N° 1062

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 juillet 1998.

RAPPORT D'INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA MISSION D'INFORMATION COMMUNE SUR LA PRÉVENTION
ET LA LUTTE CONTRE LES EXCLUSIONS(1)

sur

la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions

et présenté

par MM. Jean Le Garrec, Alain Cacheux et Mme Véronique Neiertz,

Députés.

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(1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

Politique sociale.

La mission d'information commune sur la prévention et la lutte contre lex exclusions chargée d'examiner le projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions est composée de : M. George Hage, président, M. Patrick Devedjian et Mme Hélène Mignon, vice-présidents, MM. Pierre Cardo et Jean-Michel Marchand, secrétaires ; Mme Roselyne Bachelot-Narquin, M. Dominique Baert, M. Gérard Bapt, M. Jacques Barrot, Mme Yvette Benayoun-Nakache, M. Jean-Pierre Brard, M. Yves Bur, M. Alain Cacheux, M. Laurent Cathala, M. Henry Chabert, M. Alain Cousin, Mme Martine David, M. Philippe Decaudin, M. Jean-Pierre Delalande, M. Jean Delobel, M. Laurent Dominati, M. Philippe Duron, Mme Nicole Feidt, M. Alain Ferry, M. Yves Fromion, M. Robert Galley, M. Jean de Gaulle, M. Hervé Gaymard, M. Germain Gengenwin, Mme Catherine Génisson, M. Gaëtan Gorce, M. François Goulard, Mme Odette Grzegrzulka, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M. Pierre Hellier, Mme Muguette Jacquaint, M. Denis Jacquat, Mme Janine Jambu, M. Pierre Lasbordes, M. Jean Le Garrec, Mme Raymonde Le Texier, M. René Mangin, M. Daniel Marcovitch, M. Thierry Mariani, Mme Gilberte Marin-Moskovitz, M. Pierre Méhaignerie, MmeVéronique Neiertz, M. Jean Pontier, M. Jean-Luc Préel, M. Alfred Recours, M. André Schneider, M. François Vannson, M. Michel Vergnier, M. Alain Veyret, M. Alain Vidalies.

PRÉFACE 7

M. Georges Hage

PREMIÈRE PARTIE : MESURES RELATIVES À L'EMPLOI, LA SANTÉ, LA CITOYENNETÉ, LES MOYENS D'EXISTENCE, L'ÉDUCATION ET LA CULTURE 11

COMBATTRE L'EXCLUSION SUR TOUS LES FRONTS 11

M. Jean Le Garrec

I.- MESURES POUR L'EMPLOI 15

1. Trajet d'accès à l'emploi pour les jeunes (TRACE) 15

2. Ouverture à de nouveaux bénéficiaires du stage collectif d'insertion et de formation à l'emploi (SIFE collectif) 16

3. Ouverture du contrat de qualification aux demandeurs d'emploi de plus de vingt-six ans 16

4. Accès à des actions de lutte contre l'illettrisme dans le cadre de la formation professionnelle 17

5. Recentrage du contrat emploi-solidarité (CES) sur l'objectif d'insertion professionnelle 17

6. Ouverture plus large du contrat emploi consolidé (CEC) 18

7. Renforcement de l'insertion par l'activité économique 20

8. Cumul de certains minima sociaux avec des revenus d'activité 23

9. Possibilité pour les demandeurs d'emploi indemnisés d'exercer une activité bénévole 24

10. Renforcement des aides à la création d'entreprise par les bénéficiaires de minima sociaux et les salariés qui reprennent leur entreprise en difficulté 25

II.- MESURES POUR L'ACCÈS AUX SOINS ET L'HÉBERGEMENT D'URGENCE DES PERSONNES LES PLUS DÉMUNIES 27

1. Mise en place de permanences d'accès aux soins de santé (PASS) dans les hôpitaux 27

2. Création dans chaque département d'un dispositif de veille sociale 28

III.- MESURES POUR PERMETTRE À TOUS L'EXERCICE DE LA CITOYENNETÉ 29

1. Inscription des personnes sans domicile fixe sur les listes électorales 29

2. Accès à l'aide juridictionnelle pour les personnes sans domicile fixe 30

3. Représentation des demandeurs d'emploi dans les organismes chargés de leur placement et de leur formation 31

4. Assouplissement des conditions d'adhésion des demandeurs d'emploi aux organisations syndicales et accès à la formation syndicale 32

IV.- MESURES POUR GARANTIR LES MOYENS D'EXISTENCE DES PLUS DÉMUNIS 33

1. Interdiction de la saisie des revenus assurant un niveau de vie minimal 33

2. Indexation sur les prix de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) et de l'allocation d'insertion (AI) 34

3. Droit à une fourniture minimale d'énergie, d'eau et de téléphone 34

4. Droit au compte bancaire 35

5. Chèques d'accompagnement personnalisé 36

V.- MESURES POUR L'ACCÈS DE TOUS À L'ÉDUCATION ET À LA CULTURE 39

1. Rétablissement des bourses des collèges 39

2. Aide aux familles défavorisées pour les activités périscolaires 40

3. Modulation des tarifs des services publics locaux 41

DEUXIÈME PARTIE : MESURES RELATIVES AU LOGEMENT 43

RENFORCER LE DROIT AU LOGEMENT, FAVORISER LA MIXITÉ SOCIALE ET GÉOGRAPHIQUE DANS L'HABITAT 43

M. Alain Cacheux

I.- MESURES POUR L'ACCÈS AU LOGEMENT DES PERSONNES DÉFAVORISÉES 47

1. Harmonisation des règles régissant les fonds de solidarité pour le logement (FSL) 47

2. Renforcement de la mixité géographique et sociale des logements locatifs sociaux 49

3. Mobilisation d'une offre locative adaptée aux besoins des personnes défavorisées 50

4. Instauration d'une taxe sur les logements vacants 52

5. Création d'une nouvelle procédure de réquisition de locaux vacants 53

6. Réforme des attributions des logements locatifs sociaux 56

II.- MESURES DE PRÉVENTION DE L'EXCLUSION PAR LE MAINTIEN DANS LE LOGEMENT 59

1. Prévention des expulsions 59

2. Mesures d'urgence contre le saturnisme 63

3. Renforcement de la protection des occupants de logements meublés 65

TROISIÈME PARTIE : MESURES RELATIVES AU TRAITEMENT DES SITUATIONS DE SURENDETTEMENT 67

NOUVEAU TYPE DE SURENDETTEMENT, NOUVELLE APPROCHE 67

Mme Véronique Neiertz

I.- MESURES POUR LES MÉNAGES DURABLEMENT INSOLVABLES (SURENDETTEMENT PASSIF) 71

1. Suspension des poursuites en cours de procédure 71

2. Possibilité de mettre en place un moratoire suivi d'un effacement des dettes 71

II.- MESURES APPLICABLES À L'ENSEMBLE DES PERSONNES SURENDETTÉES 73

1. Définition d'un reste à vivre 73

2. Renforcement des droits du débiteur devant la commission de surendettement 74

3. Établissement des créances sur une base plus claire et dans de meilleurs délais 74

4. Élargissement de la possibilité de rééchelonner les dettes et plafonnement du taux d'intérêt 74

5. Inscription au fichier des incidents de paiement des dossiers de surendettement 75

6. Protection des personnes qui se portent caution 76

7. Suppression de procédures dérogatoires de saisie immobilière 76

8. Accès au compte bancaire 76

PRÉFACE

Le législateur républicain s'indigne-t-il, comme il le faudrait, devant l'inégalité sociale et la misère ?

A Paris, un soir d'hiver de la fin du siècle dernier, Jean Jaurès éprouva une sorte " d'épouvante sociale " devant la solitude d'une foule de gens privés de communication authentique, foule innombrable de fantômes solitaires dénués de tous liens.

Voici que de nos jours, l'exclusion hante la conscience nationale. Un sondage, des plus fiables, souligne cette inquiétude : 57 % des personnes interrogées redoutent l'exclusion pour elles-mêmes, et, en même temps, elles expriment une confiance croissante aux associations pour lutter contre l'exclusion - ce qui n'est point sans inviter l'administration, dont la capacité à travailler en partenariat et à s'adapter aux cas particuliers n'est pas toujours le point fort, à réviser sa culture -, cependant que, pour 80 % des sondés, il n'est de solution à l`exclusion que dans un changement de politique économique.

Transcendant les clivages politiques et socioculturels, l'exigence d'une loi a grandi au fil des années, suscitée par l'aggravation de la crise, stimulée par le soutien du mouvement associatif à l'action des chômeurs contre l'exclusion. Action dévouée en sa profondeur à conjurer le sentiment de n'être rien dans un monde indifférent, et plus encore, l'impression d'être manipulé par des pouvoirs discrétionnaires lointains et abstraits.

La réalité des exclusions c'est, à travers une très grande diversité, une polarisation sociale qui s'accroît. Abondance à un pôle, misère à l'autre, par l'effet d'une loi qui établit une corrélation fatale entre l'accumulation du capital et l'accumulation de la misère, de telle sorte qu'accumulation de richesse à un pôle égale accumulation de pauvreté, de souffrance, d'ignorance, d'abrutissement, de dégradation morale, d'esclavage, au pôle opposé, du côté de la classe qui produit le capital même.

On reconnaîtra un passage célèbre du " Capital " de Karl Marx.

Plus le capitalisme change, plus il reste égal à lui-même. Plus les chefs d'entreprise crient au trop d'Etat, plus ils en reçoivent sous forme d'allégement d'impôts ou de charges sociales, l'Etat devenant ensuite la grande ambulance des exclus que les stratégies financières fabriquent à coup de plans de licenciement. D'où la vertu radicale et libératoire d'un moratoire, car au commencement est l'emploi.

Aujourd'hui, le premier des fatalismes, c'est accepter que le capital financier structure le marché mondial jusqu'à ce qu'on a appelé " l'horreur économique ".

*

* *

La loi d'orientation relative à la lutte contre l'exclusion de juillet 1998 est le fruit d'une histoire déjà longue. Il y a un an, la dissolution a interrompu l'examen d'un projet déposé par l'opposition d'aujourd'hui.

Je ne retracerai ici, et très brièvement que le dernier épisode - parlementaire - de cette histoire auquel j'ai eu l'honneur de participer en qualité de président de la mission d'information sur la lutte contre les exclusions, puis de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi. Déposé le 25 mars 1998 et comprenant 82 articles, ce texte a été adopté définitivement par l'Assemblée nationale le 9 juillet dernier, à l'issue de cinq lectures dans les deux assemblées qui ont vu l'examen de près de 2000 amendements. Seuls ceux qui persistent à voir le Parlement comme une simple chambre d'enregistrement s'étonneront que le nombre d'articles de la loi votée, 159, ait presque doublé par rapport au texte initial.

La commission spéciale a entendu des représentants du mouvement associatif. Ils font vivre au quotidien ce devoir d'indignation qui engage nos concitoyens à prévenir et combattre les effets de l'exclusion. Dans ce monde où le système économique fonctionne pour isoler et opposer entre elles les victimes de la crise, où tout se délite et fout le camp, cette solidarité contribue à maintenir les simples contacts humains dont j'ai souligné plus haut la nécessité. Elle donne une âme à notre identité nationale.

Elle installe un devoir citoyen d'animation et de vigilance car, si on ne savait pas raison garder, on ressusciterait demain les prisons pour enfants et la responsabilité collective.

Les personnes en difficulté, il ne saurait être question de leur donner un statut d'assisté, de réduire la solidarité à une simple allocation financière, de créer une sorte de charité d'Etat relayant historiquement la philanthropie religieuse. Il faut leur donner les moyens de vivre libres. Et la liberté ne fait qu'une avec les conditions concrètes, quotidiennes, de son existence. On n'est pas libre si l'on dort dans la rue ou si l'on ne sait pas lire, et aussi, comme la relativité des critères renvoie à l'homme d'aujourd'hui et non à celui d'il y a cent ans, si l'on n'a pas accès à la culture et aux vacances.

On aurait pu choisir de faire une loi sur la cohésion sociale, et non pas seulement de lutte contre les exclusions, afin de s'attaquer aux problèmes le plus en amont possible, d'un côté en privant de son énergie la machine à exclure et à précariser et, de l'autre, en assurant jusqu'au bout ces droits essentiels qui irriguent l'égalité. Aujourd'hui le problème de la cohésion sociale s'exprime en termes d'urgence.

La loi contre les exclusions rappelle en substance que la première mission de l'Etat est de faire vivre l'accès au droit partout et pour tous, dans l'éducation, la formation, le travail, le logement, la santé, un accès que seuls les services publics nationaux peuvent assurer de manière cohérente.

En quelques mots, avant de conclure, je rappellerai quelques vérités premières. Pour garantir le droit au travail, il faut s'attaquer au droit de licencier. Pour garantir le droit au logement, il faut supprimer le droit à l'expulsion. Il y a des violences qu'on ne peut pas humaniser. Pour casser la spirale du surendettement, il faut contrôler les sociétés de crédit.

*

* *

Il appartient maintenant à chacun des acteurs de la lutte contre les exclusions de s'emparer des nouveaux outils façonnés par le législateur pour leur donner une pleine efficacité. Il revient à ce dernier de veiller à ce que le Gouvernement qui a voulu cette loi la complète par tous les textes d'application sans lesquels elle resterait lettre morte.

Mettre en _uvre ces outils est également la mission des collectivités territoriales dont la nouvelle loi reconnaît la place de premier rang dans la prise en charge des plus défavorisés.

Est-il besoin de dire que les associations, auxquelles les Français, plus qu'à quiconque, font confiance dans l'action de solidarité, sont appelées à voir leur rôle renforcé, en particulier pour la mise en _uvre du droit au logement ?

La lecture de l'article premier qui énumère tous ceux qui concourent à la lutte contre les exclusions n'omet pas de mentionner, à côté des acteurs économiques et sociaux, " les citoyens ".

C'est à eux que le présent rapport s'adresse. Il n'a pas en effet l'ambition de donner un commentaire détaillé de l'ensemble de la loi1. Plus modestement il s'attache à décrire de manière simple et pratique les dispositifs de la loi destinés à améliorer les conditions de vie des personnes en situation d'exclusion, afin que ces dispositifs soient mieux connus et compris.

Georges HAGE

président de la mission d'information commune

sur la prévention et la lutte contre les exclusions et de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi

PREMIÈRE PARTIE : MESURES RELATIVES À L'EMPLOI, LA SANTÉ, LA CITOYENNETÉ, LES MOYENS D'EXISTENCE, L'ÉDUCATION ET LA CULTURE

COMBATTRE L'EXCLUSION SUR TOUS LES FRONTS

Lors du débat qui a duré plusieurs semaines, nous avons salué l'importance du travail réalisé par les associations mais, aujourd'hui, il est indispensable de faire de la lutte contre l'exclusion une priorité gouvernementale. L'exclusion n'est plus l'état d'une population sociologiquement individualisée et homogène, elle recouvre des trajectoires complexes, qui aboutissent à des situations singulières et en tout cas hétérogènes. La peur de l'exclusion est largement répandue, les sondages le confirment. Tragique paradoxe de nos économies qui peuvent produire des richesses considérables, mais qui demeurent incapables d'investir l'avenir technologique sans une aggravation des inégalités. Tragique paradoxe d'une société où le fossé s'agrandirait inexorablement entre ceux qui détiennent le savoir et donc le pouvoir, qui possèdent l'assurance d'un avenir maîtrisable et le nombre important de ceux qui restent sur le bord du chemin. Tragique paradoxe qui redonne de la force à l'analyse du " Capital " que le président Georges Hage a raison de rappeler. Pour ma part, je me contente de faire référence à ce livre étonnant de Jack London " Le talon de fer ".

Répondre à cette situation est aujourd'hui une priorité nationale. Mais il ne suffira pas d'une loi, même importante, pour régler l'ensemble des questions souvent complexes. Les outils ne seront efficaces qu'à la condition d'une mobilisation de tous les acteurs citoyens dans " l'élan vital " d'une société qui refuse son implosion.

Dès sa conception, le projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions, présenté par Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, au nom de M. Lionel Jospin, Premier ministre, a eu le souci de donner à ceux qui oeuvrent en ce domaine les moyens de mener une action globale pour appréhender et combattre l'exclusion sur tous ses fronts. Il faut d'ailleurs rappeler que cette loi s'inscrit dans le cadre plus vaste d'un programme d'action de prévention et de lutte contre les exclusions qui doit permettre de dégager, sur trois ans, les moyens humains, techniques et financiers nécessaires pour donner à l'ensemble de ces mesures toute leur efficacité.

L'objectif poursuivi est d'abord de garantir à chacun l'accès aux droits fondamentaux qui sont ceux de chaque citoyen, avec la volonté de tourner le dos à une politique qui serait uniquement centrée sur l'assistance. Il est aussi de conduire une action préventive qui permette d'intervenir le plus en amont possible avant que l'accumulation des problèmes ne rende encore plus difficile une intervention efficace, et ceci dans tous les domaines.

La loi s'ouvre par un chapitre consacré à l'accès à l'emploi. Dans un contexte de reprise de l'activité, elle a pour ambition de renforcer les moyens d'insertion afin que les personnes les plus éloignées du marché du travail ne restent pas les oubliées de l'amélioration durable de la situation économique. En effet, si l'ensemble des mesures mises en _uvre par le Gouvernement, notamment les emplois-jeunes et la réduction du temps de travail, contribueront à accélérer la diminution du chômage, il est nécessaire en parallèle de renforcer et d'amplifier les dispositifs d'accès à l'emploi par la formation ou l'activité. Un point significatif de l'approche retenue concerne la possibilité accrue de cumul entre le bénéfice d'une allocation tendant à assurer un minimum de revenu et une activité professionnelle.

Dans le domaine de la santé, la loi prévoit la création ou la généralisation d'un certain nombre de dispositifs qui ont pour but d'améliorer la capacité du système sanitaire et social à prendre en charge les personnes les plus en difficultés. La grande question est évidemment celle de l'assurance maladie de ceux qui n'ont pas réellement accès aux soins : les réponses seront apportées par le projet de loi sur la couverture maladie universelle.

Dans un but de prévention et de protection, figure dans le projet de loi un certain nombre de mesures visant à apporter des garanties aux familles en termes de niveau de vie minimal : indexation des allocations sur les prix, encadrement renforcé des saisies sur les prestations familiales, garantie du droit à l'ouverture d'un compte de dépôt, garantie du droit à une fourniture minimale d'énergie et d'eau et désormais de téléphone.

La loi comporte également un chapitre relatif à l'égalité des chances par l'éducation et la culture. 53 000 jeunes sortent toujours chaque année du système scolaire sans qualification. Un enfant de cadre a trois fois plus de chances d'obtenir le baccalauréat qu'un enfant d'ouvrier. L'enseignement et son indispensable prolongement, les activités péri-scolaires, sont bien le champ où doit désormais s'appliquer une discrimination positive qui n'est pas encore entrée dans nos moeurs épris d'un égalitarisme républicain souvent de façade.

Il faut souligner que les dispositions qui viennent d'être ainsi brièvement résumées, relatives à l'accès à l'emploi, à l'exercice de la citoyenneté, à l'accès aux soins, aux moyens d'existence, à l'éducation et à la culture, ont été guidées par le souci d'assurer un accompagnement social et personnalisé à tous ceux qui en ont besoin. Cela signifie la reconnaissance d'un droit à l'accueil, à la réalisation d'un bilan et à une orientation pour les demandeurs d'emploi les plus en difficultés, mais aussi plus généralement la possibilité de recevoir un appui dans l'accomplissement de démarches qui sont trop souvent complexes et décourageantes.

Le succès de cet objectif repose évidemment sur une meilleure coordination des intervenants. C'est pourquoi la " mise en réseau " des acteurs sociaux au moyen de conventions locales a été encouragée, en particulier pour l'action sociale d'urgence, et que sera créé, dans chaque département, un comité de coordination des politiques de prévention et de lutte contre les exclusions. C'est pourquoi aussi le rôle des centres communaux d'action sociale qui mènent une action de proximité a été particulièrement reconnu.

Jean LE GARREC

rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions

I.- MESURES POUR L'EMPLOI

La perte de l'emploi ou, pour les jeunes, les obstacles à l'entrée sur le marché du travail sont la cause majeure des situations d'exclusions. La loi privilégie l'activité par rapport à l'assistance. Elle comporte de nombreuses dispositions visant à favoriser l'insertion professionnelle par la formation, l'emploi ou la création d'entreprise.

1. Trajet d'accès à l'emploi pour les jeunes (TRACE)

- Qu'est-ce que TRACE ?

TRACE est un accompagnement personnalisé vers l'emploi qui permet de bénéficier d'une succession d'actions adaptée en fonction des besoins : orientation, remise à niveau des savoirs de base, stages de formation professionnelle, formation en alternance, actions de qualification, emploi à temps partiel ou à temps plein, activités sportives ou culturelles...

La durée de TRACE est au maximum de dix-huit mois ; elle peut toutefois être exceptionnellement prolongée.

- Qui peut bénéficier de TRACE ?

TRACE s'adresse aux jeunes de 16 à 25 ans confrontés à un risque d'exclusion professionnelle. Il est destiné toutefois en priorité aux jeunes sans qualification, d'un niveau inférieur au CAP ou au BEP.

- Comment bénéficier de TRACE ?

TRACE est un dispositif d'Etat mis en _uvre en partenariat avec les régions. Pour en bénéficier il faut s'adresser soit à la mission locale pour l'emploi des jeunes, soit à une permanence d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO), soit à l'agence locale pour l'emploi (ANPE).

- Quel est le statut du jeune en parcours TRACE ?

Pendant son parcours TRACE, le jeune bénéficie de la couverture sociale. En outre, le jeune qui rencontre des difficultés matérielles, notamment en matière de logement, pendant les périodes où il ne perçoit pas de rémunération ou d'indemnités au titre d'un emploi ou d'un stage, peut bénéficier d'aides du fonds départemental d'aide aux jeunes (FAJ).

2. Ouverture à de nouveaux bénéficiaires du stage collectif d'insertion et de formation à l'emploi (SIFE collectif)

Le stage collectif d'insertion et de formation à l'emploi (SIFE collectif) a pour objet de favoriser la réinsertion professionnelle des demandeurs d'emploi connaissant des difficultés d'accès à l'emploi. Il était réservé aux demandeurs d'emploi de longue durée, aux bénéficiaires du RMI sans emploi, aux bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) et aux personnes handicapées.

La loi ouvre le bénéfice du SIFE collectif à deux nouvelles catégories de publics connaissant des difficultés particulières d'accès à l'emploi :

- les parents isolés assurant ou ayant assuré des charges de famille ;

- les détenus ou anciens détenus.

3. Ouverture du contrat de qualification aux demandeurs d'emploi de plus de vingt-six ans

Le contrat de qualification en alternance est un contrat de travail à durée déterminée de six à vingt-quatre mois destiné aux jeunes qui n'ont pu acquérir de qualification au cours de leur scolarité ou dont la qualification ne leur permet pas d'accéder à un emploi. Il prévoit un temps de formation correspondant au minimum au quart de la durée totale du contrat.

Le contrat de qualification ayant fait la preuve de son efficacité pour faciliter l'accès des jeunes à l'emploi, la loi étend, à titre expérimental jusqu'à la fin de l'an 2000, le bénéfice de ce dispositif aux demandeurs d'emploi de plus de vingt-six ans.

La plupart des dispositions relatives au contrat de qualification pour les jeunes sont applicables au contrat de qualification pour les adultes. Toutefois, certains aménagements sont prévus. En premier lieu, les demandeurs d'emploi de plus de vingt-six ans en contrat de qualification seront au minimum rémunérés sur la base du SMIC (non-application des abattements prévus pour les jeunes). En deuxième lieu, un décret doit fixer les conditions de mise en _uvre des contrats de qualification pour les adultes : conditions d'accès au dispositif selon l'ancienneté de chômage, prime à l'embauche majorée et modulée selon l'ancienneté de chômage, prise en charge des frais de formation, etc...

L'extension du contrat de qualification aux demandeurs d'emploi adultes devrait être pérennisée au-delà de l'an 2000 selon des modalités fixées après négociation entre les partenaires sociaux.

4. Accès à des actions de lutte contre l'illettrisme dans le cadre de la formation professionnelle

Il sera désormais possible pour tout salarié de bénéficier d'actions de lutte contre l'illettrisme dans le cadre de la formation professionnelle, en particulier dans l'entreprise en application du plan de formation ou à l'occasion d'un congé individuel de formation.

5. Recentrage du contrat emploi-solidarité (CES) sur l'objectif d'insertion professionnelle

La loi recentre le contrat emploi solidarité (CES) sur l'objectif d'insertion professionnelle et élargit le champ des bénéficiaires.

- Quel est le nouvel objectif du CES ?

Désormais, la loi fixe de manière explicite l'objectif d'insertion professionnelle du CES : " faciliter l'insertion de personnes rencontrant des difficultés d'accès à l'emploi ". Le CES doit être un véritable sas de remobilisation par l'activité destiné à faciliter le retour à l'emploi classique.

- Qui peut désormais bénéficier d'un CES ?

Peuvent bénéficier d'un CES : les demandeurs d'emploi de longue durée ou âgés de plus de cinquante ans, les bénéficiaires du RMI, de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) ou de l'allocation de parent isolé (API), les personnes handicapées, les jeunes connaissant des difficultés particulières d'insertion.

Figurent désormais explicitement dans cette liste les bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) ou de l'allocation de parent isolé (API) ainsi que - ce qui permet de définir au coup par coup d'autres publics prioritaires - les personnes rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi.

- Quelles sont les caractéristiques du contrat ?

Les CES sont des contrats de travail de droit privé à mi-temps, d'une durée déterminée de trois à douze mois, renouvelables, dans certains cas, dans la limite de trente-six mois au maximum, conclus avec les collectivités locales, les autres personnes morales de droit public - à l'exception de l'Etat -, les associations et les personnes morales de droit privé. Une partie du coût des CES est prise en charge par l'Etat dans des conditions fixées par décret.

- Qu'est-ce qui change dans le statut des bénéficiaires de CES ?

Les bénéficiaires de CES perçoivent une rémunération proportionnelle au SMIC. Ils ont la possibilité de suivre une formation complémentaire non rémunérée pendant le mi-temps non travaillé, l'Etat prenant en charge une partie des frais de formation dans le limite d'une durée de 400 heures.

Telles sont les règles actuellement en vigueur que la loi complète sur deux points afin de favoriser l'insertion professionnelle dans l'emploi classique :

- En premier lieu, le volet orientation-formation est développé. Désormais, les bénéficiaires de CES doivent bénéficier d'actions d'orientation professionnelle et, en cas de renouvellement de leur contrat, d'une formation permettant de faciliter leur insertion professionnelle au terme de celui-ci.

- En second lieu, la possibilité de cumul d'activités est précisée. Les bénéficiaires de CES, à l'issue des trois premiers mois de leur contrat, peuvent être autorisés à exercer une activité professionnelle complémentaire, dans la limite d'un mi-temps, pendant un an.

6. Ouverture plus large du contrat emploi consolidé (CEC)

La loi recentre le contrat emploi consolidé (CEC) sur l'objectif d'insertion professionnelle et élargit le champ des bénéficiaires.

- Quel est l'objectif du CEC ?

Les CEC, comme les CES, ont un objectif d'insertion professionnelle. Toutefois, les CEC s'adressant à des personnes rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi, l'objectif d'insertion est plus difficile à réaliser. En conséquence, les caractéristiques du CEC sont plus favorables.

- Qui peut bénéficier du CEC ?

Jusqu'à présent, seules certaines catégories de personnes ayant effectué un CES et ne pouvant accéder à un emploi ou une formation à l'issue de ce contrat pouvaient bénéficier d'un CEC.

La loi facilite l'accès au CEC et étend sensiblement le champ des bénéficiaires. Ceux-ci peuvent désormais être regroupés en deux catégories :

- les personnes pouvant accéder directement au CEC. Il s'agit des personnes, en particulier les jeunes, rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi, des bénéficiaires de minima sociaux (RMI, ASS, API, allocation de veuvage), des demandeurs d'emploi de longue durée ou de plus de cinquante ans et des personnes handicapées ;

- les personnes ne pouvant trouver un emploi ou une formation à l'issue d'un CES (ou son équivalent dans les DOM, le contrat d'insertion par l'activité) ou d'un contrat conclu avec une entreprise d'insertion ou une entreprise de travail temporaire d'insertion.

- Quelles sont les caractéristiques du contrat ?

Les CEC sont des contrats de travail de droit privé d'une durée soit déterminée d'un an renouvelable dans la limite de cinq ans, soit indéterminée. Ils peuvent être conclus avec les collectivités locales, les autres personnes morales de droit public - à l'exception de l'Etat -, les associations et les personnes morales de droit privé. Une partie du coût des CEC est prise en charge par l'Etat dans la limite de cinq ans et de trente heures de travail par semaine dans des conditions fixées par décret. L'aide est modulée en fonction des difficultés d'accès à l'emploi.

- Quel est le statut des bénéficiaires de CEC ?

La durée du travail du bénéficiaire d'un CEC est au minimum de trente heures par semaine. Elle peut toutefois être fixée à un niveau moins élevé en vue de répondre aux difficultés particulières de la personne concernée. En outre, l'Etat peut prendre en charge tout ou partie des frais de formation engagés par l'employeur dans la limite de 400 heures.

La loi renforce la professionnalisation des personnes en CEC afin de faciliter une insertion professionnelle durable. Elles pourront désormais bénéficier de dispositifs comprenant notamment des actions d'orientation professionnelle et de validation des acquis en vue de construire et de faciliter la réalisation de leur projet professionnel. Si celui-ci n'aboutit pas avant la fin de la deuxième année du contrat, un bilan de compétences sera réalisé pour le préciser.

7. Renforcement de l'insertion par l'activité économique

La loi clarifie les missions du secteur de l'insertion par l'activité économique et accroît le soutien financier de l'Etat en faveur des différentes structures qui le composent afin d'en favoriser le développement.

- Quel est l'objectif de l'insertion par l'activité économique ?

L'insertion par l'activité économique a pour objet de permettre à des personnes sans emploi, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, de bénéficier de contrats de travail en vue de faciliter leur insertion sociale et professionnelle. Elle doit en outre mettre en _uvre des modalités spécifiques d'accueil et d'accompagnement dans des conditions fixées par décret.

- Quels sont les organismes composant le secteur de l'insertion par l'activité économique ?

Il n'existe pas de liste limitative des structures d'insertion par l'activité économique permettant de bénéficier d'aides de l'Etat.

Les structures les plus importantes sont les associations intermédiaires (AI) qui embauchent des personnes en difficulté pour les mettre à disposition de particuliers ou d'entreprises, les entreprises d'insertion (EI) qui développent une activité de production de biens et de services relevant du secteur marchand et les entreprises de travail temporaire d'insertion (ETTI) qui recrutent des personnes en difficulté d'insertion pour les mettre à disposition d'entreprises selon les règles applicables à l'intérim.

La loi reconnaît désormais expressément d'autres structures d'insertion par l'activité économique : les organismes relevant de l'action sociale habilités par les conseils généraux, les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), les chantiers écoles et les régies de quartiers.

- Quelles sont les activités relevant de l'insertion par l'activité économique ?

Le champ des activités pouvant être exercées dans le cadre des actions d'insertion par l'activité économique n'est pas a priori limité. Toutefois, pour bénéficier des aides et exonérations sociales, chaque structure d'insertion par l'économique doit conclure une convention avec l'Etat, après consultation des partenaires locaux réunis au sein du conseil départemental de l'insertion par l'activité économique.

Les conventions conclues avec les associations intermédiaires déterminent notamment le territoire sur lequel elles interviennent. En outre, les associations intermédiaires agréées avant le mois de février 1996 sont autorisées à poursuivre jusqu'à la fin de 1999 les activités de services aux personnes n'exigeant pas la possession d'un diplôme ou un agrément-qualité pour assurer des activités telles que la garde d'enfant ou l'aide à domicile des personnes âgées.

- Quelle est l'aide de l'Etat ?

En dehors des subventions et aides aux postes d'encadrement accordées à certaines structures d'insertion par l'activité économique dans des conditions fixées par voie réglementaire, la loi renforce et unifie le régime d'exonération de charges sociales.

Désormais, les différentes structures d'insertion par l'activité économique intervenant dans les secteurs marchand ou non marchand qui concluent une convention avec l'Etat bénéficient d'une exonération totale des charges patronales d'assurances sociales, d'allocations familiales et d'accidents du travail, dans la limite du SMIC, pour les embauches de personnes en difficulté qu'elles effectuent en vue de leur insertion sociale et professionnelle.

En outre, les structures de droit public ou de droit privé à but non lucratif exerçant des activités qui présentent un caractère d'utilité sociale (secteur non marchand), par exemple les CHRS ou les régies de quartiers, peuvent, dans des conditions fixées par décret, réaliser les embauches en CES ou CEC.

Seules les embauches de personnes ayant fait l'objet d'un agrément de l'ANPE ouvrent droit aux nouvelles aides et exonérations mentionnées ci-dessus. Toutefois, les associations intermédiaires ne sont pas assujetties à la formalité de l'agrément pour les embauches qu'elles réalisent.

- Quel est le statut du bénéficiaire d'un contrat de travail conclu avec une structure d'insertion par l'activité économique ?

Sous réserve de dispositions dérogatoires, les personnes embauchées par les structures d'insertion par l'activité économique bénéficient d'un contrat de travail et se voient appliquer les règles de droit commun.

- Quel est le statut de la personne embauchée par une association intermédiaire ?

Les conditions de mise à disposition des personnes embauchées par les associations intermédiaires sont différentes selon que celle-ci s'effectue auprès d'un employeur dans le cadre d'activités à but lucratif ou non.

- En cas de mise à disposition d'une entreprise ou d'une personne physique pour des activités ressortissant de son exercice professionnel, sont limitées : la durée d'une mission, la durée de mise à disposition d'un même employeur et la durée totale des mises à disposition d'un même salarié dans une année. La rémunération de la personne mise à disposition doit être au moins égale à celle d'un salarié de l'entreprise concernée à qualification équivalente occupant le même poste et calculée sur la base du nombre d'heures de travail effectivement travaillées. En outre, en cas de dépassement de la durée maximale de mise à disposition, la personne est réputée liée à l'entreprise utilisatrice par un contrat de travail à durée indéterminée.

- La durée de mise à disposition d'une personne auprès des personnes morales à but non lucratif, notamment les associations, n'est pas limitée. Le salarié de l'association intermédiaire peut alors être rémunéré soit sur la base du nombre d'heures effectivement travaillées chez l'utilisateur, soit sur la base d'un nombre d'heures forfaitaire déterminé dans le contrat.

Dans tous les cas de mise à disposition, les salariés des associations intermédiaires, d'une part, ont droit à la formation professionnelle continue, d'autre part, bénéficient d'examens de médecine préventive dans des conditions fixées par décret.

- Quel est le statut de la personne embauchée par une entreprise d'insertion ?

Pour ouvrir droit aux aides de l'Etat, les personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières (définition du public de l'insertion par l'activité économique) doivent être embauchées par les entreprises d'insertion en contrats à durée déterminée renouvelables deux fois dans la limite de vingt-quatre mois. Par ailleurs, l'ensemble des dispositions de droit commun sont applicables.

- Quel est le statut de la personne embauchée par une entreprise de travail temporaire d'insertion ?

Les personnes appartenant à la catégorie des publics de l'insertion par l'activité économique sont recrutées par les entreprises de travail temporaire d'insertion en contrats de travail temporaire. L'ensemble des dispositions relatives au travail temporaire sont applicables. Une dérogation est toutefois prévue : la durée maximale des contrats de travail temporaire conclus avec ces personnes est limitée à vingt-quatre mois, renouvellement compris (au lieu de dix-huit mois).

8. Cumul de certains minima sociaux avec des revenus d'activité

Afin de faciliter l'insertion professionnelle des allocataires de minima sociaux en encourageant leur transition vers l'emploi, le principe a été posé du cumul du versement de l'allocation de minimum social, en totalité ou partiellement, avec la reprise d'une activité professionnelle salariée ou non salariée (y compris une formation professionnelle).

- Quels sont les allocataires visés ?

Il s'agit des titulaires :

- du revenu minimum d'insertion (RMI) ;

- de l'allocation d'insertion (AI) ;

- de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) ;

- de l'allocation de veuvage ;

- de l'allocation de parent isolé (API).

- Quelles sont les règles actuelles?

Les règles applicables au RMI, à l'ASS et à l'AI permettent actuellement que les revenus tirés d'une activité professionnelle ne soient pris en compte qu'à hauteur de 50 % de leur montant pour le calcul de ces allocations et ce dans la limite de 750 heures, soit environ quatre mois et demi d'activité à temps plein (sauf si l'activité exercée prend la forme d'un contrat emploi-solidarité, cas dans lequel des règles particulières s'appliquent).

Le principe de l'intéressement à la reprise d'activité est donc étendu aux titulaires de l'allocation de veuvage et de l'allocation de parent isolé tandis que de nouvelles règles de cumul plus favorables, tant en termes de durée qu'en termes de supplément de revenu procuré, seront fixées par voie réglementaire.

- Quelles seront les nouvelles règles du cumul ?

Selon les indications fournies par le Gouvernement relatives au RMI et à l'ASS, et sous réserve des décrets d'application, le cumul de l'allocation avec un revenu professionnel serait possible pendant une durée d'activité maximale d'un an, de la façon suivante :

- pendant les premiers 90 jours, l'allocation est totalement cumulable avec le revenu d'activité, si celui-ci est inférieur ou égal à un demi-SMIC ;

- pendant les 180 jours suivants un premier abattement s'applique ;

- pendant les 90 derniers jours d'activité un deuxième abattement d'un montant inférieur sera appliqué.

Il a en outre été précisé que les titulaires du RMI, de l'AI, de l'API et de l'allocation veuvage auront droit au maintien du versement de leur allocation, dans des conditions définies par décret, s'ils sont admis au bénéfice du dispositif d'aide à la création d'entreprise, sachant que le principe de ce cumul existe déjà pour les titulaires de l'ASS.

9. Possibilité pour les demandeurs d'emploi indemnisés d'exercer une activité bénévole

Afin d'éviter les radiations abusives de la liste des demandeurs d'emploi de personnes qui exercent une activité bénévole et se voient supprimer leurs allocations de chômage (allocation d'assurance chômage ou ASS), la loi pose le principe que tout demandeur d'emploi peut exercer une activité bénévole. Toutefois, pour éviter les fraudes, il est prévu que l'activité bénévole ne peut s'effectuer chez un précédent employeur, ni se substituer à un emploi salarié et doit rester compatible avec l'obligation de recherche d'emploi.

10. Renforcement des aides à la création d'entreprise par les bénéficiaires de minima sociaux et les salariés qui reprennent leur entreprise en difficulté

La loi renforce les aides à la création d'entreprise par les bénéficiaires de minima sociaux d'une part et pour les salariés qui reprennent leur entreprise en difficulté, d'autre part.

En premier lieu, la loi élargit la liste des bénéficiaires de minima sociaux pouvant obtenir l'aide aux chômeurs et aux jeunes créateurs d'entreprises (communément appelée ACCRE - aide aux chômeurs créateurs et repreneurs d'entreprises - bien que l'aide ne soit plus réservée aux seuls chômeurs).

- Quels sont les nouveaux bénéficiaires de l'aide ?

Actuellement ne sont visés que les titulaires du RMI. La loi ajoute les titulaires de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) - mais il s'agit d'une simple clarification rédactionnelle - et de l'allocation de parent isolé.

- De quels avantages bénéficient les titulaires de minima sociaux qui créent ou reprennent une entreprise ?

Les personnes allocataires du RMI, de l'ASS ou de l'API qui créent ou reprennent une entreprise peuvent bénéficier de plusieurs avantages :

- le maintien de leur allocation dans des conditions fixées par décret ;

- le maintien de la couverture sociale (assurance maladie, maternité, invalidité, décès, vieillesse) et du versement des prestations familiales pendant un an ;

- une exonération des cotisations sociales et d'allocations familiales correspondantes à la nouvelle activité pendant un an.

Les titulaires de l'ASS peuvent en outre bénéficier d'une aide correspondant à l'ASS à taux plein pendant six mois.

A ces avantages déjà prévus actuellement, la loi ajoute deux aides complémentaires :

- une aide financière de l'Etat pouvant prendre la forme d'une avance remboursable. Selon les informations fournies par le Gouvernement, l'avance remboursable serait modulable, plafonnée à 50 000 F - en moyenne à 35 000 F - et remboursable en cinq ans avec un différé de dix-huit mois ;

- une aide de l'Etat pour le financement d'actions de suivi ou d'accompagnement personnalisé organisées avant la création ou la reprise d'entreprise et pendant les trois années suivantes.

En second lieu, la loi donne la possibilité aux personnes salariées ou licenciées d'une entreprise en difficulté qui reprennent tout ou partie de cette entreprise de bénéficier également d'aides.

- A quelles conditions les salariés qui reprennent leur entreprise peuvent-ils y être aidés ?

Pour pouvoir être aidé, trois conditions doivent être réalisées :

. l'entreprise doit être engagée dans une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ;

. les personnes salariées ou licenciées doivent s'engager à investir en capital la totalité des aides ;

. les apports complémentaires en capital ne doivent pas excéder le montant total des aides apportées.

- De quels avantages bénéficient les salariés qui reprennent leur entreprise ?

Les personnes salariées ou licenciées repreneurs peuvent bénéficier pendant un an du maintien de la couverture sociale, de l'exonération de cotisations, des aides au financement des actions de conseil et formation, et d'une aide financière de l'Etat.

II.- MESURES POUR L'ACCÈS AUX SOINS ET L'HÉBERGEMENT D'URGENCE DES PERSONNES LES PLUS DÉMUNIES

La prise en charge sanitaire et l'hébergement provisoire des personnes en situation de grande précarité, en particulier, les sans domicile fixe, nécessite que soient généralisées les expériences de structures d'accueil spécifiques.

1. Mise en place de permanences d'accès aux soins de santé (PASS) dans les hôpitaux

La loi met en place, dans tous les hôpitaux, des permanences d'accès aux soins de santé (PASS) pour les personnes démunies et crée, pour les hôpitaux, un nouveau devoir : celui d'assurer le suivi de leurs traitements.

- Quelle est la vocation des PASS ?

La vocation des PASS est double. Dans le domaine sanitaire, les permanences organiseront, en faveur des personnes en situation de précarité, des consultations de médecine générale à horaires élargis, leur proposeront des actions de dépistage et de prévention et leur délivreront, gratuitement en cas de nécessité, des médicaments ou des examens médicaux. Dans le domaine social, les permanences permettront de les guider dans les démarches visant à la reconnaissance de leurs droits. L'hôpital devient ainsi l'une des portes d'entrée à la réinsertion de ces personnes, en leur prodiguant des soins et les accompagnant dans leurs démarches sociales.

- Qui participera aux PASS ?

Éléments d'ouverture de l'hôpital sur l'extérieur, les PASS pourront associer à leur fonctionnement des institutions sociales (caisses primaires d'assurance maladie, centres d'action sociale, mutuelles...) mais également des associations. C'est donc dans les permanences que s'organiseront des réseaux, de soins et de soutien, autour des personnes en difficulté. L'Etat, par la voie de conventions passées avec chaque établissement de santé, prendra à sa charge le financement des consultations, des actes médicaux et des traitements délivrés gratuitement.

- En quoi consiste le devoir de suivi des traitements ?

L'absence de suivi médical est à l'origine de la recrudescence des cas de tuberculose dans notre pays et de l'apparition d'un phénomène de résistance aux thérapies chez les individus soignés due à des traitements irrégulièrement suivis et répétés.

Désormais, les hôpitaux ont l'obligation de s'assurer que leurs patients disposeront, à l'issue de leur admission ou de leur hébergement, des conditions matérielles favorables à la poursuite de leur traitement. Ils devront, pour ce faire, les guider vers les structures pouvant les accueillir.

2. Création dans chaque département d'un dispositif de veille sociale

Il existe d'ores et déjà dans tous les départements un lieu central d'information sur lequel sont dirigés des appels au numéro vert d'urgence sociale. Une trentaine de départements de région parisienne et des grandes métropoles, telles que Lyon, Marseille, Bordeaux et Nantes, sont allés au-delà de ce service minimum en mettant en place une structure de coordination des interventions et de l'hébergement d'urgence (véhicules pour aller proposer un hébergement aux personnes sans abri, gestion par ordinateur des places libres dans chaque centre d'hébergement etc...). Mais il demeure incontestablement un problème de coordination dans certains départements qui ne permet pas aux dispositifs mis en _uvre d'être pleinement efficaces.

C'est pourquoi la loi prévoit que dans chaque département, sera créé, sous la responsabilité du préfet, un dispositif de veille sociale chargé de gérer les capacités d'hébergement disponibles pour les personnes en difficulté, d'informer et d'orienter ces personnes.

- Comment fonctionnera ce dispositif ?

Saisi directement par une personne ou une famille en difficulté ou indirectement par une institution ou une association, le dispositif devra, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, évaluer l'urgence de la situation et proposer une réponse immédiate en orientant la ou les personnes vers la structure pouvant la ou les accueillir et en organisant, au besoin, leur transfert avec le concours des services publics.

- Comment seront recensées les places disponibles ?

Toutes les structures d'accueil auront l'obligation de déclarer leurs places vacantes au dispositif à qui il reviendra de tenir à jour les capacités d'hébergement disponibles.

III.- MESURES POUR PERMETTRE À TOUS L'EXERCICE DE LA CITOYENNETÉ

Dépourvus de logement, d'emploi et de relations sociales, les personnes sans domicile fixe sont aussi privées, dans les faits, du droit de vote ainsi que du droit à l'aide juridictionnelle. Exclus du monde du travail, les chômeurs ont quant à eux du mal à faire entendre leur voix malgré l'action des associations - encore peu reconnues - qui les réunissent.

Plusieurs dispositions de la loi visent à remédier à ces carences de notre démocratie.

1. Inscription des personnes sans domicile fixe sur les listes électorales

Actuellement, seuls les électeurs qui ont leur domicile réel dans une commune ou qui y habitent depuis six mois au moins ou y acquittent depuis au moins cinq ans des contributions directes peuvent être inscrits sur la liste électorale de cette commune. Il est évident que ceux qui n'ont pas de domicile fixe n'entrent pas dans ces critères.

Afin de remédier à cette situation, la loi prévoit que les personnes sans domicile fixe pourront s'inscrire sur la liste électorale d'une commune si elles peuvent faire état d'un lien avec un organisme d'accueil agréé situé dans cette commune.

- Qui peut bénéficier de la procédure spéciale d'inscription ?

Il s'agit des citoyens français qui ne peuvent fournir la preuve d'un domicile ou d'une résidence et auxquels la loi n'a pas fixé de commune de rattachement. Cette dernière précision vise les personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe mais logeant de façon permanente dans un véhicule, une remorque ou un abri mobile. Ces personnes, en effet, après trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune, peuvent, à leur demande, être inscrits sur la liste électorale de cette commune.

- Quelles sont les conditions d'inscription ?

Pour s'inscrire sur la liste électorale, les personnes sans domicile fixe devront prouver qu'elles ont un lien avec un organisme d'accueil agréé situé dans la commune, en produisant soit une carte d'identité sur laquelle figure, depuis au moins six mois, l'adresse de cet organisme d'accueil, soit une attestation de l'organisme établissant leur lien avec lui depuis au moins six mois.

- L'inscription est-elle automatique ?

Il appartient aux intéressés de faire eux-mêmes la demande d'inscription auprès de la mairie.

- Quelles sont les mentions portées sur la liste électorale ?

Sur la liste électorale, l'indication du domicile est remplacée pour les personnes sans domicile fixe par celle de l'adresse de l'organisme d'accueil au titre duquel ils ont été inscrits, à l'exclusion du nom de cet organisme. Ainsi n'apparaît aucun élément distinctif sur la liste permettant de repérer directement ce type d'électeur.

- Les personnes ainsi inscrites sur les listes électorales peuvent-elles être candidates aux différentes élections ?

Sont éligibles au conseil municipal tous les électeurs de la commune.

Sont éligibles au conseil général tous les citoyens inscrits sur une liste électorale et qui sont domiciliés dans le département.

Les personnes sans domicile fixe inscrites sur les listes électorales sont en outre éligibles aux autres élections dans les conditions et sous les réserves prévues par le code électoral. Lorsque la déclaration de candidature doit comporter mention du domicile, sera inscrite à ce titre l'adresse de l'organisme d'accueil ou celle qui figure sur la carte nationale d'identité.

2. Accès à l'aide juridictionnelle pour les personnes sans domicile fixe

Les personnes qui ne bénéficient pas d'un niveau de ressources suffisant pour payer les dépenses afférentes à une action en justice (notamment les honoraires d'avocat) peuvent bénéficier de l'aide juridictionnelle, c'est-à-dire de la prise en charge totale ou partielle de ces frais. Au ler janvier 1998, le plafond de ressources mensuelles en dessous duquel l'aide totale est accordée est de 4 901 F. Les bénéficiaires du RMI sont dispensés de toute justification à cet égard.

L'aide est accordée par le bureau d'aide juridictionnelle placé auprès de chaque tribunal de grande instance. Or actuellement, une personne qui demande l'aide doit adresser sa demande au bureau du lieu de son domicile. Il y a donc une condition de domicile qui empêche les personnes sans domicile fixe de bénéficier de l'aide.

La loi répare cette injustice en prévoyant que ces personnes pourront se tourner vers le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal dans le ressort duquel se trouve un organisme d'accueil choisi par elles.

- Qui peut bénéficier de cette procédure ?

Elle est ouverte à toute personne qui n'a pas de domicile. Aucune preuve de l'absence de domicile n'est exigée.

- Quelles sont les conditions requises ?

La personne choisit librement un organisme d'accueil qui lui fournira une adresse lui permettant de se tourner vers le bureau d'aide juridictionnelle compétent. Contrairement à ce qui est exigé en matière d'inscription sur les listes électorales (pour éviter toute fraude), l'organisme n'a pas à être agréé.

- Que se passe-t-il si la personne change d'organisme d'accueil ?

Elle est réputée, pour toute la procédure d'aide juridictionnelle, être domiciliée au premier organisme d'accueil, même si elle change ensuite d'organisme.

- Le choix d'un organisme d'accueil a-t-il une conséquence sur la détermination de la juridiction compétente ?

La domiciliation pour les besoins de la procédure d'aide juridictionnelle est sans conséquence pour savoir quel est le tribunal territorialement compétent.

3. Représentation des demandeurs d'emploi dans les organismes chargés de leur placement et de leur formation

Les demandeurs d'emploi mandatés par des organisations syndicales représentatives au plan national ou par des organisations ayant spécifiquement pour objet la défense de leurs intérêts ou l'insertion des personnes sans emploi, pourront siéger dans les comités de liaison constitués auprès des échelons locaux de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) ou de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA).

4. Assouplissement des conditions d'adhésion des demandeurs d'emploi aux organisations syndicales et accès à la formation syndicale

L'adhésion à une organisation syndicale sera ouverte à tout demandeur d'emploi ayant exercé une activité professionnelle donnant lieu au prélèvement de cotisations sociales sans qu'il soit désormais exigé que cette activité ait duré au moins un an.

En outre, l'accès au congé de formation économique, sociale et syndicale leur est désormais ouvert et ceci sans perte du droit à l'indemnisation du chômage. La durée de ces congés est de deux jours minimum à douze ou dix-huit jours maximum pour les animateurs de stages ou de sessions ou pour ceux appelés à exercer des responsabilités syndicales.

IV.- MESURES POUR GARANTIR LES MOYENS D'EXISTENCE DES PLUS DÉMUNIS

1. Interdiction de la saisie des revenus assurant un niveau de vie minimal

Afin de garantir aux personnes les plus en difficulté un niveau minimal de revenu, différentes mesures relatives à la saisie des ressources des ménages ont été prises.

- Fixation d'un minimum de revenu salarial insaisissable

La fraction insaisissable du salaire, qui est calculée en fonction du montant de celui-ci, ne pourra en tout état de cause être inférieure au revenu minimum d'insertion (RMI).

Caractère insaisissable de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) et de l'allocation d'insertion (AI)

Comme cela est le cas pour le revenu minimum d'insertion, ces deux allocations ne pourront désormais être saisies.

Les règles selon lesquelles les établissements bancaires doivent garantir le respect de cette mesure, qui existent elles aussi déjà pour le RMI, ont été étendues à ces deux allocations. En conséquence, il est prévu que les blocages des comptes ne pourront faire obstacle à l'insaisissabilité et que, nonobstant toute opposition, les bénéficiaires pourront effectuer mensuellement des retraits des comptes où sont versées leurs allocations, dans la limite du montant de celles-ci.

Caractère insaisissable des prestations d'assurance maladie en nature

Ces prestations ont été rendues insaisissables, sauf dans le cas de fraude ou de fausse déclaration, dans la mesure où ce sont des versements qui correspondent au remboursement de frais qui ont été avancés par l'assuré.

Sont principalement visées les prestations en nature suivantes :

- frais médicaux, dentaires et pharmaceutiques, frais d'hospitalisation, de rééducation et d'intervention chirurgicale ;

- frais de transport liés à la délivrance des soins ;

- frais de traitement et d'hébergement des enfants handicapés ;

- frais de soins et d'hospitalisation afférents à l'interruption volontaire de grossesse ;

- frais d'examen médical prénuptial et afférents aux vaccinations.

Fixation de la quotité mensuelle saisissable en matière de prestations familiales ou de rappels de pension et de rentes

Dans les cas limités où les prestations familiales sont saisissables, la loi garantit que cette saisie ne pourra excéder mensuellement un certain montant qui sera fixé en fonction de la composition et des ressources de la famille de façon à ne pas priver brutalement cette dernière d'une part qui peut être substantielle de son revenu.

De même, alors que les pensions et les rentes sont saisissables dans les mêmes conditions et limites que les salaires, les saisies auxquelles peuvent donner lieu les rappels de pensions seront limitées à une quotité calculée en fonction du montant mensuel ou trimestriel de celles-ci et non sur la globalité du rappel qui peut porter sur plusieurs échéances.

2. Indexation sur les prix de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) et de l'allocation d'insertion (AI)

Afin de garantir une évolution annuelle minimale de l'ASS et de l'AI, leur montant sera désormais indexé sur l'évolution des prix, comme cela est la règle pour les autres minima sociaux. Il est rappelé qu'il s'agit de deux allocations destinées aux travailleurs privés d'emploi et dont le financement incombe à l'Etat.

Ces allocations évolueront donc, au minimum, comme l'évolution des prix à la consommation hors tabac prévue dans le rapport économique et financier annexé à la loi de finances de l'année civile à venir.

3. Droit à une fourniture minimale d'énergie, d'eau et de téléphone

Afin de préserver l'accès des personnes en difficulté à la fourniture d'électricité, de gaz, d'eau et de téléphone et le maintien de cet accès, des garanties supplémentaires ont été apportées aux dispositifs existants ou en train de se mettre en place.

- La garantie de non-coupure

Toute personne éprouvant des difficultés particulières du fait d'une situation de précarité a droit au maintien d'une fourniture d'électricité, de gaz ou d'eau jusqu'à ce qu'interviennent les dispositifs d'aide qui sont prévus par les deux chartes nationales " solidarité-énergie " et " solidarité-eau ".

- Mise en place pour la distribution d'eau d'un dispositif national d'aide et de prévention semblable à celui existant pour l'énergie

Sur le modèle de ce qui a été mis en place pour l'électricité et le gaz un dispositif national et local, en train de se mettre en place, va permettre de maintenir une alimentation minimale en eau aux abonnés directs, c'est à dire à ceux ayant un compteur individuel. (Les usagers dont la facture d'eau est incluse dans les charges locatives continuent à relever des Fonds de solidarité logement).

Les dispositifs énergie et eau reposent sur l'examen de la situation des usagers en difficulté par des commissions départementales, commissions " pauvreté-précarité " pour l'énergie et commissions " solidarité-eau ", qui apprécient les difficultés de la personne sollicitant l'aide et décident de la prise en charge, partielle ou totale, de la facture en cause.

Les informations sur le dispositif de solidarité, notamment sur la procédure à suivre, pour que l'usager prenne contact avec le service social compétent sont fournies par l'agent EDF. Un numéro vert est également mis à la disposition des usagers : 08.00.65.03.09

- Aide à la préservation de l'accès aux services téléphoniques

Le principe en a été posé par la loi. Un décret d'application fixera les modalités de sa mise en oeuvre. Celle-ci devrait comprendre la définition de " tarifs sociaux " pour l'abonnement de base au profit de certaines catégories de personnes et la possibilité de préserver un " service restreint " en cas d'impayés.

4. Droit au compte bancaire

L'absence de compte bancaire constitue un facteur de marginalisation supplémentaire pour les personnes les plus défavorisées. Tout citoyen se voit désormais reconnaître le droit d'obtenir, dans des conditions simples, l'ouverture d'un compte bancaire.

- Quelles sont les personnes visées ?

Toute personne n'ayant pas de compte de dépôt, s'étant vue refuser l'ouverture de celui-ci, y compris les personnes ayant fait l'objet d'une mesure d'interdiction d'émettre des chèques qui a conduit à la clôture de leur compte.

- Comment obtenir l'ouverture d'un compte ?

Après un seul refus - dont la preuve est apportée par une déclaration sur l'honneur - l'intéressé peut s'adresser à la, ou à l'une, des succursales de la Banque de France de son département (service " info-banque ") pour que soit désigné un établissement bancaire, la Poste ou le Trésor public à qui il sera fait obligation d'ouvrir le compte.

- Quelles sont les garanties de l'usager une fois le compte ouvert ?

Le contenu minimum des services bancaires de base qui seront assurés sera défini par décret ainsi que les conditions tarifaires appliquées à ces services lorsque l'établissement aura été désigné par la Banque de France.

La clôture de ce compte, du fait de l'établissement de crédit qui avait été désigné par la Banque de France, devra faire l'objet d'une notification écrite et motivée auprès de celle-ci.

5. Chèques d'accompagnement personnalisé

De nouveaux titres de paiement appelés " chèques d'accompagnement personnalisé " vont être mis à la disposition de personnes plus démunies.

Désormais assis sur une base légale, ces titres de paiement sont appelés à remplacer les bons alimentaires ou la distribution de produits alimentaires, les chèques transport, les chèques culture ... Il s'agit d'un moyen de paiement du type " ticket-restaurant " qui offrira à son bénéficiaire une utilisation simple et non discriminante non seulement pour la satisfaction de besoins de première nécessité mais aussi dans de nombreux domaines de la vie quotidienne.

- Par qui seront distribués les chèques d'accompagnement personnalisé ?

Ces chèques pourront être remis par :

- les collectivités locales ;

- les centres communaux et intercommunaux d'action sociale ;

- les caisses des écoles ;

- ou par l'intermédiaire d'associations agréées qui apportent leur soutien aux personnes en difficulté.

- Quelles sont les dépenses qui pourront être réglées au moyen de ces chèques ?

Les biens et les services que ces chèques permettront d'acquérir seront définis par la collectivité ou l'établissement public.

Leur vocation étant très large, il pourra s'agir aussi bien de produits alimentaires, de dépenses d'hygiène, d'habillement ou de transport que de dépenses liées à l'exercice d'activités éducatives, culturelles, sportives ou de loisirs.

Comment utiliser les chèques d'accompagnement personnalisé ?

Ces chèques fonctionneront selon le mécanisme du " ticket-restaurant ".

La personne à qui le chèque aura été remis pourra acquérir, à hauteur du montant du chèque, les biens, les produits ou les services qui seront prévus sur celui-ci.

Pour cela, elle devra se rendre chez un commerçant ou un prestataire de services appartenant au réseau qui, contre remise du chèque, lui fournira les biens ou les services en question et se fera rembourser ultérieurement.

Il ne sera par contre pas possible à l'utilisateur de se faire remettre des espèces contre ce chèque.

V.- MESURES POUR L'ACCÈS DE TOUS À L'ÉDUCATION ET À LA CULTURE

1. Rétablissement des bourses des collèges

Afin de lutter contre les exclusions en milieu scolaire, la loi rétablit un système de bourses de collèges qui se substitue à l'aide à la scolarité, actuellement versée par les caisses d'allocations familiales au début de chaque rentrée scolaire. Ce nouveau système doit permettre une meilleure prise en compte de la situation des élèves issus de familles défavorisées et faciliter la fréquentation des cantines scolaires.

- Quels sont les élèves concernés ?

Tous les élèves inscrits dans un collège public ou privé entrent dans le champ d'application des nouvelles bourses, à l'exception des élèves fréquentant un établissement d'enseignement agricole ou un établissement régional d'enseignement adapté (pour ces élèves, il n'y a pas de changement par rapport aux bourses qui leur sont déjà versées). Il n'est donc plus nécessaire de se référer à un critère d'âge et les collégiens de plus de seize ans, qui ne pouvaient pas toucher l'aide à la scolarité, bénéficieront désormais des bourses.

Les bourses des collèges seront attribuées selon un barème tenant compte des ressources financières des familles et variant avec le nombre d'enfants à charge. Ce barème doit suivre l'évolution du SMIC.

Pour les élèves inscrits dans un lycée public ou privé, le système déjà existant de bourses d'études n'est pas modifié.

- Quel sera le montant des bourses ?

Le montant des bourses sera calculé en pourcentage de la base mensuelle des allocations familiales (BMAF). Il devrait se décomposer en trois taux, dépendants du barème des ressources des familles : 346 F, 1 108 F et 1 800 F par an.

Ce montant sera versé en une fois (au mois de décembre) pour le taux le plus faible, et en trois fois (chaque trimestre scolaire) pour les deux autres taux. Il n'y aura donc plus de versement en même temps que l'allocation de rentrée scolaire, comme cela se produisait avec l'aide à la scolarité.

- Comment seront versées les bourses ?

Pour les élèves inscrits dans un collège public, la bourse sera servie aux familles directement par l'intendant de l'établissement. Un mécanisme de précompte sur le montant de la bourse est prévu pour permettre automatiquement la déduction éventuelle des frais de pension ou de demi-pension. Il s'agit ainsi d'encourager la fréquentation des cantines scolaires.

Pour les élèves inscrits dans un collège privé, la bourse sera servie aux familles par les services académiques. Il n'y aura pas dans ce cas de dispositif de précompte automatique des frais de cantine.

Dans tous les cas, l'attribution de la bourse se fera au vu d'un dossier administratif très simple rempli par les familles, pour vérifier les conditions d'ouverture des droits.

2. Aide aux familles défavorisées pour les activités périscolaires

La lutte contre l'inégalité des chances ne doit pas s'arrêter à la sortie des portes des écoles et le principe de gratuité de l'enseignement doit également s'appliquer aux activités périscolaires à caractère facultatif organisées par les établissements. La loi rappelle donc solennellement ce principe dont il appartiendra aux responsables des établissements de tenir compte.

- Quelles sont les activités concernées ?

Toutes les sorties scolaires facultatives organisées par les écoles maternelles et élémentaires, les collèges et les lycées sont concernées par ce principe. Il peut s'agir d'activités culturelles, artistiques ou sportives, de voyages d'études, de visites organisées ou d'excursions.

- Quelles sont les obligations des établissements ?

Les établissements scolaires sont tenus de s'assurer, lorsqu'ils organisent à titre facultatif des activités périscolaires, que les différences de revenus des familles n'aboutissent pas à priver de fait certains élèves de la participation à ces activités. Pour éviter de créer des discriminations entre élèves, la contribution financière demandée, par exemple au titre des frais de transport ou des droits d'entrée, pourrait être modulée ou des aides spécifiques attribuées sur critères sociaux par les collectivités territoriales (au travers notamment de la caisse des écoles), la coopérative scolaire ou des associations partenaires de l'Education nationale.

La circulaire n° 97-176 du 18 septembre 1997 sur l'organisation des sorties scolaires rappelle déjà que, si la participation des élèves à une sortie occasionnelle est facultative lorsqu'une contribution financière est demandée aux familles, il convient de s'assurer qu'aucun enfant n'en est privé pour des raisons financières.

3. Modulation des tarifs des services publics locaux

L'accès de tous à la culture, aux sports et aux loisirs passe notamment par la possibilité pour chacun, indépendamment de ses ressources financières, de bénéficier des services et prestations offerts dans ce domaine par les collectivités territoriales et leurs établissements rattachés. Dans le passé, ces collectivités s'étaient vu interdire par le juge administratif une différenciation de leurs tarifs (par exemple ceux des conservatoires de musique) en fonction de la situation financière des familles. La loi pose désormais le principe général que les tarifs des services publics locaux peuvent être fixés en fonction du niveau de revenu des usagers et du nombre de personnes vivant au foyer.

- Quels sont les services concernés ?

La loi vise l'ensemble des services publics administratifs à caractère facultatif. Ceux-ci sont créés librement par les collectivités territoriales. Il s'agit à la fois de services sociaux (crèches municipales, centres de loisirs, cantines scolaires) et de services culturels (bibliothèques, musées, conservatoires municipaux, écoles de musique, de danse, d'art dramatique ou d'arts plastiques).

- Comment peuvent être fixés les tarifs et droits d'inscription ?

Les collectivités territoriales demeurent libres de fixer les tarifs et droits à leur convenance. Elles sont seulement encouragées à tenir compte du niveau de revenu des usagers et du quotient familial, c'est-à-dire à instituer une différenciation tarifaire dans un but de solidarité redistributive. Dans ce cadre, deux limites générales s'imposent toutefois : les tarifs les plus élevés ne doivent pas être supérieurs au coût de revient du service rendu et les taux ainsi fixés doivent permettre l'accès de tous au service.

DEUXIÈME PARTIE : MESURES RELATIVES AU LOGEMENT

RENFORCER LE DROIT AU LOGEMENT, FAVORISER LA MIXITÉ SOCIALE ET GÉOGRAPHIQUE DANS L'HABITAT

La loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions consacre un grand nombre de mesures à la politique du logement. Quoi de plus normal, à partir du moment où la disposition d'un logement décent est une condition nécessaire à toute réinsertion sociale durable ? De fait, la perte du logement, due le plus souvent à une situation de chômage, constitue la marque la plus indubitable du basculement dans l'exclusion, alors que retrouver un toit est, dans la majorité des cas, le signe le plus tangible, avec le retour à l'emploi, de l'amélioration de la condition des personnes en difficulté. Emploi et logement sont indissociables dans la politique de lutte contre les exclusions : sans emploi il est souvent difficile de disposer d'un logement, mais sans logement retrouver ou même conserver son travail s'avère problématique.

Le rôle central réservé au logement par la loi d'orientation est donc parfaitement légitime.

Deux grandes idées, à la fois complémentaires et indissociables, sous-tendent les dispositions concernant le logement : renforcer le droit au logement et favoriser la mixité dans l'habitat.

1. Le droit au logement

Le droit au logement, notion qui est apparue dans notre législation durant les années 1980 et dont le Conseil constitutionnel a fait, en 1995, un " objectif de valeur constitutionnelle ", connaît, grâce à la loi d'orientation, de nouvelles et importantes avancées.

En premier lieu, les grands mécanismes d'aide au logement des personnes défavorisées, issus pour la plupart de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 relative à la mise en _uvre du droit au logement, sont améliorés. Ainsi la loi d'orientation permettra de renforcer l'efficacité des plans départementaux d'action pour le logement des personnes défavorisées et des fonds de solidarité pour le logement, en recentrant en particulier leur action sur les personnes confrontées à un cumul de difficultés financières et d'insertion sociale, tout en garantissant une meilleure égalité entre les systèmes d'aides mis en place dans les différents départements.

En deuxième lieu, la loi d'orientation comporte toute une série de mesures destinées à aider au maintien dans un logement décent. A côté d'un important dispositif de prévention des expulsions, on peut en particulier citer ici les articles visant à protéger les occupants de logements meublés, à lutter contre les marchands de sommeil, à renforcer la situation des sous-locataires ou encore à lutter contre le saturnisme.

La troisième série de mesures concernant le droit au logement vise à développer une offre de logements adaptés aux besoins des personnes défavorisées. A ce titre, et afin de dissuader les propriétaires de conserver des logements vacants, le régime de la réquisition de logements est modernisé et une taxe sur les logements vacants est instituée. Dans le même ordre d'idées plusieurs dispositions visent à conforter le parc de logements d'insertion, en rapprochant son statut fiscal de celui du parc HLM ou en diminuant le coût de réalisation de ce type de logements, et à favoriser la médiation locative.

Enfin, la loi d'orientation comporte une importante réforme du système d'attribution des logements locatifs sociaux destinée à garantir l'accueil des personnes défavorisées dans les HLM et reposant sur trois grands principes : la contractualisation, l'intercommunalité et la transparence.

L'ensemble de ces dispositions permettra de rendre plus effectif encore le droit au logement, et sur ce point l'apport de la loi d'orientation est indiscutable. Toutefois, s'il est essentiel de garantir des conditions de logement décentes aux personnes défavorisées, il est non moins indispensable de s'assurer que les modalités mises en _uvre dans ce but n'aboutissent pas à concentrer dans les mêmes communes, dans les mêmes quartiers ou dans les mêmes immeubles les personnes les plus en difficulté de notre société. Le droit au logement, s'il devait se traduire par un renforcement des ghettos, perdrait un grande partie de son sens puisque, dans cette hypothèse, il ne permettrait pas de favoriser la réinsertion sociale. Il faut le dire clairement, droit au logement et mixité du parc social sont, comme l'affirme d'ailleurs le nouvel article L. 411 introduit dans le code de la construction et de l'habitation par la loi d'orientation, indissociables et également nécessaires. C'est pourquoi plusieurs dispositions, le plus souvent adoptées à l'initiative de l'Assemblée nationale, visent à favoriser la mixité géographique et sociale du et dans le parc locatif social.

2. La mixité dans le parc locatif social

Concernant la mixité géographique, et dans l'attente du projet de loi qui réformera la loi d'orientation pour la ville (LOV), la loi d'orientation revient, en matière de définition du logement social et de champ d'application du dispositif contraignant de la LOV, à l'esprit initial de ce texte que la majorité précédente avait vidé de son sens. Dans le même but, la mise en place, au niveau des bassins d'habitat, de dispositifs intercommunaux vise à dépasser les égoïsmes locaux et à mieux répartir entre les communes la charge du logement social.

S'agissant de la mixité sociale, il convient tout d'abord de favoriser l'accès au parc social, dont les occupants se paupérisent de plus en plus, des catégories moyennes. Ainsi, si l'amendement prévoyant une revalorisation générale des plafonds de ressources a été retiré - le Gouvernement ayant publié un arrêté prévoyant une revalorisation significative de ces plafonds pour les " petits ménages " et la suppression du double plafond qui pénalisait les ménages comprenant un inactif et, notamment, les retraités - la loi d'orientation dispose que désormais l'actualisation annuelle de ces plafonds sera effectuée en fonction de l'évolution du SMIC.

Mais garantir la mixité sociale implique aussi d'assurer le maintien dans le parc social des ménages les moins défavorisés, ce qui pose clairement la question du surloyer. La loi d'orientation cherche à limiter les effets pervers de ce mécanisme en relevant de 10 % à 20 % de dépassement des plafonds de ressources, le seuil à partir duquel les bailleurs peuvent le mettre en place et en prévoyant un plafonnement par décret du montant du surloyer.

Il faut souligner que le cumul de la mesure relevant les plafonds de ressources avec celle augmentant le seuil de déclenchement du surloyer permettra d'exclure de ce mécanisme environ 40 % des foyers qui y sont actuellement soumis.

La réussite de la politique du logement engagée par la majorité ne sera assurée que si les impératifs liés au droit au logement sont conciliés avec ceux découlant de la nécessaire mixité du parc social. La loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions a permis des progrès significatifs dans ce sens, mais le chantier reste ouvert et il conviendra, lors de textes à venir, de veiller à la prise en compte de cette préoccupation qui est indispensable pour garantir à l'ensemble de nos concitoyens des conditions de logement convenables.

Alain CACHEUX

rapporteur sur les dispositions

concernant le logement

du projet de loi d'orientation

relatif à la lutte contre les exclusions

I.- MESURES POUR L'ACCÈS AU LOGEMENT DES PERSONNES DÉFAVORISÉES

1. Harmonisation des règles régissant les fonds de solidarité pour le logement (FSL)

Présents dans tous les départements depuis la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 relative à la mise en _uvre du droit au logement, les fonds de solidarité pour le logement (FSL) sont les principaux instruments de lutte contre les phénomènes d'exclusion par le logement.

La loi leur consacre une série de dispositions visant, en particulier, à faire en sorte que dans l'ensemble des départements ces mécanismes fonctionnent de manière semblable tant en ce qui concerne les catégories de personnes y ayant droit, que les conditions d'accès aux aides ou que la manière dont sont traitées les demandes d'aides.

- Quelles sont les catégories de personnes concernées par les FSL ?

La loi apporte deux précisions quant aux catégories de personnes concernées par les FSL.

Tout d'abord, elle complète la liste des personnes à qui le plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées, et donc les FSL, doivent réserver un traitement prioritaire. A côté des personnes et familles sans aucun logement ou menacées d'expulsion sans relogement ou logées dans des taudis, des habitations insalubres, précaires ou de fortune, figurent désormais celles qui sont confrontées à un cumul de difficultés financières et de difficultés d'insertion sociale.

Ensuite, la loi confirme que les aides des FSL peuvent être accordées non seulement aux locataires mais aussi aux sous-locataires. L'accès des sous-locataires aux FSL n'était pas interdit par le droit actuel, mais le fait qu'ils ne soient pas cités en tant que tels a amené certains départements à les exclure et il est donc apparu nécessaire de les mentionner expressément.

- Comment sont définis les critères permettant l'accès aux aides des FSL ?

La loi ne se livre pas à une énumération précise des critères pouvant être utilisés pour décider de l'accès aux aides des FSL, cette opération étant apparue inopportune car une telle liste aurait forcément été incomplète et n'aurait pu prendre en compte la diversité des réalités locales. Elle a choisi d'encadrer les critères pouvant être mis en place afin d'empêcher les dysfonctionnements les plus courants, étant entendu que c'est au plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées qu'il revient de les définir.

Dans cet esprit, deux précisions sont apportées :

- les critères ne pourront reposer sur d'autres éléments que le niveau des ressources et l'importance et la nature des difficultés rencontrées par les personnes concernées ;

- les aides à l'accès au logement ne pourront être soumises à aucune condition de résidence préalable dans le département.

- Comment sont harmonisées les règles de fonctionnement des FSL ?

La législation actuelle contient très peu de règles relatives au fonctionnement des FSL ce qui a abouti à des disparités entre départements que la loi s'efforce de supprimer en prévoyant les dispositions suivantes :

- toutes les demandes d'aides devront faire l'objet d'une instruction ;

- les notifications de refus d'aides devront être motivées ;

- un décret déterminera le montant maximum des frais de fonctionnement des FSL ;

- les délais maximum d'instruction des demandes, les conditions de recevabilité des dossiers, les formes et les modalités d'intervention ainsi que les principales règles de fonctionnement des FSL seront précisés par un décret en Conseil d'Etat.

2. Renforcement de la mixité géographique et sociale des logements locatifs sociaux

Dans le but de rendre plus effectif le droit au logement, la loi d'orientation s'efforce de favoriser l'accès des personnes défavorisées aux logements sociaux. Il faut toutefois que ces personnes soient accueillies dans des quartiers équilibrés afin, notamment, de rendre possible leur réinsertion sociale et il est donc essentiel de se préoccuper de renforcer la mixité géographique et sociale du parc locatif. Si l'on veut éviter de constituer des ghettos ingérables, il est en effet nécessaire de faire en sorte que les logements sociaux soient équitablement répartis sur le territoire et non concentrés dans certaines communes et que l'occupation de ces logements soit la plus diversifiée possible.

- Comment favoriser une répartition plus équilibrée des logements sociaux entre les communes ?

Il s'agit là de la problématique de la loi d'orientation pour la ville (LOV) qu'il n'était bien entendu pas question de réécrire entièrement à l'occasion de l'examen de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions car le Gouvernement a annoncé le dépôt prochain d'un projet de loi sur ce sujet.

La loi relative à la lutte contre les exclusions s'est donc bornée à prévoir deux séries de dispositions en ce sens.

Tout d'abord, il a été décidé de revenir à l'esprit initial de la LOV tant en ce qui concerne la notion de logement social, recentrée sur le logement locatif social au sens strict du terme, que les seuils de population à partir desquels s'appliquent les dispositions contraignantes de la LOV, ramenés de 3 500 à 1 500 habitants dans la région Ile-de-France.

Ensuite, la loi s'efforce de promouvoir l'intercommunalité en matière d'attributions de logements locatifs sociaux. En donnant un rôle important aux conférences intercommunales établies au niveau des bassins d'habitat, il s'agit de surpasser les égoïsmes communaux et d'éviter que, par une facilité coupable, il soit décidé d'affecter toujours dans les mêmes immeubles, déjà fortement stigmatisés, les personnes les plus en difficulté de notre société.

- Comment garantir la diversité sociale des locataires de logements HLM ?

Compte tenu de la paupérisation croissante des occupants du parc locatif social, il est apparu indispensable de l'ouvrir plus largement aux catégories moyennes et d'atténuer l'impact de certaines mesures, et notamment du surloyer, susceptibles d'inciter ces catégories moyennes à quitter ce parc.

Ainsi, s'agissant des plafonds de ressources, a-t-il été décidé d'indexer l'évolution annuelle de ces plafonds sur le SMIC et un amendement prévoyant une revalorisation générale de ces plafonds n'a été retiré que parce que le Gouvernement a, par un arrêté du 28 juin 1998, décidé une revalorisation moyenne de 10 % de ces plafonds pour les " petits ménages ".

Par ailleurs, concernant le supplément de loyer de solidarité, le seuil de dépassement à partir duquel les bailleurs peuvent l'instaurer a été relevé de 10 % à 20 % et un plafonnement du montant maximal du surloyer sera mis en place à partir d'un décret en Conseil d'Etat.

3. Mobilisation d'une offre locative adaptée aux besoins des personnes défavorisées

Loger les personnes défavorisées implique de développer l'offre de logements adaptés à leurs besoins. A côté des dispositions destinées à lutter contre la vacance, à recentrer les mécanismes des plans départementaux d'action pour le logement des personnes défavorisées sur les familles cumulant des difficultés financières et d'insertion sociale ou à favoriser l'accueil des ménages en difficulté dans le parc locatif social, la loi prévoit plusieurs mesures visant à faciliter la production d'une offre locative adaptée et à favoriser la médiation locative.

- Mesures visant à faciliter la production d'une offre locative adaptée :

Trois séries de mesures visent à faciliter la production d'une offre locative adaptée en réduisant le coût de réalisation des logements concernés ou en améliorant leur statut fiscal.

- Les obligations liées à la réalisation de parkings sont allégées puisqu'il ne peut être exigé la réalisation de plus d'une aire de stationnement par logement lors de la construction de tels logements et que l'obligation de réaliser des aires de stationnement n'est pas applicable aux travaux d'amélioration ou de transformation de bâtiments destinés à être affectés au logement des personnes défavorisées ;

- Ces logements sont exonérés du versement pour dépassement du plafond légal de densité et du versement pour dépassement du coefficient d'occupation des sols pour les permis de construire délivrés avant le 31 décembre 2002 ;

- Le régime fiscal du bail à réhabilitation est amélioré puisque la valeur des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement réalisés par le preneur n'aura plus le caractère de revenus fonciers et ne sera donc plus imposable. En neutralisant fiscalement les travaux réalisés lors d'un bail à réhabilitation, la loi vise à lever un verrou fiscal s'opposant au développement d'un mécanisme conçu pour le logement des personnes défavorisées et jusqu'alors trop peu utilisé.

- Mesures visant à favoriser la médiation locative

Depuis le vote de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 relative à la mise en _uvre du droit au logement, la médiation locative, à savoir le fait pour un organisme de s'interposer entre un propriétaire bailleur et un locataire soit en pratiquant la sous-location, soit en assurant la gestion de logements loués, s'est beaucoup développée et est devenue l'un des instruments les plus utilisés pour le logement des personnes défavorisées. La loi conforte cette orientation par quatre mesures :

- Une aide forfaitaire par logement est instituée afin d'aider les organismes sans but lucratif qui pratiquent la sous-location ou la gestion immobilière de logements locatifs destinés aux personnes défavorisées à la double condition qu'ils aient été agréés par le préfet et qu'ils aient conclu une convention avec l'Etat. D'après les informations communiquées par le Gouvernement, le montant de cette aide, qui n'est pas cumulable avec l'aide au logement temporaire (ALT), devrait être de 3 000 francs par an et par logement.

- Des exonérations de taxe d'habitation sont prévues pour plusieurs catégories d'organismes gérant des logements destinés aux personnes défavorisées. Sont concernés par cette mesure : les gestionnaires de foyers de jeunes travailleurs, de foyers de travailleurs migrants et des résidences-foyers dénommées résidences sociales pour les logements situés dans ces foyers ainsi que les organismes à but non lucratif pour les logements qu'ils sous-louent à des personnes défavorisées à condition qu'ils bénéficient d'une exonération d'impôt sur le revenu pour les produits de ces sous-locations ou qu'ils soient conventionnés au titre de l'aide au logement temporaire.

- Les organismes à but non lucratif sous-louant des logements à des personnes défavorisées et bénéficiant à ce titre d'une exonération d'impôt sur le revenu seront exonérés du paiement du droit de bail.

- L'exonération de quinze ans de taxe foncière sur les propriétés bâties dont bénéficient les logements HLM est étendue aux logements réalisés par des associations à l'aide de prêts " 1 % logement ", aux logements réalisés à l'aide de prêts locatifs aidés (PLA) acquisition-amélioration, aux logements foyers de jeunes travailleurs et aux logements foyers assimilés ainsi qu'aux logements acquis par des organismes à but non lucratif et améliorés à l'aide de subventions de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat.

4. Instauration d'une taxe sur les logements vacants

La loi instaure une taxe sur les logements vacants visant à amener certains propriétaires qui laissent, par négligence ou désintérêt, des logements inoccupés, à changer d'attitude et à remettre leurs biens sur le marché. Cumulée avec le dispositif d'aide à l'amélioration de l'habitat, dont les moyens ont été confortés depuis un an, elle doit permettre la remise en location d'une partie des logements vides qu'il est possible de mobiliser pour améliorer les conditions d'habitat de nos concitoyens et, notamment, des plus défavorisés d'entre eux.

- Dans quelles zones la taxe est-elle applicable ?

La taxe sur les logements vacants ne concerne que les agglomérations de plus de deux cent mille habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, au détriment des personnes à revenus modestes et des personnes défavorisées. Pour déterminer ce déséquilibre, deux critères sont utilisés :

- un nombre élevé de demandeurs de logement par rapport au parc locatif ;

- une proportion anormalement élevée de logements vacants par rapport au parc immobilier existant.

Ne sont donc visées que les zones urbaines où la situation du logement est tendue ; les endroits où il existe de nombreux logements vacants mais où la demande de logement est faible ne sont pas concernés.

Sur la base du seul critère de population, vingt-neuf agglomérations sont potentiellement concernées. Il s'agit de Paris, Lyon, Marseille- Aix-en-Provence, Lille, Bordeaux, Toulouse, Nice, Nantes, Toulon, Grenoble, Strasbourg, Rouen, Valenciennes, Antibes-Cannes-Grasse, Nancy, Lens, Saint-Etienne, Tours, Béthune, Clermont-Ferrand, Le Havre, Montpellier, Rennes, Orléans, Dijon, Mulhouse, Angers, Reims et Brest. La liste précise des communes où la taxe est instituée sera fixée par décret. Selon les indications fournies par le Gouvernement, cette liste devrait être assez proche de celle qui est annexée au décret dit de " blocage des loyers ", renouvelé tous les étés depuis 1989.

- Quels sont les logements concernés ?

La taxe est due pour les logements vacants depuis au moins deux années consécutives au 1er janvier de l'année d'imposition. Il faut souligner que cette durée de vingt-quatre mois pourra atteindre trente-cinq mois, car dans l'hypothèse où un logement deviendrait vacant en février de l'année n, il serait taxable non au mois de février de l'année n + 2 mais au premier janvier de l'année n + 3.

Plusieurs cas d'exonération sont prévus :

- les logements détenus par les organismes d'habitations à loyer modéré et les sociétés d'économie mixte et destinés à être attribués sous conditions de ressources sont exonérés ;

- la taxe ne sera pas due lorsque la vacance est indépendante de la volonté du propriétaire. Ainsi, le propriétaire qui a mis en vente ou en location, à un prix " normal ", un logement sans trouver preneur ne sera pas redevable de la taxe. De même seront exonérés les logements ayant vocation, dans un délai proche à disparaître ou à faire l'objet de travaux dans le cadre d'opérations d'urbanisme, de réhabilitation ou de démolition ;

- ne seront pas assujettis les logements qui ne pourraient être rendus habitables qu'au prix de travaux importants ;

- enfin ne seront pas considérés comme vacants les logements occupés pendant plus de trente jours consécutivement au cours de chacune des deux années de référence.

- Comment est calculé le montant de la taxe ?

Le calcul de la taxe est effectué à partir de la valeur locative du logement à laquelle est appliquée un taux progressif : 10 % la première année d'imposition, 12,5 % la deuxième année et 15 % à compter de la troisième année.

5. Création d'une nouvelle procédure de réquisition de locaux vacants

Afin de garantir le droit au logement et de résoudre, le cas échéant, quelques difficultés ponctuelles de logement dans certains bassins d'habitat, une nouvelle procédure de réquisition de locaux vacants a été créée : la réquisition avec attributaire.

Cette procédure n'a pas vocation à devenir un élément central de la politique du logement en faveur des plus démunis. Elle permet simplement d'adapter un mécanisme pouvant, dans des situations bien déterminées, constituer un outil utile pour donner un toit à ceux qui en sont dépourvus.

- Qui peut procéder à la réquisition ?

Le pouvoir de réquisition appartient au préfet.

- Quels sont les locaux concernés ?

Les locaux susceptibles d'être réquisitionnés devront remplir trois conditions :

- être situés dans les communes où existent d'importants déséquilibres entre l'offre et la demande de logement et où ce déséquilibre s'exerce au détriment des personnes à revenus modestes ou des personnes défavorisées ;

- être vacants depuis plus de dix-huit mois ;

- être à l'usage de personnes morales (bailleurs institutionnels, organismes publics et organismes parapublics, notamment).

Ainsi donc, les locaux détenus par les particuliers, personnes physiques, et par les sociétés civiles immobilières familiales, à savoir les SCI constituées exclusivement entre parents et alliés jusqu'au quatrième degré inclus, ne pourront pas faire l'objet de cette nouvelle procédure de réquisition.

- Quelles sont les garanties offertes à la personne morale dont le bien est réquisitionné ?

La personne morale dont le bien est réquisitionné, appelée titulaire du droit d'usage dans le corps de la loi, bénéficie de plusieurs garanties :

- la durée de la réquisition, qui est d'au moins un an, est limitée à six ans, et peut être portée à douze ans, lorsque l'importance des travaux de mise aux normes des locaux le justifie, mais un droit de reprise peut alors être exercé après une durée de neuf ans ;

- une indemnité est versée chaque mois. Elle est égale au montant du loyer déduction faite du montant de l'amortissement des travaux et des frais de gestion.

En outre, en amont, la mise en oeuvre de la procédure de réquisition donne lieu à un échange contradictoire avec le préfet, avec, entre autres, pour le titulaire du droit d'usage, la possibilité de faire part de son désaccord sur la poursuite de la procédure de réquisition et la possibilité de l'interrompre en s'engageant à mettre fin à la vacance du local concerné.

- Quel est le rôle de l'attributaire ?

L'attributaire est la personne morale au bénéfice de laquelle le local est réquisitionné.

Il a une fonction d'intermédiaire puisqu'il a l'obligation de louer le local dont il dispose à une personne rencontrant des difficultés pour se loger et qu'il fait effectuer, si nécessaire, les travaux exigés par la mise aux normes du logement. Il perçoit les loyers versés par les personnes logées et reverse au titulaire du droit d'usage une indemnité égale au montant de ce loyer déduction faite des frais de gestion et du montant de l'amortissement des travaux.

La loi précise explicitement les catégories d'attributaires : l'Etat, les collectivités territoriales, les organismes d'HLM, les sociétés d'économie mixte (SEM) de construction en locatif et les organismes contribuant au logement des personnes défavorisées, et spécialement agréés.

- Quels seront les bénéficiaires des logements réquisitionnés ?

Les bénéficiaires des locaux réquisitionnés, aménagés afin qu'ils puissent y loger, sont les personnes mal logées ou sans logis dont les ressources seront inférieures à un plafond fixé par décret.

Ils paieront un loyer déterminé en fonction du prix de base au mètre carré de surface habitable, prix fixé par décret, et seront titulaires de baux d'une durée d'un an renouvelable, avec un délai de préavis d'un mois. En outre, ces baux ne feront l'objet d'aucun dépôt de garantie, ni d'aucune caution, simple ou solidaire.

- Dans quelles conditions est assuré le relogement des bénéficiaires de la réquisition ?

Chaque année, trois mois avant l'échéance du bail, le préfet pourra proposer une offre de relogement aux bénéficiaires des logements réquisitionnés.

Par ailleurs, à l'issue de la période de réquisition, le bénéficiaire pourra conclure un contrat de location de droit commun avec le titulaire du droit d'usage.

Si tel n'est pas le cas, l'attributaire pourra lui proposer une offre de logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités. A défaut, le préfet sera tenu de faire une telle proposition.

6. Réforme des attributions des logements locatifs sociaux

Les modalités d'attribution des logements HLM sont souvent critiquées. On leur reproche principalement un manque de transparence et une certaine inefficacité notamment dans l'accueil des personnes en difficulté qui, en certains endroits du territoire, peut aboutir à des délais d'attente manifestement exagérés.

La loi comporte une réforme importante des attributions de logements qui, sans prétendre résoudre l'ensemble des problèmes - on ne peut en particulier attribuer des logements que dans la mesure des disponibilités dans le parc concerné et, à ce titre, le maintien d'une politique de construction soutenue est nécessaire - a comme objectif majeur de favoriser l'accueil des personnes défavorisées, de rationaliser les procédures et de renforcer les garanties offertes aux demandeurs de logements HLM.

- Quels sont les principes qui ont guidé cette réforme ?

La réforme des attributions de logements HLM repose sur deux principes : le recours privilégié à la voie contractuelle, à la concertation et le renforcement des garanties offertes aux demandeurs de logements.

S'agissant des rapports entre les principaux acteurs de la politique d'attribution, dont le rôle est expressément consacré à l'article L. 441 du code de la construction et de l'habitation, le choix a été fait de privilégier le contrat sur la contrainte. Ainsi, dans chaque département, seront conclus, entre le préfet et les organismes bailleurs, des accords collectifs qui comprendront, pour chaque organisme, un objectif quantifié d'accueil de personnes cumulant des difficultés économiques et d'insertion sociale. Bien entendu, si cette démarche contractuelle échoue, des sanctions sont prévues afin de contraindre les bailleurs récalcitrants.

Les maires pourront intervenir sur la répartition des objectifs quantifiés dans le parc des logements concernés par le biais de chartes intercommunales, créées au niveaux des bassins d'habitat, qui regroupent l'ensemble des intervenants (préfet, bailleurs sociaux, maires, associations...). Il faut souligner que l'intervention des maires est rendue possible à un échelon intercommunal et dans un cadre, le bassin d'habitat, reconnu depuis longtemps comme pertinent en matière de politique du logement mais qui trouve ici, pour la première fois, un rôle effectif.

Concernant le renforcement des garanties offertes aux demandeurs de logement, la loi renforce la transparence de procédures aujourd'hui trop souvent opaques et offre aux intéressés les moyens de suivre l'évolution de leur dossier mais aussi de mieux faire valoir leurs droits.

- Quelles sont les garanties nouvelles offertes aux demandeurs de logements locatifs sociaux ?

Cinq garanties sont offertes aux demandeurs de logements locatifs sociaux :

- Dans chaque département, l'accord collectif définira des délais d'attente manifestement anormaux au regard des circonstances locales au-delà desquels les demandes font l'objet d'un examen prioritaire.

- Chaque demande fait l'objet d'un enregistrement départemental unique, ce qui évitera les inscriptions multiples, et un numéro départemental d'enregistrement sera communiqué au demandeur, ce qui permettra, notamment, un meilleur suivi des dossiers.

- Les demandeurs devront être avisés des radiations les concernant, afin de mettre un terme aux radiations " clandestines " pouvant laisser croire aux demandeurs que leur dossier suit son cours, alors qu'il n'est plus pris en compte.

- Les rejets de demandes d'attribution devront être motivés et notifiés par écrit aux intéressés.

- Les demandeurs n'ayant pas reçu d'offre de logement dans le délai " normal " fixé par l'accord collectif départemental, pourront saisir une commission de médiation, placée auprès du préfet, et composée, à parité, de représentants des bailleurs sociaux et de représentants d'associations de locataires ou d'associations sont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées.

Cette commission émet un avis sur les réclamations dont elle est saisi, qu'elle adresse aux demandeurs, aux organismes bailleurs et aux collectivités locales concernés. Lorsque le requérant est une personne cumulant des difficultés économiques et des difficultés d'insertion, la commission de médiation saisit obligatoirement le comité responsable du plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées.

II.- MESURES DE PRÉVENTION DE L'EXCLUSION PAR LE MAINTIEN DANS LE LOGEMENT

1. Prévention des expulsions

L'expulsion après résiliation de plein droit d'un bail pour non-paiement du loyer ou des charges étant l'un des facteurs de l'exclusion par défaut de logement, la loi prévoit une procédure très complète de prévention des expulsions dont l'objectif est la réduction du nombre des jugements autorisant l'expulsion.

Il s'agit de faire en sorte que cette procédure ne concerne plus que les seuls locataires de mauvaise foi ou, en dehors du cas des impayés de loyers, les personnes qui se rendent indésirables à leur voisinage car elles ne respectent pas la règle d'un usage paisible des locaux dont elles disposent.

- Quels sont les logements concernés par la procédure de prévention des expulsions ?

Le dispositif de prévention des expulsions ne concerne que les locaux à usage d'habitation principale ou à usage mixte professionnel et d'habitation principale.

Il ne concerne ainsi ni les locaux meublés, ni les logements foyers, ni les logements attribués ou loués en raison de l'exercice d'une fonction ou de l'occupation d'un emploi, ni les locations à caractère saisonnier, ni les résidences secondaires.

- Quels sont les locataires concernés ?

Le dispositif s'applique à tous les locataires qui font l'objet, pour leur habitation principale, d'une action en résiliation de plein droit de leur bail pour défaut de paiement du loyer ou des charges, que leur logement appartienne à un bailleur social ou à un propriétaire privé.

Il est donc susceptible de concerner la grande majorité des locataires, la presque totalité des contrats de location comprenant une clause dite de " résiliation de plein doit ", dont la mise en jeu est automatique. Cette clause prévoit en effet que le bail prendra fin dès lors qu'une dette locative sera restée impayée, le rôle du juge, dont l'intervention est nécessaire, se bornant à constater la réalité de l'impayé et à vérifier la régularité de la procédure ayant conduit à ce constat et à sa saisine.

En revanche, les personnes titulaires d'un bail sans clause de résiliation de plein droit ne sont pas concernées. On observera d'ailleurs, que, s'agissant de ces baux, le problème de l'expulsion se pose très différemment, le juge ayant une large faculté d'appréciation pour déterminer au cas par cas si l'impayé objet du litige constitue une faute contractuelle suffisante pour prononcer la résiliation du bail.

- Quel est, actuellement, le déroulement de la procédure conduisant à une expulsion ?

Actuellement, la procédure conduisant à une expulsion s'articule autour de cinq éléments, qui interviennent dans l'ordre chronologique suivant :

- la constatation d'une dette locative portant sur le loyer ou les charges, qui se traduit par l'existence d'un commandement de payer resté infructueux dans un délai de deux mois ;

- un jugement constatant, sur la base du commandement resté infructueux, la résiliation de plein droit du bail pour défaut de paiement du loyer ou des charges et autorisant ainsi l'expulsion ;

- la délivrance, par huissier de justice, d'un commandement d'avoir à libérer les locaux ;

- la non-exécution de ce commandement ;

- l'expulsion par huissier de justice.

Les délais relatifs aux trois derniers éléments sont variables, le juge qui autorise l'expulsion au départ de la procédure, d'une part, le juge des référés et le juge de l'exécution, postérieurement, d'autre part, pouvant accorder des délais d'exécution du jugement.

En outre, pour être exhaustif, il faut rappeler que le locataire défaillant peut obtenir l'arrêt de cette procédure en sollicitant auprès du juge, avant l'expiration du délai de deux mois dont il dispose pour exécuter le commandement de payer, des délais de paiement.

- A quels stades de la procédure d'expulsion les nouvelles mesures de prévention interviennent-elles ?

Les mesures de prévention des expulsions interviennent sur deux points névralgiques de la procédure.

Elles tendent en effet :

- à réduire le nombre des jugements autorisant l'expulsion ;

- à permettre la prise en compte, dans les meilleures conditions de délai possibles, dans le cadre du plan départemental d'aide au logement des personnes défavorisées (PDALPD), des demandes de relogement des personnes expulsées.

- Comment l'objectif d'une réduction du nombre des jugements autorisant l'expulsion sera-t-il atteint ?

La réduction du nombre des jugements autorisant l'expulsion sera la conséquence d'une meilleure articulation des procédures administratives de solvabilisation des locataires défaillants, ou de relogement de ces locataires, et de la justice.

Le dispositif de prévention des expulsions prévoit d'abord un examen de la situation personnelle des locataires afin de s'assurer de leur solvabilité et d'éviter le départ de ceux dont la défaillance est purement temporaire, et afin, le cas échéant, de trouver une solution de relogement pour ceux dont les ressources sont insuffisantes de manière durable.

Il repose ainsi sur les éléments suivants :

- s'agissant des propriétaires privés, un délai de deux mois est prévu entre l'assignation du locataire en résiliation du bail et l'audience de plaidoirie, afin de permettre au préfet, à qui copie de l'assignation sera dorénavant obligatoirement remise, de saisir les organismes compétents en matière d'aides au logement, notamment le fonds de solidarité pour le logement, et les services sociaux concernés, en vue d'établir une note, transmise au juge, sur la solvabilité du locataire ;

- en ce qui concerne les bailleurs sociaux, est instituée l'obligation de saisir préalablement à toute assignation soit la section départementale des aides publiques au logement (SDAPL), pour les logements ouvrant droit à l'aide personnalisée au logement (APL), soit les organismes payeurs pour les logements dont les occupants perçoivent l'une des allocations de logement, à caractère familial (ALF) ou à caractère social (ALS) - c'est à dire -, pour l'essentiel, les caisses d'allocations familiales, et d'attendre l'expiration d'un délai de trois mois ou la décision de l'instance compétente. En outre, la procédure relative aux propriétaires privés, précédemment décrite, s'applique également, avec le délai de deux mois entre l'assignation et l'audience de plaidoirie.

Les bailleurs sociaux sont, pour l'essentiel, outre les SEM détenant des logements conventionnés, les organismes visés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation, à savoir :

- les offices publics d'aménagement et de construction (OPAC) ;

- les offices publics d'HLM (OPHLM) ;

- les sociétés anonymes d'HLM ;

- les sociétés anonymes coopératives de production d'HLM ;

- les sociétés anonymes de crédit immobilier ;

- les fondations d'HLM.

- Le rôle du juge est-il modifié ?

Le dispositif de prévention des expulsions prévoit également de modifier le rôle du juge qui ne se bornera plus à constater qu'un commandement de payer n'a pas été exécuté. En effet, le juge appréciera dorénavant la solvabilité du locataire et sa capacité à apurer la dette locative sur la base de la note qui lui sera transmise par le préfet. Il pourra ainsi, lorsque cette capacité sera avérée, reporter sine die la mise en jeu de la clause résolutoire de plein droit. Le locataire temporairement défaillant et de bonne foi conservera ainsi son logement.

- Comment les conditions de relogement des personnes faisant l'objet d'un jugement d'expulsion sont-elles améliorées ?

En ce qui concerne les personnes qui feront l'objet d'un jugement d'expulsion, on observe également une amélioration notable puisque la prise en compte de leur éventuelle demande de relogement dans le cadre du PDALPD interviendra beaucoup plus en amont.

En effet, ne sont actuellement transmises au préfet que les décisions accordant des délais prises par le juge de l'exécution, qui interviennent en fin de procédure.

Pourront être dorénavant transmises au préfet, d'une part, les jugements d'expulsion et, d'autre part, les ordonnances accordant des délais prises par le juge des référés. En outre, la transmission au préfet, par l'huissier de justice, du commandement d'avoir à libérer les locaux devient une obligation assortie d'une sanction, la suspension de la procédure.

- La nouvelle procédure est-elle plus défavorable aux bailleurs ?

Pour les bailleurs, propriétaires privés ou bailleurs sociaux, la procédure présente en première analyse le désavantage d'accroître les délais d'expulsion. Cependant, elle offre comme contrepartie fort appréciable une meilleure solvabilité des locataires défaillants. En outre, les différents stades de la procédure peuvent se recouper et offrir parfois une souplesse utile.

- Quelles sont les mesures complémentaires de prévention de l'expulsion ?

Deux autres mesures sont susceptibles de diminuer le nombre des expulsions :

- l'extension à l'ensemble des départements de la procédure des chartes pour la prévention de l'expulsion, conclues entre l'Etat, le département, les huissiers de justice, les bailleurs et les agents immobiliers, avec, éventuellement, une extension aux autres professions concernées par les questions relatives au logement ;

- la généralisation, au profit des bailleurs sociaux, du tiers payant pour l'allocation de logement à caractère familial (ALF), susceptible de réduire le nombre des cas d'impayés de loyers.

2. Mesures d'urgence contre le saturnisme

Afin d'éradiquer le saturnisme des jeunes enfants lié à l'ingestion d'écailles de peintures anciennes contenant du plomb, une procédure d'identification du risque et de réalisation, en urgence, des travaux nécessaires à la réfection des locaux contaminés est prévue.

Elle est fondée sur un accroissement des compétences du préfet, chargé de la centralisation de l'information relative au risque ainsi que du contrôle et, le cas échéant, de l'exécution d'office des travaux.

- Quels sont les locaux concernés ?

Tous les locaux présentant un risque d'intoxication au plomb, appelé dans la loi " risque d'accessibilité ", sont susceptibles de faire l'objet de la procédure prévue.

En pratique, il s'agit des immeubles d'habitation dont les peintures sont anciennes et en mauvais état, l'usage des peintures au plomb dans l'habitat ayant été réglementé après 1913 et formellement interdit en 1948.

En outre, le mauvais état d'entretien des locaux et le surpeuplement de l'habitat ont été identifiés comme deux autres éléments explicatifs du saturnisme infantile.

- Comment est organisée l'identification du risque de saturnisme ?

Deux procédures parallèles sont prévues pour l'identification du risque de saturnisme.

D'une part, lorsqu'un médecin dépiste un cas de saturnisme chez un enfant, il a l'obligation de saisir le médecin responsable du service de l'Etat compétent dans le département ou, le cas échéant, le médecin responsable du service départemental de la protection maternelle et infantile (PMI), à charge pour le médecin de l'administration d'informer le préfet de l'existence de ce cas de saturnisme. Le préfet doit alors immédiatement faire procéder, par un opérateur agréé, à une expertise dans l'immeuble de résidence de l'enfant atteint. Le respect de l'anonymat est garanti.

D'autre part, le préfet a également l'obligation de faire procéder à une telle expertise dès qu'il est informé d'un risque d'accessibilité au plomb dans un immeuble.

- Quelles sont les conséquences de la détection d'un risque d'intoxication au plomb dans un immeuble ?

Dans tous les cas, lorsque le risque d'intoxication au plomb est établi, soit parce que le diagnostic des expertises diligentées par le préfet est concluant, soit parce que l'on dispose d'un diagnostic de même portée établi dans d'autres circonstances par un opérateur agréé, deux actions sont prévues :

- d'une part, un suivi médical est organisé, le médecin du service de l'Etat compétent en matière sanitaire et sociale invitant les habitants de l'immeuble ayant des enfants mineurs à consulter un médecin. Ce médecin est soit le médecin traitant des enfants concernés, soit un médecin hospitalier, soit un médecin de prévention ;

- d'autre part, la réfection des locaux doit être effectuée. Le préfet peut en effet, après une procédure contradictoire et, le cas échéant, sous le contrôle du juge, faire exécuter d'office les travaux nécessaires à la suppression du risque d'intoxication, aux frais des propriétaires et copropriétaires concernés, si ceux-ci ne s'engagent pas à les réaliser dans un délai d'un mois. En outre, un contrôle de l'exécution des travaux effectués volontairement est assuré par le préfet et une procédure d'accès forcé aux locaux est prévue en cas d'opposition de la part du propriétaire ou du locataire.

- Quelle est la situation des occupants des locaux concernés ?

Lorsque la réalisation des travaux nécessaires à la suppression du risque d'accessibilité au plomb exige la libération temporaire des logements concernés, le préfet prend les dispositions nécessaires à l'hébergement provisoire des occupants.

Le coût de cet hébergement est à la charge des propriétaires concernés. Une fois les travaux réalisés, les occupants réintègrent leurs logements.

3. Renforcement de la protection des occupants de logements meublés

A l'heure actuelle les occupants de logements meublés ne bénéficient d'aucune des protections reconnues aux autres catégories de locataires. Seules les règles du code civil leur sont applicables, c'est-à-dire en particulier que la forme du bail est libre et que la durée en est déterminée librement par les parties. Cette situation a abouti à une insécurité juridique excessive, notamment pour les personnes logées dans des hôtels meublés.

La loi met en place un dispositif visant à assurer à ceux qui sont logés dans des meublés une protection minimale de leur droit au logement.

- Quels sont les logements meublés concernés ?

Les dispositions protectrices s'appliquent à toute personnes louant un logement à un bailleur mettant habituellement en location plus de quatre logements meublés.

Toutefois, deux catégories de logements meublés sont expressément exclues, il s'agit :

- des logements-foyers ;

- des logements faisant l'objet d'une convention avec l'Etat portant sur leurs conditions d'occupation et leurs modalités d'attribution, à savoir principalement les logements acquis par des organismes d'HLM en vue de l'hébergement temporaire des personnes en difficulté.

- Quelles sont les garanties offertes aux locataires ?

Les locataires ont droit à l'établissement d'un contrat écrit d'une durée d'un an qui est reconduit tacitement pour la même durée.

Deux exceptions sont prévues au renouvellement tacite :

- le bailleur qui, à l'expiration du contrat, souhaite en modifier les conditions, doit en informer le locataire avec un préavis de trois mois ;

- le bailleur qui ne désire pas renouveler le contrat doit informer le locataire en respectant le même préavis et motiver sa décision.

La durée du contrat peut être inférieure à un an dans deux hypothèses :

- lorsque le bailleur est titulaire d'un bail commercial venant à expiration ;

- lorsque la cessation d'activité du bailleur est prévue.

Toutefois, dans ces deux cas, si le bail commercial est renouvelé ou si l'activité est poursuivie, la durée du contrat est portée à un an.

Enfin, le locataire peut résilier son contrat à tout moment mais doit respecter un préavis d'un mois.

- Que se passe-t-il en cas de cessation d'activité du bailleur ?

Le bailleur qui, pour quelque motif que ce soit, est amené à cesser son activité doit informer les locataires titulaires d'un contrat de location en cours d'exécution, trois mois avant la date prévue de la cessation d'activité.

Dans cette hypothèse, sauf en cas de force majeure ou mise en _uvre d'une procédure de redressement judiciaire, la cessation d'activité ne peut intervenir avant l'expiration des contrats en cours ou avant le relogement des occupants concernés.

Si, malgré la cessation d'activité, les locaux gardent leur destination, le contrat de bail est tacitement reconduit.

Si la cessation d'activité est due à une opération d'urbanisme ou d'aménagement, les occupants doivent être relogés aux frais de l'opérateur.

TROISIÈME PARTIE : MESURES RELATIVES AU TRAITEMENT DES SITUATIONS DE SURENDETTEMENT

NOUVEAU TYPE DE SURENDETTEMENT, NOUVELLE APPROCHE

Comment une loi sur l'exclusion pourrait-elle ne pas comporter un volet sur le surendettement des ménages ? Les mécanismes qui conduisent progressivement, à la marginalisation financière d'un nombre croissant de nos concitoyens, à une spirale de la pauvreté, à l'accumulation des dettes ne sont pas uniquement économiques. La procédure actuelle de traitement du surendettement est inadaptée au traitement des surendettés sans ressources, notamment des chômeurs en fin de droits.

La loi du 31 décembre 1989 -premier texte spécifique sur le surendettement- avait un objectif essentiellement économique : régulariser les mécanismes de crédit, responsabiliser les prêteurs et les emprunteurs. Cet objectif a été largement atteint. Mais l'augmentation du chômage a fait apparaître un nouveau type de surendetté qui requiert une approche différente du surendettement : une approche sociale.

A côté du surendettement " actif ", un tiers des dossiers traités par les commissions concerne aujourd'hui le surendettement " passif ", caractérisé par l'impossibilité, pure et simple, de faire face aux besoins de la vie courante. L'absence totale de ressources se combine souvent avec le recours trop tardif aux commissions de surendettement. Les plans concertés, les recommandations échouent par irréalisme : la situation des surendettés est, dans la plupart des cas, bien pire que ce qu'on imagine et les solutions juridiques ne sont pas adaptées à ce nouveau type de surendettement. Le " succès " de la procédure de surendettement - dont on se passerait volontiers - témoigne de la gravité des problèmes actuels.

A ce jour, plus de 600 000 personnes ont eu recours aux commissions de surendettement, et la période récente témoigne à la fois d'une augmentation du nombre de dossiers - et donc d'un allongement de la durée de traitement des dossiers, dommageable au débiteur - et d'une dégradation de la situation des surendettés. De plus en plus de plans échouent, car les débiteurs ne peuvent pas les tenir. Il ne s'agit plus uniquement de répondre à des mauvaises anticipations. Il s'agit de situations beaucoup plus critiques auxquelles la loi ne permet plus de faire face. Faute de prendre en compte la réalité, nombre de plans ne peuvent être respectés.

Il fallait donc adapter la loi pour traiter plus en profondeur les causes du surendettement et mieux adapter les mécanismes aux besoins nouveaux apparus depuis la mise en place de cette législation, en 1989.

Cette adaptation, outre la création d'un " reste à vivre ", dont le calcul sera désormais harmonisé et ne dépendra pas de l'appréciation des commissions, se caractérise surtout par la possibilité ouverte à la commission de proposer, en cas d'insolvabilité notoire du demandeur, un moratoire d'une durée maximale de trois ans, suivi le cas échéant d'un effacement partiel ou total des dettes. Une liaison entre ce mécanisme et les remises de dettes fiscales est désormais assurée. La composition des commissions de surendettement a été modifiée, afin de rechercher plus d'efficacité dans le traitement des dossiers. Les droits des débiteurs - notamment pour demander au juge de suspendre les poursuites - ont été améliorés.

Le volet préventif du projet initial a été largement renforcé par des dispositions nouvelles concernant les cautions. Nombre de dossiers, en effet, proviennent de l'impossibilité pour une caution de faire face à l'endettement accumulé par un débiteur. Sans l'avoir voulu, la caution se retrouve donc en situation de surendettement. La loi prévoit désormais des procédures d'alerte et d'information des cautions. En outre, elle oblige à la mise en place au cours de la procédure de surendettement d'une somme - au moins égale au RMI - qui doit constituer un " reste à vivre " pour les intéressés, qui s'appliquera au-delà, pour les cautions comme pour les salariés en cas de saisie-arrêt sur leurs salaires de manière à éviter que ceux-ci ne soient conduits automatiquement à la procédure de surendettement. La loi nouvelle prévoit également en cas de vente forcée d'un bien immobilier du surendetté que les commissions de surendettement imputent le prix de vente sur le capital restant dû avant de l'imputer sur les intérêts.

Enfin le surendettement pose automatiquement le problème de l'accès au compte bancaire. Nous avons introduit des mesures significatives pour favoriser la réouverture des comptes et pour limiter l'accumulation des frais liés à la présentation des chèques non provisionnés.

Ainsi la loi comporte-t-elle un dispositif complémentaire adapté aux situations de détresse qui s'ajoute à la législation déjà existante sur le surendettement, dans le cadre de la lutte générale contre l'exclusion.

Véronique NEIERTZ

rapporteur sur les dispositions

concernant le surendettement

du projet de loi d'orientation

relatif à la lutte contre les exclusions

La procédure de traitement du surendettement (bref rappel)

Créée par la loi du 31 décembre 1989, modifiée en 1995, la procédure de traitement du surendettement s'adresse aux personnes qui ne peuvent, manifestement, plus faire face à leurs dettes.

La loi concerne uniquement les personnes de bonne foi. La procédure exclut les dettes professionnelles, que ce soit celles des commerçants et artisans, des exploitants agricoles, des entreprises ou des professions libérales.

Seul le débiteur surendetté peut engager la procédure. Il présente alors un dossier à la commission de surendettement la plus proche de son domicile, dont le secrétariat est assuré par les agences de la Banque de France. Cette commission doit :

- se prononcer sur la recevabilité du dossier ;

- dresser l'état global de l'endettement du débiteur et, éventuellement, vérifier les créances et leur montant ;

- tenter de mettre en place un plan amiable qui doit être approuvé par les créanciers et le débiteur ;

- en cas d'échec de cette phase amiable, préconiser des mesures de rééchelonnement, de réaménagement des taux ou de report des dettes en faisant des recommandations. S'il n'y a pas de contestation, le juge les entérine.

Les plans ou les recommandations peuvent être contestés devant le juge par le débiteur ou le créancier. Dans ce cas, le juge statue et peut prendre des décisions même si la commission ne les a pas préconisées.

Un fichier des incidents de paiement (FICP) tenu par la Banque de France permet au créancier d'apprécier la situation du demandeur dans sa globalité avant d'accorder un nouveau crédit.

I.- MESURES POUR LES MÉNAGES DURABLEMENT INSOLVABLES (SURENDETTEMENT PASSIF)

1. Suspension des poursuites en cours de procédure

Lorsque le dossier est jugé recevable par la commission de surendettement, le juge peut décider de suspendre, à titre provisoire, toutes les dettes du débiteur à la seule exception des dettes alimentaires. La suspension, d'une durée maximale d'un an, interdit au débiteur de contracter de nouvelles dettes et le dispense de payer ses créances, toutes les procédures d'exécution étant interrompues.

- Qui peut demander la suspension des poursuites ?

La loi met en place une procédure d'urgence pour permettre au juge de statuer dans les meilleurs délais sur des demandes de suspension des poursuites. Cette demande peut émaner du préfet, du président de la commission de surendettement ou de son délégué, du représentant de la Banque de France qui assure le secrétariat de la commission ou du débiteur lui-même.

2. Possibilité de mettre en place un moratoire suivi d'un effacement des dettes

Si la commission de surendettement constate qu'un plan de redressement ne peut être proposé au débiteur, elle peut alors recommander la mise en place d'un moratoire temporaire des dettes. Ce moratoire est lié au constat, par la commission de l'insolvabilité du débiteur caractérisée par l'absence de ressources ou de biens saisissables susceptibles d'assurer le remboursement de tout ou partie des dettes.

- Les créanciers peuvent-ils s'opposer au moratoire ?

Le moratoire est recommandé par la commission au surendetté comme aux créanciers. Il peut être refusé par l'un ou l'autre. Dans ce cas, le juge est saisi et peut décider la mise en oeuvre de mesures de redressement ou d'un moratoire, ou combiner certaines mesures de redressement avec un moratoire partiel.

- Sur quelles dettes porte le moratoire ?

Le moratoire porte sur toutes les créances, autres que les dettes alimentaires ou fiscales.

C'est à l'administration fiscale qu'il appartient de décider une remise partielle ou totale des dettes fiscales. Si celle-ci n'a pas déjà pris une décision de remise de dettes fiscales, elle prend sa décision au vu des recommandations de la commission de surendettement : elle doit donc les prendre en compte mais n'est pas tenue de les suivre. Les remises de dettes fiscales ne sont donc pas de la compétence de la commission de surendettement, mais ses recommandations peuvent désormais avoir une influence sur l'administration fiscale qui doit les examiner, conformément à l'article L. 247 du livre des procédures fiscales modifié par la présente loi.

- Quel est l'effet du moratoire sur les intérêts ?

Sauf si la commission de surendettement en décide autrement, le paiement des intérêts dus est, lui aussi, reporté en fin de période. Ces intérêts ne portent alors que sur le capital et leur taux est au plus égal au taux légal.

- Quelle est la durée du moratoire ?

La durée maximale du moratoire est de trois ans. La commission de surendettement peut préconiser des durées moindres.

- Quelles sont les suites d'un moratoire ?

A la fin de la période de trois ans maximum, si la situation du surendetté s'est améliorée, la commission lui propose un plan de redressement. Dans le cas contraire, elle peut préconiser un effacement total de la dette, autre que fiscale et alimentaire. Les dettes fiscales peuvent ici encore, faire l'objet d'un report si celui-ci n'est pas intervenu auparavant.

- Quelles sont les conséquences d'un effacement de dettes ?

Lorsqu'un effacement a été prononcé, aucun nouvel effacement portant sur des dettes similaires ne peut intervenir dans un délai de huit ans. La Banque de France conserve une trace, dans le FICP, de cet effacement, de manière à ce que les organismes de crédit, s'ils en font la demande, sachent qu'un effacement a eu lieu et qu'une nouvelle mesure sera impossible pendant ce délai. L'inscription disparaît automatiquement au bout de huit ans.

II.- MESURES APPLICABLES À L'ENSEMBLE DES PERSONNES SURENDETTÉES

1. Définition d'un reste à vivre

Afin de préserver un minimum vital, dans tous les cas et quelle que soit la commission de surendettement saisie, un montant de ressources doit rester alloué au surendetté pour lui permettre de faire face aux dépenses de la vie courante.

- A quel moment le reste à vivre est-il fixé ?

Dès que la commission de surendettement a jugé le dossier recevable, elle fixe le " reste à vivre ". Celui-ci s'impose aux plans conventionnels, aux recommandations de la commission et, le cas échéant, aux décisions du juge.

- Quel est son montant ?

Le reste à vivre est calculé comme la fraction insaisissable du salaire, fixée par le code du travail et ses textes d'application. Il est calculé en fonction des tranches de revenus. Actuellement, tout le salaire est saisissable pour la partie qui dépasse un revenu moyen mensuel de 9 116 F par mois. Au-dessous de ce chiffre, le calcul de la partie saisissable du salaire est fait par tranches de revenus. Ainsi, pour un salaire de 5 000 F par mois, 641 F peuvent être saisis, le reste à vivre est donc de 4 358 F par mois.

Toutefois, ces barèmes ne peuvent concerner toutes les situations, notamment si les ressources sont inférieures au SMIC. La loi prévoit donc que le reste à vivre doit, en toute hypothèse, être au moins égal à ce que l'intéressé(e) toucherait au titre du RMI 2.

- Est-il applicable en dehors de la procédure de surendettement ?

Le reste à vivre est également applicable :

- aux salariés (voir Première partie, IV) ;

- aux personnes qui deviennent débitrices parce qu'elles se sont portées caution. Lorsque cette caution est actionnée, la loi prévoit de leur laisser un montant de ressources équivalent au " reste à vivre ", donc au moins égal au RMI.

2. Renforcement des droits du débiteur devant la commission de surendettement

Actuellement, la commission de surendettement peut, si elle le souhaite, entendre le débiteur. La loi prévoit désormais que le débiteur a le droit d'être entendu, s'il le demande. Il peut se faire assister de toute personne de son choix.

La loi interdit les conventions qui prévoient l'intervention, contre rémunération, d'un intermédiaire ou d'une officine pour le compte du débiteur dans la procédure de surendettement.

Par ailleurs, la commission peut entendre toute personne dont l'audition lui paraîtrait utile, cette audition étant gratuite.

3. Établissement des créances sur une base plus claire et dans de meilleurs délais

La commission de surendettement vérifie la totalité des dettes et en établit le montant. Elle en informe les créanciers qui peuvent contester ces chiffres pendant trente jours. Lorsqu'ils contestent le montant de leurs créances, ils doivent indiquer s'il y a une caution et si elle a été actionnée. Le débiteur, s'il conteste la réalité de ces dettes - ou les demandes reconventionnelles de ses créanciers - dispose d'un délai de vingt jours.

Une fois cette phase de la procédure terminée, la contestation de la réalité et du montant des créances n'est plus possible.

4. Élargissement de la possibilité de rééchelonner les dettes et plafonnement du taux d'intérêt

La loi n'a pas modifié la phase de conciliation. Mais en cas d'échec de celle-ci, la commission peut, ensuite, choisir désormais, en fonction de l'insolvabilité partielle ou totale du débiteur, de recommander :

- soit un moratoire (voir I ci-dessus) qui se substitue à la possibilité actuelle de report

- soit un plan de redressement, avec notamment le rééchelonnement des dettes

- Quelle est la durée du rééchelonnement ?

La loi porte la durée maximale du rééchelonnement de cinq à huit ans (ou à la moitié de la durée des échéances restant dues). L'allongement de cette durée devrait permettre la mise en oeuvre de plans moins sévères et donc plus supportables par les débiteurs.

- Sur quelles dettes porte le rééchelonnement ?

Le plan porte sur toutes les dettes, à l'exception des dettes alimentaires. Mais les dettes fiscales font l'objet d'une décision spécifique des services fiscaux désormais représentés dans la commission de surendettement.

- Quel est le taux d'intérêt applicable aux dettes rééchelonnées ?

Actuellement les taux retenus dans les plans et souvent acceptés par les débiteurs demeurent à un niveau trop élevé et donc intenable. C'est pourquoi la loi fixe un plafond : elle dispose que les taux d'intérêts applicables à la dette sont au plus équivalent au taux légal. Celui-ci est fixé chaque année par décret. Il est actuellement de 3,36 %.

La vente forcée du logement principal du débiteur surendetté est-elle concernée ?

Dans ce cas, comme dans celui d'une vente amiable destinée à éviter une vente forcée, outre la réduction de la fraction des prêts restant dus, la commission impute le prix de vente sur le capital restant dû, de manière à éviter l'accumulation d'intérêts.

5. Inscription au fichier des incidents de paiement des dossiers de surendettement

La Banque de France tient à jour un fichier des incidents de paiements : le fichier national recensant les informations sur les incidents de paiement (FICP). Ce fichier, outre les recommandations de la commission dès leur application, recensera désormais les dossiers de surendettement dès que la commission les estime recevables. L'inscription a donc désormais lieu en cours de procédure, non à l'issue de celle-ci.

Cette mesure peut paraître rigoureuse à l'égard des personnes surendettées mais elle est de nature à éviter dans certains cas l'aggravation du surendettement puisque tous les établissements prêteurs seront informés, s'ils en font la demande, de l'existence d'une procédure de surendettement. En outre, ce dispositif évite un travail inutile de la commission de surendettement.

Les intéressés peuvent obtenir rectification des inscriptions erronées en s'adressant à la CNIL ou à la Banque de France.

6. Protection des personnes qui se portent caution

La loi s'efforce de mieux protéger les personnes qui se portent caution pour un débiteur emprunteur, appelées en droit civil " la caution ".

Lorsqu'un cautionnement indéfini est consenti par une personne physique, - par exemple lorsqu'il se porte garant pour un solde de compte bancaire - les frais et accessoires de la dette peuvent s'accumuler et atteindre des montants totalement inattendus si le débiteur principal ne règle pas ses dettes et si le créancier attend longtemps avant de mettre en cause la caution. Pour éviter une telle situation, qui peut s'avérer dramatique pour la caution, la loi prévoit désormais l'information annuelle de ce dernier par le créancier, s'agissant du montant de la créance et de ces accessoires. A défaut, ces accessoires, frais, pénalités de retard... ne peuvent plus être réclamés.

En outre, il est prévu l'information de la caution, personne physique, dès la première défaillance du débiteur principal dans le mois suivant le non-paiement. A défaut, les pénalités ou intérêts de retard échus entre la date de cet incident et l'information de la caution, ne sont plus dus par celle-ci.

7. Suppression de procédures dérogatoires de saisie immobilière

Les procédures dérogatoires dont bénéficiaient le Crédit foncier de France et le Crédit agricole lorsqu'ils effectuent une saisie immobilière, qui leur permettaient de déclencher plus facilement la saisie, privaient de possibilité d'appel les personnes poursuivies, prévoyaient de faire payer l'acquéreur beaucoup plus rapidement et ouvraient aux poursuivants la possibilité de bénéficier de formalités plus rapides sont abrogées.

8. Accès au compte bancaire

La réouverture d'un compte bancaire par une personne surendettée est facilitée. Le débiteur qui a bénéficié d'un effacement de ses dettes, à l'issue d'un moratoire, sera relevé de l'interdiction d'émettre des chèques, sans avoir à régler les chèques impayés ou à payer une pénalité libératoire.

Par ailleurs les frais bancaires liés à la présentation des chèques impayés seront réduits. Il a en effet été décidé que serait limité à deux le nombre de présentations de chèques sur un compte non provisionné.

1 Le texte intégral de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusionss a été publié par le Journal officiel dans un fascicule spécial n° 98-36 (collection Textes d'intérêt général).

2 On rappelle que le RMI est insaississable et modulable en fonction de la situation de famille du surendetté ou de la caution, selon des barèmes fixés par l'Etat.