont extraits en même temps que le nickel.

a) L'état des ressources en " or vert "

Le sol de la Nouvelle-Calédonie contient en grandes quantités des latérites et des garniérites (du nom de l'ingénieur Jules Garnier, qui a découvert le nickel sur le Territoire). Ces minerais proviennent de l'altération par les eaux de roches ultrabasiques.

· les minerais latéritiques ont une teneur en nickel variant entre 1 et 2 %. On les trouve associées à du cobalt (dans une proportion d'environ 0,2 %) ;

· les minerais garniéritiques sont des minerais silicatés plus riches en nickel (teneur de 2 à 3 %).

La métallurgie de ces deux éléments, les garniérites par pyrométallurgie et les latérites, notamment par l'hydrométallurgie, permet de produire du nickel.

En Nouvelle-Calédonie, les deux variétés de minerais sont exploitées. En 1996, 7,266 millions de tonnes ont été extraites, représentant 124.780 tonnes de minerai contenu.

Les gisements se situent surtout sur la côte Ouest et le Sud-Est de la Grande Terre. La carte ci-après expose la localisation des gisements de nickel et autres minerais.

Seuls les minerais d'une teneur inférieure à 2,55 % sont exportés, et seules les garniérites d'une teneur supérieure à 2,6 % font l'objet d'une transformation sur place. Elle est réalisée depuis 1910 par l'entreprise Société le Nickel (SLN) dans l'usine de Doniambo, près de Nouméa.

De nombreuses évaluations convergentes font état du chiffre suivant : le sous-sol de la Nouvelle-Calédonie renferme entre 20 et 25 % des ressources mondiales de nickel.

Il est difficile de dresser un inventaire exhaustif et mondial des ressources de nickel. Des gisements sont régulièrement découverts.

En outre, il faut distinguer les " ressources " des " réserves ", qui sont deux concepts différents. Les réserves de minerai sont les ressources exploitables par les moyens économiques et techniques actuels. Or, les techniques d'extraction et de transformation se modifient.

En fonction du critère de réserves, la Nouvelle-Calédonie détiendrait le dixième des réserves mondiales économiquement exploitables. Les réserves potentielles de latérites sont beaucoup plus importantes que celles de garniérites, en voie d'épuisement dans quelques décennies.

b) L'utilisation du nickel

60 % du nickel produit dans le monde sert à élaborer des aciers inoxydables utilisés par de nombreux secteurs industriels comme la chimie, l'agriculture et les biens d'équipement. Ses grandes capacités d'alliage avec le fer et le chrome, auxquels il apporte ses propriétés, permettent de fabriquer des alliages très résistants.

Ainsi, les superalliages utilisés par l'industrie aéronautique et spatiale sont fabriqués à partir de nickel de haute pureté : ils constituent les parties des turboréacteurs qui affrontent des températures supérieures à 600°C.

La fabrication de batteries nickel-cadmium pourrait connaître un boom avec le développement des voitures électriques. Le nickel sert également dans la métallurgie non ferreuse à fabriquer des circuits intégrés. Il entre dans la composition de monnaies et de médailles.

2.- Les habitants et les paysages de " l'île la plus proche du paradis "

a) Et si la principale richesse du Territoire était sa population ?

Certes, la Nouvelle-Calédonie est peu peuplée. Elle ne comptait que 196.836 habitants en avril 1996, selon le recensement réalisé par l'Institut territorial de la statistique et des études économiques, l'ITSEE.

Dans une perspective plus dynamique, il faut souligner que 40 % de la population a moins de 20 ans.

Cette population a, de plus, un niveau de qualification comparable à la Nouvelle-Zélande ou de l'Australie, et en tous les cas, bien supérieur à ses voisins du Vanuatu ou des Îles Fidji.

Le haut niveau d'éducation de cette population jeune constitue une des forces de la Nouvelle-Calédonie.

b) Les paysages du " pays de l'éternel printemps "

Un des autres atouts évidents du Territoire est la richesse et la beauté de ses paysages naturels. Citons un document édité par la Province des îles :

L'archipel des Loyauté, ce sont des îles émeraude, des plages au sable blanc farineux, des récifs coralliens aux couleurs féeriques, une mer poissonneuse où les langoustes pullulent et des fonds marins les plus beaux du monde. "

La Nouvelle-Calédonie offre en effet aux touristes une grande variété de paysage, avec un climat tempéré et clément, dit " tropical maritime " (excepté les cyclones de l'été et les périodes de sécheresse).

Les possibilités d'activités nautiques ne manquent pas. Le lagon calédonien est le deuxième au monde après celui de l'Australie. Il ménage un plan d'eau pour la plaisance et sa faune attire les amateurs de plongée du monde entier.

La beauté sauvage des sites se conjugue avec l'exotisme mélanésien. Ce charme relevé de la " french touch " pourrait être très apprécié des touristes australiens ou japonais.

La Nouvelle-Calédonie est relativement populaire au Japon. En effet, un livre écrit par Katsura Morimura, puis un film de 1984 réalisé par Nobuhiko Obayashi, ont consacré la beauté de l'île d'Ouvéa, qualifiée d'" île la plus proche du paradis ".

3.- Des ressources halieutiques sous-exploitées

La zone économique exclusive (ZEE) de la Nouvelle-Calédonie s'étend sur 1,74 millions de km2, soit... la moitié de la superficie de la Méditerranée!

On estime à 20.000 tonnes/an la quantité de poissons pouvant être pêchés dans la ZEE calédonienne. Le total actuel est de 3.000 tonnes/an.

La Nouvelle-Calédonie dispose donc d'un très grand potentiel de pêche, notamment en ce qui concerne les ressources en thonidés et marlins, principalement exportés sur le marché japonais du poisson cru (sashimi). Le climat permet d'autres cultures comme la coquille saint-jacques ou la crevette.

Trois sortes de pêche peuvent être pratiquées en Nouvelle-Calédonie.

La pêche lagonaire, artisanale, se pratique à l'intérieur du lagon et est surtout constituée de trocas, sortes de coquillages pêchés pour leur nacre, et des holothuries ou " bêches de mer ", animaux marins comestibles destinés à Hong-Kong. La pêche côtière concerne les poissons profonds et les poissons pélagiques, et la pêche hauturière les thons gras.

C.- UNE ÉCONOMIE ATYPIQUE

Les structures économiques néo-calédoniennes, si elles ressemblent par bien des traits à des économies insulaires, présentent néanmoins deux remarquables caractéristiques :

· une hypertrophie du secteur minier et de la métallurgie du nickel ;

· les difficultés de la population mélanésienne à participer à l'économie marchande et salariée.

1.- " Le système nickel "

L'économie néo-calédonienne est marquée par l'importance du secteur minier et métallurgique. L'exploitation de ce minerai enrichit en effet l'économie néo-calédonienne de deux manières :

· grâce aux activités économiques liées à l'extraction du minerai et à son transport, en amont de la filière ;

· en aval, grâce aux activités de transformation réalisées dans l'usine de Doniambo de la Société le Nickel (SLN).

Cependant, la production néo-calédonienne de nickel doit faire face à des concurrents sérieux sur un marché dont le prix varie fortement. Elle est handicapée par des coûts de production et énergétiques relativement élevés.

a) L'extraction du minerai

Le secteur minier emploie globalement environ 1.900 personnes. Ce chiffre comprend les nombreux sous-traitants, en particulier les rouleurs de mine (transporteurs de minerai équipés de camions). Rappelons que la population active totale de la Nouvelle-Calédonie se monte, fin 1996, à 44.832 personnes.

Si 93,5 % des exportations du Territoire sont constitués de nickel, il faut distinguer le nickel " brut " et le nickel " transformé ". En effet, une grande partie du minerai, 55 %, n'est pas traitée sur place mais exportée sans valorisation.

Les chiffres

Le tableau ci-après décrit l'évolution de la production et des exportations de nickel calédonien.

PRODUCTION ET EXPORTATION DE MINERAI
(MINERAI HUMIDE ET ÉQUIVALENT EN MÉTAL CONTENU)

 

1992

1993

1994

1995 (1)

1996

Productions (en tonnes)

         

· Minerai humide

5.651.000

5.589.000

5.728.000

7.028.000

7.266.000

· Métal contenu

99.624

97.092

97.323

120.712

124.780

· Variation annuelle (en %)

- 0,2

- 2,5

0,2

24

3,4

Exportations (en tonnes)

         

· Minerai humide

3.483.201

3.553.879

3.478.358

4.588.952

4.773.883

· Métal contenu

52.470

49.813

49.429

67.953

70.016

· Variation annuelle (en %)

3,3

- 5,1

- 0,8

37,5

3

Exportations (en milliers de francs CFP)

8.577.343

7.561.123

7.253.382

11.532.389

12.100.486

· Variation annuelle (en %)

- 15,1

- 11,8

- 4,1

59

4,9

Prix moyen à l'exportation

(en francs CFP par tonne humide)


2.462


2.254


2.085


2.513


2.535

· Variation annuelle (en %)

- 24,7

- 8,4

- 7,5

20,5

0,9

Prix minerai humide (en francs CFP/T)

         

· Garniérite vers le Japon

3.200

2.931

2.892

3.355

3.311

· Garniérite vers les États-Unis

2.432

2.696

-

3.202

2.896

· Latérite vers l'Australie

1.725

1.601

1.559

1.557

1.620

· Métal contenu

163.471

151.790

146.743

169.711

172.825

· Variation annuelle (en %)

- 17,7

- 7,3

- 3,3

15,7

1,8

(1) Chiffres rectifiés.

Source : Service des mines et de l'énergie.

Les exportations de minerais latéritiques se destinent à l'Australie, où l'entreprise Queensland Nickel a développé des moyens performants de traitements des latérites. Les exportations de minerais garniéritiques se destinent principalement au marché japonais.

La fermeture de l'entreprise américaine Glembrook, qui importait du minerai du massif de Poum, pourrait provoquer une grave crise sociale sur ce massif qui comptait 85 emplois.

Les acteurs

L'extraction est assurée par 8 sociétés minières.

La plus importante est la SLN (600 personnes employées sur les mines), qui contrôle directement ou indirectement quatre sites miniers et a extrait en 1996 2.952 Kth (2), soit 40 % de la production de minerai humide de la Nouvelle-Calédonie. Elle a été créée en 1880 par Garnier, Higginson et Hanckar et a connu un boom intense pendant les années 1960 et à la fin des années 1980. Elle est possédée à 90 % par le groupe français ERAMET, et à hauteur de 10 % par l'entreprise japonaise Nisshin Steel.

ERAMET est un groupe multinational de 7.000 salariés, dont le chiffre d'affaires consolidé s'élevait en 1996 à 3,9 milliards de francs. Il est possédé à plus de 50 % par la holding publique ERAP, le reste de l'actionnariat étant coté en Bourse.

ERAMET est présent dans :

· le secteur du nickel à travers la SLN, qui représente la part la plus importante de son chiffre d'affaires avec 2,677 milliards de francs ;

· les aciers rapides (filiale Erasteel), aciers spéciaux très résistants à l'usure ;

· le manganèse (filiale Comilog).

Les six autres sociétés minières sont moins importantes, mises à part la Société Minière du Sud Pacifique (SMSP).

La SMSP a été vendue par M. Jacques Lafleur en 1990 à la SOFINOR (Société de financement et d'investissement de la Province nord) et à la SODIL (Société de développement des Îles Loyauté).

Elle est actuellement détenue à 87 % par la SOFINOR, contrôlée par la Province nord, à 4,6 % par la SODIL et à 8 % par M. André Deng. Employant 250 personnes, elle a extrait en 1996 sur cinq centres miniers 1.381 Kth, soit 20 % du total de la production de minerai humide.

Son développement, dans un contexte mondial de baisse du prix du nickel, a été soutenu ces dernières années. La SMSP a notamment multiplié par huit son tonnage d'exportation de nickel depuis 1990 et augmenté de manière significative ses réserves.

En 1997, la SMSP a réalisé 61 % des exportations de garniérites du Territoire et 26 % de celles de latérites. Ce développement salué par tous pourrait cependant être remis en cause par la récente défaillance de son client américain Glembrook.

La SMSP, en association avec le métallurgiste canadien Falconbridge, projette de construire une usine de transformation du nickel en Province nord.

Le prix du nickel, variable aussi exogène que déterminante.

Par rapport à la loi de l'offre et de la demande, le marché du nickel présente deux caractéristiques :

· un champ de bataille mondial ;

· une structure oligopolistique.

UN MARCHÉ INTERNATIONALISÉ

- Une demande croissante

La demande de minerai de nickel, concentrée sur les États-Unis, l'Europe et le Japon, est surtout fonction de la demande en aciers inoxydables. Or, celle-ci a doublé en vingt ans. Depuis 1970, le rythme de consommation de nickel est supérieur à la croissance économique et aux taux de croissance des autres métaux et plastiques.

La demande dépend de facteurs mondiaux sur lesquels la Nouvelle-Calédonie n'a aucune prise : les anticipations des entrepreneurs, l'activité des industries aéronautiques et militaires, le taux de croissance des industries automobiles japonaises ou coréennes...

- Une offre rigide mais imprévisible

L'offre est soumise à des à-coups difficilement prévisibles, liés notamment au comportement des acteurs issus du bloc soviétique, qui disposent de stocks importants écoulés à un rythme aléatoire pour obtenir des devises (exemple de l'entreprise Norilsk).

L'offre varie également suivant les mises en chantier d'usines, la découverte de nouveaux gisements ou des raisons d'ordre plus politique (exemple de Cuba).

Cependant, elle est assez rigide : il faut de nombreuses années pour mettre en route une mine et exploiter un gisement.

- Un prix en francs constants à la baisse depuis 1970

Selon un document transmis par la SLN, en raison de la baisse des coûts de production, le prix du nickel, en francs constants, est en baisse structurelle depuis 1970.

La demande élastique à la conjoncture et la relative rigidité de l'offre rendent erratique les variations du prix de minerai.

A titre d'exemple, la courbe ci-dessous présente une évolution comparée du cours de la livre de nickel au London metal exchange (LME) (en dollars américains) avec celui du kilogramme de minerai tel qu'il a été défini (en cents US) avec le Gokokaï, qui rassemble trois fondeurs japonais acheteurs de nickel.

Titre : Évolution comparée des prix du cours du nickel entre décembre 1992 et décembre 1996

UN MARCHÉ OLIGOPOLISTIQUE

Il est dominé par une poignée d'acteurs qui se livre à une concurrence très rude. Cinq producteurs assurent entre 60 et 70 % des besoins.

La société canadienne Inco, grâce à ses performances et sa productivité, représente la valeur-étalon du marché.

Viennent ensuite Norilsk (ex-URSS), le canadien Falconbridge, Western Mining Corporation (Australie), puis ERAMET.

Le prix du nickel est actuellement bas, et de nombreuses expertises convergent pour prévoir dans les prochaines années une situation de surcapacité. La récession que traversent actuellement le Japon et certains pays d'Asie du Sud-Est pourrait d'ailleurs accentuer ce phénomène.

Ainsi, la mise en chantier de l'énorme gisement de Voisey Bay par Inco pourrait, selon certaines études, assurer le tiers de la production mondiale de nickel en 2010.

Or, chaque grand acteur a un projet conséquent d'extension de ses capacités soit déjà en route, soit en cours d'étude.

L'enjeu de cette période d'atonie du marché, pour chaque acteur, sera d'augmenter sa production et, surtout, de la rationaliser en attendant une reprise.

La variation des cours du nickel (et du dollar, puisque le cours du nickel est coté à Londres en dollar) a une influence déterminante sur la richesse intérieure calédonienne. En période de boom, la contribution au PIB néo-calédonien du secteur nickel peut monter jusqu'à 25 %.

b) La métallurgie du nickel

La transformation ne concerne que 45 % du nickel extrait en Nouvelle-Calédonie. Elle est exclusivement assurée par procédé pyrométallurgique dans l'usine de la SLN à Doniambo, près de Nouméa, qui comprend quatre fours rotatifs, trois fours électriques et un convertisseur.

La délégation a pu visiter cette usine qui fabrique ferronickels et mattes, transportés ensuite à la raffinerie de Sandouville, en Normandie.

Sa production actuelle est de 50.000 tonnes nickel par an.

Un plan de modernisation et d'extension de cette usine est actuellement en cours de réalisation (adjonction d'un tube tournant de calcination et d'un quatrième four de fusion) afin de porter sa capacité au-delà de 60.000 tonnes au tournant du siècle.

Le tableau ci-dessous décrit les chiffres de production et d'exportation de produits métallurgiques entre 1992 et 1996 :

PRODUCTION ET EXPORTATION DES PRODUITS MÉTALLURGIQUES
TIRÉS DU NICKEL NÉO-CALÉDONIEN

 

1992

1993

1994

1995 (1)

1996

Productions (en tonnes de métal contenus)

         

· Mattes

7.475

10.883

10.641

10.143

11.239

· Ferronickels

31.895

36.850

39.488

42.200

42.173

· Total

39.370

47.733

50.129

52.343

53.412

· Variations annuelles (en %)

- 9

21

5

4

2

Exportations (en tonnes de métal contenus)

         

· Mattes

7.910

10.883

9.639

10.501

11.399

· Ferronickels

32.080

36.888

39.899

41.393

42.369

· Total (en %)

39.990

47.771

49.538

51.894

53.768

Variations annuelles (en %)

- 3

19

4

5

4

Exportations totales de produits

métallurgiques en valeur

(en millions de francs CFP)



26.117



27.830



31.193



36.271



35.059

Variations annuelles (en %)

- 20

7

12

16

- 3

Valeur moyenne à l'exportation

(en francs CFP par kilo de métal contenu)


653


583


630


699


652

Variations annuelles (en %)

- 18

- 11

8

11

- 7

(1) Chiffres rectifiés.

Source : IEOM.

·   Le poids de la SLN

L'industrie métallurgique du nickel de la Nouvelle-Calédonie -c'est-à-dire la SLN - est pratiquement la seule industrie d'envergure du Territoire. Elle constitue 80 % de la valeur de ses exportations et assure un taux de couverture des importations de 44 %.

L'effet d'entraînement du secteur minier et métallurgiques sur l'économie de la Nouvelle-Calédonie est si ample qu'il autorise bien à parler de " système nickel ".

Les effets d'entraînement de la SLN sur l'économie néo-calédonienne sont à la fois :

· de nature horizontale : la SLN a distribué de 1988 à 1997 100 milliards de CFP de masse salariale (soit environ 610 millions de francs par an), ces revenus stimulent la consommation globale ;

· de nature verticale : la SLN, sur la même période, a investi pour 51 milliards de CFP (2,8 milliards de francs) et effectué 75 milliards de CFP (4,1 milliards de francs) d'achats locaux, ces investissements favorisant des effets d'intégration industrielle en amont et en aval.

La SLN représente 10 % du PIB néo-calédonien. Elle aurait payé, entre 1988 et 1997, 27 milliards CFP d'impôts et taxes (1,5 milliard de francs).

En termes d'emploi, la SLN a un poids important dans l'économie néo-calédonienne. C'est le premier employeur après l'administration.

Elle emploie 2.200 personnes, dont 700 en dehors de Nouméa. Elle assure un certain niveau de qualification à ses employés en consacrant 4 % de la masse salariale à ses employés.

·   Perspectives

La SLN a mis en exploitation en 1997 le gisement de Tiébaghi en Province nord. Il atteindra son rythme de croisière en 2002.

Si la situation financière de l'entreprise est saine, l'avenir à long terme de la SLN dépend de multiples facteurs, pas tous maîtrisables, qui vont du coût de l'énergie au comportement des entreprises russes.

Une choses est certaine : la SLN, compte tenu de ses coûts de production actuels, devra fournir des efforts de productivité pour pouvoir rester dans la compétition.

En particulier, le développement du traitement hydrométallurgique pourrait lui imposer de nouveaux standards de coûts.

2.- L'univers mélanésien : la modernité assumée ?

La population d'origine mélanésienne compte 86.788 habitants, soit 44,1 % de la population du Territoire, les Européens constituant 34,1 % de la population.

La culture millénaire de ces autochtones a été " traumatisée " par la colonisation, suivant l'expression employée dans le Préambule des Accords de Nouméa. Cependant, elle reste très prégnante et son influence constitue une des originalités de l'économie calédonienne.

La société mélanésienne pourrait être décrite schématiquement comme une organisation sociale à fondement agraire, reposant notamment sur la culture des ignames (dioscoréacées) et des taros (colocasiées). Cette civilisation entretient un lien charnel, historique et intense avec la terre, que résume une formule issue des Accords de Nouméa :

" L'identité de chaque kanak se définit d'abord en référence à une terre. "

Preuve de la permanence de la tradition : selon les données de l'Institut territorial de la statistique, 92,7 % de la communauté mélanésienne déclarent appartenir à une tribu, et 63,3 % de ses membres y résident. Les notions de profit ou de productivité étaient étrangères à cette civilisation avant l'arrivée des Européens.

Cependant, " il y a une façon kanak d'habiter la ville " disait M. Jean-Marie Tjibaou. Les Kanak se sont progressivement urbanisés et ont occupé des emplois salariés. Les Mélanésiens parviennent à conjuguer leur rôle dans la Cité et leur rôle dans leur tribu ou clan. Ainsi, de la petite communauté de Tiga, une des îles Loyauté, sont originaires le président de l'église évangélique, le préfet Iékawé (décédé), le président d'un syndicat et le directeur régional de RFO...

Le compte rendu des travaux du " Grand palabre " du conseil consultatif coutumier avait fait apparaître les constats suivants :

... cet état d'esprit se trouve à la source de l'idée reçue : "la coutume est un frein au développement". Or les grands chantiers de taradières en casiers irrigués, les grands billons d'ignames attestent de l'organisation collective du travail de défrichage, de labour (...). Il est faux de prétendre que tout appartient à tout le monde. "

Cependant, il est vrai que de la confrontation de cette culture mélanésienne très vivace avec l'ordre économique européen peuvent surgir des conflits.

En premier lieu, de nombreux conflits ont trait à la gestion du patrimoine foncier, les populations devant passer brutalement d'un " rapport sacré " avec la terre à un " rapport de productivité ", selon l'expression du conseil consultatif coutumier. Des conflits liés au foncier éclatent ainsi périodiquement (par exemple lors de l'agrandissement du port de Wé à Lifou).

Ensuite, les incitations à l'entreprise individuelle peuvent parfois manquer. Il faut se figurer le décalage que peut vivre un jeune kanak souhaitant entamer une activité commerciale ou indépendante, et encore soumis à l'ordre des anciens.

Laisser cette page blanche sans numérotation.

II.- MALGRÉ DES EFFORTS CONSTANTS ET RÉGULIERS DE L'ÉTAT,
L'ÉCONOMIE NÉO-CALÉDONIENNE RESTE MARQUÉE PAR DE MULTIPLES DÉSÉQUILIBRES

Les flux de fonds publics vers la Nouvelle-Calédonie empruntent des canaux divers, dont le nombre et la complexité ne sont pas l'exclusivité du Territoire.

La Nouvelle-Calédonie, collectivité de la République, reçoit de nombreux transferts du budget de l'État destinés à financer les services publics (éducation, hôpitaux...). Ses communes perçoivent également les Dotation Globale de Fonctionnement (DGF) et d'Équipement (DGE).

Depuis les Accords de Matignon, la Nouvelle-Calédonie bénéficie, de plus, de crédits contractualisés : les contrats de développement prévus aux articles 84 et 85 de la loi référendaire du 9 novembre 1988, financent des projets provinciaux d'investissement.

Malgré cet apport constant et régulier, l'économie néo-calédonienne reste profondément déséquilibrée : l'objectif du rattrapage, très ambitieux dans son principe, n'a pas été intégralement rempli.

Ces déséquilibres se reflètent dans la situation des collectivités locales.

A.- L'ÉTAT A DONNÉ À LA NOUVELLE-CALÉDONIE LES OUTILS DE SON DÉVELOPPEMENT

1.- Le bilan positif des contrats de développement

a) Objectifs

Conclus avec les trois Provinces, les contrats de développement sont les instruments financiers du développement économique, social et culturel de la Nouvelle-Calédonie.

A cet effet, ils visent à promouvoir le rééquilibrage de l'économie du Territoire. L'article 84 de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 dispose à cette fin : " A la fin de chaque période, ces crédits [devront être] affectés, pour les trois quarts, à des opérations intéressant les Provinces nord et des îles, et, pour un quart, à des opérations intéressant la Province sud. " Rappelons que les populations du nord et des îles représentent 30 % de la population totale.

En outre, la procédure contractualisée et de co-financement incarne la volonté de partage des responsabilités entre l'État et les provinces.

Les objectifs des contrats de développement, mentionnés à l'article 85 de la loi précitée, sont les suivants :

· réaliser une adaptation de la formation ;

· favoriser un rééquilibrage du Territoire et désenclaver les populations isolées ;

· améliorer les conditions de vie des populations ;

· promouvoir le patrimoine culturel mélanésien ;

· faciliter le développement économique ;

· mener des actions d'insertion pour les jeunes ;

· concevoir et mettre en place une politique foncière adaptée ;

· accroître la coopération régionale.

Une convention de développement État-Territoire de Nouvelle-Calédonie et des opérations inter-provinciales ont été également mises en place.

b) Historique

·  La première génération des contrats de développement a couvert les années 1990-1992, la seconde génération de contrats de développement les années 1993-1997.

Le montant total contractualisé pour 1993-1997 s'élève à 3,9 milliards de francs, dont 1,65 milliard de francs pour l'État (1,07 à la charge du Secrétariat à l'outre-mer).

·  Quelques difficultés dans l'exécution de cette deuxième génération de contrats de développement se sont traduites par la signature d'avenants aux contrats État-Province nord (20 novembre 1997) et État-Province des îles (3 novembre 1997).

Ces avenants permettent de redéployer les crédits non consommés vers d'autres programmes, notamment vers le financement du Revenu de croissance des îles Loyauté  (le RCL consiste en un revenu plafonné, distribué aux familles en contrepartie d'un travail fourni à raison de trois jours par semaine ; près d'un quart des familles loyaltiennes bénéficient actuellement de ce régime).

En ce qui concerne 1998, compte tenu du taux d'engagement moyen, la décision a été prise de prolonger les contrats de développement d'un année afin de combler le décalage desdits contrats avec les échéances électorales alors prévues (le référendum d'autodétermination).

Cette décision s'est traduite par le déblocage d'une somme de 331 millions de francs correspondant à une tranche annuelle des contrats 1993-1997.

Pour les années à venir, les Accords de Nouméa prévoient que " des contrats de développement pluriannuels seront conclus avec l'État ".

·  Rappelons enfin que la Nouvelle-Calédonie, qui dispose d'un régime d'association avec l'Union européenne, bénéficie des concours du Fonds européen de développement (FED).

Dans le cadre du VIème FED (1986-1990), le Territoire a reçu 7,85 millions d'écus (3) sur des actions de formation et de développement, au titre des aides programmables, 3 millions d'écus en 1989 pour doter la BCI et 0,8 million d'écus au titre du SYSMIN pour procéder à un inventaire minier.

Avec le VIIème FED (1991-1996), la dotation de la Nouvelle-Calédonie est passée à 12,5 millions d'écus, consacrés à la route Koné-Tiwaka, à la reconstruction de l'aquarium de Nouméa et à des infrastructures de formation et de diversification économique. Par ailleurs, au titre du SYSMIN, le Territoire a reçu 2,7 millions d'écus.

Au titre du VIIIème FED, dont la programmation est en cours, la Nouvelle-Calédonie devrait bénéficier d'une dotation de 15,8 millions d'écus.

c) Des réalisations nombreuses, surtout en termes d'infrastructures

La première génération (1990-1992) s'est attachée à des objectifs de rattrapage en termes d'infrastructures routières, portuaires et aéroportuaires. Ces contrats ont aussi servi l'amélioration des conditions de logement et à la construction de la cité administrative de Koné (Province nord). La deuxième génération (1993-1997), tout en poursuivant l'effort sur les infrastructures, a également entamé des programmes de développement en matière d'agriculture, de pêche et d'aquaculture.

·   Le contrat de développement État-Province nord

D'un montant global de 1.224,41 millions de francs, il s'articule autour de sept programmes financés par l'État pour plus de 50 % :

· construction de la route transversale Koné (côte Ouest) - Tiwaka (côte Est), programme de construction d'aérodromes et d'ouvrages portuaires ;

· construction de logements locatifs et en accession ;

· enseignement : rénovation ou construction d'internats dans différents collèges, construction du collège de Hienghène ;

· santé : principalement, l'équipement de l'hôpital de Poindimié ;

· action de développement économique (études sur la maîtrise de l'eau, aides à la filière agricole...) ;

· aides aux communes : alimentation en eau potable, construction d'écoles avec logements de fonction.

M. Jean-Marie Tjibaou souhaitait l'émergence d'un pôle urbain en Province nord. Koné, Pouembout, Touho et Poindimié devaient former comme un H sur la carte et constituer une réponse au poids économique et démographique de Nouméa. La Koné-Tiwaka, dans cet esprit, devait être l'armature de ce pôle urbain de rééquilibrage, dont l'éventuelle réalisation était d'ailleurs inscrite à l'article 85 de la loi référendaire.

A défaut de la naissance d'une grande agglomération, des équipements publics sont venus conforter la vocation urbaine de cette zone de la Province nord.

A Koné, se sont installés les services provinciaux, un tribunal, un bureau de RFO et une compagnie du service militaire adapté. A Népoui s'élève désormais la centrale d'ENERCAL Jacques Iékawé dont la construction a été lancée en 1990. Sur la côte Est, un second hôpital provincial de 44 lits a été ouvert en 1996 à Poindimié (cet hôpital, qu'a visité la délégation, a coûté 52 millions de francs dont 42 millions de francs financés par l'État).

D'autres réalisations doivent être notées, comme la restructuration complète de l'hôpital de Koumac, le programme d'amélioration des aérodromes et la construction de la route Houaïlou-Canala.

Le programme d'habitat en tribu, dit " Plan Jorédié " a permis de livrer 400 maisons à des personnes gagnant entre zéro et trois fois l'équivalent du SMIC, tout en faisant travailler les artisans locaux.

C'est surtout dans le domaine des équipements scolaires et de l'élévation du niveau scolaire des populations mélanésiennes que l'effort de l'État est le plus visible.

Ainsi, Pouembout a reçu un lycée agricole d'État ouvert en 1992. En 10 ans, les effectifs scolarisés dans la Province nord ont cru de 78 %. Le nombre de bacheliers est passé de 92 en 1988, 652 en 1990 à 1166 en 1997.

·   La convention État-Province sud

D'un montant global de 1.542,33 millions de francs, elle a concerné :

· l'habitat social (résorption des squats) ;

· construction de routes : Thio-Grande Borendy, dégagement ouest et route de Bouraké ;

· actions pour l'environnement ;

· actions sanitaires et sociales.

·   Le contrat État-Province des îles

Le montant global de 549,89 millions de francs a porté sur :

· l'aide au tourisme, via la création d'hôtels (notamment Drehu Village à Lifou) ;

· des subventions à l'agriculture, la pêche et à des activités rurales : formations agricoles, producteurs de coprah à Ouvéa ;

· l'amélioration des réseaux d'eau potable, travaux des collèges de Lifou et Mare (création d'internats).

A titre d'exemple, le tableau ci-après récapitule les objectifs pour 1998 du contrat de développement, avec la part respective de l'État et de la Province des îles.

CONTRAT DE DÉVELOPPEMENT ÉTAT-PROVINCE DES ÎLES

En CFP, Tranche intermédiaire 1998

Libellé

État

Province

Total

Centre d'appui

39.600.000

139.580.000

179.180.000

· Formation

9.000.000

6.000.000

15.000.000

· Aides aux groupements

5.340.000

3.660.000

9.000.000

· Recherche

24.060.000

129.120.000

153.180.000

· Équipements

1.200.000

800.000

2.000.000

Produits du cocotier

14.400.000

9.600.000

24.000.000

· Transformation

12.000.000

8.000.000

20.000.000

· Coopérative

2.400.000

1.600.000

4.000.000

Arboriculture

12.890.000

7.110.000

20.000.000

Maîtrise de l'eau

20.640.000

13.760.000

34.400.000

Activités rurales

42.000.000

28.000.000

70.000.000

Sol et nappe

0

4.000.000

4.000.000

Tourisme

120.000.000

80.000.000

200.000.000

· Aides à l'investissement

102.000.000

68.000.000

170.000.000

· Actions de promotion

18.000.000

12.000.000

30.000.000

Formation

25.500.000

17.500.000

43.000.000

Association intermédiaire

14.000.000

11.000.000

25.000.000

Développement aquacole

3.000.000

2.000.000

5.000.000

Pêche

39.360.000

26.240.000

65.600.000

· Formation

3.600.000

2.400.000

6.000.000

· Études

1.200.000

800.000

2.000.000

· Équipements

21.360.000

14.240.000

35.600.000

· Aides à l'investissement

13.200.000

8.800.000

22.000.000

Habitat social

94.200.000

62.800.000

157.000.000

Alimentation en eau potable (1)

30.000.000

10.000.000

50.000.000

· Agence provinciale pour l'eau

15.000.000

5.000.000

20.000.000

· A.E.P.

15.000.000

5.000.000

30.000.000

Enseignement privé

31.200.000

20.800.000

52.000.000

Bourses scolaires

210.000.000

140.000.000

350.000.000

Patrimoine

16.800.000

11.200.000

28.000.000

Équipements sanitaires

30.000.000

27.200.000

57.200.000

Équipements sportifs

24.000.000

16.000.000

40.000.000

Équipements socio-éducatifs

6.600.000

4.400.000

11.000.000

Cadastre

3.600.000

2.400.000

6.000.000

R.C.L.

292.500.000

357.500.000

650.000.000

Aménagement de pôles urbains (1)

25.000.000

15.000.000

50.000.000

Total général

1.095.290.000

1.006.090.000

2.121.380.000

(1) Participation des communes.

Source : Province des îles.

Wé, à Lifou, a été choisi comme capitale et les bâtiments de la Province y ont été édifiés. Un lycée et un tribunal y ont été également construits. A Maré a été établi le centre culturel Yeweine Yeweine.

De manière emblématique, une session de baccalauréat a été organisée pour la première fois à Lifou en 1997. Les ports de Lifou et de Maré ont été modernisés, ainsi que les réseaux téléphoniques et d'eau potable.

Selon un document de l'administration de la Province des îles, les contrats de développement " ont permis aux responsables locaux de se confronter aux problèmes de la gestion des institutions publiques, à la gestion des affaires d'un Territoire communal ou provincial. Sur ce plan, l'expérience mérite d'être poursuivie et approfondie. "

·  La convention État-Territoire

D'un montant global de 518,92 millions de francs, elle a principalement concerné des actions de formation, la rénovation du centre hospitalier Gaston Bourret et la poursuite du programme d'électrification rurale via le Fonds d'électrification rurale (FER).

Le FER a été créé en 1983. Il subventionne ou prend en charge les annuités des emprunts contractés par les communes engageant des travaux d'électrification agréés par le FER, qui consacre à la construction des réseaux environ 700 millions de francs par an.

En deux conventions État-Territoire, le taux d'électrification a été considérablement augmenté.

En 1989, plus de la moitié des tribus n'étaient pas raccordées.

En 1996, le taux d'électrification, suivant ENERCAL, se montait à 90 % de la population dans la Province sud, 83,8 % en Province nord et 94,8 % dans la Province des îles.

ENERCAL vise à terme les 100 % d'électrification, comptant sur le développement des installations photovoltaïques.

d) L'analyse financière et comptable fait cependant apparaître quelques retards dans la réalisation

Le taux d'engagement de l'État sur la première génération des contrats de développement s'élève à environ 97 %, taux élevé mais qui signifie que cette première génération n'est pas encore soldée.

Concernant la seconde génération de contrats, le tableau ci-dessous montre la situation au 31 décembre 1997 :

SITUATION AU 31 DÉCEMBRE 1997 DE LA RÉALISATION DES CONTRATS DE DÉVELOPPEMENT

(en millions de francs)

 

Part État contractualisée

Engagement
État

Taux
d'engagement

(en %)

Mandatement
État

Taux de
mandatement

(en %)

Territoire

223,9

183,8

82,06

152,25

82,83

Nord

671

408

60,80

290,98

71,31

Sud

420,6

288

68,2

178,72

62,02

Îles

313,9

225,4

71,8

189,98

84,25

Opérations inter-provinciales

15,5

15,5

99,94

13,18

84,87

Total

1.644,9

1.120,7

68,13

825,11

73

Source : MEDETOM.

Sur cette seconde génération, le taux d'engagement global s'élève donc à 68,13 % et à 60,8 % dans la Province nord.

Le symbole des retards constatés dans la réalisation de certains programmes est la lenteur de la construction de la route Koné-Tiwaka, de 67 km de long.

Des problèmes fonciers et climatiques ont freiné la construction, débutée en 1990 et inachevée lors de la visite de la délégation. Il manque un tronçon de 27 km et des terrassements sont incomplets. L'ensemble des opérations liées à la construction de la route Koné-Tiwaka s'élève à 7,05 milliards de francs CFP, dont 138 millions de francs CFP dus aux dégâts occasionnés par les cyclones ESAU, FRAN et BETI en 1996.

Quelles sont les causes de ces retards ?

Selon les services du Secrétariat d'État à l'outre-mer, le caractère pluriannuel rend la gestion des contrats de développement longue et difficile (cette explication est commune à toutes les procédures de financement contractualisées et pluriannuelles).

En outre, toujours selon le Secrétariat d'État à l'outre-mer, le nombre élevé de départements ministériels concernés et leur manque de coordination empêcheraient parfois le déblocage de crédits. Cela concerne le secrétariat d'État au tourisme (à hauteur de 20 millions de francs pour le financement de l'opération " promotion internationale du tourisme "), et le ministère de la jeunesse et des sports (opération " équipements de proximité " du contrat de développement État-Province nord 1993-1997).

De plus, la Province nord a eu parfois des difficultés à présenter et, surtout, à financer les projets, en raison de problèmes de trésorerie.

Enfin, les aléas climatiques (cyclones) et la question foncière ont eu aussi leur part.

2.- Les concours de l'État aux collectivités de la Nouvelle-Calédonie

Les financements de la métropole, marque de la solidarité nationale, ne se limitent pas aux crédits contractualisés. L'État aide directement les communes et les provinces, soit par des procédures spécifiques à la Nouvelle-Calédonie, soit par des procédures de " droit commun ", du type du Contrat de ville.

a) Les communes

En moyenne, suivant les calculs du Secrétariat d'État à l'outre-mer, l'État contribue à hauteur de 23 % aux recettes totales des communes.

Comme aux autres communes de France, l'État verse des dotations globales de fonctionnement (DGF) aux communes de Nouvelle-Calédonie. En 1996, cette dotation représentait 28 % des recettes de fonctionnement des communes de Nouvelle-Calédonie.

L'État verse également des dotations globales d'équipement (DGE) et contribue au Fonds intercommunal de péréquation-équipement, FIP-équipement (les dotations au titre du FIP-équipement se montent en 1997 à 277 millions de francs CFP).

Il faut signaler le cas particulier de Nouméa.

Un Contrat de ville a été signé entre la commune de Nouméa et l'État le 18 février 1993. Pour 1998, un avenant sera signé sur la base des moyens financiers actuellement dégagés.

Sur une période de cinq ans (1993-1997), ce contrat a programmé pour un montant total de 180 millions de francs des actions s'organisant autour de deux axes :

· la reconquête des quartiers défavorisés, grâce à une politique active d'habitat social, la refonte des transports en commun (financement d'études) et l'aménagement urbain ;

· la prévention de l'exclusion sociale (actions de formation, rémunérations de formateurs et d'animateurs, lutte contre la délinquance et l'échec scolaire).

Le financement des opérations prévues au contrat de ville a fait l'objet d'un financement tripartite État-Province-Commune (56 % des fonds provenaient de l'État, 25 % de la commune, et 20 % de la Province). Le taux d'engagement, au 31 décembre 1997, des crédits ouverts au titre du contrat de ville, se montait à 67,7 %.

La commune de Nouméa va bientôt signer avec les communes voisines un " contrat d'agglomération " et négocie actuellement un nouveau Contrat de ville.

b) Les Provinces

Les aides à la politique d'investissement en Nouvelle-Calédonie ont été menées essentiellement via la procédure des contrats de développement, ce qui est conforme à l'esprit de la loi référendaire qui consacre la Province comme la " collectivité-pivot ".

Quant au financement des charges d'enseignement primaire et d'assistance médicale gratuite, l'article 34 de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 prévoit un versement à la province de l'État dès lors que " pour une province, ces charges représentent une proportion du total des charges des trois provinces consacrées à ces dépenses supérieure à la part de cette province dans la dotation de fonctionnement mentionnée à l'article 33, il y a lieu au versement d'une indemnité compensatrice à la charge de l'État ".

En pratique, cette dernière dotation n'a été versée qu'à la Province sud (pour un montant de 1.054 millions de CFP en 1996) et est considérée par certains comme un financement contredisant l'objectif du rééquilibrage.

L'article 36 de la loi référendaire prévoit également que le budget de l'État assure le versement de la dotation spécifique pour les 16 collèges de la Nouvelle-Calédonie (cette dotation comprend les dépenses d'équipement, d'entretien et fonctionnement des collèges).

3.- Une aide de structure

Les signataires des Accords de Matignon ont voulu contribuer à une réflexion d'ensemble sur le fonctionnement de l'économie calédonienne en créant des organismes destinés à avoir des effets " de structure ", favorisant le développement économique par l'initiative privée.

C'est par exemple le cas de la Banque calédonienne d'investissement (BCI). La BCI a été créée en 1989 comme " banque de développement ", avec pour actionnaires l'État et le Territoire. Elle réalise actuellement entre 3.000 et 4.000 prêts par an.

Le statut de 1988 met aussi en place l'ADRAF (Agence de développement rural et d'aménagement foncier) (article 64 du statut) et l'ICAP (Institut calédonien de participation) (article 86). L'ADECAL (Agence de développement de la Nouvelle-Calédonie) est créée ultérieurement.

Signe de leur importance et de leur succès, les Accords de Nouméa prévoient que les établissements publics nationaux intervenant sur le Territoire pourront devenir des établissements publics de la Nouvelle-Calédonie. Ils mentionnent explicitement l'ICAP, l'ADECAL et l'ADRAF.

La Nouvelle-Calédonie bénéficie également des dispositifs de défiscalisation des investissements réalisés dans les DOM-TOM.

a) L'Institut calédonien de participation

L'ICAP, organe dont l'existence est inscrite dans les Accords de Matignon, a été créée le 18 mai 1989 comme une société d'État constituée en application des dispositions de l'article 2 de la loi n° 46-860 du 30 avril 1946 tendant à l'établissement au financement et à l'exécution de plans d'équipement et de développement des territoires relevant du ministère de la France d'outre-mer.

Son capital de 7,6 millions de francs est souscrit à hauteur de 52,18 % par l'État via l'Agence française de développement (ex-Caisse française de développement), et à hauteur de 15,94 % par chacune des trois Provinces.

L'ICAP, qui intervient hors du Grand Nouméa, a pour objet de permettre aux populations dites de " la brousse " de constituer des entreprises soutenant un projet économique sain. La taille moyenne des projets est de 800.000 francs.

Il intervient soit sous la forme de participation au capital, soit sous forme de prêts participatifs rémunérés. Il ne s'agit en aucune sorte de subvention versée sans contrôle ex post. L'ICAP conditionne son aide à la mise en place d'un réel appareil comptable, et ses prises de participation sont à la fois limitées en pourcentage et dans le temps.

L'ICAP bénéficie de dotations budgétaires, mais couvre pour l'essentiel ses frais de fonctionnement avec les revenus de ses participations.

A la fin de l'exercice 1997, l'ICAP détenait des participations dans 143 entreprise, surtout dans les secteurs de la mine et du tourisme. Sur ce chiffre, seules 122 sont réellement actives. L'analyse coût/efficacité fait apparaître un chiffre de 1 million de francs par emploi créé, coût auquel l'ICAP participe à hauteur de 14 % environ.

A noter que deux tiers des projets font intervenir des populations mélanésiennes.

b) L'Agence de développement économique de la Nouvelle-Calédonie

L'ADECAL est une association de statut loi 1901 créée sur le modèle des commissariats à l'industrialisation de la DATAR (Délégation à l'aménagement du Territoire et à l'action régionale). Elle a été créée le 16 janvier 1995. L'ADECAL est financée par l'État, le Territoire et les provinces. L'État lui a attribué en 1997 une subvention de 2,5 millions de francs.

Le directeur général de l'ADECAL est le commissaire au développement économique de la Nouvelle-Calédonie (décret n° 95-193 du 23 février 1995).

L'ADECAL vise, par la réalisation d'études, à promouvoir le rééquilibrage du Territoire par le développement local et la prospection d'investisseurs à l'étranger. Environ 220 dossiers ont été examinés depuis sa création.

Elle a réalisé des " diagnostics de développement " pour quelques communes (notamment Poya, Hienghène ou Kouaoua) afin d'identifier les potentialités de croissance à caractère local.

L'ADECAL a ainsi suivi de près le projet de développement du pôle de croissance de la Province nord, centré autour de Népoui, Koné et Pouembout, projet inscrit dans les Accords de Matignon et qui comportait la création d'un port en eau profonde à Népoui. Ce projet s'est finalement révélé surdimensionné.

L'ADECAL réalise également des études de filières. C'est en partie grâce à l'action de l'ADECAL que des projets et des îles en Province nord ont vu le jour (exploitation de poulets et pêche industrielle).

c) L'Agence de développement rural et d'aménagement foncier

C'est en 1978, avec le plan Dijoud (" Plan de développement économique et social à long terme pour la Nouvelle-Calédonie "), qu'ont débuté les réformes foncières.

Ces réformes se sont incarnées dans différents organismes (Office Foncier, ADRAF territoriale puis ADRAF d'État), chargés de procéder à une nouvelle répartition foncière entre les Européens et les Kanak.

·   Statut et mission

En 1986-1988, l'ADRAF était un établissement public territorial. Après transformation elle devient l'un des trois établissements publics d'État régis par la loi du 9 novembre 1988, dont l'article 94 dispose : " L'agence est habilitée à procéder à toutes opérations de nature à faciliter l'acquisition et la mise à disposition des fonds agricoles et fonciers ".

L'agence est habilitée à acquérir, soit à l'amiable, soit par préemption, des terres à vocation agricole, pastorale ou forestière, et à les rétrocéder, soit à titre gratuit à des Groupements de droit particulier local (GDPL), soit à titre onéreux dans le cadre de projets individuels.

Le GDPL, propre à la Nouvelle-Calédonie, est une structure de propriété dotée de la personnalité morale depuis 1989. Il permet de regrouper des personnes de droit particulier qui représentent un ou plusieurs clans (GDPL clanique) ou l'ensemble des clans qui composent une tribu (GDPL tribal). Les GDPL ont été essentiellement créés par l'ADRAF.

Les terres des Îles Loyauté et de l'Île des Pins, sous statut de réserves intégrales, échappent à la compétence de l'ADRAF.

·   Ressources

Les ressources de l'Agence sont constituées de dotations de l'État, de redevances pour prestations de service, le produit des ventes et des locations ainsi que par des emprunts, dons et legs. En 1998, le budget de l'agence a été arrêté à 23,275 millions de francs dont 6 millions de francs de ressources propres.

·   Bilan de l'ADRAF et de ses prédécesseurs depuis 1978

Ce bilan montre que 600 propriétés privées représentant 130 000 ha ont été achetés par ces organismes, 120 000 ha attribués, et 85 % de ces surfaces à des Mélanésiens.

Les attributions ont surtout concerné la côte Ouest (communes de Voh, Koné, Pouembout ou Kaala-Gomen), parvenant à une sorte d'équilibre entre le foncier mélanésien et européen sur la Grande Terre. La côte Est est principalement constituée de foncier mélanésien, et le Grand Nouméa reste une terre européenne.

Sur la Grande Terre, 290.000 ha appartiennent à des Européens, et 280.000 à la population mélanésienne. Le foncier mélanésien, qui représentait 10 % du total des terres en 1978, en représente 16 % en 1995.

Cette proportion doit être appréciée en fonction de la qualité des terres ainsi cédées : pentes, réserves en eau... Or, beaucoup de terres mélanésiennes sont situées dans la chaîne centrale.

Depuis 1978, les trois formes d'attributions des 102.000 ha de terres aux populations mélanésiennes ont reflété des choix de sociétés :

· les attributions " tribales ", représentant la moitié des attributions, concernent soit des réserves, soit des " GDPL tribaux " où sont représentés tous les clans d'une tribu ; c'est la formule qui préserve le plus la continuité du statut des terres et l'autorité de la tribu ;

· les attributions " claniques " répondent à la demande des clans de retrouver leurs terres ancestrales, ce qui peut occasionner une séparation entre la tribu et le clan ;

· les attributions individuelles n'ont représenté que 4 % des attributions mais sont en forte augmentation.

En 1997, 3.840 ha ont été attribués, et 1.560 ha acquis (pour une valeur de 4,2 millions de francs). Le stock foncier de l'ADRAF se monte à 26.156 ha, dont la moitié à attribuer.

d) La loi de défiscalisation des investissements a connu un démarrage difficile

Il s'agit là d'une procédure visant au rééquilibrage économique entre métropole et Territoire.

Le ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, dans son rapport au Parlement sur les conditions de mise en _uvre de l'agrément prévu en faveur des investissements réalisés dans certains secteurs économiques des départements et Territoires d'outre-mer en 1996, fait état de 12 demandes d'agrément pour la Nouvelle-Calédonie sur un total de 561 demandes reçues.

Les investissements représentent 408 millions de francs, principalement dans les domaines du bâtiment, des travaux publics et de l'hôtellerie. Ils ont été multipliés par trois par rapport à 1995, mais ne représentent que 7 % du total des investissements sur l'ensemble des DOM-TOM.

Selon le principe d'autonomie fiscale des TOM, chaque territoire est soumis à un régime contractuel de conventions visant à éviter des doubles impositions.

La convention fiscale générale entre la France et la Nouvelle-Calédonie a été signée en 1983. L'application de la loi de défiscalisation à la Nouvelle-Calédonie s'est donc inscrite dans le cadre des définitions fiscales déterminées par la convention et donc de façon plus restrictive.

En particulier, les effets conjugués de la convention à ceux de la loi de défiscalisation des investissements outre-mer étaient assez défavorables aux investisseurs métropolitains particuliers, sauf pour les opérations immobilières où l'article 199 undecies du code général des impôts s'appliquait de la même façon dans l'ensemble de l'outre-mer.

Le nouvel article 163 tervicies du code général des impôts, résultant de la loi de finances pour 1998, dispose que la déduction fiscale s'opère au niveau du contribuable (personne physique ou morale). La situation d'un projet néo-calédonien est rattachée au droit commun : les effets de la convention fiscale ne jouent plus pour les investissements défiscalisés.

La loi de défiscalisation est donc de plus en plus appliquée depuis l'application de cette disposition.

B.- DE PROFONDS DÉSÉQUILIBRES SECTORIELS ET RÉGIONAUX

Un des objectifs des Accords de Matignon, en accordant un délai de dix ans aux signataires, était de leur donner le temps de combler les déséquilibres affectant l'économie néo-calédonienne, une des causes des événements tragiques des années 1980.

Le bilan des Accords de Matignon ne peut donc se résumer à une simple approche comptable en terme de dépenses publiques. Il faut examiner l'effet concret de ces actions sur les équilibres économiques et sur l'aménagement du Territoire.

1.- Les déséquilibres sectoriels n'ont pas été réduits

a) Les structures économiques n'ont pas changé

Certes, il aurait été illusoire d'espérer que les Accords de Matignon puissent, en dix ans, modifier profondément la structure économique calédonienne. Pour cela, il faudrait, sans doute, plusieurs générations.

Le tableau ci-après représente l'évolution du PIB par secteur d'activité entre 1990 et 1994 (derniers chiffres disponibles).

CROISSANCE DES COMPOSANTES DU PRODUIT INTÉRIEUR BRUT DE 1990 À 1994

(en millions de francs CFP)

Secteurs - Branches marchandes

1990

1991

1992

1993

1994

Variations 1994/1993

(en  %)

Agriculture

5.032

5.105

5.135

5.669

5.798

2,3

Industrie alimentaire

4.044

4.747

5.051

5.091

6.092

19,7

Énergie

6.357

5.923

6.439

5.218

4.515

- 13,5

Mines

9.049

10.802

8.431

7.449

7.062

- 5,2

Métallurgie

16.928

20.345

14.184

14.279

15.664

9,7

Mécanique, montage

4.686

4.915

5.409

5.497

4.991

- 9,2

Industries diverses

7.203

8.114

8.214

8.126

9.150

12,6

Bâtiment et travaux publics

14.151

15.491

15.411

18.400

18.403

ns

Transports et télécommunications

13.957

14.505

15.875

17.244

19.234

11,5

Services

46.699

50.973

55.310

57.382

63.693

11

Commerce

57.566

60.456

66.653

66.191

70.505

6,5

Production intérieure brute

185.672

201.466

206.112

210.546

225.107

6,9

Salaires des administrations

62.076

67.909

72.109

76.734

78.174

1,9

Salaires des employés de maison

2.678

2.861

3.207

3.330

3.467

4,1

Produit intérieur brut

250.426

272.236

281.428

290.610

306.748

5,6

(en %)

Taux de croissance du PIB en valeur

- 1,2

8,7

3,4

3,3

5,6

 

Hausse des prix de détail

1,4

4,4

2,5

2,9

2

 

Croissance réelle du PIB

- 2,6

4,1

0,9

0,3

3,5

 

Source : ITSEE.

Corrélativement, ce deuxième tableau indique la variation de la ventilation du PIB entre 1990 et 1994.

VENTILATION DU PIB DE 1990 À 1994

(en %)

 

1990

1991

1992

1993

1994

Agriculture

2,0

1,9

1,8

2,0

1,9

Mines

3,6

4,0

3,0

2,6

2,3

Métallurgie

6,8

7,5

5,0

4,9

5,1

Industries et activités productives (1)

14,6

14,4

14,4

14,6

14,1

Services marchands

47,2

46,3

49,0

48,5

50,0

dont commerce

23,0

22,2

23,7

22,8

23,0

Services non marchands (administrations publiques et employés de maisons)

25,9

26,0

26,8

27,6

26,6

Ensemble des branches

100

100

100

100

100

(1) non métallurgiques.

Source : Institut d'émission d'outre-mer (IEOM).

Les enseignements de ce tableau sont clairs. Selon l'IEOM, " l'évolution observée en 1994 a encore accentué les caractéristiques profondes de l'économie de la Nouvelle-Calédonie " :

· le secteur des services, qui reste prédominant, passe de 76 % du PIB à 76,6 % (63 % en 1988). C'est le seul secteur en progression depuis 1990, ce qui traduit un phénomène de " tertiairisation " de l'économie néo-calédonienne ;

· selon l'IEOM, le Territoire connaît une " progression ininterrompue du rôle du secteur public aussi bien par les salaires directes qu'il verse que par les commandes qu'il passe aux entreprises. (...) Le secteur public maintient sa position de premier secteur de l'économie du Territoire " ;

· le tissu productif local demeure trop peu diversifié.

b) L'exemple de l'activité agricole

Le problème de l'agriculture est emblématique.

Certes, le mode de prise en compte des productions dans les comptes économiques ne permet pas de valoriser l'ensemble des cultures vivrières, non échangées sur les marchés.

Cependant, l'agriculture marchande, malgré des fonctions essentielles en terme d'emplois et d'aménagement du Territoire, n'a qu'un poids négligeable dans l'économie.

Malgré les atouts naturels dont elle jouit, la Nouvelle-Calédonie ne dispose pas d'agriculture suffisamment développée pour couvrir tous ses besoins et gagner des parts de marché significatives à l'exportation.

Le tableau suivant, qui fait le point sur la couverture des besoins par la production locale, illustre ce problème :

COUVERTURE DES BESOINS PAR LA PRODUCTION LOCALE
POUR LES PRINCIPALES FILIÈRES DE 1986 À 1995

(en %)

 

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Total sur 10 ans

Bovins

                     

- viande

89

72

69

64

65

74

81

88

88

87

78

- lait

6

9

9

10

12

12

12

13

13

14

11

Aviculture

                     

- _ufs

100

100

100

100

100

100

100

91

99

100

99

- poulets + réforme

12

12

11

10

10

10

7

5

7

8

9

- basse-cour

   

19

25

22

20

20

27

19

19

20

Porcins (viande)

72

84

87

78

84

91

90

91

92

90

86

Fruits et légumes

66

70

60

63

56

54

57

65

72

70

64

- légumes

65

69

76

79

80

73

75

88

83

86

77

- fruits

59

59

50

57

29

32

36

34

50

50

48

- pommes de terre

   

69

73

76

88

83

97

96

88

86

- produits vivriers

100

100

100

100

100

100

97

100

97

100

100

Café

83

82

57

45

44

34

16

26

12

16

45

Coprah

100

100

50

2

5

12

40

69

100

100

61

Céréales

12

3

3

2

4

2

3

1

2

2

3

Source : Direction de l'agriculture et de la forêt, Mémento 1996.

Un commentateur est même allé jusqu'à parler du " mythe de la Nouvelle-Calédonie agricole ", et un document édité par la Province nord constate que " la production agro-alimentaire de la Province nord, au fil du temps, régresse régulièrement. ".

c) Une balance commerciale sous influence

Les chiffres de la balance commerciale de la Nouvelle-Calédonie sont fortement influencés par les variations en volume et en valeur du nickel calédonien : la vente des produits métallurgiques représentent 70 % de la valeur des exportations de la Nouvelle-Calédonie.

Les déséquilibres décrits ci-dessus se reflètent dans la balance commerciale des biens du Territoire, qui a ainsi évolué entre 1992 et 1996 :

BALANCE COMMERCIALE DES BIENS

(en millions de francs CFP)

 

1992

1993 (1)

1994 (1)

1995 (1)

1996

Variations 1996/1995
(en %)

Importations

89.160

87.951

87.307

86.894

93.087

7,1

Exportations

40.200

39.653

42.088

51.251

50.225

- 2,0

Déficit commercial

- 48.960

- 48.298

- 45.219

- 35.643

- 42.862

20,3

Taux de couverture des importations par les exportations (en %)

45

45

48

59

54

 

(1) Chiffres rectifiés.

Source : ITSEE et Service des mines.

En volume, l'ensemble des produits exportés autres que les produits miniers et métallurgiques, c'est à dire essentiellement des crevettes, des poissons, du squash et d'holothuries, ont régressé de 28 % en 1996, atteignant leur plus bas niveau depuis 1990. Dans les exportations, la part des volailles, des mollusques et des bovins restent très marginales.

Le Territoire est très déficitaire vis-à-vis de la Métropole et de ses voisins australiens et néo-zélandais ; seuls les échanges avec le Japon sont significativement excédentaires.

2.- Le rééquilibrage régional se fait attendre

Là encore, malgré l'ambition très grande des Accords de Matignon, dix ans constituaient une période trop courte pour inverser des mouvements ancrés dans l'histoire économique néo-calédonienne.

Le rééquilibrage promu par les Accords n'est donc pas flagrant. Ce constat se retrouve dans l'analyse des soldes migratoires internes réalisée à partir du recensement de 1996 :

SOLDES MIGRATOIRES INTERNES PAR GRANDES ZONES GÉOGRAPHIQUES

Zones géographiques

Arrivées

Départs

Solde

Nord (côte ouest)

1.428

1.108

+ 320

Nord (côte est)

1.198

1.660

- 462

Îles

1.178

1.788

- 610

Sud (rural)

1.228

1.535

- 307

Sud (périphérie de Nouméa)

8.396

2.699

+5.697

Sud (Nouméa)

5.294

9.932

- 4.638

Ensemble des déplacements internes

18.722

18.722

0

NB : ce tableau ne concerne que les mouvements migratoires internes au Territoire (personnes présentes en 1989 et en 1996).

Source : ITSEE.

a) " Nouméa et le désert calédonien ? "

Cette expression met en évidence le poids de l'agglomération de Nouméa, et plus particulièrement des communes de la couronne de Nouméa.

Le tableau ci-dessus montre bien l'effet attractif des communes entourant Nouméa, qui gagnent un peu moins de 6.000 personnes entre 1989 et 1996, alors que la ville elle-même a " perdu " environ 4.700 personnes (sa population totale ayant globalement augmenté grâce à l'installation d'habitants absents du Territoire en 1989).

Si Nouméa, son port et ses infrastructures (enseignes de distribution, distractions...) conservent un grand pouvoir attractif, les habitants s'installent volontiers dans les communes périphériques de Dumbéa, Mont-Dore et Païta. Cet afflux conduit à l'apparition de formes de logement précaires, les " squats ", qui regroupent actuellement un peu moins de 2 000 familles.

En 1996, 40 % de la population du Territoire habite Nouméa, et 60 % le Grand Nouméa.

L'agglomération regroupe 55 % de la population active et quatre cinquième des cadres et professions libérales. 70 % du PIB intérieur y trouve sa source.

Parmi les communes de l'intérieur, seules Koné, Pouembout et Poya ont vu leur population augmenter significativement. Lifou confirme sa place de quatrième commune du Territoire.

b) Les déséquilibres interprovinciaux ont subsisté

Le Nord et les Îles, aujourd'hui comme hier, vivotent et ce malgré l'organisation récente d'infrastructures de qualité et la décentralisation de certains services publics " écrit à ce sujet un universitaire (Doumenge, 1997).

L'Association des maires de Nouvelle-Calédonie fait aussi le constat d'une augmentation de l'écart entre provinces. Selon elle, les clés de répartition, malgré l'effort consenti envers les Provinces du nord et des îles, n'ont pas permis de compenser les retards hérités de la période précédente, la Province sud ayant " hérité " de l'essentiel des équipements.

De fait, les différences de niveau de développement et de rythme de croissance économique entre les trois Provinces de la Nouvelle-Calédonie alimentent les migrations internes exposées plus haut.

· Rappelons que si la population de la Province sud compte 134.546 habitants, soit 68,4 % de la population totale, neuf salariés sur 10 se trouvent en Province sud.

· L'économie de la Province des îles est essentiellement une économie d'autosubsistance à base agricole traditionnelle. Elle ne s'insère guère dans les circuits d'une économie marchande. Un habitant sur six, contre 1 sur 2,5 en Province sud, est considéré comme actif. Toute la population habite en tribu. L'effet attractif de Nouméa se fait particulièrement sentir dans les îles, surtout en ce qui concerne l'enseignement du second degré.

· La Province nord n'a pas, sur les dix ans écoulés, véritablement entamé son décollage économique, malgré un développement important des infrastructures.

L'exemple de la route Koné-Tiwaka est flagrant : ses effets économiques directs de sa construction sur le développement de la Province nord ont été discutés.

Certes, comme le soulignent les services de la Province nord, le désenclavement qu'elle permet générera une activité commerciale accrue et l'accès des élèves du Centre Nord aux structures d'enseignement du second degré (Touho sur la côte Est, Pouembout sur la côte Ouest). La Province nord espère également de cette route la mise en exploitation des terres de la chaîne centrale.

Cependant, les effets économiques immédiats de la construction de la route sur l'économie de la Province nord sont relativement limités : les sociétés travaillant sur le chantier sont basées à Nouméa ou en métropole, et la proportion de main d'_uvre qualifiée et d'origine locale apparaît faible.

C.- CES DÉSÉQUILIBRES PÈSENT SUR LA SITUATION DES FINANCES DES COLLECTIVITÉS LOCALES

Trois tendances lourdes gouvernent la situation des collectivités locales de Nouvelle-Calédonie.

Ce sont des collectivités qui disposent de peu de ressources propres, de bases fiscales étroites et qui sont donc très dépendantes de l'État et de la redistribution opérée par le Territoire.

1.- Le poids du Territoire dans la redistribution des ressources

Le Territoire, malgré l'esprit de la loi statutaire très favorable aux Provinces, joue un rôle central dans la redistribution des ressources. D'abord, il définit les règles douanières, notamment celles relatives à la taxe générale à l'importation. Ensuite, il redistribue les sommes perçues à la fois aux communes et aux Provinces.

Comme le montre le tableau ci-dessous, environ trois quarts des dépenses du Territoire sont constituées de reversements aux communes et aux Provinces :

DOTATIONS AUX COLLECTIVITÉS
VERSÉES PAR LE TERRITOIRE
1989-1996

(en millions de francs CFP)

 

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

Dotation aux Provinces

6.358

33.814

28.314

29.093

29.041

31.423

32.884

30.802

Article 33 (fonctionnement)

1.890

24.066

26.504

27.299

27.250

29.485

30.856

28.937

Article 35 (équipement)

425

1.688

1.810

1.794

1.791

1.938

2.028

1.866

Rattrapage + décentralisation

1.950

3.700

0

0

0

0

0

0

Crédits provincialisés

2.093

4.361

0

0

0

0

0

0

Dotation aux communes

4.750

5.620

6.491

6.691

6.672

7.268

7.606

7.199

FIP (communes)

4.750

5.620

5.789

6.249

6.291

6.805

7.198

7.199

FIP réajustements

0

0

702

442

381

463

408

0

Total

11.108

39.434

34.805

35.784

35.713

38.691

40.490

38.001

Source : Secrétariat d'État à l'outre-mer (MEDETOM).

a) La péréquation assurée par le Territoire au profit des Provinces suit des règles statutaires strictes

La très faible proportion des recettes fiscales dans les recettes totales des Provinces nord (0,44 %) et des îles (0,22 %) met en évidence leur dépendance vis à vis de l'État et du Territoire. Seule la Province sud, avec un ratio correspondant de 5,99 %, dispose d'une marge de man_uvre plus grande.

Les ressources provinciales proviennent donc à 90 % de transferts du Territoire (dotations de fonctionnement et d'investissement) et de l'État, via les contrats de développement.

La péréquation des ressources assurée par le Territoire suit les clés de répartition fixées par la loi référendaire et exposées ci-après.

·   Conformément à l'article 33 du statut, le Territoire verse une dotation de fonctionnement aux Provinces.

La somme de ces trois dotations, en 1989, devait représenter au moins 15 % des dépenses ordinaires du budget de 1988 du Territoire, diminuées de la charge de la dette, des dépenses de fonctionnement des institutions du Territoire, de la participation du budget ordinaire aux dépenses d'équipement et d'investissement, des contributions obligatoires du Territoire, des remboursements de droits indûment perçus et des reversements à des collectivités et établissements publics.

En 1990, ces dotations représentent au moins 80 % de la base définie ci-dessus, diminuée de la dotation de fonctionnement des conseils coutumiers. Le montant de la dotation évolue ensuite comme les recettes fiscales du Territoire.

La dotation de fonctionnement suit des clés de répartition inscrites à l'article 33 du statut :

- Nord : 32 % ;

- Sud : 50 % ;

- Îles : 18 % ;

Elle a représenté 28.937 millions de CFP en 1997.

·   L'article 35 du statut dispose que le budget du Territoire assure le versement aux Provinces de la dotation d'équipement. La somme de ces dotations est au moins égale à 4 % des recettes fiscales du Territoire, et leur répartition, inscrite dans le statut, suit la clé suivante :

- Nord : 40 % ;

- Sud : 40 % ;

- Îles : 20 %.

Son montant pour 1996 est de 1.866 millions de CFP.

b) La péréquation au profit des communes

La création, en 1969, des communes de Nouvelle-Calédonie, a nécessité la création d'une dotation de fonctionnement spécifique. La loi n° 69-5 du 3 janvier 1969 modifiée notamment par la loi n° 93-1 du 4 janvier 1993 institue en Nouvelle-Calédonie un fonds intercommunal de péréquation (FIP) pour le fonctionnement des communes et un fonds intercommunal de péréquation pour l'équipement des communes.

·   Le FIP-fonctionnement est alimenté par une quote-part des recettes fiscales du Territoire. Cette quote-part, d'un minimum de 15 %, fait le cas échéant d'un régularisation a posteriori, lorsque l'assiette de calcul s'est révélée plus favorable que prévue.

Le FIP-fonctionnement est réparti par un comité de gestion comprenant des représentants de l'État, du Territoire et des communes. Les critères de répartition adoptés depuis 1987 par le comité de gestion sont les suivants :

· Population : 43 % (ce taux ne peut excéder 50 %) ;

· Routes : 27 % (avec des coefficients de pondération selon la nature de la voie) ;

· Scolarisation : 20 % ;

· Superficie : 4 % ;

· Éloignement : 3 % (avec un coefficient de majoration pour insularité) ;

· Charges : 3 %.

Ces critères reposent sur des données actualisées annuellement. La part de Nouméa représente 28 % de la dotation globale du FIP, mais a tendance à baisser, ce qui traduit le développement des autres communes.

·   L'article 9-2 de la loi n°69-5 du 3 janvier 1969 institue un fonds intercommunal de péréquation pour l'équipement des communes (FIP-équipement) pouvant recevoir des dotations de l'État, du Territoire et de toutes autres collectivités ou organismes publics, et destiné à soutenir le financement des investissements prioritaires des communes et groupements de communes.

Le FIP-équipement est géré par un comité comprenant des représentants de l'État, du Territoire et des communes. Les autres collectivités ou organismes contributeurs y siègent lorsqu'ils l'abondent. Le comité répartit les ressources du fonds compte tenu des programmes d'investissement présentés.

L'enveloppe disponible a été répartie par le comité de gestion en 1996 à raison de 40 % pour les communes de la Province nord, 40 % pur les communes de la Province sud et 20 % pour celles de la Province des îles Loyauté, c'est-à-dire selon le même principe péréquateur prévu par le statut de 1988 au profit de l'équipement des collectivités provinciales.

En application des dispositions de l'article 4 du décret n° 93-1151 du 7 octobre 1993, le montant de la subvention accordée ne peut excéder les deux tiers du coût total de l'opération aidée. En outre, le cumul d'une subvention du fonds intercommunal de péréquation pour l'équipement, pondéré d'un coefficient représentatif de la part des concours de l'État dans les ressources dudit fonds, et d'autres subventions de l'État ne peut excéder 80 % du coût total de l'opération.

Le montant des subventions versées au titre du FIP-équipement représente, en moyenne, 40 % du coût des opérations.

Les dotations 1997 du FIP-équipement en provenance du Territoire se montent à 200 millions de CFP.

2.- La situation financière des collectivités locales est globalement saine

Beaucoup de collectivités de Nouvelle-Calédonie ont connu des problèmes aigus d'installation, ainsi que des difficultés dans la formation des personnels politiques et administratifs. Il n'existe de fonction publique communale que depuis une délibération du Congrès de 1994.

Cependant, l'effort de formation engagé et l'expérience acquise ont permis l'apparition d'élus et de gestionnaires locaux formés et compétents.

La situation financière des collectivités locales, si elle a été dans le passé assez préoccupante, paraît aujourd'hui globalement satisfaisante.

a) Le Territoire

L'évolution du budget du Territoire depuis 1990 se présente ainsi :

ÉVOLUTION DU BUDGET DU TERRITOIRE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE DE 1990 À 1996
(recettes et dépenses réelles)

(en millions de francs CFP)

graphique
Années

Postes

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

Recettes fonctionnement

51.124

55.914

57.881

62.610

62.828

65.728

68.005

Recettes investissement

6.247

875

992

1.634

1.439

737

407

Total recettes

57.371

56.789

58.873

64.244

64.267

66.465

68.412

Dépenses fonctionnement

47.129

46.733

49.944

53.803

55.709

60.342

60.949

Dépenses investissement

17.682

8.451

11.259

10.192

7.347

5.225

4.843

Total dépenses

64.811

55.184

61.203

63.995

63.056

65.567

65.792

Résultats

- 7.440

1.605

- 3.332

248

1.211

897

2.620

Total général

64.811

56.789

61.203

64.244

64.267

66.465

68.412

Source : Comptes administratifs du Territoire.

Les recettes sont surtout assurées par les produits de la fiscalité et les transferts de l'État :

· les recettes indirectes, environ 50 % des recettes totales, sont essentiellement douanières (taxe générale d'importation, taxe spéciale, taxe sur les tabacs, carburants...) ;

· les recettes directes sont principalement constituées de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés. L'impôt sur le revenu est calculé sur des règles analogues à celles de la métropole, mais les taux applicables sont moindres ;

· les dotations de l'État au profit du Territoire sont en constante augmentation de 1990 à 1996, passant de 5,4 milliards de francs CFP à 6,7 milliards de francs CFP (dont 4,7 milliards de francs CFP pour les charges d'enseignement primaire public).

b) Les Provinces 

Les trois provinces du Territoire doivent faire face à des situations différentes.

La situation financière de la province du Nord et celle de la Province des îles pourraient être menacées par la forte montée en charge des coûts de fonctionnement des équipements. La Province sud, elle, doit adapter ses infrastructures et ses coûts de fonctionnement à une croissance démographique dynamique.

Les budgets provinciaux pour 1997 se présentent comme suit :

BUDGETS PROVINCIAUX 1997

(en millions de CFP)

 

Fonctionnement

Pourcentage/1996

Investissement

Pourcentage/1996

Province nord

11.539

+ 2,50

7.675

- 18,21

Province sud

22.733

+ 9,02

14.760

- 19,32

Province des îles Loyauté

7.096

+ 9,88

6.123

+ 26,47

Source : MEDETOM.

Malgré un fléchissement des dépenses d'investissement, le gonflement des dépenses de fonctionnement obère la capacité d'épargne, ce que vient confirmer le faible taux de réalisation des investissements provinciaux (en 1996, entre 30 % et 40 % suivant les provinces).

Lors de son déplacement en Province nord, la délégation a constaté la forte contrainte exercée par la montée en charge des frais de personnel, qui laisse peu de marge de man_uvre aux gestionnaires locaux. En effet, la part des dépenses de personnel rapportées aux dépenses totales se monte à environ 50 %.

A titre d'exemple, selon les services de la Province nord, le coût de fonctionnement de l'hôpital de la côte Est à Poindimié (45 lits, dont 12 lits de maternité) s'élève à 323 millions de francs.

Ainsi, le ratio de rigidité des dépenses (dépenses d'annuités de la dette + frais de personnel rapportées aux recettes réelles de fonctionnement) se dégrade progressivement.

Il n'existe dès lors guère de marge de man_uvre pour contracter des emprunts. L'endettement reste donc limité. Les ratios de solvabilité se situent à un niveau satisfaisant mais ils se dégradent progressivement depuis quelques années, surtout en Province nord et en Province des îles.

Dans ces deux collectivités, le montant de remboursement de la dette en capital a quadruplé en 1993 et 1996.

ÉTAT DE L'ENDETTEMENT DES PROVINCES

 

Remboursement
en capital des emprunts

(en CFP)

Pourcentage/
recettes réelles de fonctionnement

Pourcentage/
dépenses d'investissement

Province nord

237.237.370

2,15

6,26

Province sud

95.298.789

0,51

1,11

Province des îles Loyauté

81.254.310

1,35

5,65

L'essentiel de la politique d'investissement des provinces est le fait des contrats de développement.

La Province nord est peut-être la province qui a connu la situation financière la moins solide, surtout pour les raisons exposées plus haut (son " installation " a été lente - l'hôtel de province à Koné n'est achevé qu'en 1993). Selon les documents transmis par la Province nord, entre 1990 et 1996, ses dépenses ont augmenté annuellement de :

· 8,3 % pour les frais de personnel ;

· 9,53 % pour les participations versées à l'enseignement ;

· 12,8 % pour l'aide médicale.

L'indicateur global de risque financier (encours de la dette/épargne brute), qui mesure le nombre d'années d'épargne brute nécessaire pour un désendettement total de la collectivité, se monte à 5,74 en 1996 (contre 6,11 en 1995). Ce ratio est de 1,47 en Province sud et 2,03 dans les îles.

Les difficultés financières de la Province nord compromettent la réalisation des contrats de développement, et par ricochet, des opérations à financement tripartite avec les communes.

c) Les communes

En matière de gestion financière, il existe de grandes disparités entre les communes du Grand Nouméa, qui disposent de bases fiscales conséquentes, et les autres communes de l'intérieur et des îles.

Il existe cependant quelques évolutions globales :

· pour la première fois depuis 1992, l'année 1996 est marquée par une évolution des produits de fonctionnement inférieure à l'augmentation des charges ;

· l'encours de la dette par habitant reste inférieur à la moyenne métropolitaine. Il a même légèrement baissé en 1996.

Rappelons que les communes de Nouvelle-Calédonie doivent faire face à des handicaps spécifiques, rappelés à la délégation par les deux association de maires. En particulier, la moyenne de la superficie des communes en Nouvelle-Calédonie se monte à 563 km2, contre 15 km2 en métropole. Cette superficie entraîne notamment des coûts élevés de construction et d'entretien de la voirie (les coûts de ramassage scolaire peuvent également s'en ressentir !).

Reflet de ces situations, les budgets de six communes ont fait l'objet d'une saisine de la chambre régionale des comptes, quatre pour déséquilibre du budget primitif, deux en raison du défaut d'adoption du budget dans les délais légaux.

Nouméa, ayant signé un contrat de ville, perçoit directement une dotation globale d'équipement. La commune de Mont-Dore perçoit aussi directement la DGE.

Quant aux autres communes, selon les documents fournis par le secrétariat d'État à l'outre-mer, " les faibles taux de réalisation font apparaître un retard dans l'exécution des opérations. Ils reflètent la faiblesse des structures administratives et techniques de ces collectivités locales. ". Concernant les communes de l'intérieur, le taux de réalisation en 1996 s'élevait à 48 %.

Afin d'améliorer la qualité de la gestion de la comptabilité publique, il est prévu une extension progressive de l'instruction M14 aux collectivités territoriales de Nouvelle-Calédonie dès le 1er janvier 1999.

Laisser la page blanche sans numérotation

III.- PROPOSITIONS POUR
UN NOUVEL ÉQUILIBRE ÉCONOMIQUE

Comment ses habitants et l'État pourraient-ils sortir la Nouvelle-Calédonie de l'" économie coloniale " de laquelle elle ne parvient guère à sortir, pour l'orienter vers une " économie de partenariat " ?

Cette évolution, nécessairement lente, vers une diversification et une autonomie économique accrues, un renforcement des liens régionaux dans le Pacifique sud et une meilleure intégration des populations kanak, constitue un des enjeux principaux des accords de Nouméa.

C'est aussi l'opportunité qu'offrent les vingt prochaines années, période longue et gage de visibilité pour les investisseurs. Comme l'a souligné le Premier ministre à Nouméa le 5 mai 1998, " la stabilité politique est une des conditions de la confiance et du développement ".

La Nouvelle-Calédonie devra gérer et surmonter, pendant cette période, la double dépendance dont elle a toujours été une victime consentante : les variations du prix du nickel et les transferts de la métropole.

Deux préoccupations ont guidé les réflexions de la délégation.

D'abord, il faut apprécier le degré d'urgence à promouvoir le développement économique. Considérons la pyramide des âges de la Nouvelle-Calédonie.

La base de la pyramide est large. Le taux d'accroissement naturel est de 17,2 pour 1.000, la natalité de 22,7 pour 1.000. Dans les îles Loyauté, l'âge médian est de 18 ans.

Un nombre important de jeunes, notamment d'origine mélanésienne, arrive chaque année sur le marché du travail. A moyen terme, il sera indispensable de leur fournir des emplois et d'améliorer leurs conditions de vie, notamment par la consommation de produits modernes.

Cette expansion posera, de plus, le problème de l'attribution de terres en des termes de plus en plus urgents, et elle générera des grands besoins en matière de logement.

Reproduire la pyramide des pages du rapport IEOM page 18.

Ensuite, il faut tenir compte des transferts de compétences envisagés par les Accords de Nouméa.

Dans l'esprit de la délégation, ces accords devraient conduire à ce que l'État cesse d'être un tuteur pour l'économie néo-calédonienne : l'accession à la maturité, symbolisée par la disparition de l'Exécutif désigné au profit d'un Exécutif élu, devrait également concerner les domaines économiques et financiers. D'ailleurs, les accords de Nouméa annoncent le transfert de la réglementation minière de l'État au Territoire et aux provinces.

La promotion de l'" économie de partenariat " exigera d'abord une réorientation de l'action étatique et des changements d'ordre institutionnel. Elle passera aussi par une meilleure exploitation de toutes les ressources du Territoire et un effort particulier sur la question foncière et la formation des populations kanak.

A.- RÉORIENTER L'ACTION DE L'ÉTAT

1.- Adapter l'application de la loi de défiscalisation des investissements réalisés outre-mer

Sur le sujet dans son ensemble, un rapport d'information de M. Didier Migaud, Rapporteur général, devrait être publié prochainement. Sous réserve de ses conclusions, concernant la Nouvelle-Calédonie, il est possible de tirer le constat suivant.

La loi de défiscalisation des investissements, malgré son démarrage tardif, a son rôle à jouer dans le développement économique de la Nouvelle-Calédonie. Cela concerne par exemple le financement de l'extension des capacités d'hôtellerie et le BTP.

Il suffirait de supprimer la " loi Pons " de défiscalisation, ce qui serait automatique si le Territoire basculait en 1998 dans l'indépendance, pour voir la Nouvelle-Calédonie se vider de ses forces vives " écrit ainsi à ce sujet un universitaire (Doumenge, 1997).

Le financement d'opérations de logement social via la technique de défiscalisation des investissements a particulièrement attiré l'attention de la délégation.

Le Fonds social de l'habitat (FSH), créé par une délibération du Congrès du Territoire, est un organisme propre à la Nouvelle-Calédonie. Géré de manière paritaire (principe de présidence tournante patronat-syndicat), il collecte une taxe de 2 % prélevée sur les salaires, ce qui représente environ un milliard de francs CFP par an.

Le FSH a récemment mis en route le programme " Mille logements ", destinés à réaliser 1.061 logements sur une période de trois ans. Ce programme, dont le FSH est le garant, est en partie financé par l'application de la loi de défiscalisation des investissements réalisés outre-mer.

Les opérations réalisées par le FSH sur les deux dernières années ont en effet bénéficié des dispositions de l'article 199 undecies du code général des impôts, accordant des avantages fiscaux aux contribuables métropolitains investissant dans des programmes de logement intermédiaires et sociaux dans les DOM-TOM, ce qui permet de compenser la difficulté pour les opérateurs de logements sociaux en Nouvelle-Calédonie de se financer dans de bonnes conditions.

Grâce à la souscription au capital de sociétés civiles immobilières transparentes, ces contribuables bénéficient d'une réduction d'impôt échelonnée sur cinq ans. La subvention indirecte de l'État varie entre 35 % et 33,25 %.

L'attributaire d'un logement, aidé par le FSH, est locataire pendant 6 ans. Au terme de cette durée, il peut bénéficier de l'accession à la propriété avec un emprunt étalé sur 15 ans.

Des doutes sur la qualité des logements construits et la rigueur de la gestion ont été émis. A ce sujet, un document transmis à la délégation par l'Union syndicale des travailleurs kanaks et des exploités conclut ainsi : " Ce cas atypique de défiscalisation de nature "sociale" est avant tout une aubaine pour les intervenants que sont les promoteurs, constructeurs, entreprises de viabilisation, banques et commerciaux. Quant à savoir si c'est une affaire pour le FSH et les futurs accédants, le plus grand doute est permis. "

S'agissant d'un organisme collectant une taxe sur les salaires et utilisant les mécanismes fiscaux de défiscalisation, il serait très opportun de renforcer le contrôle de l'État sur cet organisme, par exemple en nommant un représentant de l'État au conseil d'administration.

Le document d'orientation des Accords de Nouméa mentionne les réformes souhaitables du logement social :

· respecter un certain " équilibre géographique " dans " l'attribution des financements " et " le choix des opérateurs " ;

· distinguer " les rôles de collecteur, de promoteur et gestionnaire du parc social ".

Ces orientations devraient affecter le FSH et ses partenaires.

Enfin, on peut se demander si la politique territoriale du logement ne souffre pas d'un manque de cohérence. Il faudrait une meilleure coordination de l'action du FSH avec la politique du logement réalisée par les services de l'État. Dans cette optique, la création d'une allocation logement de type APL (allocation personnalisée de logement) serait utile.

2.- Le niveau des traitements de la fonction publique : le débat impossible ?

Ce sujet n'a pas fait l'objet de longs développements de la part des interlocuteurs de la délégation. Il est en revanche pointé par certains économistes comme un facteur important de déséquilibre.

Le rapport du Plan " Outre-mer " conclut ainsi un de ses développements : " en définitive, le caractère néfaste des sur-rémunérations paraît indiscutable ".

Les sur-rémunérations posent en effet un problème économique central, celui du mode de formation des prix et des salaires sur le Territoire.

Ces sur-rémunérations bouleversent la hiérarchie des revenus en ayant un effet attractif très puissant sur la population active, notamment sur les population mélanésiennes et les cadres.

Elles contribuent à accroître les inégalités sociales : en 1996, l'équivalent du SMIC territorial se montait à environ le tiers du SMIC métropolitain, alors que les traitements de la fonction publique sont deux fois plus élevés.

Ce système qui pousse à un niveau élevé de prix nuit également de manière très nette au développement du tourisme en Nouvelle-Calédonie. Rappelons également que ce système, adopté par les collectivités locales, leur pose indirectement de grandes difficultés de financement.

De multiples solutions ont été proposées afin de remédier à ces problèmes, communs à beaucoup de DOM-TOM : diminution radicale du niveau des traitements, capitalisation des primes en un " pécule " versé lors du retour en Métropole, affectation à un compte bloqué servant le développement économique de l'outre-mer...

A un moment où les Accords de Nouméa prennent acte de la maturité politique des partenaires, il semble que la Nouvelle-Calédonie et l'État ne puissent continuer à faire l'économie de ce débat. La rédaction des " accords particuliers " devant constituer le " dispositif pour favoriser le développement économique et social de la Nouvelle-Calédonie " pourrait être une bonne occasion.

B.- CHANGER L'ORGANISATION INSTITUTIONNELLE

1.- Reconsidérer le rôle des communes

Les communes ont été considérées comme les " oubliées " d'un statut d'inspiration provincialiste. Certains ont parlé de communes " adolescentes ".

Il est vrai que leur création est récente ; de plus, la faiblesse de leurs bases fiscales les oblige à la dépendance vis-à-vis du Territoire et de l'État.

Une meilleure prise en compte du rôle des communes passe d'abord par l'élargissement de leurs compétences économiques et la résolution du problème des exonérations fiscales décidées par le Territoire et qui réduisent leurs ressources. De manière globale, la clarification de leurs obligations et l'instauration d'une garantie des ressources seraient souhaitables.

a) Promouvoir l'action des communes dans le développement économique et social

De manière générale, les élus locaux ont relevé le paradoxe entre le statut qui confiait aux provinces, notamment par les Codes d'investissement, la mission de développement économique, sans impliquer davantage les communes, pourtant plus proches des initiatives locales.

Leur confier un rôle de promotion économique local consacrerait leur accession à la maturité.

Une des suggestions adressées à la délégation, notamment par l'Association des maires de Nouvelle-Calédonie, était de proposer la création d'aides directes à l'investissement de l'État en faveur des communes.

Précisément, le Document d'orientation des Accords de Nouméa prévoit que des contrats de développement conclus avec l'État peuvent " concerner " les communes. Il prévoit également que " Les compétences des communes pourront être élargies en matière d'urbanisme, de développement local , de concessions, de distribution d'électricité et de fiscalité locale. "

b) Le problème des exonérations décidées par le Territoire

Selon l'Association des maires de Nouvelle-Calédonie, les décisions de défiscalisations et d'exonérations prises par le Territoire ne sont pas compensées.

Cela conduit d'une part à diminuer d'autant l'assiette sur laquelle le FIP est calculé, et d'autre part, à nuire à l'objectif de rééquilibrage puisque ces exonérations profitent principalement à la région de Nouméa.

Selon l'Association des maires de Nouvelle-Calédonie, " les mesures de défiscalisation prises en 1997 (...) vont entraîner une baisse des recettes fiscales de trois milliards de francs CFP, soit une baisse de 450 millions de CFP pour 33 communes, alors que ces mesures n'ont concerné que Nouméa ".

c) Des contentieux qui révèlent une entente insuffisante entre le Territoire et les communes

Ces querelles se règlent depuis quelques années devant les juridictions.

Un premier contentieux devant le tribunal administratif de Nouméa a été gagné en 1995 par l'Association des maires de Nouvelle-Calédonie. Le contentieux portait sur le mode de calcul de la dotation budgétaire pour les années 1988 à 1990, le FIP ayant été fixé sur la base des recettes prévisionnelles inscrites aux budgets primitifs et non sur les recettes perçues, ce qui a entraîné un manque à gagner pour les communes.

Le 7 août 1995, la juridiction a condamné l'État en relevant que la base de calcul du FIP devait être modifiée lorsque les recettes réellement perçues se révélaient supérieures aux recettes prévisionnelles. Le litige portait sur 1,5 milliard de francs CFP.

Par la suite, le congrès du Territoire a mis en place un dispositif de régularisation, et la loi n° 93-61 du 4 janvier 1993 a prévu l'obligation de procéder par décret à un rattrapage de la dotation allouée au FIP sur la base du montant des recettes constatées à la clôture de l'exercice, afin de respecter le seuil de 15 %.

Les 23 communes de l'Association des maires ont fait appel devant la Cour administrative d'appel de Paris dans un deuxième contentieux portant sur les années 1991 à 1993 et qui concerne les modalités de fixation de l'assiette fiscale servant au FIP.

Selon les communes, l'assiette devrait être calculée à partir des recettes fiscales brutes, et non sur la base des recettes nettes après déduction des recettes non recouvrées, ou reversées au profit d'autres collectivités ou organismes. Elles chiffrent leur préjudice à 2.586.725.818 CFP (142.289.920 francs français).

Dans ses jugements du 22 octobre 1997 rendus pour chaque commune, le tribunal administratif de Nouméa leur a donné partiellement satisfaction. Il a réintégré plusieurs de ces recettes (contribution exceptionnelle de solidarité, vignette...) dans l'assiette de calcul du FIP. Cependant, considérant que l'État n'avait pas fixé pour autant des quotes-parts inférieures au montant légal de 15 %, il a rejeté leur requête.

Ce type de litige se retrouve en Polynésie, où la commune de Faa'a a formé un recours contre les modalités de fixation du FIP polynésien. Le tribunal administratif de Papeete avait jugé le recours fondé, mais la Cour administrative d'appel de Paris a ensuite annulé ce jugement.

Les deux contentieux révèlent la mésentente entre ces deux niveaux de collectivités, due notamment à l'imprécision des dispositions du statut et de la loi n° 69-5 du 3 janvier 1969 modifiée réglant les reversements du Territoire aux communes.

Après la signature des Accords de Nouméa, il serait donc indispensable que les signataires entament une réflexion sur ce problème, afin de clarifier les obligations de chacun, et d'aboutir notamment soit à un encadrement des possibilités de défiscalisation, soit à une compensation.

d) S'orienter vers une garantie de ressources et la clarification des charges

Un autre sujet important était la garantie de ressources pérennes.

Le mémorandum adressé à la délégation par l'Association des maires de Nouvelle-Calédonie souhaite l'instauration d'une garantie de progression minimale du FIP-fonctionnement, fondée sur des critères tels que la progression du PIB. Le document se prononce aussi pour une disposition permettant de prendre en compte " l'effet population " à chaque recensement.

Des études ont été réalisées par le Haut-Commissariat ; dans l'attente, le comité de gestion du FIP a adopté, ces deux dernières années, une répartition assurant la non-diminution des dotations en faisant appel à la solidarité des communes dont les dotations augmentent.

Cependant, une autonomie financière accrue des communes ne saurait s'envisager sans l'engagement d'une réflexion sur la réforme de la fiscalité locale.

De plus, des polémiques sur le niveau des charges pesant sur chaque collectivité se sont développées.

La répartition du FIP-fonctionnement étant effectuée à enveloppe fermée, la variation des données communales modifie nécessairement les niveaux relatifs des dotations allouées aux communes : la modification à la hausse des données d'une commune entraîne une augmentation de sa dotation, au détriment des dotations des communes dont les données ont diminué, stagné ou augmenté moins vite.

Les critères de répartition étant des critères objectifs de charge, toute variation de niveau des dotations entre les communes est censée correspondre à des augmentations ou à des diminutions relatives de leurs charges respectives.

Ce système, pour être efficace, nécessite que les valeurs des données communales prises en compte pour le calcul de répartition soient fiables.

Or, la dotation du critère " routes " est répartie proportionnellement à la longueur des voies classées dans la voirie communale en fonction de trois catégories de routes, affectée chacune d'un coefficient :

· voies urbaines : coefficient 3 ;

· routes municipales : coefficient 2 ;

· chemins ruraux : coefficient 1.

L'absence de toute réglementation en matière de classement des voies communales, d'une part, et de contrôle, d'autre part, a conduit certaines communes à procéder à des " surclassements " de voies dans le seul but d'accroître leur dotation FIP. Ce phénomène a des effets pervers sur la répartition du FIP.

Un autre contentieux se trouve au niveau provincial, certains contestant la classification territoriale de la liaison Nouméa-Koné, située en majeure partie en Province sud.

Un " bilan-voirie " et une réglementation stricte sur la définition des voies et leur classement devraient juguler les dérives constatées.

C'est la preuve que les textes organisant la péréquation méritent bien une certaine clarification.

Il serait opportun que, après la signature des Accords de Nouméa, les partenaires et l'État s'engagent dans un audit général des charges afin de procéder éventuellement à la modification des paramètres fixant les clés de répartition.

Cet audit serait global, il concernerait à la fois communes et Provinces et il tiendrait compte du coût de fonctionnement des investissements et des infrastructures réalisées par les contrats de développement.

C.- " LES USINES DU NORD " OU LE RÉÉQUILIBRAGE MINIER

1.- L'usine du nord n'est plus un mythe

Le projet d'usine métallurgique de nickel dans le Nord du Territoire fait périodiquement l'actualité depuis les années 1960. La nécessité de l'installation d'une usine dans le Nord était relevée par le " rapport Dijoud " de décembre 1978.

Certains commentateurs, sans remettre en cause son utilité pour le rééquilibrage de l'économie du Territoire, ont qualifié ce projet de " serpent de mer ".

Pourtant, aujourd'hui, grâce à l'obstination des acteurs et à leur sens du compromis, la Nouvelle-Calédonie n'a jamais été aussi proche du but.

a) La levée du " préalable minier "

Ces deux dernières années, les discussions sur l'avenir institutionnel du Territoire étaient bloquées par la question du " préalable minier ". Le Front de libération nationale kanak socialiste (FLNKS) souhaitait poser le principe de l'installation de l'usine en Province nord avant de commencer d'éventuelles négociations.

En mars 1996, la SMSP et Falconbridge ont présenté conjointement un projet d'usine pyrométallurgique basée en Province nord. Sa production annuelle serait de 54.000 tonnes et elle pourrait créer 700 emplois.

Cette implantation exige un approvisionnement en minerai, ce qui ne peut se concevoir que par un échange de deux gisements (Poum et Koniambo) entre la société minière contrôlée par la Province nord, la SMSP (Poum), et la Société Le Nickel (SLN) (Koniambo).

Après de longues négociations, ce qu'on a appelé les Accords de Bercy ont été signés le 1er février 1998.

Cet accord de 160 pages garantit aux promoteurs de l'usine du nord, la SMSP et Falconbridge, la disponibilité de la ressource minière de Koniambo lors de l'entrée en service de l'usine, et le retour du massif à la SLN si la décision de la construction de l'usine n'est pas prise.

Par le versement d'une soulte, l'État assure l'indemnisation d'ERAMET, société-mère de la SLN et contrôlée à 55 % par un holding public.

La soulte sera versée à la SLN et les droits miniers des gisements de Koniambo et de Poum seront distribués à une entité juridique en cours de création, une société par actions simplifiées détenue à 99 % par l'État (Agence française de développement), ERAMET et la SMSP détenant chacun une action. L'entité sera chargée de veiller au bon déroulement de l'accord.

Les droits miniers seront ensuite répartis entre ERAMET et la SMSP lorsque Falconbridge et la SMSP auront effectivement décidé de construire l'usine. Cette décision doit être prise avant 2005, mais l'accord ménage un suivi annuel, avec notamment un bilan d'étape en 2002. Si le projet ne se concrétise pas, ERAMET devra rembourser la soulte.

Cette indemnisation a été évaluée par deux banques (Clinvest et Fleming) à la somme de un milliard de francs, somme considérable et qui devrait être versée dans le courant de 1998.

L'importance de la somme et la garantie indirecte de l'État méritent un examen attentif. Cette somme, nette d'impôt, sera versée à ERAMET à la suite de l'accord conclu le 5 mai 1998 entre ERAMET et le gouvernement français (après évaluation par les deux banques conseil). Elle sera rendue si le projet ne se fait pas.

Une des questions soulevées a été le montant élevé de la soulte. A cet égard, il importe de ne pas confondre la valeur comptable et la valeur réelle des massifs, qui sont, objectivement, de valeur minière inégale. L'évaluation objective menée par deux banques-conseil, qui prend en compte des " cash-flow futurs actualisés ", a permis de clore le débat.

Une autre question porte sur les conditions dans lesquelles la somme sera éventuellement rendue par ERAMET en cas de non-réalisation du projet. Elle devrait être alors débitée d'une " rémunération pour préjudice ", nette d'intérêts, qui resterait définitivement à ERAMET. Cette rémunération serait en partie indexée sur le cours du nickel.

Les modalités de l'affectation budgétaire du versement de la soulte ne semblent pas encore avoir été fixées. Selon les indications données par M. Didier Migaud, Rapporteur général, dans son rapport d'information n° 963 du 4 juin 1998 sur le débat d'orientation budgétaire pour 1999, " il est cependant très vraisemblable que la dépense sera imputée sur le compte d'affectation spéciale n° 902-24 ".

Falconbridge et la SMSP ont signé le 29 avril 1998 un accord de partenariat industriel. Une société sera créée, détenue à 49 % par Falconbridge et 51 % par la SMSP, et elle entreprendra les études de faisabilité pour un montant d'environ 38 millions de francs.

b) La viabilité de ce projet industriel reste soumise à quelques inconnues

Même si cette opération revêt une importance politique considérable, elle reste un projet industriel. Comme tel, sa réalisation et son succès ne sont pas garantis. Ses promoteurs en sont conscients.

Des conditions nécessaires à l'achèvement du projet sont présentes :

· les techniques sont disponibles : il s'agit de techniques de pyrométallurgie déjà utilisées sur le Territoire, la future usine se présentant comme une réplique plus moderne de Donimambo ;

· l'échelle de production est pertinente. Le montant total de l'investissement peut être évalué autour de six milliards, dont 40 % en infrastructures (construction d'une centrale électrique notamment). Il permettra de doubler la production de nickel transformé en Nouvelle-Calédonie ;

· les ressources naturelles sont disponibles grâce à l'échange des massifs.

Cependant, ces conditions ne sont pas suffisantes. Quelques inconnues subsistent :

· la première inconnue est la capacité d'absorption par le marché international de cette nouvelle capacité de production ; la rentabilité du projet sera évidemment subordonnée au prix du nickel lors de la prise de décision au milieu de la prochaine décennie ;

· une autre hypothèque à lever est celle concernant le comportement de Falconbridge ; l'entreprise, dans un contexte mondial de concurrence accru, pourrait être tentée de voir dans cet accord un moyen de se constituer des réserves sans procéder immédiatement à leur coûteuse exploitation ;

· il ne faut pas négliger le risque de désertification de la côte Est due aux migrations internes à la Province nord ;

· enfin, cette nouvelle usine nécessitera un aménagement foncier conséquent, ce qui n'est jamais facile à réaliser en Nouvelle-Calédonie.

2.- " L'usine du nord " au pluriel

La presse et la télévision font souvent état du projet d'usine du Nord mené par la SMSP et Falconbridge.

En fait, il existe en Nouvelle-Calédonie de nombreux autres projets métallurgiques, situées soit en Province nord, soit en Province sud.

·   La SLN, avec son partenaire l'entreprise australienne Queensland Nickel, monte également un projet d'usine en Province nord.

Ce projet concerne le traitement des minerais latéritiques. Queensland Nickel traite des latérites depuis 25 ans dans son usine australienne de Yabulu ; il maîtrise le procédé ammoniacal de traitement

Le coût total estimé de l'investissement se monte à 60-80 milliards de CFP. La capacité de production envisagée s'élève à 20 à 30.000 tonnes de nickel et 1.000 à 1.500 tonnes de cobalt. Le nombre d'emplois créés lorsque l'usine tournera est estimé à 500.

·   La société INCO a également un projet d'usine hydrométallurgique au Sud du Territoire, à Goro (projet Goronickel). La construction d'un site pilote est prochainement prévue.

En conclusion, l'incertitude concernant la réalisation du projet SMSP/Falconbridge, tout comme la longueur des délais, puisque la décision sera prise vers le milieu de la prochaine décennie, conduit à la nécessité de promouvoir des projets rééquilibrant le Territoire, pas nécessairement dans le domaine du nickel.

Deux objectifs seraient alors conciliés : le rééquilibrage et la diversification sectorielle.

D.- UNE DIVERSIFICATION INDISPENSABLE : COMMENT METTRE FIN À LA MONO-INDUSTRIE ?

Si le nickel est le principal atout du Territoire dans la compétition économique mondiale, son importance ne doit pas conduire à négliger d'autres potentialités de développement, ces projets étant susceptibles d'accroître la valeur ajoutée produite en Nouvelle-Calédonie.

De plus, une diversification réussie permettrait à la Nouvelle-Calédonie d'être moins dépendante des fluctuations du cours du nickel et donc de lisser ses cycles conjoncturels.

Les projets de diversification n'ont jamais manqué. Ils n'ont pas tous été couronnés de succès.

Ainsi, s'agissant du bilan de l'" Opération café ", qui avait soulevé beaucoup d'espoir dans les années 1980, " Le déclin de la production de café calédonien tourne véritablement au désastre ", affirme un récent document de la Province nord (selon certaines estimations, le coût cumulé du " plan café " s'est monté à 275 millions de francs).

Aujourd'hui existent des projets gros d'espoirs de développement pour la Nouvelle-Calédonie.

1.- Pêche industrielle : le projet " ORTHONGEL "

Comme l'a affirmé à la délégation un ancien responsable de l'ADECAL, " La Nouvelle-Calédonie tourne le dos à la mer ".

Cependant, le développement de la pêche industrielle en Nouvelle-Calédonie pourrait être très significativement amorcé avec la réalisation du projet " ORTHONGEL " d'implantation d'une filière de pêche hauturière thonière.

L'ADECAL a commandé une étude à la Société SEPIA, avec l'appui de la Société d'armement et de conserverie " Pêche et froid ". Les résultats de cette étude sont très prometteurs concernant l'implantation de six à dix thoniers senneurs.

La société " Pêche et froid " est le leader européen de la pêche aux thonidés. Elle emploie 3.000 personnes pour un chiffre d'affaires de 1,1 milliard de francs.

Cette implantation créatrice d'une forte valeur ajoutée créerait de nombreux emplois directs et indirects (le chiffre serait de 4 emplois à terre pour un emploi en mer).

Outre un quai de pêche, est étudiée à moyen terme la perspective d'établir à Népoui un entrepôt frigorifique de 3.000 tonnes, puis un atelier de découpe de longes.

Son implantation dans la Province nord serait un puissant facteur de rééquilibrage du Territoire. De plus, un tel projet n'exige pas une superficie de terrain trop grande, ce qui règle la question foncière.

Trois préalables à l'opération doivent néanmoins être levés :

· la création d'un registre d'immatriculation attractif ;

· la construction d'un quai à Népoui ;

· la négociation directe d'accords de pêche avec les pays du Pacifique Ouest, dans le cadre de l'agence des Pêches du Forum. Un tel accord pourrait être conclu avant la fin de l'année.

2.- Le projet de création d'une filière " poulets de chair " en Nouvelle-Calédonie

La consommation de poulet par habitant en Nouvelle-Calédonie se situe au sixième rang mondial, et 93 % du marché néo-calédonien est approvisionné par des importations sous forme de produits congelés.

Le groupe australien Goodman Fielder envisage l'établissement d'une filière d'élevage de poulets de chair en Nouvelle-Calédonie, plus particulièrement sur la côte ouest de la Province nord. Historiquement, c'est le quatrième projet de création de la filière poulets.

Goodman Fielder figure en Australie parmi les très grandes entreprises du secteur agro-alimentaire. Il fabrique des marques bien connues sur le Territoire. Le groupe emploie 17.000 personnes et réalise un chiffre d'affaires de 4 milliards de dollars australiens (environ 300 milliards de francs CFP).

Ce groupe international est très implanté dans la zone Pacifique. Il est présent en Nouvelle-Calédonie depuis 1987 avec deux sociétés : les Moulins du Pacifique Sud pour la farine et la société Sica-NC pour la fabrication d'aliments pour animaux (provende).

Goodman Fielder, deuxième producteur d'Australie et de Nouvelle-Zélande et unique producteur à Fidji, a une forte expérience des filières poulets de chair. L'expérience fidjienne est particulièrement intéressante car transposable directement en Nouvelle-Calédonie, les marchés étant de taille à peu près comparable.

L'objectif du projet est de substituer dès la première année des poulets locaux à la totalité des produits importés, soit environ 5.500 tonnes par an. La production locale sera de qualité supérieure aux produits importés, souvent très bas de gamme, avec l'objectif d'offrir des prix comparables.

L'inconvénient macro-économique du projet est la diminution induite du montant des taxes d'importation perçues sur les poulets importés (c'est le cas de beaucoup de projets de substitution aux importations).

L'impact économique du projet est important : environ 3 milliards de CFP d'investissements directs, 300 emplois et des débouchés significatifs pour l'industrie locale (fabrication de litières, cartonnages, maintenance industrielle, etc.). Il permettrait également de renforcer les liens économiques et commerciaux entre la Nouvelle-Calédonie et son voisin australien, liens qui souffrent peut-être de l'omniprésence de la métropole.

3.- Tourisme : comment exploiter le potentiel ?

a) Un développement encore balbutiant

Dans ce secteur, " On vit d'espoir ", a estimé un des interlocuteurs de la délégation.

Après avoir connu une chute importante à partir de l'automne 1984, les résultats du tourisme ont connu une stagnation autour de 80.000 à 85.000 visiteurs par an jusqu'en 1995 inclus.

La reprise des essais nucléaires de la fin de 1995 en Polynésie a fait reculer la fréquentation de la Nouvelle-Calédonie par les Japonais, les Australiens et les Néo-Zélandais. Seule la progression de la fréquentation par les Français de métropole, grâce à l'amélioration de la desserte aérienne et à la baisse des prix des billets d'avion, a permis de maintenir des chiffres voisins de ceux de l'année précédente.

L'arrêt définitif des expériences nucléaires, joint à une relance des actions de promotion (installation à Paris d'une antenne du GIE Nouvelle-Calédonie Tourisme) ont permis, à partir de juillet 1996, une progression nouvelle de la fréquentation touristique qui, pour 1996, s'est approchée de très près du record de 1984 (91.121 touristes de séjour contre 91.500 en 1984).

Cette progression s'est poursuivie en 1997, où la fréquentation s'est élevée à 105.000 touristes soit + 15,4 % par rapport à 1996. La croissance a été particulièrement nette pour les Japonais (+ 28,3 %), qui ont repris en 1997 leur première place (34.630 contre 30.150 métropolitains).

En revanche, le secteur de la croisière ne se développe pas, ce qui a conduit le Club Méditerranée à transférer définitivement son bateau Club Med 2 de Nouvelle-Calédonie en Polynésie.

L'ouverture par AOM d'une deuxième fréquence hebdomadaire entre Paris et Nouméa depuis le début de juillet 1997 devrait relancer en métropole la destination Nouvelle-Calédonie, désormais mieux desservie.

Ceci se conjugue avec une baisse des tarifs depuis l'été 1994 (les prix les plus bas pour un aller-retour sont actuellement de l'ordre de 6.500 francs) et avec une durée plus courte de voyage (21 h 30 dans les cas les plus favorables).

Par ailleurs, les métropolitains ne sont plus seulement des personnes qui se rendent en Nouvelle-Calédonie auprès de parents ou d'amis, mais un nombre croissant d'entre eux se rend désormais dans les hôtels.

b) Faut-il créer les bases d'une " industrie touristique " ?

La progression de la fréquentation touristique devrait conduire l'Agence française de développement à revoir sa position, qui avait été de cesser d'aider la création de nouveaux hôtels en Nouvelle-Calédonie de façon à ne pas accentuer la baisse des taux de remplissage des hôtels existants intervenue en 1994-1995 après la mise en service de l'hôtel Méridien (240 chambres et 13 suites, 5 étoiles).

Cependant, la croissance du tourisme passe d'abord par l'amélioration de la promotion touristique des Îles. Ce sera l'objectif de la structure " Destination Îles Loyauté ", qui remplit cette mission avec un professionnalisme qui faisait auparavant défaut.

Les flux touristiques seraient également facilités par l'amélioration de la desserte aérienne et maritime des Îles. Actuellement, pour aller d'Ouvéa à Lifou, il est parfois plus facile de passer par Nouméa.

La croissance du tourisme passe également par l'accroissement du trafic en direction de la Nouvelle-Calédonie. L'ouverture d'une ligne Osaka-Nouméa serait à cet égard très opportune. En effet, sortir de " l'économie coloniale " exige une intégration accrue du Territoire dans sa zone de croissance " naturelle ", c'est à dire le Pacifique Sud. Un effort accru en direction de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande serait, à cet égard, très profitable.

Il existe d'ailleurs un projet d'amélioration des infrastructures de l'aéroport de Tantouta d'ici 2010, avec un agrandissement de l'aérogare permettant d'accueillir 3 gros porteurs simultanément. Un nouvel aérogare est en construction sur l'île d'Ouvéa.

La croissance économique par le tourisme ne rencontre apparemment pas d'opposition de principe de la part des autorités coutumières. Celles-ci souhaitent un développement harmonieux de cette activité. Selon les conclusions du " Grand Palabre ", elles veulent d'ailleurs promouvoir les formules de " tourisme vert ".

Le tourisme pourrait également s'orienter avec profit vers une meilleure connaissance du patrimoine culturel kanak, ce que permettra sans doute le centre culturel Jean-Marie Tjibaou, dont l'État, à la suite des Accords de Nouméa, s'engage à financer le fonctionnement.

*

* *

Ces espoirs de développement économique diversifié ne doivent pas occulter le problème central.

Il existe en Nouvelle-Calédonie une épargne disponible qui ne s'investit pas sur le Territoire. On pourrait en déduire que les projets économiques " locaux " n'apportent pas la rentabilité suffisante.

Selon certains observateurs, ce sont les conditions de formation des prix et des salaires qui rendent ces projets non viables et qui expliquent l'échec des tentatives de diversification.

E.- LA RÉFORME FONCIÈRE, APPROFONDIE PAR LES ACCORDS DE NOUMÉA, DOIT ÊTRE POURSUIVIE

La question foncière est peut-être la clé du développement et de la paix en Nouvelle-Calédonie. Selon l'expression du Conseil consultatif coutumier, " le caractère sacré du lien à la terre ne doit plus être présenté comme un obstacle au développement social économique du peuple canaque ".

Les Accords de Nouméa prévoient dans le domaine foncier quatre réformes :

· l'ADRAF redeviendra établissement territorial, ce qu'elle avait été entre 1986 et 1988 ;

· après un bilan de son activité, l'ADRAF devra disposer de moyens plus importants, notamment pour intervenir dans les zones suburbaines ;

· la création d'un cadastre coutumier permettra de mieux évaluer les droits de chacun ;

· les litiges fonciers seront jugés par des juridictions de droit commun, avec des assesseurs coutumiers.

Il faut aller plus loin. Si le rééquilibrage foncier est évident, il manque encore les outils du rééquilibrage économique agricole.

Ainsi, selon certains interlocuteurs de la délégation, il serait peut-être opportun de revoir le statut des " terres de réserves ", notamment pour les Îles Loyauté. Ce statut rigide, hérité de l'ère coloniale, handicape le développement de capacités hôtelières, à cause de l'insécurité juridique concernant l'aspect foncier des opérations.

Il faudrait infléchir l'action de l'ADRAF dans une optique plus économique en aménageant un appui à la mise en valeur des terres. L'effort a été engagé, mais exige d'être poursuivi. Sur les 71.400 ha attribués à 243 groupements de droit particulier local (GDPL) depuis 1989, seuls 16,5 % font l'objet d'une location.

L'ADRAF devra, enfin, poursuivre la politique d'attribution de ses stocks fonciers à un rythme plus soutenu.

Il faut de manière générale souligner l'absence de politique agricole territoriale (l'ADRAF n'avait pas, de toutes les façons, le mandat d'en concevoir une) et la nécessité de créer des schémas d'aménagement des terres de GDPL plus complets.

F.- PROMOUVOIR L'INSERTION DES POPULATIONS
MÉLANÉSIENNES DANS L'ÉCONOMIE

De manière générale, il existe un manque d'informations sur l'insertion économique (secteur privé et fonction publique) de la population kanak, la loi interdisant parfois les mentions d'origine ethnique.

Il serait opportun que le Territoire développe des moyens d'informations fiables et adaptés sur ce sujet crucial.

1.- La formation : prolonger l'esprit des " 400 cadres "

Les partenaires des Accords de Matignon étaient conscients de la nécessité de promouvoir l'émergence d'une élite mélanésienne. En effet, en 1988, on ne comptait qu'un magistrat, un médecin et deux ingénieurs d'origine kanak.

Les Accords de Matignon ont donc mis en place ce qu'on a appelé le programme " 400 cadres ". Ce programme spécifique de formation, visant au total environ 400 personnes, devait permettre à des Néo-calédoniens, et surtout à des Mélanésiens, d'accéder à des fonctions de responsabilité, dans les administrations, les entreprises ou le secteur libéral.

Depuis 1989, 379 stagiaires ont été sélectionnés, pour suivre une formation qualifiante en métropole, en bénéficiant d'un accompagnement pédagogique et financier adapté au cas par cas, pendant une durée moyenne de deux ans. Une centaine est actuellement en formation, avec un taux de féminisation croissant.

Le niveau atteint au terme du parcours est pour la moitié Bac + 2, pour l'autre Bac + 3 ou plus. 80 % de ceux qui ont terminé et qui sont revenus sur le Territoire ont trouvé un emploi, dans le secteur public pour les deux-tiers. Les mélanésiens représentent 4/5ème des effectifs. 7 % des cadres formés vont s'employer en Province sud, 23 % en Province nord et 10 % dans les Îles, ce qui sert le rééquilibrage géographique.

Le coût total du programme s'élève à 132 millions de francs, financés par l'État et pour moins de 10 % par le Territoire, ce qui représente, par stagiaire et par année, à peu près 120.000 francs.

Ce programme, exceptionnel par sa nature et par ses ambitions, a été l'un des signes visibles du rééquilibrage. Il a permis à de nombreux jeunes Mélanésiens d'accéder à des postes de responsabilité et incité les provinces et le Territoire à réorienter leurs systèmes préexistants de bourses de formation.

Cependant, comme le relève l'IEOM dans son rapport, " les objectifs quantitatifs fixés au départ ne sont pas totalement atteints en 1998 : 25 % d'échecs et 60 % seulement d'emplois de cadres. "

De plus, si les résultats de ces actions de formation, et plus généralement, de l'effort d'éducation, ont augmenté le nombre de cadres d'origine kanak de 143 en 1989 à 344 en 1996, pendant la même période, le nombre de cadres européens est passé de 2.078 à 4.548.

Relativement aux effectifs totaux de cadres de Nouvelle-Calédonie, la proportion de cadres d'origine mélanésienne n'a donc pas beaucoup augmenté.

Beaucoup reste à faire pour favoriser l'émergence de " parcours-modèles " susceptibles d'entraîner la jeunesse mélanésienne. Ainsi, aujourd'hui, sur la centaine de cadres employés par la société Le Nickel, seuls quatre sont mélanésiens.

Le programme gagnerait donc sans doute à élargir les vocations aux secteurs de l'industrie, des professions libérales ou la création d'entreprises.

Le document d'orientation des Accords de Nouméa est relativement précis sur les questions de formation. Il prévoit notamment la poursuite du projet " 400 cadres ", (en abandonnant cette dénomination), une meilleure prise en compte de l'objectif de rééquilibrage et une promotion de la coopération avec les États du Pacifique.

2.- Une promotion accrue de l'emploi local

La question de l'emploi des " personnes durablement établies en Nouvelle-Calédonie ", pour reprendre une expression assez ambiguë du Préambule des Accords de Nouméa, est un sujet très sensible.

Elle accompagne la crainte diffuse et plus ou moins exprimée d'un afflux de métropolitains, de Wallisiens ou d'étrangers en Nouvelle-Calédonie, qui viendraient déséquilibrer un marché du travail étroit.

La promotion de l'emploi local est essentiellement passée par la réglementation relative à la fonction publique. La procédure de l'article 83 de la loi référendaire permet jusqu'à la fin de l'année 1998 l'intégration des contractuels à la fonction publique territoriale. Cet article 83 traduisait la volonté des partenaires des accords de Matignon de faciliter le rééquilibrage géographique et ethnique, ainsi que l'intégration, dans la lignée des mesures métropolitaines (loi Le Pors).

La volonté de faire participer les populations mélanésiennes à l'économie et au secteur productif exige de nouvelles mesures vigoureuses. Malgré l'augmentation du nombre d'actifs kanak (principalement par intégration à la fonction publique) sur la période, le taux d'activité des populations kanak en 1989 était égal à celui de 1989 (Freyss, 1995).

La crainte mentionnée plus haut, comme la volonté de promouvoir l'intégration des populations kanak, se reflètent dans quelques dispositions des Accords de Nouméa.

Le préambule dispose que " la taille de la Nouvelle-Calédonie et ses équilibres économiques et sociaux ne permettent pas d'ouvrir largement le marché du travail et justifient des mesures de protection de l'emploi local ".

Le document d'orientation mentionne en effet que " la Nouvelle-Calédonie mettra en place, en liaison avec l'État, des mesures destinées à offrir des garanties particulières pour le droit à l'emploi de ses habitants. La réglementation sur l'entrée des personnes non établies en Nouvelle-Calédonie sera confortée. ".

laisser la page blanche sans numérotation

CONCLUSION

L'État, à la suite des Accords de Matignon, a rempli sa mission et respecté ses engagements.

Grâce à la construction d'infrastructures et le maintien de flux financiers, il a favorisé les possibilités de développement du Territoire. Engageant les moyens nécessaires dans un contexte budgétaire rigoureux, il a réalisé un effort soutenu en matière d'éducation et de formation.

Cependant, comme le soulignait en 1993 le rapport du Plan " Outre-mer, le défi des singularités ", comme dans beaucoup de DOM et TOM, il apparaît que la solidarité nationale a plus débouché sur l'" assistance " que sur le " progrès ".

En effet, le décollage économique, dans le plus grand ensemble archipélagique sous souveraineté française, reste embryonnaire. Malgré le niveau de vie enviable de ses habitants, le progrès économique se cantonne à un secteur minier et métallurgique et à la région de Nouméa. Il se diffuse très lentement sur l'ensemble du Territoire et de son économie.

Faute d'opportunités, malgré des tentatives de diversification, l'investissement privé a du mal à prendre le relais de l'investissement public. L'épargne locale, notamment, s'investit pour une grande partie hors du Territoire.

Le rapport d'information n° 212 de la commission des Finances, du contrôle budgétaire, des comptes économiques de la Nation, du Sénat " La Nouvelle-Calédonie : Vouloir vivre ensemble ", rédigé par notre collègue M. Roland du Luart, comparait d'ailleurs l'économie de la Nouvelle-Calédonie à la " belle au bois dormant ".

L'objectif du rééquilibrage n'a pas été complètement rempli. La délégation fait le constat d'un phénomène de triple dualisation :

· dans les différences de rythmes de développement entre la Province sud et le reste du Territoire ;

· dans le décalage entre le secteur minier et métallurgique et les autres secteurs de l'économie ;

· · dans le fossé qui n'a guère été comblé entre les Européens, les autres ethnies et le monde mélanésien, ce dernier groupe éprouvant plus de difficultés à profiter de la croissance économique.

Les Accords de Nouméa ont entamé un processus unique dans l'histoire de France : une décolonisation pacifique et maîtrisée. Mais les conditions économiques du succès d'un tel pari sont-elles réunies ?

La segmentation de l'économie et de la population dessine les contours d'une économie à deux vitesses, loin des promesses d'un avenir partagé. Il reste donc beaucoup à faire pour que tous les Néo-calédoniens disposent de la maîtrise de ses outils de développement.

Comment _uvrer pour la " refondation du contrat social " entre les communautés, selon la formule du Préambule des Accords de Nouméa ? Après les Accords de Nouméa, cette mission ne repose plus entièrement sur l'État. C'est aux Néo-calédoniens de construire leur avenir.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du 25 juin 1998, la commission des Finances, de l'Economie générale et du Plan a examiné le présent rapport d'information, en application de l'article 145 du Règlement, sur la situation économique et financière de la Nouvelle-Calédonie.

Après l'exposé du Rapporteur, un débat s'est engagé.

Parmi les constats effectués par la mission à laquelle il appartenait, M. Philippe Auberger a salué particulièrement l'effort accompli pour le développement des lycées, qui permet désormais aux jeunes des îles de préparer sur place le baccalauréat. Il s'est félicité de la constitution de l'université de Nouméa en université de plein exercice qui va dans le sens de la promotion des élites locales par le développement de l'enseignement supérieur. Il a enfin mentionné l'amélioration des équipements de santé publique, notamment dans la province du Nord.

M. Jean-Pierre Delalande a demandé des précisions sur la situation de l'emploi en Nouvelle-Calédonie.

Après avoir salué la qualité et l'intérêt du rapport de M. Yves Tavernier, M. Gilbert Gantier a souligné que le niveau d'éducation très élevé de la Nouvelle-Calédonie plaçait le Territoire dans une situation comparable à celle de la Nouvelle-Zélande et a considéré que cette observation permettait de relativiser le sentiment de culpabilité entretenu par certains à propos de la " colonisation ", en montrant que le niveau de formation était, avec le développement du système de santé, un des acquis de la présence française.

M. Pierre Hériaud, après avoir relevé que le produit intérieur brut du Territoire était constitué à 80 % par le produit des services, marchands ou non marchands, s'est interrogé sur l'essor de l'économie touristique en Nouvelle-Calédonie, et plus particulièrement sur la durée moyenne des séjours qui conditionne largement la rentabilité des équipements dans ce domaine.

En réponse aux intervenants, le Rapporteur a notamment indiqué :

- pour l'appréciation du chômage, il convient de distinguer entre la population d'origine européenne où le taux de chômage, de 10 %, est un peu inférieur à la moyenne nationale et la population d'origine kanak pour laquelle la notion même de chômage n'a guère de sens en raison de la prise en charge par la communauté des personnes qui la composent ;

- en dépit de l'éloignement de la métropole, l'ouverture à la concurrence des lignes aériennes en direction de la Nouvelle-Calédonie, a créé un apport de touristes supplémentaires, notamment en raison de la baisse des prix qu'elle a permise. Par ailleurs, la mission a pu noter l'importance du tourisme japonais, notamment de jeunes couples qui choisissent le Territoire pour s'y marier ; cependant, le développement des infrastructures, surtout dans la province du Nord, paraît un préalable à l'essor du tourisme, même si l'on note de premiers efforts en faveur du tourisme chez l'habitant dans les familles kanak.

Usant de la faculté que l'article 38 du Règlement de l'Assemblée nationale confère aux députés d'assister aux réunions des commissions dont ils ne sont pas membres, M. Pierre Frogier a exprimé, en son nom propre et en celui de M. Jacques Lafleur, sa reconnaissance pour la marque d'intérêt qu'a manifestée la commission des Finances par l'envoi d'une mission dans le Territoire qu'ils représentent. Il a fait remarquer que le développement de l'équipement hôtelier, évoqué par plusieurs commissaires, était lié, pour une bonne part, à la défiscalisation qui fait l'objet, par ailleurs, des préoccupations de la commission des Finances. Il a souligné que l'autonomie fiscale de la Nouvelle-Calédonie, liée par une convention spécifique avec la métropole depuis 1983, avait empêché le Territoire de profiter pleinement des effets bénéfiques de la loi Pons et que l'absence de dispositif d'encouragement de substitution ne manquerait pas de pénaliser les efforts d'investissement dans le domaine touristique, pouvant mettre en péril la bonne application des accords de Nouméa. Il a enfin souhaité que le Parlement manifeste un intérêt plus soutenu pour l'affaire du nickel sur laquelle la Nation ne lui paraissait pas avoir été correctement informée. Il a mis en garde contre l'erreur qui consisterait à polariser l'attention sur l'exploitation des minerais les plus riches, rappelant qu'à long terme l'exploitation de gisements, considérés actuellement comme plus pauvres en nickel, donnerait à la France un atout industriel qu'elle ne devrait pas négliger.

*

* *

La commission des Finances a ensuite autorisé, conformément à l'article 145 du Règlement, la publication du présent rapport d'information.

A N N E X E S

LAISSER LA PAGE BLANCHE SANS NUMEROTATION

ENTRETIENS PRÉPARATOIRES

A.- Entretiens avec le président de la délégation

Mardi 10 février 1998

M. Jean-Jack Queyranne, Secrétaire d'État à l'outre-mer.

Lundi 9 mars 1998

M. Paul Néaoutyine, maire de Poindimié.

M. Pierre Frogier, député.

Mercredi 11 mars 1998

MM. Bessières, membre du bureau politique du Parti socialiste de Kanaky et Porou, secrétaire général de l'UPM (Union progressiste mélanésienne).

Mardi 24 mars 1998

Entretien avec M. Michel Viger, ancien président de l'ADECAL.

Mardi 7 avril 1998

M. Patrick André, directeur de la branche Nickel d'ERAMET.

Jeudi 9 avril 1998

M. Dominique Bur, délégué du gouvernement.

B.- Entretiens avec la délégation

Mardi 7 avril 1998

Réunion de la délégation avec le cabinet de M. Jean-Jack Queyranne.

Jeudi 9 avril 1998

Réunion de la délégation avec Mme Emmanuèle Plas et M. Laurent Bergeot, membres du cabinet de M. Jean-Jack Queyranne.

LAISSER LA PAGE BLANCHE SANS NUMEROTATION

PROGRAMME

Lundi 13 avril 1998

6 heures 15 : Arrivée à l'aéroport de la Tantouta

13 heures : Déjeuner offert par M. Dominique Bur, Délégué du Gouvernement, Haut-Commissaire de la République

15 heures : Visite de l'usine de la Société le Nickel de Doniambo

Mardi 14 avril 1998

8 heures : Entretien avec M. Yves Goyetche, Directeur à l'Institut Calédonien de Participation (ICAP)

9 heures : Entretien avec Mme Tarahu et M. Jodar, vice-président de l'USTKE (Union Syndicale des travailleurs kanaks et exploités)

10 heures : Entretien avec M. Jean Leques, maire de Nouméa

11 heures : Entretien avec M. Harold Martin, Président du congrès du Territoire, et M. Paul Maes, président de la commission des Finances

14 heures : Rencontre avec une délégation de l'Association des Maires de Nouvelle-Calédonie

15 heures : Entretien avec M. Richard Kaloi, président de la commission de la réglementation économique et fiscale

17 heures 30 : Entretien avec M. Roch Wamytan, président du Front de libération nationale kanak socialiste (FLNKS)

20 heures : Dîner en l'honneur de la délégation offert par le Délégué du Gouvernement

Mercredi 15 avril 1998

9 heures : Entretien avec deux dirigeants de la SMSP (M. Pidjot et M. Thomas)

10 heures : Rencontre avec M. Vladyslav, directeur de l'Agence de développement rural et d'aménagement foncier (ADRAF)

11 heures : Entretien avec MM. Rengade et Pitollet, respectivement directeurs du développement international et local à l'Agence de développement de la Nouvelle Calédonie (ADECAL)

13 heures : Déjeuner avec M. Harold Martin, maire de Païta, après la visite d'un chantier du Fonds Social de l'habitat (Les Julisas)

14 heures 30 : Rencontre avec une délégation de l'Union des syndicats des ouvriers et employés de Nouvelle-Calédonie (USOENC) conduite par M. Gaston Hmeun, secrétaire général

15 heures 30 : Rencontre avec une délégation de l'Association française des maires de Nouvelle-Calédonie

16 heures 30 : Rencontre avec le Conseil consultatif Coutumier et son bureau, dont le Président, M. Berge-Kawa

Jeudi 16 avril 1998

8 heures : Arrivée à Koné, en Province nord, accueil par M. Bernard Guérin, commissaire délégué

8 heures 45 : Accueil à l'Assemblée Provinciale

Coutume aux représentants de la tribu de Baco

Entretien avec M. Jorédié, président de l'Assemblée provinciale

10 heures 30 : Déplacement à la tribu de Baco pour visiter des réalisation d'habitat social en milieu tribal (Plan Jorédié), remise de clé

12 heures : Départ pour Poindimié par la route Koné-Tiwaka

13 heures : Déjeuner offert par la délégation au MONITEL de Poindimié avec des élus municipaux des villes de la côte Est

15 heures : Visite de l'hôpital de Poindimié

16 heures 30 : Retour à Nouméa

Vendredi 17 avril 1998

10 heures : Visite du chantier du centre culturel Jean-Marie Tjibaou sous la conduite de M. Octave Togna, secrétaire général de l'Agence de développement de la culture kanak (ADCK)

15 heures : Entretien avec M. Loueckhote, sénateur de la Nouvelle-Calédonie et vice-président de la Province des îles

20 heures : Dîner offert par M. Lafleur, en présence de MM. Loueckhote et Frogier

Samedi 18 avril 1998

9 heures : Arrivée à Lifou avec Mme Dralue, directrice de Destination Îles Loyautés

Accueil par le Commissaire délégué, M. Martin Jaeger

Coutume chez le grand chef Sihaze (grande chefferie de Wetch)

10 heures : Visite du site EASSO -  rencontre avec M. Geihaze

10 heures 45 : Visite du site de Dokine

12 heures 30 : Déjeuner à la subdivision

15 heures : Visite au site de Luegoni

16 heures : Visite chez M. Ukewed, artisan sculpteur

16 heures 30 : Visite de l'hôtel Drehu Village

17 heures : Départ pour Nouméa

Dimanche 19 avril 1998

9 heures : Départ pour l'Île des Pins

10 heures 30 : Tour de l'Île, visite du chantier de l'hôtel du Méridien

Lundi 20 avril 1998

10 heures 30 : Réunion de travail chez le délégué du Gouvernement

13 heures 25 : Départ pour Paris

_____________

N° 1026.- Rapport d'information de M. Yves Tavernier, déposé en application de l'article 145 du Règlement par la commission des finances, sur la situation économique et financièrede la Nouvelle-Calédonie.

1 ) 1 franc pacifique (CFP) = 0,055 franc français

2 ) Kth : milliers de tonnes humides.

3 ) 1 écu = 6,5 francs français.