N° 1060

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 juillet 1998.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ
en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ECONOMIE GENERALE ET DU PLAN

sur les incitations fiscales à l'investissement outre-mer,

ET PRÉSENTÉ

Par M. Didier MIGAUD,

Rapporteur général,

Député,

en conclusion d'une mission d'information composée en outre de MM. Jean-Pierre BRARD, Arthur DEHAINE et Gilbert GANTIER,

Députés.

SOMMAIRE

Pages

INTRODUCTION 9

CHAPITRE PREMIER : LE RÉGIME D'AIDE FISCALE À L'INVESTISSEMENT OUTRE-MER N'A PAS ENCORE TROUVÉ SON ÉQUILIBRE 11

I.- LES TROIS CATÉGORIES DE DÉFISCALISATION 11

II.- LA PRÉDOMINANCE DES MONTAGES DE DÉDUCTION DU REVENU IMPOSABLE PAR LES PERSONNES PHYSIQUES 12

A.- L'INÉGALE RÉPARTITION TERRITORIALE DES SECTEURS ÉCONOMIQUES CONCERNÉS 13

B.- LA PRÉDOMINANCE DES MONTAGES DE DÉDUCTION SUR LA BASE DE L'IMPÔT SUR LE REVENU 17

1.- Une prépondérance écrasante 17

2.- Une adaptation territoriale des montages de défiscalisation 23

3.- Une adaptation sectorielle des montages de défiscalisation 26

C.- LA FAIBLE PART DES DOSSIERS D'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS ET DE RÉDUCTION D'IMPÔT AGRÉÉS 31

III.- UNE LÉGISLATION DONT L'ÉVOLUTION A FAVORISÉ DES PRATIQUES D'" OPTIMISATION FISCALE " 31

A.- LA PREMIÈRE " LOI PONS " ET SES EXCÈS (1986-1992) 33

1.- Les dispositifs antérieurs à la " loi Pons " 33

2.- La " loi Pons " initiale 34

3.- Les excès d'un dispositif non contrôlé 36

B.- L'AMÉLIORATION CONTRARIÉE DE LA " LOI PONS " (1992-1995) 37

1.- Les mesures correctrices de 1991-1992 37

a) Le rapport de M. Alain Richard 37

b) Les mesures correctrices de la loi de finances pour 1992 40

c) La portée substantielle de l'instruction du 16 juin 1992 42

2.- La remise en cause de ces améliorations après mars 1993 44

C.- LA RÉOUVERTURE DU DÉBAT SUR LA " LOI PONS " (1995-1997) 47

1.- Les rapports de MM. Ducamin et de La Martinière 47

a) Le rapport de M. Bernard Ducamin 47

b) Le rapport M. Dominique de La Martinière 48

2.- Les rapports commandés par les milieux économiques locaux 50

a) Le rapport du cabinet DME 50

b) Le rapport du cabinet Arthur Andersen International 51

3.- Le débat lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1997 53

4.- Des modifications marginales de la " loi Pons " 53

a) Le maintien de la " détunnelisation " pour les investissements réalisés dans le cadre de la " loi Pons " 53

b) L'éligibilité des services publics affermés 54

c) L'orientation de l'incitation fiscale en direction du logement locatif intermédiaire 54

IV.- LES ACTIONS CORRECTRICES DE LA LOI DE FINANCES POUR 1998 55

CHAPITRE II : DES MONTAGES VARIÉS D'OPTIMISATION FISCALE 57

I.- UNE VÉRITÉ DIFFICILE À APPROCHER 57

A.- LA GRANDE DISCRÉTION DES RAPPORTS D'AUDIT 58

B.- IL NE S'AGIT PAS D'INVESTIR OUTRE-MER, MAIS DE PAYER MOINS D'IMPÔT 58

C.- LES ZONES D'OMBRE DES MONTAGES 62

II.- DES EXEMPLES DE " MONTAGES EXPLOITANTS " 62

A.- UN EXEMPLE D'INVESTISSEMENT HÔTELIER RENTABLE AUX ANTILLES 63

B.- UN EXEMPLE D'INVESTISSEMENT HÔTELIER À FAIBLE RENTABILITÉ 67

C.- LES EFFETS DE LA LOI DE FINANCES POUR 1998 70

III.- DES EXEMPLES DE " MONTAGES EXPLOITANTS " DANS LE SECTEUR DES ÉNERGIES NOUVELLES 71

A.- LES CENTRALES PHOTO-VOLTAÏQUES 72

B.- LES CENTRALES ÉOLIENNES 72

C.- LES EFFETS DE LA LOI DE FINANCES POUR 1998 76

IV.- DES EXEMPLES DE MONTAGES LOCATIFS 78

A.- UN EXEMPLE DE MONTAGE LOCATIF, SANS PRIME D'ÉQUIPEMENT 79

B.- UN EXEMPLE DE MONTAGE LOCATIF, AVEC PRIME D'ÉQUIPEMENT 83

C.- LES EFFETS DE LA LOI DE FINANCES POUR 1998 86

V.- UN EXEMPLE DE MONTAGE DE NAVIGATION DE PLAISANCE 89

CHAPITRE III : UN COÛT QUI N'A PAS ENCORE ÉTÉ MESURÉ AVEC PRÉCISION 93

I.- LES LIMITES DES INDICATIONS PRÉSENTÉES DANS LE " LIVRE DES DÉPENSES FISCALES " 93

II.- LA CONNAISSANCE DU COÛT DES PROJETS AGRÉÉS 98

III.- LA MÉCONNAISSANCE DE LA DÉFISCALISATION DIRECTE 101

A.- LA RÉDUCTION D'IMPÔT DE L'ARTICLE 199 UNDECIES DU CODE GÉNÉRAL DES IMPÔTS 101

B.- LA DÉDUCTION DIRECTE DANS LA CATÉGORIE DES BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX 103

IV.- LE CONTRÔLE FISCAL, SUBSTITUT AU CONTRÔLE DES INVESTISSEMENTS ? 104

CHAPITRE IV : DES EFFETS SUR L'ÉCONOMIE DÉLICATS À ÉVALUER 107

I.- LES LOURDES " DÉMONSTRATIONS " DES RAPPORTS D'AUDIT 107

A.- LE RAPPORT DU CABINET DME 107

B.- LE RAPPORT DU CABINET ARTHUR ANDERSEN INTERNATIONAL 108

II.- DES EFFETS QUI S'ADDITIONNENT À CEUX DES AIDES VARIÉES ET IMPORTANTES ACCORDÉES À L'OUTRE-MER 109

A.- DES ÉCONOMIES PUISSAMMENT AIDÉES 109

1.- Une fiscalité spécifique 110

2.- Les aides publiques non fiscales 114

a) Les aides de l'Etat 114

b) Les aides des collectivités locales 115

c) Les transferts provenant de l'Union européenne 116

3.- Les " surrémunérations " des fonctionnaires 118

4.- Les effets cumulés des aides publiques 121

B.- DES EFFETS INÉGAUX 124

1.- Des effets positifs 125

2.- Des effets discutables 127

3.- Des effets négatifs 129

C.- DES ANOMALIES QUI PERDURENT 132

1.- Les prélèvements excessifs opérés par les intermédiaires 132

2.- Des surfacturations manifestes 135

3.- Des fraudes patentes 142

III.- LES PERFORMANCES DES CONCURRENTS DE L'ENVIRONNEMENT RÉGIONAL DES DOM 144

A.- DE MOINDRES RICHESSES 145

B.- DE MEILLEURS RÉSULTATS ÉCONOMIQUES 146

C.- LES EFFETS DES DÉSÉQUILIBRES 147

CHAPITRE V : CONCLUSIONS ET PROPOSITIONS 149

I.- LE MAINTIEN DE LA DÉDUCTION FISCALE BÉNÉFICIANT AUX PERSONNES PHYSIQUES EN QUESTION 151

A.- LE DÉBAT SUR LA " LOI PONS " N'EST PAS SEULEMENT CELUI DE L'AIDE A L'OUTRE-MER MAIS ÉGALEMENT CELUI DE LA PROGRESSIVITÉ DE L'IMPÔT SUR LE REVENU 151

B.- LES PERSPECTIVES DE REMPLACEMENT DE LA DÉDUCTION BÉNÉFICIANT AUX PERSONNES PHYSIQUES 154

C.- UNE RÉFORME DONT LA MISE EN OEUVRE EST DE LA COMPÉTENCE DU GOUVERNEMENT 156

II.- LES ACTIONS CORRECTRICES DE LA LOI DE FINANCES POUR 1998 DOIVENT ÊTRE PROLONGÉES 157

A.- LA " TUNNELISATION " 157

B.- L'EXCLUSION DES SUBVENTIONS DE LA BASE DÉFISCALISABLE 160

C.- LE DOMAINE DE L'AGRÉMENT 160

D.- LE SECTEUR DU LOGEMENT 161

III.- L'INVESTISSEMENT DES CONTRIBUABLES PASSIBLES DE L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS DOIT ÊTRE ENCOURAGÉ 162

IV.- LE CONTRÔLE DE LA DÉFISCALISATION 163

V.- LA POURSUITE D'UN SOUTIEN ACTIF À L'OUTRE-MER AU-DELÀ DE 2001 165

RÉSUMÉ DES PROPOSITIONS 167

ANNEXE : LES TROIS CATÉGORIES DE DÉFISCALISATION 169

A.- LA DÉDUCTION DU REVENU IMPOSABLE DES CONTRIBUABLES SOUMIS À L'IMPÔT SUR LE REVENU 169

1.- Le régime général de déduction 169

2.- Les dispositifs d'agrément prévus pour les contribuables soumis à l'impôt sur le revenu 174

3.- Les autres modifications opérées par la loi de finances pour 1998 177

B.- LA DÉDUCTION DES RÉSULTATS IMPOSABLES DES ENTREPRISES SOUMISES À L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS 178

1.- Champ d'application 178

2.- Les conditions d'agrément 179

3.- La faible attractivité du régime de déduction des résultats soumis à l'impôt sur les sociétés 180

C.- LA RÉDUCTION D'IMPÔT BÉNÉFICIANT AUX PERSONNES PHYSIQUES SOUMISES À L'IMPÔT SUR LE REVENU 181

EXAMEN EN COMMISSION 187

OBSERVATIONS DE MM. ARTHUR DEHAINE ET GILBERT GANTIER 193

Mesdames, Messieurs,

DEPUIS AU MOINS LA GRANDE RÉVOLUTION DE 1789, LA FRANCE S'EST AFFIRMÉE EN TANT QUE NATION, AUTANT QUE COMME UN ETAT, ET LA RÉPUBLIQUE A RÉALISÉ L'INTÉGRATION DE POPULATIONS D'ORIGINE DIVERSE, D'ABORD EN MÉTROPOLE, AUTOUR DE NOS VALEURS COMMUNES.

AUJOURD'HUI, NOS COMPATRIOTES D'OUTRE-MER REÇOIVENT, DE DIFFÉRENTES FAÇONS, LA MANIFESTATION DE LA SOLIDARITÉ NATIONALE. ALORS QUE NOUS VENONS DE COMMÉMORER L'ABOLITION DÉFINITIVE DE L'ESCLAVAGE PAR LA DEUXIÈME RÉPUBLIQUE, QUI A SUIVI CELLE DE LA TRAITE, LA FRANCE CONTINUE DE MENER UNE POLITIQUE CONSTANTE TENDANT À ÉLEVER LES CONDITIONS D'EXISTENCE DE NOS COMPATRIOTES D'OUTRE-MER, EN LES RAPPROCHANT DE CELLES DE LA MÉTROPOLE. RENFORCER LA COHÉSION DES SOCIÉTÉS D'OUTRE-MER PAR LA SOLIDARITÉ, AFIN DE CONSTRUIRE UNE PROSPÉRITÉ NOUVELLE, EN DÉPASSANT LES SÉQUELLES MORALES DE L'ESCLAVAGE DANS LES DOM, TELLE EST LA POLITIQUE DE LA RÉPUBLIQUE.

MAIS SERAIT-IL POSSIBLE D'AIDER LE DÉVELOPPEMENT OUTRE-MER EN MÉCONNAISSANT LE PRINCIPE DE JUSTICE FISCALE? PEUT-ON OUBLIER L'ARTICLE TREIZE DE LA DÉCLARATION DE 1789 QUI PRÉVOIT L'ÉGALE RÉPARTITION DE LA CONTRIBUTION COMMUNE ENTRE TOUS LES CITOYENS, EN RAISON DE LEURS FACULTÉS, DANS LE BUT D'APPLIQUER L'ARTICLE PREMIER, QUI PROCLAME LA LIBERTÉ ET L'ÉGALITÉ DES DROITS ?

LE RÉGIME DE DÉFISCALISATION DES INVESTISSEMENTS OUTRE-MER NE SUSCITE PLUS TANT DES INTERROGATIONS SUR LE TERRAIN DE SCANDALES, QUI ONT AUTREFOIS DÉFRAYÉ LA CHRONIQUE, QUE SUR CELUI DE LA JUSTICE FISCALE. AU-DELÀ DE CE QU'IL PEUT APPORTER À L'ÉCONOMIE OUTRE-MER, IL EST ACTUELLEMENT FONDAMENTALEMENT DEVENU POUR D'IMPORTANTS CONTRIBUABLES UN MOYEN LEUR PERMETTANT D'ÉLUDER TOUT OU PARTIE DE L'IMPÔT SUR LE REVENU. LA MAJORITÉ NOUVELLE ÉLUE AU PRINTEMPS 1997 NE POUVAIT MANQUER D'ENTREPRENDRE LA RÉFORME D'UN TEL SYSTÈME.

POUR AUTANT, LA DÉFISCALISATION EST MAL CONNUE, SAUF DE QUELQUES INITIÉS. LA CRÉATION DE LA MISSION D'INFORMATION DE LA COMMISSION DES FINANCES, DONT LE PRÉSENT RAPPORT CONSTITUE LA SYNTHÈSE DES TRAVAUX, RÉPONDAIT À PLUSIEURS PRÉOCCUPATIONS. EN TOUT PREMIER LIEU, SON TRAVAIL DEVAIT PERMETTRE UNE MEILLEURE CONNAISSANCE CONCRÈTE DES CONDITIONS RÉELLES DE FONCTIONNEMENT DE L'AIDE FISCALE AUX INVESTISSEMENTS OUTRE-MER, AU-DELÀ DES A PRIORI DANS UN SENS OU DANS L'AUTRE. POUR RÉALISER CET OBJECTIF, DES INVESTIGATIONS ONT ÉTÉ MENÉES SUR LES ASPECTS TECHNIQUES DE LA " LOI PONS " ET, SIMULTANÉMENT, LES RENCONTRES ONT ÉTÉ MULTIPLIÉES, DANS LES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER ET À PARIS, AVEC LES PRATICIENS DU SYSTÈME. AINSI LE RAPPORT MÊLE-T-IL LES ANALYSES TECHNIQUES AUX COMPTES-RENDUS DES RENCONTRES DE TERRAIN.

PAR NÉCESSITÉ, IL A ÉTÉ FAIT UNE MOINDRE PLACE AUX TERRITOIRES ET COLLECTIVITÉS QU'AUX DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER, DANS LES DÉVELOPPEMENTS QUI VONT SUIVRE, POUR DEUX RAISONS. TOUT D'ABORD, LA MISSION S'EST LIMITÉE À LA VISITE DES QUATRE DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER. CES DÉPLACEMENTS PEUVENT SEMBLER INSUFFISANTS, MAIS LE CALENDRIER LÉGISLATIF ET LES CONTRAINTES DE LA SESSION UNIQUE NE FACILITENT PAS LES MISSIONS PARLEMENTAIRES. POUR LA PRÉPARATION DU PRÉSENT RAPPORT, LES DEUX MOIS DE JANVIER ET FÉVRIER ONT SEULS PERMIS, ENTRE LES LOIS DE FINANCES DE L'AUTOMNE ET LE PROJET PORTANT DIVERSES DISPOSITIONS À CARACTÈRE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER, L'ORGANISATION DE MISSIONS OUTRE-MER PAR VOTRE RAPPORTEUR GÉNÉRAL. UN DÉPLACEMENT SPÉCIFIQUE EST INTERVENU EN AVRIL EN NOUVELLE-CALÉDONIE POUR LA PRÉPARATION DU RAPPORT D'INFORMATION (N° 1026) DE NOTRE COLLÈGUE YVES TAVERNIER, MAIS IL PORTAIT SUR L'ASPECT PLUS LARGE DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE DU TERRITOIRE ET NON SPÉCIFIQUEMENT SUR LA " LOI PONS ". ENSUITE, PLUS QUE POUR LES DÉPARTEMENTS, LES STATISTIQUES DES TERRITOIRES D'OUTRE-MER SONT LACUNAIRES ET D'EXPLOITATION DÉLICATE. CEPENDANT, LA SITUATION DES TOM AU REGARD DU DISPOSITIF DE DÉFISCALISATION FAIT AUSSI L'OBJET D'UNE ANALYSE DÉTAILLÉE DANS LE CADRE DU PRÉSENT RAPPORT, MÊME SI LES OBSERVATIONS DE LA MISSION N'ONT PU S'APPUYER SUR DES EXEMPLES CONCRETS.

LA MISSION AVAIT ÉGALEMENT COMME OBJECTIF, AU-DELÀ D'UNE MEILLEURE CONNAISSANCE DE LA DÉFISCALISATION, D'APPRÉCIER LA PORTÉE DES MESURES ADOPTÉES DANS LE CADRE DE LA LOI DE FINANCES POUR 1998 ET DE PRÉPARER DES PROPOSITIONS PERMETTANT D'ASSEOIR LE RÉGIME D'INCITATION FISCALE À L'INVESTISSEMENT OUTRE-MER SUR DES BASES SAINES ET DURABLES.

LE PRÉSENT RAPPORT PROCÈDE DONC À UNE ANALYSE DE L'ENSEMBLE DE CES QUESTIONS ET COMPORTE, DANS SON DERNIER CHAPITRE, UNE SÉRIE DE PROPOSITIONS.

CHAPITRE PREMIER

LE RÉGIME D'AIDE FISCALE À L'INVESTISSEMENT OUTRE-MER N'A PAS ENCORE TROUVÉ SON ÉQUILIBRE

I.- LES TROIS CATÉGORIES DE DÉFISCALISATION

L'aide fiscale à l'investissement outre-mer est quelquefois perçue comme procédant d'un mécanisme unique (la " défiscalisation "). En fait, il existe trois catégories de défiscalisation : la première permet une déduction du revenu net global, pour les contribuables relevant de l'impôt sur le revenu (article 163 tervicies du code général des impôts), du montant de certains investissements productifs réalisés outre-mer. La deuxième permet une déduction de même nature pour les contribuables soumis à l'impôt sur les sociétés (articles 217 undecies et 217 duodecies du code général des impôts). Enfin, l'article 199 undecies du même code prévoit une réduction d'impôt sur le revenu pour les personnes physiques, calculée sur la base de certains investissements outre-mer.

Les trois catégories de défiscalisation ont été instituées par l'article 22 de la loi de finances rectificative pour 1986 du 11 juillet 1986, qui constitue à lui seul la " loi Pons " initiale.

Le dispositif de défiscalisation a connu, de façon pratiquement incessante, des transformations substantielles ou de simples retouches, même depuis 1993. On observera en particulier que :

- le dispositif de 1986 a succédé à des aides fiscales qui lui préexistaient, particulièrement celles issues de la loi de finances pour 1980, et ne constituait donc pas une création ex nihilo ;

- la distinction des régimes de déduction des revenus imposables dans le cadre de l'impôt sur le revenu et dans celui de l'impôt sur les sociétés n'apparaît formellement qu'à partir de la loi de finances pour 1998, même si la rédaction et la pratique de l'ancien article 238 bis HA du code général des impôts avaient, pour les contribuables soumis à l'impôt sur le revenu et pour ceux soumis à l'impôt sur les sociétés, des effets différents ;

- l'évolution du régime de défiscalisation depuis 1986 a eu pour effet de favoriser les montages de déduction du revenu imposable par les contribuables soumis à l'impôt sur le revenu. Ces montages sont aujourd'hui prédominants et sont la conséquence de la recherche de l'optimisation fiscale des investissements outre-mer par la majorité de la dixième législature (1993-1997).

Des trois catégories de " défiscalisation ", c'est bien la déduction du revenu imposable des investissements par les personnes physiques fortement imposées à l'impôt sur le revenu qui offre le meilleur effet de levier fiscal. On ne s'étonnera donc pas du caractère prédominant de ce type de montages.

Votre Rapporteur général a souhaité reporter en annexe l'analyse technique de ces trois dispositifs.

En effet, sans prétendre à l'exhaustivité (mais peut-on être exhaustif sur ce sujet ?), les développements consacrés aux règles complexes qui s'appliquent à la défiscalisation sont d'une grande aridité. Le lecteur pourra, s'il le souhaite, s'y reporter sans être découragé dans son entreprise, dès le début, par le caractère ingrat du sujet.

II.- LA PRÉDOMINANCE DES MONTAGES DE DÉDUCTION DU REVENU IMPOSABLE PAR LES PERSONNES PHYSIQUES

Des trois catégories de défiscalisation - déduction du revenu imposable pour les personnes physiques, déduction des résultats imposables pour les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés, et réduction d'impôt sur le revenu des personnes physiques - il est clair que la première est la plus attractive. En effet, le taux applicable pour la tranche la plus élevée de l'impôt sur le revenu est maintenant de 54%, alors que celui de l'impôt sur les sociétés est de 33 1/3%. Compte tenu des contributions additionnelles assises sur l'impôt sur les sociétés et de l'abattement du tiers appliqué dans les DOM à la base défiscalisable, le taux effectif maximal, qui pourrait être appliqué à cette base, n'excède pas dans les DOM, 27,77%. On ne peut donc s'étonner que la part des montages reposant sur l'investissement de contribuables imposés à l'impôt sur le revenu soit écrasante. Pour autant, on constate des disparités territoriales aussi bien en ce qui concerne les secteurs économiques concernés que pour les montages, qui sont inégalement répartis selon les DOM ou les TOM et selon les secteurs économiques.

A.- L'INÉGALE RÉPARTITION TERRITORIALE DES SECTEURS ÉCONOMIQUES CONCERNÉS

Le dernier rapport annuel sur les conditions de mise en _uvre de l'agrément, transmis au Parlement en octobre 1997, apporte des précisions sur la répartition territoriale des dossiers et des montants agréés, selon les secteurs économiques concernés. Il cantonne dans une ligne séparée, pour chaque secteur économique, les agréments portant sur la seule remontée des déficits dans la catégorie des BIC, agréments prévus pour les investissements réalisés à compter du 1er janvier 1996, par le paragraphe III quater de l'article 238 bis HA du code général des impôts.

Ce document confond malheureusement dans la catégorie " Tourisme-plaisance " les agréments et autorisations préalables qui ressortissent aussi bien du tourisme que de la navigation de plaisance.

Votre Rapporteur général a demandé au Gouvernement des éléments plus détaillés permettant de distinguer les investissements selon la catégorie de défiscalisation à laquelle ils correspondent, en isolant également le secteur spécifique des navires de plaisance.

Les éléments statistiques obtenus en réponse ne correspondent pas exactement à ceux du rapport d'octobre 1997. La direction générale des impôts a expliqué en effet que des écarts peuvent être constatés entre ces chiffres et ceux mentionnés dans le rapport au Parlement parce que :

- des dossiers comportant des investissements pluriannuels ont pu être décomptés comme formant plusieurs dossiers distincts dans un cas (rapport) et non dans l'autre (tableaux) ;

- certains dossiers n'avaient pu être pris en compte dans le rapport au Parlement en l'absence d'agrément définitif à la date de l'établissement de celui-ci ;

- le montant des investissements a pu faire l'objet d'actualisation à la suite d'une variation du coût non connue à la date de rédaction du rapport.

PROJETS AGRÉÉS PAR SECTEUR D'ACTIVITÉS EN 1996

(en millions de francs)

 


Guadeloupe


Guyane


Martinique

La Réunion


Polynésie

Nouvelle Calédonie

St Pierre et Miquelon


Mayotte

Total
(1)

Total
(2)

Hôtellerie (1)

138,238

-

94,230

20,618

622,115

92,640

-

-

968,341

-

(2)

-

-

-

-

-

5,977

-

-

-

5,977

Tourisme (1)

329,325

2,418

252,157

0,223

67,239

-

238,595

-

889,957

-

plaisance (2)

18,365

-

20,240

0,463

1,129

-

-

-

-

40,197

Transport (1)

214,236

177,119

186,120

332,711

289,478

62,383

442,950

-

1.704,997

-

(2)

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

Audiovisuel (1)

27,100

110,568

24,598

10,130

-

-

-

-

172,396

-

(2)

-

5,420

-

-

-

-

-

-

-

5,420

Industrie (1)

-

-

-

30,972

-

-

-

-

30,972

-

(2)

44,081

29,256

97,380

226,395

82,589

10,100

-

12,448

-

502,249

Pêche (1)

-

-

-

-

40,350

-

-

-

40,350

-

(2)

16,311

74,090

2,420

7,789

-

-

-

-

-

100,610

Agriculture (1)

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

(2)

39,628

9,396

81,666

-

4,932

-

-

-

-

135,622

Energies (1)

72,752

104,350

36,376

111,316

54,756

-

-

-

379,550

-

nouvelles (2)

26,384

46,625

-

-

20,741

-

-

-

-

93,750

Concessions (1)

-

-

14,580

3,300

-

4,636

-

-

22,516

-

SPIC (2)

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

Entreprises (1)

-

-

-

-

20,185

-

-

-

20,185

-

en difficulté (2)

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

Logement(*) (1)

-

-

-

-

51,012

85,087

-

-

136,099

-

(2)

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

Bâtiment (1)

-

-

-

-

-

143,000

-

-

143,000

-

(2)

52,565

7,891

59,008

42,869

17,852

4,915

-

10,601

-

195,701

Artisanat (1)

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

(2)

0,594

-

2,040

-

-

-

-

-

-

2,634

Sous-total (1)

781,651

394,455

608,561

509,270

1.145,135

387,746

681,545

-

4.508,363

-

(2)

197,928

172,678

262,754

277,516

127,243

20,992

-

23,049

-

1.082,160

Total général

979,579

567,133

871,315

786,786

1.272,378

408,738

681,545

23,049

5.590,523

(1) Agréments III ter et III quater + accords préalables (_  30 millions de francs).

(2) Agrément III quater seul.

(*) Article 199 undecies du code général des impôts.

Source : Rapport sur les conditions de mise en _uvre de l'agrément prévu en faveur des investissements réalisés dans certains secteurs économiques des départements et territoires d'outre-mer en 1996.

Le tableau ci-après procède, sur ces bases, au recensement des investissements agréés pour le tourisme et la navigation de plaisance en 1996.

RÉPARTITION DES INVESTISSEMENTS AGRÉÉS POUR LE TOURISME
ET LA NAVIGATION DE PLAISANCE EN 1996

(en milliers de francs)

 

Guadeloupe

Martinique

Guyane

La Réunion

Polynésie française

Nouvelle Calédonie

St-Pierre-et-Miquelon

Mayotte

Total

Tourisme

18.502

4.393

0

684

1.128

0

0

0

24.707

Plaisance

303.756

302.329

2.418

0

67.239

0

238.595(a)

0

914.337

Total

322.258

306.722

2.418

684

68.367

0

238.595(a)

0

939.044

(a) A Saint-Pierre-et-Miquelon, 238,595 millions de francs pour un seul dossier de bateau de croisière.

Source : Direction générale des impôts.

On constate que le secteur des transports est le plus important, puisqu'il représente 30% des montants agréés ou autorisés. Des projets d'investissement dans les transports sont agréés ou autorisés dans chacune des collectivités (sauf Mayotte), mais ils sont d'une importance inégale : cinq projets, à eux seuls, représentent 972 millions de francs, soit 17% du total des investissements agréés (dont un dossier de 443 millions de francs à Saint-Pierre-et-Miquelon), alors qu'à La Réunion, 62 projets ne totalisent que 150 millions de francs d'investissements.

Les principaux secteurs d'activité autres que celui des transports sont très inégalement répartis entre les départements et territoires d'outre-mer.

Les investissements dans l'hôtellerie sont concentrés en Polynésie, en Guadeloupe, en Martinique et en Nouvelle-Calédonie. Il n'y a eu en 1996 aucun investissement hôtelier important agréé pour La Réunion (quatre dossiers au total, le plus élevé étant inférieur à 10 millions de francs) et aucun investissement hôtelier agréé pour la Guyane.

La distinction du tourisme et de la navigation de plaisance met en évidence l'importance de la plaisance, qui représente la quasi-totalité des investissements touristiques, au sens large du terme. Pour autant, ce secteur n'est pas homogène puisqu'on peut y distinguer (1) :

- 216 bateaux de plaisance, pour une valeur de 531,701 millions de francs ;

- 1 bateau de sortie à la journée pour 16,524 millions de francs ;

- 6 bateaux de croisière pour 305,654 millions de francs.

Dans la plaisance, toujours, le montant des projets agréés est très inégal puisque l'on observe que quatre projets représentent à eux seuls 636 millions de francs. Les " petits " projets de navigation de plaisance qui correspondent à une utilisation par des sociétés de location et qui représentent chacun quelques millions de francs sont très concentrés en Guadeloupe et en Martinique.

On observe également que deux dossiers " transports " et " plaisance " de Saint-Pierre-et-Miquelon (pour un montant global de 671,5 millions de francs) concernent des navires, ce qui s'explique par le fait que l'agrément accordé n'a pas, quelquefois, pour seul objet le développement de l'outre-mer, mais peut obéir à d'autres considérations.

Les investissements industriels (y compris pour de petites activités industrielles et commerciales) sont concentrés à La Réunion, en Martinique et en Polynésie, et très peu représentés dans les autres collectivités. Ceux opérés dans le secteur des énergies nouvelles sont localisés en Guyane, à La Réunion, en Guadeloupe et en Polynésie principalement, et dans une moindre mesure en Martinique.

Les secteurs économiques des investissements agréés sont donc inégalement représentés dans les collectivités d'outre-mer alors que prédominent les montages de déduction du revenu imposable par les personnes physiques.

B.- LA PRÉDOMINANCE DES MONTAGES DE DÉDUCTION SUR LA BASE DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

1.- Une prépondérance écrasante

Le rapport précité sur l'agrément apporte, chaque année, des éléments sur la répartition des investisseurs entre personnes imposées à l'impôt sur le revenu et contribuables relevant de l'impôt sur les sociétés.

Le tableau ci-après constitue la synthèse de ces informations : il met en évidence la très forte prépondérance des investisseurs soumis à l'impôt sur le revenu, puisque ceux qui sont soumis à l'impôt sur les sociétés ne représentaient que moins de 1,50% du montant total en 1996 (2).

RÉPARTITION DES INVESTISSEURS

PROJETS AGRÉÉS OU AUTORISÉS (a)

(en millions de francs)

 

1992

1993

1994

1995

1996 (b)

1997

Total

Réduction d'impôt 199  undecies

   

41,80

64,87

136,10

 

242,77

Apport en capital

172,60

76,60

260,19

169,44

   

678,83

Déduction contribuable IS

467,00

443,00

232,10

751,80

81,00

 

1.974,90

Déduction contribuable IR

2.659,50

2.310,67

2.603,78

3.097,60

5.373,42

 

16.044,97

Coût budgétaire théorique (n+1)

 

1.100,00

1.050,00

1.400,00

1.694,00

2.450,00

7.694,00

Dépense fiscale estimée (n+1)

 

1.000,00

1.000,00

935,00

1.700,00

2.400,00

7.035,00

% IS

14,94

16,09

8,18

19,53

1,49

   

(a) La méthode employée par l'administration pour recenser les données a varié d'un rapport à l'autre : les quatre lignes individualisant les dossiers selon leurs caractéristiques ne s'additionnent pas. Par exemple, les dossiers d'apport en capital sont également des dossiers de déduction IR ou IS.

(b) En 1996, les montants agréés ont fortement augmenté à cause de l'agrément spécifique prévu par l'article 238 bis HA, paragraphe III quater du code général des impôts.

Source : rapports sur l'agrément de 1993 à 1997.

Pour autant, ces éléments ne suffisent pas à la compréhension des mécanismes d'investissement, puisqu'ils ne s'intéressent pas aux montages permettant l'exploitation des immobilisations considérées.

Votre Rapporteur général a donc demandé au Gouvernement, pour chacun des secteurs d'activité et pour chacune des collectivités visés par le rapport sur l'agrément, plusieurs précisions :

- la distinction du régime d'exploitation de l'investissement, que le contribuable bénéficiant de la déduction soit soumis à l'impôt sur les sociétés ou à l'impôt sur le revenu (dans ce dernier cas, en précisant si l'investissement est en gestion directe ou en mode locatif ou en crédit bail) ;

- la répartition des bateaux de plaisance (actuellement dans la catégorie tourisme-plaisance) entre les collectivités et leur régime d'exploitation ;

- la proportion des subventions publiques par catégorie d'investissement, par régime d'exploitation et par collectivité ;

- le montant des frais d'intermédiation par catégorie d'investissement, par régime d'exploitation et par collectivité.

Il a donc été possible de disposer d'informations plus précises sur la répartition des dossiers à raison de la catégorie fiscale des investisseurs. Le tableau ci-après constitue la synthèse de ces données, qui diffèrent quelque peu, mais à la marge, comme il a été précédemment signalé, de celles du rapport sur les agréments.

On constate que 44 dossiers seulement (dont 3 dossiers de souscription au capital et 2 dossiers mixtes IR et IS) correspondent à des investissements de personnes passibles de l'impôt sur les sociétés.

Le montant des investissements opérés par les seuls contribuables soumis à l'impôt sur les sociétés (42 dossiers) s'élève à 376,14 millions de francs (6,8%) et celui des investissements prévus, dans le cadre du mécanisme de déduction du revenu imposable, par des contribuables passibles de l'impôt sur le revenu atteint 5.001,55 millions de francs (90,5%).

graphique

RÉPARTITION DES INVESTISSEMENTS AGRÉÉS PAR RÉGIME D'EXPLOITATION EN 1996

(en milliers de francs)

 

Guadeloupe

Martinique

Guyane

La Réunion

Polynésie française

Nouvelle-Calédonie

Saint-Pierre -et-Miquelon

Mayotte

Total

 

Nbre

Montant

Nbre

Montant

Nbre

Montant

Nbre

Montant

Nbre

Montant

Nbre

Montant

Nbre

Montant

Nbre

Montant

Nbre

Montant

IS direct

5

14.741

3

8.064

3

9.284

18

66.866

0

0

0

0

0

0

0

0

29

98.955

IS locatif

3

3.911

3

6.206

0

0

3

1.207

0

0

0

0

1

10.045

0

0

10

21.369

IS souscription au capital



0



0



0



0



0



0



0



0



1



20.185



2



235.640



0



0



0



0



3



255.825

IR direct

3

9.725

1

948

0

0

10

15.961

0

0

0

0

0

0

0

0

14

26.634

IR mandat

19

587.749

24

445.989

8

209.214

2

111.316

11

822.717

0

0

1

228.550

0

0

65

2.405.535

IR locatif

93

363.986

227

446.651

19

207.654

107

608.444

26

388.741

10

88.006

1

442.950

3

23.049

486

2.569.381

IR souscription au capital


0


0


0


0


0


0


0


0


1


51.012


2


85.087


0


0


0


0


3


136.099

IR IS mixte

1

11.500

0

0

0

0

1

1.648

0

0

0

0

0

0

0

0

2

13.148

TOTAL

124

991.612

258

907.758

30

426.152

141

805.442

39

1.282.655

14

408.733

3

681.545

3

23.049

612

5.526.946


Source : Direction générale des impôts.

On constate également l'extrême faiblesse des investissements directs, tant en impôt sur les sociétés (29 dossiers pour 98,96 millions de francs) qu'en impôt sur le revenu (14 dossiers pour 26,63 millions de francs), ce qui confirme l'effet d'externalisation des financements qui caractérise la " loi Pons ", même si cette observation doit être tempérée par le fait que la " défiscalisation directe " échappait, en 1996, aux procédures d'agrément et d'autorisation préalable pour les programmes inférieurs à 30 millions de francs et pour ceux de moins de 1 million de francs, dans les secteurs soumis à agrément, réalisés par une entreprise qui justifie d'une exploitation effective à titre professionnel, depuis au moins deux ans, dans l'un de ces secteurs, dans les DOM.

S'agissant des investissements réalisés par des contribuables non-exploitants directs passibles de l'impôt sur le revenu dans le cadre du dispositif de déduction du revenu imposable, dont on a déjà souligné l'attractivité et qui représentent 4.974,91 millions de francs (3) sur 5.526,94 millions de francs, soit 90% de l'ensemble, le tableau met en évidence les deux modes d'exploitation du bien, soit par mandat de gestion (système dit " double shot " de double défiscalisation par imputation sur le revenu des déficits d'exploitation, jusqu'à la loi de finances pour 1998 : dans ce cadre, le propriétaire est juridiquement exploitant du bien ; en fait, il le met à disposition de l'utilisateur), soit par location du bien à l'exploitant (système dit " one shot " de simple défiscalisation). Les montages financiers correspondant à ces deux hypothèses sont explicités au chapitre II du présent rapport. A ce stade, on se limitera à deux observations :

- l'administration fiscale présente les montages en crédit-bail, sauf dans la navigation de plaisance, comme des montages locatifs. Ils sont, par leurs effets, très proches d'une location assortie d'une promesse de vente. Dans la navigation de plaisance, le plus fréquemment, l'investisseur est crédit-preneur d'un établissement financier crédit-bailleur, et le bateau est mis à disposition d'une société de location par un mandat de gestion. On est donc en présence d'un montage " IR-mandat " et c'est à juste titre dans cette catégorie que l'administration fiscale a répertorié les opérations répondant à ces critères ;

- les montages locatifs et ceux par mandat de gestion sont inégalement répartis puisqu'il y a 65 dossiers de " double shot ", montage par mandat de gestion et 486 dossiers de " one shot ", montage locatif. Cependant, les montants d'investissements en jeu sont très comparables, de 2.405,53 millions de francs dans le premier cas (soit un dossier moyen de 37 millions de francs) et 2.569,38 millions de francs dans le second cas (soit un dossier moyen de 5,3 millions de francs). L'exploitation du bien par mandat de gestion présente davantage de risques que dans le cas d'une location, puisque l'investisseur supporte une plus grande implication dans la gestion du bien, si l'on considère que son bénéfice dépend, dans une proportion non négligeable, des conditions d'exploitation. Dans le cadre d'un montage locatif, la position de l'investisseur est plus sûre dès l'origine, puisque sa rémunération est assurée dès la deuxième année de l'investissement par l'avantage fiscal lié à la déduction de l'investissement, alors que les loyers payés par l'exploitant locataire sont calculés, habituellement, pour compenser les charges (par exemple les intérêts d'emprunt et les frais de gestion) et aboutir à un résultat nul (voir le chapitre II du présent rapport).

On ne s'étonnera donc pas du succès des montages locatifs, qui ont la faveur des contribuables métropolitains prêts à une " escapade fiscale " (4) destinée à diminuer ou effacer leur impôt, alors que les montages par mandat de gestion concernent des opérations plus importantes. L'attraction de ce deuxième type d'investissement en " loi Pons " n'est pas nulle, à condition que la réputation de l'exploitant et les garanties qu'il apporte permettent de relativiser le risque d'exploitation, ou bien que l'investissement, si peu rentable, génère des déficits tels que son intérêt ressorte justement de sa médiocre rentabilité, puisque ces déficits étaient justement imputables sur le revenu global pour les investissements réalisés avant l'intervention de la loi de finances pour 1998.

La liste des trente plus importants dossiers agréés en 1996 confirme la prépondérance des investissements opérés par des contribuables imposés à l'impôt sur le revenu. Ces 30 dossiers représentent à eux seuls, 3 milliards de francs d'investissements, soit 54% des 5,6 milliards de francs d'investissements agréés ou autorisés en 1996. Il ne s'agit que d'opérations faisant intervenir des contribuables soumis à l'impôt sur le revenu, sauf pour deux dossiers de souscription au capital d'entreprises en Nouvelle-Calédonie par des investisseurs passibles de l'impôt sur les sociétés.

PRINCIPAUX DOSSIERS AGRÉÉS OU AUTORISÉS EN 1996 (a)

(en milliers de francs)

Collectivité

Secteur

Montage

Montant

Saint-Pierre-et-Miquelon

Transports

IR-L

442.950

Polynésie

Hôtellerie

IR-M

301.000

Polynésie

Hôtellerie

IR-L

253.000

Saint-Pierre-et-Miquelon

Plaisance

IR-M

228.550

La Réunion

Transports

IR-L

187.753

Martinique

Plaisance

IR-M

183.336

Polynésie

Transports

IR-M

165.000

Nouvelle-Calédonie

Services publics industriels
et commerciaux

souscr. cap. IS

143.000

Guadeloupe

Plaisance

IR-M

134.591

Guadeloupe

Hôtellerie

IR-M

118.974

Guyane

Audio-visuel

IR-L

105.980

Guyane

Energies nouvelles

IR-M

104.350

Nouvelle-Calédonie

Hôtellerie

souscr. cap. IS

92.640

Martinique

Transports

IR-L

91.630

Guadeloupe

Plaisance

IR-M

89.713

Guadeloupe

Transports

IR-L

84.991

Guadeloupe

Energies nouvelles

IR-M

72.752

La Réunion

Energies nouvelles

IR-M

72.556

Polynésie

Pêche

IR-M

67.250

Nouvelle-Calédonie

Logement 199 undecies

souscr. cap. IR

54.835

Polynésie

Energies nouvelles

IR-M

54.756

Polynésie

Transports

IR-M

51.150

Polynésie

Logements 199 undecies

souscr. cap. IR

51.012

Guyane

Energies nouvelles

IR-M

46.625

Polynésie

Plaisance

IR-M

46.269

Polynésie

Industrie

IR-L

44.709

Polynésie

Transports

IR-M

42.811

Martinique

Hôtellerie

IR-M

40.786

La Réunion

Energies nouvelles

IR-M

38.760

Nouvelle-Calédonie

Transports

IR-L

36.403

 

30 dossiers :

 

3.005.182

Notes : IR : Impôt sur le revenu

M : Mandat de gestion

L : Location

Souscr-cap : Dossier de souscription au capital

a) Montant total des investissements agréés ou autorisés : 5.527 millions de francs.

2.- Une adaptation territoriale des montages de défiscalisation

Si d'une manière générale, la défiscalisation de produits déductibles de la base imposable à l'impôt sur le revenu est plus intéressante que toutes les autres, cette observation est à nuancer, car les situations fiscales diffèrent d'une collectivité à l'autre. Ainsi, les territoires d'outre-mer et les collectivités territoriales de Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte bénéficient de l'autonomie sur le plan fiscal.

La Polynésie française (Convention de 1957), la Nouvelle-Calédonie (Convention de 1983), Saint-Pierre-et-Miquelon (Convention de 1988) et Mayotte (Convention avec les Comores de 1970) ont passé avec le Gouvernement de la République ou l'Etat des conventions fiscales qui ne portent pas toujours sur les mêmes matières et n'ont pas la même portée. Au sein du groupe des départements d'outre-mer, la situation n'est pas la même en Guyane qu'ailleurs, puisque la TVA n'est pas applicable " provisoirement " dans ce département, et que les investisseurs ne peuvent donc pas récupérer de TVA fictive. Cette récupération est réservée, au taux local de 9,5%, aux départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion.

D'une manière générale, l'article 4 A du code général des impôts prévoit que les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu à raison de l'ensemble de leurs revenus. Il en résulte qu'en cas de location par un bailleur résidant en France au sens fiscal (métropole ou DOM), les conséquences fiscales de ce montage s'imputent sur l'impôt sur le revenu français. En conséquence, les montages locatifs dans l'ensemble des TOM et des collectivités territoriales d'outre-mer permettent les mêmes mécanismes que dans les DOM (déduction initiale et imposition à l'impôt sur le revenu des résultats d'exploitation), à l'exception des montages locatifs portant sur les biens immeubles en Nouvelle-Calédonie, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte, parce que les conventions fiscales conclues avec ces territoires leur attribuent l'imposition des produits tirés de l'exploitation des immeubles. Les montages locatifs associant des investisseurs métropolitains bailleurs à des utilisateurs locataires sont prépondérants dans les TOM (voir supra le tableau de répartition des investissements par régime d'exploitation).

·   Pour la Polynésie française, la convention passée avec l'Etat ne porte que sur la double imposition des revenus de capitaux mobiliers. En conséquence, les investisseurs métropolitains exploitants (montage impôt sur le revenu avec mandat de gestion) ont vocation à être simultanément soumis à l'impôt sur le revenu métropolitain et aux impositions du territoire et la double défiscalisation y était donc possible.

On a recensé ainsi pour 1996 en Polynésie, 11 dossiers agréés du type impôt sur le revenu-mandat de gestion, des dossiers importants puisqu'ils représentaient 823 millions de francs, soit les deux tiers du total des investissements agréés.

L'application, en l'absence d'accord conventionnel passé entre la Polynésie et l'Etat sur le terrain de la fiscalité des entreprises, de la règle selon laquelle l'impôt sur les sociétés est établi pour les activités exploitées en France décourage la mise en oeuvre de montages où l'investisseur est passible de cet impôt. Cette règle s'oppose à ce que les entreprises non polynésiennes assujetties à l'impôt sur les sociétés français puissent bénéficier de la déduction fiscale, à raison des investissements directs qu'elles affectent à une exploitation située en Polynésie. Il est cependant possible, dans le cadre de la " loi Pons " (articles 238 bis HA et 238 bis HC puis 217 undecies et 217 duodecies du code général des impôts), d'obtenir l'imputation sur les bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés français de la souscription au capital de sociétés polynésiennes. Dans ce cas, la déduction est opérée sur l'impôt sur les sociétés de l'investisseur payé en France et les résultats d'exploitation sont imposés chez la société polynésienne bénéficiant de l'augmentation de capital.

Il est également possible de mettre en oeuvre en Polynésie des montages associant des investisseurs passibles de l'impôt sur les sociétés et des exploitants locataires des précédents. Dans ce schéma, par exemple, un groupement d'intérêt économique (GIE) bancaire peut acheter une immobilisation donnée en location, les produits locatifs étant imposés dans le cadre de l'impôt sur les sociétés français.

·   Pour la Nouvelle-Calédonie, la convention fiscale de 1983 s'applique à l'impôt sur le revenu et à l'impôt sur les sociétés. Son article 7 prévoit que les bénéfices réalisés dans un territoire par l'intermédiaire d'un établissement stable sont imposables dans ce territoire. Il n'y a donc eu, en Nouvelle-Calédonie, pour 1996, aucun montage associant des investisseurs exploitants dans la catégorie des BIC avec des utilisateurs associés par mandat de gestion (Schéma IR-mandat), puisque les opérations réalisées sur le territoire y sont imposables.

Il est possible, en définitive, de rencontrer, dans le cadre d'investissements en Nouvelle-Calédonie :

- des montages associant des investisseurs métropolitains soumis à l'impôt sur le revenu et bailleurs à des locataires utilisateurs (schéma IR-locatif), sauf pour les immeubles ;

- des montages analogues où les investisseurs sont passibles de l'impôt sur les sociétés (schémas IS-locatif) ;

- des montages de souscription au capital, aussi bien par des investisseurs soumis à l'impôt sur le revenu que par des investisseurs soumis à l'impôt sur les sociétés.

·   La situation est très comparable à Mayotte où l'on a rencontré exclusivement, en 1996, des montages locatifs.

·   A Saint-Pierre-et-Miquelon, la convention fiscale de 1988 limite l'application du dispositif de déduction prévu par la " loi Pons ", comme en Nouvelle-Calédonie, en ce qu'elle tend à prévenir les doubles impositions pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés. Cependant, elle peut permettre la fiscalisation en métropole des copropriétés de navires exploitantes, dans certaines situations particulières, lorsque le domicile du gérant de la copropriété est situé hors de Saint-Pierre, en métropole, ce qui rend possible, dans la navigation, des montages associant des copropriétaires métropolitains à des utilisateurs par mandat de gestion (schéma IR-mandat).

Ainsi, d'une collectivité à l'autre, les règles de territorialité ne sont pas les mêmes et les comportements d'optimisation fiscale aboutissent à la mise en oeuvre de schémas de financement différents.

D'une manière générale, et avant les modifications apportées par la loi de finances pour 1998, les conventions fiscales en vigueur entre la Nouvelle-Calédonie, Saint-Pierre et Miquelon, Mayotte d'une part et l'Etat d'autre part, constituaient un obstacle aux montages de double défiscalisation, dans le cadre desquels l'investisseur est réputé exploiter directement le bien en le confiant en fait à un utilisateur par mandat de gestion. En effet, l'application des dispositions tendant à éviter les doubles impositions dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) cantonnait à l'impôt sur le revenu perçu par la collectivité d'outre-mer concernée, la déduction des résultats éventuellement déficitaires constatés pendant la période où l'investisseur était propriétaire du bien, sans possibilité de déduction initiale dans le cadre de la " loi Pons ".

La loi de finances pour 1998 a uniformisé le régime applicable en prévoyant que désormais la déduction sera opérée sur le revenu net global du contribuable et non plus, comme auparavant, sur les revenus imposables dans le cadre de la cédule des BIC.

Le nouveau dispositif opère donc une distinction entre la déduction fiscale sur le revenu net global soumis à l'impôt sur le revenu français et le lieu d'imposition de l'entreprise exploitant l'investissement. Ainsi, le contribuable à l'impôt sur le revenu français imposable sur les résultats d'une entreprise implantée dans un TOM ou une collectivité d'outre-mer pourra imputer sur son revenu global le montant déductible de l'investissement, toutefois le résultat fiscal de cette entreprise sera imposé dans le TOM ou la collectivité de l'investissement, sauf en Polynésie où il pourra être imposé simultanément sur le territoire et en métropole.

3.- Une adaptation sectorielle des montages de défiscalisation

Les investisseurs soumis à l'impôt sur le revenu, qui financent, comme on l'a vu la quasi-totalité des investissements agréés ou autorisés dans le cadre du dispositif aide fiscale à l'incitation à l'investissement outre-mer, sont placés, presqu'exclusivement, dans le cadre de deux mécanismes conçus pour l'optimisation fiscale recherchée.

Comme il a déjà été indiqué, soit le montage permet une double défiscalisation (" double shot ", montage IR-mandat, BIC-exploitant), soit il est conçu pour assurer une simple défiscalisation (" one shot ", montage IR-locatif, BIC-location). La première catégorie comporte un potentiel de gain plus élevé, mais la mise en oeuvre des montages de double défiscalisation apparaît plus risquée, puisque l'investisseur, responsable en tant qu'exploitant du bien, peut subir pendant au moins cinq ans, les aléas de son exploitation ; la deuxième catégorie est plus sécurisée, puisque l'investisseur retire sa rémunération dès la deuxième année, presqu'exclusivement par l'avantage fiscal consécutif à la déduction.

Le tableau ci-joint met en évidence que ces deux montages sont inégalement attractifs selon le secteur d'activité considéré. Les montages de double défiscalisation " BIC-exploitant " qui permettaient la remontée des déficits constatés sur le revenu imposable de l'investisseur, jusqu'à l'intervention de la loi de finances pour 1998, sont particulièrement répandus dans l'hôtellerie, les énergies nouvelles et les navires de plaisance. Il s'agit de trois secteurs qui ont comme caractéristique commune de ne pas assurer le plus souvent une rentabilité réelle des investissements opérés (voir infra chapitre II des exemples de montages dans ces secteurs).

Les investissements dans l'hôtellerie sont majoritairement, mais non exclusivement, opérés sous le régime BIC-exploitant de double défiscalisation, essentiellement parce que la rentabilité peut être faible. Le régime de double défiscalisation valorise particulièrement les déficits qu'il était possible d'imputer sur le revenu imposable, via la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (non professionnels), jusqu'à la loi de finances pour 1998. Au surplus, certains dossiers hôteliers, notamment aux Antilles, mettent en évidence :

- la faible rentabilité de l'investissement, le résultat d'exploitation n'étant que très faiblement positif au regard des sommes investies, cette situation pouvant être liée aux coûts de fonctionnement, eux-mêmes dépendant de la politique de facturation, et/ou au montant de l'investissement (surévaluation, surfacturation) ;

- la participation personnelle des dirigeants ou associés du groupe hôtelier utilisateur à la société en nom collectif (SNC) qui regroupe les investisseurs.

Dans le secteur des énergies nouvelles, la prépondérance des montages de double défiscalisation s'explique, probablement dans une grande mesure, par la combinaison du régime de déduction de la " loi Pons " avec une mesure spécifique prévue au profit des matériels destinés à économiser l'énergie par l'article 39 AB du code général des impôts. Cette mesure permet l'amortissement exceptionnel sur 12 mois des matériels destinés à économiser l'énergie acquis ou fabriqués entre le 1er janvier 1991 et le 31 décembre 1998, à compter de leur mise en service.

graphique

RÉPARTITION DES DOSSIERS PAR SECTEUR ÉCONOMIQUE ET PAR CATÉGORIE D'INVESTISSEUR EN 1996

 


Agriculture


Artisanat


Audiovisuel


BTP

Energies nouvelles


Hôtellerie


Industrie

Maintenance industrielle


Pêche


SPIC


Tourisme

Bateaux de plaisance


Transports

Logements (199 undecies)

Entreprises en difficulté


Total

IS direct

0

0

6

0

0

2

1

0

0

0

0

0

20

0

0

29

IS locatif

0

0

1

0

0

1

0

1

0

0

0

1

6

0

0

10

IS souscription au capital


0


0


0


0


0


1


0


0


0


1


0


0


0


0


1


3

IR direct

0

0

0

0

0

0

2

0

0

0

2

0

10

0

0

14

IR mandat

0

0

0

0

7

10

0

0

6

1

0

32

9

0

0

65

IR locatif

83

6

9

96

4

9

117

1

9

2

11

1

138

0

0

486

IR souscription au capital


0


0


0


0


0


0


0


0


0


0


0


0


0


3


0


3

IR IS mixte

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

2

0

0

2

TOTAL

83

6

16

96

11

23

120

2

15

4

13

34

185

3

1

612


Source : Direction générale des impôts.

Schématiquement, un investissement réalisé en décembre de l'année n pour 1 million de francs et amorti à compter de janvier de l'année n+1 ouvre ainsi droit à :

- une déduction du revenu imposable de 1 million de francs sur l'impôt sur le revenu payable le 15 septembre de l'année n+1 au titre de la " loi Pons " (ancien article 238 bis HA du code général des impôts) ;

- une déduction de 1 million de francs au titre de l'amortissement (compte non tenu d'un éventuel résultat d'exploitation positif la première année) sur l'impôt sur le revenu payable le 15 septembre de l'année n+2 sur les revenus de l'année n+1, au titre de l'article 39 AB du code général des impôts.

Ainsi, schématiquement, en 21 mois, pour un contribuable dont le taux de taxation moyen est supérieur à 50%, la réduction d'impôt est supérieure au montant de l'investissement. Un financement direct par l'Etat aurait donc été moins onéreux. On trouvera au chapitre II du présent rapport des exemples détaillés d'investissements associant la " loi Pons " au dispositif d'amortissement exceptionnel sur douze mois. Dans ce cadre, le montage locatif est découragé, puisqu'il repose sur le principe d'un résultat d'exploitation quasi nul pour l'investisseur en société en nom collectif, le loyer compensant les charges financières. Cette situation particulière explique donc le succès des montages " BIC-exploitant " dans le secteur des énergies nouvelles.

La troisième catégorie d'investissements financés dans le cadre de montages IR-mandat en BIC-exploitant, où l'investisseur est réputé exploiter directement le bien, est celle de la navigation de plaisance.

En fait, il s'agit de montages de crédit-bail avec mandat de gestion à une société de location de bateaux : la structure est triangulaire, puisqu'un ou plusieurs établissements de crédit financent en crédit-bail l'achat par un crédit-preneur, investisseur en " loi Pons ", de bateau de plaisance mis à disposition, par mandat de gestion, d'une société de location. La société de location qui se charge du dossier et de l'acquisition du bateau est souvent appelée à le racheter à l'issue des cinq ans d'exploitation. Cependant, il n'y a pas de clause de rachat systématique dans tous les dossiers de navigation de plaisance. La rentabilité du montage résulte :

- pour le crédit-bailleur, des intérêts d'emprunt ;

- pour le crédit-preneur, de la déduction fiscale qui, normalement, est pratiquée par l'entreprise locataire en cas de crédit-bail, en application de l'article 46 quaterdecies D de l'annexe III au code général des impôts ;

- pour la société de location, par l'activité de location et, dans certains cas, le rachat du navire, pour un prix préférentiel, à l'issue des cinq ans d'exploitation par l'investisseur prévus par la loi. Il convient de remarquer que les montages de navigation de plaisance demeurent peu transparents, compte tenu de possibles surfacturations (voir infra le chapitre IV du présent rapport) et de rétrocessions commerciales, à la société de location, par le chantier constructeur, d'une partie du prix facturé.

Ainsi, le régime BIC-exploitant est privilégié dans trois secteurs particuliers où, pour des raisons différentes, l'investissement trouve son intérêt dans la réalisation de déficits. Cette situation malsaine a été corrigée, pour la métropole, par l'article 72 de la loi de finances pour 1996, et, pour l'outre-mer, par l'article 18 de la loi de finances pour 1998.

Dans les autres secteurs, les montages locatifs sont prédominants et parfois exclusifs (agriculture, artisanat, bâtiment et travaux publics) ou quasi-exclusifs (industrie, tourisme, transports). Les montages locatifs sont plus sûrs pour l'investisseur, puisqu'ils laissent au locataire la responsabilité de l'exploitation ; ils reposent sur une simple défiscalisation, puisque la rentabilité de l'investissement est assurée en fait par la déduction initiale sur la base du revenu imposable ; ainsi, le délai de retour sur investissement peut être échelonné entre deux et neuf mois : dans le cas d'un investissement opéré en décembre, la diminution d'impôt consécutive à la déduction sur la base imposable intervient au plus tard le 15 septembre de l'année suivante, et elle peut être prise en considération lors du versement des acomptes d'impôt sur le revenu. Ensuite, le loyer perçu est calculé pour aboutir à un résultat d'exploitation nul. Sauf en cas de cessation d'exploitation de l'immobilisation, l'" investisseur " n'aura plus à se soucier de l'avenir de l'investissement. On se reportera au chapitre II du présent rapport où sont reproduits plusieurs exemples de ces différents montages.

C.- LA FAIBLE PART DES DOSSIERS D'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS ET DE RÉDUCTION D'IMPÔT AGRÉÉS

On constate donc la faible proportion de dossiers :

- où l'investisseur est passible de l'impôt sur les sociétés ;

- où l'investisseur se place dans le champ de la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies du code général des impôts.

Il y a eu, au total, en 1996, 42 dossiers correspondant à des investisseurs passibles de l'IS (auxquels s'ajoutent 2 dossiers mixtes IR-IS). 29 dossiers d'investissement direct retracent l'activité d'entrepreneurs locaux et on observe que 18 d'entre eux concernent La Réunion, collectivité d'outre-mer où le tissu économique hors tourisme est le plus dense. Les trois dossiers de souscription au capital d'entreprises portent sur des investissements réalisés en Polynésie ou en Nouvelle-Calédonie.

La réduction d'impôt pour investissement outre-mer concerne majoritairement, on le sait, le secteur du logement ; elle est principalement réalisée par les contribuables locaux pour l'achat de leur résidence principale ou de logements locatifs. On ne s'étonnera donc pas que seulement 3 dossiers (pour des programmes supérieurs à 30 millions de francs) aient été agréés dans ce cadre.

III.- UNE LÉGISLATION DONT L'ÉVOLUTION A FAVORISÉ DES PRATIQUES D'" OPTIMISATION FISCALE "

Lors du débat sur les modifications du dispositif d'aide à l'investissement outre-mer qui a eu lieu, à l'automne dernier, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 1998, certains intervenants avaient allégué que le régime fiscal de défiscalisation aurait trouvé son équilibre à la suite des mesures adoptées à l'initiative de mon prédécesseur, M. Alain Richard, dans le cadre du projet de loi de finances pour 1992. C'est oublier que, dès le changement de majorité, après les élections de mars 1993, la loi de finances rectificative du 22 juin 1993 est revenue sur des corrections essentielles apportées à la suite du rapport de M. Alain Richard.

Ainsi, le changement de majorité a eu pour effet le rétablissement de la déduction intégrale des investissements réalisés par les contribuables soumis à l'impôt sur le revenu, alors que l'abattement du tiers de la base déductible, pour les investissements réalisés par les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés dans les DOM, institué en 1992, était maintenu. Le débat sur la " loi Pons ", devenu moins vif après 1992, a été réactivé à l'été 1995 par la publication du rapport de la commission d'études des prélèvements fiscaux et sociaux pesant sur les ménages, présidée par M. Bernard Ducamin, et alimenté par le rapport du groupe de travail sur la réforme des prélèvements obligatoires, présidé par M. Dominique de La Martinière (mai 1996).

Il est donc possible de distinguer quatre étapes dans l'histoire de la " loi Pons ". Le premier dispositif de fiscalisation a entraîné de tels excès, de 1986 à 1991, qu'une correction était devenue inévitable, la Commission des finances de l'Assemblée nationale décidant la création d'une mission d'information le 18 décembre 1990.

La deuxième étape est celle des actions correctrices, puissamment contrecarrées, après mars 1993, par la majorité de l'époque :

- rapport d'information (n° 2215) du rapporteur général de la Commission des finances de l'Assemblée nationale, M. Alain Richard, le 11 juillet 1991, sur la fiscalité dans les départements d'outre-mer ;

- mesures prises dans le cadre de la loi de finances initiale pour 1992 et de ses textes d'application, particulièrement l'instruction du 16 juin 1992 (4 A-9-92, BOI n° 121 du 26 juin 1992) ;

- mesures de la loi de finances rectificative du 22 juin 1993 ;

- ajustement technique de la loi de finances pour 1994.

La troisième période, de l'été 1995 à l'été 1997, est celle de la réouverture du débat sur la " défiscalisation " avec, comme précédemment signalé, les rapports " Ducamin " et " La Martinière ", les réponses des milieux économiques des départements d'outre-mer formalisées par les rapports des cabinets DME et Arthur Andersen et le débat intervenu dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 1997.

Enfin, l'alternance de 1997 a ouvert la voie à de nouvelles actions correctrices dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 1998.

A.- LA PREMIÈRE " LOI PONS " ET SES EXCÈS (1986-1992)

1.- Les dispositifs antérieurs à la " loi Pons "

L'article 22 de la loi de finances rectificative du 11 juillet 1986, qui constitue la " loi Pons " initiale, prend la suite de dispositifs d'aide fiscale aux investissements outre-mer dont la première ébauche a été mise en _uvre par le décret du 13 février 1952, qui avait institué une exonération d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés pour les bénéfices industriels et commerciaux réalisés dans les départements de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion, et réinvestis dans ces départements.

C'est l'article 9 de la loi de finances rectificative du 24 décembre 1971 qui a introduit la possibilité pour les contribuables titulaires de bénéfices industriels et commerciaux, de bénéficier, sur agrément, d'une exonération totale d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés sur ces bénéfices réalisés en métropole et réinvestis dans les DOM, mesure étendue aux investissements dans les TOM par la loi de finances rectificative du 27 décembre 1975.

L'article 79 de la loi de finances initiale pour 1980 a autorisé les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ou à un régime réel d'imposition à déduire de leurs résultats imposables une somme égale à la moitié du montant des investissements réalisés en Guadeloupe, Martinique, Guyane ou La Réunion, à l'occasion de la création ou de l'extension d'exploitations dans les secteurs industriels, hôteliers ou de la pêche. Le mécanisme de déduction était également applicable en cas de souscription au capital de sociétés investissant dans ces secteurs ou au capital de sociétés de développement régional.

L'article 20 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 1982 a ajouté aux secteurs concernés, sur agrément, le tourisme, les énergies nouvelles et les souscriptions au capital des sociétés spécialisées dans le financement des activités éligibles à l'aide.

Cet article a porté la déduction de 50% à 100% des investissements, sur agrément, pour certains programmes d'investissements exceptionnellement importants ou qui présentent un intérêt particulier pour le développement des départements d'outre-mer.

Pour les personnes physiques souscrivant des droits sociaux, les déductions mentionnées ne pouvaient excéder 25.000 francs ou le quart du revenu net imposable du contribuable selon que ce revenu était inférieur ou non à 100.000 francs.

L'article 79 de la loi de finances pour 1980, modifié par l'article 20 de la loi de finances rectificative pour 1982, avait donc mis en place un régime de défiscalisation de 50% des investissements réalisés par les " entreprises ", contribuables soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés, ce taux pouvant être porté à 100% sur agrément, dans certaines hypothèses.

2.- La " loi Pons " initiale

L'article 22 de la loi de finances rectificative du 11 juillet 1986 ou " loi Pons " a bouleversé ce dispositif.

Il a augmenté le nombre de secteurs éligibles, sans agrément, en prévoyant que le mécanisme de déduction s'applique non seulement dans l'industrie, l'hôtellerie et la pêche, mais également dans les secteurs du tourisme, des énergies nouvelles, de l'agriculture, du bâtiment et des travaux publics, du transport et de l'artisanat.

Il a prévu l'application du dispositif, comme précédemment, dans les départements d'outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion), ainsi que dans les territoires d'outre-mer (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis et Futuna, Terres australes et antarctiques françaises), et les collectivités territoriales de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Il a supprimé la condition d'agrément prévue, dans certaines conditions, par la loi de finances rectificative du 30 décembre 1982, en disposant que les entreprises peuvent déduire de leurs résultats imposables la totalité du montant des investissements qu'elles réalisent de façon directe ou par voie d'apports au capital de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés exerçant une activité dans les secteurs éligibles.

Il a créé une réduction d'impôt (article 238 bis HD du code général des impôts devenu l'article 199 undecies) bénéficiant aux personnes physiques, pour les souscriptions au capital des sociétés qui réalisent des investissements dans des secteurs éligibles. La réduction, qui était égale à 50% du montant de l'investissement jusqu'en 1989, a été ramenée à 25% à partir de 1990. Elle s'impute par cinquièmes sur l'impôt dû au titre de l'année de réalisation de l'investissement et les quatre années suivantes.

La réduction d'impôt s'applique également :

- au prix de revient de l'acquisition ou de la construction d'un immeuble neuf situé dans les DOM, que le contribuable affecte à son habitation principale ou loue nu à une personne qui en fait sa résidence principale ;

- au prix de souscription de parts ou d'actions de sociétés dont l'objet réel est exclusivement de construire des logements neufs dans les DOM et qu'elles donnent en location nue à des personnes qui en font leur résidence principale.

Enfin, la déduction ou la réduction d'impôt s'appliquait de plein droit, aux programmes qui ne dépassaient pas 30 millions de francs. Au-delà, les projets devaient être portés à la connaissance du ministre du budget, qui pouvait s'y opposer, par décision motivée, dans les trois mois suivant le dépôt de la demande. A défaut de réponse dans ce délai, l'avantage fiscal était acquis tacitement.

Ainsi, la plupart des opérations pouvaient ouvrir droit à l'avantage fiscal, sans agrément ni autorisation préalable.

En résumé, la " loi Pons " a bouleversé le dispositif préexistant :

- en augmentant le nombre des secteurs éligibles ;

- en portant la déduction à 100% de l'investissement ;

- en supprimant l'agrément ;

- en prévoyant l'application des mesures qu'elle comportait jusqu'au 31 décembre 1996, et donc en offrant une grande stabilité aux investisseurs.

3.- Les excès d'un dispositif non contrôlé

La " loi Pons " initiale comportait, pour l'essentiel, deux failles qui allaient être mises à profit par les experts en montages fiscaux ou simplement les contribuables fortement imposés : en l'absence d'agrément et sans obligation d'exploitation d'investissements quelquefois mobiles, de nombreuses fraudes étaient possibles.

Des contribuables métropolitains fortement imposés ont ainsi pu déduire, dans la rubrique des investissements outre-mer, des dépenses personnelles d'agrément. Certains montages étaient extrêmement courants, voire banalisés, et utilisés par des entreprises fictives ou dans le cadre de fausses locations :

- en matière de navigation de plaisance, telle société en nom collectif (SNC) ayant pour objet la location de navires a pu rassembler les membres d'une même famille, pour défiscaliser l'achat d'un bateau, qui était ensuite loué, avec des tarifs symboliques, à cette même famille ;

- un tel montage a pu également être utilisé, par le biais d'une société civile immobilière (SCI), pour la construction d'un programme immobilier. Les logements considérés étaient ensuite loués aux personnes intéressées à l'opération (dirigeants de la SCI, exploitants, dirigeants d'une filiale).

L'absence d'obligation d'exploitation du bien a pu permettre la délocalisation des investissements mobiles. Ainsi certains navires de plaisance défiscalisés ont été utilisés en métropole ou aux Etats-Unis. Dans l'affaire Jet-Sea, une filiale américaine utilisait en Floride, aux Bahamas et même en Californie une flotte de navires fabriqués aux Etats-Unis.

En 1991, avant l'instauration de l'agrément, un rapport de l'inspection générale des finances relevait que la flotte de bateaux de plaisance avait quadruplé en quatre ans aux Antilles françaises et y évaluait le parc de navires à 1.100 unités, exploitées en moyenne neuf semaines par an. Cette expansion anarchique et dépourvue de cohérence économique a entraîné en 1992 la faillite, parfois frauduleuse, de certains exploitants : COGEDOM, ATM, Jet-Sea.

A côté de ces exemples bien connus, certains investissements ont entraîné des faillites retentissantes, non pas dans la plaisance, mais dans l'immobilier. Tel présentateur de radio et télévision a pu ainsi confirmer sa réputation d'humoriste en arpentant les fondations d'un hôtel de Saint-Martin qui n'a jamais été achevé ni exploité, et en expliquant qu'il avait perdu dans cet investissement environ 3 millions de francs.

Au début des années 1990, chacun s'accordait sur la nécessité de mesures correctrices. Ainsi, dans le cadre du rapport précité de M. Alain Richard (5), M. Eric Raoult, au nom du groupe RPR, affirmait que son mouvement " partage tout à fait le souhait de la mission et de son rapporteur quant au légitime souci d'éviter quelques dérapages réels ". La mauvaise réputation de la " loi Pons ", qui date des excès de cette première période, et qui perdure, était telle que des mesures correctrices apparaissaient indispensables.

B.- L'AMÉLIORATION CONTRARIÉE DE LA " LOI PONS " (1992-1995)

1.- Les mesures correctrices de 1991-1992

Comme le reconnaît lui-même le rapport précité du cabinet Arthur Andersen, " ce dispositif attrayant remporte dès l'origine un succès tel qu'il entraîne certains débordements, qui appellent rapidement l'attention des pouvoirs publics ".

L'inspection générale des finances, dans un rapport du début des années quatre-vingt-dix met l'accent sur les abus déjà évoqués et sur la perturbation des structures économiques traditionnelles par l'afflux brutal des capitaux.

a) Le rapport de M. Alain Richard

Le 16 novembre 1990, un amendement de la Commission des finances au projet de loi de finances pour 1991, proposé par son Rapporteur général, M. Alain Richard, était discuté en séance publique. Il avait pour objet de substituer à la déduction du revenu imposable des entreprises assujetties à un régime réel d'imposition dans le cadre de l'impôt sur le revenu, le mécanisme de réduction d'impôt de l'article 199 undecies.

Comme l'exposait le rapport général (Tome III, page 228) de la Commission des finances, le dispositif issu de l'article 22 de la loi du 11 juillet 1986 semblait cohérent : " une déduction des résultats pour les entreprises, une réduction d'impôt pour les personnes physiques.

En réalité, la rédaction des mécanismes prévus à l'article 238 bis HA précité, en mentionnant les entreprises soumises à l'impôt sur le revenu selon un régime réel d'imposition, a eu un effet pervers et a entraîné des abus, car des personnes physiques ont pu bénéficier des avantages consentis aux entreprises, notamment en cas d'acquisitions d'immobilisations destinées à être louées, opérations non éligibles par ailleurs au mécanisme de l'article 199 undecies.

Dans cette dernière hypothèse en effet, le contribuable qui donne en location est assimilé à un exploitant, l'activité de location étant soumise aux bénéfices industriels et commerciaux.

Le cumul du jeu de l'amortissement, même si celui-ci est limité s'agissant des activités de location, et de la déduction du total de l'investissement des résultats, conduit mécaniquement à l'apparition d'un déficit d'exploitation imputable, en application des règles de droit commun, sur le revenu net global.

Un astucieux montage, réalisé éventuellement par le truchement de sociétés transparentes permet ainsi de réduire substantiellement l'impôt à acquitter.

On comprend que dans ces conditions, l'avantage fiscal DOM soit en réalité devenu un " produit fiscal " des plus attrayants, surtout lorsqu'il a été conjugué avec les " règles " applicables aux copropriétés de navires, comme ce fut le cas pour des opérations du type " Club Med I ".

Par ailleurs, cette évasion fiscale trouve souvent une origine dans un investissement qui n'a pas toujours, au moins au-delà d'un certain temps, un lien effectif avec les DOM-TOM ".

Mon prédécesseur, M. Alain Richard, avait donc, par cet amendement mis en évidence, au-delà des abus précédemment évoqués, les deux caractéristiques les plus choquantes du mécanisme de déduction du revenu imposable des contribuables soumis à l'impôt sur le revenu : la double défiscalisation (directe et par remontée des déficits créés par le jeu des amortissements) et son caractère de " produit fiscal ", détaché de la volonté d'investir réellement outre-mer.

Il n'acceptait de retirer cet amendement qu'au bénéfice de la poursuite de la réflexion sur l'évolution de la " loi Pons ". C'est à la suite de cette démarche que fut créée une mission d'information, n'ayant pas pour seul objet la loi de défiscalisation, mais l'ensemble de la fiscalité dans les départements d'outre-mer.

Le rapport de M. Alain Richard du 11 juillet 1992 a consacré quelque vingt-quatre pages à la défiscalisation, concluant que " la mission a acquis la conviction que la loi de défiscalisation constitue un outil dont il ne faut pas se priver pour peu que ses dispositions soient recentrées sur les besoins du développement économique des départements ". Le rapport n'a pas, pour autant, manqué de relever le caractère nuancé de l'impact économique de la " loi Pons " et ses effets contestables, d'une part, sur les circuits économiques bénéficiant de l'aide fiscale, par la quasi-gratuité de l'investissement et, d'autre part, avec les montages par sociétés transparentes permettant aux contribuables imposés à l'impôt sur le revenu une optimisation de l'avantage fiscal, jusqu'à 56,8% (taux marginal en 1991) de l'investissement.

En conclusion, le rapport affirmait qu'" il est possible d'aborder la défiscalisation sous l'angle de la stricte logique fiscale. Que constate-t-on ? On se trouve alors en présence d'un dispositif coûteux, aux effets incertains et qui n'est pas exempt de reproches sur le plan de la justice fiscale. Somme toute, la même aide attribuée sous forme de subvention produirait peut-être des effets équivalents, les effets pervers en moins.

Cette démarche est légitime, mais n'a pas été retenue par la mission. Celle-ci a préféré se placer dans un état d'esprit de solidarité bien comprise avec nos compatriotes des DOM, qui, à ses yeux, ont surtout besoin de voir confortée une dynamique de développement qui leur confère stabilité et dignité.

[...]

La mission a acquis la conviction que les mécanismes de défiscalisation ne devaient pas être abordés sous le seul angle des effets qualifiés de pervers. Tout dispositif fiscal est perfectible et l'article 22 de la loi du 11 juillet 1986 n'échappe pas à la loi du genre. Pour autant, les abus ne reflètent pas la réalité du dispositif. Somme toute, leur portée est réduite.

On rappellera que les déductions opérées au titre des bénéfices industriels et commerciaux, canal utilisé par les particuliers pour " optimiser " les effets du dispositif, ne représentent que 11% des investissements déductibles, et seulement 2% pour la métropole. Si l'on fait exception des bénéfices industriels et commerciaux réellement professionnels, la marge reste étroite pour les véritables abus ".

Le rapport proposait ensuite la reconduction pour dix ans de la " loi Pons " et l'orientation de la réduction d'impôt vers le logement locatif intermédiaire.

S'agissant du mécanisme de déduction du revenu imposable des entreprises, le rapport proposait, à titre principal :

- de fixer dans la loi une obligation de maintien pendant cinq ans dans les DOM pour les immobilisations ayant fait l'objet d'un investissement direct, au profit d'une activité éligible ;

- d'abaisser le seuil d'agrément pour l'ensemble des opérations ;

- d'exiger un agrément pour les sociétés exploitant, en tant que locataires mandataires, des biens ayant donné lieu à défiscalisation quel que soit le montant de l'investissement, afin de faire disparaître les montages purement artificiels sans décourager les opérations ayant un impact réel sur l'activité des départements, tout en sécurisant l'investisseur.

b) Les mesures correctrices de la loi de finances pour 1992

La loi de finances pour 1992 a prorogé le régime de la " loi Pons " jusqu'au 31 décembre 2001 (article 115) et élargi son champ d'application à deux nouveaux secteurs : la production et la diffusion cinématographiques et audiovisuelles et la maintenance au profit des activités industrielles (article 118).

La réduction d'impôt a été portée à 50% du montant de l'investissement pour les particuliers investissant dans le secteur locatif intermédiaire, soit directement, soit par apport au capital de sociétés ayant cet objet (article 117). Dans ce secteur, les logements donnés à bail pour 9 ans à des personnes qui en font leur habitation principale (article 116) devaient faire l'objet d'une convention entre l'Etat et le propriétaire fixant le montant maximal du prix de revient au mètre carré, du loyer et des ressources du locataire.

Un agrément préalable a été instauré à compter du 1er janvier 1992 pour les seuls investissements directs (6) réalisés dans les secteurs de l'hôtellerie, du tourisme, des transports et dans celui de la production et de la diffusion audiovisuelles et cinématographiques. L'octroi de cet agrément est tacite, à défaut de réponse dans un délai de trois mois (III ter de l'article 238 bis HA du code général des impôts). En sont dispensées les entreprises installées depuis deux ans, au moins, dans les départements d'outre-mer quand le programme d'investissement annuel n'excède pas 1 million de francs (article 120).

Les biens financés grâce à l'avantage fiscal devaient demeurer affectés à l'exploitation pendant un délai de neuf ans pour les immeubles, de cinq ans pour les meubles et pendant leur durée normale d'utilisation si elle est inférieure (articles 116 et 119).

Les investissements en biens mobiliers doivent être réalisés dans les douze mois de la clôture de la souscription au capital. Dans le secteur immobilier, la société bénéficiaire des apports doit s'engager à achever les fondations dans les vingt-quatre mois (articles 116 et 119).

Enfin et surtout, l'une des principales mesures adoptées prévoit qu'en cas d'investissement dans un secteur soumis à agrément, la déduction que peuvent pratiquer les entreprises passibles de l'impôt sur le revenu est plafonnée à 75% du montant de l'investissement.

Cette mesure avait pour effet de réduire mécaniquement l'avantage fiscal des montages de déduction pour les contribuables redevables de l'impôt sur le revenu. Elle équivalait, pour les produits taxés à la plus forte tranche du barème d'alors (56,8%), à ramener le taux de réduction d'impôt par rapport à l'investissement de 56,8% à 42,6%.

En effet, dans son rapport précité du 11 juillet 1991, le Rapporteur général, M. Alain Richard, n'avait pas exclu une telle mesure, observant que " globalement, la mission considère que l'économie générale du dispositif peut être maintenue. En particulier, bien que consciente des effets d'une quasi gratuité des investissements, elle estime que la réduction de la déduction à, par exemple, 75% de la valeur de l'investissement peut apparaître prématurée. En effet, elle n'est pas en mesure d'apprécier si la chute de l'effet incitatif sur les investissements des entreprises ne reviendrait pas à priver le dispositif de toute portée ".

A l'automne suivant et la réflexion ayant mûri, l'Assemblée nationale avait donc adopté la réfaction de 25% de la base déductible, pour les contribuables passibles de l'impôt sur le revenu.

On observe ainsi que les conclusions du rapport du 11 juillet 1991, comme les mesures adoptées en loi de finances pour 1992, traduisent une réflexion presque identique à celle de la commission des finances de l'Assemblée nationale à l'automne 1997 : la " loi Pons " pose problème quant au contrôle des avantages auxquels elle donne droit ; particulièrement pour les contribuables soumis à l'impôt sur le revenu, elle constitue une entorse significative au principe de justice fiscale.

L'analyse des réformes de 1991 permet d'apprécier à leur juste valeur les arguments de ceux qui, à l'automne dernier, ont tenté d'opposer les analyses de mon prédécesseur, M. Alain Richard à la volonté de réforme de la Commission des finances, six ans plus tard. On constate une identité d'analyse et une volonté commune de remédier aux désordres constatés.

c) La portée substantielle de l'instruction du 16 juin 1992

L'instruction 4 A-9-92 du 16 juin 1992 (B.O.I. n° 121 du 26 juin 1992), prise pour l'application des articles 115 à 122 de la loi de finances pour 1992, évoqués ci-dessus, est d'une grande portée - même si celle-ci n'a pas été clairement mesurée, à l'époque, par les commentateurs - pour les contribuables passibles de l'impôt sur les sociétés. Pour le calcul du montant de la déduction, l'instruction précise les modalités d'application spécifiques, lorsque le propriétaire de l'immobilisation n'en est pas l'utilisateur.

L'instruction rappelle qu'il a été admis que le propriétaire qui n'est pas l'utilisateur du bien peut néanmoins pratiquer la déduction lorsque les deux conditions ci-après sont réunies :

- l'entreprise utilisatrice aurait pu bénéficier de la déduction en cas d'acquisition directe du bien ;

- le bien doit être mis à la disposition de cette entreprise dans le cadre d'une location de longue durée.

L'instruction prescrit le maintien de cette solution, assortie de plusieurs précisions.

Elle prévoit notamment que " lorsque l'immobilisation acquise ou créée par une entreprise dont les résultats sont soumis à l'impôt sur les sociétés est louée à un utilisateur qui exploite le bien dans l'un des secteurs de l'agriculture, de l'industrie, de l'hôtellerie, du tourisme, de la pêche, des énergies nouvelles, du bâtiment et des travaux publics, des transports ou de l'artisanat, l'entreprise propriétaire est soumise aux dispositions de l'article 217 bis du code général des impôts. Ces dispositions s'appliquent à tous les investissements réalisés à compter du 1er janvier 1992 ".

L'article 217 bis du code général des impôts prévoyait, dans sa rédaction de 1992, que les résultats bénéficiaires ou déficitaires provenant d'exploitations situées dans les départements d'outre-mer et relevant des secteurs concernés n'étaient retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés que pour les deux tiers de leur montant.

Cette formulation avait pour effet l'imputation de l'abattement du tiers sur la base déductible lorsque le propriétaire de l'immobilisation, passible de l'impôt sur les sociétés, n'en est pas l'utilisateur et met le bien à disposition de l'utilisateur par un contrat de location.

L'article 53 de la loi de finances rectificative du 31 décembre 1992, en cohérence avec cette interprétation, a harmonisé le champ d'application et les conditions de mise en oeuvre :

- du régime d'aide fiscale à l'investissement dans les départements, territoires et collectivités territoriales d'outre-mer (code général des impôts article 238 bis HA) ;

- et de l'abattement du tiers des résultats prévu en faveur des entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés et exerçant leur activité dans les départements d'outre-mer (code général des impôts article 217 bis).

Au total, en mars 1993, alors que s'achevait la neuvième législature, des mesures correctrices significatives avaient amélioré la " loi Pons " et en particulier :

- l'obligation d'exploitation de l'investissement pendant cinq ou neuf ans ;

- l'agrément préalable au premier franc pour les secteurs sensibles ;

- l'abattement de 25% de la base déductible pour les entreprises passibles de l'impôt sur le revenu et du tiers (par instruction administrative) pour les entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés dans les DOM.

2.- La remise en cause de ces améliorations après mars 1993

L'article 30 de la loi de finances rectificative pour 1993 du 22 juin 1993 et les articles 11 et 20 de la loi de finances initiale pour 1994 ont aménagé le dispositif d'aide fiscale à l'investissement outre-mer.

La première loi de finances rectificative pour 1993 a étendu à nouveau le champ d'application, aussi bien pour la déduction que pour la réduction d'impôt :

- aux investissements nécessaires à l'exploitation des concessions de service public local à caractère industriel et commercial, ainsi qu'aux souscriptions au capital de ces mêmes sociétés concessionnaires ;

- aux apports en capital des sociétés en difficulté, au sens de l'article 44 septies du code général des impôts, ayant une activité dans les secteurs éligibles.

La réduction d'impôt a été accordée aux souscriptions par les particuliers au capital des SCPI qui achètent des logements.

La procédure d'agrément a été maintenue, mais la décision devait être nécessairement précédée d'un avis du ministre des départements et territoires d'outre-mer. Son champ d'application a été légèrement modifié. Elle concerne, comme auparavant, le secteur des transports et de l'audiovisuel. Mais les investissements touristiques, soumis à agrément, ont été limités à la navigation de plaisance et à la construction d'hôtels et de résidences touristiques. Le champ de l'agrément a été étendu aux nouveaux secteurs des concessions de service public et des sociétés en difficulté.

Le montant de la déduction au titre des investissements directs a été, à nouveau, porté à 100% du coût de l'investissement, lorsque les entreprises relèvent de l'impôt sur le revenu, pour les investissements réalisés à compter du 1er juillet 1993. La réfaction de 25% de la base déductible instituée par l'article 122 de la loi de finances initiale pour 1992 a été ainsi supprimée.

Le taux de réduction d'impôt a été majoré (à 50%) pour tous les investissements réalisés dans le secteur du logement pendant les années 1993 à 1996 ; en conséquence, la majoration du taux de la réduction d'impôt a été supprimée pour les logements locatifs intermédiaires.

Enfin, l'obligation de maintien en exploitation a été unifiée à cinq ans pour tous les investissements, y compris ceux de nature immobilière, au lieu de neuf ans précédemment.

La loi de finances pour 1994, hormis l'article 11, qui a précisé l'application du nouveau régime en cas de souscription au capital des SCPI, a aménagé par son article 20 l'obligation de conservation des biens ou titres, dans un sens favorable aux investisseurs.

La cession des biens ou titres avant l'expiration du délai de cinq ans n'entraîne plus la reprise de la déduction :

- si elle intervient dans le cadre d'une transmission d'entreprise à des héritiers, de l'apport par une personne physique à une société soumise à un régime réel d'imposition de l'ensemble des éléments de son actif immobilisé ou d'une branche complète d'activité, d'une fusion de sociétés, d'une scission ou d'un apport partiel d'actif ;

- à la condition que le bénéficiaire de ces opérations prenne l'engagement de maintenir l'exploitation des biens dans le cadre d'une des activités éligibles mentionnées au I de l'article 238 bis HA du code général des impôts, pendant la fraction du délai de cinq ans restant à courir. S'il s'agit de titres, l'entreprise qui les reçoit doit remplir les conditions nécessaires pour bénéficier de la déduction et s'engage à les conserver pendant le temps restant à courir.

L'instruction du 4 février 1994 (4 A-5-94, BOI n° 33 du 16 février 1994) présente l'intérêt de confirmer l'interprétation administrative, par l'instruction du 16 juin 1992, de l'application simultanée dans les DOM du dispositif de déduction prévu par l'article 238 bis HA (" loi Pons ") et de l'abattement du tiers sur la base imposable prévu par l'article 217 bis du code général des impôts.

Autrement dit, l'alternance de mars 1993 a eu pour effet principal sur la " loi Pons " d'encourager l'investissement en logements ouvrant droit à réduction d'impôt de 50% par les personnes physiques et les investissements dans les secteurs éligibles par les " entreprises " passibles de l'impôt sur le revenu, ouvrant droit à déduction à 100%.

Dans le même temps, la majorité d'alors a maintenu l'abattement du tiers de la base déductible pour les investisseurs soumis à l'impôt sur les sociétés.

Cette orientation appelle trois remarques :

- elle traduit clairement le caractère spécifique de la " loi Pons ", qui a pour " cible " les contribuables titulaires de forts revenus, auxquels elle permet d'échapper aux effets de la progressivité de l'impôt sur le revenu alors que les entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés peuvent être considérées comme ayant une meilleure vocation à l'investissement ;

- elle explique qu'à partir de 1992, les montages d'impôt sur le revenu sont devenus prédominants, ce qui n'était pas le cas auparavant, les montages d'impôt sur les sociétés qui subsistent (7) étant le fait, le plus fréquemment, des institutionnels (ex. : EDF) (8) ;

- le maintien du dispositif d'agrément s'explique par l'intérêt de sécuriser les investisseurs. L'agrément fiscal n'est plus perçu comme une sanction, mais comme un label de qualité apposé au " produit loi Pons " et qui en facilite la commercialisation.

Dès lors, la légitimité de la " loi Pons ", qui est moins contestée qu'auparavant sur le terrain des scandales et des fraudes, va être remise en cause sur celui de sa nature intrinsèque : une " niche fiscale " permettant de diminuer fortement, voire d'éluder l'impôt sur le revenu.

C.- LA RÉOUVERTURE DU DÉBAT SUR LA " LOI PONS " (1995-1997)

Au moment de la rédaction du rapport de M. Alain Richard, à l'été 1991, les statistiques disponibles mettaient en évidence la très faible part des déductions de revenu imposable dans le cadre de l'impôt sur le revenu (catégorie des bénéfices industriels et commerciaux) (9). Cinq ans après, l'écrasante majorité des déductions fiscales pour investissement outre-mer sont le fait des contribuables soumis à l'impôt sur le revenu.

Dans ce contexte :

- le mécanisme de déduction du revenu imposable pour investissement outre-mer est contesté par deux rapports officiels adressés au Gouvernement, les rapports Ducamin et La Martinière ;

- les milieux économiques d'outre-mer répondent à ces mises en cause par deux contre-rapports, rédigés par des organismes privés ;

- un amendement provenant de la majorité d'alors, tendant à réduire d'ailleurs marginalement les avantages de la " loi Pons ", sème quelque trouble à l'automne 1996 ;

- le dispositif de défiscalisation n'étant lui-même modifié que de façon très marginale.

1.- Les rapports de MM. Ducamin et de La Martinière

a) Le rapport de M. Bernard Ducamin

A l'été 1995, le Gouvernement, dirigé par M. Alain Juppé, rend publique une étude, remise au ministre du budget en janvier et menée par M. Bernard Ducamin, président de la section des finances du Conseil d'Etat, assisté de M. Robert Baconnier, ancien directeur général des impôts, et de M. Raoul Briet, directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, qui souligne notamment l'injustice du système fiscal français, au motif qu'il fait à l'impôt sur le revenu une part moindre que dans les pays comparables à la France.

La " loi Pons " est rangée par le rapport parmi les dispositifs fiscaux incitatifs nombreux et au coût élevé, dans la catégorie des incitations fiscales " efficaces mais porteuses d'effets pervers ". Ainsi la commission s'interroge sur le maintien des aides fiscales en faveur de l'investissement dans les DOM-TOM en observant qu'" alors qu'en 1989, le montant des investissements déduits par les entreprises soumises à l'impôt sur le revenu ne représentait que 11,5% du montant total des investissements réalisés par des entreprises au titre de ces dispositions, il s'établissait à plus de 36%, représentant 3,5 milliards de francs d'investissements en 1992.

[...]

Les effets de ces mesures fiscales sur le développement économique des DOM-TOM sont incontestables : ils ont été soulignés par plusieurs rapports et ont été confirmés à la commission par les personnes qu'elle a auditionnées. Mais ils se sont aussi accompagnés d'effets pervers non négligeables pour l'équilibre du développement local, en provoquant notamment une forte hausse de la charge foncière, ce qui pèse fortement sur la construction de logements sociaux, et en contribuant à la création d'activités de faible rentabilité, qui entretiennent une concurrence déloyale avec les entreprises existantes, notamment dans le secteur du tourisme. Surtout, même si elle demeure limitée, l'utilisation des dispositions destinées aux entreprises par des contribuables métropolitains, qui permet à ces derniers d'imputer sur leur revenu global des sommes parfois très élevées, en contrepartie d'investissements dans des biens qui ne restent pas toujours affectés ou localisés dans les DOM-TOM, n'en constitue pas moins un facteur de perturbation préoccupant de l'équilibre général du système fiscal ".

Aussi la commission avait-elle proposé la suppression des réductions d'impôt liées aux investissements réalisés outre-mer, étant précisé qu'il pourrait être envisagé de maintenir le dispositif au bénéfice des résidents des DOM.

b) Le rapport de M. Dominique de La Martinière

Les propositions du rapport Ducamin devaient être reprises par les conclusions d'un groupe de travail constitué en avril 1996 à la demande du Premier ministre, M. Alain Juppé, par M. Dominique de La Martinière, inspecteur général des finances, afin de préparer la réforme fiscale. Ce groupe de travail comprenait, à côté de M. de La Martinière, outre M. Jean Marmot, ancien directeur de la sécurité sociale et M. Jacques Delmas-Marsalet, ancien chef du service de la législation fiscale, MM. Robert Baconnier et Bernard Ducamin, membres de la précédente équipe.

Dans son rapport remis le 31 mai 1996 au Premier ministre, le groupe de travail sur la réforme fiscale considérait qu'" une baisse sensible des taux du barème doit rendre possible le nettoyage d'un maquis de dérogations qui portent atteinte à l'égalité des citoyens et à la neutralité fiscale ".

Abordant la question des " niches fiscales ", le groupe de travail avait exprimé " son accord total avec les propositions de suppression des déductions du revenu global faites par la commission d'étude des prélèvements fiscaux et sociaux pesant sur les ménages " (présidée par M. de La Martinière).

Des engagements ont été pris envers les personnes qui participent au financement des navires de commerce et des investissements réalisés outre-mer. Ces engagements doivent être respectés. Dès l'instant où l'imposition des revenus serait normalisée, en revanche, il serait opportun que les dispositifs en cause ne soient pas prorogés et que cette orientation soit confirmée dès maintenant. Il ne serait pas inutile non plus de vérifier dans quelle mesure les déductions autorisées, qui intéressent principalement les titulaires de revenus élevés, bénéficient autant à notre marine et au développement de notre outre-mer qu'aux intermédiaires spécialisés dans l'exploitation de ces facilités ".

Les deux rapports Ducamin et La Martinière, dont votre Rapporteur général ne partage pas toutes les analyses, avaient le mérite, s'agissant de la " loi Pons ", de poser la question de sa légitimité en termes d'équité fiscale. Le rapport Ducamin présentait l'intérêt de souligner les effets contrastés du dispositif sur l'économie locale comme sur l'équilibre général du système fiscal. Le rapport La Martinière, quant à lui, mettait l'accent sur la rétrocession aux intermédiaires spécialisés d'une fraction de l'avantage fiscal. Ces études allaient susciter la réaction des milieux économiques domiens, réaction formalisée par deux rapports de cabinets d'audit.

2.- Les rapports commandés par les milieux économiques locaux

a) Le rapport du cabinet DME

En août 1996 est publié un rapport réalisé par " Didacticiels et modélisation économiques " (DME), à la demande des chambres de commerce et d'industrie (CCI) de la Guadeloupe (Basse-Terre), de la Guyane et de la Martinique, et consacré à l'analyse du dispositif de défiscalisation des investissements outre-mer. Présenté comme le fruit du travail d'un organisme indépendant, alors que son chapitre premier a été rédigé par la CCI de la Martinique, le rapport est organisé en trois chapitres :

- le premier tendant à présenter le dispositif légal de défiscalisation ;

- le deuxième constituant une analyse économique de ses effets, en soulignant son intérêt pour stimuler " l'auto-dynamisme " des économies domiennes, au regard des politiques de soutien de la demande qui l'avaient précédé ;

- le troisième affirmant que la dépense fiscale qui en résulte est totalement couverte par des prélèvements obligatoires additionnels.

La démonstration présentée paraît insuffisante à bien des égards :

- la " loi Pons " est analysée comme l'expression d'une volonté de rééquilibrer le circuit des économies domiennes au profit de l'offre. Cette approche méconnaît le maintien de dispositifs de stimulation de la demande outre-mer (moindre pression fiscale, loi Perben, " surrémunérations " des fonctionnaires, alignement du SMIC et rôle du RMI, voir le chapitre IV ci-après), qui jouent un rôle essentiel dans les économies d'outre-mer et ont contribué à l'essor économique. Cette analyse, reposant sur des modèles macro-économiques théoriques, méconnaît les effets déstructurants de la " loi Pons " sur les activités qui lui préexistaient ;

- le rapport se garde bien de proposer une politique de l'offre alternative au dispositif de défiscalisation, et garantissant, à sa différence, une meilleure justice fiscale. Il note, en le déplorant, que " le dispositif est souvent décrit au travers d'études de cas. Ceux-ci sont naturellement bien choisis et très souvent personnalisés. L'accumulation d'exemples, jusqu'à provoquer la lassitude, vaut démonstration. La liste des bénéficiaires des exonérations conforte le lecteur dans la certitude que la mesure n'a été élaborée que pour bénéficier aux catégories sociales les plus favorisées ".

Le rapport DME, lui, ne présente aucun exemple concret d'application de la " loi Pons ". En tout état de cause, si le dispositif de cette loi pose problème à la majorité élue en juin 1997, c'est effectivement parce que les déductions qu'elle permet portent atteinte à la progressivité de l'impôt sur le revenu ;

- enfin, reprenant une formule employée par M. Alain Juppé en 1992, le rapport DME affirme que la dépense fiscale résultant de la défiscalisation est totalement couverte par des prélèvements obligatoires additionnels. Or cette analyse repose sur la comparaison d'un coût budgétaire résultant des seuls investissements agréés avec des prélèvements obligatoires en progression. On sait que, depuis au moins trente ans, ces prélèvements progressent, en métropole, tout autant que dans les DOM ... Il n'est donc pas indispensable de construire des modèles mathématiques sur des bases aussi incertaines que le coût du dispositif de défiscalisation, très mal connu des services fiscaux, d'une part, et, d'autre part, la croissance des prélèvements obligatoires dont chacun sait qu'elle procède de facteurs exogènes à la " loi Pons ", dans une grande mesure (dépenses sociales et des collectivités territoriales, notamment).

On peut se reporter, au chapitre II du présent rapport, pour les exemples de montages de " loi Pons " qui se proposent d'illustrer, en en analysant la rentabilité pour les différentes parties, l'intérêt micro-économique des investissements. Ces exemples ne prétendent pas donner une explication globale de la " loi Pons ", mais ils sont réalistes, car ils ont été transmis à votre Rapporteur général par des praticiens de la défiscalisation, et ils tentent de placer le débat à un autre niveau que celui des affirmations dogmatiques reposant sur des intuitions.

b) Le rapport du cabinet Arthur Andersen International

Le second rapport est celui qui a été réalisé en octobre 1996 par le cabinet d'audit Arthur Andersen International, pour le compte de la Fédération des entreprises des départements d'outre-mer (FEDOM), organisme dont certains de nos interlocuteurs ont pu contester la représentativité.

Le rapport, qui a été commandé pour faire le point de la défiscalisation après dix ans d'application, s'inscrit lui aussi dans le contexte des propositions présentées par la commission présidée par M. Ducamin et celles du groupe de travail dirigé par M. de la Martinière. Ce contexte transparaît clairement à la lecture du chapitre V consacré à " l'avenir de la défiscalisation outre-mer ". Ses conclusions sont évidemment proches de celles du rapport DME, et, sans prétentions mathématiques, ses démonstrations sont plus réalistes que celles du rapport DME. On apprécie notamment que le cabinet Arthur Andersen admette que " le suivi statistique de la dépense fiscale induite par la " loi Pons " se heurte à un certain nombre de difficultés liées aux mécanismes de la défiscalisation et aux limites de l'appareil statistique de l'Etat ".

Le rapport est donc bien inspiré, lorsqu'il évoque les difficultés statistiques qui rendent difficile l'analyse de l'impact économique de la défiscalisation et l'intérêt des rencontres de terrain avec les acteurs du développement économique des DOM, rencontres que la mission d'information de la Commission des finances s'est, pour sa part, efforcée de multiplier pendant ses déplacements sur place.

Enfin, le cabinet Arthur Andersen, au lieu de s'en tenir aux généralités, propose des exemples de montages de défiscalisation et le lecteur comprend bien, à ces exemples, que la mise en oeuvre de la " loi Pons ", en pratique, a abouti à l'élaboration de montages complexes dans le cadre desquels l'investisseur peut ne pas savoir dans quoi il investit, et l'opérateur économique ignorer qui le finance.

Cependant, la démonstration du rapport Arthur Andersen n'est pas convaincante : comme dans le cas du rapport DME, la croissance économique et celle de l'investissement ne peuvent être imputées, pour leur totalité, à l'effet de la " loi Pons ". Ainsi que l'admet le rapport, l'estimation du coût de la dépense fiscale est rendu difficile par l'absence de bases statistiques exhaustives à la direction générale des impôts. Enfin les modèles de montages de défiscalisation, proposés en exemple, ne donnent lieu qu'à des estimations de rentabilité des plus sommaires, surtout si l'on considère que le rapport a été confié à un cabinet réputé en matière d'analyse financière.

3.- Le débat lors de la discussion du projet de
loi de finances pour 1997

Le débat sur les " niches fiscales " est réactivé, lors de la présentation du projet de loi de finances pour 1997, par la réforme de l'impôt sur le revenu proposée par le Gouvernement dirigé par M. Alain Juppé. Dans ce contexte, un amendement de M. Pierre Méhaignerie a été adopté par la Commission des finances. Cet amendement avait pour effet d'exclure du droit à déduction les investissements réalisés outre-mer sous la forme d'acquisition de navires de plaisance ou d'avions de tourisme. Il a été rejeté en séance publique, grâce à de nombreuses voix de députés du groupe RPR.

4.- Des modifications marginales de la " loi Pons "

Alors que deux rapports successifs avaient conclu l'un et l'autre à la nécessité, dans la perspective de la réforme de l'impôt sur le revenu notamment, de prendre des mesures correctrices en matière d'aide fiscale à l'investissement outre-mer, le Gouvernement de M. Alain Juppé n'a procédé qu'à des aménagements très limités de la " loi Pons ".

a) Le maintien de la " détunnelisation " pour les investissements réalisés dans le cadre de la " loi Pons "

L'article 72 de la loi de finances pour 1996 a limité les possibilités d'imputation sur le revenu global des déficits subis dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux en prévoyant que les déficits générés par une activité exercée à titre non professionnel, créée ou reprise à partir du 1er janvier 1996, ne pourront être déduits que des bénéfices de même nature réalisés au titre de l'année considérée et dans les cinq années suivantes.

Cet article a ménagé une exception, en créant un paragraphe III quater à l'article 238 bis HA du code général des impôts, pour prévoir que les investissements réalisés dans les départements d'outre-mer à partir du 1er janvier 1996 et qui ouvrent droit à la déduction prévue par l'article 238 bis HA du même code puissent continuer à bénéficier des règles antérieures de déduction des déficits, moyennant un agrément préalable.

Il a donc été créé une troisième catégorie d'agréments pour le maintien de la " détunnelisation " aux seuls investissements réalisés dans le cadre de la " loi Pons ".

b) L'éligibilité des services publics affermés

Par deux instructions du 7 février 1996 (4 A-3-96 et 5 B-7-96, BOI n° 33 du 16 février 1996), l'administration a admis l'extension aux services publics affermés de l'éligibilité prévue pour les concessions de service public. Les instructions considèrent que " dès lors que l'affermage présente des similitudes avec le contrat de concession et qu'il est souvent utilisé par les collectivités territoriales pour l'exploitation de services publics, il est dorénavant admis que les investissements productifs nécessaires à l'exploitation d'un service public affermé et les souscriptions au capital des sociétés chargées de l'exploitation d'un tel service puissent bénéficier du dispositif d'aide fiscale à l'investissement outre-mer dans les mêmes conditions que celles prévues pour les investissements affectés à l'exploitation d'une concession de service public et les souscriptions au capital de sociétés concessionnaires. "

c) L'orientation de l'incitation fiscale en direction du logement locatif intermédiaire

Les articles 32 et 36 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier ont accentué l'orientation de l'investissement immobilier outre-mer en direction du logement locatif intermédiaire.

L'article 32 a prolongé, en la restreignant, la réduction d'impôt de 50% dont bénéficiaient les personnes physiques pour investissement dans le secteur du logement dans les DOM-TOM de 1993 à 1996, avec une condition de location de cinq ans.

Il a prévu l'institution, au titre des années 1996 à 2001, d'une réduction d'impôt de 50% pour les acquisitions ou constructions de logements neufs à usage locatif ou les souscriptions de capital de sociétés ayant cet objet lorsqu'existe un engagement de location pour six ans dans le secteur locatif intermédiaire.

L'article 36 a étendu le dispositif de déduction des investissements réalisés par les entreprises, aux acquisitions ou aux constructions de logements dans le secteur locatif intermédiaire, ainsi qu'aux souscriptions au capital de sociétés dont l'objet est de construire ou d'acquérir de tels logements.

Cette mesure, réservée aux entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés, concerne les investissements réalisés à compter du 1er avril 1996.

Le bilan de la dixième législature (1993-1997) est donc aisé à faire : la " loi Pons " a été réorientée dans le sens de l'optimisation fiscale pour les contribuables fortement imposés à l'impôt sur le revenu. Alors que même les rapports présentés à l'initiative de l'ancienne majorité concluaient à sa révision, les gouvernements issus de cette majorité n'ont pris, depuis 1994, que des mesures très marginales allant davantage dans le sens de l'extension que de l'encadrement du dispositif fiscal d'incitation à l'investissement outre-mer.

IV.- LES ACTIONS CORRECTRICES DE LA LOI DE FINANCES

POUR 1998

La dissolution de l'Assemblée nationale et l'élection d'une majorité nouvelle en juin 1997 relançaient la réflexion sur le dossier de la loi de défiscalisation en ce qu'elle apparaissait comme un des symboles de la politique inégalitaire menée précédemment.

Le Gouvernement a décidé, à l'été 1997, en partie devant la nécessité d'augmenter les recettes de l'Etat pour redresser les finances publiques, d'ajourner la réforme de l'impôt sur le revenu engagée par le précédent gouvernement. En même temps, la mise à contribution des grandes sociétés traduisait la volonté de faire peser sur les entreprises disposant de moyens, plutôt que sur les ménages, le nécessaire effort de redressement.

La question de la loi de défiscalisation était donc à nouveau posée par une majorité plus attachée que la précédente à la progressivité de l'impôt sur le revenu et à l'impératif de justice fiscale.

En même temps, certaines situations locales avaient mis en évidence la légèreté de quelques responsables économiques dans tel ou tel département d'outre-mer. Ainsi, les difficultés financières du Crédit martiniquais, patentes depuis février 1996, n'avaient pas encore reçu de solution au début de l'été 1997, les principaux actionnaires de cet établissement bancaire refusant de contribuer à son sauvetage. Ce n'est qu'au début du mois de septembre 1997 que les actionnaires de COFIDOM, société holding qui contrôle 76% du Crédit martiniquais, ont accepté de participer au redressement de cette banque, à hauteur de 60 millions de francs.

Dans ce contexte, les mesures correctrices de la loi de finances pour 1998 constituent la première véritable amélioration du dispositif de défiscalisation depuis 1992. Il en a déjà été question au I du présent chapitre (en annexe du rapport) et leurs effets sont analysés au chapitre II. On n'en détaillera donc pas ici la portée, mais votre Rapporteur général tient à réaffirmer, alors que le régime d'aide à l'investissement outre-mer n'a pas encore trouvé son équilibre, que ces mesures ont été globalement bonnes, car elles tendaient à limiter une dérive manifeste au regard du principe d'équité fiscale et d'un rapport coût-efficacité acceptable.

Pour autant, elles n'ont pas clos le chantier de la nécessaire réforme de la " loi Pons ". Les propositions qui figurent au dernier chapitre du présent rapport cherchent à donner au dispositif d'incitation fiscale à l'investissement outre-mer l'équilibre qui lui a manqué jusqu'à présent : contribuer au développement économique outre-mer en limitant les atteintes à la justice fiscale.

CHAPITRE II

DES MONTAGES VARIÉS D'OPTIMISATION FISCALE

La " loi Pons " organise donc, fondamentalement, pour les contribuables fortement imposés à l'impôt sur le revenu, la possibilité d'éluder tout ou partie de cet impôt. Son effet maximal, dans le régime de déduction de la base imposable, qui est le plus répandu, porte sur les produits taxés aux tranches les plus élevées du barème.

Le chapitre premier du présent rapport a souligné la prédominance, parmi les utilisateurs des dispositifs de défiscalisation, des investisseurs passibles de l'impôt sur le revenu, avec 16 milliards de francs d'investissements de 1992 à 1996 sur un total de 18,26 milliards de francs agréés. Il est également évident que le choix du montage BIC-exploitant avec mandat de gestion (" double-shot ") ou du montage locatif (" one shot ") est en corrélation certaine avec, d'une part, le secteur économique où s'opère l'investissement et, d'autre part, la collectivité où il est réalisé, compte tenu du régime fiscal qui la régit.

La question des montages de " loi Pons ", et donc de leur rentabilité, ne semble avoir, jusqu'à présent, intéressé que les praticiens du système. Pourtant, la défiscalisation n'aurait pas eu un tel succès si elle n'avait pas présenté une rentabilité certaine, aussi bien pour l'investisseur métropolitain que pour l'utilisateur de l'immobilisation.

I.- UNE VÉRITÉ DIFFICILE À APPROCHER

Dans sa quête des montages de défiscalisation, votre Rapporteur général a obtenu douze dossiers transmis par des professionnels et représentatifs des hypothèses les plus répandues d'utilisation de la " loi Pons " en impôt sur le revenu (schémas BIC-exploitant, BIC-exploitant/énergies nouvelles, locatifs et de crédit-bail). Certains montages correspondent à des situations réelles, d'autres sont des constructions théoriques mais réalistes. Enfin, sept dossiers précis ont été consultés à la direction générale des impôts. Les schémas reproduits ci-après ont pour origine, exclusivement, les dossiers transmis par les professionnels.

A.- LA GRANDE DISCRÉTION DES RAPPORTS D'AUDIT

Les deux rapports des cabinets DME et Arthur Andersen sont d'une discrétion rare sur la nature des montages et le rendement des financements en " loi Pons ". DME passe sous silence cet aspect de la défiscalisation et Arthur Andersen International, cabinet d'audit pourtant réputé pour ses compétences en matière d'analyse financière, se contente de présenter trois catégories d'opérations, qui correspondraient à une succession chronologique des montages de " loi Pons ", ce qui n'est pas le cas. L'intérêt des opérations pour l'investisseur métropolitain et l'opérateur domien est " analysé " par des tableaux arithmétiques simples qui ne retracent pas la valeur actualisée des flux financiers. Votre Rapporteur général a donc tenté d'apprécier, même succinctement, les caractéristiques comptables et fiscales des montages de défiscalisation, comme les présentent d'ailleurs certaines plaquettes publicitaires qu'il a été possible de se procurer.

B.- IL NE S'AGIT PAS D'INVESTIR OUTRE-MER, MAIS DE PAYER MOINS D'IMPÔT

Les montages de défiscalisation sont très astucieusement agencés dans le sens de l'optimisation fiscale et l'" investisseur " métropolitain apprécie, non pas, comme c'est le cas dans le cadre d'un investissement normal, la rentabilité prévisionnelle du capital immobilisé, mais le gain en impôt attendu. Dans certaines situations même, cet " investisseur " ne décaisse pas, en fait, un seul centime outre-mer : l'ensemble de l'opération est financé par des emprunts bancaires. La banque ne court évidemment aucun risque à prêter à un emprunteur dont les revenus, au moins l'année de la défiscalisation, ont été élevés, et pour lequel l'avantage fiscal obtenu en année n + 1 constitue, de fait, un revenu significatif. Il est donc indispensable que " l'investisseur ", au sens juridique, ait une capacité fiscale, qu'il puisse souscrire au moyen d'un emprunt une part de société de personnes d'un montant égal, peu ou prou, à la part de ses revenus dont il prévoit la taxation à la plus forte tranche de l'impôt sur le revenu.

Les plaquettes publicitaires proposées à ces investisseurs si atypiques insistent d'ailleurs fortement sur le gain fiscal attendu, qui constitue, presque exclusivement, le retour sur " investissement " du contribuable métropolitain. Ces plaquettes retiennent un taux applicable à la base défiscalisable de 52% à 54%, ce qui illustre bien le fait que les montages de " loi Pons " ne peuvent intéresser que de très importants contribuables.

En effet, l'équilibre des montages est mis en cause lorsque le taux moyen applicable aux revenus taxables est inférieur à 50% (10).

Il peut donc arriver que la totalité du financement soit d'origine bancaire : il existe alors un gain net sans décaissement dès la première année d'exploitation du bien. Cette situation se rencontre plus souvent dans les montages de double défiscalisation, qui étaient d'autant plus performants, avant l'intervention de la loi de finances pour 1998, que le déficit généré était élevé. Dans ce cadre, les charges financières résultant de l'emprunt du capital investi venaient opportunément augmenter le déficit d'exploitation, imputable sur le revenu imposable.

Dans les montages locatifs de simple défiscalisation, la détermination du montant de l'emprunt est affinée, parce que, globalement, les charges, auxquelles concourent les frais financiers, doivent compenser pour l'investisseur les revenus locatifs, afin d'aboutir à un résultat d'exploitation nul. Le montant des frais financiers, donc de l'emprunt, est, dans la mesure du possible, ajusté à celui des loyers, compte tenu des autres charges imputables.

Enfin, il est frappant que les conséquences comptables et fiscales de la revente du bien à l'opérateur d'outre-mer après cinq ans ne semblent pratiquement intéresser ni les monteurs en " loi Pons " ni les " investisseurs ". D'une manière générale, les plus-values peuvent être exonérées, mais le régime fiscal est différent selon que le bien ou les parts de société de personnes sont vendus ou non. Quant à l'éventuelle réalisation d'une moins-value à court terme à l'issue des cinq ans, un professionnel bien établi à Paris a pu qualifier cette perspective de " cerise sur le gâteau " (sic), c'est-à-dire l'obtention d'un avantage fiscal sinon inespéré, du moins inattendu et imprévu. Selon lui, cette question relève des " zones grises de la " loi Pons " (sic) pour lesquelles la solution juridique n'est pas certaine. Il a estimé qu'en tout état de cause, l'" investisseur " métropolitain en " loi Pons " est fréquemment un contribuable âgé et/ou dont les revenus peuvent être irréguliers : ce qui compte pour lui, c'est l'avantage fiscal rapide, dans la sécurité et peu lui importe une moins-value imputable sur son revenu, cinq ans après le début de l'opération.

Du côté de l'administration fiscale, la question de la réalisation d'une plus-value ou d'une moins-value, fiscalement imputable ou non, par les investisseurs, lors de la revente du bien, n'est pas posée a priori et ne retient pas l'attention lors de l'examen des demandes d'agrément ou d'autorisation préalable.

En effet, cet élément n'est pas pris en compte pour la délivrance de l'agrément. L'administration fiscale, lorsqu'elle cherche à évaluer la répartition de l'avantage en impôt entre les investisseurs et les opérateurs outre-mer ne prend pas non plus cet élément en considération. Elle raisonne, en employant des méthodes mathématiques très proches de celles utilisées pour l'analyse des schémas exposés ci-après, sur le partage du seul avantage fiscal résultant de la déduction.

Dans presque tous les cas, les montages font intervenir une ou plusieurs structures interposées. Dans un montage BIC-exploitant avec mandat de gestion, la situation peut être schématisée ainsi :

EXEMPLE DE MONTAGE EXPLOITANT

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Contribuable X

Contribuable Y

Contribuable Z

Contribuable ZZ

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Investissement

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Société en nom collectif ou

Société en participation

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Propriétaire

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Mise à disposi-tion par mandat de gestion

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SARL ou EURL

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Opérateur outre-mer

L'opérateur d'outre-mer gère l'investissement et le rachète, après le délai d'au moins cinq ans, à un prix convenu à l'avance. L'investisseur est, sur le plan juridique, propriétaire exploitant du bien, sur le plan économique, il supporte les conséquences positives (bénéfices) et négatives (pertes) de cette exploitation.

Des mécanismes peuvent être mis en place, pour prévoir, éventuellement :

- la garantie d'un résultat d'exploitation minimal ;

- la garantie de rachat à l'issue des cinq ans, à un prix convenu initialement ;

- la garantie de non recours de la banque prêteuse en cas de défaillance.

L'interposition d'une structure limitant la responsabilité de l'investisseur (SARL fiscalement transparente, ayant opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes, EURL) est présente dans certains montages.

Dans les montages locatifs, l'investissement est loué, dès le début de l'exploitation, à l'opérateur d'outre-mer. Souvent, les charges de loyers correspondent, comme dans un mécanisme de crédit-bail, au règlement de la valeur de l'investissement à la structure transparente propriétaire par l'opérateur destiné à le devenir. A l'issue des cinq ans, selon les termes prévus par la convention liant cette structure à l'opérateur, le bien doit être cédé pour une valeur résiduelle, qui peut être très faible, à l'opérateur.

EXEMPLE DE MONTAGE LOCATIF

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Contribuable X

Contribuable Y

Contribuable Z

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Propriétaire

graphique
Société en nom collectif ou

Société en participation

graphique
Investissement

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graphique

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Location

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graphique
EURL

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Société utilisatrice

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SARL

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Dans ce schéma, comme précédemment indiqué, l'investisseur est particulièrement sécurisé, puisque son intérêt réside dans l'avantage fiscal obtenu dès la deuxième année, alors qu'il n'est absolument pas impliqué dans les aléas positifs ou négatifs de la gestion. Ces montages sont les plus répandus, pour les investissements les moins importants, hors des secteurs hôteliers, de la navigation de plaisance ou des énergies nouvelles.

C.- LES ZONES D'OMBRE DES MONTAGES

Les exemples suivants ne prétendent pas, alors que les professionnels et les services fiscaux eux-mêmes manifestent quelquefois davantage de doutes que de certitudes pour la qualification de certaines opérations, à la perfection ni à l'exhaustivité. Ils se proposent cependant d'approcher la vérité des schémas d'investissement en " loi Pons ". Il est important de rappeler que, dans les montages de défiscalisation :

- la réalisation de plus-values ou de moins-values lors de la cession du bien n'a pas des conséquences fiscales toujours certaines, ni même déterminées a priori (11) ;

- l'agrément fiscal est non seulement admis mais recherché par les opérateurs : il est un argument de commercialisation des parts de société de personnes auprès des contribuables et il implique également que la direction générale des impôts accepte les données présentées dans le dossier de demande d'agrément ;

- les commissions réelles des intermédiaires, le caractère réaliste des " frais d'approche ", c'est-à-dire des surcoûts liés à l'isolement géographique des territoires concernés, et des facturations constituent des zones d'ombres difficiles à dissiper.

II.- DES EXEMPLES DE " MONTAGES EXPLOITANTS "

Le premier type d'investissements en " loi Pons " est celui où l'investisseur métropolitain est juridiquement et économiquement le propriétaire-exploitant, l'investissement étant mis à disposition de l'opérateur local par mandat de gestion.

Ce type de montage a pour caractéristique essentielle le cumul :

- de la déduction initiale du montant de l'investissement de la base imposable, qui résulte de la " loi Pons " ;

- avec les déficits d'exploitation du bien qui sont le fait, d'une part de sa faible rentabilité, et d'autre part, surtout, de la dotation annuelle au compte d'amortissement.

A.- UN EXEMPLE D'INVESTISSEMENT HÔTELIER
RENTABLE AUX ANTILLES

Un premier exemple concerne le cas réel d'un investissement hôtelier aux Antilles, réalisé en 1995 et dont les prévisions d'exploitation et de rentabilité sont résumées dans le tableau n° 1 ci-après, sur la base d'un taux de remplissage à 66% (12). Il est à noter que, dans le cas indiqué, le groupe hôtelier exploitant a financé directement près du tiers de l'investissement, ce qui a facilité la commercialisation de l'opération auprès des contribuables démarchés pour participer à la société en nom collectif qui a assuré le financement du reste de l'investissement.

Les principales hypothèses sont les suivantes :

Chambre meublée H.T.

686.229

F

Frais.

122.656

F

Chambre H.T. + frais = investissement TTC

808.885

F

Emprunt

808.885

F

Taux de l'emprunt

7,5 %

 

Durée

6 ans

 

Rémunération trésorerie

5 %

 

Hypothèse de remplissage

66 %

 

Investissements

   

Immobilier 15 ans

627.803

F

Mobilier 5 ans

58.426

F

Base défiscalisable

686.229

F

Valeur de rachat après 5 ans

308.803

(45%)

F

Frais de notaire : 5 %

37.428,33

F

Frais de montage : 10 %

74.856,67

F

Frais liés à l'investissement

112.285

F

TVA récupérable : 9,5 %

11.000

F

Taux de taxation impôt sur le revenu

56,8 %

 

On constate que, si la base déductible est le prix de revient hors taxes de l'investissement, les frais de gestion au sens large (notaire et intermédiation) ont pour effet de porter, avec l'amortissement partiel sur 1995, le déficit dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, la première année, à 809.181 francs, ce qui génère un avantage fiscal de 459.615 francs l'année suivante.

En même temps, l'" investisseur " n'a eu à supporter aucun décaissement, puisque la fraction de l'emprunt contracté par la SNC qui correspond à sa part couvre la totalité du financement nécessité par la mise en service du bien.

Chaque année, le résultat comptable et fiscal négatif, du fait essentiellement de l'amortissement dégressif sur 15 ans de l'immeuble et sur 5 ans des meubles ainsi que des frais financiers, génère des économies d'impôt.

Enfin, la quote-part de la vente de l'hôtel, qui se monte à 308.803 francs, est réputée, dans le tableau proposé, générer un produit net puisque, en matière de plus-values professionnelles, les articles 151 septies et 238 bis K du code général des impôts prévoient que sont exonérés les contribuables dont les recettes n'excèdent pas le double de la limite du forfait (soit 1.000.000 francs). La plus-value, à court terme dans la limite de l'amortissement déduit, n'est donc pas censée être imposée.

Ce point n'est cependant pas corroboré par la direction générale des impôts, puisque le régime fiscal de la vente de l'investissement est susceptible de faire l'objet de traitements très différents.

Si les parts de société de personnes sont vendues, l'investisseur se place dans le champ de l'article 92 K du code général des impôts ; les plus-values et les moins-values sont donc taxables au taux de 16%, le prélèvement effectif s'élevant à 26% du fait des contributions additionnelles. En cas de réalisation de moins-values, l'intérêt fiscal est limité, puisque celles-ci ne peuvent être imputées que sur des plus-values de même nature.

Si la cession concerne des parts de la copropriété de l'hôtel, le seuil de 1 million de francs peut être apprécié au niveau de la part de copropriété, lorsque la structure de défiscalisation est une société en participation (SEP). Par contre, selon l'interprétation administrative, cette solution ne s'applique pas dans le cas des copropriétés de navire.

Au total, selon le schéma proposé, le contribuable aura réalisé :

- une économie d'impôt de 810.234 francs pour un investissement hors taxes de 686.229 francs, sans aucun décaissement (13) ;

- en trésorerie, compte tenu des charges liées notamment au remboursement et aux intérêts d'emprunt, le gain net est de 172.095 francs, mais inégalement répartis dans le temps.

Pour l'opérateur hôtelier, l'acquisition de l'investissement en 2001 est opérée à 45% de la valeur de l'hôtel.

On constate donc clairement l'effet du mécanisme de double défiscalisation. L'économie d'impôt s'élève à 810.234 francs, dont 389.778 francs au titre de la déduction initiale et 420.456 francs du fait des déficits résultant principalement de l'imputation des amortissements.

On observe également que les frais de montage (10%) et les frais de gestion annuels (0,14%) sont " raisonnables " dans l'exemple proposé.

S'agissant de la rentabilité de l'hôtel, l'hypothèse (optimiste) d'une occupation moyenne à 66% sur les cinq ans fait ressortir un excédent brut d'exploitation (EBE) croissant, de 3,6% dès la première année à 6,37% la sixième année. Si l'on considère que le ratio normal, admis par la profession hôtelière, est que la valeur de l'établissement représente huit à douze fois l'EBE annuel, la prévision d'exploitation repose sur l'hypothèse que l'établissement sera rentable (14).

La valeur actuelle des flux financiers peut être estimée afin de calculer le montant actualisé des économies d'impôt (l'avantage fiscal total), celui des soldes de trésorerie (le gain de l'" investisseur ") et celui de l'opérateur hôtelier antillais.

graphique

Tableau n° 1

INVESTISSEMENT HÔTELIER AUX ANTILLES

(en francs)

Hypothèse normale

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

CUMULÉ

PRODUITS

                 

E.B.E.

0

24.672

33.631

35.207

40.625

42.978

43.703

 

220.816

(Rapport EBE/invest.)

0

3,60 %

4,90 %

5,13 %

5,92 %

6,26 %

6,37 %

   

CHARGES

                 

Frais de gestion

112.285

1.000

1.000

1.000

1.000

1.000

1.000

 

118.285

Intérêt des prêts

0

80.385

73.556

65.989

57.605

48.315

38.022

 

363.872

Amortissements meubles

1.948

22.591

13.555

10.166

10.166

     

58.426

Amortissements hors meubles

8.719

103.181

85.984

71.653

59.711

49.759

41.466

 

420.473

Total charges

122.952

207.157

174.095

148.808

128.482

99.074

80.488

0

961.056

Résultat comptable BIC

-122.952

-182.485

-140.464

-113.601

-87.857

-56.096

-36.785

 

-740.240

Déduction de l'investissement

-686.229

             

-686.229

Résultat fiscal

-809.181

-182.485

-140.464

-113.601

-87.857

-56.096

-36.785

 

-1.426.469

Economie d'impôt

0

459.615

103.651

79.784

64.525

49.903

31.863

20.894

810.234

RECETTES

                 

Imputation déficits BIC + déduction

0

459.615

103.651

79.784

64.525

49.903

31.863

20.894

810.234

Remboursement TVA

11.000

             

11.000

EBE hôtel

0

24.672

33.631

35.207

40.625

42.978

43.703

 

220.816

Vente hôtel

           

308.803

 

308.803

Total recettes

11.000

484.287

137.282

114.991

105.150

92.881

384.369

20.894

1.350.853

DÉPENSES

                 

Remboursement emprunt

 

63.232

70.061

77.628

86.012

95.302

416.651

 

808.886

Frais financiers

 

80.385

73.556

65.989

57.605

48.315

38.022

 

363.872

Frais divers gestion

 

1.000

1.000

1.000

1.000

1.000

1.000

 

6.000

Total dépenses

0

144.617

144.617

144.617

144.617

144.617

455.673

 

1.178.758

Solde trésorerie

11.000

339.670

-7.335

-29.626

-39.467

-51.736

-71.304

20.894

172.095

Trésorerie cumulée

11.000

350.670

343.335

313.709

274.242

222.506

151.201

172.095

 

La valeur actuelle nette (en 1995) des économies d'impôt, en retenant un taux d'actualisation de 6%, est de 676.975 francs (15). La valeur actuelle nette (1995) des soldes de trésorerie, pour l'investisseur, est de 182.781 francs. Enfin, le coût pour l'hôtelier est de 308.803 francs, soit 45% de la valeur initiale de l'hôtel, ce qui correspond à 205.372 francs en valeur actuelle. Il n'est pas possible pour autant d'évaluer l'avantage de l'opérateur hôtelier domien à 686.229 francs - 205.372 francs = 480.857 francs, car il achète un bien usagé, dont la valeur est certainement supérieure à la valeur nette comptable de 207.330 francs, mais inférieure à la valeur neuve de 686.229 francs. De son point de vue, il a pu réaliser, grâce à la " loi Pons ", un investissement qui aurait été hors de ses moyens, en décaissant 45% de sa valeur neuve. Du point de vue de l'investisseur, le gain net, sans décaissement, est en valeur actuelle (1995) de 182.781 francs. Il y a donc partage du gâteau fiscal de 676.975 francs, à raison de 182.781 francs pour l'investisseur, un montant difficile à évaluer pour l'opérateur domien de l'ordre de 300.000 à 400.000 francs, le reste étant prélevé par les intermédiaires (frais de montage et de gestion).

B.- UN EXEMPLE D'INVESTISSEMENT HÔTELIER À FAIBLE RENTABILITÉ

Un autre exemple, celui-ci présenté comme théorique, fait apparaître l'équilibre précaire de certains investissements hôteliers, compte tenu de leur faible rentabilité.

Il repose sur les hypothèses suivantes :

Investissement

1.250.000

Taux de l'emprunt

7,50%

Durée

7 ans

Rémunération trésorerie

4%

Investissements :

 

Immobilier 80%

800.000

Mobilier 18%

180.000

Vaisselle 2%

20.000

Base défiscalisable

1.000.000

Frais de notaire 2,5%

25.000

Frais d'hypothèque 2%

20.000

Frais de préouverture 7%

70.000

Frais liés à l'investissement

115.000

TVA récupérable 9,5%

105.925

Total TTC

1.220.925

Fonds de roulement 1%

12.209

Coût souscription + trésorerie 1,5%

17.880

Total à financer

1.251.015

Taux de taxation à l'impôt sur le revenu

54%

On constate que les commissions d'intermédiaire n'apparaissent pas, au cas particulier, alors qu'il en existe très probablement. Le total de l'avantage fiscal résultant du montage est de 1.182.881 francs, dont 540.000 francs de déduction dans le cadre de la " loi Pons " et 642.881 francs par imputation des déficits BIC sur le revenu imposable. La valeur actuelle (1997) de l'avantage fiscal, au taux d'actualisation de 7,5%, est de 1.005.888 francs. La trésorerie cumulée pour l'investisseur fait ressortir un gain total de 196.322 francs, soit 192.456 francs en valeur actuelle. L'exploitant achète la part 450.000 francs, pour une valeur initiale de 1 million de francs, soit 252.316 francs en valeur actuelle.

Comme dans le cas précédent, on ne peut considérer que son avantage est dans l'écart du décaissement avec la valeur initiale puisque, la valeur après sept années d'utilisation de l'hôtel n'est plus de 1 million de francs mais, au plan comptable, de 223.390 francs.

graphique

Tableau n° 2

INVESTISSEMENT HÔTELIER THÉORIQUE À FAIBLE RENTABILITÉ

(en francs)

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

Sommes

PRODUITS

                 

E.B.E.

0

0

10.000

12.000

14.000

15.000

17.000

20.000

88.000

(Rapport EBE/invest.)

0

0

1,00%

1,20%

1,40%

1,50%

1,70%

2,00%

 

CHARGES

                 

Frais financiers

 

88.965

78.010

66.205

53.483

39.774

25.001

9.080

360.519

Amortissements

 

215.333

164.311

118.513

96.600

83.740

53.584

44.653

776.734

Divers autres

115.000

10.000

10.000

10.000

53.483

10.000

10.000

10.000

185.000

Total charges

115.000

314.298

252.321

194.718

160.083

133.514

88.585

63.733

1.322.253

RECETTES

                 

Emprunt

1.250.000

             

1.250.000

Emprunt restant à rembourser

1.250.000

1.108.891

956.827

792.958

616.367

426.067

220.994

0

 

Gain fiscal déduction

 

540.000

           

540.000

Imputation déficits BIC

 

62.100

169.721

130.853

98.668

78.885

63.998

38.656

642.881

Remboursement TVA

 

105.925

           

105.925

EBE hôtel

   

10.000

12.000

14.000

15.000

17.000

20.000

88.000

Solde trésorerie 4 %

 

- 41

18.676

16.263

12.375

7.278

1.431

-4.932

51.050

Vente hôtel

             

450.000

450.000

Total recettes

1.250.000

707.984

198.397

159.116

125.043

101.163

82.429

503.724

3.127.856

DÉPENSES

                 

Investissement

1.251.015

             

1.251.015

Remboursement emprunt

 

141.109

152.064

163.869

176.591

190.300

205.073

220.994

1.250.000

Frais financiers

0

88.965

78.010

66.205

53.483

39.774

25.001

9.080

360.519

Frais divers gestion

 

10.000

10.000

10.000

10.000

10.000

10.000

10.000

70.000

Total dépenses

1.251.015

240.074

240.074

240.074

240.074

240.074

240.074

240.074

2.931.534

Solde trésorerie

-1.015

467.910

-41.677

-80.958

-115.031

-138.911

-157.645

263.650

196.322

Trésorerie cumulée

-1.015

466.896

425.218

344.260

229.229

90.318

-67.328

196.322

 

Cependant le mode de financement par double défiscalisation présente un intérêt tout particulier, dans l'exemple proposé, du fait de la très médiocre rentabilité de l'hôtel. Le résultat brut d'exploitation n'est que faiblement positif à l'issue d'un an d'exploitation et l'excédent n'atteint que 2% à la septième année. Les montages de double défiscalisation, surtout lorsque l'investissement est entièrement financé par emprunt, sont des machines à générer des déficits. Peu importe la rentabilité du projet, puisque l'avantage fiscal est tellement puissant qu'il permet à l'investisseur un gain net non négligeable (192.456 francs) sans aucun décaissement. Il est impossible, dans le cadre de cet exemple comme pour le précédent, de calculer le taux de rentabilité interne de l'investissement : en l'absence de décaissement, il apparaît un gain net, car en l'absence de base, le taux de rentabilité interne peut s'élever à plusieurs dizaines de milliers de %.

C.- LES EFFETS DE LA LOI DE FINANCES POUR 1998

La " tunnelisation " a sensiblement limité l'intérêt des montages de double défiscalisation en empêchant la remontée des déficits non professionnels sur le revenu imposable.

Dans le premier exemple, le gain fiscal serait ramené à 389.778 francs (346.901 francs en valeur actuelle nette) au lieu de 810.234 francs (676.975 francs en valeur actuelle nette).

La valeur actuelle nette des flux de trésorerie pour l'investisseur deviendrait négative (-147.293 francs au lieu de +182.781 francs). Cette évaluation ne prend pas en compte l'éventualité d'une imputation des moins-values générées par la vente de l'investissement à l'opérateur domien.

En effet, la limitation de la remontée des déficits BIC a pour effet immédiat de diminuer le montant des amortissements effectivement inscrits en comptabilité, dans la limite des excédents d'exploitation diminués des autres charges, sous réserve de l'inscription de l'amortissement minimal (amortissement linéaire). En conséquence, la valeur nette comptable de l'immobilisation est plus élevée qu'en cas de double défiscalisation, et une moins-value peut être dégagée par la cession du bien. Pour autant, le traitement fiscal de cette moins-value est inégal selon la nature de la cession opérée. En cas de cession du bien lui-même (de parts de l'hôtel), la moins-value à court terme peut s'imputer sur le revenu de l'investisseur, mais l'opérateur sera soumis aux droits d'enregistrement, à un taux proche de 20% (droit départemental de 15,40%, auquel s'ajoutent la taxe communale de 1,20%, la taxe régionale de 1,60%, et le prélèvement pour frais d'assiette de 2,50% du droit départemental).

En cas de cession des parts de société de personnes, le régime fiscal est d'une grande complexité.

En effet, la législation ne prévoit aucune disposition spécifique concernant la détermination de la valeur des parts de sociétés de personnes en cas de cession. Les difficultés rencontrées à l'occasion de ces opérations n'ont été réglées qu'imparfaitement, jusqu'à aujourd'hui, par la jurisprudence.

Dans le deuxième exemple proposé (tableau n° 2), compte tenu de la faible rentabilité de cet investissement, l'effet de la " tunnelisation " serait encore plus élevé. L'avantage fiscal (en valeur actuelle nette) serait ramené de 1.005.888 francs à 502.326 francs et le solde de trésorerie pour l'investisseur de 192.456 francs à -252.316 francs. L'investissement ne serait donc plus " rentable " pour le contribuable défiscaliseur du seul fait de la modification des données fiscales.

III.- DES EXEMPLES DE " MONTAGES EXPLOITANTS " DANS LE SECTEUR DES ÉNERGIES NOUVELLES

Le secteur des énergies nouvelles représente une part non négligeable des investissements opérés dans le cadre de la " loi Pons " (7,63% des montants agréés ou autorisés de 1992 à 1997).

Les " montages exploitants " (BIC-exploitant avec mandat de gestion) dominent, car les effets de la double défiscalisation sont accentués par l'application, spécifique à ce secteur, de l'amortissement exceptionnel sur douze mois des matériels destinés à économiser l'énergie, prévu par l'article 39 AB du code général des impôts (16).

A.- LES CENTRALES PHOTO-VOLTAÏQUES

Le tableau ci-après (tableau n° 3) retrace un investissement en mini-centrales photovoltaïques aux Antilles. Le montage fait intervenir des investisseurs métropolitains propriétaires de centrales, mises à disposition d'un industriel opérateur local qui les acquiert à l'issue des cinq ans d'exploitation prévus par la loi. On constate la très grande faiblesse de la rentabilité de cet investissement, avec un excédent brut d'exploitation annuel de 2.425 francs pour 260.000 francs investis, soit un ratio EBE/investissement inférieur à 1%.

Dès la deuxième année, le gain fiscal consécutif à la déduction s'élève à 112.320 francs et la troisième année l'imputation de la totalité des amortissements (le bien est totalement amorti, à hauteur de son prix de revient de 260.000 francs, sur 12 mois) offre un avantage fiscal de 140.400 francs de réduction d'impôt. La valeur actuelle nette de l'avantage fiscal total est de 215.258 francs, celle des flux de trésorerie de 51.401 francs. L'industriel achète le bien 87.000 francs, soit le tiers de sa valeur d'origine, sachant que, comme pour les investissements dans l'hôtellerie, la valeur d'occasion de ce bien, après cinq ans d'utilisation, est inférieure à 260.000 francs, et que l'amortissement a été totalement opéré.

B.- LES CENTRALES ÉOLIENNES

Un autre exemple est celui des éoliennes implantées aux Antilles et en Polynésie. Les tableaux n° 4 " compte de résultat " et n° 5 " bilan pour les investisseurs " corroborent les éléments du tableau n° 3 qui résume les données essentielles d'un investissement de centrales photo-voltaïques, pour les investissements en centrales éoliennes.

graphique

Tableau n° 3

INVESTISSEMENT EN CENTRALES PHOTO-VOLTAÏQUES

(en francs)

Données de l'investissement

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Total

Investissement

284.700

RÉSULTATS D'EXPLOITATION

               

Taux de l'emprunt

6,5%

Excédent brut d'exploitation (EBE)


0


2.425


2.425


2.425


2.425


2.425

 


12.125

Durée

5 ans

Frais financiers

0

-2.275

-2.275

-2.275

-2.275

-2.275

 

-11.375

Rémunération trésorerie

0

Amortissements

 

-260.00 0

         

-260.000

Base défiscalisable

208.000

Divers

 

-150

-150

-150

-150

-150

 

-750

Prix de deux centrales

260.000

Résultat comptable et fiscal

0

-260.00 0

0

0

0

0

 

-260.000

TVA récupérable

24.700

TRÉSORERIE

               
   

Emprunt

35.000

         

-35.000

0

Financement

284.700

Dépôt de garantie utilisateurs

4.000

         

-4.000

0

Apport fonds propres

173.000

Dépôt de garantie industriel

48.000

         

-48.000

0

TVA

24.700

Gain IR de la déduction

 

112.320

         

112.320

Emprunt

35.000

Gain IR de l'imputation des déficits BIC

   


140.400

       


140.400

Dépôt de garantie d'utilisateurs

4.000

Remboursement TVA

 

24.700

         

24.700

Dépôt de garantie industriel

48.000

EBE

0

2.425

2.425

2.425

2.425

2.425

 

12.125

   

Vente des centrales

           

87.000

87.000

Taux d'impôt sur le revenu

54%

Investissement

-284.700

           

-284.700

   

Frais financiers

0

-2.275

-2.275

-2.275

-2.275

-2.275

 

-11.375

Ratios

 

Divers

 

-150

-150

-150

-150

-150

 

-750

VAN Flux de trésorerie 6,5%

51.401

Trésorerie

-197.700

137.020

140.400

0

0

0

0

79.720

VAN FP/invest HT

29,71%

Gain fiscal

0

112.320

140.400

0

0

0

0

252.720

VAB FO.invest TTC

26,00%

                 

VAN/invest TTC

18,05%

                 

TRI trésorerie

25,77%

                 

VAN gain fiscal 6,5%

215.258

                 

graphique

Tableau n° 4

CENTRALE ÉOLIENNE DE GUADELOUPE - COMPTE DE RÉSULTAT PRÉVISIONNEL

(en francs)

 

1998

1999

2000

2001

2002

2003

TOTAL

PRODUITS

             

Ventes d'électricité

312.000

1.900.080

1.928.581

1.957.510

1.986.873

2.016.676

10.101.719

Subvention

0

0

0

0

0

0

0

Total

312.000

1.900.080

1.928.581

1.957.510

1.986.873

2.016.676

10.101.719

CHARGES

             

Frais financiers : portage de la TVA sur achat

 

91.913

       

91.913

Gestion technique et administrative

66.667

406.000

412.090

418.271

424.545

430.914

2.158.487

Assurances

32.500

197.925

200.894

203.907

206.966

210.070

1.052.262

Relation avec les investisseurs

 

101.500

103.023

104.568

106.136

107.728

522.955

Bail sur le terrain

15.000

30.450

30.907

31.370

31.841

32.319

171.887

Amortissements

4.625.000

23.312.500

1.078.125

808.594

606.445

454.834

30.885.498

Taxe professionnelle

1.674

40.747

41.358

41.979

42.608

43.248

211.614

Frais financiers sur prêt à 5 ans

 

221.135

221.135

221.135

221.135

221.135

1.105.675

Frais financiers sur prêt à 15 ans

 

455.000

455.000

455.000

431.666

406.816

2.203.483

Frais juridiques

150.000

         

150.000

Frais de mise en place + frais bancaires

2.745.000

         

2.745.000

Total

7.635.841

24.857.170

2.542.532

2.284.824

2.071.344

1.907.064

41.298.774

Résultat avant impôts

- 7.323.841

- 22.957.090

- 613.950

- 327.314

- 84.471

109.612

- 31.197.055

Déduction fiscale article 238 bis HA-I

- 32.250.000

         

- 32.250.000

Résultat fiscal

- 39.573.841

- 22.957.090

- 613.950

- 327.314

- 84.471

109.612

- 63.447.055

Avantage en impôt

21.369.874

12.396.828

331.533

176.750

45.614

- 59.190

34.261.410

graphique

Tableau n° 5

CENTRALE ÉOLIENNE DE GUADELOUPE - BILAN PRÉVISIONNEL POUR LES INVESTISSEURS
(2.400.000 parts)

(en francs)

 

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

DÉFICITS ET IMPÔTS

             

Résultat fiscal

- 39.572.192

- 22.956.133

- 613.925

- 327.301

- 84.468

109.607

 

Hypothèse de taux de l'impôt sur le revenu

54 %

54 %

54 %

54 %

54 %

54 %

 

Economie d'impôt

21.368.984

12.396.312

331.519

176.742

45.613

- 59.188

 

TRÉSORERIE

             

Apport en fonds propres

- 24.000.000

           

Economie d'impôt

 

21.368.984

12.396.312

331.519

176.742

45.613

- 59.188

Rachat des parts

         

1

 

Total

- 24.000.000

21.368.984

12.396.312

331.519

176.742

45.614

- 59.188

Gain net cumulé

 

- 2.631.016

9.765.296

10.096.815

10.273.557

10.319.171

10.259.983

Gain net cumulé/apport initial

 

- 10,96 %

40,69 %

42,07 %

42,81 %

43,00 %

42,75 %

Pour un projet d'investissement hors taxes de 32,25 millions de francs concernant une éolienne en Guadeloupe, financé à hauteur de 24 millions de francs par fonds propres et pour 10,95 millions de francs par emprunts (à l'investissement s'ajoutent différents frais financiers, juridiques et de mise en place), les ventes annuelles d'électricité représentent environ 2 millions de francs et le résultat d'exploitation n'est positif que la sixième année (2003). L'effet cumulé de la " loi Pons " et de l'amortissement exceptionnel sur douze mois permettent l'obtention d'un avantage fiscal de 33,76 millions de francs pour les quatorze premiers mois d'exploitation (deux mois en 1998 et douze mois en 1999). Cet avantage dépasse donc le montant de l'investissement.

C.- LES EFFETS DE LA LOI DE FINANCES POUR 1998

La " tunnelisation ", c'est-à-dire l'impossibilité d'imputer les déficits non professionnels constatés dans la catégorie des BIC sur le revenu global, a des effets encore plus importants dans le secteur des énergies nouvelles que dans celui de l'hôtellerie.

Dans le cas des mini-centrales photo-voltaïques, le tableau n° 6 prend en compte l'interdiction de l'imputation des déficits BIC sur le revenu global. La valeur actuelle nette des flux de trésorerie devient négative, ainsi que les ratios de rentabilité.

Dans le cas du projet de centrale éolienne en Guadeloupe, le promoteur a présenté un projet alternatif dont l'économie repose sur l'augmentation des emprunts contractés en contrepartie d'une diminution des fonds propres apportés par les investisseurs.

La part d'emprunt à long terme passerait ainsi de 4 millions de francs à 15 millions de francs, mais l'augmentation des frais financiers qui en résulterait rendrait impossible l'investissement précédemment envisagé.

Votre Rapporteur général a cependant été informé que, sur un dossier de financement de chauffe-eaux solaires, une solution avait pu être trouvée dans le cadre de la loi de finances pour 1998 : la rentabilité est moindre et toutes les marges ont été réduites, y compris celles des intermédiaires, mais le financement demeure possible.

graphique

Tableau n° 6

INVESTISSEMENT EN CENTRALES PHOTO-VOLTAÏQUES

(en francs)

Données de l'investissement

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Total

Investissement

284.700

RÉSULTATS D'EXPLOITATION

               

Taux de l'emprunt

6,5%

Excédent brut d'exploitation (EBE)


0


2.425


2.425


2.425


2.425


2.425

 


12.125

Durée

5 ans

Frais financiers

0

-2.275

-2.275

-2.275

-2.275

-2.275

 

-11.375

Rémunération trésorerie

0

Amortissements

 

- 260.000

         

-260.000

Base défiscalisable

208.000

Divers

 

-150

-150

-150

-150

-150

 

-750

Deux centrales

260.000

Résultat comptable et fiscal

0

-260.00 0

0

0

0

0

 

-260.000

TVA récupérable

24.700

TRÉSORERIE

               
   

Emprunt

35.000

         

-35.000

0

Financement

284.700

Dépôt de garantie utilisateurs

4.000

         

-4.000

0

Apport fonds propres

173.000

Dépôt de garantie industriel

48.000

         

-48.000

0

TVA

24.700

Gain IR de la déduction

 

112.320

         

112.320

Emprunt

35.000

Imputation déficit BIC

   

0

       

0

Dépôt de garantie d'utilisateurs

4.000

Remboursement TVA

 

24.700

         

24.700

Dépôt de garantie industriel

48.000

EBE

0

2.425

2.425

2.425

2.425

2.425

 

12.125

   

Vente de centrales

           

87.000

87.000

Taux d'impôt sur le revenu

54%

Investissement

-284.700

           

-284.700

   

Frais financiers

0

-2.275

-2.275

-2.275

-2.275

-2.275

 

-11.375

Ratios

 

Divers

 

-150

-150

-150

-150

-150

 

-750

VAN Flux de trésorerie 6,5%

-64.829

Trésorerie

-197.700

137.020

0

0

0

0

0

-60.680

VAN FP/invest HT

-37,47%

Gain fiscal

0

112.320

0

0

0

0

0

112.320

VAB FO.invest TTC

-32,79%

                 

VAN/invest TTC

-22,77%

                 

TRI trésorerie

-30,69%

                 

VAN gain fiscal 6,5%

99.028

                 

IV.- DES EXEMPLES DE MONTAGES LOCATIFS

Les montages de location du bien à l'exploitant par les investisseurs sont les plus répandus et ont été développés afin de mieux garantir la sécurité des financements, en évitant aux investisseurs d'être juridiquement responsables de l'exploitation et dépendant, par la captation des résultats, de sa bonne ou de sa mauvaise gestion. Les locations, consenties directement ou indirectement par des personnes physiques, sont contraintes, au plan fiscal, par l'article 31 de l'annexe II au code général des impôts, qui prévoit que, dans ce cas, le montant de l'amortissement ne peut excéder le montant du loyer perçu pendant l'exercice considéré diminué du montant des autres charges afférentes au bien donné en location. Pour cette raison, et pendant les cinq ans où les investisseurs sont propriétaires du bien, les loyers versés sont généralement calculés pour correspondre aux charges d'exploitation. Au terme de ce délai, l'utilisateur est appelé à acquérir le bien, le plus souvent pour un prix symbolique.

Des mécanismes de garantie peuvent s'ajouter, pour les parties, à ce dispositif : l'obligation (ou la faculté) de cession à l'utilisateur peut être mentionnée au contrat, le montant correspondant au prix de cession peut être consigné dès l'origine, la banque prêteuse peut s'engager à renoncer à poursuivre les investisseurs en cas de défaillance de l'utilisateur.

Ce montage sécurise donc, mieux que celui d'exploitation directe du bien par les investisseurs avec mandat de gestion, les contribuables investisseurs. Il présente l'avantage de concentrer l'avantage fiscal pour les investisseurs l'année qui suit l'investissement, par l'imputation de la déduction sur le revenu imposable de l'année précédente. Pendant les années qui suivent, les montants des loyers sont calculés pour égaliser les charges. Le résultat est nul, il ne dégage ni bénéfice, ni perte, d'où l'expression retenue dans le jargon de la défiscalisation pour désigner ce type de montage : " one shot " ou simple défiscalisation.

Du point de vue de l'exploitant domien, le montant des loyers est calculé en dessous de la valeur de l'investissement, ce qui lui permet de récupérer une fraction de l'avantage fiscal et justifie, au plan de l'intérêt en matière d'investissement outre-mer, la dépense fiscale engendrée par l'opération. Il doit donc dégager des capacités financières suffisantes pour assurer le paiement de ces loyers. Les montages locatifs ont le grand mérite de ne concerner que des investissements dont une rentabilité suffisante est attendue.

Du fait de la limitation de l'amortissement du bien, il est courant que la cession à l'utilisateur permette de constater une moins-value pour les investisseurs. Comme il a déjà été signalé, le traitement fiscal de cette moins-value, son imputation comme moins-value à court terme sur le revenu des investisseurs, n'obéit pas à des règles simples et claires. En tout état de cause, cet aspect du montage retient peu l'attention des investisseurs pour qui son intérêt résulte, presque exclusivement, de la possibilité d'imputer, dès la deuxième année, la base déductible sur le revenu imposable. En effet, selon plusieurs sources concordantes, les contribuables défiscaliseurs ne disposent généralement pas d'une " visibilité fiscale " leur permettant de prévoir quels seront leurs revenus à échéance de cinq ans. De ce fait, le traitement fiscal de la cession du bien ne les intéresse pas.

En dernier lieu, on peut observer que les montages locatifs de simple défiscalisation se prêtent à moins d'accidents ou de manipulations que les montages de double défiscalisation : l'investisseur n'a pas intérêt à un déficit excessif, puisque la rentabilité de l'investissement est déconnectée, pendant son exploitation, du montant du loyer. De même, l'opérateur domien n'a pas intérêt à ce que l'investissement soit déficitaire, puisque ce n'est pas lui qui, dans la détermination de son résultat d'exploitation, constate les amortissements. Il doit réaliser des bénéfices suffisants pour payer les loyers.

Les montages locatifs de simple défiscalisation présentent donc également le grand intérêt de reposer sur des prévisions de rentabilité fines : ils se prêtent plus difficilement que les montages BIC-exploitants de double défiscalisation à des manipulations de gestion tendant, par exemple, à faire apparaître des déficits.

A.- UN EXEMPLE DE MONTAGE LOCATIF, SANS PRIME D'ÉQUIPEMENT

Le tableau n° 7 retrace l'exemple d'un investissement industriel de simple défiscalisation, dans le cadre duquel le bien est loué aux utilisateurs, avec les caractéristiques suivantes :

Investissement/base défiscalisable

1.000.000

Taux de refinancement

5,5 %

Durée en mois

60

Dépôt de garantie

0

Valeur résiduelle

0

TVA non perçue récupérable 9,5 %

95.000

Frais de mise en place 12,5 %

125.000

Frais de gestion

1,5 %

Loyer H.T.

14.326

Loyers T.T.C.

15.687

Emprunt

750.000

Taux de l'impôt sur le revenu

54 %

On observe que les frais d'intermédiaire (12,5%) et de gestion (1,5%) ne sont pas anormaux au regard des données statistiques transmises pour l'année 1996, par la direction générale des impôts, que l'apport personnel des investisseurs est de 37% de l'investissement, le solde étant emprunté. Le schéma retient également l'hypothèse de la constatation d'une moins-value de 357.815 francs, lors de la cession au franc symbolique du bien, à l'issue des cinq ans d'exploitation, du fait des amortissements différés. Cette moins-value génère un avantage fiscal de 193.220 francs.

L'avantage fiscal global s'élève à 739.800 francs, soit 546.580 francs la deuxième année (déduction de défiscalisation) et 193.220 francs la septième année (imputation de la moins-value de cession). Sa valeur actuelle nette, en retenant un taux d'actualisation de 5,5%, est de 623.903 francs. Pour les investisseurs, le solde net de trésorerie s'élève à 369.800 francs, sa valeur actuelle nette est de 273.192 francs.

Si l'on retient l'hypothèse de l'impossibilité d'imputer fiscalement la moins-value à court terme consécutive à la cession du bien, l'avantage fiscal est limité à la seule déduction résultant de la " loi Pons ", soit 546.580 francs, 491.076 francs en valeur actuelle. Pour les investisseurs, le solde net de trésorerie est ramené à 176.580 francs, 140.365 francs en valeur actuelle.

Tableau n° 7

EXEMPLE DE MONTAGE LOCATIF, SANS PRIME D'ÉQUIPEMENT

(en francs)

 

1997 (3 mois)

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Somme

RÉSULTAT

               

CHARGES

               

Mise en place H.T.

- 125.000

           

- 125.000

Amortissements

 

- 120.856

- 128.519

- 136.615

- 145.167

- 111.027

 

- 642.184

Frais de gestion H.T.

- 15.000

- 15.000

- 15.000

- 15.000

- 15.000

- 15.000

 

- 90.000

Frais financiers emprunt

- 10.163

- 36.054

- 28.391

- 20.295

- 11.743

- 2.906

 

- 109.552

Moins-value

0

             

PRODUITS

               

Loyers H.T.

42.978

171.910

171.910

171.910

171.910

128.933

 

859.551

graphique

Prime d'équipement

             

0

TVA non perçue récupérable

95.000

           

95.000

Résultat fiscal hors déduction

- 12.185

0

0

0

0

- 357.815

 

- 370.000

TRÉSORERIE SNC

               

Investissement

- 1.000.000

             

Emprunt banque

750.000

             

Prime d'équipement

             

0

Mise en place TTC

- 136.875

           

- 136.875

Frais de gestion TTC

- 16.425

- 16.425

- 16.425

- 16.425

- 16.425

- 16.425

 

- 98.550

Remboursement et intérêts de l'emprunt

- 42.978

- 171.910

- 171.910

- 171.910

- 171.910

- 128.933

 

- 859.551

Loyers TTC

47.061

188.241

188.241

188.241

188.241

141.182

 

941.208

Solde TVA

- 4.083

93.394

- 14.906

- 14.906

- 14.906

- 10.824

 

33.769

Apport

370.000

           

370.000

Trésorerie

- 33.300

93.300

- 15.000

- 15.000

- 15.000

- 15.000

 

0

TRÉSORERIE INVESTISSEUR

               

Déduction + Résultat fiscal hors déduction

- 1.012.185

0

0

0

0

- 357.815

0

- 1.370.000

Gain fiscal

0

546.580

0

0

0

0

193.220

739.800

Apport

- 370.000

           

- 370.000

Trésorerie

- 370.000

546.580

0

0

0

0

193.220

369.800

UTILISATEUR

957.022

- 171.910

- 171.910

- 171.910

- 171.910

- 128.933

0

140.449

Enfin, il est plus facile de calculer l'intérêt de l'utilisateur dans le cadre d'un montage locatif, puisque le bien est mis à sa disposition neuf et qu'il capte les résultats de l'exploitation du bien.

Dans le schéma proposé, le solde net de patrimoine de l'utilisateur est positif et s'élève à 140.449 francs, soit 242.465 francs en valeur actuelle nette, l'écart s'expliquant par le fait qu'il reçoit le bien neuf d'une valeur de 1 million de francs, alors que son financement par loyers est étalé ensuite sur cinq ans, pour un montant inférieur à celle de l'investissement.

On peut donc en conclure que, dans l'hypothèse d'une moins-value imputable à la suite de la cession de l'investissement, l'avantage fiscal global s'élève à 623.903 francs et se répartit entre :

- l'investisseur : 273.192 francs ;

- l'utilisateur domien : 242.465 francs ;

- les autres parties à l'opération
(montage, gestion) : 108.246 francs.

Il est clair que cette répartition n'est qu'approximative, compte tenu du fait que les conditions de financement ne sont pas nécessairement identiques pour toutes les parties à l'opération. Ainsi, du point de vue de l'opérateur domien, le coût global est celui des loyers, soit 859.551 francs, étalé sur cinq ans, pour un investissement de 1 million de francs qu'il aurait été impossible de financer par emprunt bancaire outre-mer.

En cas d'absence de moins-value imputable lors de la cession de l'immobilisation à l'utilisateur, l'avantage fiscal global peut être estimé, en valeur nette actuelle à 491.076 francs répartis entre :

- l'investisseur : 140.365 francs ;

- l'utilisateur : 242.465 francs ;

- les autres parties à l'opération : 108.246 francs.

Comme précédemment indiqué, la direction générale des impôts, lorsqu'elle examine les dossiers d'agrément ou d'autorisation préalable, essaie d'apprécier, par des méthodes mathématiques très proches de celles employées dans le cadre du présent rapport, quelles sont les modalités de partage de l'avantage fiscal entre les investisseurs et les opérateurs outre-mer.

La base de calcul qu'elle retient, qui est aussi celle des monteurs de dossiers de défiscalisation, correspond à ces derniers montants, puisque cette base ne comprend pas les incidences fiscales de la cession du bien.

Dans l'exemple proposé, la moitié de l'avantage fiscal global est rétrocédé à l'utilisateur. En cas de moins-value imputée, le partage est évidemment plus favorable au contribuable investisseur.

B.- UN EXEMPLE DE MONTAGE LOCATIF, AVEC PRIME D'ÉQUIPEMENT

Le secteur industriel, plus que l'hôtellerie ou la navigation de plaisance, voit ses investissements susceptibles de bénéficier de subventions publiques. Le tableau n° 8 adapte le modèle du tableau n° 7 dans l'hypothèse où une prime d'équipement de 400.000 francs (40% de l'investissement) serait allouée par une collectivité publique. La combinaison du dispositif de défiscalisation avec des subventions est autorisée par l'Union européenne, dans les départements d'outre-mer, dans la limite de 75% d'équivalent-subvention-nette. Le schéma proposé par le tableau n° 8 est donc celui d'un subventionnement élevé, proche du plafond autorisé, puisque la défiscalisation Pons est réputée correspondre à un taux de 34% d'équivalent-subvention-nette.

Il repose sur l'hypothèse que le décaissement des investisseurs constitue une donnée, non une variable, et que toute amélioration ou toute dégradation de l'équilibre financier de l'opération bénéficie ou est supportée par l'utilisateur. Le décaissement de l'investisseur demeure à 370.000 francs, mais l'emprunt contracté est ramené de 750.000 francs à 350.000 francs, la part de financement bancaire étant donc diminuée de 75% à 35%. Les loyers sont donc abaissés d'autant, leur charge globale TTC passant de 941.208 francs à 439.232 francs.

graphique

Tableau n° 8

EXEMPLE DE MONTAGE LOCATIF AVEC PRIME D'ÉQUIPEMENT

(en francs)

 

1997 (3 mois)

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Somme

RÉSULTAT

               

CHARGES

               

Mise en place H.T.

-125.000

           

-125.000

Amortissements

0

-128.400

-131.976

-135.754

-139.745

-103.813

 

-639.688

Frais de gestion H.T.

-15.000

-15.000

-15.000

-15.000

-15.000

-15.000

 

-90.000

Frais financiers emprunt

-4.743

-16.825

-13.249

-9.471

-5.480

-1.356

 

-51.124

Moins-value

0

       

-360.312

 

-360.312

PRODUITS

               

Loyers H.T.

20.056

80.225

80.225

80.225

80.225

60.169

 

401.125

Prime d'équipement

20.000

80.000

80.000

80.000

80.000

60.000

 

400.000

TVA non perçue récupérable

95.000

           

95.000

Résultat fiscal hors déduction

-9.686

0

0

0

0

-360.312

 

-369.998

TRÉSORERIE SNC

               

Investissement

-1.000.000

             

Emprunt banque

350.000

             

Prime d'équipement

400.000

           

400.000

Mise en place TTC

-136.875

           

-136.875

Frais de gestion TTC

-16.425

-16.425

-16.425

-16.425

-16.425

-16.425

 

-98.550

Remboursement et intérêts de l'emprunt

-20.056

-80.225

-80.225

-80.225

-80.225

-60.169

 

-401.125

Loyers TTC

21.961

87.846

87.846

87.846

87.846

65.885

 

439.232

Solde TVA

-1.905

102.104

-6.196

-6.196

-6.196

-4.291

 

77.320

Apport

370.000

           

370.000

Trésorerie

-33.300

93.300

-15.000

-15.000

-15.000

-15.000

 

0

TRÉSORERIE INVESTISSEUR

               

Déduction + Résultat fiscal hors déduction

-1.009.686

0

0

0

0

-360.312

0

-1.369.998

Gain fiscal

0

545.230

0

0

0

0

194.568

739.799

Apport

-370.000

           

-370.000

Trésorerie

-370.000

545.230

0

0

0

0

194.568

369.568

UTILISATEUR

979.944

-80.225

-80.225

-80.225

-80.225

-60.169

0

598.875

En conséquence, la répartition de l'avantage fiscal est infiniment plus favorable à l'exploitant d'outre-mer. Dans l'hypothèse d'une moins-value imputable fiscalement, constatée lors de la cession du bien, le gain fiscal est de 739.799 francs, soit 623.617 francs en valeur actuelle nette (en retenant un taux d'actualisation de 5,5%), il s'y ajoute une subvention de 400.000 francs. La répartition des 1.023.617  francs d'aides publiques peut être ainsi estimée :

- pour l'investisseur : 272.906 francs en valeur actuelle nette ;

- pour l'utilisateur : 618.679 francs en valeur actuelle nette ;

- pour les autres parties à l'opération : 132.032 francs.

Une telle présentation appelle plusieurs observations :

- selon les informations recueillies, la participation des investisseurs aux montages de " loi Pons " obéit à une certaine rigidité, les arguments commerciaux mettant l'accent sur le rapport entre le décaissement et la base défiscalisable. Dans le cas des montages exploitants de double défiscalisation, parce que ces montages ont un rendement particulièrement élevé lorsque des déficits sont générés, le recours à l'emprunt pour le financement parfois de la totalité de l'opération est systématisé. Le schéma locatif obéit à une autre logique, parce que la création de déficits est découragée par le plafonnement consécutif à l'application de l'article 31 de l'annexe II au code général des impôts. Dans les montages locatifs, il y a donc plus fréquemment que dans les montages exploitants un décaissement effectif par l'investisseur de 30 à 40% de l'investissement selon, principalement, le risque encouru. Dans l'exemple proposé, la rentabilité pour l'investisseur comme la part des intermédiaires sont quasi-indifférentes à la présence d'une prime d'équipement. Pour autant, la rétrocession de cette prime à l'utilisateur procède de l'équilibre du financement et non du droit puisque, juridiquement, c'est l'investisseur et non l'utilisateur qui bénéficie de la prime ;

- cet exemple témoigne de l'importance des subventions publiques pour l'équilibre des montages de défiscalisation.

Dans l'exemple proposé, comme pour les montages de double défiscalisation, le montant total de l'aide publique en valeur actuelle nette est supérieur à la valeur de l'investissement. La loi de finances pour 1998 a exclu les subventions de la base défiscalisable. Que cette mesure réduise la rentabilité de la déduction fiscale ne fait pas de doute ; cependant un tel cumul d'avantages fiscaux avait évidemment un caractère particulièrement choquant.

C.- LES EFFETS DE LA LOI DE FINANCES POUR 1998

Le tableau n° 9 donne l'exemple des effets de la loi de finances pour 1998 dans le cas d'un montage locatif, sans prime d'équipement. Les hypothèses sont les mêmes que pour le tableau n° 7, que l'on peut retenir pour la comparaison, sauf en ce qui concerne l'emprunt, porté à 790.000 francs, l'apport de l'investisseur étant ramené à 330.000 francs. Cette modification abaisse à 36,46% au lieu de 37% le ratio décaissement/base défiscalisable qui constitue une référence essentielle pour le placement du " produit Pons " auprès des investisseurs.

L'impact de la loi de finances est perceptible sur le résultat fiscal déficitaire, le premier exercice, du fait des frais de mise en place, essentiellement des frais d'intermédiation, et à la sortie, à cause de l'impossibilité d'imputer sur le résultat imposable la moins-value constatée. L'avantage fiscal global est donc ramené à 439.074 francs en valeur actuelle nette, il correspond à l'effet au taux de 54%, de la déduction de défiscalisation sur une base de 905.000 francs correspondant à l'investissement dont le montant de 1 million de francs a été diminué du remboursement de TVA fictive.

Ce " gâteau fiscal " de 439.074 francs est à comparer à la valeur actuelle nette du gain fiscal schématisé au tableau n° 7, pour la situation préexistante à la loi de finances pour 1998, soit :

- 623.903 francs, en cas de moins-value de cession imputable ;

- 491.076 francs en l'absence de moins-value imputable.

On constate donc, surtout si l'on considère que la moins-value imputable, après la cession du bien, est, au plan de la commercialisation du " produit loi Pons " auprès des investisseurs, la " cerise sur le gâteau " ; que la loi de finances pour 1998, en instituant la tunnelisation, a eu un faible impact sur la rentabilité des montages locatifs.

graphique

Tableau n° 9

EXEMPLE DE MONTAGE LOCATIF, SANS PRIME D'ÉQUIPEMENT
AVEC EFFET DE LA LOI DE FINANCES POUR 1998

(en francs)

 

1998 (3 mois)

1999

2000

2001

2002

2003

Somme

RÉSULTAT

             

CHARGES

             

Mise en place H.T.

-125.000

         

-125.000

Amortissements

-50.000

-200.000

-200.000

-200.000

-200.000

-150.000

-1.000.000

Frais de gestion H.T.

-15.000

-15.000

-15.000

-15.000

-15.000

-15.000

-90.000

Frais financiers emprunt

-10.705

-37.977

-29.905

-21.378

-12.369

-3.061

-115.395

Moins-value

0

       

-330.000

-330.000

PRODUITS

             

Loyers H.T.

45.270

181.079

181.079

181.079

181.079

135.809

905.395

Prime d'équipement

           

0

TVA non perçue récupérable

95.000

         

95.000

Résultat comptable

-60.435

-71.898

-63.826

-55.299

-46.290

-362.252

-660.000

TRÉSORERIE SNC

           

0

Investissement

-1.000.000

           

Emprunt banque

790.000

           

Prime d'équipement

           

0

Mise en place TTC

-136.875

         

-136.875

Frais de gestion TTC

-16.425

-16.425

-16.425

-16.425

-16.425

-16.425

-98.550

Remboursement et intérêts d'emprunt

-45.270

-181.079

-181.079

-181.079

-181.079

-135.809

-905.395

Loyers TTC

49.570

198.282

198.282

198.282

198.282

148.711

991.407

Solde TVA

-4.301

92.522

-15.778

-15.778

-15.778

-11.477

29.410

Apport

330.000

         

330.000

Trésorerie

-33.301

93.300

-15.000

-15.000

-15.000

-15.000

-1

TRÉSORERIE INVESTISSEUR

             

Base de déduction

-905.000

0

0

0

0

0

-905.000

Gain fiscal

0

488.700

0

0

0

0

488.700

Apport

-330.000

         

-330.000

Trésorerie

-330.000

488.700

0

0

0

0

158.700

UTILISATEUR

954.730

-181.079

-181.079

-181.079

-181.079

-135.809

94.605

L'effet en trésorerie, pour l'investisseur, selon le schéma proposé, est ramené à 126.277 francs (en valeur actuelle nette) au lieu de 273.192 francs en cas de moins-value imputable ou 140.365 francs sans cette moins-value.

L'avantage, pour l'utilisateur, est ramené de 242.465 francs à 204.842 francs.

L'impact de l'exclusion des subventions de la base défiscalisable est évidemment beaucoup plus important. Dans le schéma proposé (tableau n° 8 avec prise en compte des effets de la loi de finances pour 1998), le montant de l'emprunt est porté à 535.000 francs au lieu de 350.000 francs, afin de maintenir un rapport sensiblement constant entre le décaissement et la base défiscalisable, en l'espèce 36,63% au lieu de 37%.

L'avantage fiscal global est ramené de 623.617 francs, en cas de moins-value imputable, à 245.008 francs. Il s'y ajoute, comme avant l'intervention de la loi de finances pour 1998, une subvention publique de 400.000 francs. Pour l'investisseur, l'avantage de trésorerie est ramené à 69.653 francs au lieu de 272.906 francs (en cas d'imputation d'une moins-value après cession du bien) ou de 139.153 francs (sans moins-value).

On peut donc considérer que, pour les secteurs faisant le plus couramment appel aux montages locatifs, c'est-à-dire l'ensemble des secteurs sauf l'hôtellerie, la navigation de plaisance et les énergies nouvelles, l'effet de la tunnelisation est limité : encore les calculs de rentabilité proposés dans les schémas qui précèdent reproduisent-ils les équilibres de financement préexistant à la loi de finances pour 1998, sans recherche d'optimisation fiscale. On peut s'attendre à une adaptation des montages locatifs aux contraintes de la tunnelisation.

L'exclusion des subventions de la base défiscalisable est d'une plus forte portée, mais on peut considérer que la défiscalisation de subventions publiques constituait une anomalie, la puissance publique étant amenée en quelque sorte à payer deux fois, d'abord pour la subvention et ensuite par la déduction de la subvention.

V.- UN EXEMPLE DE MONTAGE DE NAVIGATION DE PLAISANCE

Les montages de défiscalisation les plus fréquemment rencontrés dans la navigation de plaisance ne diffèrent des montages BIC-exploitants que dans la mesure où le financement est assuré non par emprunt mais par crédit-bail.

Le tableau n° 10 ci-après donne l'exemple d'un investissement de 1 million de francs et de sa rentabilité pour un investisseur qui est juridiquement crédit-preneur, le bateau devenant propriété du preneur par levée de l'option d'achat (100.000 francs) puis cédé pour 360.000 francs à l'issue des cinq ans d'exploitation.

La rentabilité de l'investissement est nulle, les produits d'exploitation compensant les charges, l'intérêt de l'investisseur crédit-preneur résidant dans la double défiscalisation attachée à ce type de montage :

- déduction d'un million de francs dans le cadre de la " loi Pons ", ce qui offre une réduction d'impôt de 540.000 francs, sur la base d'un taux d'imposition de 54% des résultats imposables ;

- déduction en tant que charge des loyers de crédit-bail ;

- plus-value non imposable lors de la cession du bateau.

Pour le crédit-bailleur, l'intérêt de l'opération réside dans :

- le montant des loyers de crédit-bail ;

- la récupération de la TVA non perçue récupérable ;

- l'amortissement dégressif sur huit ans du bateau.

Enfin l'exploitant domien (société de location de navires) bénéficie d'un bien d'équipement mis à sa disposition pendant cinq ans gratuitement, qu'il peut racheter, lorsque le montage le prévoit, à une valeur attractive. Il gère en fait cet investissement et maîtrise donc, dans la limite des conditions économiques locales, les produits et les charges d'exploitation ; il est couramment admis que la rentabilité doit être nulle, l'exploitation ne devant générer ni déficit ni bénéfice pour le crédit-preneur.

graphique

Tableau n° 10

INVESTISSEMENT DANS UN BATEAU DE PLAISANCE

(en francs)

 

1997

1998 (3 mois)

1999

2000

2001

2002

2003

Somme

PRODUITS D'EXPLOITATION

               

Chiffre d'affaires garanti 15 semaines

 

81.000

81.000

81.000

81.000

81.000

 

405.000

Chiffre d'affaires variable au-delà

 

19.000

19.000

19.000

19.000

19.000

 

95.000

Total produits d'exploitation

 

100.000

100.000

100.000

100.000

100.000

0

500.000

CHARGES D'EXPLOITATION

               

Frais de gestion administrative

 

24.000

24.000

24.000

24.000

24.000

 

120.000

Frais de maintenance technique

 

8.000

8.000

8.000

8.000

8.000

 

40.000

Frais de gros entretien

 

27.000

28.500

30.000

31.500

33.000

 

150.000

Provision sur entretien

 

3.000

1.500

0

-1.500

-3.000

 

0

Place de port

 

16.000

16.000

16.000

16.000

16.000

 

80.000

Assurance annuelle

 

18.000

18.000

18.000

18.000

18.000

 

90.000

Droit de navigation (moyenne)

 

4.000

4.000

4.000

4.000

4.000

 

20.000

Total charges d'exploitation

 

100.000

100.000

100.000

100.000

100.000

 

500.000

Résultat brut d'exploitation (EBE)

 

0

0

0

0

0

 

0

PRODUITS ET CHARGES FINANCIÈRES

               

Cession du navire

           

360.000

360.000

Loyers de crédit-bail incluant TVA npr

 

207.966

207.966

207.966

207.966

207.966

0

1.039.830

Option d'achat

           

100.000

100.000

RÉSULTAT FISCAL

 

-207.966

-207.966

-207.966

-207.966

-207.966

260.000

-779.830

TRÉSORERIE

               

Apport

0

           

0

Coût de montage 10%

-100.000

           

-100.000

Résultat fiscal

0

-207.966

-207.966

-207.966

-207.966

-207.966

260.000

-779.830

Effet IR frais montage

 

54.000

         

54.000

Effet IR déduction Pons

 

540.000

         

540.000

Effet IR résultat fiscal

 

0

112.302

112.302

112.302

112.302

112.302

561.508

(Effet IR total)

0

540.000

112.302

112.302

112.302

112.302

112.302

1.155.508

Total

-100.000

386.034

-95.664

-95.664

-95.664

-95.664

372.302

275.678

Cet exploitant, comme il a déja été précédemment indiqué, est à l'origine du montage du dossier et le correspondant commercial du fabricant du bateau.

Il est patent que les montages de double défiscalisation en navigation de plaisance sont fortement affectés par la tunnelisation instituée par la loi de finances pour 1998.

En effet, l'équilibre de rentabilité repose sur la possibilité d'imputer comme déficit fiscal net, en l'absence d'excédent brut d'exploitation, les loyers de crédit-bail. La suppression de cette faculté remet donc en cause l'équilibre des financements dans la navigation de plaisance.

*

* *

La portée des modifications apportées par la loi de finances pour 1998 au dispositif d'incitation fiscale à l'investissement outre-mer est donc inégale selon les montages (simple ou double défiscalisation) et pour chacun des secteurs concernés.

Pour autant, les schémas reproduits ci-dessus appréhendent les effets de la nouvelle législation dans le cadre des exemples proposés, qui, par nature, ne peuvent rendre compte de la réalité avec exhaustivité.

L'imagination ne cédant jamais le pouvoir, surtout lorsqu'il s'agit de payer moins d'impôt, il ne fait pas de doute que les spécialistes ne vont pas manquer d'adapter les schémas de financement aux nouvelles contraintes.

Il apparaît déjà, et votre Rapporteur général en a observé plusieurs exemples, que certains projets, initialement envisagés en double défiscalisation, vont être présentés dans le cadre de montages locatifs. De même, des dossiers locatifs de demande d'agrément ont été déposés récemment auprès des services fiscaux, pour certains investissements à réaliser dans la navigation de plaisance ou l'hôtellerie.

Les effets de la loi de finances pour 1998 sont donc à analyser avec lucidité : s'il a été mis fin, et votre Rapporteur général s'en félicite, à certaines situations particulièrement choquantes, il reste que la collectivité nationale a maintenu, au bénéfice de véritables investisseurs, une incitation réelle à se tourner vers nos collectivités d'outre-mer.

CHAPITRE III

UN COÛT QUI N'A PAS ENCORE ÉTÉ MESURÉ AVEC PRÉCISION

Le rapport précité du cabinet DME, commandé par les chambres de commerce des départements français d'Amérique, avait affirmé que la dépense fiscale résultant de la loi de défiscalisation était " totalement couverte par des prélèvements obligatoires additionnels ". Il citait, en appui à ce postulat, une phrase prêtée à M. Alain Juppé qui, dans une déclaration à la presse antillaise, aurait affirmé en novembre 1992 que " non seulement elle [la défiscalisation de 1986] a permis de créer des milliers d'emplois, mais l'activité qu'elle a engendrée a créé de nouvelles recettes fiscales et en définitive, elle n'a pas pesé sur le budget de l'Etat ".

Une telle affirmation ne peut être démontrée, puisque le coût de la défiscalisation, en termes de pertes de recettes pour l'Etat, n'a pas encore été mesuré avec précision. En effet, concrètement, seuls les dossiers d'agrément et d'autorisation préalable constituent une source d'information fiable et solide, ces dossiers faisant d'ailleurs l'objet d'un rapport annuel du Gouvernement au Parlement. La défiscalisation directe, au contraire, est très mal connue de l'administration fiscale, sauf pour ce qui concerne la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies du code général des impôts.

I.- LES LIMITES DES INDICATIONS PRÉSENTÉES DANS LE " LIVRE DES DÉPENSES FISCALES "

Le fascicule des " voies et moyens ", annexé chaque année au projet de loi de finances, retrace les évaluations de recettes du budget général et d'un certain nombre de recettes affectées. Le tome II de ce fascicule est consacré, d'une part, aux résultats du contrôle fiscal, et, d'autre part, aux dépenses fiscales. Selon la définition qu'il propose, " les dépenses fiscales s'analysent comme des dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en oeuvre entraîne pour l'Etat une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un allégement de leur charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l'application de la norme, c'est-à-dire des principes généraux du droit fiscal français. Toute mesure impliquant une perte de recettes pour le budget de l'Etat n'est donc pas une dépense fiscale ; qualifier une mesure de " dépense fiscale " suppose de se référer à une législation de base à laquelle elle dérogerait. Mais cette norme n'est pas définie de façon intangible. Elle résulte d'une observation des faits et d'une interprétation a posteriori des intentions du législateur. En outre, elle est susceptible d'évoluer en fonction de la législation nationale ou communautaire.

Plusieurs critères ont toutefois été progressivement dégagés pour tenter de définir la dépense fiscale, notamment :

- l'ancienneté de la mesure : des dispositions ont pu apparaître dérogatoires au moment de leur adoption mais finissent par s'incorporer à l'ordre juridique et à devenir la norme ;

- le caractère général de la mesure : une disposition applicable à la grande majorité des contribuables peut être considérée comme la norme (par exemple, l'abattement de 20% sur les traitements et salaires). A l'inverse, l'avantage accordé à une catégorie particulière de contribuables ou d'opérations constitue une dépense fiscale ".

Le tableau ci-après retrace l'évaluation du coût, en termes de dépenses fiscales, du dispositif de défiscalisation depuis 1986. La " loi Pons " du 11 juillet 1986 s'appliquant aux investissements réalisés à compter du 15 septembre 1986, son incidence budgétaire n'a pu intervenir qu'à partir de 1987, et encore pour des montants peu importants. Le livre des dépenses fiscales retrace, en effet, l'incidence budgétaire de ces dépenses sur douze mois d'application, sous réserve du prorata temporis. Cependant, le mécanisme de déduction pour investissement institué par l'article 238 bis HA modifié avait pris la suite de dispositifs plus anciens, codifiés aux articles 238 bis HA et 238 bis HB du code général des impôts. Le tableau retrace donc, à partir de 1986, la dépense fiscale résultant des incitations à l'investissement outre-mer, pour chaque année considérée. Deux évaluations sont opérées, la première pour l'année n-1 par rapport à celle de l'application du projet de loi de finances, c'est-à-dire l'année du dépôt du projet de loi de finances (exemple : évaluation actualisée pour l'année 1997 dans le projet de loi de finances pour 1998) et la seconde représente le résultat estimé pour l'année précédente n-2, que l'on peut donc considérer comme plus fiable que la précédente.

On constate une grande stabilité des données d'une année sur l'autre, les résultats estimés confirmant, le plus souvent, l'évaluation opérée l'année de dépôt du projet de loi de finances pour l'année en cours. Cependant, en 1988 et en 1996, on note une distorsion entre les prévisions initiales et les résultats estimés. Il est d'abord patent que, pour 1988, l'évaluation initiale était manifestement exagérée, s'agissant du coût du dispositif de déduction prévu par l'article 238 bis HA du code général des impôts.

COÛT DU DISPOSITIF D'INCITATION À L'INVESTISSEMENT OUTRE-MER SELON LE FASCICULE
DES " VOIES ET MOYENS " ANNEXÉ AU PROJET DE LOI DE FINANCES

 

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Déduction pour investissement (238 bis HA, 238 bis HB et 238 bis HC
du code général des impôts)

                       

Evaluation actualisée initiale (année n-1)

270

430

1.10 0

430

580

740

1.00 0

1.50 0

1.30 0

1.30 0

1.30 0

2.40 0

Résultat estimé (année n-2)

280

440

440

550

620

850

1.00 0

1.40 0

1.25 0

1.20 0

1.70 0

 

Réduction d'impôt pour investissement (199 undecies du code général des impôts)

                       

Evaluation actualisée initiale (année n-1)

 

20

90

310

450

300

380

460

400

370

450

500

Résultat estimé (année n-2)

 

45

210

340

470

380

400

370

370

400

460

 


Source : fascicules des " voies et moyens " annexés aux projets de loi de finances.

Par ailleurs, en 1997, les estimations ont été révisées à la hausse. Le coût de ce même dispositif aurait représenté en 1996 1.700 millions de francs au lieu de 1.300 millions de francs, selon les prévisions initiales du projet de loi de finances pour 1997. Cette réévaluation du coût de la " loi Pons " est consécutive à l'augmentation du nombre de dossiers portés à la connaissance de l'administration, à compter du 1er janvier 1996, du fait de la mise en oeuvre de l'agrément particulier prévu par le paragraphe III quater de l'article 238 bis HA du code général des impôts. Cet agrément nouveau a obligé les investisseurs à porter à la connaissance de l'administration des dossiers d'investissement dans des secteurs non soumis à agrément, qui dans le dispositif préexistant à la loi de finances pour 1996, n'étaient placés dans le champ de l'autorisation préalable qu'au-delà du seuil de 30 millions de francs par programme.

Ainsi, selon le dernier rapport sur les conditions de mise en oeuvre de l'agrément, des dossiers présentés pour le seul agrément prévu par l'article 238 bis HA III quater ont été acceptés, en 1996, pour 1.082 millions de francs (plus de 19% de l'ensemble des dossiers agréés) et les dossiers refusés à ce titre correspondaient à 495 millions de francs d'investissements.

L'agrément particulier permettant l'imputation de déficits dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), pour les investisseurs soumis à l'impôt sur le revenu, a donc " révélé " à l'administration l'importance des déductions pour ces contribuables, au-delà de ses estimations.

Les responsables des services fiscaux de Martinique ont aussi expliqué aux membres de la mission d'information de votre Commission des finances que l'agrément particulier avait également mis en évidence des irrégularités qui n'avaient pas été détectées précédemment, notamment dans le secteur agricole.

La limite de la méthode employée par l'administration pour le chiffrage de la dépense fiscale résultant de la " loi Pons " transparaît si l'on compare les données rassemblées dans le tableau ci-dessus, à partir des fascicules des " voies et moyens ", avec celles proposées pour la dépense fiscale résultant des seuls projets agréés, publiées chaque année dans le rapport consacré à la mise en oeuvre de l'agrément. Dans ce deuxième tableau, " le coût budgétaire théorique " retrace la perte de recettes correspondant aux investissements agréés alors que la " dépense fiscale estimée " prend en compte les projets qui ne seront pas menés à bien ou dont l'effet est réputé intervenir sur plusieurs exercices.

COÛT RÉSULTANT DE L'ENSEMBLE DES PROJETS SOUMIS À AGRÉMENT OU À AUTORISATION PRÉALABLE

 

1993

1994

1995

1996

1997

Coût budgétaire théorique (n+1)

1.100

1.050

1.400

1.694

2.450

Dépense fiscale estimée (n+1)

1.000

1.000

935

1.700

2.400

Source : Rapports sur les conditions de mise en oeuvre de l'agrément.

Les montants de l'un et l'autre tableaux sont très proches. Il est donc patent que, pour l'estimation de la dépense fiscale globale résultant de la " loi Pons ", au moins pour la partie correspondant à la déduction du revenu ou du bénéfice imposable, l'administration a fait abstraction, dans une large mesure, des déductions opérées sans agrément ni autorisation préalable, ce qui laisse à penser que la dépense fiscale est, en réalité, supérieure aux estimations des " voies et moyens ".

Sur la dépense finale résultant du dispositif de déduction, la direction générale des impôts à apporté à votre Rapporteur général les précisions suivantes :

" La lecture des chiffres figurant dans les bleus budgétaire pour les années 1993 à 1997 fait ressortir une légère diminution puis une stagnation pour les années 1993 à 1995, puis une augmentation sensible pour 1996 et 1997.

a) A partir de 1996 la hausse constatée résulte :

- d'une correction des méthodes d'évaluation sur la base des chiffres du rapport au Parlement de 1996 (investissements agréés en 1995) ;

- puis d'une meilleure visibilité de la " loi Pons " grâce à l'extension du champ d'application de l'agrément (introduction de l'agrément " tunnelisation ") à compter du 1er janvier 1996 (effet budgétaire 1997) qui permet d'appréhender une part très importante des projets réalisés hors des secteurs sensibles.

b) Le coût budgétaire des projets agréés réalisés en 1994 (935 millions de francs) comporte une erreur qui a conduit à sous-estimer l'évaluation de la dépense fiscale 1995.

Il apparaît avec le recul que la série de chiffres 1993 (1.400 millions de francs), 1994 (1.250 millions de francs) et 1995 (1.200 millions de francs) a été sous-évaluée et ne prend pas en compte de manière satisfaisante la partie " de plein droit " de la " loi Pons ". Il est vraisemblable qu'il en soit de même en 1996, malgré les corrections apportées.

En définitive, il apparaît que la dépense est sans doute sous-évaluée au moins jusqu'en 1995. L'amélioration des modalités d'évaluation et la meilleure visibilité de la " loi Pons " à compter du 1er janvier 1996 ont sensiblement réduit cette sous-évaluation, la fraction non-appréhendée par l'agrément étant faible ".

Ces observations corroborent celles qui précèdent sur la sous-estimation de la perte de recettes résultant de la " loi Pons ", à cette différence près, que l'administration continue de minimiser la fraction de la défiscalisation dont elle n'a pas connaissance, soit par la procédure de l'agrément, soit par celle de l'autorisation préalable.

En dernier lieu, le coût estimé de la " loi Pons " n'intègre jamais la perte de recettes fiscales résultant de la possibilité d'imputer sur le revenu imposable, jusqu'à la loi de finances pour 1998, les déficits nets dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux non professionnels. La particularité des montages en " loi Pons " (voir supra, chapitre II) est, dans le cas de la " double défiscalisation ", la possibilité de cumuler une déduction à l'entrée, avec l'imputation sur le revenu imposable de déficits nets résultant, notamment, de la prise en compte comptable et fiscale des amortissements. Alors que dans un cadre " normal ", un investissement doit être rentable, donc dégager un résultat brut d'exploitation supérieur aux charges, les investissements outre-mer présentent quelquefois la caractéristique, souvent acceptée voire recherchée par leurs auteurs, de dégager des déficits imputables sur le revenu. Le mécanisme de la double défiscalisation, appelée quelquefois par les spécialistes des montages " double shot ", a pour effet d'augmenter fortement le coût pour l'Etat en termes de pertes de recettes.

Le coût de la défiscalisation est donc certainement supérieur aux quelque 2,9 milliards de francs estimés pour 1997.

II.- LA CONNAISSANCE DU COÛT DES PROJETS AGRÉÉS

La connaissance du coût des projets agréés ou soumis à autorisation préalable est bonne, et le Gouvernement transmet chaque année un rapport au Parlement sur les conditions de mise en oeuvre de l'agrément, en application du III de l'article 120 de la loi de finances pour 1992. Ce rapport est très intéressant, car il retrace le traitement de l'ensemble des demandes qui ont été reçues et réglées par l'administration, aussi bien dans le cadre des deux procédures d'agréments (III ter et III quater de l'article 238 bis HA), que dans celui de l'information préalable pour les investissements directs de plus de 30 millions de francs réalisés dans les secteurs éligibles non soumis à agrément (III ter) ou pour les souscriptions en capital (article 199 undecies et II de l'article 238 bis HA du code général des impôts).

Pour autant, il ne précise pas comment se répartissent, par collectivité, dans le cadre de l'article 238 bis HA, les investisseurs selon la catégorie d'impôt dont ils relèvent (impôt sur le revenu ou impôt sur les sociétés). Ces informations, importantes pour mesurer aussi bien l'impact que le coût de la déduction du revenu ou du bénéfice imposable, ont été fournies par le Gouvernement à la demande de votre Rapporteur général (voir le chapitre premier, partie II, du présent rapport).

Les deux tableaux de synthèse ci-après reproduisent les statistiques, en millions de francs, de projets agréés et autorisés, par collectivité et par secteur économique. Sur les 27.422 millions de francs agréés depuis 1992, 9.160 millions de francs, soit le tiers, l'ont été en 1997. On note, dans cet ensemble, l'importance des " gros " dossiers de navires, notamment de croisière. Ainsi, en 1997, deux paquebots en Polynésie française ont mobilisé 2.700 millions de francs pour leur financement.

DOSSIERS AGRÉÉS OU AUTORISÉS

(en millions de francs)

Dossiers agréés ou autorisés

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Total

Répartition

Guadeloupe

1.423,19

714,90

1.155,71

1.372,66

979,58

1.518,79

7.164,82

26,13%

Martinique

556,12

722,92

554,56

759,75

871,32

1.660,43

5.125,08

18,69%

Guyane

69,46

138,60

11,24

69,70

567,13

137,39

993,52

3,62%

La Réunion

379,48

218,93

354,27

433,82

786,79

632,17

2.805,45

10,23%

Polynésie

174,25

756,16

715,16

1.138,68

1.272,38

4.036,29

8.092,91

29,51%

Nouvelle Calédonie

524

71,80

60,35

137,91

408,74

986,27

2.189,07

7,98%

" Collectivités territoriales "

 

130,37

       

130,37

0,48%

Saint-Pierre-et-Miquelon

   

26,40

 

681,55

 

707,95

2,58%

Mayotte

     

1,75

23,05

188,23

213,03

0,78%

Total

3.126,50

2.753,67

2.877,68

3.914,28

5.590,52

9.159,56

27.422,21

100,00%

dont hors agrément 238 bis HA III quater seul

       


4.508,36


7.906,05

   

Hôtellerie

1.471,65

1.321,01

529,75

416,98

974,32

1.982,14

6.695,84

24,42%

Tourisme

384,96

237,27

238,91

941,46

398,45

203,82

2.404,86

8,77%

Navigation de plaisance

298

332

552,45

592,76

531,70

3.082,67

5.389,58

19,65%

Transport

391,31

586,21

663,85

702,11

1.705

1.353,81

5.402,28

19,70%

Audiovisuel

7,29

24,68

84,77

99,33

177,82

21,41

415,30

1,51%

Industrie

498,36

4,70

149,67

299,12

533,22

643,12

2.128,19

7,76%

Pêche

43,02

104,55

78,30

 

140,96

255,17

622

2,27%

Energies nouvelles

31,92

143,25

491,71

745,96

473,30

205,45

2.091,58

7,63%

Agriculture

       

135,62

94,01

229,63

0,84%

Concessions de SPIC
(ac 1/7/93)

   


20,48


19,68


22,52


53,07


115,75


0,42%

Entreprises en difficulté
(ac 1/7/93)

   


26


32


20,19

 


78,19


0,29%

Logement

   

41,80

64,87

136,10

963,06

1.205,83

4,40%

Bâtiment

       

338,70

271,12

609,82

2,22%

Artisanat

       

2,63

30,72

33,36

0,12%

Total

3.126,50

2.753,67

2.877,68

3.914,28

5.590,52

9.159,56

27.422,21

100,00%

Source : Rapports sur l'agrément de 1993 à 1997 et, pour 1997, direction générale des impôts.

L'examen de dossiers d'agrément au bureau IV C de la direction générale des impôts illustre le travail très attentif accompli par les fonctionnaires lors du traitement des demandes : les dépenses sont analysées, certaines structures hôtelières doivent être revues par l'exploitant pour garantir le caractère individuel des lots de propriété, un contrôle de facturation peut être effectué. L'administration réalise ainsi, a priori et sur dossier, un contrôle très rigoureux.

Rappelons cependant que l'octroi de l'agrément devrait s'accompagner d'une énumération des conditions auxquelles cet agrément est subordonné et dont le non-respect est susceptible d'en entraîner le retrait, en application de l'article 1756 du code général des impôts (17).

En pratique, après l'obtention de l'agrément, le risque de reprise de l'avantage accordé, qui pèse sur l'investisseur, résulte presque exclusivement du défaut d'exploitation de l'investissement pendant les cinq ans prescrits par la loi. La mission a eu l'occasion de recueillir de nombreux témoignages attestant qu'en fait, pour les projets agréés, il existe une faible menace de reprise fiscale pour l'investisseur.

D'abord, les lettres d'agrément dont elle a pu avoir connaissance se distinguent par leur laconisme. Elles insistent presque exclusivement sur les conditions financières et fiscales du schéma d'investissement. Elles s'attachent ainsi à respecter à la lettre la condition essentielle, mais non unique, conditionnant l'agrément, à savoir que l'investissement doit garantir " la protection des investisseurs et des tiers ".

Selon les informations obtenues par votre Rapporteur général, il peut même arriver qu'en cas de cessation d'exploitation avant cinq ans, les sommes déduites ne soient pas rapportées au bénéfice ou au revenu imposable, si l'administration estime que la cessation d'activité est consécutive à un événement sinon exceptionnel, du moins indépendant de la volonté de l'exploitant, comme un cyclone.

Les témoignages recueillis lors des déplacements de la mission dans les départements d'outre-mer s'accordent sur le fait que les services fiscaux n'exercent pas un contrôle systématique des conditions d'exploitation des investissements agréés. Fréquemment, les services de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement assurent un suivi plus étroit des investissements, que ceux de la direction des services fiscaux, lorsqu'il y a cofinancement du projet par l'Union européenne dans le cadre des fonds structurels ou d'un programme spécifique, et que la France doit donc rendre des comptes à l'Union européenne sur l'emploi de ces subventions.

Ainsi, on ne peut qu'abonder dans le sens de l'observation du rapport de synthèse de l'inspection générale des finances, qui en mai 1996, remarquait que " seuls les dossiers d'agrément et de demandes préalables permettent d'identifier la nature et la localisation des investissements réalisés, ainsi que leur impact prévisionnel sur l'économie locale (créations d'emplois notamment). Aucun suivi a posteriori ne permet toutefois de s'assurer de la réalisation des investissements agréés ni a fortiori de la réalité de l'impact prévu, aux éventuels contrôles fiscaux près " (18).

III.- LA MÉCONNAISSANCE DE LA DÉFISCALISATION DIRECTE

Comme l'a observé le rapport du cabinet Arthur Andersen, plus réaliste sur ce point que celui du cabinet DME, un certain nombre d'obstacles empêchent une évaluation, même approximative, du coût du mécanisme de déduction de l'investissement du revenu imposable, alors que la réduction d'impôt pour l'investissement outre-mer est mieux connue.

A.- LA RÉDUCTION D'IMPÔT DE L'ARTICLE 199 UNDECIES DU CODE GÉNÉRAL DES IMPÔTS

La réduction d'impôt de l'article 199 undecies apparaît sur la déclaration de revenus des personnes physiques (déclaration n° 2042) aux lignes HA à HD. Ces déclarations faisant l'objet d'un traitement informatique exhaustif, on pourrait s'attendre à ce que l'administration fiscale soit en mesure de disposer de statistiques précises, au moins sur la réduction d'impôt de l'article 199 undecies. On pourrait aussi imaginer que, dans les départements outre-mer, où il est d'autant plus facile d'obtenir cet avantage fiscal qu'il s'applique, de façon privilégiée, en cas d'achat de la résidence principale, la direction des services fiscaux, dans chacun des départements, aurait mené des enquêtes et des contrôles spécifiques à cet avantage.

Il apparaît en fait que le passage de la mission d'information dans les départements d'outre-mer a eu pour effet, notamment, de développer des recherches concernant cette réduction d'impôt.

Il a donc été possible d'obtenir ces informations de la direction générale des impôts, sur demande expresse adressée au Gouvernement.

RÉDUCTIONS D'IMPÔT EFFECTUÉES AU TITRE DE L'ARTICLE 199 UNDECIES DU CGI
PAR LES CONTRIBUABLES DOMICILIÉS DANS LE DÉPARTEMENT ET
RETENUES PAR LE SERVICE AU TITRE DE L'IMPÔT DE L'ANNÉE DONNÉE

(en millions de francs)

 

Guadeloupe

Guyane

Martinique

La Réunion

Total

 

Nombre

Montant

Nombre

Montant

Nombre

Montant

Nombre

Montant

Nombre

Montant

1989

2.102

75,22

848

26,91

3.222

105,23

5.338

194,22

11.510

401,57

1990

2.499

65,51

981

24,20

3.645

87,06

6.155

156,38

13.280

330,14

1991

2.683

72,99

1.084

29,06

3.497

88,74

6.279

165,74

13.543

356,53

1992

2.591

70,25

1.105

29,44

3.145

77,62

5.854

151,11

12.695

328,42

1993

2.450

72,33

1.070

27,05

3.003

78,39

5.639

152,44

12.162

330,21

1994

2.519

80,30

993

26,95

2.895

83,19

6.008

179,99

12.415

370,42

1995

2.744

89,39

959

25,88

2.988

93,02

6.384

212,69

13.075

420,98

Total 1989/1995

 

522,98

 

189,49

 

613,24

 

1.212,56

 

2.538,27

Source : direction générale des impôts.

La réduction d'impôt étant établie sur cinq ans, le nombre de contribuables bénéficiaires d'une réduction au titre d'une année peut inclure ceux qui bénéficient de cette réduction au titre d'investissements réalisés les années précédentes. Les montants annuels peuvent être rapprochés de l'évaluation de la dépense fiscale présentée ci-dessus.

COMPARAISON RÉDUCTIONS D'IMPÔT
TOTALES/RÉDUCTIONS DES SEULS DOM
(Art. 199 undecies)

(en millions de francs)

 

Résultat total estimé par les voies et moyens

Résultat constaté des seuls DOM


Ecart en %

1989

340

401,57

+ 18 %

1990

470

330,14

- 30 %

1991

380

356,53

- 6 %

1992

400

328,42

- 18 %

1993

370

330,21

- 11 %

1994

370

370,42

n.s.

1995

400

420,98

+ 5 %

On constate un très faible écart et même, en 1989, 1994 et 1995, les réductions d'impôt constatées pour les seuls DOM ont excédé l'estimation de la dépense fiscale inscrite aux " voies et moyens " pour toute la France. Comme en 1994 a été notamment agréé un dossier de 41,8 millions de francs, dans le cadre de l'article 199 undecies du code général des impôts, en Nouvelle-Calédonie, on peut sans aucun doute affirmer que la dépense fiscale en 1995 est supérieure à 420 millions de francs.

Le coût de la réduction d'impôt résultant de l'application de l'article 199 undecies du code général des impôts semble donc quelque peu sous-estimé.

B.- LA DÉDUCTION DIRECTE DANS LA CATÉGORIE DES BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX

Pour les entreprises qui pratiquaient, avant la loi de finances pour 1998, la déduction du revenu ou du bénéfice imposable dans le cadre de l'article 238 bis HA du code général des impôts, cette déduction était opérée dans le cadre de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Elle était constatée dans la déclaration spéciale des bénéfices industriels et commerciaux, plus exactement sur les tableaux fiscaux correspondant à la déclaration 2058 A ou à la déclaration 2033 B. Les entreprises soumises à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés devaient porter, à la ligne ZY du tableau n° 2058 A " détermination du résultat fiscal ", le montant des investissements déductibles réalisés dans les DOM-TOM, lorsqu'elles relevaient du régime réel normal. Pour les entreprises relevant du régime réel simplifié, la ligne 350 du tableau n° 2033 B " compte de résultat simplifié " devait être renseignée. Les contribuables étaient également tenus de joindre à ces déclarations des pièces justificatives. Cependant, ces éléments ne faisaient l'objet de saisie informatique que dans le cadre de la structure sociétale soumise à déclaration ; et dans la déclaration de revenu global des contribuables soumis à l'impôt sur le revenu, il n'est mentionné que le résultat global, qui prend en compte la déduction opérée au titre de la " loi Pons ", sans l'individualiser.

En pratique, la direction générale des impôts dispose, sur cette base, dix-huit mois après le dépôt des déclarations, d'échantillons qui permettent une évaluation de l'impact de la " loi Pons " pour chaque structure sociétale. Il ne lui est pas possible pour autant, sauf à examiner chacun des dossiers, d'apprécier comment s'effectue le report des déclarations professionnelles sur la déclaration de revenu global n° 2042.

Ainsi, il n'existe pas, pour ce qui est probablement une part importante des investissements, ceux qui sont opérés sans agrément ni autorisation préalable, de source statistique exploitable directement par les services fiscaux. On peut donc conclure, comme le rapport de l'inspection générale des finances de mai 1996, que " sur un plan méthodologique, les apports de la " loi Pons " ne peuvent être mesurés avec précision " (19).

IV.- LE CONTRÔLE FISCAL, SUBSTITUT AU CONTRÔLE DES INVESTISSEMENTS ?

Si l'administration fiscale ne dispose pas d'informations précises sur l'importance du coût résultant de la " loi Pons ", elle ne reste pas inactive pour autant. Dans chaque département visité, comme par les contacts à Paris avec les " monteurs " en défiscalisation, la mission a été abondamment informée sur les contrôles fiscaux dont ont fait l'objet, semble-t-il largement, les professionnels et les usagers de la défiscalisation. Tel chef d'entreprise de La Réunion a évoqué clairement le montant de son dernier redressement, tel responsable consulaire de Guyane a transmis un dossier contentieux en instance devant le tribunal administratif de Cayenne, tel dirigeant économique bien connu de Martinique a évoqué le séjour de deux vérificateurs, qui auraient été occupés plusieurs mois à examiner sa situation fiscale personnelle.

A Paris, un " monteur " en " loi Pons " a semblé s'amuser d'une vérification de comptabilité de ses deux sociétés, alors qu'un autre, incidemment, s'est félicité de la faiblesse d'un redressement passé.

La " loi Pons " attire le contrôle fiscal, à tel point, semble-t-il, que certains démarcheurs en défiscalisation avertissent les clients potentiels pour qu'ils soient prêts à affronter le vérificateur.

Il est donc difficile d'apprécier son coût, surtout en l'absence d'une évaluation de la remontée des déficits sur le revenu global des contribuables soumis à l'impôt sur le revenu, possible avant l'intervention de la loi de finances pour 1998, mais ce coût est très certainement nettement supérieur aux estimations des " voies et moyens ".

C'est pour cette raison, et en tentant une évaluation même approximative de l'impact de l'imputation des déficits sur le revenu global dans le cadre de l'impôt sur le revenu, qui n'est pas évalué par les " voies et moyens ", que votre Rapporteur général avait proposé une évaluation dans son rapport (n° 305, tome II) sur l'article 14 du projet de loi de finances pour 1998. Il avait considéré, et cette estimation n'est pas démentie par les conclusions du présent rapport, compte-tenu de la méconnaissance de la défiscalisation directe, que le coût global de la " loi Pons " pouvait être évalué à environ 5 milliards de francs par an.

CHAPITRE IV

DES EFFETS SUR L'ÉCONOMIE DÉLICATS À ÉVALUER

Chacun s'accorde à reconnaître que le dispositif fiscal d'incitation à l'investissement outre-mer a eu un effet certain sur les économies locales, mais cet impact doit être nuancé, dans la mesure où ce dispositif a entraîné des effets secondaires quelquefois contestables, notamment en perturbant les structures économiques traditionnelles.

Les rapports d'audit précités des cabinets DME et Arthur Andersen International ont lourdement tenté de démontrer, statistiques à l'appui, l'efficacité réelle de la " loi Pons " (I). En fait, le dispositif de défiscalisation ajoute ses effets à une panoplie tellement large d'aides à l'outre-mer qu'il est très difficile de dissocier l'impact particulier de la " loi Pons " des effets des autres mécanismes. La mission a d'ailleurs constaté sur place que cet impact n'était pas toujours positif et il importe donc de nuancer l'appréciation du rôle de la défiscalisation (II). Enfin, dans leur environnement régional, les départements d'outre-mer affrontent des concurrents dont les performances, réalisées sans aucune assistance, éclipsent le succès supposé du mécanisme de défiscalisation (III) même si ces performances sont accomplies à un coût social insoutenable.

I.- LES LOURDES " DÉMONSTRATIONS " DES RAPPORTS D'AUDIT

Les rapports des cabinets DME et Arthur Andersen avaient tenté de mettre en évidence le succès de la " loi Pons " comme moyen de développement de l'outre-mer. Sur ce terrain, Arthur Andersen est plus réaliste que DME, sans pour autant emporter la conviction.

A.- LE RAPPORT DU CABINET DME

Le rapport DME, réalisé à la demande des chambres de commerce des Antilles et de Guyane attire d'autant plus la critique, qu'il fait reposer sa démonstration sur une modélisation théorique. La " loi Pons " aurait ainsi stimulé l'investissement des entreprises, le taux d'investissement dans les DOM progressant plus rapidement qu'en métropole. Ces statistiques ayant été énoncées, le rapport DME s'attache à présenter un modèle d'analyse théorique du dispositif de défiscalisation, dans le cadre de la théorie classique de l'équilibre général, et un cadre de cohérence quasi-comptable pour analyser les effets d'entraînement de l'investissement.

Sans méconnaître l'intérêt d'une analyse théorique, même si les théoriciens de l'économie peinent quelque peu depuis un quart de siècle pour trouver un principe dont l'application ferait diminuer le chômage, votre Rapporteur général ne peut être convaincu par une telle " démonstration ". Parce que la " loi Pons " rend, dans certains cas, l'investissement quasi-gratuit, lorsque l'avantage fiscal égale voire dépasse le montant du prix de revient, on se doute bien que la " réponse des entreprises domiennes aux incitations fiscales " est bonne et " la sensibilité des investissements au dispositif de défiscalisation " certaine. Pour autant, les (rares) statistiques proposées par DME à l'appui de sa thèse mettent en évidence qu'à côté de l'investissement des entreprises, celui des administrations a également progressé. La comparaison des économies domiennes avec celle de la métropole n'apparaît pas non plus très pertinente, compte tenu de la différence des situations, le rapport DME ne s'intéressant d'ailleurs pas à la situation économique des concurrents directs des DOM.

Enfin, comme il a déjà été indiqué au chapitre premier, le rapport DME analyse la loi de défiscalisation comme une politique de l'offre dissociée et concurrente de politiques de la demande qui l'auraient précédée et qui auraient échoué. C'est oublier qu'il y a eu avant 1986 des dispositifs d'aide à l'investissement, dont le rapport DME reconnaît d'ailleurs l'efficacité et que la consommation, dans les départements d'outre-mer a été, est, et sera probablement fortement stimulée par une forte politique de transferts, généreuse et efficace.

B.- LE RAPPORT DU CABINET ARTHUR ANDERSEN INTERNATIONAL

Le rapport d'Arthur Andersen International paraît plus réaliste que le rapport de DME, sur le terrain des effets de la loi de défiscalisation. Le cabinet Arthur Andersen International, tout en soulignant l'efficacité de la " loi Pons ", émet une opinion nuancée sur certains de ses effets. Il insiste sur l'exceptionnel renforcement de l'investissement qu'elle a permis, tout en mentionnant la contribution des administrations publiques. Il se félicite de la stimulation de la création brute d'emplois et constate le renforcement structurel du tissu économique des départements d'outre-mer. Il n'omet pas de mentionner les retombées positives non négligeables de cette croissance pour l'économie métropolitaine. Le rapport, en toute honnêteté, mentionne également les difficultés constatées dans certains secteurs et les évolutions toujours préoccupantes des DOM, où les déséquilibres économiques s'accroissent et les transferts publics métropolitains sont toujours élevés, ces départements subissant une marginalisation croissante de leurs économies.

Le rapport Andersen est donc intéressant, parce qu'il est nuancé. Pour autant, on ne peut mettre au crédit de la " loi Pons " la totalité de la croissance de l'investissement et de l'emploi, compte tenu de l'aide très importante aux économies d'outre-mer par la métropole. Votre Rapporteur général souhaite donc faire brièvement le point sur ces mécanismes d'aide au développement avant d'examiner, au cas par cas, les exemples positifs, discutables ou négatifs, dont la mission a pu avoir connaissance au cours de ses déplacements.

II.- DES EFFETS QUI S'ADDITIONNENT À CEUX DES AIDES VARIÉES ET IMPORTANTES ACCORDÉES À L'OUTRE-MER

A.- DES ÉCONOMIES PUISSAMMENT AIDÉES

Si les collectivités d'outre-mer ont un niveau de PIB par habitant nettement inférieur à celui de la métropole, il est cependant assurément plus élevé que celui des pays voisins. Force est d'observer que la principale caractéristique des économies des départements, territoires et collectivités territoriales d'outre-mer est l'importance de la consommation. Les statistiques disponibles pour les seuls départements d'outre-mer mettent en évidence la place essentielle de la consommation.

La consommation finale est, dans les DOM, structurellement supérieure au PIB, alors qu'en métropole, la consommation ne représentait que 80,7% du PIB en 1993. Cette consommation est stimulée par l'aide massive de la métropole qui applique aux départements d'outre-mer un régime fiscal et social très favorable. Ces particularités étant bien connues et le présent rapport n'ayant pas pour objet de présenter avec exhaustivité l'ensemble des spécificités ultramarines, on se contentera d'exposer les principaux aspects de l'aide apportée par la métropole à l'outre-mer, cette synthèse ayant, par ailleurs, été réalisée dans une série de rapports récents de l'inspection générale des finances (20).

PRODUIT INTÉRIEUR BRUT ET CONSOMMATION

(en millions de francs)

 

1989

1990

1991

1992

1993

1994

PRODUIT INTÉRIEUR BRUT

Guadeloupe

14.062

15.200

16.415

17.972

18.984

 

Martinique

 

19.320

20.787

22.093

22.969

 

Guyane

5.684

6.526

7.404

7.976

7.989

 

La Réunion

 

28.374

31.339

33.787

33.710

35.266

Métropole

6.159.680

6.509.488

6.776.231

6.999.546

7.077.087

7.389.654

CONSOMMATION FINALE

Guadeloupe

17.133

18.792

19.417

20.384

21.497

 

Martinique

 

21.889

23.438

24.980

25.662

 

Guyane

5.864

6.487

6.995

7.427

7.713

 

La Réunion

 

30.676

32.431

35.318

36.638

37.701

Métropole

4.777.823

5.049.015

5.294.647

5.528.537

5.712.026

5.899.721


Source : Rapports de l'IEDOM et comptes nationaux.

1.- Une fiscalité spécifique

Le droit fiscal français est applicable dans les départements d'outre-mer, alors que dans les territoires d'outre-mer et dans les collectivités territoriales à statut particulier, ce droit est de la compétence de chaque collectivité. Il a toutefois fait l'objet d'aménagements favorables aux DOM.

Les taux et l'assiette de la TVA sont modifiés ; la TVA n'est applicable, comme précédemment signalé, qu'en Martinique, Guadeloupe et à La Réunion, mais à un taux et sur une assiette spécifiques. Les DOM sont territoires d'exportation et d'importation vis-à-vis de la métropole. Le taux normal est fixé dans les trois départements à 9,5% et le taux réduit à 2,10% (article 296 du code général des impôts).

Sont exonérés de TVA :

- les produits pétroliers énumérés au tableau B de l'article 265 du code des douanes ;

- les transports maritimes dans les limites de chacun des DOM ;

- les ventes et importations de riz à La Réunion ;

- les importations de matières premières et produits figurant aux articles 50 undecies à 50 duodecies de l'annexe IV du code général des impôts, ainsi que les ventes et livraisons à soi-même de produits de fabrication locale analogues ;

- certaines opérations immobilières tendant à la mise en valeur agricole des terres incultes.

L'impôt sur le revenu est diminué de 30% en Guadeloupe, à La Réunion et en Martinique et de 40% en Guyane, avantage plafonné à 33.310 francs et 44.070 francs respectivement. De plus, le régime des plus-values est assoupli : les plus-values réalisées lors de la cession de terrains destinés à des équipements touristiques peuvent être exonérées d'impôt sur le revenu si le terrain a été auparavant conservé au moins douze ans par son propriétaire.

L'impôt sur les sociétés est assis sur les deux tiers des bénéfices imposables pour les secteurs qualifiés de prioritaires - soit l'industrie, l'agriculture, la pêche, l'hôtellerie, le tourisme, les énergies nouvelles, le BTP, les transports, l'artisanat, la production audiovisuelle, la maintenance au service d'industries, ce qui équivaut à un abattement du tiers de la valeur des bénéfices et pertes réalisés outre-mer (art. 217 bis du code général des impôts). De plus, une exonération temporaire d'impôt sur les sociétés peut être accordée sur agrément aux entreprises créant dans les DOM une activité nouvelle (art. 208 quater du code général des impôts).

Un régime fiscal favorable est prévu, sur agrément, au profit des entreprises effectuant une activité de recherche minière ou exerçant en Martinique, en Guadeloupe ou à La Réunion une activité industrielle essentielle ou en Guyane une activité agricole, forestière ou industrielle (art. 1655 bis du code général des impôts). Ce régime fiscal, de longue durée, leur garantit la stabilité des charges fiscales qu'elles auront à supporter en raison de cette activité et des opérations qui s'y rattachent.

D'autres impôts sont particuliers aux DOM : la TIPP n'existe pas sous sa forme métropolitaine, mais est remplacée par une taxe spéciale sur les carburants, qui alimente le fonds d'investissement routier, géré par les collectivités locales.

En matière de taxe sur les salaires, deux aménagements ont été apportés au dispositif en vigueur en métropole : d'abord, les employeurs guyanais sont exonérés de la taxe s'ils réalisent des opérations qui seraient soumises à TVA si cette taxe était applicable, ensuite, les taux majorés de la taxe ne s'appliquent pas dans les DOM et le taux normal est diminué (2,55% en Guyane, 2,95% dans les autres DOM).

Pour la participation des employeurs à l'effort de formation continue, le plancher annuel des salaires retenu pour les entreprises employant des travailleurs à domicile ou intermittents pour leur assujettissement est de 520 fois le SMIC hebdomadaire contre 120 fois le SMIC mensuel en métropole.

Pour la participation des employeurs à l'effort de construction, le montant annuel des salaires entraînant l'assujettissement pour les entreprises employant des travailleurs à domicile ou intermittents est fixé à 780 fois le SMIC hebdomadaire contre 120 fois le SMIC mensuel en métropole.

En Guyane, les tarifs des droits de timbre et d'enregistrement sont diminués de moitié.

L'octroi de mer, enfin, constitue, de fait, un outil de protection des activités locales.

Droit de consommation perçu au profit des collectivités locales sur les marchandises introduites dans les DOM, l'octroi de mer a été considéré par la Cour de justice des communautés européennes comme une taxe d'effet équivalent à un droit de douane. Actuellement régi par la loi n° 92-676 du 17 juillet 1992 - en conformité avec une décision du Conseil de l'Union européenne du 22 décembre 1989 -, l'octroi de mer touche en principe les productions locales comme les importations. Dans la pratique toutefois, des exonérations peuvent être consenties, qui bénéficient largement aux produits locaux. Ces exonérations, décidées par les conseils régionaux, doivent être notifiées au préfet ainsi qu'à la Commission européenne, laquelle dispose d'un délai de deux mois pour se prononcer. Les taux sont votés par les collectivités locales sous les réserves fixées par l'article 10 de la loi (pas plus de huit taux, pas de taux supérieur à 30%, sauf pour les alcools et tabacs dont les taux peuvent atteindre 50%).

Depuis 1994 (article 89 de la loi de finances pour 1994), les régions peuvent instituer un droit additionnel à l'octroi de mer, applicable à tous les produits, mais ne pouvant excéder 2,5%.

L'octroi de mer est contesté par des entreprises dont les produits ont été soumis à cette taxe lors de leur introduction dans les DOM. Compte tenu notamment du traité d'Amsterdam, qui reconnaît la nécessité de mesures spécifiques d'application du traité de Rome dans les régions ultrapériphériques de la Communauté, il ne semble pas que la Cour de justice des Communautés européennes se dirigera, au moins à court terme, vers une remise en cause de l'octroi de mer (21).

Toujours au plan fiscal, des régimes privilégiés existent pour les communes de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy, " îles du nord " du département de la Guadeloupe. Ces situations particulières ont fait l'objet d'un intéressant rapport de la Commission des lois du Sénat (22) qui a mis en évidence :

- un statut de zone franche de fait, en matière douanière, tant à Saint-Barthélémy qu'à Saint-Martin, avec cependant un droit de quai spécifique à Saint-Barthélémy ;

- la non-perception de l'octroi de mer, qui n'empêche pas l'affectation dans les deux communes d'une fraction du produit de cette taxe perçu dans le reste de la Guadeloupe ;

- la non-perception de la TVA, sauf la TVA immobilière, qui n'empêche pas l'éligibilité des deux communes aux versements du FCTVA ;

- la non-perception des contributions indirectes ;

- le très faible recouvrement des impôts directs (impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, impôts directs locaux). A Saint-Barthélémy, l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés ne sont que très peu recouvrés malgré les efforts de l'administration fiscale ; à Saint-Martin le recouvrement des impôts directs est médiocre. Les recouvrements de l'impôt de solidarité sur la fortune sont faibles, tant à Saint-Barthélémy qu'à Saint-Martin.

La situation en matière d'impôts directs locaux est différente dans les deux îles : à Saint-Martin, les impôts locaux sont perçus normalement alors qu'à Saint-Barthélémy, les bases d'imposition n'ayant pas été établies et le conseil municipal s'abstenant de voter les taux, aucun impôt direct local n'est perçu.

Dans les faits, on constate un refus chronique de l'impôt dans les deux îles, sous le prétexte, à Saint-Barthélémy, d'une exemption accordée par le roi de Suède dont la République française aurait reconnu la pérennité dans le cadre du traité de rétrocession franco-suédois du 10 août 1877. Le juge de l'impôt a cependant jugé applicables l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés à Saint-Barthélémy (CE, 22 mars 1985, d'Yerville ; CE, 14 juin 1989, Magras ; CE 14 juin 1989, soc. Lacour-Wachter-Solowac).

Enfin, s'ajoutent à ces régimes particuliers les effets d'une propension particulière, dans les départements d'outre-mer, à résister efficacement à la croissance des prélèvements obligatoires. Le rapport de synthèse de l'Inspection générale des finances, de 1996, sur le financement des entreprises dans les départements d'outre-mer, observe ainsi que " l'importance des dettes sociales et fiscales doit être soulignée puisque ces dernières représentent entre 20% et 25% des dettes d'exploitation des entreprises. Ainsi, par exemple, le taux de paiement spontané de la TVA est de 85% en Martinique alors qu'il se situe à 95% en métropole. Dans le même département, les restes à recouvrer de la TVA ont crû de 77,6% entre 1990 et 1993 et de 31,9% pour la seule année 1995. En Guyane, sur 110 entreprises ayant fait l'objet d'un contrôle fiscal externe au cours des années 1993, 1994 et 1995, seules 6 d'entre elles (soit 5,45%) n'ont pas fait l'objet d'un redressement. Enfin, à La Réunion, le taux de recouvrement de la taxe professionnelle est inférieur, en moyenne, de 10,7 points au taux de recouvrement constaté en métropole sur la période triennale 1992-1994 ".

2.- Les aides publiques non fiscales

L'Etat, les collectivités locales et l'Union européenne aident fortement l'économie des départements d'outre-mer.

a) Les aides de l'Etat

Le décret du 2 mai 1995 a substitué aux primes d'équipement et primes à l'emploi une prime à la création d'emplois accordée aux entreprises implantées dans les DOM, ayant une activité qui présente un intérêt économique pour le département, exerçant une activité de fabrication, transformation ou réparation de biens, et participant au désenclavement de l'économie " en contribuant à la diversification des débouchés commerciaux du département ". Les activités de service sont éligibles à cette prime lorsqu'elles sont implantées dans une zone franche, mais les activités bancaires et financières sont exclues du dispositif.

Cette prime, attribuée après agrément, est versée en cas d'accroissement d'une année sur l'autre de l'effectif moyen annuel employé par l'entreprise.

La prime d'orientation agricole bénéficie aux investissements de stockage et transformation de produits agricoles. Elle consiste dans le remboursement d'une part de l'investissement réalisé.

La loi n° 94-638 du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les activités économiques dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte, dite loi " Perben ", dispose, dans son article 4, que les entreprises immatriculées dans les DOM bénéficient, sous certaines conditions, de l'exonération des cotisations sociales. Le coût de cette mesure pour les organismes sociaux est pris en charge par l'Etat. Sont éligibles à ce dispositif les entreprises appartenant aux secteurs de l'agriculture, de la pêche, de l'industrie, de l'hôtellerie, de la restauration, de la production audiovisuelle ou de la presse et qui sont à jour de leurs cotisations sociales, parce que ces secteurs sont considérés comme fortement concurrentiels.

Son article 9 prévoit également l'extension du dispositif d'exonération de cotisations patronales pour l'embauche d'un deuxième ou d'un troisième salarié à l'ensemble des DOM et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

b) Les aides des collectivités locales

Ces aides résultent, comme celles octroyées par les collectivités locales métropolitaines, des lois de décentralisation du début des années quatre-vingt. Les aides directes comprennent les primes régionales à la création d'entreprises, les primes régionales à l'emploi, les bonifications d'intérêts et les prêts et avances. Les aides indirectes sont nombreuses : à titre d'exemple, on citera les aides à la formation, au conseil, la participation à des études, aux micro-projets, etc.

Les aides diffèrent d'une collectivité à l'autre. De surcroît, celles-ci peuvent octroyer :

- sur agrément, une exonération d'octroi de mer ou du droit additionnel à l'octroi de mer sur les matériaux et produits importés ;

- une exonération de taxe professionnelle pendant les cinq premières années de fonctionnement d'une entreprise, régime existant également en métropole.

c) Les transferts provenant de l'Union européenne

Les DOM français font partie, depuis 1989, des régions en retard de développement, dites d'" objectif 1 ", des fonds structurels communautaires, c'est-à-dire des régions dont le PIB par habitant est inférieur à 75% de la moyenne communautaire.

A ce titre, et dans le but de renforcer la cohésion économique et sociale de l'Union européenne, leur sont accordés des financements communautaires regroupés actuellement, principalement, en deux catégories de programmes :

-  le DOCUP, document unique de programmation, qui rassemble les financements émanant des fonds structurels (FEDER, FSE, FEOGA et IFOP) ;

- les programmes d'initiative communautaire, regroupés sous le nom de REGIS (régions isolées) II. Adopté en 1991 sous le nom de REGIS I, ce programme a pour vocation de permettre la diversification des filières économiques et la compensation des handicaps liés à l'isolement. Reconduit en 1993 (REGIS II) il intègre d'autres programmes d'initiative communautaire auparavant distingués (Leader, Ruban, Pesa ...). Son intervention dans les DOM est orientée vers cinq priorités : le soutien aux entreprises, l'aménagement du territoire, l'environnement, la politique de la ville, la protection du patrimoine.

Les deux programmes (DOCUP et REGIS II) couvrent la période 1994-1999. Ils prennent le relais de financements effectués sur 1989-1993 dans le cadre précédent des fonds structurels. Les montants consacrés aux DOM ont été considérablement accrus. Ils ont été portés de 875 millions d'ECU pour 1989-1993 à 1.760 millions d'ECU pour 1994-1999.

Ces financements, réévalués chaque année, se répartissaient comme suit en 1996 :

(1994-1999)

Versements des fonds
structurels


Répartition par


Moyenne

 

DOCUP

PIC Régis II

DOM

annuelle

Guadeloupe

2.269 MF

400 MF

23 %

445 MF

Martinique

2.170 MF

400 MF

22 %

428 MF

Guyane

1.085 MF

187 MF

11 %

212 MF

La Réunion

4.340 MF

760 MF

44 %

850 MF

A ces transferts, s'ajoutent les versements effectués au titre du programme POSEIDOM, par le FEOGA-Garantie, et dans le cadre de l'organisation commune de marché de la banane. Pour les années 1993 et 1994, ces versements ont représenté globalement un milliard de francs, dont 49% au titre de 1993 et 44% en provenance du FEOGA.

En effet, la filière banane bénéficie de mesures très favorables dans le cadre communautaire. L'organisation commune de marché (OCM), offre aux planteurs la garantie d'écouler leur production grâce à une aide compensatoire et à la limitation du volume de bananes importées des pays tiers. Elle repose sur trois dispositifs qui additionnent leurs effets :

- un système de contingentement assorti d'un droit de douane pour les bananes provenant des pays ACP non fournisseurs traditionnels et d'Amérique latine ;

- des licences d'importation délivrées au titre du contingent tarifaire ;

- un régime d'aide compensatoire accordée aux producteurs communautaires.

Le mécanisme de l'OCM est contesté au sein même de l'Union européenne par l'Allemagne et la Belgique, Etats consommateurs non producteurs ; et dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce par les Etats-Unis et des producteurs d'Amérique latine.

L'Assemblée nationale vient de s'exprimer, le jeudi 4 juin 1998, par une résolution, sur une proposition de réforme, présentée par la Commission européenne, de l'organisation commune des marchés dans le secteur de la banane, en observant notamment qu'il n'est pas prévu de mesures de compensation pour les producteurs communautaires et que le contingent additionnel est fixé à un niveau excessif.

La filière canne-sucre-rhum bénéficie également de mesures très favorables dans le cadre communautaire, avec le programme POSEIDOM et les interventions du FEOGA. Le prix de la canne comprend une part industrielle, dite " part usine ", et une part payée par l'Etat aux planteurs, en garantie de prix. Il peut s'y ajouter une " aide au complément de prix " à caractère social, pour les petits et moyens planteurs. S'agissant du rhum, les rhums traditionnels vendus dans l'hexagone sous contingent bénéficient d'une protection fiscale : ils ne donnent lieu à des droits d'accise qu'à un taux minoré dans la limite d'un contingent. La répartition de ce contingent entre chaque département et par catégorie (rhum agricole, rhum industriel, rhum léger) a été modifiée, à compter du 1er janvier 1996, le contingent ayant globalement été ramené de 204.050 hectolitres d'alcool pur (HAP) à 90.000 HAP. La France a, en effet, obtenu, dans le cadre communautaire, l'autorisation d'appliquer un taux d'accises réduit de 50% au maximum, à un volume annuel de 90.000 HAP de rhum traditionnel, jusqu'en 2002.

3.- Les " surrémunérations " des fonctionnaires

Les avantages statutaires des fonctionnaires en poste outre-mer, généralement passés sous silence dans l'analyse de l'aide aux collectivités ultramarines, peuvent s'analyser comme des aides indirectes à la demande des ménages dans ces collectivités. Cela est si vrai que, dans le cadre de la réflexion sur ces avantages, on ne manque pas de proposer un redéploiement des sommes économisées au profit des collectivités concernées.

Toutes les collectivités françaises d'outre-mer connaissent, sous des formes et à des degrés divers, un régime de majoration du traitement servi aux fonctionnaires.

Cet état de fait est justifié par un passé colonial, alors marqué par la pénibilité du service outre-mer et l'éloignement accentué par la desserte exclusivement maritime.

Destinés primitivement aux seuls fonctionnaires de l'Etat expatriés, c'est-à-dire aux personnels d'encadrement métropolitains appartenant aux corps spéciaux des Colonies puis de la France d'outre-mer, ces régimes ont été progressivement étendus à la quasi-totalité du secteur public, et sont fréquemment reproduits par les organismes para-publics. Deux mécanismes composent, ensemble ou indépendamment, la rémunération majorée :

le coefficient ou index, qui est un multiplicateur permanent du traitement servi à l'ensemble des fonctionnaires, y compris ceux issus du recrutement local. Il est ordinairement connu sous le nom de " prime de vie chère ". Seule la collectivité territoriale de Mayotte en est exempte depuis une réforme effectuée en 1976, à l'occasion de l'indépendance des îles qui l'ont choisi, de l'ancien territoire des Comores, réforme qui a privilégié l'indemnité d'éloignement.

Les fonctions publiques locales, comme la fonction publique territoriale, pour les départements d'outre-mer, ou la fonction publique particulière du territoire de Nouvelle-Calédonie, bénéficient également du coefficient, reconnu, par assimilation progressive, à tous les agents publics titulaires. Les agents contractuels sont toutefois exclus du bénéfice de cette extension.

l'indemnité d'éloignement, qui est exprimée en mois de traitement indiciaire. Elle ne concerne que les fonctionnaires de l'Etat nommés depuis la métropole (éventuellement depuis une autre collectivité d'outre-mer distante d'au moins 3.000 kilomètres) et cesse d'être versée après une durée de service d'au plus quatre ans, même si l'affectation se prolonge au-delà.

Elle constitue un instrument de dédommagement et d'incitation, encourageant la mobilité des fonctionnaires entre la métropole et l'outre-mer. C'est le système unique en vigueur à Mayotte, selon un barème élevé (23 mois pour deux ans) : il entraîne une rotation à peu près systématique des intéressés après épuisement des droits.

L'indemnité d'éloignement revêt un caractère de réciprocité entre les départements d'outre-mer et la métropole (décret du 22 décembre 1953), qui est une conséquence logique des lois de départementalisation et de l'identité statutaire ; elle facilite, en particulier, l'installation des " domiens " en métropole. En revanche, cette réciprocité n'existe pas pour l'heure entre la métropole et les territoires (ou Mayotte).

Le tableau suivant recense les situations en 1997, pour les quelque 68.000 fonctionnaires civils de l'Etat concernés.

Les personnels militaires, soumis à mobilité obligatoire y compris dans les DOM, disposent d'un régime spécifique comparable. Pour mémoire, on signalera que le territoire des Terres Australes et Antarctiques (TAAF) possède également un multiplicateur (x 1,65 à x 1,73) et une indemnité d'éloignement (7 mois et 7 mois ½ pour un an).

MAJORATIONS DE TRAITEMENT POUR SERVICE OUTRE-MER

   

COEFFICIENT (1)

INDEMNITÉ D'ÉLOIGNEMENT (4)

DOM

Guadeloupe
Martinique
Guyane
La Réunion

x 1,4
x 1,4
x 1,4
x 1,35 (2)

12 mois pour 4 ans
12 mois pour 4 ans
16 mois pour 4 ans
12 mois pour 4 ans

TOM

Polynésie française
Nouvelle-Calédonie
Wallis et Futuna

de x 1,84 à x 2,08 (3)
de x 1,73 à x 1,94 (3)
x 2,05

10 mois pour 2 ans
10 mois pour 2 ans
18 mois pour 2 ans

COLLECTIVITÉS

Saint-Pierre-et-Miquelon
Mayotte

x 1,4 (5)
(Néant)

12 mois pour 4 ans
23 mois pour 2 ans

(1) Sur traitement brut dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon ; sur traitement net dans les territoires d'outre-mer.

(2) Le traitement net majoré est également affecté d'un index de correction de 1,138 par rapport à l'ancien franc CFA, ce qui porte la majoration totale à environ x 1,53.

(3) Selon subdivision d'affectation.

(4) Condition obligatoire d'éloignement de la résidence habituelle. Dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon, non renouvelable mais bilatérale (depuis et vers le département). Unilatérale pour les TOM et Mayotte (vers le territoire), renouvelable une fois.

(5) Le traitement net majoré est également affecté d'une indemnité spéciale compensatrice, normalement décroisante, et actuellement fixée par instruction budgétaire à + 30,67%.

Source : Secrétariat d'Etat à l'outre-mer.

L'évaluation du coût budgétaire des " surrémunérations " est des plus malaisée dans la mesure où les éléments indemnitaires spécifiques au service outre-mer sont dispersés dans chacun des fascicules budgétaires des ministères où existent des chapitres retraçant des rémunérations, sans nécessairement être individualisés dans des articles ou des paragraphes particuliers. Selon certaines sources, l'ensemble des avantages attachés au service outre-mer pour les seuls fonctionnaires d'Etat représenterait une masse de l'ordre de 3,5 milliards de francs à 4 milliards de francs. Cette masse est évidemment partiellement épargnée et non totalement dépensée sur place, cependant une fraction non négligeable est dépensée outre-mer et concourt à soutenir et solvabiliser la demande des ménages. Elle a comme effets négatifs de mettre en évidence les écarts de revenu avec les ressortissants d'outre-mer non fonctionnaires et donne l'impression qu'un emploi de fonctionnaire est préférable à tout autre emploi, notamment à un emploi dans le secteur productif des collectivités ultramarines.

4.- Les effets cumulés des aides publiques

Le dispositif de défiscalisation s'insère donc dans un ensemble puissant d'aide, notamment de l'Etat et de l'Union européenne, aux économies d'outre-mer. Dans ce contexte, la perception statistique de l'impact spécifique de la " loi Pons " est impossible. De nombreux projets reposent d'ailleurs sur l'association de la défiscalisation avec d'autres aides publiques.

La réglementation communautaire autorise le cumul d'aides publiques aux entreprises, pour les zones d'objectif 1 des fonds structurels communautaires, jusqu'au taux de 75% d'équivalent-subvention-nette. Dans ce cadre, une note du 11 décembre 1996 du ministre chargé de l'outre-mer rappelle les modalités permettant de mettre en oeuvre le cumul de la défiscalisation avec des aides publiques qu'elles soient nationales ou communautaires, le cumul, dans ce dernier cas, ayant été expressément autorisé par la Commission européenne.

En autorisant en janvier 1993 le régime fiscal dérogatoire des articles 238 bis HA et 238 bis HC du code général des impôts, la Commission européenne a précisé que " leur intensité s'élève à 34% ESN (équivalent subvention nette) devant être prise en compte pour le respect du plafond des 75% ESN applicables aux aides à finalité régionale dans les DOM ".

Il en résulte que la part du projet pouvant être subventionnée est au maximum de 41% pour une opération défiscalisée en totalité.

En revanche, le calcul des 34% devant être fait uniquement sur le montant défiscalisé, les subventions peuvent dépasser 41% de l'investissement total lorsqu'une partie seulement du projet bénéficie de la défiscalisation alors que les subventions porteraient sur le tout.

Cette réalité permet de relativiser les arguments de ceux qui allèguent que la " loi Pons " présenterait l'intérêt, notamment, de respecter la dignité des entrepreneurs domiens en les préservant d'un système de dépendance résultant des mécanismes de subvention. Dans les faits, les entrepreneurs doivent se reposer sur les cabinets de montage de dossiers de défiscalisation pour obtenir des financements dans ce cadre et ils ne refusent pas, mais recherchent bien évidemment, des subventions publiques en complément de ces financements.

Selon l'Inspection générale des finances (23), l'ensemble des mesures fiscales et budgétaires au profit des DOM (surrémunérations des fonctionnaires non comprises) a comme effet essentiel de contribuer au PIB de manière très significative. Les transferts opérés par la métropole au profit des DOM représentent en effet des sommes importantes, auxquelles on doit ajouter les transferts en provenance de l'Union européenne (fonds structurels notamment). Il est également à noter que les transferts de l'Etat bénéficient principalement aux ménages (transferts sociaux, rémunérations publiques).

Les crédits budgétaires consentis en faveur des départements d'outre-mer se montaient à 4 milliards de francs en 1995 et 2,5 milliards de francs en 1996 pour les autorisations de programme (AP) et à 30 milliards de francs en 1995 et 29,8 milliards de francs en 1996 pour les crédits de paiement (CP).

Selon la même source, les aménagements de la loi fiscale mis en oeuvre en faveur des DOM représentent un coût pour le budget de l'Etat qui, pour l'année 1997, peut être évalué à près de 13 milliards de francs.

DÉPENSES FISCALES EN FAVEUR DES DOM EN 1996

(en millions de francs)

Mesure fiscale

Coût

Aménagements de l'impôt sur le revenu

1.370

Aménagements sur les BIC et l'impôt sur les sociétés

1.540

Réduction des taux de TVA

6.080

Fiscalité

nc

Droit d'enregistrement

nc

Taxe sur les salaires

nc

Octroi de mer - équivalent de la TIPP perdu par l'Etat au profit des collectivités locales -


4.000

Contributions indirectes

nc

TOTAL

12.990

Ces montants comprennent le coût de la défiscalisation mais ne prennent pas en compte les aides communautaires ni les " surrémunérations " des fonctionnaires.

Il s'ajoute également le coût de l'imputation des déficits nets, dans la catégorie des BIC non professionnels, sur le revenu global, qui reste possible, dans le cadre de la " loi Pons ", pour les investissements réalisés avant l'intervention de la loi de finances pour 1998.

Selon la même source et en adoptant une autre approche, le solde net des transferts publics, budgétaires et sociaux, est nettement positif.

Le tableau ci-après présente la synthèse des transferts publics, en 1995, pour les quatre départements d'outre-mer. Ces éléments sont à utiliser avec précaution, puisque les PIB sont estimés et que, pour la Martinique, les transferts publics peuvent être inférieurs en fait aux montants indiqués.

TRANSFERTS DE L'ETAT ET SOCIAUX

(en millions de francs)

1994

La Réunion

Martinique

Guyane

Guadeloupe

Dépenses de l'Etat

16.571

5.661

1940

6.199

Recettes de l'Etat

7.001

2.782

968

2.971

Solde pour l'Etat

9.570

2.879

972

3.228

Solde social

5.720

2.617

504

3.164

Total transferts

15.290

5.496

1.476

6.392

PIB

35.266

24.000

8.000

20.000

Transferts/PIB

43,36%

22,90%

18,45%

31,96%


Source : Inspection générale des finances.

Il s'ajoute à ces transferts d'autres charges qui sont supportées non pas par l'Etat ou l'Union européenne, mais par des entreprises publiques, au premier rang desquelles EDF.

Le coût de la desserte électrique des DOM, dans les conditions actuelles de tarification, peut être évalué par le déficit d'EDF dans les DOM, soit 1,7 milliard de francs en 1992, 1,8 milliard de francs en 1993, 2 milliards de francs en 1994, 2,4 milliards de francs en 1995 et 2,6 milliards de francs en 1996 (prévisions).

Selon l'Inspection générale des finances toujours, le total des transferts au bénéfice des seuls DOM s'établissait comme suit en 1996 :

- dépense fiscale

13 milliards de francs

- solde net des transferts budgétaires et sociaux

29 milliards de francs

- transfert en provenance de l'Union européenne

2 milliards de francs

- déficit EDF

2 milliards de francs

   

soit

46 milliards de francs

Rapportés au nombre d'habitants dans les DOM (1,45 million d'habitants), les transferts se montaient à 31.725 francs par habitant.

Rapportés au PIB 1992 (81,8 milliards de francs), les transferts représentaient 56% du PIB.

Dans cette masse, la part du dispositif total de défiscalisation ne représente que moins de 5% (24). Il n'est donc pas possible d'évaluer statistiquement l'impact de la défiscalisation et il n'est guère rigoureux de déduire, en considérant les données relatives à la production, à l'investissement ou à l'emploi, que la " loi Pons " est à l'origine de toute l'activité économique outre-mer. Pour autant, la mission a pu constater sur place et sur dossier des effets positifs mais inégaux de la défiscalisation.

B.- DES EFFETS INÉGAUX

Il est donc difficile de distinguer l'impact de la défiscalisation et les effets des autres mécanismes d'aide à l'outre-mer. La " loi Pons " n'est assurément pas le système miracle qui devrait assurer le décollage économique des départements et territoires d'outre-mer et conditionnerait la poursuite de leur développement à l'avenir, comme le prétendent ses zélateurs. Ce n'est pas non plus un mécanisme sans efficacité : dans ses déplacements outre-mer, la mission a rencontré du bon et du moins bon, mais elle est consciente de ce que l'on a sans doute évité de lui montrer le pire.

1.- Des effets positifs

Parmi les exemples de réalisations économiques mises en oeuvre au moyen de la défiscalisation à La Réunion, votre Rapporteur général a retenu le financement d'avions de la Compagnie Air Austral et celui de l'usine de conditionnement de volailles " Crête d'or " à l'Etang salé.

Dans le premier cas, le financement d'avions d'une valeur de plusieurs centaines de millions de francs supposait une mobilisation de moyens dont ne pouvaient disposer le fondateur, M. Guy Ethève, ni les actionnaires d'Air Austral. Fondée au milieu des années soixante-dix, dans le contexte de l'indépendance des Comores, pour maintenir une liaison aérienne avec Mayotte, Réunion Air Service avait été porté sur les fonds baptismaux par le souci de l'intérêt public d'une desserte régionale au sud de l'océan Indien, assurée par une compagnie française. Vingt ans après, Air Austral est une compagnie rentable, au chiffre d'affaires et aux bénéfices en croissance. En 1990, lors du rachat de Air Réunion (qui avait elle-même succédé à Réunion Air Service en 1987) par Air Austral le panorama de l'activité de la société se résumait ainsi :

- trafic passager : 20.000, soit 10% de la part française du trafic régional ;

- trafic fret et poste : 250 tonnes ;

- chiffre d'affaires : 40 millions de francs ;

- nombre d'employés : 48.

Les mêmes indicateurs pour l'année 1997 sont de :

- trafic passager : 323.000, soit 52% de la part française du trafic régional ;

- trafic fret et poste : 2.200 tonnes ;

- chiffre d'affaires : 256 millions de francs ;

- nombre d'employés : 180.

Cette croissance a été permise par le financement, dans le cadre de la défiscalisation, de trois Boeing 737 neufs, pour un montant global de 547 millions de francs, par le biais de groupements d'intérêt économique (GIE) bancaires et de sociétés en nom collectif.

L'usine de volailles " Crête d'or " à l'Etang salé est également un exemple d'impact positif de la défiscalisation .

Alors que La Réunion est déficitaire en matière de volailles, les importations excédant très largement la production locale, la création, puis le développement, de l'usine " Crête d'or " ont permis le traitement et le conditionnement de cette production pour développer la consommation de produits non congelés dans le département.

En Martinique, la mission a également visité des réalisations très positives, financées dans le cadre de la " loi Pons ".

Ainsi, la SOMES (Société martiniquaise des eaux de source), au Morne Rouge assure le conditionnement, par des installations modernes, de l'eau de source de la Montagne pelée et, sous licence, produit des boissons labellisées par de grandes marques. La mission, qui avait été surprise en Guyane de constater que l'eau en bouteilles consommée sur place était importée de métropole, s'est félicitée de la présence, tant en Martinique qu'en Guadeloupe, d'embouteilleurs locaux. Pour autant, elle a bien compris que la rentabilité des activités industrielles aux Antilles était moins qu'assurée, d'où la nécessité pour les industriels locaux de prospecter les marchés métropolitain et américain. Nous avons pu avoir un exemple emblématique des difficultés de développement économique aux Antilles françaises, lorsque, sur un autre site industriel, la mission a constaté qu'une chaîne de conditionnement de bocaux de confitures ne pouvait être utilisée jusqu'à la phase finale par pénurie de colle destinée à apposer les étiquettes : le précieux produit n'était pas parvenu de métropole !

La mission a également apprécié son déplacement aux Trois-Ilets, en Martinique, où la " loi Pons " a contribué à la modernisation d'installations datant du XIXème siècle et le développement de techniques industrielles, au-delà de l'activité traditionnelle de poterie, avec par exemple la fabrication de béton précontraint, de briques ou de carreaux.

Qu'il s'agisse de " Crête d'or " à La Réunion, de la SOMES, de Royal S.A., au Gros-Morne en Martinique, ou de la poterie des Trois-Ilets en Martinique, les investissements industriels aidés par la " loi Pons " nous ont paru présenter l'avantage de créer ou de maintenir des emplois, dans un schéma de développement ou de restructuration.

Un exemple particulièrement intéressant à cet égard que la mission a eu l'occasion d'apprécier est celui de la pâtisserie Conseil, à Pointe-à-Pitre. En mobilisant peu de moyens, cette pâtisserie, qui alimente divers points de distribution, et notamment un supermarché où elle est établie, assure une dizaine d'emplois, et commercialise des produits de très haut de gamme.

2.- Des effets discutables

La mission a cependant été confrontée à des réalisations qui témoignent de l'impact quelquefois discutable de la " loi Pons ", sous l'angle du rapport coût/efficacité.

A La Réunion, la Société d'économie mixte " Pipangaï " assure une partie de la réalisation de dessins animés. Utilisant des animations et des décors généralement conçus en Asie, la SEM Pipangaï produit des dessins animés avant sonorisation, c'est-à-dire qu'elle réalise la mise en couleurs et le " compositing ". Elle emploie environ 180 salariés, mais son activité, certainement fragile, puisqu'elle a manqué de disparaître en 1996, fait appel à une quantité importante de fonds publics. Au-delà des participations des collectivités locales, Pipangaï bénéficie des concours de la " loi Pons " et de la loi Perben.

On peut donc s'interroger, dans ce contexte, sur certaines revendications nouvelles prônant la défiscalisation d'achat de films.

L'exemple de Pipangaï, entreprise au demeurant sympathique et créatrice d'emplois, illustre la façon dont le cumul des aides publiques viabilise une activité qui ne serait certainement pas rentable dans d'autres conditions. Il permet d'apprécier à leur juste valeur les rapports de DME et Arthur Andersen qui prétendent faire reposer sur le seul dispositif de défiscalisation le (relatif) succès du développement économique outre-mer.

La mission a également été confrontée en Martinique, au Robert, à un exemple typique de surfacturation. La " loi Pons " a ainsi permis le financement d'un catamaran de pêche utilisé effectivement pour la capture au casier de vivaneaux au large du Brésil. Ce poisson de prix est, en Martinique, consommé en quantité et, compte tenu de la pauvreté des ressources halieutiques locales, il est le plus souvent importé congelé. L'investissement est donc économiquement parfaitement justifié :

- il crée des emplois, et permet la pratique effective de la pêche, le bateau étant commandé par un patron chevronné, formé sur des chalutiers métropolitains en mer du Nord ;

- il répond à un besoin local, le navire écoulant d'ailleurs sa production très rapidement, et l'armement ne dépendant que très peu des mareyeurs.

Cependant, la base de la défiscalisation est de 23 millions de francs, alors que le prix payé au chantier naval métropolitain, des Sables d'Olonne, a été de l'ordre de 13 à 14 millions de francs seulement. Il semblerait que la base défiscalisée aurait été majorée de la valeur de rachat du bateau.

Des phénomènes comparables peuvent être constatés en matière de navigation de plaisance. La mission a rencontré au port du Marin, en Martinique, des professionnels de la plaisance. Le développement de ce type de tourisme aux Antilles, principalement au Marin et à Fort-de-France en Martinique, ainsi qu'à Bas-du-Fort et à Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, est une réalité incontestable et elle est d'un impact certain sur l'économie. Pour autant (voir infra le point C : des anomalies qui perdurent), les montages en navigation de plaisance sont peu transparents et caractérisés parfois par une majoration importante des prix des bateaux.

La " loi Pons " a également eu un impact discutable dans le secteur du logement et mon prédécesseur M. Alain Richard, avait déjà donné, dans son rapport de 1991, des exemples d'augmentation de la pression foncière, en apportant des exemples chiffrés pour Schoelcher, Rivière salée et Sainte-Anne, en Martinique.

La mission a obtenu peu d'informations sur ce point, sauf à La Réunion, où les syndicats de salariés ont déploré une pression très élevée sur le prix du foncier. Ils ont notamment souligné la pratique consistant à incorporer dans le prix des logements neufs une partie de l'avantage fiscal obtenu par l'acquéreur, ce dernier étant solvabilisé par cet avantage fiscal. Ils ont également évoqué l'excès d'offre constaté en matière de logements, ainsi que le taux de vacance élevé de nombreux logements intermédiaires, phénomènes qui témoignent des distorsions engendrées sur le marché immobilier par le dispositif de défiscalisation.

Si le rapport adopté le 13 mai 1997, à l'unanimité des membres présents et représentés, par le Conseil économique et social de La Réunion, met surtout l'accent sur l'importance des aides d'Etat transitant par la ligne budgétaire unique, il observe également :

" La très forte hausse du coût d'acquisition du foncier pour la réalisation d'opérations de logement sociaux a conduit au " dérapage " des coûts des logements. Depuis 1988, le coût budgétaire moyen d'un logement à La Réunion s'est accru de 35% (22% pour le LES). Ces dérapages ont des conséquences, notamment sur le niveau des loyers qui a augmenté de manière inquiétante (30 francs le mètre carré habitable en moyenne sur l'ensemble du département en 1993). L'effort financier qui en résulte est de moins en moins compatible avec les capacités des populations modestes à loger, constituées en grande partie par des ménages n'ayant pas de revenu du travail. Les principaux facteurs à l'origine de ce renchérissement du foncier sont le :

- fruit de la " défiscalisation " et de sa rareté.

Les mesures de défiscalisation prises en 1986 et prorogées en 1992 et 1996 ont provoqué un fort développement de la construction de résidences principales ou de logements à louer et ont eu un effet immédiat sur l'activité du BTP. Ces mesures ont permis de débloquer la situation tendue du marché du logement, notamment dans les pôles urbains attractifs. Cependant, elles ont également contribué à un fort renchérissement du coût des terrains et engendré des spéculations sur un foncier de plus en plus rare. "

Ainsi, la défiscalisation appliquée au secteur du logement, après avoir suscité une activité certaine dans le secteur du bâtiment, a pu entraîner des effets négatifs de spéculation foncière et d'augmentation des prix des loyers.

3.- Des effets négatifs

La " loi Pons " peut également avoir des effets très négatifs sur l'économie en ce qu'elle bouleverse les structures établies et, dans certains cas, ses conséquences n'ont pas encore été perçues parce que les investissements sont encore trop récents.

Il a déjà été question de l'effet de la réduction d'impôt pour l'acquisition de logements dont l'impact est pour le moins mitigé : elle a stimulé à court terme le marché du neuf pour se traduire, après quelques années, par l'élévation des prix du foncier et les difficultés du marché de l'occasion.

Par ailleurs, la " loi Pons " présente la particularité de permettre le financement d'investissements non rentables. Ainsi, à La Réunion, une flotte de navires de pêche, des palangriers, a effectivement été construite, en défiscalisation, mais les bateaux restent à quai sans être exploités, : exemple significatif d'investissement économiquement inutile. Dans le même département, une implantation industrielle de fabrication de tubes de ciment a effectivement été défiscalisée, une autorisation ayant été accordée en novembre 1995, mais n'a jamais vu le jour, à cause de l'indélicatesse du promoteur du projet.

En Guyane, comme à La Réunion, dans le secteur hôtelier, la " loi Pons " porte atteinte aux structures traditionnelles. A La Réunion, les représentants de la profession hôtelière, lors de leur rencontre avec votre Rapporteur général, n'ont manifesté aucune prévention à l'encontre des mesures adoptées dans le cadre de la loi de finances pour 1998. Ils semblaient surtout préoccupés par un très important projet hôtelier envisagé à Saint-Gilles qui les aurait fortement concurrencés sur deux terrains : d'abord, l'emplacement, à proximité immédiate du lagon, alors que les hôtels réunionnais, lorsqu'ils ont une vocation balnéaire, sont le plus souvent situés à quelques centaines de mètres du rivage, au-delà de la route qui ceinture l'île ; ensuite le volume de l'établissement, comme la qualité de ses prestations. La Réunion n'a pas une vocation de tourisme balnéaire tellement affirmée que ses structures hôtelières, souvent familiales, puissent supporter un tel choc : la grosse " défiscalisation " menace d'écraser la petite. Une remise en cause, au moins provisoire, du projet, consécutive à la tunnelisation, ne semblait donc pas mécontenter excessivement les syndicats hôteliers.

Un aspect particulièrement négatif de la " loi Pons " dans le secteur hôtelier concerne les investissements à Saint-Martin, où s'étaient produits les abus les plus manifestes à la fin des années 1980 et où l'avenir de nombreuses exploitations hôtelières apparaît rien moins qu'assuré.

Dans l'ensemble du département de la Guadeloupe, 4.063 chambres ont été vendues en copropriété (vente de la chambre d'hôtel à l'unité en défiscalisation), soit un peu plus de 42% du total (9.637 chambres, dont 1.134 en cours de classement ou dont le classement est retardé pour diverses raisons techniques ou juridiques).

Ce taux élevé résulte pour les deux tiers du développement de la formule à Saint-Martin, où l'on compte 2.712 chambres en copropriété, construites pour l'essentiel entre 1987 et 1993, l'introduction fin 1991 de l'agrément préalable au premier franc ayant progressivement tari, à compter de l'exercice suivant, les mises en service d'établissements vendus sous ce régime.

16 établissements, pour 745 chambres, connaissent des difficultés de gestion, et, selon la formule administrative employée, " répondent à un critère de difficulté dans la poursuite d'une gestion hôtelière classique (établissements radiés [...] établissements ayant récemment fait une demande dans ce sens, ou connaissant des troubles dans leur gestion, ou encore présentant des caractéristiques précises permettant de poser un pronostic fiable de sortie de gestion hôtelière en fin de mandat). Cette sélection ne prétend pas couvrir toutes les situations susceptibles de se développer, notamment dans l'hypothèse d'un fléchissement du taux d'occupation moyen, qui est actuellement assez satisfaisant ".

Les difficultés ont pour cause la modification de la destination des lots hôteliers au profit de la location meublée ou non, éventuellement de longue durée.

La pérennité de l'exploitation est alors compromise par la disproportion des structures d'exploitation pesant sur la rentabilité des lots restants et les conflits d'intérêts, à l'intérieur de la copropriété, entre les lots hôteliers et locatifs qui génèrent une diminution qualitative de la prestation, les lots locatifs recherchant une minimisation des coûts.

Il s'ensuit une diminution de l'effectif employé dans les hôtels, la baisse de qualité des prestations hôtelières, voire la mise sur le marché des chambres d'hôtel, à destination d'habitation, qui modifie l'équilibre entre l'offre et la demande de logements, puisque les transactions se font à un coût inférieur à celui de la construction, générant de fait une réduction des mises en chantier immédiate pour le secteur BTP.

On a là un exemple, mesurable seulement sur le long terme, des effets discutables de la " loi Pons " : les premières copropriétés hôtelières ne prévoyant pas la rétrocession de l'investissement à l'exploitant après un certain délai, c'est la viabilité de l'hôtel qui est finalement compromise.

Par ailleurs, des effets négatifs de la " loi Pons " sont particulièrement observés dans la persistance d'habitudes que les réformes de 1992 n'ont pas permis d'éradiquer.

C.- DES ANOMALIES QUI PERDURENT

A en croire les défenseurs de la " loi Pons ", l'institution de l'agrément en 1992 aurait réglé tous les problèmes, mis fin à toutes les anomalies et assaini un dispositif dont la mauvaise réputation avait éclipsé les effets bénéfiques.

En fait, la mission a constaté qu'un certain nombre d'anomalies perduraient et on a pu, sur place, en avoir la perception directe. Votre Rapporteur général a également bénéficié d'informations sur certains dossiers très récents. Ces anomalies peuvent être regroupées en trois catégories : en premier lieu, les montages de la " loi Pons " permettent la rémunération très élevée des intermédiaires. Cette rémunération, assurée par les investisseurs, diminue donc la part de l'avantage fiscal bénéficiant à ceux-ci. Comme l'avantage fiscal est déjà partagé, en fait, entre les investisseurs et les utilisateurs, la rémunération souvent élevée des intermédiaires affaiblit l'impact économique de la " loi Pons ". La deuxième catégorie d'anomalie est la persistance de surfacturations, particulièrement dans l'hôtellerie et la navigation de plaisance. Enfin, certains dossiers mettent en évidence des fraudes manifestes.

1.- Les prélèvements excessifs opérés par les intermédiaires

Dans les montages de défiscalisation, en résumé, quatre catégories d'intervenants, à titre principal, jouent un rôle incontournable :

- l'exploitant, dont le financement par défiscalisation diminue le coût de l'investissement ;

- l'investisseur, généralement un contribuable métropolitain fortement taxable à l'impôt sur le revenu, pour qui la " loi Pons " est un moyen de diminuer, voire d'effacer l'impôt ;

- un ou, plus souvent, plusieurs intermédiaires, qui préparent le dossier, s'assurent des financements et gèrent la structure de financement (souvent une société en nom collectif ou une société en participation) ;

- l'administration d'Etat qui traite le dossier, l'administration fiscale jouant un rôle prédominant, mais non exclusif.

A ces intervenants s'ajoutent, avec un degré d'intervention inégal selon les dossiers :

- des établissements bancaires, dispensateurs de prêts aux investisseurs, voire aux exploitants ;

- l'Union européenne et les collectivités locales, qui peuvent subventionner les investissements, dans un cadre contrôlé par l'administration de l'Etat, principalement les fonctionnaires de l'industrie et de la comptabilité publique.

Un des aspects les plus remarquables de la " loi Pons ", c'est que sa mise en _uvre aboutit à une segmentation des interventions des différents protagonistes, segmentation géographique souvent, puisque l'investisseur est métropolitain et l'utilisateur implanté outre-mer.

Ainsi, l'investisseur métropolitain pourra n'avoir qu'une idée très approximative de l'immobilisation qu'il va financer : une vague plaquette photocopiée fera quelquefois l'affaire. Cet investisseur peut parfois partir en vacances dans l'hôtel qu'il a financé : l'exploitant, qui ignore l'identité des actionnaires de la SNC, ne se doute pas que le client qu'il reçoit est son propriétaire.

Dans d'autres cas, au contraire, la plus grande proximité du propriétaire avec l'exploitant du bien peut lui permettre des séjours exotiques à des conditions commerciales privilégiées.

L'opacité des montages réserve un rôle de premier choix aux intermédiaires. Lors de ses déplacements outre-mer, votre Rapporteur général a constaté l'unanimité des récriminations des utilisateurs envers les intermédiaires sur ce qu'ils supposent être le montant de leurs commissions. D'aucuns ont d'ailleurs suggéré qu'il serait judicieux de les plafonner légalement. Encore faudrait-il connaître leur montant réel.

Une anecdote illustre cette anomalie : visitant la poterie des Trois-Ilets, en Martinique, la mission est reçue par un chef d'entreprise dynamique qui, tableau à l'appui, expose les données essentielles de l'équilibre comptable des investissements permis par la défiscalisation. Cependant, à une question portant sur la rémunération de l'intermédiaire, au demeurant assis en face de lui, il regrette de ne pouvoir répondre, car ce dernier a toujours tenu secrète cette rémunération ! Votre Rapporteur général, qui a fait demander à plusieurs reprises au cabinet de montage en cause, pourtant lié à la chambre de commerce et d'industrie de Fort-de-France, des données chiffrées retraçant la rentabilité de cet investissement pour les associés de la société en nom collectif (SNC), et faisant apparaître les commissions des intermédiaires, attend toujours la réponse.

Les commissions généralement mentionnées dans les dossiers donnés en exemple sont de l'ordre de 10% (voir supra, chapitre II), étant entendu que, sur cette fraction, s'imputent des sous-commissions destinées à rémunérer les démarcheurs et les établissements financiers. En effet, les cabinets spécialisés en défiscalisation assurent généralement le montage du financement, l'obtention de l'agrément ou de l'autorisation préalable, le prêt bancaire, ainsi que, le cas échéant, l'obtention de subventions et la gestion de la structure d'investissement. Ces cabinets sous-traitent le plus souvent le placement du " produit Pons " à des démarcheurs spécialisés auprès de contribuables à revenus élevés. Ainsi, selon l'un de nos interlocuteurs, il a pu arriver que certains projets industriels parfaitement viables n'aboutissent pas faute d'un démarchage suffisamment convaincant, alors que, dans d'autres cas, les démarcheurs ayant recensé une masse suffisante de clients, il a fallu monter des projets économiquement stériles pour contenter cette clientèle.

Les statistiques transmises par la direction générale des impôts sont très éclairantes sur la rémunération des intermédiaires qui agglomère, d'une part, la commission initiale (de 10%, selon ce qui a été rapporté à la mission, parfois plus élevée, selon certaines informations, jusqu'à 25% pour un cas particulier de financement d'avions) et, d'autre part, des honoraires annuels justifiés par la gestion de la structure d'investissement.

Sur 612 dossiers agréés ou autorisés en 1996, pour 578 dossiers, on connaît le taux annoncé des frais de montage et commercialisation rapporté à l'investissement agréé et le taux de frais de gestion. Pour certains dossiers, le taux est certes égal à zéro. A l'inverse, quinze dossiers guadeloupéens sur 124 font apparaître des taux de frais de montage égaux ou supérieurs à 20% de l'investissement agréé, avec des frais de gestion annuels de la structure transparente pouvant atteindre 3%. Pour deux dossiers, le taux atteint 24%. En Martinique, sur 258 dossiers, 15 ont présenté des frais de montage égaux ou supérieurs à 20%, dont un dossier avec des frais de 23,75%. En Guyane, les commissions semblent plus raisonnables (maximum 17%), mais les frais de gestion peuvent atteindre un taux annuel de 4%. A La Réunion, un seul dossier présente un taux de frais de montage de 20% ; en Polynésie ce taux n'a pas excédé 17,65% et 14,65% en Nouvelle-Calédonie.

D'une manière générale, on observe une très grande disparité dans le montant des commissions des intermédiaires, de nombreux dossiers faisant ressortir un taux de commission plus élevé que ce qui avait été annoncé à la mission : il est fréquent que ce taux soit compris entre 15% et 20%. Il est remarquable que, sur les trente dossiers agréés les plus importants, par le volume des investissements, en 1996, neuf dossiers ne permettent pas de déterminer le montant éventuel des frais de montage. Pour les autres, le taux est inférieur à 10% seulement pour trois dossiers, et peut atteindre 16%. Les deux investissements les plus importants agréés en 1996 (443 millions de francs à Saint-Pierre-et-Miquelon et 301 millions de francs en Polynésie) font apparaître, selon le dossier, des frais de montage et de commercialisation respectivement de 15,35% et de 15,83%.

Il n'existe donc pas de rapport logique entre la taille du dossier et le taux de frais de montage. Comme il a été précédemment indiqué, les intermédiaires en " loi Pons " jouent un rôle clé pour la mise en rapport des investisseurs et des utilisateurs de l'immobilisation : ils perçoivent des rémunérations souvent démesurées au regard du service rendu et variables, non à raison de la prestation fournie, mais de leur position commerciale telle qu'ils l'apprécient.

2.- Des surfacturations manifestes

Les montages de défiscalisation font encore trop souvent apparaître des prix élevés pour les investissements servant de base à la déduction du revenu imposable, alors qu'il est délicat d'apprécier le caractère excessif du prix à partir des demandes d'agrément présentées, comme le prévoit très logiquement la loi, avant le début de réalisation de l'investissement.

En effet, les collectivités françaises d'outre-mer ont comme caractéristiques communes la dépendance à l'égard de l'extérieur et l'éloignement des fournisseurs de produits importés. Il en résulte une augmentation des prix de ces produits, à raison de ce que le jargon ultra-marin qualifie de " frais d'approche ". Le surcoût résultant de l'éloignement peut ainsi servir de prétexte à une augmentation des prix déraisonnable au regard de la valeur réelle de l'immobilisation défiscalisée. Les parties au dossier ont d'ailleurs intérêt à une telle majoration, qui influe sur la base défiscalisable ainsi que sur les éventuelles moins-values constatées au plan fiscal lors de la revente du bien. L'exemple précité d'un catamaran de pêche, défiscalisé pour 23 millions de francs alors que son prix chantier est de 13 à 14 millions de francs, constitue une bonne illustration de ce phénomène.

Toujours dans la pêche, certaines correspondances administratives, portées à la connaissance de votre Rapporteur général, donnent d'autres exemples. Par exemple, une lettre interne à l'administration de l'Etat en Guadeloupe, de septembre 1996, commente ainsi une demande d'agrément déposée pour un bateau de pêche (25) :

Le tableau joint en annexe montre de plus que le coût du navire proposé par " X. SA " est manifestement exagéré. Pour ne prendre qu'une seule comparaison, [...] on constate qu'un petit catamaran de 8,28 mètres, muni d'une motorisation de 2 x 70 = 140 chevaux, construit en polyester, disposant d'un treuil de 500 kg et d'une glacière mobile de 500 litres (plus un coffre siège du barreur - pour les poissons longs !) atteint la somme globale de 1.461.709 francs, alors qu'un catamaran de 10,50 mètres, muni d'une motorisation de 2 x 172 = 344 chevaux, construit en aluminium (matériau très onéreux), disposant d'un treuil de 1.000 kg et d'une cale à poissons de 6.000 litres était proposé par un chantier, bien connu par ailleurs de " X. SA ", pour la somme globale (y compris les instructions nautiques et le journal de bord !) de 1.065.000 francs, soit presque 30% moins cher.

A l'autre bout du tableau des comparaisons, le navire le plus petit, atteint, en monocoque cependant, mais pour seulement 10 cm de moins hors tout et des performances comparables (vitesse de 25 n_uds, treuil de 500 kg, glacière de 500 litres, motorisation plus importante avec 210 chevaux, mais en un seul moteur), la somme de 433.136 francs seulement, qui ne représente, même en rajoutant quelques dépenses relatives à la sécurité, qu'à peine le tiers du prix du " Y ".

Il est bien évident qu'aucun argument sérieux ne peut venir justifier de pareils écarts de prix, et que le projet, tel qu'il est actuellement présenté, conduirait la collectivité à s'engager dans un processus me paraissant à la fois illégal quant au droit européen et faramineux quant à son coût global pour le trésor public ".

[...]

Ce dossier me paraît être une parfaite illustration de certains abus et comportements que suscite la défiscalisation :

Sous le prétexte de contribuer au développement d'un secteur d'activité,

- les prix sont gonflés artificiellement,

- les bénéficiaires réels de cette opération ne sont pas les utilisateurs des biens ainsi financés, mais les promoteurs du projet, les investisseurs défiscalisants et la société X. qui après avoir réalisé de sérieux bénéfices sur la construction et la commercialisation réalise le tour de force de se retrouver six ans après à nouveau propriétaire du même navire, sans bourse délier, et, qui encaisse une rémunération complémentaire pendant encore cinq ans ".

Dans le secteur de l'hôtellerie, les exemples de surfacturation ne manquent pas non plus. Une correspondance de juin 1997, toujours interne à l'administration de l'Etat en Guadeloupe, émet l'avis suivant sur une demande de défiscalisation portant sur un projet d'investissement hôtelier de 63 chambres, d'un montant global hors taxes de 110,86 millions de francs. " Je note enfin que le prix de cession envisagé (110.860.000 francs hors taxes) est très élevé pour un établissement n'offrant en définitive que 63 chambres en immeuble collectif et sur 4 niveaux, des parties communes somme toute très modestes, aucun équipement de loisirs ou de détente, et un environnement vraiment très resserré et tournant le dos à la mer comme le souligne lui-même le demandeur. Dans ces conditions, un prix moyen à l'unité, millièmes compris, de 1.759.682,54 francs (hors taxes) nous rapproche en fait beaucoup plus des errements de Saint-Martin en début de défiscalisation que des pratiques récentes enfin sensiblement moralisées. J'ai déjà souligné dans mon rapport précédent relatif à la rénovation du X, cette tendance récente du groupe Y au gonflement excessif des prix dans leurs dossiers d'agrément en défiscalisation ".

Sur un dossier de rénovation d'un hôtel très proche, présenté par le même groupe, l'administration observe que " le coût de la rénovation est par ailleurs vraiment très élevé, avec une moyenne de 863.000 francs par chambre (alors même qu'aucune chambre nouvelle n'est envisagée dans le cadre de ce programme - ce sera l'objet d'un second dossier de défiscalisation - et qu'en dehors des aménagements intérieurs les réhabilitations annoncées ne paraissent pas très importantes) ".

Des correspondances de juillet et août 1996 évoquent ainsi un projet de défiscalisation d'un investissement hôtelier à Saint-Barthélémy : " Le coût annoncé pour la réhabilitation des parties détruites et l'extension est tout simplement aberrant puisque atteignant la somme globale de 180 millions de francs (dont 52 millions pour le rachat de l'existant détruit quasi totalement par le cyclone " LUIS "), alors même que le demandeur n'annonce, en définitive, qu'un nouvel ensemble représentant une unité hôtelière de 15 suites, soit 21 chambres, avec restaurant, sur un terrain de 12.000 m². 

[...]

Le coût global du projet (180 millions de francs) reste aberrant compte tenu du nombre de suites ou d'appartements créés (15). A titre de comparaison, je citerai l'exemple d'un autre hôtel de ..., proche voisin du X et également détruit par le cyclone LUIS (à 90%), qui va se reconstruire en totalité avec 11 chambres, un petit restaurant, une piscine et un parking, pour un coût global de 5.929.196 francs, avec un financement personnel de 1.529.196 francs (25,79%) et un concours bancaire de 4.400.000 francs (74,21%). Sans prétendre atteindre le standing annoncé pour le X, il s'agit néanmoins d'un projet dont le confort n'est pas exclu puisque chaque chambre aura une superficie de 35,4 m² auxquels s'ajoutent les 15 m² de la terrasse (50,4 m² au total), ce qui est largement supérieur à ce qui exigé d'un hôtel 4 étoiles luxe. La surface hors oeuvre nette de l'établissement figurant dans la demande de permis de construire est de 535 m².

On peut encore citer, toujours à Saint-Barthélémy, un hôtel qui va être classé en catégorie 4 étoiles, comportant 12 chambres et une surface hors oeuvre nette de 672 m², comprenant également piscine et restaurant, ainsi qu'un parking souterrain de 24 places. Construit en bordure de plage, dans un site recherché, l'établissement a été commercialisé en copropriété défiscalisante pour la somme globale, comprenant le foncier (1.440 m²) de 30 millions de francs, somme qui a été considérée par les spécialistes comme très élevée et à la limite du commercialisable car conduisant à des lots, foncier et parties communes comprises, de 2.500.000 francs l'unité.

Ces comparaisons montrent assez que le coût global du X, estimé à 180 millions de francs, dont 27 millions de francs pour le foncier, est tout à fait disproportionné car il s'agit, en définitive, de réaliser un petit établissement, luxueux certes, mais ne comportant toutefois que les équipements suivants :

- 15 suites totalisant 21 chambres ;

-  1 restaurant de surface hors oeuvre nette de 86 m² ;

- 34 places de parking couvertes et 10 places en extérieur ;

-  3 petites piscines.

Un tel projet, conduisant à porter le prix de l'unité hôtelière, foncier et parties communes comprises à 12 millions de francs, serait donc sans précédent connu dans le département et ne correspondrait par ailleurs et à ma connaissance à aucun des ratios couramment admis par la profession.

Un rapide examen de la demande de permis de construire du X montre une SHON initiale de 626 m² réduite à 329 m² après démolition de 297 m² sinistrés par LUIS, et une création de 630 m² dont il convient de soustraire les 311 m² consacrés à la construction de la maison personnelle de l'exploitant, ce qui donne un total hôtelier de 648 m².

Mon service n'a d'ailleurs toujours pas bien compris comment les chiffres officiels de la demande de permis jointe au dossier conduisent à un total annoncé de 1.787,78 m² de surface nette, même en reprenant un chiffre de 331 m² pour les surfaces reconstruites. En tout état de cause, il conviendrait que la présentation du dossier soit, sur ce point, considérablement améliorée.

Le demandeur annonce par ailleurs la création de 25 emplois permanents, ce qui paraît peu crédible, sauf peut-être en période de pointe exceptionnelle. Un hôtel voisin, classé en catégorie 4 étoiles luxe, employait avant le cyclone LUIS de 23 à 26 salariés en haute saison (4 mois) et au plus 14 salariés en basse saison, pour un total de 23 chambres dont 5 suites (avec service intérieur de blanchisserie), ce qui est plus proche du ratio admis par les représentants de la profession (1 emploi par chambre pour un 4 étoiles avec restauration en haute saison).

Je note enfin que le projet est annoncé avec une assise foncière de 12.154 m², mais que la partie hôtelière proprement dite semble nettement plus réduite, une parcelle de 5.000 m² environ étant d'une part conservée en l'état car située au-dessus de la ligne des 25 mètres que la mairie de Saint-Barthélémy entend préserver (3.800 m²) et d'autre part réservée à l'usage de l'exploitant (1.200 m²), étant observé que ces deux parcelles sont contiguës.

Le projet de montage de M. Y entend donc faire financer par les investisseurs en défiscalisation la totalité du terrain, y compris celle à usage exclusif de l'exploitant, ainsi que la maison " de la Direction " qui est indiquée en surface hors oeuvre nette à 311 m² (ou 328 m² selon le document retenu), chiffre correspondant à environ la moitié des surfaces créées à l'occasion du projet telles que définies dans la demande de permis de construire du 25 octobre 1995, et dont le coût est intégré directement dans le coût global des constructions sans être individualisé.

Enfin, il me paraîtrait anormal de considérer cette réalisation comme une création ex nihilo à partir du moment où le demandeur, principal bénéficiaire de l'opération avec 43 millions de francs est l'ancien propriétaire exploitant de l'établissement " le X ". Toutes ces considérations me conduisent à confirmer mon avis très défavorable sur ce dossier "surréaliste" ".

Ces documents mettent en évidence l'intérêt de la procédure d'agrément qui permet aux services administratifs d'avoir connaissance des projets d'investissement. Les quatre exemples qui précèdent témoignent de la rigueur avec laquelle l'administration analyse les demandes d'agrément, mais on ne peut conclure que toutes les tentatives de surfacturation ou de défiscalisation de biens privatifs sont déjouées. Le système, qui est très difficilement perfectible sur ce point, repose sur l'analyse a priori, sur dossier, des projets d'investissement. Les lourdes tentatives de surfacturation dont les documents précités portent témoignage sont des cas extrêmes. On peut s'interroger sur le sort de dossiers plus subtilement présentés, alors que l'administration n'exerce pas toujours un contrôle d'opportunité, mais propose à l'autorité compétente d'accorder ou refuser l'agrément sur les seuls critères légaux.

En matière de navigation de plaisance, des dossiers de 1995 portés à la connaissance de votre Rapporteur général, mettent également en évidence des majorations significatives de prix par rapport à ceux de la métropole. Sur deux dossiers agréés, et pour quatre modèles de bateaux, le tableau ci-après propose de comparer le prix de l'unité défiscalisée avec celui proposé à la même époque par le constructeur.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes, et ils peuvent être interprétés à la lumière des précisions suivantes :

- dans le cas des Nautitech, il ne s'agit pas du modèle habituel mais du modèle  professionnel, ce qui semble indiquer que chaque bateau a pu recevoir des améliorations de " tropicalisation " susceptibles de justifier une augmentation du prix. Pour autant, on peut s'interroger sur l'adéquation de la majoration constatée au dossier avec ces améliorations supposées ;

- en pratique, le bateau est acheté par le loueur auprès du chantier. On sait que, d'une manière générale, les prix portés sur les catalogues sont négociables et que le prix officiel constitue un maximum. La négociation est d'autant plus aisée pour le loueur qu'il agit en tant que concessionnaire du chantier et peut ainsi obtenir une ristourne commerciale de l'ordre de 20% à 30%. Comme il a déjà été indiqué, les dossiers de navigation de plaisance ne sont pas d'une grande transparence. Selon la direction générale des impôts, cependant, chaque dossier fait l'objet d'un examen attentif portant notamment sur le prix des équipements complémentaires.

EXEMPLES DE DEUX DOSSIERS DE NAVIGATION DE PLAISANCE EN 1995

 

Prix unitaire (taxe additionnelle à l'octroi de mer incluse)

Prix
constructeur

Ecart

Rapport prix dossier/prix
constructeur

Centurion 41S3

1.873.729

1.465.893

407.836

127,82 %

Nautitech 435 pro

2.740.828

1.760.000

980.828

155,73 %

Nautitech 475 pro

4.100.634

2.500.000

1.600.634

164,03 %

Feeling 326

749.750

546.000

203.750

137,32 %

Nautitech 475 pro

3.898.998

2.500.000

1.398.998

155,96 %

Deux dossiers récents d'agrément en navigation de plaisance, consultés au bureau compétent de la direction générale des impôts, montrent qu'effectivement l'administration se fait communiquer et étudie très attentivement le détail des majorations de prix des bateaux de plaisance domiens. Pour autant, les fonctionnaires rencontrés admettent que l'évaluation précise d'une prestation est un exercice difficile, et qu'ils n'ont pas connaissance, évidemment, des éventuelles remises commerciales consenties par le chantier au loueur, au moment de l'instruction du dossier.

Le contrôle fiscal ayant révélé de telles anomalies, on peut espérer son renforcement tant aux Antilles qu'en métropole, pour le secteur de la navigation de plaisance.

Des opérations de défiscalisation peuvent par ailleurs dissimuler, dans certains cas, des fraudes manifestes.

3.- Des fraudes patentes

Il est clair que, sur le terrain des fraudes à la défiscalisation, la mission d'information n'a pu obtenir que peu d'éléments concrets et précis tant à l'occasion de ses déplacements dans les DOM, qu'à Paris. La première période d'application de la " loi Pons " avait, on s'en souvient, permis de tels excès, voire des indélicatesses, que sa réputation en est restée encore entachée.

On peut considérer au demeurant que le montant assurément excessif des frais de montage comme les surfacturations constatées sont des anomalies. En effet, on ne peut légalement empêcher des investisseurs en " loi Pons " de rétrocéder une fraction de l'avantage fiscal obtenu aux intermédiaires, même si leur rémunération est manifestement hors de proportion avec le service rendu.

Il ne serait cependant pas admissible que puissent être agréés, dans certains cas, des investissements dont les frais d'approche ont été excessivement calculés, dans le seul but d'augmenter la base défiscalisable.

Votre Rapporteur général a bénéficié d'informations particulières sur des tentatives de fraude constatées très récemment.

Ainsi, l'étude d'un dossier de demande d'agrément déposé par une SNC de Saint-Barthélémy en 1995 a permis à l'administration de mettre en évidence :

- une facture pour fourniture d'un voilier par une société de location à la domiciliation fictive ;

- une société de location dont l'implantation géographique ne peut être précisée ;

- des comptes d'exploitation prévisionnels peu réalistes.

Sur un autre dossier d'agrément de catamarans de pêche, en 1995, l'administration peut observer : " En ce qui concerne, par contre, les deux autres demandes portant sur des catamarans X et sur deux navires à vision sous-marine, je ferai observer que les dossiers déposés me paraissent créer volontairement une ambiguïté sur les coordonnées du chantier de construction. Hormis le fait qu'il ne paraît absolument pas crédible d'envisager la construction d'un navire de 23,80 m en aluminium dans un chantier guadeloupéen, même de création aussi récente que la société Y, il convient de signaler que cette entreprise, en dépit de son inscription récente au registre des sociétés (consultation positive du répertoire SIRENE des établissements), ne fonctionne actuellement que comme une boîte aux lettres, et qu'elle aura très vraisemblablement pour seule vocation de servir de relais pour la facturation de navires construits en réalité par la société Z implantée à Agadir au Maroc ".

Enfin, il a été porté à la connaissance de votre Rapporteur général qu'un dossier de défiscalisation de bateaux en Guadeloupe présentait les caractéristiques suivantes :

Les bateaux sont facturés par la société A Inc. installée à Miami au prix FOB Miami de 58.753 dollars pour le B plus 34.228 dollars pour 2 moteurs Yamaha de 250 CV installés ; or, un devis établi pour un acheteur guadeloupéen par un revendeur de bateaux à Miami fixe le prix FOB de ce même bateau et des mêmes moteurs à 40.300 dollars plus 24.250 dollars, ce qui au total, représente une différence de 28.431 dollars, soit -44%... La même démonstration s'appliquant aux bateaux B'. Comment s'explique un tel écart de prix au détriment du fabricant des bateaux, puisque le revendeur est moins cher de 44% ?

Ces bateaux sont donc vendus pour un prix total de 1.157.361 dollars, soit au cours de 5 francs pour 1 dollar (26) au prix de 5.786.805 francs par le fabricant, la société A Inc., à la société C installée à Saint-Barthélémy dont le gérant est M. D.

La société C les revend (hors frais de transport et taxes) 8.882.250 francs aux quatre sociétés quirataires dont le gérant est aussi M. D, réalisant ainsi un bénéfice de 3.095.445 francs.

Ces bateaux sont ensuite confiés par mandat de gestion à la société E installée à Gourbeyre, dont le gérant est à nouveau M. D, qui perçoit à ce titre une rémunération globale de 945.250 francs au titre de ses fonctions de prestataire et gérant.

Ainsi, par ce montage :

- le prix de vente des bateaux à la société C est accru de 44% pour le modèle B et de montants similaires pour les B' ;

- le passage par la société C a pour conséquence d'augmenter artificiellement le montant défiscalisé de 3.095.445 francs car son intervention n'apporte aucune prestation, n'entraîne aucune retombée économique et ne présente aucun intérêt pour l'Etat, puisque basée à Saint-Barthélémy pas plus les bénéfices de cette société que le revenu de son gérant M. D ne sont imposés au titre de l'impôt sur les sociétés et de l'IRPP ;

- M. D, domicilié semble-t-il à Saint-Barthélémy, bénéficie d'une triple rémunération puisqu'il cumule les gérances de la société C, des sociétés quirataires et de la société de gestion E.

Ce dernier cas d'espèce met en évidence la difficulté de contrôler la défiscalisation dans des collectivités d'outre-mer insulaires ou quasi-insulaires (27), dont l'environnement géographique et fiscal facilite les tentatives de fraude, particulièrement lorsque l'investissement est mobile. La Guadeloupe a la particularité de constituer un archipel dans l'ensemble caraïbe qui comprend les " îles du nord ", Saint-Barthélémy et Saint-Martin (partie française) où la situation fiscale demeure insatisfaisante. Le dossier évoqué montre comment une tentative de fraude s'appuie sur ces particularités fiscales et géographiques : bateau acheté en Floride, société écran à Saint-Barthélémy.

Ces exemples de tentatives de fraude démontrent que l'institution de l'agrément, si elle a amélioré la connaissance de la défiscalisation par l'administration dans les secteurs les plus sensibles, n'a pas mis fin aux tentatives frauduleuses, et probablement à des pratiques répréhensibles, compte tenu de l'environnement géographique et fiscal de certaines collectivités d'outre-mer. On peut donc souhaiter le renforcement du contrôle administratif, notamment par une collaboration constructive entre les différents services de l'Etat.

III.- LES PERFORMANCES DES CONCURRENTS DE L'ENVIRONNEMENT RÉGIONAL DES DOM

La " loi Pons " n'a donc pas eu les effets quasi magiques décrits par les rapports des cabinets DME et Arthur Andersen International sur l'économie de l'outre-mer. Elle a évidemment eu des effets positifs dans bon nombre de cas mais également des effets négatifs. Parce qu'elle repose sur le partage de l'avantage fiscal entre le contribuable défiscaliseur, le cabinet de montage et l'exploitant, elle ne permet pas une concentration optimale de la dépense publique pour le développement économique, à la différence d'une subvention, entièrement destinée à contribuer à la réalisation d'un projet économique.

Les rapports de 1996 précités prétendaient également que la " loi Pons " avait eu un impact sur le développement de l'outre-mer tellement élevé que la croissance et l'investissement notamment auraient évolué depuis 1986 plus favorablement qu'en métropole. Cette " démonstration " est évidemment très contestable, dans la mesure où il n'est guère pertinent de comparer l'outre-mer français avec la seule métropole. Votre Rapporteur général a donc souhaité apporter brièvement des éléments synthétiques de comparaison entre les départements d'outre-mer et les principaux concurrents de leur environnement régional.

A.- DE MOINDRES RICHESSES

Les statistiques mettent en évidence le retard de développement des concurrents immédiats des départements d'outre-mer.

 

PNB par habitant

Evolution 93/92

 

1992

1993

en %

Martinique

10.760

10.304

- 4,24

Guyane

10.403

9.905

- 4,79

Guadeloupe

8.181

7.981

- 2,44

Porto Rico

6.590

7.020

6,53

Trinidad et Tobago

3.940

3.730

- 5,33

Sainte-Lucie

2.920

3.040

4,11

Dominique

2.520

2.680

6,35

Jamaïque

1.340

1.390

3,73

République dominicaine

1.050

1.080

2,86

Haïti

450

450

0,00

Source : Banque mondiale et INSEE d'après rapport IEDOM Martinique de 1997.

PIB par habitant

(en dollars)

 

Années

PIB

Maurice

1996

13.210

La Réunion

1994

9.978

Tanzanie

1995

3.703

Seychelles

1995

1.780

Comores

1995

1.320

Mozambique

1995

810

Madagascar

1995

640

Source : L'état du monde, 1998.

On constate que, sauf dans le cas de l'Ile Maurice, à proximité de La Réunion, les produits par habitant des Etats de la région sont très inférieurs à ceux des départements d'outre-mer.

Dans ce contexte, l'aide de la métropole s'analyse comme une manifestation de solidarité de la Nation vis-à-vis de l'outre-mer. Cependant, les écarts de niveaux de vie se traduisent par une meilleure compétitivité-prix des concurrents immédiats des DOM, qui a pour conséquence, globalement, une plus forte croissance économique.

B.- DE MEILLEURS RÉSULTATS ÉCONOMIQUES

Les concurrents immédiats des DOM, qui ne bénéficient pas de la " loi Pons " ni d'autres formes de soutien économique, sauf l'aide au développement et des mesures fiscales internes favorables à l'implantation d'activités, réalisent, en règle générale, de meilleures performances. On constate que, sur dix ans, le taux de croissance dans les Antilles françaises est nettement inférieur à celui d'Etats voisins très immédiats comme Sainte-Lucie, Saint-Vincent et les Grenadines ou La Dominique. Dans l'ensemble médio-américain, la Guyane fait exception grâce, évidemment, aux activités du Centre national d'études spatiales (CNES), qui n'est pas financé par la " loi Pons " (28).

CROISSANCE ANNUELLE 1985/1995

(en %)

Sainte-Lucie

5,9

Saint-Vincent et les Grenadines

4,7

Dominique

4,2

Guadeloupe (1987/1992)

3,5

Grenade

3,4

Antigua et Barbuda

3,2

Martinique (1987/1992)

2,8

Barbade

1,1

Trinidad et Tobago

- 0,9

Guyane (1987/1992)

14,4

Surinam

3,8

Venezuela

2,9

Guyana

1,2

Maurice

6,4

Mozambique

4,8

Tanzanie

4,6

Seychelles

4,3

La Réunion (1987/1994)

3,5

Comores

1

Madagascar

0,9

Source : L'état du monde 1998.

Il n'a malheureusement pas été possible d'utiliser, dans le cadre du présent rapport, les statistiques du FMI qui portent sur les années les plus récentes car, le retard de l'information statistique sur les DOM-TOM empêche des comparaisons pertinentes.

C.- LES EFFETS DES DÉSÉQUILIBRES

L'aide de la métropole à l'outre-mer se traduit à la fois par le rattrapage du retard de niveau de vie pour nos compatriotes d'outre-mer et par des mécanismes stimulant la croissance. Les écarts de rémunérations vis-à-vis des concurrents immédiats, qui se sont accrus avec l'alignement du SMIC dans les DOM sur le SMIC métropolitain au 1er janvier 1996, accroissent l'attractivité des départements français pour les populations environnantes et aggravent la compétitivité-prix des concurrents immédiats. Il est donc très logique que la population étrangère augmente, particulièrement à Mayotte, en Guyane, où elle représenterait plus du quart de la population, mais nul ne connaît la population réelle de la Guyane, et à La Réunion.

Le concours de la métropole à l'outre-mer est une excellente chose et, dans ce cadre, la " loi Pons " doit s'analyser comme un des éléments de l'aide. Cette action a pour but d'augmenter la cohésion nationale, mais son rapport coût/efficacité est rien moins que certain si l'on apprécie les déséquilibres des collectivités d'outre-mer et les performances de leurs concurrents. L'amélioration du dispositif d'aide à l'investissement outre-mer est, dans cette perspective, une nécessité qui doit triompher sur la préservation des situations acquises.

CHAPITRE V

CONCLUSIONS ET PROPOSITIONS

Le régime d'incitation fiscale à l'investissement outre-mer n'est certainement pas dépourvu d'efficacité ; il n'a pas pour autant toutes les vertus que ses défenseurs lui attribuent habituellement. Sa concentration au bénéfice des contribuables les plus imposés à l'impôt sur le revenu constitue une anomalie pour qui est attaché à la progressivité de cet impôt : l'orientation de la " loi Pons " dans le sens de l'optimisation fiscale pour ces contribuables avait d'ailleurs été dénoncée par des rapports officiels pendant la précédente législature.

Comme la " loi Pons " permettait, dans certains cas, avant l'intervention de la loi de finances pour 1998, qui a " tunnelisé " l'imputation des déficits non professionnels, un avantage fiscal supérieur au montant de l'investissement, il est arrivé qu'elle rende possible le financement de biens sans aucune rentabilité.

Les travaux menés en vue de la rédaction du présent rapport avaient pour objet de permettre, au-delà des a priori dans un sens ou dans l'autre, de disposer, sur la défiscalisation, d'éléments objectifs pour apprécier sa portée et ses limites, comme pour évaluer la pertinence des modifications intervenues dans le cadre de la loi de finances pour 1998, dont les principales sont la " tunnelisation " et l'exclusion des subventions de la base défiscalisable. Il apparaît clairement que les réformes de l'automne dernier ont été très opportunes, qu'elles aient pour origine les propositions du Gouvernement ou qu'il s'agisse des améliorations introduites à l'initiative de votre Commission des finances.

Le chantier n'est pas clos pour autant, car il apparaît indispensable d'améliorer encore l'aide à l'investissement outre-mer pour la conforter, afin de consolider la solidarité nationale vis à vis de nos compatriotes des DOM-TOM, sans déroger pour autant aux impératifs de la justice fiscale.

Les propositions qu'il me semble souhaitable de formuler sont donc les suivantes :

- il convient de s'interroger sur l'intérêt de pérenniser le mécanisme permettant la déduction de l'investissement de leur revenu imposable pour les personnes physiques, compte tenu des remises en cause de la progressivité de l'impôt sur le revenu qu'il permet, des montages coûteux qu'il facilite et du caractère douteux de son efficacité et de sa régularité ;

- les actions correctrices de la loi de finances pour 1998, qui apparaissent très pertinentes, ne doivent pas être remises en cause, mais au contraire, consolidées par l'extension de l'agrément au premier franc à l'ensemble des secteurs éligibles, tout en maintenant l'actuelle exception prévue en faveur des programmes n'excédant pas 1 million de francs réalisés par des entreprises établies dans les DOM (29).

- la pénalisation des investissements dans les DOM par les contribuables passibles de l'impôt sur les sociétés, qui résulte de l'application de l'abattement du tiers depuis 1992, a eu pour effet de décourager ces investissements. Il peut sembler nécessaire, au contraire, de faciliter leur développement par des incitations fiscales adaptées ;

- le contrôle administratif sur les investissements défiscalisés doit être renforcé et amélioré ;

- à partir du moment où les effets pervers sont limités au maximum et le rapport coût-efficacité mieux apprécié par l'administration, il apparaît souhaitable de prolonger l'application du dispositif au-delà de 2001 afin de donner aux investisseurs une plus grande visibilité.

Votre Rapporteur général a, en effet, acquis la conviction qu'il serait souhaitable de supprimer le mécanisme de déduction des investissements pour les personnes physiques. Une réforme de telle ampleur ne peut toutefois intervenir sans la mise en place d'un système de substitution. Puisque la loi de finances pour 1998 a très opportunément mis fin aux situations les plus choquantes au plan de la morale et les plus douteuses quant à l'efficacité économique, il peut être proposé, après avoir consolidé ces avancées, de prolonger le système d'incitation fiscale à l'investissement outre-mer au-delà de 2001.

I.- LE MAINTIEN DE LA DÉDUCTION FISCALE BÉNÉFICIANT AUX PERSONNES PHYSIQUES EN QUESTION

A.- LE DÉBAT SUR LA " LOI PONS " N'EST PAS SEULEMENT CELUI DE L'AIDE À L'OUTRE-MER, MAIS ÉGALEMENT CELUI DE LA PROGRESSIVITÉ DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

Personne ne conteste la nécessité de la solidarité nationale vis à vis de l'outre-mer, et votre Rapporteur général moins que quiconque. La vulnérabilité des économies locales suppose des mesures correctrices et ces mesures existent. Dans l'ensemble des aides à l'outre-mer, la " loi Pons " ne constitue, d'ailleurs, qu'une toute petite part.

Cette vulnérabilité des économies ultramarines, exposée clairement et de façon convaincante par les milieux économiques locaux, et analysée notamment par plusieurs rapports de l'inspection générale des finances, résulte de différents éléments :

- l'importance de la consommation, non satisfaite, d'une manière générale, par les productions locales, dans des espaces économiques de petite taille ;

- des échanges extérieurs fortement déséquilibrés ;

- des coûts de production plus élevés que chez les concurrents immédiats ;

- une productivité du travail faible ;

- une forte sensibilité aux évolutions de la commande publique ;

- une épargne insuffisante pour assurer le financement de l'économie et orientée vers le court terme ;

- un coût du crédit élevé, alors que le dispositif public de financement des entreprises ne joue pas pleinement son rôle.

Sur ce dernier point, les propositions du rapport de synthèse réalisé par l'inspection générale des finances en 1996 (30) sont connues des pouvoirs publics :

- il est recommandé de faciliter l'apport de ressources longues à l'économie locale, par le regroupement des moyens dispersés des sociétés de développement régional, sans déférer aux suggestions des milieux domiens qui réclament la défiscalisation des apports en fonds propres, alors que les investissements et les souscriptions au capital de société sont déjà défiscalisables. Il est aussi préconisé d'inviter les établissements bancaires à mieux remplir leurs missions outre-mer ;

- il est également jugé souhaitable de clarifier les missions et les structures d'intervention de la puissance publique dans les DOM par la réorganisation de la Caisse française de développement (devenue depuis l'Agence française de développement) et de l'IEDOM ;

- le rapport n'écarte pas la perspective d'une réforme en profondeur, qui ferait intervenir une partie des " surrémunérations " des fonctionnaires, convertie en épargne forcée pour le financement à long terme de l'économie.

La possibilité, pour des personnes physiques, de déduire de leur revenu imposable les investissements réalisés outre-mer, constitue, dans le contexte du financement des entreprises d'outre-mer, une curiosité à bien des égards.

Il s'agit d'une entorse très grave au principe de progressivité de l'impôt sur le revenu, qui est une caractéristique essentielle du système fiscal français et un élément justifiant la légitimité de l'impôt. L'orientation du dispositif de défiscalisation en direction des personnes physiques, depuis 1993, n'est pas le fait du hasard : il s'agit de permettre aux gros contribuables d'éluder une fraction significative de leur cotisation fiscale.

La majorité plurielle élue en juin 1997 a suspendu la réforme de l'impôt sur le revenu engagée par le précédent Gouvernement, dirigé par M. Alain Juppé, et mis en place une politique nouvelle, de plus grande justice fiscale, en augmentant la contribution des grosses entreprises à la consolidation de l'équilibre du budget de l'Etat. La révision de l'impôt sur le revenu n'est pas abandonnée pour autant : ce n'est plus, cependant, la priorité du moment. Les élections législatives du printemps 1997 ont eu pour mérite de rappeler, notamment, que les français étaient attachés à un meilleur partage de l'effort fiscal que celui réalisé par la précédente majorité.

De ce point de vue, le maintien de la déduction des personnes physiques est une anomalie, surtout si l'on considère sa relative efficacité en termes de rapport coût/avantages.

En effet, la logique même de la défiscalisation réside dans le partage de l'avantage fiscal global entre les parties aux montages de financement. A la différence d'une subvention publique dont l'impact est entièrement concentré sur l'opérateur économique, le " gâteau fiscal " de la " loi Pons " rémunère partiellement le contribuable propriétaire de l'investissement, l'utilisateur de ce bien et, enfin, les intermédiaires, dont on a vu que le prélèvement qu'ils opéraient était souvent important, disproportionné au regard de la prestation fournie.

Cette déperdition de l'impact économique est inhérent au mécanisme même de défiscalisation qui, rappelons-le, est conçu pour atténuer la progressivité de l'impôt sur le revenu. Le seul argument qui plaide pour ce système est sa souplesse : la mobilisation des fonds peut être rapide et elle ne dépend pas d'autre décision publique que, dans les cas prévus par la loi, l'agrément ou l'autorisation préalable.

Le débat sur la suppression du mécanisme de déduction pour les personnes physiques implique donc de s'interroger sur la mise en place d'un système alternatif au moins aussi performant : il devrait permettre une meilleure concentration de l'action publique, puisqu'il n'y aurait plus de déperdition au profit des contribuables investisseurs et des intermédiaires, tout en conservant la souplesse de la défiscalisation.

Une telle perspective n'est pas hors de portée et votre Rapporteur général a apprécié, pendant ses déplacements, l'ouverture d'esprit de la plupart des interlocuteurs, qui n'ont pas exprimé un attachement indéfectible à la " loi Pons " et ont accepté le principe d'un dispositif alternatif, à condition qu'il soit aussi performant que le système actuel.

B.- LES PERSPECTIVES DE REMPLACEMENT DE LA DÉDUCTION

BÉNÉFICIANT AUX PERSONNES PHYSIQUES

On peut, dans un premier temps, imaginer que la mise en place d'une subvention budgétaire ayant un impact équivalent à la défiscalisation des personnes physiques pourrait constituer la solution alternative recherchée.

Cette perspective ne semble toutefois pas réaliste, pour plusieurs raisons. Elle aurait pour effet de soumettre l'investissement outre-mer aux contraintes budgétaires, contraintes liées au caractère limitatif des crédits inscrits dans la loi de finances annuelle et, également, aux pratiques habituelles de régulation budgétaire. Les exemples bien connus de la déconnexion des dotations de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) de la taxe additionnelle au droit de bail (TADB), ou de la régulation qui a pu affecter, sous la majorité précédente, les crédits d'investissement dans le secteur du logement locatif social illustrent cette difficulté.

On ne peut donc retenir la perspective d'une substitution d'un système lourd et aléatoire de subventions au mécanisme souple de la défiscalisation.

Pour résoudre cette difficulté, il pourrait sembler pertinent de ne pas faire dépendre ces subventions de dotations inscrites au budget général, mais de recettes pérennes alimentant un compte d'affectation spéciale. Il existe d'ailleurs déjà un compte n°902-23 dont l'objet est le développement des départements, territoires et collectivités territoriales d'outre-mer, mais dont les ressources sont très faibles (12 millions de francs), puisque constituées par le solde des bénéfices nets de l'IEDOM.

Cette perspective n'est pas non plus sans risque : les comptes d'affectation spéciale sont soumis à une gestion séparée de celle du budget général, mais obéissent au mêmes principes quant à la spécialité des crédits et aux mécanismes de la dépense publique. La création d'un compte spécial du trésor destiné à assurer un service de subventions alternatif au mécanisme de déduction des personnes physiques supposerait l'affectation de plusieurs milliards de recettes. La détermination des recettes à affecter est des plus malaisée si l'on considère le faible rendement fiscal des collectivités d'outre-mer et les contraintes générales d'équilibre budgétaire qui pèsent sur le budget de l'Etat.

La dernière perspective est celle tracée par les rapports précités de l'inspection des finances, ont analysé le problème du financement des entreprises des DOM. On peut envisager le développement des financements des entreprises outre-mer, selon des mécanismes raisonnablement souples, par des institutions financières spécialisées dédiées à cette mission.

A cet égard, la décision annoncée le 5 juin 1998, par laquelle le Gouvernement a renforcé l'impact de l'Agence française de développement, par une baisse des taux des crédits aux entreprises et aux collectivités publiques, est de bon augure. Cependant, la mise en place d'un mécanisme alternatif à la " loi Pons " pour sa partie relative à la déduction des personnes physiques suppose la mobilisation d'autres moyens, puisqu'il s'agit non pas de bonifier des prêts, mais de financer par subvention une fraction non négligeable de l'investissement.

L'idée a pu être avancée d'une meilleure mobilisation, sur place, de l'épargne locale, plutôt que son orientation vers la métropole ou les Etats voisins. Or la situation des DOM est caractérisée, en matière d'épargne, par une insuffisance des ressources locales au regard des besoins de financement et par une prédominance des placements liquides, qui entraîne un déficit particulièrement marqué en ressources longues.

Encore une fois, le débat actuel relatif aux surrémunérations des fonctionnaires peut fournir l'occasion d'une réforme en profondeur. Le gel d'une partie des surrémunérations, sa conversion en épargne forcée permettrait, selon l'inspection des finances, de maintenir la rémunération des salariés concernés en réduisant les pressions inflationnistes dans les DOM, tout en renforçant le financement long de l'économie. Cette perspective constituerait, enfin, une rupture avec une logique d'assistanat puisque elle s'apparenterait à un grand emprunt régional permettant d'associer les ressortissants domiens au développement de leur économie.

La structure de financement souple appelée à gérer cette ressource pour le subventionnement des économies d'outre-mer pourrait être alimentée par d'autres canaux. On ne peut écarter, compte tenu du fait que le financement des entreprises outre-mer suppose non pas seulement des bonifications d'intérêt mais des subventions publiques, une participation budgétaire de l'Etat. Cette subvention serait d'un montant infiniment moins élevé que le coût actuel de la déduction des personnes physiques, car elle ne servirait qu'à l'équilibre de trésorerie de la structure de financement.

La mise en place d'un mécanisme de subvention ne se heurte pas à une contrainte communautaire particulière puisque, est-il besoin de le rappeler, l'Union européenne admet, dans les zones d'objectif 1, les aides publiques aux entreprises à hauteur de 75% d'équivalent-subvention-nette.

Enfin, la structure de financement appelée à participer au développement de l'outre-mer en substitution du mécanisme de déduction du revenu imposable des personnes physiques devrait mener une politique différenciée adaptée aux situations spécifiques de chacune des collectivités.

En effet, la mission a constaté que chaque département était dans une situation économique particulière qui appelait des orientations différentes de l'aide publique. Ainsi, l'hôtellerie est un secteur important aux Antilles, et moins important à La Réunion, où l'activité industrielle est, par contre, davantage présente. La Guyane, qui a peu bénéficié de la défiscalisation, connait d'importants besoins qui pourraient être satisfaits par la création de fonds d'investissements dédiés à son développement.

La différenciation des aides publiques selon l'intérêt des projets, la sélectivité de ces aides est une nécessité. La situation actuelle, qui fait dépendre la délivrance d'un agrément ou d'une autorisation préalable, de seuls intérêts fiscaux, pour des projets économiques, ne peut être considérée comme satisfaisante.

C.- UNE RÉFORME DONT LA MISE EN OEUVRE EST DE LA COMPÉTENCE DU GOUVERNEMENT

Les règles constitutionnelles et organiques permettent à l'initiative parlementaire de supprimer l'article 163 tervicies du code général des impôts, mais elles lui interdisent de mettre en place le mécanisme de substitution indispensable à la pérennisation des aides aux investissements outre-mer.

En effet l'article 40 de la Constitution empêche la création ou l'aggravation d'une charge publique par un membre du Parlement et l'article 18 de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances interdit toute affectation de recettes qui ne soit d'initiative gouvernementale. La définition des missions et de l'emploi des moyens des personnes morales publiques sous la tutelle de l'Etat est assurément également de la compétence du Gouvernement, même si le Parlement est représenté dans les instances dirigeantes de certains organismes.

La mise en oeuvre d'une réforme globale du financement des entreprises outre-mer, permettant la suppression du dispositif de déduction du revenu imposable des personnes physiques est donc clairement de la compétence du Gouvernement.

Comme il a été précédemment indiqué, cette réforme devrait s'organiser autour de la mise en place d'institution(s) financière(s) spécialisée(s), non liée(s) dans leur gestion par les règles de la comptabilité publique, dont l'action porterait sur l'octroi de subventions aux entreprises ne bénéficiant pas des effets du dispositif de défiscalisation restant en vigueur (déduction dans le cadre de l'impôt sur les sociétés et réduction d'impôt sur le revenu).

Ces subventions devraient être accordées par une commission associant les services de l'Etat, appelés notamment à évaluer le taux cumulé des aides au regard du droit communautaire, et après avis des collectivités locales intéressées.

II.- LES ACTIONS CORRECTRICES DE LA LOI DE FINANCES POUR 1998 DOIVENT ÊTRE PROLONGÉES

A.- LA " TUNNELISATION "

Parmi les améliorations apportées par la loi de finances pour 1998, la " tunnelisation " est probablement celle qui a suscité le plus de controverses.

Rappelons qu'il s'agit d'interdire l'imputation sur le revenu imposable, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), des déficits nets résultant de l'exploitation du bien, lorsque l'investisseur n'est pas impliqué professionnellement dans cette exploitation. La " tunnelisation " pose donc problème dans les trois secteurs où la double défiscalisation est prédominante, l'avantage fiscal résultant autant de la remontée des déficits que de la déduction initiale : il s'agit de l'hôtellerie, des énergies nouvelles et de la navigation de plaisance. Les représentants de ces secteurs, rencontrés lors des déplacements de la mission, ont effectivement, mais avec une insistance inégale, mis l'accent sur les difficultés consécutives à la tunnelisation. Les professionnels des autres secteurs n'ont pas semblé considérer que cette mesure leur causait quelque problème.

On peut observer, en tout premier lieu, qu'il y aurait quelque paradoxe à assouplir la tunnelisation, tout en s'interrogeant sur la suppression de la déduction pour les personnes physiques. En effet la limitation de la remontée des déficits ne concerne que les contribuables à l'impôt sur le revenu, ceux qui sont passibles de l'impôt sur les sociétés étant soumis à d'autres règles ( report à nouveau des déficits d'exploitation et report en arrière). La tunnelisation a été décidée par l'Assemblée nationale à cause des effets abusifs du cumul de la déduction et des déficits d'exploitation. Elle peut s'analyser également comme une première étape dans le processus de suppression du dispositif de déduction des investissements du revenu des personnes physiques.

On rappellera ensuite que l'absence de tunnelisation permettait le financement d'investissements non rentables et encourageait la création de déficits, donc des situations où les préoccupations d'optimisation d'une situation fiscale personnelle peuvent occulter tout souci de rentabilité économique. Sur le premier point, on peut s'interroger sur l'intérêt économique et social de financer un investissement stérile : en cas de double défiscalisation, le coût pour la puissance publique aurait souvent pu être moindre en cas d'acquisition directe. Sur le second point, il est impossible d'admettre les tentatives d'évasion fiscale des gros contribuables.

Dans le secteur de l'hôtellerie, le discours des opérateurs domiens a été pour le moins contrasté. Certains professionnels déplorent la " tunnelisation ", d'autres s'en félicitent presque, tant le financement d'établissements viables grâce à l'avantage de la double défiscalisation sans contrainte de rentabilité perturbe les activités des hôteliers soumis à cette contrainte. Un monteur de dossiers d'agrément a affirmé à votre Rapporteur général que la tunnelisation était une bonne mesure dans l'hôtellerie, car elle devrait permettre une meilleure sélection des projets. On peut observer également que, dans certains TOM où la double défiscalisation n'est pas possible (Nouvelle-Calédonie), cette situation n'a pas empêché le développement d'investissements hôteliers. Enfin, dans au moins un cas, il apparaît que les promoteurs d'un dossier " victime " de la " tunnelisation " ont entrepris de préparer un projet alternatif, d'exploitation locative et non par mandat de gestion. La remise en cause de la " tunnelisation " pour l'hôtellerie n'apparaît donc pas aussi indispensable à la pérennité du développement de cet important secteur économique.

Pour le secteur des énergies nouvelles, votre Rapporteur général s'est davantage interrogé sur l'intérêt de ménager une exception à la tunnelisation. Il s'agit en effet d'un domaine en expansion, manifestement d'intérêt général si l'on considère la dépendance énergétique de certaines collectivités (notamment La Réunion, la Guadeloupe et la Martinique), pour lequel la tunnelisation a entraîné un coup d'arrêt brutal des investissements. En effet, la combinaison de la déduction de l'investissement dans le cadre de la " loi Pons " avec l'amortissement exceptionnel sur douze mois des matériels destinés à économiser l'énergie avait pour effet de rendre possibles des investissements sans aucune rentabilité économique. Pour autant, ce cumul d'avantages était exorbitant et l'on peut observer que le secteur considéré est peu créateur d'emplois outre-mer. Dans un cas d'investissement dans les chauffe-eau solaires, votre Rapporteur général croit savoir que les professionnels ont déjà préparé l'adaptation des projets de dossiers aux nouvelles conditions posées par la loi de finances pour 1998.

Enfin, le secteur de la navigation de plaisance est également affecté par la tunnelisation, parce que, comme on l'a vu, l'investissement lui-même ne dégage aucune rentabilité. Depuis 1992, l'administration s'est forgé une doctrine d'agrément, formalisée en 1995, par une note interne. Cette doctrine tend à réserver l'aide fiscale aux vrais professionnels, notamment par l'engagement de location sur au moins 15 semaines par an, chaque nouvelle demande d'agrément offrant l'occasion de vérifier l'activité réelle de la société de location. La flotte défiscalisée en 1995 était estimée à environ 900 navires au lieu de 1100 en 1991 et la durée moyenne d'utilisation de 18 semaines. Il existe en fait une réelle différence entre les professionnels de la location ayant des établissements aux Antilles, dont la rentabilité se rapproche des standards des autres zones géographiques, et les artisans, voire les amateurs, de la location de plaisance, dont le professionnalisme et la rentabilité sont moins assurés. Votre Rapporteur général croit savoir que, depuis l'entrée en vigueur de la loi de finances pour 1998, des demandes d'agrément ont été présentées par des professionnels, ce qui tend à montrer que l'adaptation aux nouvelles règles n'est pas plus impossible dans la navigation de plaisance que dans l'hôtellerie Dans ce contexte, il ne semble donc pas indispensable de déroger à la " tunnelisation " pour la navigation de plaisance.

Pour autant, certains projets d'investissement dont l'impact économique prévisible est important et dont il est certain que la tunnelisation empêche la réalisation parce qu'un montage locatif n'apporterait pas une rentabilité suffisante, pourraient faire l'objet de mesures d'accompagnement des pouvoirs publics dans un cadre restant à définir.

B.- L'EXCLUSION DES SUBVENTIONS DE LA BASE DÉFISCALISABLE

L'exclusion des subventions de la base défiscalisable, qu'il s'agisse des subventions directes de collectivités publiques ou de la restitution de la TVA récupérable, s'analyse comme une mesure de forte réduction de l'intérêt de la défiscalisation pour les investissements subventionnés.

Cependant, aucun de nos interlocuteurs n'a contesté la légitimité de cette mesure, chacun s'accordant à reconnaître l'anomalie du système antérieur, qui avait pour effet la déduction fiscale d'une subvention, et donc un double coût pour la puissance publique.

Les praticiens de la défiscalisation, qu'il s'agisse des fonctionnaires des services fiscaux ou des usagers, s'accordent cependant sur le constat d'une difficulté technique inhérente à l'exclusion des subventions de la base défiscalisable : l'investissement est quelquefois entrepris avant l'octroi de la subvention, et les contribuables peuvent donc être amenés à pratiquer la déduction sans connaître la fraction subventionnée de l'investissement, donc la base défiscalisable. Les instructions d'application de l'article 18 de la loi de finances pour 1998 devront préciser les modalités permettant de résoudre cette difficulté.

C.- LE DOMAINE DE L'AGRÉMENT

La loi de finances pour 1998 a eu comme conséquence indirecte la restriction du champ de l'agrément. On se souvient que l'agrément, institué en 1992, avait été limité aux secteurs sensibles, mais la loi de finances pour 1996 avait créé un agrément spécifique pour l'imputation des déficits, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, sur le revenu des contribuables non professionnels. En pratique, pour les secteurs dits sensibles, l'agrément autorisant la déduction pour investissement et celui spécifique à la remontée des déficits BIC étaient demandés simultanément. Le rapport annuel distingue, pour 1996, les dossiers de double agrément des dossiers d'agrément simple et cette distinction apparaît également dans les statistiques transmises pour l'année 1997.

La loi de finances pour 1998 a " tunnelisé " les déficits pour les contribuables soumis à l'impôt sur le revenu, non professionnels, ce qui a eu pour conséquence indirecte de faire disparaître l'agrément spécial. Cette diminution du champ de l'agrément pose différents problèmes :

- l'agrément donne à l'administration la possibilité de mieux connaître les dossiers. En 1996, certains abus dans l'agriculture ont été révélés par l'agrément spécial de remontée des déficits qui venait d'être institué. Cependant, selon certaines sources, l'augmentation des dossiers soumis à agrément en 1996 a eu pour effet un affaiblissement du contrôle de l'administration dont les moyens n'avaient pas été augmentés. Toute extension du champ de l'agrément suppose donc une amélioration des moyens des services chargés de sa gestion;

- les interlocuteurs rencontrés dans les DOM, s'ils ont déploré quelquefois la lenteur des services, ont tous défendus la procédure de l'agrément qui sécurise les investisseurs en " loi Pons " par son caractère d'approbation du montage par l'administration fiscale. Certains d'entre eux ont regretté la restriction du champ de l'agrément par la loi de finances pour 1998. Cette procédure n'est donc pas apparemment vécue, même si elle est contraignante, comme une sanction : les opérateurs réclament l'agrément.

Dans ces conditions, il n'est pas interdit d'envisager l'extension de l'agrément au premier franc (sous réserve de la franchise de 1 million de francs par programme pour les entreprises établies dans les DOM) à l'ensemble des secteurs éligibles. Une telle extension suppose naturellement le renforcement des moyens des services chargés d'instruire les dossiers de demande d'agrément.

Enfin, il est proposé d'organiser, dans le cadre de la procédure d'agrément, une meilleure consultation des élus intéressés au développement économique. Cette consultation doit être effectuée sans formalisme, avec souplesse et pragmatisme, afin que le délai prévu pour la délivrance de l'agrément ne soit pas prolongé.

D.- LE SECTEUR DU LOGEMENT

On se souvient que les logements locatifs intermédiaires ont bénéficié des dernières extensions de la " loi Pons ", opérées en avril 1996 par la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.

Il est cependant patent que les effets de la défiscalisation dans le secteur du logement, organisée, à titre principal, par la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies du code général des impôts, sont contrastés, compte tenu de l'augmentation des prix du foncier et des difficultés du marché secondaire.

Pour autant, la mise en oeuvre de restrictions dans le secteur du logement comporte le risque d'aggraver les difficultés. Il ne semble donc pas urgent de modifier la législation applicable dans ce domaine, tout en observant que le taux de la réduction d'impôt dans le secteur locatif intermédiaire est en diminution progressive, du fait du dispositif actuellement en vigueur, ce qui peut contribuer à l'assainissement dans ce secteur.

III.- L'INVESTISSEMENT DES CONTRIBUABLES PASSIBLES DE L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS DOIT ÊTRE ENCOURAGÉ

Depuis le 1er janvier 1992, en application de l'instruction 4 A-9-92 du 16 juin 1992, lorsque le propriétaire de l'investissement, passible de l'impôt sur les sociétés, n'en est pas l'utilisateur, la base déductible est soumise aux dispositions de l'article 217 bis du code général des impôts, c'est à dire qu'elle est diminuée du tiers du montant de l'investissement.

Cette mesure a eu pour effet de décourager, dans les DOM, puisque l'article 217 bis s'applique seulement à ces collectivités, les investissements des contribuables passibles de l'impôt sur les sociétés, à cause de l'écart entre le taux applicable dans le cadre de l'impôt sur les sociétés et celui de la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu.

Elle est d'ailleurs originale, aussi bien quant à son support juridique, une instruction administrative, que dans son contenu, puisque la tradition fiscale tend à éviter le cumul de deux avantages différents. Or l'instruction prévoit justement l'application simultanée des articles 217 bis et 238 bis HA du code général des impôts. Il est vrai que le cumul, en l'espèce, est admis pour la " bonne cause ", puisqu'il a pour effet de diminuer de la dépense fiscale supportée par l'Etat.

Or, il n'est pas inintéressant d'encourager les investissements des personnes morales soumises à l'impôt sur les sociétés, dans le cadre de la " loi Pons ". On peut espérer qu'elles sont plus vigilantes que certains contribuables métropolitains sur la qualité des investissements et sur le montant des frais d'intermédiation. Le professionnalisme de ces opérateurs économiques peut les amener, à la différence des personnes physiques, à accorder une attention significative au rendement économique de l'investissement, sans prêter un intérêt exclusif à la " carotte " fiscale qui constitue l'argument essentiel des démarcheurs en " produits loi Pons " ".

De plus, le taux de taxation des résultats pour les contribuables soumis à l'impôt sur les sociétés, en incluant l'effet des deux contributions additionnelles, est de 41,66% pour les exercices clos en 1998, 40% pour les exercices clos en 1999 et 36,66% à compter du 1er janvier 2000. L'investissement, dans le cadre de la " loi Pons ", par un contribuable passible de l'impôt sur les sociétés, est donc comparativement moins onéreux pour l'Etat que celui d'un contribuable soumis à l'impôt sur le revenu. Il présente également l'intérêt, compte tenu du taux d'imposition plus bas des produits taxables, d'inviter les sociétés ayant l'intention d'investir outre-mer à une meilleure sélection des projets.

On peut donc envisager de revenir sur la contrainte de l'abattement du tiers, en évitant cependant le cumul intégral de la déduction à 100% et de l'abattement du tiers sur les bénéfices taxables. Les investisseurs auraient la possibilité d'exercer une option entre la déduction prévue par l'article 217 undecies du code général des impôts et l'abattement du tiers prévu par l'article 217 bis. L'application de la déduction prévue par la " loi Pons " interdirait celle de l'abattement du tiers en cas de bénéfice taxable. Cette solution serait également conforme au principe d'interdiction du cumul de deux avantages fiscaux.

Votre Rapporteur général a, par ailleurs, été informé d'une autre difficulté relative à l'application de l'article 217 undecies. Il semble que l'obtention de l'agrément ne soit plus possible lorsque l'investissement n'est pas opéré directement par un contribuable passible de l'impôt sur les sociétés mais par l'entremise d'une société de personnes. La base juridique de cette interprétation n'a pu être éclaircie auprès des services compétents; en tout état de cause, cette restriction ne correspond ni à la volonté du législateur, ni à celle que le Gouvernement avait exprimée pendant les débats. Il conviendra donc de corriger cette interprétation administrative abusive.

IV.- LE CONTRÔLE DE LA DÉFISCALISATION

Les déplacements de la mission dans les départements d'outre-mer, qui ont permis notamment de rencontrer les représentants de l'ensemble des services de l'Etat concernés par la défiscalisation, ont mis en évidence plusieurs particularités.

Il est apparu, en tout premier lieu, que le suivi des dossiers agréés ou autorisés, qui sont les seuls dont l'administration a nécessairement connaissance, ne faisait pas l'objet de mesures particulières, de la part des services fiscaux. Ainsi, il peut arriver que le contrôle par les services déconcentrés d'autres administrations, celle de l'industrie par exemple, soit plus important que celui des services fiscaux, en cas de subvention communautaire.

De même, l'instruction des dossiers permet l'association, à un degré apparemment inégal selon les départements, des autres administrations de l'Etat à celle des services fiscaux. Certains dossiers mettent en évidence le très grand intérêt du travail des fonctionnaires de l'industrie ou de la concurrence, lorsqu'ils ont été amenés à examiner des demandes d'agrément.

Il est non moins exact que certaines tensions ont pu survenir entre les différents services de l'Etat pour le traitement administratif de la défiscalisation.

On ne peut se contenter, pour le contrôle d'un dispositif qui coûte plusieurs milliards de francs, avec des résultats très inégaux, du seul contrôle fiscal épisodique et aléatoire. Les actions de contrôle administratif doivent d'autant plus être renforcées que le législateur a modifié les conditions d'agrément en faisant du critère de l'emploi outre-mer un élément essentiel pour l'obtention de l'agrément de défiscalisation.

La nécessité de renforcer les contrôles est admise par plusieurs collègues parlementaires élus outre-mer : je rappellerai que M. Claude Lise, sénateur, avait déposé un amendement dans ce sens à l'automne dernier, qui prévoyait un rendez-vous de contrôle plusieurs années après la défiscalisation de l'investissement. En accord avec cette démarche, votre Rapporteur général souhaite la mise en place, par le Gouvernement, de procédures de contrôle administratif des investissements défiscalisés, associant l'ensemble des services concernés, et assurant un suivi des dossiers, non pas après plusieurs années, mais dès l'obtention de la décision d'agrément.

Enfin, et d'une manière générale, il convient de poursuivre l'action administrative menée pour que la situation du recouvrement des impôts dans les départements d'outre-mer se rapproche de la normale, dans le cadre des spécificités fiscales reconnues par la loi. On peut d'ailleurs s'interroger sur les modalités d'application de la loi de défiscalisation à Saint-Barthélémy, où l'incivisme est généralisé, comme à Saint-Martin, où il est répandu, compte tenu des particularités de ces deux territoires.

V.- LA POURSUITE D'UN SOUTIEN ACTIF À L'OUTRE-MER

AU-DELÀ DE 2001

Plusieurs interlocuteurs rencontrés outre-mer ont manifesté des inquiétudes sur l'instabilité législative qui affecte le régime d'incitation fiscale à l'investissement outre-mer. On ne peut cependant pas souscrire à l'idée que le Parlement serait lié, après une alternance législative, par les décisions de la majorité précédente. Le travail mené dans le cadre de la mission a pour objet la mise en place d'un dispositif stable, au moins pendant la durée de la présente législature, afin de donner à nos compatriotes d'outre-mer et aux investisseurs, la visibilité minimale leur permettant d'investir, éventuellement dans le cadre d'un programme étalé sur plusieurs années.

L'état actuel du droit prévoit l'application de la déduction des résultats imposables pour les sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés et celle de la réduction d'impôt pour les contribuables soumis à l'impôt sur le revenu jusqu'au 31 décembre 2001. Il a été omis, à l'automne dernier, de fixer une date butoir pour l'application de la déduction du revenu imposable des contribuables soumis à l'impôt sur le revenu, alors que l'ancien dispositif prévoyait également la date du 31 décembre 2001.

Il peut donc sembler opportun de prolonger l'application des deux premiers dispositifs jusqu'au 31 décembre 2005. Cette mesure donnerait aux investisseurs une certitude d'application de la défiscalisation sur plus de sept ans au lieu de trois, à la fin de 1998.

On peut s'interroger, par contre, sur la date à retenir pour fixer le terme de la déduction opérée par les contribuables soumis à l'impôt sur le revenu. En effet, le principe de la suppression de cette déduction est souhaitable, mais la suppression effective de ce qui représente l'essentiel de la défiscalisation ne peut intervenir sans la mise en place d'un dispositif alternatif assurément efficace. Fixer, pour la déduction des produits taxables à l'impôt sur le revenu, la date butoir au 31 décembre 2001 est un minimum ; retenir la date du 31 décembre 2005 peut sembler excessif, si l'on considère qu'il ne faut pas sept ans pour que le Gouvernement mette en place un circuit de financement performant outre-mer.

Si l'objet du présent rapport est d'aboutir à conforter l'aide à l'investissement outre-mer, la réforme d'ampleur qu'il préconise, c'est-à-dire la substitution d'un mécanisme de subventions à la déduction des contribuables à l'impôt sur le revenu, ne peut être accomplie que par le Gouvernement. Il pourrait donc être envisagé de fixer une date butoir plus rapprochée que celle de 2005. En même temps, l'interdiction de l'imputation des déficits nets d'exploitation sur le revenu global (la " tunnelisation "), opérée par la loi de finances pour 1998, a supprimé les aspects les plus choquants de l'application de la " loi Pons " dans le cadre de l'impôt sur le revenu, en empêchant notamment que le gain fiscal puisse, dans certains cas, excéder le montant de l'investissement et donc constitué une mesure pertinente d'assainissement.

Faut-il proroger l'ensemble du dispositif d'incitation fiscale à l'investissement outre-mer jusqu'au 31 décembre 2005 ou procéder à une différenciation des dates butoirs d'application selon la nature de l'avantage fiscal ? La question n'exige pas une réponse immédiate dans le cadre du présent rapport.

Celui-ci se propose de donner un cadre durable et stable aux mécanismes de défiscalisation afin de garantir, sur une longue durée, la solidarité de la Nation envers l'outre-mer sans méconnaître les nécessités élémentaires de la justice fiscale.

RÉSUMÉ DES PROPOSITIONS

I.- Il convient de s'interroger sur l'intérêt de pérenniser le mécanisme permettant la déduction de l'investissement de leur revenu imposable pour les personnes physiques, compte tenu des remises en cause de la progressivité de l'impôt sur le revenu qu'il permet, des montages coûteux qu'il facilite et du caractère douteux de son efficacité et de sa régularité. La suppression de ce mécanisme suppose cependant la mise en place, par le Gouvernement, d'une structure souple de financement.

II.- Les actions correctrices de la loi de finances pour 1998, qui apparaissent très pertinentes, ne doivent pas être remises en cause, mais au contraire, consolidées par l'extension de l'agrément au premier franc (sauf pour les programmes de 1 million de francs au plus réalisés par des entreprises établies dans les DOM) à l'ensemble des secteurs éligibles.

III.- La pénalisation des investissements réalisés dans les DOM par les contribuables passibles de l'impôt sur les sociétés, qui résulte de l'application de l'abattement du tiers depuis 1992, a eu pour effet de décourager ces investissements. Il est proposé de supprimer l'abattement du tiers sur la base défiscalisable et sur les bénéfices taxables, sur option du contribuable.

IV.- Le contrôle administratif sur les investissements défiscalisés doit être renforcé et amélioré par la mise en place de procédures adaptées associant l'ensemble des services concernés.

V.- A partir du moment où les effets pervers sont limités au maximum et le rapport coût-efficacité mieux apprécié par l'administration, il apparaît souhaitable de prolonger l'application du dispositif au-delà de 2001 afin de donner aux investisseurs une plus grande visibilité.

ANNEXE

LES TROIS CATÉGORIES DE DÉFISCALISATION

A.- LA DÉDUCTION DU REVENU IMPOSABLE DES CONTRIBUABLES SOUMIS À L'IMPÔT SUR LE REVENU.

1.- Le régime général de déduction

L'article 163 tervicies du code général des impôts, issu de l'article 18 de la loi de finances pour 1998, prévoit que " les contribuables soumis à l'impôt sur le revenu peuvent déduire de leur revenu net global une somme égale au montant hors taxes des investissements productifs, diminué de la fraction de leur prix de revient financée par une subvention publique, qu'ils réalisent dans les départements et territoires d'outre-mer
et dans les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité dans les secteurs de l'industrie, de la pêche, de l'hôtellerie, du tourisme, des énergies nouvelles, de l'agriculture, du bâtiment et des travaux publics, des transports, de l'artisanat, de la maintenance au profit d'activités industrielles, de la production et de la diffusion audiovisuelles et cinématographique ou réalisant des investissements nécessaires à l'exploitation d'une concession de service public local à caractère industriel et commercial. "

La loi de finances pour 1998 a, en effet, sur le plan formel, scindé le dispositif de l'ancien article 238 bis HA du code général des impôts en deux articles nouveaux, appelés à régir, l'un les déductions ouvertes aux contribuables assujettis à l'impôt sur le revenu (article 163 tervicies du code général des impôts ), l'autre celles des contribuables soumis à l'impôt sur les sociétés (article 217 undecies du code général des impôts).

L'ancien article 238 bis HA régissait en effet le dispositif de déduction des résultats imposables pour l'ensemble des " entreprises " soumises à un régime réel d'imposition, qu'elles relèvent de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu.

La déduction porte sur le revenu net global et non, comme dans le régime antérieur à la loi de finances pour 1998, sur les résultats imposables des entreprises. Cette rédaction permet d'éviter l'imputation de la déduction des personnes physiques dans le cadre de la cédule des bénéfices industriels et commerciaux concourant à la détermination du revenu imposable à l'impôt sur le revenu, et par là même d'éviter de diminuer la base du revenu retenu pour le calcul du plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune.

Rappelons que l'article 885 V bis du code général des impôts dispose que " l'impôt de solidarité sur la fortune du redevable ayant son domicile fiscal en France est réduit de la différence entre, d'une part, le total de cet impôt et des impôts dus en France et à l'étranger au titre des revenus et produits de l'année précédente, calculés avant imputation de l'avoir fiscal, des crédits d'impôt et des retenues non libératoires et, d'autre part, 85% du total des revenus nets de frais professionnels soumis en France et à l'étranger à l'impôt sur le revenu au titre de l'année précédente et des produits soumis à un prélèvement libératoire de cet impôt ".

Ce plafonnement s'apprécie donc par référence à des revenus nets de frais professionnels, c'est-à-dire déterminés après imputation des seules déductions pratiquées au titre des frais professionnels, et, pour les bénéfices industriels et commerciaux, à leur montant net avant application de l'abattement accordé aux adhérents des centres de gestion agréés et des associations agréées.

Il résultait de l'application de la déduction aux résultats imposables des entreprises, dans l'état précédent du droit, qu'elle s'opérait comme une imputation de déficits industriels et commerciaux sur le revenu global : elle avait donc pour effet de diminuer ledit revenu servant au plafonnement de l'impôt sur la fortune et, par là même, l'impôt dû, à ce titre, par les contribuables bénéficiant de ce plafonnement.

La modification opérée permet donc d'éviter l'imputation de la déduction à la cédule des bénéfices industriels et commerciaux en prescrivant cette imputation sur le revenu net global après déduction des frais professionnels et des charges à déduire (pensions alimentaires, souscriptions de parts de copropriété de navires, souscriptions en faveur du cinéma et de l'audiovisuel, etc.) et avant la prise en compte des abattements spéciaux (personnes âgées ou invalides, enfants rattachés).

Elle permet donc d'éviter de réduire le revenu servant au calcul du plafonnement de l'impôt sur la fortune du montant des sommes déduites dans le cadre d'investissements d'entreprises soumises à l'impôt sur le revenu. Elle a pour effet également d'ouvrir aux investisseurs métropolitains désireux d'exploiter directement un investissement en Nouvelle-Calédonie ou à Mayotte ou Saint-Pierre-et-Miquelon la possibilité de déduction qu'ils n'avaient pas auparavant du fait des conventions fiscales en vigueur.

Corrélativement, il n'est plus exigé que les contribuables bénéficiaires de la déduction relèvent d'un régime réel d'imposition. Ainsi, les entreprises individuelles soumises au forfait peuvent bénéficier de la déduction.

La base de la déduction est constituée par le montant hors taxes des investissements productifs, diminué de la fraction de leur prix de revient financée par une subvention publique.

Dans le régime antérieur à la loi de finances pour 1998, la base déductible était constituée par " le montant total des investissements productifs " ; en fait le prix de revient hors taxes des investissements.

En excluant les subventions de la base de la déduction fiscale, l'Assemblée nationale, sur proposition du Gouvernement, a souhaité mettre fin à une anomalie qui conduisait la puissance publique à contribuer doublement aux investissements outre-mer, d'abord par des subventions et ensuite par la déduction de ces subventions du revenu imposable.

Il est courant, en effet, que les investissements dans les départements et territoires d'outre-mer bénéficient de subventions publiques. La part de ces subventions a pu être estimée, en moyenne, à 20% du montant des investissements, même si les statistiques détaillées des dossiers agréés en 1996 ne permettent pas de préciser cette part, qui est très variable d'un dossier à l'autre.

De surcroît, la TVA décomptée fictivement sur les acquisitions de biens exonérées en application de l'article 295-1-5° du code général des impôts et qui ouvrent droit à récupération, en Guadeloupe, Martinique et à La Réunion (31), a également le caractère de subvention.

Sont exonérées, en effet, les importations de matières premières et produits figurant aux articles 50 undecies et 50 duodecies de l'annexe IV au code général des impôts, ainsi que les ventes et livraisons à soi-même de produits analogues de fabrication locale ; ces dispositions concernent les matériels d'équipement destinés à l'industrie hôtelière et touristique ainsi que certains produits, matériaux de construction, engrais et outillages industriels et agricoles.

La TVA non perçue sur les biens exonérés donne lieu cependant à récupération pour les entreprises qui acquièrent ces biens.

Le remboursement de TVA fictive constituait, avant la loi de finances pour 1998, un élément de la base défiscalisable, puisqu'il correspondait à une subvention sans représenter un impôt, la TVA n'ayant pas été perçue.

Le premier alinéa du I du nouvel article 163 tervicies du code général des impôts inclut les territoires d'outre-mer, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon au nombre des collectivités éligibles à la déduction pour investissement, comme le prévoyait précédemment l'article 238 bis HC du même code.

Les secteurs d'activité concernés sont les mêmes que ceux précédemment prévus au premier alinéa du I de l'article 238 bis HA, c'est-à-dire l'industrie, la pêche, l'hôtellerie, le tourisme, les énergies nouvelles, l'agriculture, le bâtiment et les travaux publics, les transports et l'artisanat, ainsi que les secteurs de la maintenance au profit d'activités industrielles, de la production et la diffusion audiovisuelles et cinématographiques ou réalisant des investissements nécessaires à l'exploitation d'une concession de service public local à caractère industriel et commercial, catégories d'activités précédemment visées par les quatrième, cinquième et sixième alinéas du I de l'article 238 bis HA.

Le deuxième alinéa du I du nouvel article 163 tervicies prévoit que " les dispositions du premier alinéa s'appliquent également aux investissements réalisés par une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8 ou un groupement mentionné aux articles 239 quater ou 239 quater C. En ce cas, la déduction est pratiquée par les associés ou membres dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société ou le groupement ".

Cette rédaction apporte une précision nouvelle par rapport à l'ancien article 238 bis HA, en prévoyant la possibilité pour les sociétés de personnes relevant de l'impôt sur le revenu de bénéficier de la déduction sur le revenu imposable prévue pour les entreprises. En pratique, cette possibilité était déjà utilisée depuis longtemps par des personnes physiques qui ont constitué des sociétés soumises à l'impôt sur le revenu à seule fin de bénéficier de la déduction prévue par l'article 238 bis HA du code général des impôts, plus intéressante que celle de l'article 199 undecies.

L'alinéa vise l'article 8 du code général des impôts qui prévoit l'assujettissement à l'impôt sur le revenu, sauf option contraire, des personnes suivantes :

- associés des sociétés en nom collectif ;

- associés commandités des sociétés en commandite simple ;

- membres des sociétés en participation (y compris les syndicats financiers) qui sont indéfiniment responsables et dont les noms et adresses ont été indiqués à l'administration ;

- associés personnes physiques des entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée ;

- associés des exploitations agricoles à responsabilité limitée unipersonnelles, familiales ou constituées entre l'apporteur de tout ou partie d'une exploitation individuelle, un exploitant qui s'installe et les membres de leurs familles ;

- membres des SARL de caractère familial ayant opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes.

Le régime de déduction des personnes physiques est également ouvert aux groupements d'intérêt économique (GIE) mentionnés à l'article 239 quater et aux groupements européens d'intérêt économique (GEIE) mentionnés à l'article 239 quater C, dont les membres sont personnellement passibles de l'impôt sur le revenu.

La précision selon laquelle " la déduction prévue au premier alinéa est opérée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé " reproduit une disposition du premier alinéa de l'article 238 bis HA.

Les quatrième et cinquième alinéas du I du nouvel article 163 tervicies fixent des obligations de conservation des investissements identiques à celles qui figurent aux quatre premiers alinéas du I de l'article 238 bis HA du code général des impôts. Les investissements doivent être maintenus dans leur affectation par l'entreprise pendant cinq ans à compter de leur création ou de leur acquisition ou pendant leur durée normale d'utilisation, si elle est inférieure. A défaut, la déduction pratiquée est rapportée au résultat imposable, sauf si le manquement intervient dans le cadre des opérations mentionnées à l'article 41 du code général des impôts (transmissions à titre gratuit d'entreprises individuelles) ou à l'article 151 octies du même code (apports en société d'entreprises individuelles).

Le dernier alinéa du I de l'article 163 tervicies prévoit qu'en cas d'investissement par une société de personnes " les associés ou membres doivent, en outre, conserver les parts ou actions de cette société ou de ce groupement pendant un délai de cinq ans à compter de la réalisation de l'investissement. A défaut, ils doivent ajouter à leur revenu net global de l'année de la cession le montant des déductions qu'ils ont pratiquées, diminué le cas échéant, dans la proportion de leurs droits dans la société ou le groupement, des sommes déjà réintégrées en application des dispositions du quatrième alinéa ".

Cette disposition impose aux associés ou membres des sociétés de personnes les mêmes obligations de conservation des parts ou actions que celles qui pèsent sur les investisseurs directs. La rédaction précédente de l'article 238 bis HA prévoyait déjà le maintien de l'affectation de l'investissement à l'entreprise utilisatrice, mais non la conservation des parts ou actions de cette entreprise par les associés ou membres.

2.- Les dispositifs d'agrément prévus pour les contribuables soumis à l'impôt sur le revenu

Les II et III du nouvel article 163 tervicies, institué par la loi de finances pour 1998, regroupent les dispositifs d'agrément précédemment dispersés en différents points de l'article 238 bis HA du code général des impôts, au I et au III ter.

Il est prévu que " les investissements mentionnés au I et dont le montant total par programme est supérieur à 10.000.000 francs ne peuvent ouvrir droit à déduction que s'ils ont été portés, préalablement à leur réalisation, à la connaissance du ministre chargé du budget et que ce dernier, dans un délai de trois mois, ne s'y est pas opposé.

(...) Ceux des investissements mentionnés au I qui concernent les secteurs des transports, de la navigation de plaisance, de la pêche maritime, de la production et de la diffusion audiovisuelles et cinématographiques, qui comportent la construction d'hôtels ou de résidences à vocation touristique ou para-hôtelière ou sont nécessaires à l'exploitation d'une concession de service public local à caractère industriel ou commercial ne peuvent ouvrir droit à déduction que s'ils ont reçu un agrément préalable du ministre chargé du budget délivré dans les conditions prévues aux deuxième, troisième et quatrième alinéas du III ter de l'article 217 undecies. "

Ce dispositif reproduit, en les modifiant, pour les contribuables soumis à l'impôt sur le revenu, les conditions d'agrément ou d'autorisation préalable figurant précédemment au I et au III ter de l'article 238 bis HA, transposé par la loi de finances pour 1998 en un article 217 undecies nouveau. Il a ajouté le secteur de la pêche maritime dans le champ de l'agrément, par coordination avec la loi n° 97-1051 d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines, du 18 novembre 1997. Il prévoit deux procédures différentes et inégalement contraignantes.

- une autorisation préalable, qui peut être accordée tacitement (délai de trois mois) par le ministre chargé du budget, lorsque le montant total des investissements par programme est supérieur à 10 millions de francs (ce seuil était fixé à 30 millions de francs avant l'intervention de la loi de finances pour 1998) ;

- un agrément préalable au premier franc, qui peut être accordé pour les investissements réalisés dans les secteurs des transports, de la navigation de plaisance, de la pêche maritime, de la production et de la diffusion audiovisuelles et cinématographiques, qui comportent la construction ou la rénovation d'hôtels ou de résidences à vocation touristique ou para-hôtelière, et ceux nécessaires à l'exploitation d'une concession de service public local à caractère industriel et commercial.

Les entreprises exerçant outre-mer dans ces secteurs depuis deux ans au moins sont dispensées d'agrément pour les investissements n'excédant pas 1 million de francs, hors TVA déductible, par programme et par exercice.

L'agrément est délivré, de manière tacite à défaut de réponse dans les trois mois, par le directeur des services fiscaux compétent, par délégation du ministre chargé du budget, lorsque le programme d'investissements est réalisé dans un DOM et n'excède pas 10 millions de francs. Dans les autres cas, la décision est prise par le ministre chargé du budget. L'agrément est accordé si le programme présente un intérêt économique pour le département, s'il s'intègre dans la politique d'aménagement du territoire et de l'environnement et s'il garantit la protection des investisseurs et des tiers. La loi de finances pour 1998 a ajouté à ces critères la condition de maintien ou de création d'emplois dans le département. Le ministre chargé des DOM-TOM (ou le préfet lorsque l'agrément relève du directeur des services fiscaux) est consulté préalablement à l'octroi de l'agrément et doit délivrer son avis dans le délai de trente jours.

Les tableaux résument l'ancien régime et le nouveau régime des agréments issu de la loi de finances pour 1998.

RÉGIME DES AGRÉMENTS
DROIT EN VIGUEUR AVANT LA LOI DE FINANCES POUR 1998

 

Investissements directs
Art. 238 bis HA I du CGI

Investissements indirects
Art. 238 bis HA II, II bis et II ter





Agrément

Agriculture, pêche (non maritime), industrie, BTP, énergies nouvelles, artisanat, tourisme

Hôtellerie, navigation de plaisance, audiovisuel, transport, concession-naire de services publics

Entreprises en difficulté et services publics industriels et commerciaux


Autres sociétés des secteurs éligibles ci-contre

loi " Pons "

< 30 MF

> 30 MF

< 1 MF

> 1 MF

 

< 30 MF

> 30 MF

Art. 238 bis HA III ter

Néant

Autorisation préalable

Néant si entreprise exerce son activité depuis 2 ans

Agrément

Agrément

Néant

Autorisation préalable

Agrément Art. 238 bis HA III quater

Agrément au premier franc pour le déficit provenant de la déduction des investissements et de leur exploitation ou des souscriptions en capital.
Investissement < 3 MF : agrément tacite s'il n'est pas refusé dans les deux mois.
Investissement > 3 MF : agrément tacite s'il n'est pas refusé dans les trois mois.

DISPOSITIF ISSU DE LA LOI DE FINANCES POUR 1998

 

Investissements directs
Art. 163 tervicies et 217 undecies I du CGI

Investissements indirects
Art. 217 undecies II, II bis et II ter



Agrément

Agriculture, pêche, industrie, BTP, énergies nouvelles, artisanat, tourisme

Hôtellerie, navigation de plaisance, pêche maritime, audiovisuel, transport, concession-naire de services publics

Entreprises en difficulté et services publics industriels et commerciaux


Autres sociétés des secteurs éligibles ci-contre

loi " Pons "

< 10 MF

> 10 MF

< 1 MF

> 1 MF

 

< 10 MF

> 10 MF

Art. 163 tervicies II et 217 undecies

Néant

Autorisation préalable

Néant si entreprise exerce son activité depuis 2 ans

Agrément

Agrément

Néant

Autorisation préalable

Suppression de la possibilité d'imputer des déficits nets dans la catégorie des bénéficies industriels et commerciaux non professionnels sur le revenu global.

3.- Les autres modifications opérées par la loi de finances pour 1998

Le régime de déduction du revenu imposable des investissements réalisés par des contribuables soumis à l'impôt sur le revenu a fait l'objet en loi de finances pour 1998 de trois autres modifications de portée inégale.

- Les souscriptions au capital des sociétés de développement régional ou d'autres sociétés n'ouvrent plus droit à déduction en cas de réalisation par des entreprises dans le cadre de l'impôt sur le revenu.

Les II et II bis de l'ancien article 238 bis HA n'ont pas été transposés dans le nouvel article 163 tervicies, afin d'exclure du bénéfice de la déduction les souscriptions au capital de sociétés, effectuées par des contribuables soumis à l'impôt sur le revenu. Ces contribuables conservent la faculté de réaliser ces investissements dans le cadre de l'article 199 undecies du code général des impôts.

- La dérogation, prévue précédemment par l'article 238 bis HA III quater du code général des impôts, qui permettait, sous réserve de l'obtention préalable d'un agrément, une imputation sur le revenu global des déficits provenant des investissements outre-mer éligibles à l'aide fiscale réalisés dans le cadre d'activités relevant des bénéfices industriels et commerciaux exercées à titre non professionnel, c'est-à-dire des activités qui ne comportent pas la participation directe, personnelle et continue de l'investisseur à l'accomplissement des actes nécessaires à l'activité, est supprimée.

Cette suppression, que le jargon fiscal ultramarin retient sous le vocable de " tunnelisation ", a un effet inégal, mais certain, de réduction de la rentabilité des montages de " loi Pons ".

- Enfin le Gouvernement et le législateur ont omis de transposer dans l'article 163 tervicies la précision selon laquelle cet article s'applique jusqu'au 31 décembre 2001, simple oubli qui devra être réparé.

B.- LA DÉDUCTION DES RÉSULTATS IMPOSABLES DES ENTREPRISES SOUMISES À L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS

Les articles 217 undecies et 217 duodecies du code général des impôts régissent, pour les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés, la déduction de leurs résultats imposables des investissements réalisés outre-mer. La loi de finances pour 1998 a transféré à cet effet, dans ces nouveaux articles, les dispositions des articles 238 bis HA et 238 bis HC du code général des impôts. Le dispositif de déduction des résultats imposables s'applique jusqu'au 31 décembre 2001.

1.- Champ d'application

Les secteurs d'investissement direct ouvrant droit à déduction pour les contribuables soumis à l'impôt sur les sociétés ont déjà été mentionnés pour les entreprises soumises à l'impôt sur le revenu (secteurs de l'industrie, de la pêche, de l'hôtellerie, du tourisme, des énergies nouvelles, de l'agriculture, du bâtiment et des travaux publics, des transports, de l'artisanat, de la maintenance au profit d'activités industrielles, de la production et de la diffusion audiovisuelles et cinématographiques, des concessions de service public local à caractère industriel et commercial).

Il s'y ajoute, pour les seules entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés, les investissements réalisés à compter du 1er avril 1996 dans le secteur du logement locatif intermédiaire, sous réserve du respect des conditions suivantes :

- l'entreprise s'engage à louer l'immeuble nu dans les six mois de son achèvement, ou de son acquisition si elle est postérieure, et pendant six ans au moins à des personnes qui en font leur résidence principale ;

- le loyer et les ressources du locataire n'excèdent pas des plafonds fixés par décret, plafonds relevés chaque année par indexation.

Par ailleurs, les contribuables soumis à l'impôt sur les sociétés bénéficient d'une déduction de leurs résultats imposables applicable également :

- aux souscriptions en numéraire au capital des sociétés de développement régional des départements d'outre-mer ou de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés qui investissent outre-mer dans les secteurs précités ;

- sous certaines conditions, aux souscriptions au capital de sociétés en difficulté au sens de l'article 44 septies du code général des impôts ;

- aux sociétés ayant pour objet exclusif l'acquisition ou la construction de logements neufs à usage locatif affectés au secteur intermédiaire. Les sociétés bénéficiaires (autres que les SDR) doivent être passibles de l'impôt sur les sociétés et détenir des éléments d'actif affectés à concurrence de 90% au moins à l'exercice d'activités donnant droit à déduction.

La déduction des souscriptions correspond aux sommes versées (qui comprennent, le cas échéant, le montant de la prime d'émission) et s'opère au titre de l'exercice du versement sur le résultat imposable avant tout autre abattement.

Les sociétés bénéficiaires doivent procéder, dans les douze mois de la clôture de l'exercice de la souscription, à la réalisation des investissements, sous réserve de l'exception admise dans le cadre de l'agrément des souscriptions au capital de sociétés en difficulté. S'il s'agit de construction d'immeubles, la société doit s'engager à achever les fondations dans les deux ans.

Une double obligation de conservation des investissements doit être satisfaite, puisque les titres souscrits par les entreprises doivent être conservés pendant cinq ans et que les sociétés bénéficiaires des souscriptions doivent s'engager à maintenir l'affectation des biens acquis, dans les mêmes conditions que les entreprises qui investissent directement, soit en principe pendant cinq ans (dix ans pour les logements du secteur locatif intermédiaire).

2.- Les conditions d'agrément

Elles sont identiques à celles prévues pour les contribuables soumis à l'impôt sur le revenu, en matière d'investissements directs.

Par ailleurs, les souscriptions au capital de sociétés concessionnaires de service public et de sociétés en difficulté sont soumises à agrément et toutes les constitutions ou augmentations de capital d'un montant supérieur à 10 millions de francs (30 millions de francs pour les souscriptions versées avant le 1er janvier 1998) doivent être préalablement autorisées par le ministre du budget.

3.- La faible attractivité du régime de déduction des résultats soumis à l'impôt sur les sociétés

Les produits déductibles par des entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ne sont pas taxés uniformément. De façon générale, le prélèvement au titre de l'impôt sur les sociétés a été ramené dans les départements d'outre-mer progressivement à 33 1/3, comme en métropole. Cependant, la contribution de 10% prévue par l'article 235 ter ZA inséré dans le code général des impôts par la loi de finances rectificative du 4 août 1995 a porté le prélèvement effectif à 36 2/3 % pour les exercices clos à compter du 1er janvier 1995. La contribution temporaire de 15% pour les exercices clos en 1997 et 1998 et de 10% pour les exercices clos en 1999 porte, pour les entreprises auxquelles elle s'applique, le prélèvement effectif à 41 2/3 % sur les résultats de 1997 et 1998 et 40% sur les résultats de 1999.

BARÈME DE L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS EN FRANCE TAUX NORMAL

(en %)

 

AVANT LE
1ER JANVIER 1986

DU 1ER JANVIER 1986 AU
31 DÉCEMBRE 1987

DU 1ER JANVIER 1988 AU
31 DÉCEMBRE 1988

DU 1ER JANVIER 1989 AU
31 DÉCEMBRE 1989

Bénéfices distribués

50

45

42

42

Bénéfices retenus (1)

50

45

42

39

 

DU 1ER JANVIER 1990 AU
31 DÉCEMBRE 1990

DU 1ER JANVIER 1991 AU
31 DÉCEMBRE 1991

DU 1ER JANVIER 1992 AU
31 DÉCEMBRE 1992

DEPUIS LE
1ER JANVIER 1993

Bénéfices distribués

42

42

34

33,33

Bénéfices retenus

37

34

34

33,33

(1) Retenus : non distribués ou réinvestis.

Source : Ministère de l'économie et des finances.

Cependant, l'article 217 bis du code général des impôts prévoit qu'un abattement de 33 1/3 % s'applique aux résultats des exercices clos jusqu'au 31 décembre 2001 pour les exploitations situées dans les DOM et appartenant aux secteurs de l'agriculture, du tourisme, de l'industrie, de l'hôtellerie, de la pêche, des énergies nouvelles, du bâtiment et travaux publics, des transports, de l'artisanat, de la maintenance au profit d'activités industrielles et de la production et la diffusion audiovisuelles et cinématographiques.

Par une instruction du 16 juin 1992 (4 A-9-92, BOI n° 121 du 26 juin 1992), prise pour l'application de l'article 238 bis HA du code général des impôts qui régit le dispositif de déduction pour investissement outre-mer des entreprises, la direction générale des impôts a décidé que " lorsque l'immobilisation acquise ou créée par une entreprise dont les résultats sont soumis à l'impôt sur les sociétés est louée à un utilisateur qui exploite le bien dans l'un des secteurs de l'agriculture, de l'industrie, de l'hôtellerie, du tourisme, de la pêche, des énergies nouvelles, du bâtiment et des travaux publics, des transports ou de l'artisanat, l'entreprise propriétaire est soumise aux dispositions de l'article 217 bis du code général des impôts. Ces dispositions s'appliquent à tous les investissements réalisés à compter du 1er janvier 1992 ".

Cette formulation implique que l'abattement du tiers s'impute sur la base déductible, dans le cadre de la " loi Pons ", lorsque le propriétaire de l'immobilisation n'en est pas l'utilisateur, mais loue cette immobilisation à l'exploitant.

L'abattement du tiers réduit donc, dans les DOM, l'attractivité des montages pour les investisseurs passibles de l'impôt sur les sociétés (32), et accroît l'écart de taxation avec les plus fortes tranches de l'impôt sur le revenu. On ne s'étonnera donc pas du faible nombre d'investissements de ce type.

C.- LA RÉDUCTION D'IMPÔT BÉNÉFICIANT AUX PERSONNES PHYSIQUES SOUMISES À L'IMPÔT SUR LE REVENU

Les personnes physiques domiciliées en France métropolitaine ou dans les départements d'outre-mer bénéficient d'une réduction d'impôt lorsqu'elles réalisent, dans le cadre de l'article 199 undecies du code général des impôts, jusqu'au 31 décembre 2001, des investissements dans les secteurs suivants :

- construction ou acquisition d'un logement neuf à usage d'habitation principale pour le propriétaire ou le locataire pendant une durée minimale de cinq ans ;

- souscription de parts de sociétés ayant pour objet réel et exclusif la construction de logements neufs donnés en location nue à des personnes qui en font leur habitation principale ;

- souscription de parts de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI). Ces sociétés doivent affecter intégralement, dans un délai de six mois, le produit de ces souscriptions à l'acquisition de logements neufs affectés pour 90% au moins à un usage d'habitation. Elles doivent également s'engager à louer ces immeubles nus à usage d'habitation principale pendant cinq ans au moins ;

- souscription en numéraire au capital de sociétés de développement régional d'outre-mer ou de sociétés dont l'activité réelle est exercée outre-mer dans les secteurs de l'industrie, de la pêche, de l'hôtellerie, du tourisme, des énergies nouvelles, de l'agriculture, du bâtiment et des travaux publics, des transports, de l'artisanat, de la maintenance au profit d'activités industrielles et de la production ou de la diffusion audiovisuelles et cinématographiques ;

- sur agrément au premier franc dans les conditions prévues au III ter de l'article 217 undecies, les souscriptions en numéraire au capital d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés, en difficulté ;

- sur agrément, les souscriptions au capital de sociétés concessionnaires ou fermières de service public local à caractère industriel et commercial.

Le mécanisme de la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies est relativement complexe.

Cette réduction d'impôt est calculée sur le prix d'acquisition du logement ou le prix de souscription des titres. Cette base est répartie sur cinq ans.

La réduction d'impôt est égale chaque année à 25% de la base annuelle ainsi calculée. Toutefois, le taux de la réduction d'impôt a été porté à 50% pour les investissements effectués à compter du 1er juillet 1996 dans le secteur du logement locatif intermédiaire ; ce taux de 50% s'applique au titre des années 1996 à 2001 ; cet avantage concerne également les souscriptions au capital de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) et de sociétés dont l'objet exclusif est de construire des logements locatifs neufs.

Précédemment, les investissements réalisés du 1er juillet 1993 au 31 décembre 1996 pour la construction ou l'acquisition de logements neufs à usage d'habitation principale, la souscription au capital de sociétés de construction de logements locatifs ou de SCPI avaient également ouvert droit, au titre des années 1993 à 1996, à une réduction d'impôt calculée au taux de 50%.

A titre d'exemple (instruction du 7 février 1997, 5 B-6-97, BOI n° 38 du 24 février 1997), si un contribuable acquiert en 1998 un logement clés en mains pour 800.000 francs, la base annuelle de calcul de la réduction d'impôt est de 800.000 X 20% = 160.000 francs.

La réduction d'impôt est de :

1998 : 160.000 F X 50% = 80.000 F.

1999 : 160.000 F X 50% = 80.000 F

2000 : 160.000 F X 50% = 80.000 F.

2001 : 160.000 F X 50% = 80.000 F.

2002 : 160.000 F X 25% = 40.000 F.

L'avantage fiscal cumulé est de 360.000 francs, soit 45% de la valeur de l'investissement (contre 200.000 francs dans le dispositif ordinaire).

Cette réduction d'impôt est donc dégressive en fonction de la date d'investissement. Le tableau figurant ci-après récapitule, pour les investissements des particuliers dans le seul secteur du logement, les pourcentages cumulés, par rapport à la valeur de ces investissements, de la réduction d'impôt applicable.

Pour les autres investissements, le taux de la réduction reste fixé à 25% pour les années 1993 à 2005, sous réserve du régime applicable aux investissements réalisés du 1er juillet 1993 au 31 décembre 1996.

POURCENTAGE CUMULÉ, PAR RAPPORT À LA VALEUR DE L'INVESTISSEMENT, DE LA RÉDUCTION D'IMPÔT APPLICABLE ET DURÉE DE L'ENGAGEMENT DE LOCATION OU DE CONSERVATION DES TITRES EN FONCTION DE LA DATE ET DU TYPE DE L'INVESTISSEMENT

Date de l'investissement

Investissement dans le logement ordinaire

Investissement dans le logement intermédiaire

1992

25 % - 5 ans

45 % - 9 ans

1993 (du 1/01 au 30/06)

25 % - 5 ans

40 % - 9 ans

1993 (du 1/07 au 31/12)

45 % - 5 ans

1994

40 % - 5 ans

1995

35 % - 5 ans

1996 (du 1/01 au 30/06)

30 % - 5 ans

1996 (du 1/07 au 31/12)

30 % - 5 ans

50 % - 6 ans

1997

25 % - 5 ans

50 % - 6 ans

1998

25 % - 5 ans

45 % - 6 ans

1999

25 % - 5 ans

40 % - 6 ans

2000

25 % - 5 ans

35 % - 6 ans

2001

25 % - 5 ans

30 % - 6 ans

Source : Instruction du 7 février 1997, 5 B-6-97, BOI n° 38 du 24 février 1997.

Hormis deux changements de références par coordination, la loi de finances pour 1998 a seulement étendu le champ de l'agrément pour les projets d'investissement présentés dans le cadre de l'article 199 undecies : précédemment, les investissements des particuliers ouvrant droit à réduction d'impôt n'étaient pas soumis à agrément lorsqu'il s'agissait d'investissements directs. Dans le cas très particulier des souscriptions au capital des sociétés en difficulté au sens de l'article 44 septies du code général des impôts, le régime applicable était celui prévu par l'article 238 bis HA pour ces sociétés (agrément au-delà du seuil de 1 million de francs). Il en était de même en cas de souscription au capital d'autres sociétés (autorisation préalable au-dessus du seuil de 30 millions de francs).

La loi de finances pour 1998 a donc, par symétrie avec ce qui est prévu en cas de souscription au capital de ces dernières sociétés, soumis à agrément la construction d'un ou plusieurs immeubles ayant fait l'objet d'un seul permis de construire et dont le prix de revient est supérieur à 30 millions de francs et l'acquisition de logements situés dans de tels immeubles.

Au total, la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies du code général des impôts est nettement moins avantageuse que la déduction du revenu imposable : elle offre un avantage en diminution d'impôt de 25% à 50% de la valeur de l'investissement au lieu de plus de 50% pour les contribuables imposés fortement à l'impôt sur le revenu. De surcroît, l'imputation est étalée sur cinq ans, alors qu'elle s'effectue sur l'année de l'investissement en cas de déduction.

Le mécanisme de l'article 199 undecies a donc trouvé peu de points d'application en dehors du secteur du logement, pour lequel la déduction du revenu n'est possible que pour les contribuables soumis à l'impôt sur les sociétés, dans le cadre de l'ancien article 238 bis HA et de l'actuel article 217 undecies.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent rapport d'information dans sa réunion du 9 juillet 1998.

Après l'exposé de votre Rapporteur général, plusieurs orateurs sont intervenus.

M. Philippe Auberger a exprimé son profond désaccord avec l'analyse développée par votre Rapporteur général, ainsi qu'avec les conclusions de son rapport, qu'il a jugé décevantes.

Il a considéré, en premier lieu, que la question centrale aurait dû être d'évaluer les effets économiques de la " loi Pons " et notamment son impact sur l'emploi. Il a constaté que, malheureusement, ce sujet n'était traité que de façon incidente dans le rapport présenté à la Commission des finances. Il a indiqué avoir observé qu'en Nouvelle-Calédonie, certains investissements n'ont été développés qu'à partir du moment où la " loi Pons " a été appliquée dans ce territoire, ce qui démontre a contrario son efficacité.

Il s'est par ailleurs interrogé sur les raisons pour lesquelles l'administration fiscale n'a jamais accepté la " loi Pons ", dont la mise en oeuvre a exigé une volonté politique forte. Il a considéré qu'il aurait été intéressant de se demander pourquoi la direction générale des impôts est hostile à ce mécanisme.

Il a ensuite exprimé son hostilité à l'idée de remplacer une partie des aides fiscales par des subventions. Il a jugé cette orientation rétrograde, considérant qu'il était préférable d'utiliser les mécanismes du marché et l'instrument fiscal pour le développement des investissements dans les DOM-TOM, même si, par nature, ces aides concernent davantage les plus hauts contribuables et nuisent à la progressivité de l'impôt sur le revenu.

S'agissant de la tunnelisation, il a admis que le cumul de la déductibilité des investissements et des déficits pouvait sembler excessif, mais il a observé que la rentabilité des investissements outre-mer était toujours aléatoire ou à long terme et que la prise en charge des déficits originels était indispensable pour la réalisation des investissements. Il a estimé que la tunnelisation allait sans aucun doute se traduire par une contraction des projets, notamment dans l'hôtellerie, ainsi que dans les transports aériens en Polynésie. Il a observé que cette mesure n'était pas indispensable à la moralisation de la " loi Pons ", que la précédente majorité avait déjà engagée en mettant en place, en 1996, une procédure d'agrément qui est sans doute trop récente pour que l'on puisse juger de son efficacité.

Il a admis que les coûts d'intermédiation des investissements en outre-mer étaient élevés, mais il a remarqué que votre Rapporteur général ne prenait pas suffisamment en compte la particularité des projets dans les DOM-TOM. Il a rappelé que ces investissements n'étaient pas financés par l'épargne ordinaire et qu'ils impliquaient donc des frais d'approche spécifiques.

M. Philippe Auberger a finalement considéré que l'instabilité de la loi fiscale avait eu des effets très négatifs sur les investissements dans les DOM-TOM et qu'il était préférable de cesser de modifier chaque année un dispositif qui peut certainement être amélioré, mais qui a prouvé son efficacité.

M. Gilbert Gantier a déclaré, de façon liminaire, qu'un grand nombre d'observations du rapport correspondaient effectivement à des situations rencontrées lors du déplacement de la mission aux Antilles et en Guyane. Il a ajouté qu'il était difficile de souhaiter le développement des investissements dans les DOM-TOM sans admettre quelques dérogations à la règle de la progressivité de l'impôt sur le revenu.

S'agissant des modalités du soutien aux investissements, il a lui aussi critiqué l'idée de remplacer certaines aides fiscales par des subventions attribuées par des administrations, qui ne font pas forcément les meilleurs choix économiques. Il a observé que, par définition, les personnes qui choisissent d'investir dans les DOM-TOM sont des contribuables aisés. Il a également considéré que, s'il était toujours possible d'améliorer le mécanisme de la " loi Pons ", par exemple en renforçant le suivi des dossiers, il était essentiel de garantir la stabilité d'un dispositif qui a déjà fait l'objet de trop nombreuses modifications. Il a jugé à cet égard que la tunnelisation avait porté atteinte à son efficacité, soulignant que la rentabilité des investissements dans les DOM-TOM est effectivement souvent à échéance lointaine.

Votre Rapporteur général, estimant excessifs certains propos tenus par M. Philippe Auberger, a tenu à dissiper plusieurs malentendus. Il a rappelé, en premier lieu, qu'il ne remettait pas en cause le régime de défiscalisation simple et, en second lieu, qu'il considérait inopportun de revenir sur la tunnelisation, puisque d'autres mécanismes que la fiscalité, tels les fonds de garantie ou l'intervention de sociétés de développement, peuvent se révéler adaptés à certains secteurs spécifiques où la tunnelisation a pu susciter des difficultés.

Répondant à M. Gilbert Gantier, il a précisé que les activités industrielles ne sont pas affectées par la tunnelisation, comme l'ont démontré les visites effectuées lors des missions dans les départements d'outre-mer.

Il a rappelé qu'il était favorable à la stabilité législative pour mettre fin aux effets anti-économiques des changements annuels de la législation. Il a fait valoir l'intérêt de l'ouverture qu'il propose au titre de l'impôt sur les sociétés. Il a enfin indiqué que le rapport ne pouvait prétendre estimer les effets économiques de la " loi Pons ", dans la mesure où cette estimation est très difficile à réaliser, compte tenu de la modestie de la part des aides liées à la défiscalisation dans l'ensemble des aides accordées à l'outre-mer.

M. Gilbert Gantier a souhaité pouvoir annexer quelques observations au rapport de votre Rapporteur général.

Votre Rapporteur général a accepté cette demande.

Usant de la faculté que lui donne l'article 38, alinéa premier, du Règlement, M. Camille Darsières a tout d'abord tenu à indiquer que les élus d'outre-mer avaient particulièrement apprécié les conditions dans lesquelles avaient eu lieu les déplacements des membres de la mission de la Commission des finances dans plusieurs départements d'outre-mer. Il a constaté que l'esprit du rapport se différenciait de celui qui avait prévalu lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1998, qui visait à supprimer le mécanisme de la " loi Pons ". Il a noté que, désormais, la nécessité d'un statut fiscal particulier, certes maîtrisé, en faveur de l'outre-mer était reconnue, compte tenu des difficultés économiques rencontrées par ces territoires, dont il a indiqué qu'ils comptaient deux fois plus de chômeurs chez les jeunes diplômés qu'en métropole.

Concernant la première proposition du rapport, visant à substituer une structure souple de financement au mécanisme permettant la déduction de l'investissement de leurs revenus imposables pour les personnes physiques, il a exprimé sa crainte que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ne profite de cette occasion pour mettre en place un dispositif ne répondant pas au souhait de votre Rapporteur général, ni aux besoins de l'outre-mer. Il a, cependant, indiqué que les autres propositions étaient très intéressantes, notamment celle tendant à prolonger l'application du dispositif au-delà de 2001, qui devrait donner aux investisseurs une plus grande visibilité. S'agissant de la proposition tendant à renforcer le contrôle administratif sur les investissements défiscalisés, il a proposé la création de cellules locales comprenant des élus et des fonctionnaires, ayant pour mission de donner un avis, avant la délivrance de l'agrément, sur la pertinence économique et sociale de l'investissement.

Il a enfin remarqué que nombre d'investissements susceptibles de bénéficier d'une défiscalisation n'avaient pas pu être réalisés jusqu'à présent, car plusieurs entrepreneurs locaux n'avaient ni les moyens, ni les compétences pour s'intégrer au système. Il a ainsi regretté que la Martinique ne puisse mieux subvenir à ses besoins, pour les agrumes ou les produits de la pêche, par exemple.

M. Jean Tardito s'est déclaré satisfait que la Commission continue à aborder les problèmes de l'outre-mer en tenant compte de ses difficultés particulières. Il a néanmoins observé que l'encouragement de l'investissement ne devait pas conduire à réduire la progressivité, déjà insuffisante, de l'impôt sur le revenu.

Usant de la faculté que lui donne l'article 38, alinéa premier, du Règlement, M. Gérard Grignon a estimé dangereux de maintenir la suppression de la remontée des déficits pour les investissements à long terme, tels que les investissements hôteliers. Il a réaffirmé la nécessité de la stabilité législative et a insisté sur le rôle majeur des personnes physiques dans les investissements outre-mer. Il a notamment précisé que, compte tenu des conventions fiscales conclues avec les TOM, des mesures défavorables aux personnes physiques pénaliseraient les départements d'outre-mer par rapport aux territoires d'outre-mer. Après avoir souligné l'intérêt de la proposition de votre Rapporteur général tendant à prolonger le dispositif au-delà de 2001, il a regretté que le rapport n'insiste pas suffisamment sur les créations d'emplois, tant outre-mer qu'en métropole, résultant des opérations défiscalisées. Il a ainsi cité l'exemple d'un chantier naval de Saint-Malo qui a pu, grâce à la commande d'un navire de croisière destiné à Saint-Pierre-et-Miquelon, maintenir son activité pendant un an et demi et obtenir de nouvelles commandes.

M. Michel Buillard, usant de la même faculté, a constaté que l'outre-mer servait la grandeur de la France, comme venait de le prouver le rôle éminent joué par ses ressortissants dans la qualification de l'équipe de France de football pour la finale de la Coupe du monde. Il a ensuite noté une tonalité du rapport plus favorable que les opinions exprimées lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1998. Il a également rappelé que, grâce à la " loi Pons ", la Polynésie avait créé 3.600 emplois depuis 1996, dans un contexte marqué par la réduction des transferts financiers liés au site d'expérimentation nucléaire.

Approuvant pleinement ces propos, votre Rapporteur général a déclaré que la France ne serait pas la France sans l'outre-mer. Il a estimé, en conséquence, qu'il convenait de se doter des moyens de développer les régions d'outre-mer, dont les spécificités légitiment un régime dérogatoire, composante d'une politique d'aménagement du territoire efficace. Il a jugé que l'expression de " défiscalisation maîtrisée ", employée par M. Camille Darsières, s'appliquait fort justement aux mesures adoptées dans la loi de finances initiale pour 1998 ainsi qu'aux propositions présentées dans le rapport soumis à l'examen de la Commission des finances. Il a insisté sur la nécessité de mieux associer les élus locaux aux projets d'investissements, afin que leurs priorités puissent s'exprimer, sans pour autant retarder le calendrier de la procédure d'agrément. Réaffirmant que revenir sur la tunnelisation ne serait pas une bonne solution, il a souhaité que l'adaptation nécessaire, pour chaque département ou territoire, de l'aide fiscale à l'investissement outre-mer se fasse par le biais de dispositifs d'accompagnement du régime de la défiscalisation simple.

Votre Rapporteur général a tenu à souligner l'accueil très positif qui a été réservé à la mission d'information de la Commission des finances. Il s'est dit favorablement impressionné par l'esprit positif manifesté par de nombreux entrepreneurs et investisseurs rencontrés sur place, et a fait état de plusieurs projets économiques réussis grâce au régime fiscal dérogatoire instauré par la " loi Pons ". Il a enfin souligné la nécessité de donner plus de stabilité au dispositif de défiscalisation des investissements outre-mer, de trop nombreuses modifications ayant pu nuire, dans le passé, aux objectifs mêmes de ce dispositif.

La Commission a ensuite autorisé la publication du rapport d'information.

OBSERVATIONS de MM. Arthur DEHAINE et Gilbert GANTIER

Membres de la mission de la Commission des finances sur les incitations fiscales à l'investissement outre-mer, MM. Arthur Dehaine et Gilbert Gantier, après avoir pris connaissance du rapport d'information de M. Didier Migaud, Rapporteur général, constatent que ce document effectue une analyse largement exhaustive des problèmes posés par l'application de la loi Pons.

Ils estiment néanmoins qu'il ne met pas suffisamment l'accent sur les conséquences importantes que l'application de cette loi a eues sur l'investissement outre-mer, et par conséquent sur l'emploi tant outre-mer qu'en métropole.

Ils regrettent que la pérennisation de la loi Pons - notamment pour les particuliers - soit considérée par ce rapport comme une avancée discutable (voir les observations du Rapporteur général au dernier alinéa de la page 150) alors que, selon eux, ce mécanisme est en mesure d'apporter aux DOM-TOM un développement économique durable et adapté à leurs spécificités.

Contrairement aux conclusions du Rapporteur général, qui approuve les dispositions de la loi de finances pour 1998 interdisant la déductibilité des déficits générés par ces investissements (tunnelisation), MM. Arthur Dehaine et Gilbert Gantier estiment que, pour certains secteurs lourds, comme l'hôtellerie par exemple, seule la double déductibilité des investissements mais aussi des déficits générés, est susceptible d'apporter une rentabilité suffisante pour justifier l'investissement.

Tout en reconnaissant que certains abus ont pu exister, ils pensent que la procédure de l'agrément doit permettre à l'administration fiscale d'exercer une surveillance suffisante, susceptible d'ailleurs d'être poursuivie lors de l'application.

MM. Arthur Dehaine et Gilbert Gantier expriment au contraire leur accord sur la suggestion d'étendre la déductibilité des investissements réalisés dans le cadre de l'impôt sur les sociétés.

Ils considèrent également avec faveur la suggestion du Rapporteur général de prolonger l'application de la loi Pons jusqu'en 2005, et soulignent qu'en effet, l'instabilité législative freine les projets d'investissement et nuit au contrôle de l'administration.

_____________

N° 1060.- Rapport d'information de M. Didier Migaud, Rapporteur général, déposé en application de l'article 145 du Règlement par la commission des finances, sur les incitations fiscales à l'investissement outre-mer.

1 ) Selon le rapport sur l'agrément, précité.

2 ) Le taux est légèrement plus élevé si on prend en compte les dossiers " mixtes " impôt sur le revenu - impôt sur les sociétés et les dossiers de souscription au capital, voir infra.

3 ) auxquels s'ajoutent une fraction des 2 dossiers " mixtes " IR/IS recensés en 1996 pour 13,15 millions de francs.

4 ) Selon la formule heureuse de notre collègue Madame Taubira-Delannon.

5 ) Page 73.

6 ) L'agrément n'était donc pas applicable aux investissements indirects réalisés sous la forme de souscription au capital.

7 ) Ainsi (Cf. deuxième partie du présent chapitre), dès 1992, pour les projets agréés ou autorisés, les déductions imputables par les contribuables soumis à l'impôt sur les sociétés ne représentent que 15% du total, 16% en 1993, 8% en 1994,19,5% en 1995, et... 1,5 % en 1996 !

8 ) Exemple de l'usine charbon-bagasse du Moule, en Guadeloupe, dont le chantier a été visité par la mission d'information de la Commission des finances.

9 ) 11% au total et seulement 2% pour la métropole.

10 ) Pour un couple marié sans enfant (2 parts), le taux moyen est situé entre 50% et 51% lorsque le revenu imposable est compris entre 4.097.550 francs et 6.146.240 francs ; il est situé entre 51% et 52% lorsque ce revenu est compris entre 6.146.250 francs et 12.292.190 francs. Voir le rapport général (n° 305) sur le projet de loi de finances pour 1998, tome II, page 15.

11 ) Le rôle de l'agrément n'est pas d'engager la position de l'administration sur la qualification de toutes les opérations liées à l'investissement, mais seulement sur l'éligibilité du dossier présenté à la " loi Pons ".

12 ) Il existe une autre simulation, non reproduite ici, avec un coefficient de remplissage à 34%, donc d'une moindre rentabilité.

13 ) Dans l'hypothèse où l'avantage fiscal constaté la deuxième année (flux de trésorerie positif de 339.670 francs) est maintenu au moins partiellement dans la société d'investissement, à cet effet.

14 ) Le rendement devrait donc être de 8,3% à 12,5% à terme.

15 ) Dans le montage pris en exemple, le taux d'actualisation retenu s'élève à 6% ; c'est celui qui a servi aux calculs de rentabilité pour l'intermédiaire qui a mis sur pied le dossier. Dans les montages suivants, les taux retenus, de 5,5% ou 7,5%, sont différents. Il s'agit également des taux d'actualisation présentés par les investisseurs, et votre Rapporteur général n'a pas souhaité présenter des calculs de rentabilité sur la base d'un taux identique pour les différents montages, même si ce travail est très simple à réaliser.

En effet, les caractéristiques des investissements sont différentes et le taux du crédit inégal selon :

- la personne de l'emprunteur et ses références auprès des établissements financiers ;

- la situation de l'établissement prêteur, le coût du crédit étant plus élevé outre-mer qu'en métropole.

Quel que soit le taux d'actualisation retenu, l'analyse de rentabilité financière n'a pas lieu d'être modifiée, même si l'effet de levier en trésorerie est d'autant plus fort que les taux sont élevés.

Selon un cabinet de montage parisien spécialisé dans les opérations de défiscalisation outre-mer et les groupements d'intérêt économique (G.I.E.) fiscaux, le taux d'actualisation utilisé actuellement pour les calculs de rentabilité serait de l'ordre de 4%.

16 ) Précédemment évoqué au chapitre premier, II B 3 du présent rapport.

17 ) Article 1756 du code général des impôts, premier alinéa : " Lorsque les engagements souscrits en vue d'obtenir un agrément administratif ne sont pas exécutés ou lorsque les conditions auxquelles l'octroi de ce dernier a été subordonné ne sont pas remplies, cette inexécution entraîne le retrait de l'agrément et les personnes physiques ou morales à qui des avantages fiscaux ont été accordés, du fait de l'agrément, sont déchues du bénéfice desdits avantages. Les impôts dont elles ont été dispensées deviennent immédiatement exigibles, nonobstant toutes dispositions contraires, sans préjudice de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 et compté de la date à laquelle ils auraient dû être acquittés ".

18 ) Rapport d'enquête de l'inspection des finances sur le financement des entreprises dans les départements d'outre-mer, mai 1996.

19 ) Rapport de synthèse déjà cité sur le financement des entreprises dans les départements d'outre-mer.

20 ) Rapports de 1996 sur le financement des entreprises dans les départements d'outre-mer, IGF n° 96 M 014-02 et n° 96 M 014-04.

21 ) Voir ses deux décisions à titre préjudiciel du 19 février 1998 (affaire C-212/96) et du 30 avril 1998 (affaires C-37/96 et C-38/96).

22 ) François Blaizot et Michel Dreyfus-Schmidt : " Saint-Barthélémy et Saint-Martin : Deux îles françaises dans la Caraïbe " ; 1996-1997, n° 339.

23 ) Rapport n° 96 MO 14-02 de Mme Heilbronner-Lahoud, annexe II-5.

24 ) On rappellera que le coût global de la " loi Pons " en 1996, tel qu'estimé par le fascicule des voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 1997 était de 1.750 millions de francs, mais que ce coût a été réévalué à 2.160 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 1998.

25 ) Les noms des personnes et des sociétés ne sont pas mentionnés.

26 ) A l'époque.

27 ) Ainsi, la Guyane est considérée par nombre de ses habitants rencontrés sur place comme une île : les difficultés de communication avec le Brésil comme le Surinam donnent à son territoire un caractère insulaire.

28 ) A une exception près depuis sa création, une unité de production d'hydrogène liquide, en 1990, par Air Liquide.

29 ) Cette exception est prévue par le dernier alinéa du III de l'article 217 undecies du code général des impôts.

30 ) Rapport IGF n° 96 MO 14-04 de M. Hervé Gastinel sur le financement des entreprises dans les départements d'outre-mer.

31 ) La TVA n'est pas perçue en Guyane.

32 ) En pratique, sauf dans le cas d'exploitation directe du bien, les montages reposant sur le financement par des contribuables passibles de l'impôt sur les sociétés sont exclusivement locatifs. Il n'y a pas d'exemple de mandat de gestion.