N° 1731 ______ ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 22 juin 1999. RAPPORT D'INFORMATION DÉPOSÉ en application de l'article 145 du Règlement PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES(1) sur l'application de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail et prÉsentÉ par M. GaËtan Gorce Député. ___ (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page. Travail. La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; MM. René Couanau, Jean-Michel Dubernard, Jean-Paul Durieux, Maxime Gremetz, vice-présidents ; Mme Odette Grzegrzulka, MM. Denis Jacquat, Noël Mamère, Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; MM. Yvon Abiven, Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux, MM. André Aschieri, Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, MM. Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Baeumler, Pierre-Christophe Baguet, Jean Bardet, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Mmes Huguette Bello, Yvette Benayoun-Nakache, MM. Serge Blisko, Patrick Bloche, Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. Jean-Claude Boulard, Bruno Bourg-Broc, Mme Christine Boutin, MM. Jean-Paul Bret, Victor Brial, Yves Bur, Alain Calmat, Pierre Carassus, Pierre Cardo, Roland Carraz, Mmes Véronique Carrion-Bastok, Odette Casanova, MM. Laurent Cathala, Jean-Charles Cavaillé, Bernard Charles, Jean-Marc Chavanne, Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Yves Cochet, Georges Colombier, François Cornut-Gentille, Mme Martine David, MM. Bernard Davoine, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Marcel Dehoux, Jean Delobel, Jean-Jacques Denis, Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, MM. Guy Drut, Nicolas Dupont-Aignan, Yves Durand, René Dutin, Christian Estrosi, Claude Evin, Jean Falala, Jean-Pierre Foucher, Jean-Louis Fousseret, Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, MM. Germain Gengenwin, Mmes Catherine Génisson, Dominique Gillot, MM. Jean-Pierre Giran, Michel Giraud, Gaëtan Gorce, François Goulard, Jean-Claude Guibal, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M. Francis Hammel, Mme Cécile Helle, MM. Pierre Hellier, Michel Herbillon, Guy Hermier, Mmes Françoise Imbert, Muguette Jacquaint, MM. Serge Janquin, Armand Jung, Bertrand Kern, Christian Kert, Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, MM. Jacques Lafleur, Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lasbordes, Mme Jacqueline Lazard, MM. Michel Lefait, Maurice Leroy, Patrick Leroy, Maurice Ligot, Gérard Lindeperg, Patrick Malavieille, Mmes Gilberte Marin-Moskovitz, Jacqueline Mathieu-Obadia, MM. Didier Mathus, Jean-François Mattei, Mme Hélène Mignon, MM. Jean-Claude Mignon, Pierre Morange, Hervé Morin, Renaud Muselier, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Yves Nicolin, Bernard Outin, Dominique Paillé, Michel Pajon, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Bernard Perrut, Pierre Petit, Mme Catherine Picard, MM. Jean Pontier, Jean-Luc Préel, Alfred Recours, Gilles de Robien, François Rochebloine, Marcel Rogemont, Yves Rome, Jean Rouger, Rudy Salles, André Schneider, Bernard Schreiner, Patrick Sève, Michel Tamaya, Pascal Terrasse, Gérard Terrier, Mmes Marisol Touraine, Odette Trupin, MM. Anicet Turinay, Jean Ueberschlag, Jean Valleix, Philippe Vuilque, Jean-Jacques Weber, Mme Marie-Jo Zimmermann. INTRODUCTION 7 I - APRÈS LE 1ER JANVIER 2000, LA NÉGOCIATION RESTERA LE PIVOT DE LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL ET DE LA CRÉATION D'EMPLOIS. 21 A - LES 35 HEURES S'APPLIQUENT AU 1ER JANVIER 2000. UNE PÉRIODE D'ADAPTATION DOIT ÊTRE ENVISAGÉE POUR LES ENTREPRISES DE PLUS DE VINGT SALARIÉS N'AYANT PAS ENCORE CONCLU D'ACCORD À CETTE DATE. 21 1. La durée légale du travail sera ramenée à 35 heures au 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de vingt salariés. 21 2. Le 1er janvier 2000 ne saurait être considéré comme une date-couperet. 22 B - LES NÉGOCIATIONS DOIVENT POUVOIR SE DÉVELOPPER DANS LES CONDITIONS LES PLUS FAVORABLES POSSIBLES. 23 1. La deuxième loi devra encourager la poursuite et la conclusion des négociations entre les partenaires sociaux. 23 2. Le système du mandatement, qui a fait la preuve de son utilité, doit être maintenu. 24 3. L'appui-conseil doit rester un outil d'encouragement et de préparation de la négociation. 26 4. Des réflexions devraient s'engager afin de faciliter la négociation dans les très petites entreprises. 27 C - LE NOUVEAU DISPOSITIF D'AIDES ET D'ACCOMPAGNEMENT FINANCIER INCITANT À LA NÉGOCIATION SE METTRA EN PLACE AU 1ER JANVIER 2000. 28 1. L'aide structurelle : une contribution logique au bouclage financier des 35 heures. 28 2. Les allégements de cotisations sociale patronales : un second volet favorable à l'emploi 31 3. La condition d'un accord de réduction du temps de travail : la garantie d'une véritable contrepartie sociale et en emplois 35 II - LA SECONDE LOI DOIT ORGANISER LES CONDITIONS D'UNE RÉDUCTION EFFECTIVE DU TEMPS DE TRAVAIL DANS UN CADRE DE NÉGOCIATION STABILISÉ. 39 A - LES NÉGOCIATEURS DOIVENT BÉNÉFICIER D'UN CADRE JURIDIQUE CLAIR SUR TOUS LES ASPECTS LIÉS À LA NOTION DE TEMPS DE TRAVAIL EFFECTIF. 39 1. La négociation ne peut être l'occasion d'une remise en cause des règles de décompte du temps de travail effectif. 39 2. La réduction du temps de travail pose la question de l'évolution du régime applicable à des temps de travail « incertains ». 42 3. La loi ne saurait permettre la remise en cause des jours fériés. 48 B - LES CADRES DOIVENT BÉNÉFICIER DE LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL SELON DES MODALITÉS APPROPRIÉES. 50 1. Les accords issus de la loi sur les 35 heures intègrent très souvent la grande majorité des cadres dans le mouvement de réduction du temps de travail. 51 2. Plus généralement, il faut s'interroger à travers la seconde loi sur les moyens d'obtenir une réduction « effective » du temps de travail des cadres. 58 C - LE RÉGIME DES HEURES SUPPLÉMENTAIRES DEVRA ÊTRE AMÉNAGÉ POUR CONCILIER LE PASSAGE AUX 35 HEURES AVEC LA DYNAMIQUE DE NÉGOCIATION. 60 1. Le régime des heures supplémentaires à partir du 1er janvier 2000 a fait l'objet de prises de positions tranchées. 60 2. Des solutions pragmatiques à préconiser dans le cadre de la deuxième loi et applicables dès le 1er janvier 2000 63 D - UN MAINTIEN DU POUVOIR D'ACHAT DES SALARIÉS PAYÉS AU SMIC DOIT ÊTRE GARANTI 65 1. Des impératifs sociaux doivent guider la recherche de la meilleure solution technique possible. 66 2. Diverses possibilités techniques répondant à l'impératif de maintien du niveau de rémunération sont envisageables. 67 3. Une solution efficace serait de verser obligatoirement à ces salariés une rémunération complémentaire garantissant ainsi leur pouvoir d'achat. 68 III - LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL DOIT S'ACCOMPAGNER D'UNE MAÎTRISE DES RYTHMES SOCIAUX ET DE TRAVAIL DES SALARIÉS. 71 A - POUR UNE SIMPLIFICATION ET UN ENCADREMENT DES DISPOSITIFS DE MODULATIONS ET D'ANNUALISATION 71 1. Un seul type de modulation pourrait suffire. 71 2. La modulation doit être mieux encadrée. 74 B - POUR UN TEMPS PARTIEL CHOISI ET BIEN AMÉNAGÉ 76 1. La question du temps partiel n'a pas fait, volontairement, l'objet d'un traitement complet dans la loi du 13 juin 1998. 77 2. Les salariés à temps partiel ont un régime particulier dans les entreprises ayant réduit collectivement le temps de travail. 80 3. La deuxième loi doit clarifier la définition du temps partiel et la place des salariés concernés dans l'entreprise. 82 C - VERS DE NOUVELLES RÈGLES DE VALIDATION DES ACCORDS DE RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 87 1. Des règles existantes plutôt strictes 87 2. Vers plus de démocratie sociale 88 D - VERS L'AFFIRMATION D'UN VÉRITABLE « DROIT AU REPOS » 89 1. La loi du 13 juin 1998 a permis de réelles avancées. 89 2. Le législateur doit rester attentif aux évolutions de l'organisation du travail. 90 TRAVAUX DE LA COMMISSION 93 Dans sa déclaration de politique générale, en juin 1997, M. Lionel Jospin avait clairement indiqué sa détermination à conduire une politique active de l'emploi. Récusant l'idée que tout aurait été essayé contre le chômage, le Premier ministre proposait de construire cette politique sur quatre leviers : - la relance de l'activité économique à travers une progression maîtrisée du pouvoir d'achat et un coût d'arrêt donné aux prélèvements sur les ménages, politique qui s'est traduite en 1998 par plus de 3 % de croissance et le gain de près de 400 000 emplois ; - la mise en place des emplois-jeunes pour réduire l'angoisse des familles devant le chômage de leurs enfants, et offrir de nouveaux services aux personnes, qui concernent désormais environ 200 000 jeunes de 18 à 30 ans ; - les allégements de cotisations sociales sur les bas salaires dont l'efficacité devrait être amplifiée en matière d'emploi dès lors qu'elles seront conditionnées au passage aux 35 heures ; - et enfin, la réduction du temps de travail, mouvement historique, interrompu depuis quinze ans, qui lie le développement économique avec une meilleure répartition des gains de productivité en faveur de l'emploi. Cette dernière ambition a suscité bien des débats. Sans doute avait-elle alimenté, au cours des deux dernières décennies, bien des réflexions. Sans doute figurerait-elle au programme du nouveau Gouvernement. Sa mise en _uvre annoncée à l'automne 1997 devait cependant faire événement. Ce débat n'est pas prêt de s'interrompre puisque, à la phase expérimentale ouverte le 13 juin 1998 va succéder la généralisation du dispositif au 1er janvier 2000. Aux réactions exprimées par le MEDEF, parfois de manière excessive, a répondu l'approbation de nos concitoyens, qui continuent de plébisciter une mesure dont ils attendent qu'elle permette d'améliorer encore plus la situation de l'emploi. Le rapporteur avait pu dresser, début mars dernier, un premier état des lieux. Près de trois mois plus tard, force est de constater que les premières conclusions qu'il paraissait alors possible de tirer de l'application de la loi du 13 juin, se trouvent dans l'ensemble confirmées. _ La réduction du temps de travail constitue un puissant vecteur de relance de la négociation sociale. Ce n'est pas le moindre des paradoxes pour les adversaires de la loi que de devoir admettre que celle-ci a enclenché le plus puissant mouvement de négociations collectives que la France ait connu depuis longtemps. Le rapporteur faisait observer précédemment qu'à la mi-février 2 355 accords avaient été conclus, concernant 805 000 salariés et créant ou préservant 37 200 emplois. On est aujourd'hui à près de 6 000 accords, ayant crée ou préservé près de 70 000 emplois. De même, 33 accords de branches avaient alors été conclus. Ce sont aujourd'hui 69 branches qui sont couvertes pour 8 millions de salariés concernés. Ce mouvement est d'autant plus significatif que, dans 90 % des cas, les accords d'entreprises sont signés à l'unanimité par des organisations syndicales présentes. Le succès du mandatement (plus des deux tiers des accords) a par ailleurs permis de faire entrer l'esprit de la négociation dans nos petites entreprises. Le rapporteur forme toujours l'espoir que la réduction du temps de travail sera l'occasion de fonder sur de nouvelles bases notre droit du travail en s'appuyant plus largement sur la négociation et moins souvent sur la réglementation. _ Au vu des accords signés, la réduction du temps de travail constitue une véritable avancée sociale. Là encore, le mouvement observé en mars dernier a été confirmé, qui se traduit par une réduction effective du temps de travail. La diversité des solutions retenues atteste à la fois de l'hétérogénéité des aspirations des salariés et de la souplesse offerte par la loi pour y apporter réponse. De même, la situation des salariés est très majoritairement réglée dans le sens d'une compensation salariale totale, assortie notamment de clauses de modération. Enfin, certaines souplesses, souvent jugées excessives dans certains accords de branches, ne sont pas reprises dans les accords d'entreprises (contingent d'heures supplémentaires ; amplitude excessive etc.). _ La réduction du temps de travail confirme qu'elle exerce en effet positif sur l'emploi. Les conditions le plus souvent réunies d'un financement équilibré des accords ont permis de nombreuses créations d'emplois. Le plus remarquable, sans doute, tient à ce que les accords aient concrètement validé les hypothèses faites par les auteurs de la loi notamment en termes de rapport productivité/emploi. La moyenne de création d'emplois se situe à 8 % des effectifs pour les accords aidés et à 3,4 % pour les accords non aidés. 56 767 avaient ainsi été créés ou sauvegardés le 5 mai dernier pour plus de 4 000 accords concernant 1 142 427 salariés. La tendance observée depuis laisse penser que le nombre d'accords signés au 30 juin devrait être supérieur à 6000 et correspondre à plus de 70 000 emplois. Rapproché des prévisions initiales du rapporteur, ce chiffre correspond à l'hypothèse haute de création d'emplois envisagée alors. * Paradoxalement, et cela avait déjà été observé dans le premier rapport, ces conclusions, tirées objectivement du constat qu'il est possible de faire de la mise en _uvre de la réduction du temps de travail, sont souvent laissées de côté, au profit d'interrogations portant sur l'avenir. Celles-ci sont sans doute légitimes au regard des enjeux qui restent à relever. La généralisation des 35 heures à l'ensemble des entreprises de plus de vingt salariés au 1er janvier 2000 soulève en effet de nombreuses questions auxquelles le présent rapport veut s'efforcer d'apporter des réponses, fondées aussi bien sur l'expérience des négociations conduites que sur les débats qui ont pu être engagés avec les partenaires sociaux. Trois grandes questions appellent réponses. - Comment concilier le principe du passage aux 35 heures au 1er janvier 2000 avec la nécessité d'organiser celui-ci par la négociation ? - Comment ajuster les règles relatives à la réduction du temps de travail à la réalité extrêmement diverse de la situation des entreprises ? - Comment, enfin, s'assurer d'une réduction effective du temps de travail et du respect de l'objectif de création d'emploi ? A ces trois questions, entreprises et salariés attendent des réponses qui seront au centre des débats au cours des semaines à venir. Les entreprises, souvent réticentes devant l'expérimentation sociale qui leur a été proposée, souhaitent disposer rapidement de nouvelles règles du jeu que les branches se sont souvent bornées à esquisser. La plupart des accords conclus à ce jour comportent d'ailleurs des clauses de rendez-vous pour tenir compte de la future législation. Les salariés, légitimement soucieux de leur pouvoir d'achat, attendent du législateur des signes clairs de sa détermination à garantir l'équilibre social des accords, écorné par certaines tentatives, très limitées mais largement médiatisées, conduisant par exemple à mettre en cause les jours fériés, à accentuer la flexibilité ou élargir les forfaits à toutes les catégories de salariés. A ces trois questions, la seule réponse simple est inspirée par le principe à l'origine du mouvement engagé de réduction du temps de travail : l'emploi ! Cet objectif ne pourrait être atteint que par l'articulation entre la loi et la négociation. A la loi de fixer des règles et un calendrier précis. Aux partenaires sociaux de faire en sorte que la réduction du temps de travail débouche réellement sur une nouvelle organisation de l'entreprise indispensable à la création d'emplois. Il faut, à ce stade, rendre hommage aux partenaires sociaux et en particulier aux organisations syndicales (au premier rang desquelles la CFDT et la CGT) qui n'ont pas hésité à s'engager avec force dans la bataille des 35 heures, préférant la difficulté d'une négociation pouvant déboucher sur de nouvelles avancées sociales à la facilité de la protestation. Est-il encore possible d'espérer que la principale organisation patronale fera preuve d'une même capacité d'initiatives ? En proposant de retenir toutes les conclusions issues des accords de branches ou d'entreprises, le MEDEF refuse, au fond, de choisir. Il prive ainsi les entreprises d'un porte-parole susceptible de garantir la prise en compte de leurs véritables intérêts. D'autres organisations telles que l'UPA (Union professionnelle des artisans) ou la CAPEB (Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment) ont fait le choix d'un dialogue souvent vif et difficile mais constructif avec le Gouvernement qui leur a permis de négocier de véritables compromis. * Le présent rapport s'articule autour de trois grands principes qui pourront servir d'axe à la future législation. Premier principe : pour favoriser l'emploi, la négociation doit être le pivot de la réduction du temps de travail. L'emploi ne se décrète pas, il se négocie. Tout l'enjeu de la deuxième loi sera de fixer des règles suffisamment rigoureuses pour qu'on ne puisse les contourner, suffisamment souples pour que l'on puisse s'y adapter. La nouvelle durée légale du travail, fixée à 35 heures, doit s'appliquer pour les entreprises de plus de 20 salariés au 1er janvier 2000. Sans date butoir, en effet, la réduction du temps de travail restera virtuelle. Il faut rappeler que, du milieu des années 70 à celui des années 80, le temps de travail s'est réduit en moyenne de 1 % par an. Ce rythme est quatre fois plus faible aujourd'hui. Si ce rythme initial avait été maintenu, la durée réellement accomplie serait déjà en deçà des 35 heures. Concrètement, cela signifie qu'au premier janvier 2000, la 36ème heure de travail constituera une heure supplémentaire dans toutes les entreprises de plus de 20 salariés. Une période d'adaptation est néanmoins indispensable pour permettre aux entreprises qui n'ont pas conclu d'accords avant cette date d'ajuster leur organisation et leur effectif à la nouvelle durée légale. Il ne s'agit en aucun cas de différer l'application des 35 heures mais de prendre en compte les délais nécessaires à la conclusion d'un accord. Faire tomber comme un couperet la nouvelle durée légale de 35 heures reviendrait à inciter des entreprises à faire l'économie de la négociation et à chercher à maintenir le volume d'heures travaillées sans création d'emplois par le jeu conjugué des heures supplémentaires, du travail précaire et de l'intensification du travail. Dans cette perspective, le régime des heures supplémentaires devra être provisoirement aménagé. Une solution envisageable pourrait consister soit à conserver le contingent de 130 heures, soit à n'imputer les heures supplémentaires qu'à partir de la 37ème heure au cours de la période d'adaptation. Dans tous les cas, les heures travaillées devront être soumises à majoration dont le montant, pour ne pas alourdir excessivement le coût du travail durant cette période d'adaptation, pourra être fixé entre 10 et 15 % pour rejoindre le taux maximal de 25 % en fin de période. En revanche, la majoration des quatre premières heures supplémentaires devrait bénéficier à l'UNEDIC ou au Fonds de réserve pour les retraites. Afin de prévenir toute man_uvre dilatoire, et aussi parce que l'effet emploi sera d'autant plus fort que les entreprises s'engageront de manière massive et simultanée dans la réduction du temps de travail, cette période d'adaptation devra être strictement limitée dans le temps. Elle devrait en revanche être annoncée suffisamment tôt pour inciter les entreprises à engager sans délai les négociations. L'attribution des aides devra enfin être conditionnée à la conclusion d'un accord. S'il n'apparaît pas possible, sur la durée et pour l'ensemble des entreprises, de soumettre l'attribution des aides à une condition d'emploi, il paraît en revanche indispensable de conditionner le versement des aides à la conclusion d'un accord de réduction du temps de travail. Cette conditionnalité sera de nature à garantir une réduction effective de temps de travail et à conforter l'objectif de création d'emplois. C'est dans ce contexte que prend toute son importance la baisse des cotisations sociales patronales, réforme structurelle de grande envergure annoncée par le Gouvernement. Deuxième principe : Pour soutenir la négociation, la loi doit assurer aux partenaires sociaux les moyens de parvenir à des accords équilibrés. La réduction du temps de travail devra continuer de bénéficier d'une aide adaptée indispensable à son financement, sans oublier bien entendu les effets de la réforme structurelle des cotisations sociales patronales. Les hypothèses de travail qui avaient présidé à la préparation de la première loi avaient permis d'anticiper un financement de la réduction du temps de travail à trois étages : la productivité, la modération salariale, le bouclage étant assuré par une aide forfaitaire garantissant l'entreprise contre une hausse de ses coûts. Les accords signés ont concrètement validé ce calcul. L'Etat devra maintenir cette aide structurelle qui doit être interprétée au fond comme le retour à l'entreprise de la plus-value tirée par les finances publiques de la création d'emplois supplémentaires permis par la réduction du temps de travail. Il serait par ailleurs légitime que cette aide soit renforcée pour les entreprises qui décideront de poursuivre le mouvement de réduction pour atteindre les 32 heures. Le législateur doit offrir au négociateur un cadre juridique clair et stable. Les salariés doivent en effet être prémunis contre les risques d'une réduction effective du temps de travail moins importante que celle officiellement affichée, par la remise en cause des modes de calculs du temps de travail effectif ou des jours de congés conventionnels. La première loi donne une définition précise du temps de travail effectif qui ne doit pas être remise en cause à l'occasion des négociations. La deuxième loi doit être également l'occasion d'apporter d'autres garanties. Ainsi, conviendrait-il de rappeler que la règle est que le temps de formation fait partie du temps de travail effectif sauf mise en place d'un co-investissement. De la même manière, la « remise au pot » des jours de congés conventionnels ne saurait être admise. La formule la plus appropriée pour éviter une telle dérive reviendrait à fixer une référence horaire annuelle intégrant des jours fériés. Il conviendra d'affirmer le principe du maintien et de l'évolution du pouvoir d'achat des salariés rémunérés au SMIC. La totalité des accords assurent une compensation salariale intégrale au niveau du SMIC. Cette donnée devra être intégrée dans la loi selon des modalités qu'il appartiendra au Gouvernement de définir. L'augmentation de 11,4 % du SMIC horaire présenterait le formidable inconvénient de s'appliquer aussi bien aux salariés ayant réduit leur temps de travail qu'aux autres. La formule d'une garantie mensuelle, liée à un complément différentiel paraît préférable pour autant que le salarié concerné bénéficie d'une garantie de maintien et d'évolution de son pouvoir d'achat. La validation des accords de passage aux 35 heures doit être conditionnée à la signature des syndicats majoritaires dans l'entreprise. Le droit du temps de travail est largement dérogatoire. Les accords qui le mettent en _uvre sont susceptibles d'avoir des incidences profondes sur les salaires, les rythmes de vie, les conditions de travail. Le législateur ne peut par définition, s'agissant d'un droit dérogatoire, prémunir les salariés contre tous les risques de dérives. La régulation ne saurait être assurée que par les organisations syndicales elles-mêmes. Deux options sont à ce stade envisageables. Une rénovation du droit d'opposition qui devra dans tous les cas intervenir au niveau de la branche ; la validation majoritaire des accords. Cette dernière formule paraît la plus satisfaisante dans la mesure où elle fait dépendre la validité d'un accord de réduction du temps de travail de la signature des syndicats majoritaires dans l'entreprise ou à défaut le vote des salariés. Elle apparaît comme la meilleure garantie d'accords équilibrés et comme un véritable progrès de la démocratie sociale. Troisième principe : la loi ne peut laisser aux seules entreprises la responsabilité de déterminer les rythmes sociaux et doit mieux encadrer les rythmes de travail. La réduction du temps de travail doit bénéficier aux cadres. Pour y parvenir, il convient de rechercher les règles les plus appropriées dont de nombreux accords de branches comme d'entreprises, fournissent l'exemple. Il ne saurait être question de laisser se produire la dérive parfois observée consistant à appliquer à toutes les catégories de cadres, voire de salariés, les forfaits tous horaires. Ceux-ci doivent être réservés aux cadres dirigeants. Les accords devraient en revanche, pouvoir intégrer un décompte en jours pour autant qu'ils prévoient explicitement les modalités de décompte horaire du temps de travail permettant d'assurer le respect des maxima. Le forfait avec référence horaire ne devrait pas être remis en cause. La modulation devrait être plus strictement encadrée. Si les accords ont fait apparaître la nécessité d'une fusion des différents types de modulations, en toute hypothèse, celle-ci devra s'accompagner de la mise en _uvre d'une programmation précise, d'un délai de prévenance d'au moins sept jours francs, dont le non-respect ouvrirait droit à un repos compensateur, et d'une limitation de l'amplitude de semaine de travail à 44 heures. La réduction du temps de travail doit être l'occasion de faire reculer le travail précaire et d'encourager le temps partiel choisi. Au cours des dix dernières années, le temps partiel a été le principal vecteur de la réduction du temps de travail. Il est aussi à l'origine d'une segmentation du monde du travail et d'une précarité accrue, en particulier pour les femmes salariées. Dans ces conditions, rien ne justifie plus que le temps partiel bénéficie d'aides spécifiques. Une harmonisation du régime des aides applicables à la réduction individuelle et à la réduction effective du temps de travail est aujourd'hui indispensable. Le temps partiel, au-delà d'un seuil, devrait être intégré dans le champ des accords et déclencher des aides structurelles comme les abattements pour les bas salaires, sous réserve de proratisation. Parallèlement les accords devraient prévoir les modalités d'exercice par les salariés à temps partiel du droit qui leur est reconnu de bénéficier prioritairement des emplois à temps plein par la réduction du temps de travail. Le bouleversement des modalités et des rythmes de travail auxquels nous assistons devrait conduire le législateur à définir progressivement un véritable droit au repos. L'individualisation des horaires, le recours aux modulations, le développement des nouvelles technologies contribuent à brouiller les limites du temps de travail et du temps hors travail. Sans remettre en cause, bien au contraire, les durées maximales qui constituent aujourd'hui la meilleure protection de la santé des travailleurs, le législateur devra également sanctuariser des périodes de la vie du salarié qu'aucun contexte de travail ne devrait pouvoir troubler. C'est le principe du repos journalier de 11 heures, transposition d'une directive européenne, introduit dans la loi du 13 juin 1998. Le législateur ne peut en effet abandonner totalement aux seules entreprises et aux partenaires sociaux la définition de rythmes de travail qui ont pour effet de bouleverser les rythmes sociaux. Il devrait également créer les conditions d'une concertation réelle au niveau des bassins d'emplois entre les entreprises, les sous-traitants et les collectivités publiques responsables des services publics pour s'efforcer d'anticiper et de maîtriser les incidences sur la vie collective des modalités de la réduction du temps de travail. * * * LES 35 HEURES : UN AXE FORT DE LA POLITIQUE DE L'EMPLOI MENÉE PAR LE GOUVERNEMENT Depuis son entrée en fonction, le Gouvernement accorde une place centrale à la lutte contre le chômage et toutes les formes d'exclusions. L'EMPLOI AU C_UR DES PRIORITÉS DU GOUVERNEMENT _ Le bilan de la politique d'emploi menée depuis deux ans par le Gouvernement depuis deux ans est positif. La croissance a été soutenue et la relance de l'activité confirmée et les effets sur l'emploi significatifs.
Source : ministère de l'emploi et de la solidarité, juin 1999 _ Ces résultats sont la conséquence d'une politique économique active et des grandes mesures prises par le Gouvernement et le Parlement depuis l'automne 1997. Les dispositifs d'aides à l'emploi peuvent être regroupés en trois grandes catégories : les incitations au développement de l'emploi en général, les dispositifs dont l'utilisation est par nature subordonnée à la réalisation d'embauches compensatrices ou au maintien de l'emploi, enfin, l'incitation à l'embauche de publics spécifiques en difficulté ou fragilisés. Cette troisième catégorie d'aides fait l'objet d'une attention particulière depuis 1997. A travers la loi du 29 juillet 1998 de lutte contre les exclusions, une action forte a été menée en direction des publics les plus en difficulté. Le Gouvernement a substitué à une approche traditionnelle du traitement social du chômage une approche qui, prenant appui sur une croissance économique consolidée, vise à casser la spirale du chômage par la création d'emplois, tout en concentrant un maximum de moyens publics sur l'accompagnement vers l'emploi des personnes qui en sont les plus éloignées et sur la lutte contre l'exclusion. Concrètement, une telle démarche suppose de faciliter l'accès des personnes les plus éloignées de l'emploi aux contrats aidés et de mettre en _uvre rapidement les programmes de lutte contre l'exclusion qui leur sont destinés. Ainsi, les contrats emploi-solidarité sont désormais réservés pour 80 % d'entre eux à des publics prioritaires suite à la loi de lutte contre les exclusions, l'objectif étant de renforcer le caractère transitoire de ce dispositif. Celui-ci doit bénéficier aux personnes pour lesquelles ils constituent la seule voie d'accès possible à l'emploi. De même, la loi du 29 juillet 1998 s'est donné pour objectif de reconfigurer le dispositif du contrat emploi-consolidé (CEC). Désormais, le CEC est accessible directement, sans passage préalable par un CES. Les « nouveaux » CEC, par leur durée totale (cinq ans sans passer nécessairement par le préalable d'un CES) et hebdomadaire (30 heures au moins) accroîtront ainsi les chances de retour à un emploi stable. _ Le dispositif des emplois jeunes est en plein développement. Le programme « nouveaux services - nouveaux emplois » dit emplois-jeunes constitue un élément moteur du développement de l'emploi grâce à l'impulsion donnée à l'émergence de métiers nouveaux et à la solvabilisation de champs d'activités jusqu'ici délaissés. Il faut rappeler que la loi du 16 octobre 1997 modifiée par celle du 29 juillet 1998 vise à aider à la création d'activités d'utilité sociale dans les domaines de la culture, du sport, ou de l'environnement notamment, pour des besoins émergents ou non satisfaits grâce à l'embauche de jeunes. La loi poursuit l'objectif de promouvoir un modèle de développement plus riche en emplois, en mettant en place un programme de soutien au développement d'activités nouvelles pour l'emploi des jeunes. Ce programme repose sur la mise en _uvre au plan local par les collectivités territoriales, les associations et les établissements publics d'activités d'utilité sociale répondant à des besoins sociaux qui ne sont pas satisfaits ou qui le sont insuffisamment. Ce programme qui n'a pas été conçu en premier lieu comme un dispositif d'insertion - il ne comporte pas initialement de ciblage particulier - est également pris en compte dans le cadre de cette politique. Ainsi le programme de lutte contre les exclusions a fixé comme objectif de permettre aux jeunes rencontrant des difficultés l'accès à 20 % au moins des emplois créés en 1999 et en 2000. Au total, la montée en puissance des emplois-jeunes a été très rapide. Au 31 décembre 1998, 158 450 emplois avaient été créés et près de 120 000 jeunes embauchés. A la fin mai 1999, 198 600 emplois-jeunes avaient été créés. On le voit, ces différentes actions marquent la volonté du Gouvernement de lutter efficacement contre le chômage et toutes les formes d'exclusion et d'enrichir la croissance en emplois durables. La mise en place des 35 heures s'inscrit pleinement dans ce double objectif. LES ACCORDS 35 HEURES : LA CONFIRMATION DES TENDANCES OBSERVÉES EN MARS 19991 AU BÉNÉFICE DE L'EMPLOI Les orientations du deuxième projet de loi sur les 35 heures doivent, en vertu de l'article 9 de la loi du 13 juin 1998, s'inspirer des enseignements qu'il est possible de tirer des accords conclus en application de celle-ci. Un bilan de ceux-ci est donc indispensable. _ Un bilan quantitativement encourageant Un premier constat s'impose : le mouvement de réduction du temps de travail a développé, à tous les niveaux, une dynamique de négociation inédite. Près d'une entreprise sur deux est engagée dans une telle démarche : au 30 juin prochain, même s'il peut être délicat de procéder à des estimations compte tenu de la durée des négociations (en moyenne six à neuf mois), près de 6 000 accords auront été conclus. Début mai, 69 accords de branches relatifs à la réduction du temps de travail avaient été signés, concernant près de 8 millions de salariés. Parmi ces accords, 32 ont fait l'objet d'une extension, certains comportant cependant des dispositions faisant l'objet de réserves ou d'exclusions. Le deuxième constat est que cette dynamique suscite un large assentiment tant des organisations syndicales que des salariés. Dans 90 % des cas, les accords sont signés à l'unanimité des organisations syndicales représentées. Ce soutien est également manifeste parmi les salariés, comme le reflètent bien les référendums d'entreprise organisés autour de ces accords. Le taux de satisfaction des salariés passés à 35 heures s'établit d'ailleurs à plus de 85 %. Le mouvement de réduction du temps de travail concerne des entreprises très diverses. Il est à noter - et c'est un signe fort du succès de la démarche des 35 heures - que les entreprises signataires d'accords sont, pour 45 % d'entre elles, des entreprises de moins de vingt salariés qui ne sont pourtant pas tenues de réduire la durée du travail avant le 1er janvier 2002. L'analyse de la répartition par secteurs fait apparaître qu'une majorité d'accords est conclue dans les services, mais que ce sont les entreprises industrielles qui sont surreprésentées en nombre de salariés. Enfin, les accords négociés prévoient la réduction du temps de travail pour la très grande majorité des salariés puisque les conventions la prévoient pour 90 % des salariés des unités signataires. Les salariés parfois exclus du mouvement relèvent de catégories spécifiques : les cadres, les commerciaux, les salariés à temps partiel. Il conviendra donc de leur porter une attention particulière dans le cadre de la deuxième loi. _ Un bilan positif pour l'emploi Au 5 mai 1999, date retenue par le ministère de l'emploi pour l'arrêt des comptes, les emplois créés ou préservés s'élevaient au nombre de 57 000 depuis l'entrée en vigueur de la loi. D'ici le 30 juin, le cap des 70 000 sera franchi. Les accords accompagnés d'une aide incitative ont en moyenne créé plus de 8 % d'emplois. Pour l'ensemble des accords, le pourcentage s'établit à 5 %. Ce mouvement de création d'emplois ne résulte pas de la conclusion de contrats de travail précaires. Elle s'est faite par des embauches réalisées aux trois quarts sur contrat à durée indéterminée (CDI), par une réduction du recours à l'intérim et par la transformation de CDD en CDI. _ Des négociations riches en enseignements Les accords conclus se présentent généralement comme des compromis gagnants-gagnants, et non comme un jeu à somme nulle. Chaque partie tire avantage de la négociation. Les entreprises tirent de la réduction du temps de travail deux avantages : - L'horizon financier devient plus prévisible du fait des clauses de modération salariale. - Les souplesses introduites dans l'organisation du travail des entreprises leur permettent de se rapprocher des besoins de leurs clients. Les salariés bénéficient quant à eux de : - la réduction du temps de travail à rémunération maintenue (dans 85 % des cas), et dans tous les cas, s'agissant des salariés payés au SMIC ; - l'amélioration des délais de prévenance en cas de changement de rythme de travail et, plus généralement, la meilleure prise en compte dans les négociations de la conciliation du temps de travail avec la vie personnelle du salarié. Les nouveaux embauchés n'ont pas fait les frais d'accords signés par des partenaires sociaux représentant les intérêts des parties existantes. Dans 90 % des cas, ils ont été embauchés aux mêmes conditions salariales que les salariés en place. * * * I - APRÈS LE 1ER JANVIER 2000, LA NÉGOCIATION RESTERA LE PIVOT DE LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL ET DE LA CRÉATION D'EMPLOIS. Aux termes de la loi du 13 juin 1998, les 35 heures doivent devenir la norme du temps de travail pour toutes les entreprises de plus de vingt salariés dès le 1er janvier 2000. En dessous de ce seuil, les entreprises auront jusqu'au 1er janvier 2002 pour organiser la réduction du temps de travail à 35 heures. Le cap sera maintenu. L'un des objets de la seconde loi sera de prévoir des mesures d'adaptation pour celles des entreprises de plus de vingt salariés qui n'auront pas encore pu, pour une raison ou une autre, signer d'accord de réduction du temps de travail (A). Au 1er janvier 2000, non seulement les négociations d'accords ne s'arrêteront pas, mais elles seront plus que jamais nécessaires et intenses. Le but que le législateur doit s'assigner dans ce cadre est de les encourager en créant des conditions et un environnement qui leur soient propices (B). Les modalités financières d'accompagnement à la signature de ces accords ont d'ailleurs été conçues pour faciliter ce mouvement de grande envergure (C). A - LES 35 HEURES S'APPLIQUENT AU 1ER JANVIER 2000. UNE PÉRIODE D'ADAPTATION DOIT ÊTRE ENVISAGÉE POUR LES ENTREPRISES DE PLUS DE VINGT SALARIÉS N'AYANT PAS ENCORE CONCLU D'ACCORD À CETTE DATE. Le fait de fixer au 1er janvier 2000 le cap de la nouvelle durée du travail à 35 heures pour les entreprises de plus de vingt salariés ne saurait occulter la nécessité de proposer une période d'adaptation pour celles qui n'auront pas pu finaliser leur accord à cette date. Des négociations seront en cours au 1er janvier ; d'autres se prépareront. Des règles doivent être posées pour que ne soit pas freinée ou entravée la dynamique à l'_uvre. 1. La durée légale du travail sera ramenée à 35 heures au 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de vingt salariés. La date de passage de la durée du travail aux 35 heures est fixée au 1er janvier 2000. Cette échéance a été annoncée de manière suffisamment précise et forte pour que sa confirmation ne suscite aucune surprise. Une conséquence directe sera que les heures effectuées au-delà de 35 heures seront des heures supplémentaires et taxées comme telles. Afin d'éviter, cependant, toute réduction brutale du volume d'heures travaillées, qui résulterait d'une application mécanique de la réduction du temps de travail, la négociation devra pouvoir se déployer lors d'une période limitée d'adaptation. Au cours de cette période, les entreprises de plus de vingt salariés n'ayant pas encore conclu d'accord devront ajuster leur organisation, leurs effectifs et leurs horaires à la nouvelle durée légale. 2. Le 1er janvier 2000 ne saurait être considéré comme une date-couperet. Les expériences ont montré que seule une réduction du temps de travail négociée entre les partenaires sociaux et jouant sur tous les paramètres de l'organisation du travail au sein de l'entreprise, était susceptible de fournir des conditions propices à la création d'emplois durables. Pour faire en sorte que la réforme des 35 heures se solde par un succès incontestable, sa mise en _uvre doit donc se faire, durant une période limitée, par la négociation. On sait aujourd'hui que la négociation d'un « bon » accord nécessite entre six et huit mois de travail au sein de l'entreprise entre la direction et les représentants des salariés. De là découle la nécessité de prévoir sur certains points une période d'adaptation pendant laquelle les entreprises pourraient continuer à négocier, le nouveau cadre légal tenant compte de cette situation. La deuxième loi devra ainsi prévoir de manière explicite ces éléments d'ajustement, notamment en ce qui concerne le régime des heures supplémentaires et les salaires. Il est évident, en effet, que « l'effet-couperet » jouerait contre l'objectif même de la loi. Cette observation est facile à démontrer. Imaginons une entreprise qui n'aurait pas conclu d'accord à l'expiration du délai qui lui est imparti par la loi du 13 juin 1998. Devant appliquer la durée légale hebdomadaire au 1er janvier, elle ne disposerait pour répondre à cette réduction du temps de travail que de deux solutions : - dans la première, elle choisit de restreindre sa production en l'adaptant à la réduction du facteur travail : cette stratégie du pire n'est évidemment pas de nature à optimiser son profit et reste essentiellement théorique ; - dans la seconde, elle modifie a minima l'organisation du travail de ses salariés et recourt aux heures supplémentaires pour maintenir la durée effective du travail à son niveau actuel à un coût naturellement supérieur ou bien procède à une intensification du travail de ses salariés couplée à un renforcement de la flexibilité (contrats à durée déterminée, heures supplémentaires). La perspective d'une période de négociation, assortie d'incitations comme le versement de l'aide structurelle et le nouvel abattement sur les bas salaires, ouvrira en revanche la possibilité d'un compromis « gagnant-gagnant », permettant de prendre en compte les contraintes des entreprises et les aspirations des salariés. Il est évident, par ailleurs, qu'une négociation sincère, approfondie, équilibrée est la condition de la réduction effective du temps de travail et de la création d'emplois. Qui peut penser que l'emploi peut résulter d'une règle de trois ? Les partenaires sociaux en détiennent, en revanche, la clef dès lors que l'objectif leur est clairement proposé. Il est clair, cependant, que cette période d'adaptation devra être strictement limitée dans le temps. B - LES NÉGOCIATIONS DOIVENT POUVOIR SE DÉVELOPPER DANS LES CONDITIONS LES PLUS FAVORABLES POSSIBLES. Un des intérêts de la deuxième loi est de favoriser le développement de la dynamique de négociation. Les procédures de mandatement comme le dispositif de l'appui-conseil doivent donc être maintenus voire renforcés dans cette perspective. 1. La deuxième loi devra encourager la poursuite et la conclusion des négociations entre les partenaires sociaux. La montée en régime des négociations doit se poursuivre en 2000. D'ici la fin de 1999, 2,5 à 3 millions de salariés devraient être couverts par des accords d'entreprise, à comparer avec les 10 millions de salariés du secteur privé travaillant à temps plein. La seconde loi aura aussi pour objectif d'accompagner et de développer la négociation. Le ministère de l'emploi et de la solidarité a d'ailleurs indiqué, dans un communiqué en date du 26 mars 1999 que le Gouvernement continuerait « de privilégier la négociation » dans le processus de la réduction du temps de travail, la deuxième loi devant « réduire la durée légale du travail selon le calendrier prévu ». Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a, pour sa part, déclaré 2 que la seconde loi « fixera des dispositions qui ne peuvent être modifiées par la négociation, par exemple le contingent d'heures supplémentaires, le repos compensateur auquel elles donneront droit et leur taxation ; mais il reviendra un certain nombre de domaines à la négociation ». La loi devra en outre permettra « de simplifier la réglementation sur la durée du travail avec des garde-fous ». Mme Martine Aubry a en outre eu l'occasion de souligner à diverses reprises que la seconde loi devrait s'appuyer sur le contenu des accords conclus dans les entreprises. Cela sera une garantie importante pour les négociateurs qui seront parvenus au 1er janvier 2000 à signer un accord. 2. Le système du mandatement, qui a fait la preuve de son utilité, doit être maintenu. Efficace, le système du mandatement a été l'une des clés de la réussite de nombreuses négociations. Il convient de conforter ce dispositif sans lequel de nombreux accords n'auraient pas pu être conclus. a) Deux tiers des accords sont signés par des salariés mandatés. D'après les données figurant dans le rapport d'étape présenté par la ministre le 20 mai 1999, les accords signés par la procédure du mandatement rassemblent un peu moins du cinquième des salariés concernés à cette date. Cependant, la part du mandatement dans la négociation est importante, avec près des deux tiers des accords signés. Ce chiffre important résulte de la part significative des petites, voire des très petites entreprises parmi les signataires des accords de réduction du temps de travail. Celles-ci sont dans la plupart des cas dépourvues de délégués syndicaux. Il faut rappeler que 46 % d'entre elles emploient moins de 20 salariés et 68 % moins de 50 salariés. les signataires des accords de réduction du temps de travail issus de la loi du 13 juin 1998
Source : ministère de l'emploi et de la solidarité, rapport d'étape, mai 1999 le mandatement pratiqué par les grandes confédérations syndicales
Source : ministère de l'emploi et de la solidarité, rapport d'étape, mai 1999 Il est clair que les dispositions de la loi du 13 juin 1998, qui ont permis la signature d'accords par un salarié mandaté en l'absence d'accord de branche, ont grandement facilité la conclusion de nombreux accords. b) La procédure du mandat en deux phases s'est imposée. Dans la pratique, les organisations syndicales ont mis en place un système de mandat en deux étapes : la première tient dans la désignation du salarié mandaté qui a pour mission de négocier un accord ; la deuxième étape est celle de la signature elle-même. La confédération syndicale donne son « feu vert » pour signer le texte mis au point. Trois syndicats, la CFDT, la CFTC et la CGC, ont particulièrement encouragé leurs unions régionales et départementales à suivre ce type de procédure, même si dans les faits cette exigence, louable, s'est parfois heurtée à une capacité de suivi insuffisante de la part des structures syndicales locales, souvent peu équipées. L'ensemble des organisations syndicales ont élaboré des mandats types. On peut noter que la CGT a prévu systématiquement une obligation d'information, voire de consultation des salariés par le salarié mandaté. Des formations ont par ailleurs été organisées, le plus souvent à l'échelon régional ou départemental, pour lequel le ministère de l'emploi a dégagé un financement spécifique, parfois complété, comme dans le Nord-Pas-de-Calais, par celui du conseil régional, ou comme en Bourgogne, par la préfecture de région. c) Le maintien de ce dispositif est une nécessité. En dépit de certaines critiques émanant de représentants syndicaux réticents à l'idée de développer ce type de procédure, ce dispositif présente incontestablement plus d'avantages que d'inconvénients. Il a le mérite essentiel de ne pas priver les entreprises, notamment les plus petites d'entre elles dépourvues de représentation syndicale, du bénéfice des accords et des aides auxquelles ceux-ci peuvent donner droit et de proposer aux salariés une première forme de représentation collective dans les entreprises qui en étaient dépourvues. C'est la raison pour laquelle il faut plaider pour son maintien après le 1er janvier 2000. Les négociations d'accords, qui devront concerner toutes les entreprises de plus de vingt salariés sans exception, nécessiteront alors sans doute l'usage de cette souplesse juridique indispensable. Des dispositions nouvelles pourraient, par ailleurs, prendre en compte la nécessité d'organiser le suivi et éventuellement la renégociation des accords afin de s'assurer du respect effectif des engagements pris dans le cadre du mandatement. 3. L'appui-conseil doit rester un outil d'encouragement et de préparation de la négociation. Il faut rappeler que la loi du 13 juin 1998 a mis en place un dispositif d'appui-conseil au bénéfice des branches et surtout des entreprises qui s'engagent dans la réduction du temps de travail. C'est ainsi qu'une aide financière de l'Etat a été prévue pour les petites et moyennes unités qui recourent aux services d'un consultant externe afin de préparer la négociation. L'ANACT (Agence pour l'amélioration des conditions de travail) été chargée d'accompagner et d'animer l'ensemble du dispositif, en s'appuyant sur son réseau régional, les ARACT, notamment pour favoriser par des actions de suivi et de formation le respect par les consultants du cahier des charges national auquel ils doivent souscrire pour pouvoir intervenir dans le cadre de l'appui-conseil. Au 30 avril dernier, près de 5 750 conventions d'appui-conseil avaient ainsi été signées entre les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) et les entreprises ayant souhaité bénéficier d'une intervention extérieure. Notons qu'une forte accélération de la signature de ces conventions est intervenue au cours des derniers mois : plus de 1 400 conventions ont été passées pour le seul mois d'avril. proportion des conventions de réduction du temps de travail précédées d'un appui-conseil Au 31 mars 1999
Source : ministère de l'emploi et de la solidarité, rapport d'étape, mai 1999 A la mi-mai 1999, le ministère estimait donc qu'environ 20 % des conventions de réduction du temps de travail signées au titre de la loi du 13 juin 1998 avaient été précédées d'une convention d'appui-conseil. Notons que cette proportion tend à croître puisque ce pourcentage s'établit à 25 % depuis le mois de janvier 1999. L'observation de terrain montre que l'appui-conseil joue un rôle réellement décisif dans la réflexion préalable à la négociation puis à son déroulement. Il donne la possibilité aux négociateurs de disposer d'un état des lieux, qui leur permet de partager plus facilement un diagnostic sur l'organisation du travail et les besoins de l'entreprise et d'esquisser, enfin, des solutions de compromis possibles. En cela, l'appui-conseil constitue un outil utile à la négociation qui ne devra pas être remis en cause par la seconde loi sur les 35 heures. 4. Des réflexions devraient s'engager afin de faciliter la négociation dans les très petites entreprises. Certains souhaitent réfléchir à la possibilité de faciliter encore davantage la signature d'accords dans les petites entreprises de moins de onze salariés notamment. Le niveau du bassin d'emploi pourrait fournir, le cas échéant, le cadre adéquat à un aménagement en ce sens. Il pourrait être intéressant de préconiser une ouverture des dispositions particulières existantes dans les entreprises de moins de onze salariés pour assurer le développement de la négociation collective. Le droit actuel prévoit déjà à l'article L. 132-30 du code du travail, introduit par la loi n° 85-10 du 3 janvier 1985, que des accords, conclus dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires effectifs, la durée effective et l'organisation du temps de travail, peuvent regrouper « au plan local ou départemental, professionnel ou interprofessionnel les entreprises occupant moins de onze salariés. » Ces accords instituent des commissions paritaires professionnelles ou interprofessionnelles qui concourent à l'élaboration et à l'application de conventions ou accords collectifs de travail ainsi qu'à l'examen, entre autres, « de questions relatives aux conditions d'emploi et de travail des salariés intéressés. » Il conviendrait d'examiner les moyens de relancer l'application de ce dispositif par l'ouverture des dispositions existantes pour permettre le développement de la négociation collective dans les entreprises de moins de onze salariés sur la réduction du temps de travail, au moins pour mettre en _uvre des négociations complémentaires d'application d'un accord de branche sur la réduction du temps de travail. C - LE NOUVEAU DISPOSITIF D'AIDES ET D'ACCOMPAGNEMENT FINANCIER INCITANT À LA NÉGOCIATION SE METTRA EN PLACE AU 1ER JANVIER 2000. Lors de la présentation du bilan d'étape de la première loi sur les 35 heures, la ministre de l'emploi et de la solidarité a également annoncé la mise en place de deux nouveaux mécanismes financiers applicables à compter du 1er janvier 2000, date du passage de la durée légale hebdomadaire de travail à 35 heures pour les entreprises de plus de vingt salariés. Le premier de ces mécanismes est directement lié à la réduction du temps de travail et prendra la forme d'une aide pérenne forfaitaire. Le second consiste en un allégement dégressif des cotisations sociales patronales sur les salaires jusqu'à 1,8 fois le SMIC. Les deux aides seront conditionnées par la conclusion d'un accord de réduction du temps de travail à 35 heures, seul à même de garantir que l'octroi de ces aides sert la création d'emplois et comporte des garanties sociales. 1. L'aide structurelle : une contribution logique au bouclage financier des 35 heures. L'aide pérenne, d'un montant forfaitaire de 4 000 francs par salarié et par an, annoncée par la ministre prendra le relais des aides incitatives existantes, même si elle s'en distingue par plusieurs traits. L'expérience a en effet montré que l'aide de l'Etat constituait un élément essentiel de l'équilibre financier des entreprises passant de 39 à 35 heures. a) Le relais logique de l'aide incitative mise en place par la loi du 13 juin 1998 L'abattement forfaitaire sur les charges sociales mis en place par la loi du 13 juin 1998 a constitué un élément déterminant du « bouclage financier » des accords conclus depuis l'entrée en vigueur de la loi. A ce jour, ce bouclage financier s'est établi de la façon suivante, répondant ainsi aux prévisions faites par le Gouvernement : - Le coût salarial de l'effet-emploi - donc déduction faite des gains de productivité réalisés par l'entreprise - est de 7,5 %. La modération salariale permet une économie de 2,5 % en moyenne et les gains réalisés sur les équipements et les stocks contribuent à hauteur de 0,5 %. - L'aide incitative a de son côté représenté 10 000 francs la première année par salarié dans la moitié des cas, allant même au-delà de 13 000 francs par salarié dans 36 % des situations. Compte tenu de sa dégressivité sur cinq ans, il est possible d'estimer que l'Etat finance en moyenne 4,5 % sur les 7,5 % du surcoût lié à la réduction du temps de travail. Pour les accords aidés, le financement de la réduction du temps de travail est donc intégral, les allégements de cotisations sociales se réduisant au fur et à mesure de la montée en charge de la modération salariale. Ce financement a préservé la compétitivité des entreprises et assuré le caractère durable des emplois ainsi créés. La démonstration du caractère déterminant de l'aide de l'Etat dans le financement des 35 heures a été faite en ce qui concerne les accords conclus jusqu'à présent. Aussi, le Gouvernement entend instituer à compter du 1er janvier 2000 une aide structurelle permanente d'un montant de 4 000 francs par an et par salarié. Elle sera réservée aux entreprises dont le passage à 35 heures prendra la forme d'un accord de réduction du temps de travail, « quelle que soit la date de signature de cet accord ». Elle viendra donc, compte tenu de cette précision, relayer le dispositif d'aide incitative à l'expiration de celui-ci pour les entreprises ayant conclu un accord avant le 1er janvier 2000. b) Des différences notables entre les deux systèmes La nouvelle aide présentée par la ministre de l'emploi et de la solidarité en même temps que le bilan d'étape de la première loi 35 heures, présente des caractéristiques la différenciant sensiblement du dispositif d'aide mise en place par celle-ci. Tout d'abord, le montant de l'aide pérenne sera logiquement inférieur. Le montant envisageable - c'est à dire optimisant l'effet emploi tout en préservant les grands équilibres économiques - des aides structurelles est, d'après les hypothèses testées par divers modèles macro-économiques, et notamment par M. Gilbert Cette, d'environ un point de cotisations par heure de réduction du temps de travail. Le passage de la durée légale du travail de 39 heures à 35 heures pourrait donc ouvrir droit à une aide équivalant à quatre points de cotisations par salarié par an, soit environ 5 000 francs. Avec un montant annoncé de 4 000 francs, la nouvelle aide structurelle ne constitue donc pas une surprise. Le caractère légèrement inférieur de ce montant à ce qu'autoriserait le seul maintien des équilibres économiques a une explication simple. L'aide structurelle reste en deçà du montant de l'aide incitative au plus fort de la dégressivité (dans la cinquième année) fixé à 5 000 francs : les entreprises ayant anticipé la date obligatoire de passage à 35 heures bénéficient donc, à juste titre, d'une prime. Le décalage entre le montant moyen de l'aide incitative (9 000 francs) et la nouvelle aide structurelle s'explique logiquement par le caractère pérenne de celle-ci. Le coût de cette aide de 4 000 francs appliquée à terme à quelques 11 millions de salariés devrait s'établir autour de 40 milliards de francs par an. Toutefois, compte tenu du caractère progressif de la montée en charge du système, lié au rythme de conclusion des accords de réduction du temps de travail, le financement devrait en être facilité et, en 2000, ne nécessiter qu'environ 15 milliards de francs. Il devrait pour l'essentiel être le fruit des « retours » induits par les créations d'emplois pour les régimes sociaux. Les organismes sociaux, l'UNEDIC et le budget de l'Etat bénéficieront en effet de recettes supplémentaires, et, s'agissant de l'UNEDIC, les dépenses diminueront. Les études réalisées par le ministère de l'emploi montrent que, sur les 4 000 francs d'aide, 1 400 « retourneraient » aux organismes de Sécurité sociale et 1 960 à l'UNEDIC. Le rapport déposé par le Gouvernement au Parlement pour le débat d'orientation budgétaire le 11 juin dernier va dans le même sens : dans l'hypothèse où quatre millions de salariés seraient couverts par des accords de réduction du temps de travail à 35 heures en 2000, le retour pour les finances publiques - au sens large - pourrait être de 20 milliards de francs. Mais la différence essentielle entre les deux dispositifs est qu'ils ne répondent pas aux mêmes objectifs. Les aides incitatives mises en place par la loi du 13 juin 1998 avaient pour objectif d'amorcer la « pompe du dialogue social » sur la question des 35 heures, les résultats de cette première expérience devant permettre de tirer les enseignements nécessaires à la généralisation de la réduction du temps de travail. Il fallait donc qu'elles soient particulièrement attractives. En outre, elles étaient assorties d'une obligation de création d'emplois - ou, dans le cas des accords défensifs, d'une obligation de maintien d'emploi - qui impose un effort important, dans un délai relativement bref, ce qui explique leur caractère dégressif. L'aide pérenne ne répond pas à cette logique conjoncturelle. Son attribution ne sera pas conditionnée par le respect d'une obligation quantifiée en termes d'emploi au niveau de chaque entreprise. Il ne s'agit aucunement d'une renonciation à l'objectif de créations d'emplois au c_ur de la démarche de la réduction du temps de travail, mais du constat qu'une démarche applicable sur une période déterminée ne l'est pas s'agissant d'un système permanent. Comment assigner aux entreprises un objectif de créations d'emplois sur le long terme, en faisant fi des cycles économiques, des variations de la croissance ? On ne peut non plus négliger les mutations inévitables des structures socio-économiques. Enfin, comment vérifier le respect d'une éventuelle obligation d'emploi par chacune des entreprises françaises, sauf à envisager un développement disproportionné des moyens de contrôle de l'administration du travail ? L'aide est conçue ici comme la contrepartie de l'effet emploi induit par la réduction du temps de travail au niveau macro-économique. Observons néanmoins que l'aide structurelle sera d'autant plus importante, étant attribuée par tête, que l'entreprise comptera d'emplois. 2. Les allégements de cotisations sociale patronales : un second volet favorable à l'emploi L'allégement des cotisations sociales patronales sur les salaires inférieurs à 1,8 fois le SMIC annoncé par la ministre vise prioritairement à favoriser l'emploi des salariés non qualifiés. Cependant, il apparaît comme complémentaire de l'aide structurelle et s'intègre dans l'ensemble du processus de réduction du temps de travail. La ministre de l'emploi a affirmé nettement devant l'Assemblée nationale lors des questions au gouvernement, le 19 mai 1999 qu'elle « souhaitait lier [une nouvelle] réduction des charges sociales à la réduction de la durée du travail, non pas, comme certains l'ont dit, pour compenser un coût, mais pour s'assurer qu'il y a une contrepartie efficace en matière d'emploi ». L'allégement des cotisations sociales patronales constitue un second volet au service de l'emploi qui viendra utilement compléter la réduction du temps de travail et fera d'ailleurs l'objet d'un débat distinct, dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 à l'automne prochain. On doit dans cet esprit se féliciter que l'attribution de cet allégement ait été subordonnée à un accord de réduction du temps de travail. Outre qu'il s'agit là d'une puissante incitation à négocier, ce couplage offre la garantie, qu'à travers la réduction effective du temps de travail, ces allégements serviront bien à l'emploi. Cette réforme répond à une préoccupation ancienne : la baisse des charges sur les bas salaires. Les coûts salariaux français sont moins élevés que ceux de certains de nos partenaires, l'Allemagne notamment. Il n'est donc pas question de céder au lancinant reproche fait par les organisations patronales de charges qui seraient de manière générale trop élevées. En revanche, nombreux sont ceux qui considèrent que les charges constituent un frein à l'embauche pour les salariés non qualifiés. Dès 1991, des voix se sont élevées - dont celle de l'actuelle ministre de l'emploi - pour prôner des allégements ciblés en leur faveur. Le projet de réforme des cotisations patronales a en outre fait l'objet d'une mobilisation importante de la majorité parlementaire à l'Assemblée nationale, notamment lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. A l'initiative de M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, et de M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général, l'Assemblée nationale a ainsi adopté un amendement au rapport annexé à l'article 1er du projet demandant au Gouvernement de déposer un projet de loi réformant les cotisations sociales patronales au premier semestre 1999. Le président Jean Le Garrec a par la suite, à plusieurs reprises, souligné l'intérêt qu'il y aurait à présenter simultanément les dispositions de la deuxième loi sur les 35 heures et la « nouvelle architecture » des cotisations patronales, même si d'autres modalités de financement étaient envisagées. Certaines études économiques récentes ont confirmé l'intérêt d'une telle réforme. La revue « Premières synthèses » relevait ainsi dans un numéro récent la forte dégradation de l'emploi dans les métiers non qualifiés entre 1983 et 1998. Le dispositif retenu présente l'avantage de s'inscrire dans la continuité de mesures existantes et d'offrir aux entreprises une règle stable et simple. Le transfert des cotisations sur la valeur ajoutée qui avait été envisagée par de nombreuses organisations ne relève d'ailleurs pas d'une inspiration différente. Il s'agit, en effet, de faire baisser le coût du travail pour décourager les phénomènes de substitution entre facteurs de production. Le dispositif présenté par le Premier ministre le 19 mai dernier est le suivant. Les entreprises ayant conclu un accord de réduction du temps de travail à 35 heures bénéficieront, à compter du 1er janvier 2000, d'un allégement dégressif des charges sociales patronales sur les salaires jusqu'à 1,8 fois le SMIC. Elles pourront en bénéficier quelle que soit la date de la signature de l'accord, bien entendu y compris pour les entreprises ayant devancé l'obligation légale de passage aux 35 heures. L'allégement sera compris entre 21 500 francs par salarié par an au niveau du SMIC et 4 000 francs à celui de 1,8 fois le SMIC. Les salariés rémunérés au-delà de 1,8 fois le SMIC ne donneront pas lieu à allégement. Ce dispositif ne constitue donc pas une simple extension de la ristourne dégressive mise en place par le Gouvernement d'Alain Juppé qui s'arrêtait à 1,3 fois SMIC. Il allège en effet le coût salarial de près de 70 % des salariés et modifie donc la nature d'un dispositif qui était parfois présenté comme une « trappe à bas salaires ». On peut noter que certains comme la CGT, par la voix de son secrétaire général, avaient demandé que l'allégement profite aux salariés payés jusqu'à trois fois le SMIC. Outre son coût, une telle mesure ne semble pas adaptée à l'objectif retenu : au-delà de 12 000 francs de salaire, le coût n'est plus le seul élément, voire l'élément déterminant dans la décision d'embauche par l'entreprise. Il devient difficile à ce niveau de rémunération de parler d'emploi non qualifié. Plus ambitieux que la ristourne dégressive, le dispositif proposé est de ce fait plus coûteux d'environ 25 milliards. Il a été exclu de financer cet allégement des cotisations patronales par un prélèvement supplémentaire sur les revenus du travail, fût-ce sur les hauts salaires. Outre les 43 milliards tirés du recyclage de la ristourne dégressive, deux nouveaux modes de financement ont été retenus qui devraient financer à parité le surcoût de 25 milliards. La taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) acquittée par les entreprises spécialisées, héritières des cinq taxes anciennement perçues par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), et d'un produit actuel de 2 milliards de francs, sera réajustée à la hausse en 2000. A partir de 2001, son assiette sera élargie aux consommations intermédiaires d'énergie, permettant en outre à la France de répondre aux obligations fixées par la directive Ecotaxe qui devrait être prochainement adoptée par le Conseil des ministres de l'Union européenne. Par ailleurs, une contribution sociale sur les bénéfices des sociétés sera instituée dès 2000. Elle ne concernera que les entreprises réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions de francs. Les PME en sont donc exemptées. Parallèlement, la surtaxe instituée en 1997 sera supprimée comme cela avait été prévu au 1er janvier 2000. Enfin, l'Etat garantira les régimes sociaux contre les fluctuations de cette contribution. Le produit de l'écotaxe et la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés pourrait être affecté à une sorte de « fonds de solidarité chômage », une caisse distincte garantissant l'usage de ces fonds au service de la politique d'allégements de charges, ce qui donnerait une réalité à l'engagement pris le 20 mai par le Premier ministre que « les ressources nouvelles dégagées (...) seront intégralement affectées aux baisses de cotisations aujourd'hui payées par les entreprises ». Au total, le surcoût de 25 milliards de l'abattement de charges sera financé par les entreprises les plus riches et par celles dont le caractère polluant engendre des conséquences néfastes et coûteuses, ce qu'il est convenu d'appeler des « externalités négatives », pour la collectivité. Enfin, la charge financière se déplace vers les entreprises employant peu de main-d'_uvre ou une main d'_uvre qualifiée. Pour autant, ces mesures sont financièrement neutres pour l'ensemble des entreprises et n'alourdissent en rien le prélèvement fiscal applicable à celles ci. _ Du côté des organisations patronales A l'annonce de ces mesures, le MEDEF s'est empressé de brandir la menace de la délocalisation « massive » et de dénoncer la création de nouveaux impôts. C'est semble-t-il juger de manière hâtive un dispositif dont toutes les recettes serviront de façon exclusive à l'allégement des charges des entreprises et négliger notamment son impact particulièrement positif sur les PME. La ministre de l'emploi s'est d'ailleurs étonnée des inquiétudes manifestées à l'égard de ce prétendu surcoût : « C'est un dispositif de très grande ampleur : au total plus de 2,5 fois le montant de la ristourne Juppé, soit 65 milliards sans effet d'aubaine puisqu'il y aura des contreparties liées à la RTT, et qui bénéficiera, au-delà de l'aide structurelle, à plus des deux tiers des salariés. Quand on met sur la table de tels montants, j'avoue ne pas comprendre la réaction du MEDEF dénonçant les hausses d'impôts sur les entreprises. » A l'autre bout du spectre, l'union professionnelle artisanale (UPA) estime, quant à elle, que le projet « va dans le bon sens » et rappelle que les grandes entreprises (plus de 500 salariés) n'accueillent plus que 10 % des effectifs contre 22 % en 1981. La logique de partage oppose nettement les entreprises recourant à une main d'_uvre peu qualifiée aux autres, farouchement hostiles à cette nouvelle répartition de la charge entre entreprises. _ Du côté des organisations syndicales Le consensus sur la nécessité d'une réforme des cotisations patronales à l'occasion du débat sur les 35 heures est assez fort, à l'exception notable de FO. Ainsi la CGT et la CFDT sont toutes deux convenues le 9 mars dernier, lors d'un échange de vues sur les 35 heures de cette nécessité. Mme Maryse Dumas, secrétaire confédérale de la CGT a, à cette occasion, déclaré souhaiter une remise à plat de l'ensemble des aides et allégements de charges. Les deux syndicats se sont déclarés favorables à un élargissement de l'assiette des cotisations patronales à d'autres éléments que les seuls salaires afin de définir un système moins pénalisant pour l'emploi. Pourtant, les réactions au dispositif présenté ne reflètent pas le soutien majoritaire que recueille cet objectif. Certains contestent l'intégration dans l'assiette d'un élément fiscal. D'autres partagent des doutes sur l'effet emploi de ce dispositif d'allégement de charges. Si le débat est appelé à se poursuivre, chacun ne peut en revanche que se réjouir que la solution retenue réponde à une triple exigence de nature économique et sociale : - premièrement, les salariés ne sont pas mis à contribution, ni par le biais d'une hausse de la TVA, ni par un « reprofilage » des cotisations sociales entre salariés (piste explorée par les services du ministère de l'emploi au cours de l'été 1998, mais abandonnée depuis) ; - deuxièmement, il n'est pas fait appel au budget de l'Etat ; - enfin, il n'y a pas d'alourdissement global des charges des entreprises mais un transfert de charges de secteurs vers d'autres. 3. La condition d'un accord de réduction du temps de travail : la garantie d'une véritable contrepartie sociale et en emplois Il n'était pas question pour le Gouvernement de procéder à des allégements de charges en faveur des entreprises sans en obtenir de contreparties sociales. Le passage aux 35 heures sera de toute façon une obligation légale et ne constitue donc pas en lui-même la contrepartie attendue. En revanche, ce passage peut donner lieu à une réorganisation du travail plus ou moins respectueuse des rythmes sociaux, des droits des salariés et plus ou moins riche en emploi. La conditionnalité des allégements à la signature d'un accord de réduction du temps de travail à 35 heures fournit la garantie que ces préoccupations feront l'objet d'une véritable négociation. Certains se sont étonnés de la condition absolue posée de manière très nette par le Gouvernement à l'octroi des nouveaux allégements de charges aux entreprises : la conclusion d'un accord de réduction du temps de travail constatant le passage aux 35 heures. Autant un tel accord présentait un caractère d'évidente nécessité avant le 1er janvier 2000 puisqu'il fournissait la preuve que les entreprises signataires devançaient l'obligation légale de passage aux 35 heures et constituait le fait générateur du versement de l'aide incitative, autant il pouvait sembler superfétatoire après cette date. « Pourquoi lier le versement d'une aide aux entreprises à la conclusion d'un accord alors qu'elles ne peuvent qu'appliquer la réduction légale du temps de travail ? » s'étonnait une des personnalités auditionnées par le rapporteur. Sous cet étonnement perçait une interrogation : le fait de ne pas bénéficier des aides de l'Etat exempterait-il de l'obligation de passer aux 35 heures ? La question est pertinente ; la réponse est claire. Toutes les entreprises devront, à compter du 1er janvier 2000 pour celles de plus de vingt salariés et à compter du 1er janvier 2002 pour les autres, respecter la durée légale du travail fixée à 35 heures qu'elles aient ou non conclu un accord. L'intérêt de la conclusion d'un accord est cependant réel et revêt un double aspect. Pour les entreprises de moins de vingt salariés, la conclusion d'un accord - assorti d'aides financières - peut être un moyen de devancer l'obligation légale de passage à 35 heures. Le lien entre la conclusion d'un accord et l'octroi des aides est de toute façon, quelle que soit la taille de l'entreprise, une puissante incitation à la négociation. Celle-ci reste indispensable comme le soulignait M. Yves Robineau, conseiller d'Etat, dans son rapport intitulé « Loi et négociation collective ». Pour les entreprises de plus de vingt salariés, elle est la condition pour que l'effet emploi joue à plein. _ Un lien indéniable entre la réduction du temps et la création d'emplois Il n'existe pas de lien de stricte proportionnalité entre la réduction du temps de travail et la création d'emplois nécessaire pour combler les besoins en emplois ainsi créés. On peut trouver trois explications principales : - Le travail n'est pas parfaitement divisible : la réduction du temps de travail ne crée pas les emplois que permettrait d'escompter l'application d'un simple rapport mathématique. - Les emplois nouveaux ne sont pas nécessairement pourvus par les demandeurs d'emplois déjà connus, car ils incitent de nouveaux demandeurs à venir sur le marché du travail. - Les entreprises réalisent des gains de productivité : dans le cadre des accords aidés, elles ont ainsi comblé près d'un tiers des vacances créées par la réduction du temps de travail. Il existe cependant une relation forte entre réduction du temps de travail et création d'emplois. Il n'est pas possible pour les entreprises de compenser la totalité des heures de travail « perdues » pour la production par des gains de productivité ou des aménagements de son organisation. L'effet emploi des accords conclus depuis la loi du 13 juin 1998 le démontre d'ailleurs : les accords aidés ont donné lieu à plus de 8 % de créations d'emplois. L'ensemble des accords - aidés ou non - fait apparaître une croissance de l'emploi de l'ordre de 5 %. Le chiffre mentionné dans le rapport déposé par le Gouvernement au Parlement pour le débat d'orientation budgétaire de 185 000 emplois créés par la réduction du temps de travail d'ici la fin 2000 paraît donc tout à fait vraisemblable. On a déjà souligné que l'absence d'objectifs chiffrés de créations d'emplois dans les futurs accords de réduction du temps de travail comparables à ceux présents dans les accords de première génération ne signifiait pas que l'emploi revêtirait une moindre importance. On doit tout d'abord compter sur la négociation pour faire émerger des objectifs en emplois adaptés à la situation prévalant dans l'entreprise. Il conviendrait par ailleurs de faire figurer dans chaque accord des modalités d'évaluation de l'impact attendu de la réduction du temps de travail sur l'emploi. L'absence d'objectifs chiffrés traduit simplement la différence existant entre un mécanisme expérimental, appliqué à un nombre limité quoique croissant d'entreprises, et un dispositif généralisé. _ La deuxième loi devra naturellement avoir pour vocation de renforcer ce lien. Les mécanismes d'incitation financière constituent le premier outil au service de cette ambition. Ce sont eux qui placent les entreprises dans la situation la plus favorable pour embaucher. Il conviendra cependant de réfléchir sur le sort des entreprises qui, de manière durable, se refuseraient à conclure un accord : faut-il, en maintenant la possibilité de bénéficier des aides sans condition de délai, créer une incitation permanente à conclure un accord ou faut-il au contraire inciter les entreprises à conclure rapidement en faisant valoir que les aides ne seront pas accordées passé un certain délai ? En revanche, la loi devrait clairement se placer dans une logique de réduction continue du temps de travail. La réduction de la durée légale ne doit pas épuiser le mouvement de réduction de la durée effective. A cet égard, il serait logique, dans une perspective de créations d'emplois, d'accorder une aide majorée aux entreprises qui s'engageraient à une réduction à 32 heures hebdomadaires. Le montant de cette aide devrait répondre aux mêmes critères que l'aide structurelle qui serait ainsi majorée de 1 250 francs par heure de réduction supplémentaire à condition que celle-ce permette d'atteindre le plancher de 32 heures. Aide pérenne et réforme des cotisations sociales patronales forment donc un dispositif cohérent au service de l'emploi et de la réduction du temps de travail. Même si les deux sortes d'incitations financières relèvent de logiques différentes, elles n'en sont pas moins complémentaires. Il est à cet égard impératif que les modalités techniques de l'allégement des cotisations patronales soient connues lors du débat sur le deuxième projet de loi relatif aux 35 heures pour la bonne compréhension de l'ensemble. II - LA SECONDE LOI DOIT ORGANISER LES CONDITIONS D'UNE RÉDUCTION EFFECTIVE DU TEMPS DE TRAVAIL DANS UN CADRE DE NÉGOCIATION STABILISÉ. Le succès de la négociation suppose que les partenaires sociaux puissent s'appuyer sur un cadre juridique clair et stabilisé. La loi doit ainsi préciser ce qu'elle entend régler directement et ce qui est laissé à la négociation. Ainsi en va-t-il du temps de travail effectif dont la définition, issue de la loi du 13 juin 1998, doit être rappelée ou des jours de congés conventionnels qui ne font l'objet, pour l'instant, d'aucune protection législative (A). Il en va de même des cadres qui ne peuvent bénéficier de la réduction du temps de travail que si des solutions adaptées leur sont proposées, solutions que la loi doit reconnaître et définir dans ses grandes lignes (B). Les modalités du régime des heures supplémentaires devront être provisoirement aménagées pour permettre aux entreprises de s'adapter à la nouvelle durée légale (C). Ainsi en va-t-il enfin de la compensation salariale dont l'ampleur doit être laissée à l'appréciation des négociateurs mais dont la loi doit garantir l'intégralité pour les salariés rémunérés au SMIC (D). Ces données fixées, les salariés comme les entreprises bénéficieront de la sécurité juridique indispensable à des accords équilibrés. A - LES NÉGOCIATEURS DOIVENT BÉNÉFICIER D'UN CADRE JURIDIQUE CLAIR SUR TOUS LES ASPECTS LIÉS À LA NOTION DE TEMPS DE TRAVAIL EFFECTIF. La réduction du temps de travail ne peut être créatrice d'emplois que pour autant qu'elle soit effective. Il convient à cet égard de rappeler les règles applicables, de prévenir les risques de contournement de la loi et, enfin, de protéger jours fériés et congés conventionnels. 1. La négociation ne peut être l'occasion d'une remise en cause des règles de décompte du temps de travail effectif. Un travail de clarification de la notion de temps de travail effectif a déjà été entrepris tant par le juge que par le législateur dans la loi du 13 juin 1998. Ces règles doivent servir de point d'appui aux négociateurs face aux tentatives de remise en cause du décompte du temps de travail effectif. La définition du temps de travail effectif est désormais délimitée par la loi et le juge. Cette notion est centrale à plus d'un titre. Elle sert de référence : - pour déterminer la rémunération (basée sur le temps travaillé, la mensualisation correspondant à un nombre moyen d'heures par mois) ; - pour appliquer et contrôler la législation du temps de travail comme le respect des maxima ; - pour servir de base au calcul du déclenchement et de la réalisation des heures supplémentaires. Il s'agit donc d'un élément fondamental pour apprécier l'application de la législation sur la durée du travail et ses différentes formes d'aménagement. Cette notion prend d'autant plus d'importance que l'on est passé d'une pratique très collective et très homogène d'horaires de travail stables sur la journée et sur la semaine (exception faite des heures supplémentaires), concernant des salariés occupés à des activités de production clairement identifiables, à une réalité beaucoup plus délicate à cerner. Plus difficile à délimiter qu'auparavant, la notion de temps de travail effectif est aujourd'hui régie par le code du travail, la jurisprudence et le droit conventionnel. Le code ne comporte que peu de précisions au sujet du temps de travail effectif. En dehors du premier alinéa de l'article L. 212-4, on peut relever que le code du travail assimile certains temps à du travail effectif : la formation dans le cadre du plan de formation sauf si la durée dépasse 300 heures, et les heures de délégation. La question des temps de pause par exemple a dû être réglée par le juge en grande partie. La jurisprudence a ainsi admis que la rémunération des temps de pause ne suffisait pas à faire considérer les temps de pause comme un travail effectif3. La chambre sociale de la Cour de cassation a admis que le temps de repas pouvait être compris dans le temps de travail effectif, dès lors qu'en raison de la spécificité de leurs fonctions, les salariés travaillant en cycle continu ne pouvaient s'éloigner de leur poste de travail et restaient à la disposition de l'employeur, même pendant le temps de repas4. Ont été exclues du décompte du temps de travail effectif les heures de route pour se rendre à un chantier par exemple, en l'absence de toute disposition conventionnelle contraire5, de même que le temps réservé à la douche6. Un effort de définition salutaire a été entrepris lors des débats sur la loi du 13 juin 1998. C'est grâce à l'Assemblée nationale que la loi du 13 juin 1998 comporte une définition du temps de travail effectif. L'Assemblée nationale a en effet adopté un amendement introduisant dans le Code du travail une définition de la durée du travail effectif (article L. 212-4, premier alinéa). L'article 5 de la loi du 13 juin 1998 dispose que : « La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. » Cette définition, qui est la transposition en droit interne de dispositions de la directive européenne du 23 novembre 1993 relative à certains aspects de l'aménagement du temps de travail, a permis de donner une base législative à certains apports de la jurisprudence sur ce sujet. Elle a conforté l'orientation de la jurisprudence de la Cour de cassation ; celle-ci a depuis continué à intégrer, à l'occasion de plusieurs arrêts, dans le temps de travail effectif des temps que l'on pourrait qualifier d'« incertains ». Le deuxième alinéa de l'article L. 212-4 dispose que « la durée du temps de travail [ telle que définie au premier alinéa ] s'entend du travail effectif à l'exclusion du temps nécessaire à l'habillage et au casse-croûte ainsi que des périodes d'inaction dans des industries et commerces déterminés par décret. Ces temps pourront toutefois être rémunérés conformément aux usages et aux conventions ou accords collectifs. » Dans un premier temps, la Cour de cassation a estimé que la liste des exclusions données par cet alinéa n'était qu'indicative et que, par suite, tous les temps de repos, quelle que soit l'affectation (douche, repas, pause) non consacrés à une activité effective, ne devaient pas, à défaut d'assimilation légale ou conventionnelle, être considérés comme temps de travail effectif7. Dans des arrêts plus récents, la Cour a retenu comme critère essentiel celui du premier alinéa de l'article précité ; c'est-à-dire qu'elle a examiné si le temps de l'astreinte était ou pas un temps pendant lequel le salarié est à la disposition permanente de l'employeur en vue d'une éventuelle intervention sans pouvoir, de ce fait, vaquer librement à ses occupations. Le critère du lieu où se déroule l'activité n'est pas à lui seul déterminant. Le fait que le salarié se trouve dans l'entreprise ou à l'extérieur de l'entreprise, en déplacement, à son propre domicile ou en tout lieu où il peut être joint, n'est pas déterminant en la matière. La Cour considère depuis plusieurs années comme temps de travail effectif le temps pendant lequel le salarié est à la disposition permanente de son employeur, sous son autorité, sans effectuer de prestations ou en assurant une fonction de présence ne correspondant pas à un travail effectif comme les activités de surveillance, de gardiennage ou de permanence8. Par exemple, la Cour de cassation a récemment considéré, dans un arrêt en date du 10 mars 1998, Aéroport de Paris, que les temps de pause repas au cours desquels les salariés ne pouvaient s'éloigner de leur poste de travail étaient du temps de travail effectif. Pour aboutir à cette conclusion, la chambre sociale a retenu que les juges de fond avaient constaté que les salariés demandeurs restaient à la disposition de leur employeur pendant le temps de repas, ne pouvaient s'éloigner de leur poste de travail et étaient susceptibles d'être appelés à intervenir sur leur poste de travail pendant les temps de repas. Dans un article paru dans la revue de Droit social de juin 1998, Gilles Bélier écrit : « Cette décision, de même que toutes celles qui ont requalifié les sujétions, considérées par les employeurs comme des astreintes, en temps de travail effectif, peut aussi être rapprochée de la nouvelle définition du temps de travail effectif et permettre d'identifier un point commun à cet ensemble. Ce point commun serait l'exercice possible et permanent du pouvoir disciplinaire de l'employeur. » Cette jurisprudence, qui a précédé l'introduction dans le code du travail du premier alinéa de l'article L. 212-4, est confortée et rappelée par le juge depuis la loi du 13 juin 1998. On peut considérer qu'elle offre aux négociateurs une base juridique solide qu'il est d'autant plus nécessaire de rappeler qu'elle reste mal connue. 2. La réduction du temps de travail pose la question de l'évolution du régime applicable à des temps de travail « incertains ». Comment qualifier le temps où le salarié est dans l'entreprise sans effectuer de travail, tel un temps de pause, un « temps mort » dans les professions relevant d'un régime d'équivalence, un temps d'astreinte pendant lequel le salarié n'effectue aucune activité, mais reste à la disposition de l'employeur ? a) Pour éviter un éventuel développement inconsidéré des systèmes d'astreintes Les périodes d'astreintes peuvent être définies comme des périodes de simple présence, d'attente ou de disponibilité passées au domicile du salarié ou sur le lieu de travail pendant lesquelles le salarié, bien que n'exerçant aucune activité effective, reste, à la demande de l'employeur, à sa disposition afin d'être en mesure d'intervenir en cas d'urgence ou de nécessité. La multiplicité des appellations (permanences, temps à disposition, gardes, surveillance) renvoie en fait à une réalité multiforme. L'astreinte, qui suppose que le salarié n'exerce aucune activité effective, se distingue en cela du temps d'équivalence pendant lequel le salarié, présent sur les lieux de travail, voit son activité coupée par des temps morts et reste soumis au contrôle de l'employeur. _ Une quasi absence d'encadrement législatif et la prédominance du conventionnel Il convient de rappeler que, sur le plan légal, l'encadrement des astreintes est particulièrement défaillant à l'heure actuelle. Aucune disposition législative n'encadre aujourd'hui le recours à ce système. En effet l'article 46 de la loi quinquennale du 20 décembre 1993 (article L. 212 - 2 du code du travail) avait fait pour la première fois référence à cette notion en indiquant qu'un décret d'application devait prévoir les modalités de recours aux astreintes. Aucun décret n'a été publié. Ainsi l'organisation des astreintes se fait au niveau conventionnel : on peut citer les conventions collectives de la FEHAP (hospitalisation privée à but non lucratif), de la FIEHP (hospitalisation privée à but lucratif), des équipements thermiques, des laboratoires d'analyses médicales extra-hospitaliers, des industries chimiques, des employés d'immeubles, des gardiens-concierges. Ces conventions prévoient souvent une indemnisation des périodes d'astreintes fréquemment calculée en pourcentage du taux de salaire horaire (variable selon que l'astreinte se déroule sur le lieu de travail ou au domicile du salarié). L'attribution de repos compensateur apparaît de façon plus rare. Ces accords mettent par ailleurs généralement en place un système de rémunération majorée des temps d'intervention effectués au cours des astreintes, la majoration pouvant varier selon que l'intervention a lieu le jour ou la nuit. _ Une jurisprudence importante De nombreux contentieux ont été portés devant les tribunaux sur la question de savoir si les heures d'astreintes devaient ou non être considérées comme du temps de travail effectif et être, à ce titre, rémunérées ou non comme des heures de travail normales. La jurisprudence a connu de récents développements à partir desquels il convient d'apprécier le moment où se déroule l'astreinte et si le salarié se tient à la disposition permanente de son employeur ou s'il peut vaquer librement à ses occupations personnelles pendant la période d'astreinte. Ainsi le juge considère que les astreintes accomplies pendant la durée normale de travail font de ce fait partie de l'activité « normale » du salarié et doivent être décomptées comme temps de travail effectif9. Lorsque les astreintes sont accomplies en dehors de la durée normale de travail, la Cour de cassation retient le critère du temps pendant lequel le salarié est à la disposition permanente de son employeur, sous son autorité, sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles. Dès lors que ces critères sont établis, la Cour estime que le salarié participe à l'activité de l'entreprise et considère, de ce fait, ces temps d'astreintes comme du temps de travail effectif. A défaut de réunir ces critères, les temps d'astreinte ne seront pas considérés comme du temps de travail effectif. A titre d'exemple, la chambre a jugé que n'étaient pas du temps de travail effectif les temps d'inaction pendant lesquels le salarié, en dehors de l'entreprise et à partir de son domicile personnel ou de tous autres lieux où il peut être joint, est d'astreinte mais n'est pas en permanence à la disposition de l'employeur et reste libre de disposer de son temps à titre privé10. Les obligations de l'employeur en matière d'astreintes diffèrent selon que ces périodes d'astreintes sont ou non considérées comme temps de travail effectif, en application de la jurisprudence. Lorsque les temps d'astreintes ne sont pas assimilés à du temps de travail effectif, seul le temps passé en intervention doit être considéré comme un temps de travail effectif et rémunéré comme tel. Lorsque les périodes d'astreintes sont considérées comme du temps de travail effectif, elles doivent être rémunérées en tant que telles11. Par ailleurs, ces heures d'astreintes ouvrent droit au paiement des heures supplémentaires, au repos compensateur, et le cas échéant, au paiement des primes conventionnelles pour travail de nuit. L'employeur doit enfin veiller au respect des dispositions de l'article L. 212-7 du code du travail relatives aux durées maximales quotidiennes et hebdomadaires du travail. En effet, le cumul des heures normalement travaillées par le salarié et de celles effectuées au titre des périodes d'astreintes ne saurait dépasser ces durées maximales sous peine pour l'employeur d'encourir les peines prévues à l'article précité12. _ Une possible amélioration de l'encadrement des astreintes On le voit, la question des astreintes a donné lieu à une jurisprudence construite et logique. On peut cependant regretter que la loi soit si discrète à ce sujet. Il faut en toute hypothèse éviter, dans le cadre de la démarche de la réduction collective du temps de travail, que les dispositifs d'astreintes, qui peuvent par ailleurs parfaitement se justifier dans certains cas précis, ne se développent au détriment des salariés. Un tel phénomène, s'il se produisait, amoindrirait la portée réelle de la réduction du temps de travail. Il serait donc opportun de prévoir dans la seconde loi que les astreintes ne devraient pas pouvoir être imposées aux salariés autrement que par un accord collectif. Les accords devraient également indiquer le mode d'indemnisation des périodes d'astreintes selon les cas. Celle-ci pourrait prendre la forme, soit, d'une prime, soit, d'un repos compensateur. En outre, ces accords pourraient mettre en place les modalités d'une rémunération majorée pour les temps d'intervention effectués au cours de l'astreinte. b) Pour circonscrire l'usage des heures d'équivalence La pratique des heures dites d'équivalence repose sur un fondement textuel « discret », à savoir le second alinéa de l'article L. 212-4 du code du travail. Les heures d'équivalence visent à tenir compte des périodes d'inactivité propres à certains secteurs d'activités ou certaines professions (pendant lesquelles le salarié reste à la disposition de l'employeur qui continue d'exercer son pouvoir disciplinaire) en définissant des équivalences entre d'une part le temps passé par le salarié dans l'entreprise et son temps de travail effectif de l'autre. L'équivalence fixe le nombre d'heures que le salarié doit passer dans l'entreprise pour se conformer à la durée légale du travail. La conséquence en est que les heures effectuées au delà de la durée légale du travail mais en deçà de la durée d'équivalence ne donnent pas lieu à rémunération (sauf usage ou convention plus favorable). En revanche, tout dépassement de la durée d'équivalence entraîne l'application du régime des heures supplémentaires. Exception à la durée légale du travail, le régime des heures d'équivalence fait l'objet d'un encadrement strict. Son application à un secteur d'activité ou une profession ne peut résulter que d'un décret ou, grâce à une interprétation extensive du code du travail, d'une convention collective de branche13. Elle ne peut pas résulter de l'usage ou de dispositions du contrat de travail. L'équivalence s'applique strictement aux activités ou emplois visés par le décret ou la convention14 et ne peut être transposée par analogie à une activité voisine, ou même à une activité dont l'objet principal ne serait pas identique15. L'activité doit comporter des temps morts. Le régime n'est pas transposable aux salariés à temps partiel (à la seule exception des semaines à temps plein effectuées dans le cadre d'un accord d'annualisation). Les heures d'équivalence s'appliquent à un nombre limité de secteurs et d'activités : établissements de santé à but lucratif ; magasins de vente au détail de denrées alimentaires ; hôtels, cafés, restaurants, débits de boissons. Les décrets d'application de la loi du 21 juin 1936 prévoient par ailleurs des prolongations permanentes de la durée du travail - assimilées à des équivalences - pour certaines professions ou activités compte tenu de leur caractère intermittent : personnels de surveillance et de gardiennage, gardiens de chantiers du bâtiment, préposés des services incendie. On a pu noter ces dernières années une forte tendance à la réduction des équivalences sous l'effet de deux facteurs. L'un est exogène, lié l'action de la puissance publique en faveur de la réduction du temps de travail : adoption de décrets (12/12/1978 et 28/12/1979) réduisant chacun d'une heure la durée des équivalences, prise en compte dans le calcul des équivalences du passage de la durée légale du travail de 40 heures à 39 heures. Le second est le résultat de la négociation collective : dans plusieurs secteurs, les équivalences ont été supprimées par voie conventionnelle ; dans d'autres, on assiste à leur diminution, voire leur extinction. Le problème dans le cadre de la loi sur les 35 heures est double. Comment, tout d'abord, permettre aux salariés concernés de bénéficier de la réduction du temps de travail ? Il conviendrait d'appliquer aux équivalences existantes un rapport 35 / 40, soit par exemple pour les établissements de santé une équivalence entre 37 heures et 37 minutes de présence dans l'établissement et 35 heures de travail effectif (contre 41 heures et 55 minutes équivalant à 39 heures aujourd'hui). Il s'agit ensuite d'éviter que les entreprises ne recourent aux heures d'équivalence pour tourner la réduction du temps de travail. De ce point de vue, les limites posées peuvent paraître satisfaisantes, et notamment l'obligation de recourir au décret ou à l'accord de branche16. Pourtant, un assouplissement toujours possible de l'encadrement juridictionnel et l'attractivité croissante du régime des équivalences dans le contexte de la réduction du temps de travail militent en faveur d'un encadrement encore plus strict. Il ne semble pas opportun de faire de la voie réglementaire le moyen exclusif pour autoriser la mise en place d'un régime d'équivalences, la voie conventionnelle devant être limitée à la branche, et ceci de manière explicite contrairement à la rédaction actuelle du code du travail. c) Considérer les temps de formation comme du temps de travail effectif sauf exceptions On ne peut nier l'existence d'une incidence de la réduction du temps de travail sur la formation. Ne pas réfléchir à ce lien reviendrait à admettre la réduction du temps consacré à la formation ce qui n'est pas acceptable. Cependant, la seconde loi sur les 35 heures ne semble pas constituer le réceptacle adapté à une réforme de la formation, sur laquelle Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat à la formation professionnelle, tente à juste titre d'amorcer une réflexion d'ensemble avec les partenaires sociaux. La formation professionnelle constitue en effet un tout, l'impact de la réduction du temps de travail ne l'affecte que partiellement. Il ne semble pour autant ni possible, ni souhaitable de garder le silence sur les temps de formation. Les partenaires sociaux n'attendront pas cette refonte globale pour préciser par la voie des accords la place des temps de formation dans le temps de travail effectif. A l'initiative du MEDEF - et ce pas uniquement dans la métallurgie - un certain nombre d'accords de branche et d'accords d'entreprise conclus en application de la loi du 13 juin 1998 modifient l'équilibre actuel entre le plan de formation, le capital temps de formation, le co-investissement et le congé individuel formation. Il convient de veiller à ce que la prise en compte des temps de formation ne remette pas en cause la réduction du temps de travail par un processus d'exclusion trop systématique de ces périodes dans le décompte du temps de travail effectif. La CFTC formule17 cette crainte de la manière suivante : « Les employeurs s'efforcent, en effet, de sortir certaines périodes de travail du travail effectif pour ainsi réaliser une moindre réduction du temps de travail (...) Le temps de formation subit la même pression. Mais ici il ne s'agit pas de revenir sur des avantages conventionnels, mais de remettre en cause le cadre légal. » Elle propose donc la réaffirmation du cadre légal. La CFDT estime que « la réduction massive et effective du temps de travail peut ouvrir la voie à des innovations négociées [mais considère ] qu'une telle évolution doit rester à l'image de l'accord interprofessionnel de 1991, de la prérogative et de la responsabilité des partenaires sociaux. » La CGT souligne également que « la loi doit réaffirmer que la formation fait partie intégrante du temps de travail effectif ». De fait, la loi n'est pas nécessairement le cadre approprié pour traiter des questions de formation dont les problématiques sont très différentes selon les catégories concernées. De ce point de vue, le principe de l'assimilation du temps de formation à du travail effectif doit tout d'abord être explicitement affirmé dans le code du travail. Il faut, dans cette optique, s'interroger ensuite sur l'opportunité de favoriser la pratique du co-investissement, c'est-à-dire de la réalisation d'une partie de la formation hors du temps de travail. L'article 932-1 du code du travail prévoit que ce type de formation doit s'inscrire dans un accord national interprofessionnel étendu. La nature des engagements du salarié doit être déterminée avant l'entrée en formation, le salarié est libre de les refuser. Ces deux points n'ont pas lieu d'être modifiés. Une réflexion paraît en revanche possible sur l'évolution des conditions fixées par l'accord national interprofessionnel du 3 juillet 1991 au recours au co-investissement : - il ne peut concerner que les formations d'un volume supérieur à 300 heures ; - elles doivent être qualifiantes ; - la part de formation non rémunérée réalisée hors de l'entreprise ne peut excéder 25 % du total de la formation du salarié. Le débat porte essentiellement sur la possibilité d'élargir aux accords de branche les modalités d'organisation du co-investissement et permettant l'utilisation à des fins de formation du compte-épargne-temps. 3. La loi ne saurait permettre la remise en cause des jours fériés. La protection de ces jours est essentiellement conventionnelle. La durée légale du travail est actuellement calculée sur la semaine (et éventuellement par accord dérogatoire sur l'année) et est déconnectée des périodes non travaillées, par exemple les jours de congés et les jours fériés. Il convient de veiller à ce que les accords de réduction du temps de travail ne soient pas l'occasion pour les entreprises de procéder à ce qu'il est convenu d'appeler un « ratissage des avantages conventionnels ». Le 1er mai est le seul jour férié chômé par tous les travailleurs sans distinction de sexe ni d'âge (article L. 222-5 du code du travail)18. Ce chômage ne doit entraîner aucune baisse de la rémunération. Les seules exceptions permises à ce repos obligatoire concernent les établissements et services qui, de fait, ne peuvent interrompre leurs activités (hôpitaux, transports publics par exemple). En cas de travail le 1er mai, les salariés concernés ont droit à une indemnité égale au montant du salaire en sus de celui-ci. Ce jour est le seul à bénéficier d'une protection absolue. La loi reconnaît cependant l'existence d'autres jours fériés : l'article L. 222-1 du code du travail en énumère onze (1er janvier, lundi de Pâques, 8 mai, Ascension, lundi de Pentecôte, 14 juillet, 15 août, Toussaint, 11 novembre, Noël). Ils ne sont pas obligatoirement chômés. Lorsqu'ils sont travaillés, ils ne donnent pas lieu à majoration de salaire comme l'a encore récemment rappelé la Cour de cassation19. Lorsqu'ils sont chômés, ils sont, pour le personnel mensualisé, payés, en vertu des dispositions de l'accord national interprofessionnel du 10 décembre 1977 rendu obligatoire par la loi sur la mensualisation du 19 janvier 1978. Cette couverture légale minimale ne constitue toutefois généralement qu'un filet théorique puisque les dispositions résultant d'une convention, d'un accord ou de l'usage sont la plupart du temps plus favorables. Il peut donc s'avérer tentant pour les entreprises de réintégrer les avantages antérieurement consentis dans le temps de travail effectif annuel : en réintégrant huit jours de congés par an (moyenne des jours fériés et ponts chômés par entreprise sur les dix dernières années), une partie non négligeable du chemin vers la réduction du temps de travail à 35 heures est accomplie. Il n'est pas besoin de remettre de facto en cause l'octroi de ces jours fériés, il suffit à l'entreprise de procéder à une moindre réduction du temps de travail que celle qui aurait été opérée à mode de calcul constant. Cependant, il ne saurait être question d'accepter ces « manipulations ». Les 35 heures ne doivent pas fournir l'occasion d'une remise en cause, fût-elle indirecte, des acquis sociaux. Il faut aller vers une meilleure protection des avantages conventionnels. Actuellement, les règles relatives à la dénonciation des accords ne constituent pas un réel obstacle à un tel mouvement. Elles ne font guère de place à la motivation de la dénonciation, et moins encore à son bien-fondé. Si le fondement juridique du droit au chômage de certains jours fériés est un accord de branche, il n'est naturellement pas possible de porter atteinte à ces acquis. S'il s'agit d'un accord d'entreprise, des négociations peuvent être entamées pour le modifier. Enfin, s'il s'agit d'un usage, il peut être dénoncé ou repris par un accord collectif d'entreprise. Dès lors, sauf intégration des acquis de l'accord ou renvoi explicite à celui-ci dans le contrat de travail et refus du salarié de voir ce contrat de travail modifié, le « ratissage des avantages conventionnels » est du domaine du possible. Il ne semble guère pratiqué jusqu'à présent : on constate que tous les jours fériés ne sont pas repris et que seuls trois ou quatre sont parfois « remis au pot » de du temps de travail. Il est vrai que le recours à un mode de calcul constant prévu par la loi pour mesurer la réduction du temps de travail conditionne l'octroi des aides incitatives et aide les entreprises à repousser la tentation du "ratissage". La protection des acquis conventionnels semble cependant nécessaire et pourrait consister à fixer une durée légale annuelle maximale de travail. Le problème est qu'il n'existe pas de volume horaire annuel correspondant exactement aux 35 heures par semaine, le temps de travail variant selon les conventions collectives. Le nombre de jours fériés et ponts chômés semble se situer entre un et dix-huit. Il faut donc adopter certaines hypothèses : soit un salarié disposant de vingt-cinq jours de congés annuels, huit jours fériés ou ponts chômés, deux jours de repos hebdomadaires ; avec un horaire hebdomadaire de 35 heures il travaillera 1 596 heures par an. En faisant de cette durée un maximum, on exclurait tout « ratissage des avantages conventionnels ». B - LES CADRES DOIVENT BÉNÉFICIER DE LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL SELON DES MODALITÉS APPROPRIÉES. Contrairement à une idée reçue, les cadres, qui sont dans leur grande majorité des salariés comme les autres au regard du droit du travail, ne sont nullement exclus des règles applicables en matière de durée du travail. Les 35 heures ont donc vocation à se décliner - éventuellement selon des modalités particulières - en leur faveur. 1. Les accords issus de la loi sur les 35 heures intègrent très souvent la grande majorité des cadres dans le mouvement de réduction du temps de travail. Il convient en matière d'applicabilité des règles de la durée du travail de ne pas confondre l'exception et la règle. a) La seconde loi doit confirmer que les cadres auxquels une partie de la réglementation du travail peut ne pas s'appliquer constituent une exception à la règle générale. La réglementation de la durée du travail (C. trav., art. L. 212-1) est d'ordre public. Elle a vocation générale et son champ d'application, qui est très large (C. trav., art L. 200-1), englobe en principe tous les salariés, y compris les cadres. Seuls sont écartés ceux qui, du fait de la nature de leur tâche ou en raison des conditions particulières de son exécution, se trouvent de fait exclus de la stricte application de la législation. Certains cadres peuvent en effet être partiellement écartés de la réglementation de la durée du travail, au moins pour ce qui est du décompte du temps de travail effectif et des dispositions sur le repos compensateur, en raison : - de leur haut niveau hiérarchique dans la grille de classification conventionnelle ; - de leur fonction et de leurs responsabilités témoignant un fort degré d'autonomie dans l'exercice de leur travail ; - et enfin, du niveau élevé de leur rémunération. En pratique, il s'agit des cadres pour lesquels aucun décompte des horaires n'est possible. Ce sont alors les circonstances concrètes de l'exécution du travail qui, lorsqu'elles convergent avec le niveau hiérarchique et le montant de la rémunération, permettent de définir les cadres susceptibles d'échapper à une partie de la réglementation de la durée du travail. Dans ces cas particuliers, on estime alors que la rémunération tient compte des dépassements horaires innombrables. Cette situation doit de préférence être formalisée par une convention, parfois désignée par les termes « forfait tous horaires ». Cette définition fonctionnelle correspond bien entendu dans la majorité des cas à celle qui est proposée pour définir les « cadres dirigeants ». Pour autant, et c'est ce qui peut poser problème, elle reste ouverte et est susceptible d'accueillir d'autres types de salariés. Le recours aux mécanismes des forfaits diffère selon qu'il s'agit d'un forfait tous horaires ou d'un forfait avec référence horaire. Le forfait sans référence horaire représente la rémunération totale du travail effectué par son bénéficiaire, indépendamment du temps passé à travailler. Si une telle dérogation à la législation sur la durée du travail n'est permise, ce n'est qu'en raison du caractère exceptionnel de ses bénéficiaires. Seuls les « cadres dirigeants » peuvent prétendre à ce type de forfait. Pour eux, exerçant leur activité hors de tout décompte horaire, l'abaissement de la durée légale n'aura pas d'incidence, même s'ils sont soumis, en tant que salariés, aux durées maximales du travail, aux obligations de repos et de pauses. Mais la majorité des cadres ne justifient pas de circonstances concrètes rendant impossible le décompte de leurs horaires, ni n'ont un niveau hiérarchique et un montant de rémunération correspondant à la qualité de « cadre dirigeant ». Pour eux, la formule du forfait avec référence horaire est appropriée. Pour tenir compte du nombre et de la récurrence des heures supplémentaires effectuées par ces salariés, il est possible d'en forfaitiser le paiement. Cependant, le forfait n'a en aucun cas pour effet d'éluder la réglementation relative aux heures supplémentaires. Il constitue au contraire la reconnaissance que le cadre effectue bien de telles heures. Le forfait permet seulement d'intégrer leur paiement majoré dans la rémunération globale du salarié, par exception à l'obligation selon laquelle les heures supplémentaires doivent apparaître clairement et séparément sur le bulletin de salaire en distinguant les taux de majoration (C. trav., art. R. 143-2-4). Il s'agit donc uniquement d'une solution comptable et en aucun cas d'un mécanisme destiné à éviter le paiement de ces heures. En pratique, les règles édictées par la chambre sociale de la Cour de cassation suggèrent que la convention de forfait soit - écrite (contrat de travail ou accord collectif) ; - précise (indiquant le nombre d'heures mensuelles forfaitisées) ; - et détaillée (déterminant les tâches entrant dans les attributions du cadre et rémunérées par ce forfait). Malgré certaines pratiques illégales, il faut rappeler que la grande majorité des cadres sont cependant, à l'instar des autres salariés, soumis à la réglementation sur la durée du travail (C. trav., art. L. 212-1). De nombreux cadres sont traités par le droit du travail comme tous les autres salariés. En règle générale, tous les cadres ne répondant pas à la première définition entrent entièrement dans le champ d'application de la réglementation de la durée du travail. Dès lors : - Leurs horaires peuvent être décomptés. - Les règles relatives aux heures supplémentaires leur sont applicables ; elles sont majorées comme telles, inscrites au contingent d'heures supplémentaires et donnent lieu aux repos compensateurs obligatoires qui sont à tort rarement accordés. Une convention de forfait peut prévoir le paiement des heures supplémentaires et des majorations afférentes. - Les durées maximales du travail, quotidiennes et hebdomadaires, sont également applicables à ces cadres (48 heures par semaine ou 46 heures en moyenne durant douze semaines consécutives dans l'état actuel du droit). Ainsi les cadres ne sont pas exclus a priori exclus de la durée du travail, même si le sentiment contraire est souvent admis. La jurisprudence est constamment venue conforter ce principe. La chambre sociale de la Cour de cassation a ainsi eu l'occasion de rappeler à plusieurs reprises que la seule qualité de cadre ne suffisait pas à exclure le droit au paiement des heures supplémentaires effectuées (Cass. soc., 20 novembre 1998, Motac/SA Sartore). De même, le juge a eu l'occasion de souligner que le temps de travail de très nombreux cadres devait pouvoir être mesuré. Ainsi le groupe Renault a été condamné par le tribunal de grande instance de Nanterre saisi en référé par la CFDT, le 3 mars 1999, à compter les heures effectuées par ses cadres et techniciens. Il faut rappeler que, depuis 1997, les syndicats des centres de conception et d'ingénierie de Renault réclamaient un décompte de leurs horaires des salariés et se plaignaient du système de déclaration d'horaires mis en place à titre expérimental dans quatre sites de la région parisienne (Guyancourt, Lardy, Rueil et Boulogne-Billancourt). Notons que bon nombre des salariés concernés étaient couverts par un système de forfait. Divers syndicalistes de la CFDT - et de la CGT - firent appel aux inspecteurs du travail. La ministre avait, alors, considéré que ces derniers avaient d'autres priorités. Le tribunal a considéré que les bordereaux de déclaration d'horaires remplis par les salariés et contresignés par la hiérarchie, mais ne concernant pas les cadres, n'étaient pas conformes aux exigences du code du travail. Selon le tribunal, « les documents litigieux ne permettent pas d'appréhender distinctement les heures d'entrée et de sortie et de totaliser les heures de travail réellement effectuées » et « ne prévoient pas de récapitulatif hebdomadaire ». De plus, « les cadres autres que dirigeants en sont exclus » alors qu'ils ne devraient pas l'être. Le tribunal a rappelé qu'en dehors des cadres dirigeants (600 en tout), l'entreprise devait enregistrer les horaires de tous ses salariés. En conséquence, il a ordonné la suspension de l'usage de ces bordereaux à partir du 31 mars pour « laisser une dernière chance à la négociation des partenaires sociaux. » b) La loi du 13 juin 1998 a prévu pour les cadres des dispositions particulières qui ont inspiré les accords signés. Selon l'article 3-II de la loi, les accords collectifs, pour pouvoir bénéficier de l'aide financière de l'Etat, doivent préciser « les modalités d'organisation du temps de travail et de décompte de ce temps applicables aux salariés de l'entreprise, y compris celles relatives aux personnels d'encadrement lorsque ces modalités sont spécifiques ». L'accord « peut également prévoir les conditions particulières selon lesquelles la réduction s'applique aux personnels d'encadrement, ainsi que des modalités spécifiques de décompte de leur temps de travail tenant compte des exigences propres à leur activité. » Parmi ces « conditions particulières », la loi du 13 juin 1998 propose dans son article 4 une modalité de réduction du temps de travail par l'attribution de jours de repos supplémentaires. « Une réduction du temps de travail en deçà de trente-neuf heures hebdomadaires peut être organisée en tout ou partie sous forme de jours de repos par accord d'entreprise ou d'établissement ou en application d'une convention ou d'un accord de branche étendu. L'accord collectif détermine alors les modalités de prise de ces repos, pour partie au choix du salarié et pour partie au choix de l'employeur, et dans la limite de l'année, les délais maxima dans lesquels ces repos sont pris ainsi que des modalités de répartition dans le temps des droits à rémunération en fonction du calendrier de ces repos. L'accord collectif peut en outre prévoir qu'une partie de ces repos alimente un compte-épargne temps dans les conditions définies par l'article L. 227-1 du Code du travail et précisées par décret. » Selon les bilans effectués par le ministère de l'emploi, une majorité d'accords d'entreprise (environ 80 %) s'appliquent aux cadres, même si la plupart prévoient des modalités particulières dans l'application de la réduction du temps de travail à ces personnels. On note que certains accords renvoient au contraire la question à une négociation ultérieure. Par exemple, l'accord signé chez BTT précise, dans son premier article, pour certaines catégories de cadres exclues de la réduction du temps de travail, que « les signataires de l'accord conviennent de se rencontrer régulièrement dans l'objectif de conclure un avenant au présent accord fin 1999. » _ Divers accords de branche posent le principe général d'une spécificité attachée au personnel d'encadrement. La plupart des accords de branche soulignent les problèmes liés au temps de travail du personnel d'encadrement, notamment pour l'appréciation de leur niveau d'activité. L'accord signé dans le textile part du principe qu'il n'est pas possible de retenir le critère de temps de présence sur le lieu de travail pour apprécier le niveau d'activité des cadres. Les partenaires sociaux du bâtiment et des travaux publics proposent, dans le titre III de leur accord, une unité de mesure plus adaptée à ces personnels, à savoir une mesure exprimée en nombre de journées ou de demi-journées travaillées et non plus un calcul en heures. L'accord des banques souligne également, dans son titre III, que « la réglementation relative à la durée du travail n'est pas adaptée en raison de la nature des fonctions exercées (...) la grande autonomie et la réelle maîtrise dans l'organisation du temps de travail rendent impossible toute référence à un horaire collectif. » L'accord signé dans l'industrie de l'habillement indique, dans son chapitre 6, que la législation actuelle sur la durée du travail n'est plus adaptée à la réalité de l'activité professionnelle, en raison notamment du développement de nouveaux moyens de communication qui réduisent sensiblement la pertinence de la référence horaire comme critère de suivi de l'activité de certaines fonctions, et notamment de l'encadrement. _ On note parfois une approche différenciée selon les catégories de cadres. L'analyse des accords signés montre qu'une distinction est très souvent opérée au sein de la catégorie générale des cadres. Celle-ci n'étant pas homogène, il n'est pas rare qu'un accord distingue deux ou trois catégories de personnels d'encadrement. La distinction la plus fréquente tente d'isoler les cadres non soumis à l'obligation de décompte et aux dispositions relatives au repos compensateur, en raison de la nature de leur fonction, de leur position dans la grille de classification et donc de leur niveau de rémunération. A priori, ces trois critères sont nécessaires pour exclure avec le maximum de sécurité juridique les cadres de l'obligation de décompte. Pour autant, de nombreux accords ne retiennent qu'une partie de ces critères. _ Le décompte du temps de travail en jours plutôt qu'en heures a eu tendance à se répandre. Les accords peuvent tenir compte de la spécificité des cadres en adoptant un aménagement du temps de travail qui leur est propre, notamment en utilisant la faculté de convertir la réduction du temps de travail en journées de repos supplémentaires. L'accord de branche signé dans l'industrie sucrière considère que « le caractère spécifique des fonctions et missions du personnel d'encadrement » impose que les modalités de la mise en _uvre de la réduction du temps de travail soient définies dans les entreprises. L'accord donne, à titre d'exemple, les moyens permettant de réduire la durée du travail du personnel d'encadrement. Il s'agit de l'octroi de jours de repos ne pouvant être accolés au congé principal, ou bien servant à l'alimentation d'un compte épargne temps ou encore affectés à des jours de formation dans le cadre du co-investissement. Les parties signataires de l'accord des coopératives bétail et viande affirment leur volonté de faire bénéficier le personnel d'encadrement des dispositions de réduction-aménagement du temps de travail prévues. De ce fait, les accord d'entreprise devront prévoir des modalités spécifiques comprenant l'attribution de jours de repos supplémentaires ou des aménagements du temps de travail hebdomadaire (avenant n° 98, article 6). Dans le secteur des petites entreprises du bâtiment, l'ensemble du personnel d'encadrement est concerné par les modalités de réduction et l'aménagement du temps de travail. L'accord de branche précise en effet, dans son article 19, que dans le cadre de l'accord d'entreprise, « le chef d'entreprise fixera, en concertation avec les cadres, les possibilités d'assouplir leur temps de travail de manière à ce qu'il soit en harmonie avec l'horaire général de l'entreprise ». D'autres accords de branche donnent au personnel d'encadrement une véritable garantie de réduction effective du temps de travail en lui octroyant un nombre de jours de repos minimum. Les entreprises du secteur de la propreté prévoient que la réduction du temps de travail des salariés titulaires d'un contrat de travail à temps complet, issus de la filière cadre ainsi que ceux classés dans les niveaux de maîtrise d'exploitation, peut être effectuée totalement ou partiellement par l'octroi de jours de repos rémunérés. D'un commun accord entre l'employeur et le salarié ou selon les modalités définies dans l'entreprise, les jours de repos peuvent être regroupés et pris en une ou plusieurs fois, ou encore être versés au compte épargne-temps du salarié. De nombreux accords d'entreprise prévoient une réduction du temps de travail pour les cadres grâce à l'attribution de journées de repos supplémentaires, conformément à l'article 4 de la loi du 13 juin 1998, soit vingt-deux jours sur l'année à prendre dans les douze mois suivants. On peut citer à titre d'exemple l'accord Bata. Notons que l'attribution de jours de repos supplémentaires n'est pas forcément étendue à tous les cadres. Par exemple, l'accord conclu au Crédit mutuel de Normandie « s'applique, en totalité, et sous toutes ses formes, aux cadres de l'entreprise. Cependant, compte tenu des missions affectées aux cadres, principalement en fonction d'encadrement, et afin que chacun d'entre eux puisse bénéficier des modalités de l'accord, une autre formule pourra être mise en place pour les cadres définis dans l'accord de classification du 15 juin 1994 (...) Ceux-ci, en accord avec leur hiérarchie, pourront choisir d'effectuer une durée hebdomadaire de travail de 37 heures et bénéficier d'un repos AORTT de 11 jours à programmer dans l'année, en plus des congés habituels. » L'accord signé à EDF-GDF érige en principe que « les cadres intègrent les dispositifs de réduction collective ou d'aménagement du temps de travail et bénéficient des mêmes compensations en temps que les autres agents, y compris le travail sur quatre jours ». Mais une partie des cadres, ceux « qui n'entrent pas dans un dispositif d'aménagement collectif du temps de travail » bénéficient de la réduction du temps de travail à 35 heures en dégageant des journées entières de repos. Cet accord autorise, par exemple, une répartition du temps de travail avec une alternance d'une semaine de quatre jours et d'une semaine de cinq jours, sachant que la programmation des jours de repos doit être convenue a priori au cours de l'entretien hiérarchique. c) Vers un effort de clarification de la situation des différentes catégories de cadres dans le cadre de la seconde loi La question de cette clarification est en débat depuis plusieurs mois. Rien ne serait pire, pour les cadres, que de définir des règles qui ne pourraient leur être appliquées. Les entreprises ont besoin de sécurité juridique que la loi doit leur garantir tout en laissant la place à la négociation. Après la CGC, l'union confédérale des ingénieurs et cadres UCC-CFDT a demandé, le 15 mars 1999, que la deuxième loi « fixe des interdits absolus en matière de temps de travail ». Aussi a-t-elle proposé que le forfait horaire « sans référence temporelle pour les cadres dirigeants » soit « limité aux mandataires sociaux, directeurs généraux, personnes nommées par le conseil d'administration ou des ministres ». Elle a par ailleurs suggéré que le « forfait de salaire avec référence horaire soit limité à de véritables nécessités. » Dans tous les cas, le temps de travail des autres cadres devrait « être mesuré ». Il faut se souvenir que l'approche développée par le MEDEF s'éloigne assez sensiblement de ces prises de position. L'accord UIMM est allé jusqu'à étendre le champ d'application des forfaits aux responsables d'ateliers. Sans entrer dans une définition exhaustive de la notion de cadre ou dans une classification qui conduirait à distinguer a) les cadres dirigeants pouvant travailler sans référence horaire, b) les cadres liés au rythme de production et soumis à l'horaire collectif, et c) et enfin les autres cadres, les plus nombreux, dont le temps de travail peut être décompté en jours plutôt qu'en heures, la loi doit impérativement définir ce que sont les cadres dirigeants qui échappent à la référence horaire et donc aux 35 heures. La seconde loi devra prévoir clairement que seuls ces cadres, peu nombreux, peuvent avoir un forfait tous horaires. A contrario, cela signifie que les autres cadres peuvent avoir un forfait avec référence horaire ou relever de l'horaire collectif de travail selon les critères définis par la négociation. 2. Plus généralement, il faut s'interroger à travers la seconde loi sur les moyens d'obtenir une réduction « effective » du temps de travail des cadres. A plusieurs reprises, la ministre de l'emploi a indiqué attendre avant tout des entreprises une « réduction effective » du temps de travail des cadres, sa démarche consistant en réalité à lutter contre les « abus » les plus flagrants. D'une manière générale, la deuxième loi devra contribuer à combattre l'idée selon laquelle un cadre ne compte pas son temps, en introduisant des mécanismes destinés à modifier les habitudes culturelles et les comportements. Il n'est pas question, comme l'a rappelé M. Yves Barou, directeur adjoint de cabinet de Mme Martine Aubry, lors du colloque Liaisons sociales « Mettre en _uvre les 35 heures » du 24 novembre 1998, d'obliger les cadres qui travaillaient 50 heures à travailler 35 heures. Mais il n'est pas davantage acceptable de les laisser accomplir le même temps de travail. Ils ne peuvent être les seuls à ne pas bénéficier de la baisse du temps de travail. a) Des dispositions spécifiques pour les cadres dans les accords collectifs Les mesures particulières pour les cadres doivent être mises en place par accord. Ces accords collectifs devraient prévoir : - les modalités des systèmes de forfaits ; - les modalités de la mise en place d'un compte épargne temps ; - les moyens de contrôle adaptés en interne dans l'entreprise concernant le respect des horaires des cadres. b ) Pour un décompte de la réduction du temps de travail sous forme de jours Le décompte en jours est implicite dans de nombreux accords, les négociateurs prévoyant généralement, comme on l'a vu, une réduction du temps de travail des cadres par l'attribution de journées de repos supplémentaires. Cependant, il faut noter que le ministère de l'emploi peut, en l'état actuel du droit, difficilement valider cette piste. Les clauses des accords de branche les plus novatrices sur les cadres concernent notamment le décompte de leur temps de travail ; or ces dispositions sont parfois exclues de l'arrêté d'extension ou font l'objet de « réserves ». Pourtant, comme l'a noté le président du syndicat CFE-CGC, Marc Vilbenoît, le 28 janvier 1999, « l'étalon heure » reste « un leurre » ; la référence devait être la journée de travail voire la journée d'activité pour les cadres. La notion de « journée d'activité » pourrait en effet être approfondie dans la deuxième loi. Ce décompte à la journée paraît incontestablement mieux adapté à l'activité des cadres ayant des horaires irréguliers ou extensibles que le décompte traditionnel en heures. Il faut prévoir explicitement dans la deuxième loi que, pour ces cadres, les accords doivent organiser une réduction du temps de travail sous forme de jours de repos supplémentaires ou sous forme de semaine de quatre jours. c) Vers la fixation d'un nombre maximal de jours travaillés sur l'année La seconde loi pourrait prévoir le nombre maximum de jours travaillés sur l'année. Ainsi seraient fixés le nombre de jours travaillés dans l'année et le nombre de jours de repos. Il appartiendrait aux accords de concilier un décompte du temps de travail des cadres en jours avec les dispositions imposant la norme de l'heure de travail (durées maximales journalières et hebdomadaires, temps de repos minimum de 11 heures entre deux jours de travail). C - LE RÉGIME DES HEURES SUPPLÉMENTAIRES DEVRA ÊTRE AMÉNAGÉ POUR CONCILIER LE PASSAGE AUX 35 HEURES AVEC LA DYNAMIQUE DE NÉGOCIATION. La démarche engagée en faveur de la réduction de la durée légale du travail ne peut se traduire par une réduction effective que si elle s'accompagne d'un encadrement du recours aux heures supplémentaires. Cet encadrement, nécessaire, ne doit cependant pas être rigoureux au point d'inciter les entreprises à recourir à d'autres formes d'adaptation aux variations d'activités comme l'intérim ou la multiplication des contrats à durée déterminée. Le système à trouver au cours de la période d'adaptation devrait permettre de laisser toute sa place à la négociation et ne pas créer de véritable goulot d'étranglement dans certains secteurs d'activités recourant fréquemment aux heures supplémentaires tout en incitant celles-ci à y renoncer progressivement. Il convient de rappeler ici ce que recouvrent les différentes notions de la durée légale, de la durée offerte et de la durée effective du travail. La seconde loi rappellera que la durée légale du travail sera fixée à 35 heures par semaine dès le 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de 20 salariés et deux ans plus tard pour les entreprises de moins de 20 salariés. La durée offerte du travail est une durée collective, correspondant à l'horaire collectif affiché. Elle ne concerne que les salariés à temps complet, ceux à temps partiel ayant une durée fixée individuellement par le contrat de travail. Elle tient compte des heures supplémentaires, de la modulation et du chômage partiel, qui ont pour effet de modifier l'horaire collectif affiché de la semaine de référence. Quant à la durée effective de travail, elle renvoie à une notion individuelle de temps effectivement travaillé. Elle inclut les personnes à temps partiel et tient compte de l'absentéisme, des jours de congé, des heures supplémentaires, du chômage partiel. Comme on l'a vu précédemment, le décompte précis et fiable du temps de travail effectif constitue l'un des enjeux majeurs de la loi sur les 35 heures. 1. Le régime des heures supplémentaires à partir du 1er janvier 2000 a fait l'objet de prises de positions tranchées. Il faut rappeler qu'une heure supplémentaire est une heure effectuée au-delà de la durée légale du travail. En l'état actuel du droit, l'accomplissement de ces heures ouvre aux salariés le droit à une rémunération majorée (25 % par heure pour les huit premières heures ; 50 % au-delà) ainsi que, sous certaines conditions, à un repos compensateur obligatoire. Dans certains cas (accords de branche et d'entreprise), leur paiement peut être remplacé par un repos compensateur de remplacement équivalent. Par ailleurs, les heures supplémentaires que peut utiliser librement l'employeur sont limitées à un contingent de 130 heures par an et par salarié. Dans le cadre de la loi sur les 35 heures, la question essentielle qui se pose est de savoir quel sera le régime des heures travaillées dès la 36ème heure lorsque la nouvelle durée du travail sera fixée à 35 heures. Les revendications des représentants des salariés et patronaux divergent à ce sujet. a) Les demandes du MEDEF et les propositions du Centre des Jeunes dirigeants Le MEDEF a plaidé pour le dépassement du contingent actuel des heures supplémentaires autorisées. L'organisation patronale a en effet défini, lors de la présentation le 15 mars de ses souhaits pour la deuxième loi, des revendications précises en la matière : - Le MEDEF a revendiqué un contingent de 188 heures au-delà duquel s'appliquerait le repos compensateur. - Il a également proposé que les heures effectuées entre la 35ème et la 39ème soient taxées de seulement 5 % au lieu de 25 % pour les heures supplémentaires actuellement. Au delà de la 39ème heure, le taux de majoration devrait être, comme aujourd'hui, de 25 % selon le MEDEF. - Pour les entreprises qui ne seront pas couvertes au 1er janvier 2000 par un accord collectif, l'organisation patronale revendique « un décompte annuel de la durée légale du travail sur le base de 1645 heures, correspondant à 35 heures en moyenne sur l'année. » Rappelons que l'accord UIMM, dont le ministère a refusé l'extension, prévoit un contingent de 180 heures hors annualisation et de 150 heures en cas d'annualisation, chacun de ces contingents pouvant être augmenté de 25 heures en cas d'accord entre 2000 et 2002. L'accord signé dans le textile repose, quant à lui, sur un contingent de 130 heures, auxquelles 45 heures peuvent être ajoutées par accord d'entreprise. Pour sa part, le Centre des jeunes dirigeants (CJD) a développé une position originale : - Le Centre souhaite que les entreprises puissent moduler le temps de travail (dans une fourchette de 31 à 39 heures) sans accord préalable des syndicats (« accès direct »). - Il plaide pour la mise en place d'une période de transition de deux ans au cours de laquelle certains salariés pourraient effectuer jusqu'à 188 heures supplémentaires, à condition que la moyenne constatée au sein de l'entreprise soit de 130 heures. b) Les positions des syndicats de salariés Pour leur part, les syndicats de salariés ont manifesté leur volonté de stabiliser ou de diminuer ce contingent. Dans leur majorité, les organisations syndicales se sont prononcées contre une augmentation du contingent d'heures supplémentaires. La position de la CFDT est connue : - La secrétaire générale de la CFDT, Mme Nicole Notat, a eu à plusieurs reprises l'occasion de déclarer que la seconde loi ne devait pas permettre une augmentation du contingent d'heures supplémentaires. - Selon elle, une articulation doit être trouvée entre le passage obligatoire aux 35 heures et la réduction effective de la durée du travail dans les entreprises. Dans le cas contraire, une heure légale en moins se traduirait par une heure supplémentaire en plus ou par une intensification du travail pour les salariés. - Les heures supplémentaires devraient être limitées à celles qui sont justifiées. Lorsque la négociation introduit une souplesse accrue dans l'organisation du travail, comme l'annualisation, la logique voudrait que les heures supplémentaires diminuent. La CGT a également pris nettement position sur ce thème. Mme Maryse Dumas, secrétaire confédérale, a plaidé pour que le Gouvernement affirme des choix clairs dans la deuxième loi. - Le syndicat combat l'idée qu'il faille augmenter le contingent des heures supplémentaires. - Le secrétaire général, M. Bernard Thibault, a, le 1er mars 1999, lors de la remise du rapport annuel de l'Institut syndical d'études et de recherches économiques et sociales (Iseres), demandé une réévaluation du SMIC en même temps qu'une limitation des heures supplémentaires. - La CGT souhaite éviter tout système permettant un moindre paiement des heures supplémentaires entre la 35ème et la 39ème heure. Pour sa part, le syndicat Force Ouvrière considère que le MEDEF va chercher à influencer le contenu de la deuxième loi à la fois pour accroître la flexibilité et ne pas augmenter le coût du travail. Le syndicat, qui rappelle régulièrement ne jamais avoir cru à l'effet automatique et arithmétique des 35 heures sur l'emploi, demande à ce que la loi « acte les 35 heures sans diminution de salaire ou modération salariale ». A propos des heures supplémentaires : - Dans un communiqué publié le 17 mars, FO « confirme que les heures supplémentaires doivent être rémunérées à 125 % dès la 36ème heure et à 150 % dès la 43ème heure après le 1er janvier 2000. » - Le syndicat estime qu'une partie de cette rétribution des heures supplémentaires (de la 36ème heure à la 39ème heure) pourrait être affectée au fonds de réserve pour les retraites, créé pour aider les régimes de retraite à faire face au choc démographique prévu à l'horizon 2005. La CFE-CGC a, quant à elle, adressé à la ministre une proposition visant à diminuer le contingent annuel des heures supplémentaires. Le secrétaire confédéral, M. Jean-Louis Walter, a ainsi suggéré que le contingent annuel d'heures supplémentaires soit abaissé à 110 heures par salarié (au lieu de 130 actuellement). 2. Des solutions pragmatiques à préconiser dans le cadre de la deuxième loi et applicables dès le 1er janvier 2000 Il ne saurait être question de reporter d'un an la date d'application des 35 heures. Il est cependant souhaitable d'ouvrir une période d'adaptation pour tenir compte de la situation des entreprises qui n'auront pas pu ajuster leur temps de travail sur la nouvelle durée légale au 1er janvier 2000. Le régime applicable aux heures supplémentaires devra s'inspirer de cette double préoccupation. Sans qu'il soit aujourd'hui possible de déterminer de manière très précise le nombre d'heures supplémentaires qui devront être autorisées après le 1er janvier 2000, il convient de réaffirmer que le contingent des heures supplémentaires à l'issue de la période d'adaptation ne pourra en aucun cas être supérieur à la norme actuelle. a) Il est essentiel de confirmer que le seuil de déclenchement des heures supplémentaires sera la 36ème heure. Afin de limiter le recours abusif aux heures supplémentaires, il convient de prévoir un encadrement strict même si cet encadrement ne doit pas être sévère au point d'inciter les entreprises à recourir à d'autres formes de variations d'activité comme l'intérim ou les contrats à durée déterminée (CDD). La deuxième loi pourrait être l'occasion de réaffirmer que le contingent prévu doit être considéré comme un maximum ; les heures supplémentaires doivent être exceptionnelles par définition. L'échéance du 1er janvier 2000 a été indiquée de manière suffisamment claire depuis suffisamment longtemps pour ne pas être remise en cause. Toutes les études démontrent d'ailleurs que l'effet emploi des 35 heures est très étroitement dépendant du rythme et de l'ampleur du mouvement de réduction du temps de travail. Il faut indiquer sans ambiguïté que la 36ème heure est le seuil de déclenchement des heures supplémentaires. Cette conséquence inévitable du passage à la nouvelle durée légale de 35 heures à partir du 1er janvier 2000 va constituer une incitation à négocier rapidement pour les entreprises n'ayant pas encore signé d'accords. Les heures supplémentaires seront calculées hebdomadairement dans tous les cas dès le 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de 20 salariés et dès le 1er janvier 2002 pour celles de moins de 20 salariés. b) Le contingent pourrait être appliqué de façon pragmatique pendant la période d'adaptation. Sachant que la conclusion d'un accord demande entre six et huit mois en moyenne de travail pour les négociateurs, il conviendrait : - soit de maintenir le contingent à 130 heures supplémentaires qui doit rester à terme la norme ; - soit de n'imputer les heures supplémentaires sur le contingent qu'à partir de la 37ème heure après le 1er janvier 2000, pendant la période d'adaptation. Cette dernière possibilité tiendrait compte de la nécessité de laisser un peu de souplesse aux entreprises passées aux 35 heures ou sur le point de signer un accord. Cela permettra d'éviter que pendant la période de mise en place des accords, lorsque l'employeur procède à des embauches par exemple, les salariés en poste dans l'entreprise ne subissent une intensification de leurs rythmes de travail dans la mesure où on leur demanderait de faire en moins d'heures la même quantité de travail. c) Les taux de majoration doivent être provisoirement adaptés à la nécessité d'inciter les entreprises au passage aux 35 heures effectives. Une solution, simple mais potentiellement dangereuse pour la survie même de certaines petites entreprises, serait de prévoir une taxation de 25 % dès la 36ème heure, afin de créer une incitation forte au passage aux 35 heures. Selon cette première approche, assez radicale, les 8 premières heures (à partir de la 36ème) devraient être majorées à 25 %, puis les suivantes de 50 %. Les tenants de cette première solution arguent que, si la taxation des heures supplémentaires dès le 36ème n'est pas assez forte, l'opération consistant à rester à 39 heures de fait ne serait pas assez coûteuse pour les entreprises, étant donné le système d'allègements de charges et d'aides structurelles par ailleurs imaginé. Une telle solution serait justifiée et préférable dès lors que les entreprises seront effectivement passées aux 35 heures. Dans un premier temps, la solution la plus raisonnable d'un point de vue économique est de taxer de manière progressive ces heures supplémentaires, pour retrouver le taux actuel de 25 %. Cette mesure pourrait s'accompagner d'un dispositif permettant de façon plus large qu'aujourd'hui de développer le système du repos compensateur à la place de la rémunération des heures supplémentaires. Dans le même esprit, nous pouvons nous interroger sur l'opportunité d'affecter la majoration des quatre premières heures supplémentaires (de 35 à 39 heures) au compte de la collectivité publique (pour l'UNEDIC ou pour le Fonds de réserve pour les retraites), afin d'éviter toute forme de « compromis salarial » qui pourrait se faire au détriment de l'emploi. D - UN MAINTIEN DU POUVOIR D'ACHAT DES SALARIÉS PAYÉS AU SMIC DOIT ÊTRE GARANTI Comme l'ont répété les organisations syndicales, il ne faut pas que les salariés « se paient » la réduction de leur temps de travail. Lors de la séance des questions au Gouvernement en date du 13 octobre 1998, Mme Martine Aubry, interrogée par M. Hervé Gaymard, avait rappelé que « la réduction du temps de travail créerait d'autant plus d'emplois qu'elle n'accroîtrait pas le coût du travail et qu'elle permettrait aux entreprises de gagner en compétitivité. Un des moyens de le faire - et ce que font 90 % des entreprises qui ont déjà signé - consiste à maintenir les salaires et à prévoir pour l'avenir une modération salariale. » Au cours d'une réunion d'information sur les 35 heures, le 29 mars 1999 à Lille, la ministre a indiqué que rien ne serait fait « qui puisse porter atteinte à la compétitivité des entreprises ». Il faut noter que, selon les études établies en mars 1999 par la Dares, près de neuf accords sur dix prévoyaient une compensation intégrale des rémunérations pour tous. Ces accords étaient pour la plupart signés dans de petites entreprises. On peut par ailleurs relever le ralentissement de la progression des rémunérations en 1998 et au début de 1999. Les 35 heures ont pesé sur les négociations salariales de branche au cours des derniers mois. Selon le ministère, au 31 décembre 1998, très peu de branches professionnelles avaient procédé à un relèvement du bas de leur grille salariale. Les négociations sur les bas et les moyens salaires se sont donc peu développées dans les branches, qui ont été davantage mobilisées par la négociation des accords de réduction du temps de travail. L'analyse des accords d'entreprise signés à ce jour met en lumière la forte tendance au maintien des rémunérations. La compensation financière a pris plusieurs formes, de l'augmentation du salaire horaire, à la variation des primes, jusqu'au versement d'un capital selon les entreprises. On peut observer des variantes selon les accords : prise en compte ou au contraire exclusion des nouveaux embauchés dans le champ d'application de la compensation, appel ou non à l'intéressement. Le champ de la négociation apparaît relativement ouvert, la seule limite résidant dans le maintien du niveau de rémunération des salariés payés au SMIC. L'importante question du SMIC doit donc être résolue de la manière la plus juste et la plus simple possible. Des principes clairs doivent être posés en la matière. 1. Des impératifs sociaux doivent guider la recherche de la meilleure solution technique possible. Aujourd'hui, le système est simple. Un SMIC horaire fixé à 40,22 francs brut détermine, sur la base d'une durée légale de 39 heures, le montant du SMIC mensuel fixé à 6 797 francs, résultant du taux horaire multiplié par le nombre d'heures travaillées dans le mois, soit 169 heures. Avec 20,76 % de cotisations salariales, le salarié payé au SMIC dispose de 5 386 francs net. La conciliation du SMIC et des 35 heures est une question essentielle à résoudre dans la perspective de la seconde loi sur la réduction du temps de travail. Si, pour plusieurs thèmes de réforme, les négociations d'entreprise peuvent inspirer cette loi, il n'en est rien pour la fixation du taux horaire du SMIC ou les modalités de son versement qui relèvent de la seule responsabilité des pouvoirs publics. Le rapporteur considère qu'il faut impérativement s'appuyer sur le principe du maintien et de la garantie d'évolution du pouvoir d'achat des salariés payés au SMIC. 2. Diverses possibilités techniques répondant à l'impératif de maintien du niveau de rémunération sont envisageables. La solution retenue doit en toute hypothèse tenir compte de trois contraintes majeures : - 1°) La seconde loi ne doit pas se traduire par une augmentation des coûts salariaux des entreprises, sachant que parallèlement le Gouvernement a annoncé une forte baisse des cotisations sociales patronales. - 2°) Elle doit garantir le revenu net des salariés payés au SMIC. - 3°) Elle doit proposer des règles simples. Les solutions devant être envisagées répondent aux deux impératifs suivants : - Il faut que le niveau de rémunération des salariés payés au SMIC passant à 35 heures soit maintenu. - Les entreprises restant temporairement à 39 heures au 1er janvier 2000 ne doivent pas subir d'augmentation de leurs coûts salariaux au-delà ce qu'impose, à tous les niveaux de rémunération, le régime des heures supplémentaires. Au 1er janvier 2000, la durée légale du travail sera abaissée à 35 heures. Or le Gouvernement a pris l'engagement que les salariés payés au SMIC garderont, à 35 heures, la même rémunération mensuelle qu'à 39. Une première solution supposerait de relever de 11,4 % le SMIC horaire, qui passerait alors à 44,83 francs. Ainsi, pour 151,6 heures par mois (soit 35 heures par semaine), le salarié gagnerait toujours 6 797 francs (151,6 x 44,83). Le passage de 39 à 35 heures se traduirait par une augmentation de 11,4 % du coût du travail au niveau du salaire minimum, cette augmentation devant être elle-même nuancée, étant donné la réforme annoncée des cotisations sociales patronales. Dans le cas contraire, les salariés au SMIC travaillant 35 heures et payés 35 fois le taux horaire actuel se retrouveraient avec un salaire inférieur au minimum garanti. Mais une difficulté majeure est qu'en relevant ainsi le taux horaire du SMIC, tous les salariés en bénéficieraient sans distinction : ceux travaillant dans des entreprises ayant conclu un accord de réduction du temps de travail comme ceux travaillant dans des entreprises (par exemple les moins de 20 salariés) n'en ayant pas encore signé un. Dans cette situation, un salarié encore à 39 heures pourrait être rémunéré 39 fois un taux horaire revalorisé, jusqu'à ce que son entreprise passe à 35 heures (au plus tard le 1er janvier 2002 pour les plus petites). Au moment de la signature d'un tel accord, le salarié concerné gagnerait 35 fois le taux horaire du SMIC, c'est-à-dire qu'il subirait, en passant aux 35 heures, une baisse importante de pouvoir d'achat. Il serait extrêmement périlleux, pour pallier cette difficulté importante, d'envisager deux taux horaires : l'un applicable aux salariés à 39 heures et l'autre à ceux passés aux 35 heures. En effet, le montant du taux horaire du SMIC sert de référent social et salarial ; le fait de faire coexister deux taux entraînerait une confusion dans les esprits peu souhaitable. De même, l'établissement d'un « SMIC mensuel » paraît difficile à mettre concrètement en place. Il permettrait peut-être de poser le principe simple et louable selon lequel tout salarié au SMIC voit sa rémunération garantie à un même montant, quelle que soit sa durée de travail (39 heures ou 35 heures, voire moins) ; mais ce système présenterait l'inconvénient essentiel de faire disparaître la référence indispensable à un taux horaire du SMIC. 3. Une solution efficace serait de verser obligatoirement à ces salariés une rémunération complémentaire garantissant ainsi leur pouvoir d'achat. Il faut s'orienter vers un système d'indemnité compensatrice ou différentielle obligatoirement versée par l'entreprise pour que les salariés payés au SMIC gagnent autant à 35 heures qu'à 39 heures. Etant donné que, dans ce système, le taux horaire du SMIC reste unique, et le même pour tous les salariés, cela suppose que ceux-ci se voient attribuer sur leur feuille de paie un complément de rémunération qui représente la différence entre 39 fois le taux horaire et 35 fois ce taux. Ce différentiel, destiné à combler d'éventuelles différences de rémunérations entre salariés payés au SMIC, permettra d'égaliser les conditions de salaire de ces derniers, qu'ils soient ou non passés aux 35 heures au 1er janvier 2000. Il est clair que le bénéfice de cette rémunération complémentaire devra s'appliquer à tous les « smicards », y compris bien entendu aux nouveaux embauchés afin de ne pas créer de discrimination entre ces salariés selon leur date d'arrivée dans l'entreprise. Il devra par ailleurs faire l'objet d'une garantie de progression. III - LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL DOIT S'ACCOMPAGNER D'UNE MAÎTRISE DES RYTHMES SOCIAUX ET DE TRAVAIL DES SALARIÉS. L'évolution de l'organisation du travail, l'individualisation croissante des horaires, les nouvelles formes de travail ont bouleversé un paysage juridique que les techniques de modulation viennent encore expliquer. La modification désordonnée des rythmes de travail met à mal les rythmes sociaux et perturbe l'organisation de la vie collective comme de la vie personnelle des salariés. Le législateur doit fixer des bornes à ces évolutions et garantir également aux salariés que la modification des rythmes de travail ne devra pouvoir intervenir qu'avec leur accord ou celui des syndicats majoritaires. A - POUR UNE SIMPLIFICATION ET UN ENCADREMENT DES DISPOSITIFS DE MODULATIONS ET D'ANNUALISATION La modulation permet aux entreprises d'adapter le temps de travail à leurs fluctuations d'activité sans rémunérer les heures supplémentaires, à condition que la durée du travail n'excède pas en moyenne 39 heures sur la période de modulation (ou 35 heures dans les accords de réduction du temps de travail). Les entreprises peuvent ainsi par voie d'accord décider de calculer sur l'année, et non plus dans le strict cadre hebdomadaire, la durée légale du travail de leurs salariés. La répartition de la durée du travail sur tout ou partie de l'année a pour objet de permettre à ces entreprises de faire face, avec la souplesse nécessaire et sans surcoût, aux fluctuations d'activité qu'elles subissent, saisonnières ou conjoncturelles. Le code du travail prévoit aujourd'hui trois types de modulation. A la lumière des accords de réduction du temps de travail conclus en application de la loi du 13 juin 1998, une simplification apparaît possible et un meilleur encadrement du recours aux modulations souhaitable. 1. Un seul type de modulation pourrait suffire. La réduction du temps de travail à 35 heures tend à rendre obsolète l'existence de trois types de modulation différents. Les accords récents et l'évolution des positions syndicales laissent espérer une simplification de ces dispositions. a) Les différents types de modulation Il existe actuellement trois types de modulation : la modulation de type I datant de l'ordonnance du 16 janvier 1982, la modulation de type II introduite dans le droit du travail par la loi du 19 juin 1987 et la modulation de type III, dite annualisation, prévue dans la loi quinquennale du 20 décembre 1993. Les modulations de type I (art. L. 212-8-1 du code du travail) et II (art. L. 212-8-II) consistent à faire varier la durée hebdomadaire du travail sur tout ou partie de l'année, à condition que cette durée ne dépasse pas en moyenne 39 heures par semaine travaillée (ou 35 heures). La différence entre les deux régimes de modulation repose sur la majoration des heures supplémentaires et l'application du repos compensateur pour les heures effectuées au-delà de la durée légale dès lors qu'elles ne dépassent pas le plafond hebdomadaire fixé par l'accord : ces compensations ne sont exigibles que dans la modulation de type I. Il existe néanmoins des seuils maximum de durée du travail en cours de modulation : 44 heures ou 48 heures au maximum de travail sur une semaine ; 46 heures de travail hebdomadaire pendant douze semaines consécutives au plus. La modulation de type III consiste à faire varier la durée hebdomadaire du travail sur tout ou partie de l'année à condition que cette durée ne dépasse pas, en moyenne, par semaine travaillée, la durée prévue par la convention ou l'accord. Ce mécanisme a comme contrepartie obligatoire une réduction de la durée du travail, dont le volume est laissé à l'appréciation des négociateurs. Les seules limites sont les durées maximales quotidienne (10 heures par jour) et hebdomadaire (48 heures par semaine). Pour des entreprises soumises à de fortes fluctuations d'activité, ce dernier type de modulation permet de limiter le recours aux heures supplémentaires ou au chômage partiel. Lorsqu'un accord de modulation est signé (au niveau de la branche ou de l'entreprise), et si cette modulation est bien gérée, toute rémunération différenciée des heures supplémentaires ou du chômage partiel, tout repos compensateur et toute imputation sur le contingent annuel devraient en principe disparaître. Pour résumer, l'intérêt de ce système est que les pics ayant compensé les creux, le salarié a - en moyenne - accompli régulièrement 39 heures (ou 35 heures à partir du 1er janvier 2000 ou 2002), et est rémunéré sur cette base. Son salaire mensuel est généralement lissé - ce qui constitue une autre dérogation dans la mesure où le salaire ne correspondra pas aux horaires réellement effectués - à un niveau équivalent à 39 heures (ou 35 heures) par semaine, une régularisation éventuelle pouvant intervenir en fin d'année, en plus ou en moins. En pratique, la gestion de la modulation peut s'avérer complexe car elle doit s'appliquer à chaque salarié pris individuellement. Ce type d'accord doit en principe comporter des contreparties, augmentation des salaires et réduction du temps travaillé. b) Les accords conclus plaident pour une simplification des systèmes de modulation Les tendances observées dans l'application de la loi du 13 juin 1998, dans le cadre des accords adoptés en vertu de ses dispositions, sont les suivantes : - la majorité des accords signés traite de la modulation : alors que moins de 6 % des entreprises recouraient avant 1995 à ce genre de souplesse, la réduction du temps de travail donne manifestement un coup de fouet à une nouvelle organisation du travail ; - le passage aux 35 heures semble conforter la progressive désuétude de la modulation de type II et surtout de celle de type I (pour celui-ci, la réduction du temps de travail est financièrement difficile à supporter sans réduction de la rémunération compte tenu du coût des heures supplémentaires) ; - on observe une extrême confusion dans le recours aux différents types de modulation (surtout les types II et III), parfois mêlés au sein d'un même accord. La CFDT a ainsi pu écrire : « L'empilement des trois types complexifie fortement la compréhension du système, sa mise en _uvre et son contrôle. » Dès lors, il semblerait opportun de procéder à une simplification de la législation sur ce point en ne conservant qu'un type de modulation. Cette mesure semble recueillir un large assentiment. Les attitudes sont plus contrastées quand il s'agit de préciser la nature du régime en question. Il est intéressant de constater que la notion d'annualisation, qui fut, dans le passé, fortement combattue par les organisations syndicales, est aujourd'hui acceptée de fait ou tolérée puisque la CDFT, la CGT comme FO ou la CFTC signent localement des accords d'entreprise prévoyant une telle modulation des horaires. Ainsi la CGT affirme rester « opposée aux mécanismes d'annualisation », tout en admettant que l'existence des modulations puisse être la contrepartie à la réduction du temps de travail et à la création d'emplois Il est cependant nécessaire de procéder à une réforme du système, à la fois pour le simplifier et pour éviter qu'il puisse être le prétexte à une dégradation des conditions de travail des salariés. 2. La modulation doit être mieux encadrée. Le recours à la modulation, s'il devient plus fréquent, doit néanmoins être utilisé avec la prudence qui doit s'attacher à toute procédure dérogatoire. La loi devra d'ailleurs affirmer clairement ce caractère dérogatoire. La modulation devra plus largement faire l'objet d'un encadrement renforcé. Elle ne doit en effet conduire ni à une intensification du travail, ni à une désorganisation des rythmes sociaux. a) Une faculté à utiliser avec circonspection Le nouveau système de modulation devra reposer sur les principes suivants : - La modulation ne peut être mise en _uvre qu'en vertu d'un accord dérogatoire (de branche étendu ou d'entreprise) ; ce caractère devra être expressément rappelé (les ambiguïtés telles que celles pesant aujourd'hui sur la modulation de type III doivent être évitées à tout prix). - La modulation est interdite si l'horaire moyen qui en découle est supérieur à 35 heures par semaine (adaptation de l'actuel premier alinéa de l'article L. 212-8. L'annualisation introduite dans les entreprises en même temps que la réduction du temps de travail à la faveur d'un accord 35 heures ne doit pas se traduire, pour les salariés concernés, par une accélération des rythmes ou une intensification du travail effectué. Du fait du mouvement de la réduction officielle du temps de travail sur l'année, le volume de travail à effectuer pendant les périodes hautes pourrait s'avérer difficilement réalisable par les salariés, surtout si l'entreprise n'a pas ou insuffisamment procédé à des embauches de personnels complémentaires. Il convient à cet égard de combattre l'hypocrisie qui consisterait, dans les périodes de pic d'activités, à exiger du salarié qu'il accomplisse, en un nombre d'heures déterminé et réduit, une charge de travail identique à celle qu'il assumait auparavant avec des horaires plus étendus. L'annualisation, qui peut en principe permettre d'alterner périodes hautes et périodes basses de façon raisonnable, ne saurait aboutir à accélérer le rythme et exagérer l'intensité des cadences de manière démesurée lors des périodes de pic d'activité. Il conviendrait de fixer dans le cadre d'un accord de modulation le maximum hebdomadaire à 44 heures en moyenne sur 12 semaines. D'aucuns ont relevé que certaines dispositions d'accords ayant trait à l'annualisation n'étaient pas toujours justifiées, les activités réalisées par l'entreprise ou la branche concernées ne se caractérisant pas par de véritables variations d'activités. Ainsi le recours à l'annualisation apparaît-il dans certains cas abusif. La seconde loi pourrait obliger les employeurs recourant à l'annualisation à préciser dans l'accord pour quelles raisons objectives cette organisation du travail est nécessaire. Le législateur pourrait de même chercher à préciser les cas dans lesquels le recours à l'annualisation est pleinement justifié. b) Le contingent des heures supplémentaires devra être abaissé dans le cas de recours à la modulation. Le risque d'intensification résulte notamment du recours par l'employeur à la modulation pour tous les types de fluctuations auxquels il est confronté. Celles-ci peuvent effectivement différer par leur ampleur, mais également par leur nature. La modulation devrait répondre aux fluctuations saisonnières, les heures supplémentaires servant à affronter les variations conjoncturelles. Le cumul des deux peut ainsi conduire à une intensification du travail insupportable et réduire l'impact de la réduction du temps de travail en termes d'emploi. Dès lors, l'idée d'une réduction du contingent d'heures supplémentaires pour les entreprises ayant conclu un accord de modulation est assez largement partagée. La CFDT plaide ainsi pour sa limitation à cinquante heures avec application du repos compensateur de 100 % au-dessus de ce contingent. La réduction constatée dans les accords conclus jusqu'à présent se situe plutôt autour d'un tiers. Un contingent de soixante-dix heures pourrait être préconisé. c) Les délais de prévenance des salariés devraient être rallongés. Sauf à admettre que la réduction du temps de travail peut s'accompagner d'une dégradation des conditions de vie personnelle des salariés et d'une désorganisation complète des rythmes sociaux, il est essentiel de faire en sorte que la modulation fasse l'objet d'une véritable gestion prévisionnelle, qu'elle ne soit pas le fruit de l'improvisation. Dans cet esprit, il semble indispensable d'assortir la conclusion de tout accord de modulation des garanties suivantes : - Un calendrier définissant périodes hautes et basses doit être établi de façon périodique. - Les délais de prévenance en cas de modification des horaires par rapport à ce calendrier ne peuvent être inférieurs à sept jours francs. - Lorsque ces délais ne peuvent être respectés, l'entreprise doit consentir aux salariés concernés une compensation sous forme de repos. - Le nombre de changements susceptibles d'être apportés au calendrier pourrait être limité par l'accord. B - POUR UN TEMPS PARTIEL CHOISI ET BIEN AMÉNAGÉ Il faut tout d'abord se rappeler que la place du temps partiel est loin d'être négligeable dans le marché du travail actuel, puisqu'il représente 17 % environ de la population active. La population concernée par ces emplois est constituée en majorité de femmes généralement faiblement qualifiées et souvent des salariés en début ou en fin de carrière. En dépit de ces caractéristiques générales, cette population reste hétérogène : le travail à temps partiel répond selon les cas à des fonctions et des aspirations différentes. Alors que les salariés à temps complet accomplissent un horaire déterminé de manière collective, les salariés à temps partiel échappent presque totalement aux horaires collectifs. De ce fait, la norme collective les concerne moins que la plupart des salariés. Dans leur cas, le contrat individuel de travail prend une importance accrue, ainsi que l'ont souligné diverses décisions de la chambre sociale de la Cour de cassation. Pendant longtemps, les logiques de la réduction collective du temps de travail et celle du temps partiel se sont opposées. Avec la loi sur les 35 heures, ces deux logiques sont amenées à se rencontrer. Le développement de la réduction collective du temps de travail aurait pu éliminer la nécessité du recours au temps partiel ; il n'en est rien. D'ailleurs, dans le cadre de la première loi sur les 35 heures, le décompte des créations d'emplois intègre les embauches à temps partiel. De nombreuses petites entreprises ayant conclu des accords de réduction de temps de travail dans le cadre de la première loi ont fait appel au temps partiel pour parvenir au taux de 6 % d'embauches nécessaires à l'obtention des aides gouvernementales. 1. La question du temps partiel n'a pas fait, volontairement, l'objet d'un traitement complet dans la loi du 13 juin 1998. Marginal au sein d'une collectivité dont le temps de travail est réduit, le salarié à temps partiel fait cependant l'objet de dispositions qui lui sont propres. Celles-ci sont restées relativement limitées dans la loi du 13 juin 1998. La loi du 13 juin 1998, qui vise par définition la réduction collective du temps de travail, fait peu de place au temps partiel. Ceci contraste avec des législations antérieures qui avaient voulu faire du temps partiel un outil essentiel de la politique publique de l'emploi. Ainsi la loi du 31 décembre 1992 avait par exemple mis en place des mesures d'incitation au temps partiel en adoptant une politique discriminatoire en sa faveur. La loi du 20 décembre 1993 en avait conforté le principe et généralisé l'application. L'accord national interprofessionnel du 31 octobre 1995 comportait également des dispositions relatives au temps partiel et en faisait un des thèmes obligatoires de la négociation de branche. Sans remettre totalement en cause ces dispositions, la loi du 13 juin 1998 a suivi une autre logique en contenant le travail à temps partiel dans une place secondaire. Toutefois, cette loi, en fixant une nouvelle durée légale du temps de travail à partir du 1er janvier 2000, a bouleversé la notion même de travail à temps partiel, puisque le législateur a modifié en profondeur l'élément de référence du décompte de la durée du travail dans l'entreprise. Le nouveau référent des 35 heures doit en effet constituer à court terme l'axe central du régime de la durée du temps de travail, axe en fonction duquel s'organiseront, dans un sens, le régime des heures supplémentaires, du repos compensateur, de la modulation du temps de travail, et dans l'autre, le travail à temps partiel. a ) La première loi sur les 35 heures a cherché à moraliser davantage le recours au temps partiel. Le législateur a, à l'occasion de la loi du 13 juin 1998, tenté de limiter l'amplitude du travail des salariés à temps partiel et cherché à réduire les possibilités d'annualisation. L'Assemblée nationale a ainsi renforcé les dispositions de la loi visant à « moraliser » le recours au temps partiel et à favoriser le temps partiel choisi. Rappelons que des amendements ont été adoptés en première lecture à l'Assemblée nationale lors des débats sur la première loi afin de limiter le bénéfice de l'abattement de 30 % de cotisations sociales patronales. Le bénéfice de l'abattement a été supprimé, d'une part, en cas de temps partiel défensif (c'est-à-dire la possibilité, lorsque cela constitue une alternative à un licenciement économique, de transformer un temps plein en temps partiel sans embaucher), d'autre part, en cas d'embauche à temps partiel lorsque l'employeur a procédé à un licenciement économique dans les douze mois précédents, sauf accord de l'administration. L'Assemblée nationale a, en outre, adopté un amendement prévoyant la modification de plein droit du contrat de travail à temps partiel lorsque l'horaire réellement effectué est durablement supérieur à l'horaire fixé par contrat (deux heures au moins par semaine pendant douze semaines consécutives) ainsi qu'un amendement avançant au 1er janvier 1999 (au lieu du 1er mars 1999) la date à laquelle plusieurs coupures dans une même journée de travail ne pourront être prévues que par accord de branche étendu. A propos de cette dernière disposition, il convient de noter que le travail par séquence est en effet fortement préjudiciable au salarié dont l'intégralité de la journée est amputée pour un salaire minime. Cependant, ce type d'organisation du travail est indispensable pour les entreprises dont l'activité est concentrée sur certaines heures comme l'hôtellerie, les transports scolaires, les sociétés d'entretien et de nettoyage. Aussi l'interdiction peut-elle être levée, d'après la loi du 13 juin 1998, par accord de branche étendu comportant des contreparties spécifiques. De même, l'encadrement négocié du recours au temps partiel annualisé est apparu souhaitable à l'occasion du vote de la loi sur les 35 heures. Rappelons que c'est la loi du 20 décembre 1993 qui a créé le système de temps partiel annualisé. Elle en a admis l'introduction dans l'entreprise sans négociation collective préalable. Il faut relever que ce mode de travail peut conduire, malgré quelques limites imposées par cette loi (exigence d'un contrat comportant des mentions informatives sur la durée et la répartition du travail, nécessité d'un délai de prévenance) à un travail « à la demande ». La loi du 13 juin 1998, si elle n'a pas remis en cause le temps partiel annualisé, en réduit l'attrait en l'excluant du bénéfice de l'abattement de charges sociales prévu à l'article L. 322-12 du Code du travail. Cette mesure dissuasive est cependant écartée si la répartition annuelle résulte d'un accord collectif appliqué dans l'entreprise et « définissant les modalités et les garanties suivant lesquelles le travail à temps partiel est pratiqué à la demande du salarié. » Il a en effet semblé nécessaire de revenir à un cadre conventionnel en la matière. Prenant en compte les spécificités de la branche professionnelle ou de l'entreprise, un tel accord peut imposer des exigences relatives au type de contrat de travail devant être conclu, à la durée minimale de travail sur l'année, aux obligations d'information du salarié, au délai de prévenance, et à la possibilité pour le salarié de refuser des périodes de travail. b ) La loi du 13 juin 1998 a commencé à rééquilibrer les aides en faveur du temps partiel choisi. La loi du 13 juin 1998 a maintenu, pour les salariés à temps partiel, le bénéfice des exonérations de charges sociales. Sans remettre totalement en cause la politique de discrimination positive en faveur du temps partiel, elle en a cependant diminué le champ d'application. L'abattement de charges sociales pour création ou transformation d'emploi à temps partiel a vu son domaine réduit. Le législateur n'a pas entendu favoriser les contrats de travail de durée trop courte. Aussi la loi du 13 juin 1998 a-t-elle réservé cet avantage à ceux atteignant 18 heures de travail par semaine, heures complémentaires non comprises. Elle a supprimé également le cumul, jusqu'alors permis par la loi du 11 juin 1996, entre l'abattement de charges sociales pour embauche à temps partiel et le bénéfice de l'aide à la réduction collective du temps de travail. Les employeurs doivent donc se livrer à un calcul pour déterminer laquelle des exonérations - de 30 % ou de l'aide dégressive instituée par la loi du 13 juin 1998 - sera la plus intéressante pour eux. Notons également que les dispositions de la loi de finances pour 1998 avaient proratisé la ristourne dégressive applicable aux bas salaires. Au total, le recours au temps partiel est moins attractif qu'en 1996. Il faut signaler que ces diverses dispositions ne valent que pour l'avenir et qu'elles ne remettent pas en cause les engagements pris antérieurement à la loi du 13 juin 1998. A l'inverse, il faut relever que la loi sur les 35 heures a atténué l'effet d'une nouvelle durée légale du travail sur le sort des salariés travaillant entre 28 et 32 heures. Bien que ne répondant plus à la définition du temps partiel, ils continueront à donner lieu à l'abattement de charges sociales. 2. Les salariés à temps partiel ont un régime particulier dans les entreprises ayant réduit collectivement le temps de travail. Si la notion de temps partiel est totalement dépendante de la durée légale du temps de travail, tel n'est pas le cas des salariés à temps partiel eux-mêmes. Echappant par définition à l'horaire collectif de travail, ils bénéficient d'une certaine indépendance à l'égard de la réduction collective du temps de travail. a ) Le principe consiste dans l'indépendance du sort des salariés à temps partiel. Aux termes de l'article L. 212-4-3 du code du travail, le contrat de travail à temps partiel doit être écrit et comporter, s'il s'agit d'un temps partiel hebdomadaire ou mensuel, une clause relative à la durée du travail et à sa répartition entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. S'agissant du temps partiel annualisé, le contrat de travail doit indiquer la durée annuelle du travail, les périodes travaillées et non travaillées, la répartition à l'intérieur de ces périodes et les conditions éventuelles de modification de cette dernière. La Cour de cassation a déterminé qu'en l'absence d'écrit, le contrat de travail était présumé conclu à temps complet. Dans de nombreux arrêts (en date du 29 janvier 1997, du 13 mars 1997, et surtout du 12 novembre 1997, Société Paris Europe contre E. Augis), la Cour a considéré qu'il « appartient à l'employeur qui se prévaut d'un contrat à temps partiel de rapporter la preuve non seulement de la durée exacte du travail convenu mais également de sa répartition sur la semaine ou sur le mois ». La durée du travail et sa répartition constituent des clauses essentielles du contrat de travail à temps partiel dans la mesure où elles permettent au salarié de prévoir le rythme auquel il pourra travailler. La durée du travail et la répartition de ce dernier font partie de la sphère contractuelle. Une réduction de la première comme un changement de la seconde représentent une modification du contrat de travail et nécessitent de ce fait l'accord des intéressés, cet assentiment devant prendre la forme d'un avenant au contrat de travail. Ainsi, l'adoption d'une durée légale collective à 35 heures dans une entreprise n'entraîne pas ipso facto une réduction proportionnelle de l'activité des salariés à temps partiel. Cette question relève en fait de la négociation collective. Notons que la question du sort des salariés à temps partiel s'était déjà posée avec la loi du 11 juin 1996 dite loi de Robien. Celle-ci a intégré les salariés à temps partiel dans le champ d'application des accords, la durée conventionnelle adoptée devenant le nouveau point de comparaison dans l'entreprise concernée. D'après cette loi, dans le cas d'une entreprise ayant des salariés à temps plein et d'autres à temps partiel, une option s'ouvrait aux négociateurs qui pouvaient, soit, appliquer proportionnellement une réduction du temps de travail aux salariés à temps partiel, soit, décider de laisser ces salariés en dehors de la réduction. La question qui se pose alors dans une telle situation est celle de l'accord du salarié à temps partiel. Dans le cadre de la loi du 11 juin 1996, le consentement des salariés concernés était requis. Il l'est également dans le cadre de la loi sur les 35 heures. b ) Le traitement des salariés à temps partiel dans les accords d'entreprise D'après les données figurant dans le rapport d'étape présenté par la ministre le 20 mai 1999, à cette date, près de la moitié des accords de branche contenaient des dispositions concernant le temps partiel et utilisaient les possibilités d'aménagement ouvertes par la loi. On peut noter les tendances suivantes : - Un peu moins de la moitié de ces accords utilisent la possibilité légale d'augmenter le volume des heures supplémentaires jusqu'au tiers de la durée figurant au contrat de travail. - Plusieurs accords font référence au délai de prévenance en cas de modification de la répartition des horaires. Lorsqu'elles utilisent la possibilité d'abaisser le délai de droit commun de sept jours, les branches retiennent un délai de trois jours (accord signé dans l'automobile par exemple), voire cinq jours (accord relatif aux experts-comptables). Parfois, ce délai peut être augmenté (par exemple deux semaines pour le temps partiel annualisé dans l'accord sur la restauration collective). - Une dizaine d'accords prévoyaient à la mi-mai 1999 des dispositions spécifiques en matière de coupures. Ces accords en limitent le nombre en ne prévoyant qu'une coupure de deux heures (exemples des accords sur les équipements thermiques ou sur les carrières et matériaux) ou de quatre heures (exemple de l'accord signé dans le commerce alimentaire). Quelques accords comportent des dispositions complémentaires concernant : - les durées maximales de travail : le plus souvent entre 20 et 26 heures par semaine (24 heures dans l'accord des experts-comptables, 26 heures en cas de modulation dans l'accord sur le commerce alimentaire). Cette durée maximale peut même être exprimée sur une base annuelle (800 heures dans l'accord dans la restauration collective). - l'accès de ces salariés à la formation (exemples des accords des experts-comptables et de la mutualité sociale agricole). De nombreux accords d'entreprises démontrent à ce jour le souci des négociateurs de développer le temps partiel choisi en offrant aux salariés concernés plusieurs durées du travail. Ces accords proposent souvent des options à ces salariés : un passage aux nouvelles conditions du temps plein ou une réduction du temps de travail dans les mêmes conditions que les temps plein, un maintien de l'horaire antérieur avec une évolution du salaire horaire identique à celle des temps plein. Le choix le plus fréquemment offert est la réduction au prorata des temps plein ou la remontée au nouvel horaire collectif ou à un horaire intermédiaire. Les accords qui traitent de la situation des nouveaux embauchés retiennent en général, pour ces derniers, des conditions identiques à celles des salariés déjà présents dans l'entreprise. 3. La deuxième loi doit clarifier la définition du temps partiel et la place des salariés concernés dans l'entreprise. Trois idées majeures doivent guider le législateur dans la perspective de la seconde loi : - Il convient d'harmoniser les définitions française et communautaire du temps partiel. - Il faut s'efforcer de développer le temps partiel choisi et de lutter contre le temps partiel subi et d'éventuelles dérives touchant ces salariés. - Il faut faire en sorte de permettre un véritable choix pour les salariés à temps partiel qui doivent pouvoir opter entre le maintien de leurs horaires, une réduction de leur horaire proportionnelle à la réduction collective du temps de travail, voire une augmentation de leurs horaires au niveau des temps plein même réduit. a) La seconde loi doit permettre une mise en conformité de la définition française avec la définition communautaire. La loi du 13 juin 1998 n'a pas permis de clarifier la notion de temps partiel qui fait l'objet de définitions diverses selon les sources du droit. Les différentes définitions du temps partiel ne sont pas concordantes aujourd'hui. Le travail à temps partiel se détermine par rapport au travail à temps complet. Ainsi la convention 175 de l'Organisation internationale du travail (OIT) dispose-t-elle que le travailleur à temps partiel désigne un « salarié dont la durée normale du travail est inférieure à celle des travailleurs à plein temps se situant dans une situation comparable ». Elle n'impose ni minimum, ni régularité du travail, ni maximum, si ce n'est la limite du travail à temps plein. La directive du Conseil de l'Union européenne en date du 15 décembre 1997 - appliquant l'accord cadre sur le travail à temps partiel du 6 juin 1997 - concerne les « salariés dont la durée normale de travail, calculée sur une base hebdomadaire ou en moyenne sur une période d'emploi pouvant aller jusqu'à un an, est inférieure à celle d'un travailleur à temps plein comparable. » Quant à l'article L. 212-4-2 du code du travail, il renvoie « aux horaires inférieurs d'au moins un cinquième à la durée légale du travail ou à la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l'entreprise. » La définition du travail à temps partiel se caractérise, dans tous les cas, par sa dimension relative. La situation actuelle est marquée par une certaine complexité accrue par les implications de la loi sur les 35 heures. Dans le droit français, la norme du temps de travail peut différer d'une entreprise à une autre, suivant la durée conventionnelle retenue. Les accords de réduction du temps de travail sont particulièrement significatifs à cet égard dans la mesure où ils déterminent une nouvelle durée du temps de travail à partir de laquelle pourra s'apprécier le caractère partiel du temps travaillé. Dans les entreprises passées aux 35 heures, seuls les salariés ne dépassant pas 28 heures de travail hebdomadaires répondront réellement, selon la législation française, au qualificatif de travailleurs à temps partiel. Le passage aux 35 heures relance le débat sur l'opportunité de modifier la définition du temps partiel prévalant en droit français. A la différence de l'approche internationale ou communautaire, ce temps de travail doit être, on l'a vu, inférieur d'un cinquième à la durée légale ou conventionnelle du travail. Le choix d'une nouvelle référence fixée à 35 heures fera donc perdre, en l'état actuel du droit, la qualification de salarié à temps partiel aux personnes travaillant entre 28 et 32 heures hebdomadaires. Il faut donc plaider pour une mise en conformité de la définition nationale avec la définition communautaire, ce qui permettrait la disparition de la frange intermédiaire (de 28 à 32 heures), source de contentieux. b) Il convient de protéger les salariés à temps partiel contre certains abus et de développer le temps partiel choisi à l'occasion de la seconde loi. Dans le système productif classique, le temps de travail, mesurable et sécable, se définissait simplement par opposition au temps libre disponible. Il existait une synchronisation des temps sociaux et du travail, de même qu'une solidarité entre les travailleurs assujettis aux mêmes horaires et cadences. Cette organisation du temps de travail entraînait également une solidarité entre le temps de travail et le temps de la cité, celui de l'école, des transports et des loisirs. Dans le modèle post-industriel, le risque de voir se développer une flexibilité non encadrée, liée notamment au développement du temps partiel contraint, doit être écarté grâce à une législation protectrice. Dans son récent rapport sur « Les transformations du travail et le devenir du droit du travail en Europe », M. Alain Supiot, professeur de droit à Nantes, note à juste titre que « réduire le temps de travail peut augmenter les inégalités », la valeur du temps rendu disponible n'étant pas homogène selon les catégories. Les horaires élastiques et les heures complémentaires imposées sans délai de prévenance et au-delà du seuil autorisé constituent malheureusement le quotidien de certains salariés. Chacun sait que les caissières d'hypermarché, pour ne citer que l'exemple de salariés à temps partiel le plus connu, sont souvent à temps (très) partiel sans toutefois maîtriser leur emploi du temps. Le temps travaillé, extrêmement parcellisé, envahit la vie privée des salarié(e)s concerné(e)s. Le temps partiel ne permet pas, dans de nombreux cas, de concilier harmonieusement vie familiale et vie professionnelle. La situation est d'autant plus préoccupante que le fait de prendre un temps partiel s'avère quasiment irréversible en France, ce qui n'est pas le cas en Suède par exemple. En outre, les salariés à temps partiel sont les moins bien représentés sur le plan de la négociation collective. M. Dominique Taddei est allé jusqu'à considérer que l'enjeu social de la deuxième loi sur les 35 heures était de combattre le phénomène du « ghetto féminin du temps partiel ». Il faut rappeler à cet égard que 80 % des salariés pauvres sont des femmes, au SMIC ou à temps partiel. Pour les salariées concernées, le temps partiel ne constitue que rarement une situation idéale. La faiblesse des salaires, les horaires de travail flexibles et, pour les mères de famille, la difficulté à trouver des places dans les crèches publiques expliquent que certaines d'entre elles préfèrent renoncer à leur emploi à temps partiel. La deuxième loi sur les 35 heures pourrait fournir l'occasion de réfléchir au phénomène des « working poors », des travailleurs pauvres, qui se développe avec l'extension du temps partiel contraint. Certains plaident pour que les modulations ne puissent être applicables pour les temps partiel en arguant que, dans ce cas, les salariés à temps partiel se transforment en « bouche trou » au sein de l'entreprise et ne peuvent plus mener de véritable vie de famille. Le travail à temps partiel aurait alors tendance à devenir un travail en intermittence. Il convient, à tout le moins, d'encadrer les pratiques observées dans certains secteurs, comme la grande distribution par exemple, afin de limiter les éventuelles dérives. A cet égard, le régime des délais de prévenance pourrait par exemple être amélioré dans la deuxième loi. De même, le législateur doit rester vigilant en matière d'astreintes pour les temps partiel, système qui ne saurait se développer de manière inconsidérée. c) La seconde loi doit prendre en compte les aspirations des salariés à temps partiel qui souhaitent travailler davantage. Quelques quatre salariés à temps partiel sur dix souhaiteraient travailler davantage selon les statistiques aujourd'hui disponibles. Bon nombre de salariés seraient prêts à bénéficier des heures libérées par la réduction du temps de travail des salariés à temps plein. Rappelons que le nombre de salariés à temps partiel s'élève à environ 1,7 million. Le nombre de ces contrats ne cesse d'augmenter et leur courbe de progression risque d'être encore amplifiée par les accords sur les 35 heures, qui accentuent bien souvent les mécanismes de modulation, d'annualisation du travail propices au morcellement des rythmes et des durées d'emploi. Plus les entreprises deviennent flexibles dans leur organisation, plus elles ont besoin de personnels à des moments bien précis de la journée, de la semaine, du mois ou de l'année. Le ministère de l'emploi a compris l'aspiration de nombreux salariés à temps partiel à travailler plus. Pour l'octroi des aides publiques, l'augmentation des horaires des temps partiels prévue par les accords d'entreprise est prise en compte au moment d'apprécier l'effet emploi des 35 heures (sous réserve qu'une moitié des heures libérées corresponde effectivement à des embauches). S'appuyant sur cette disposition, la branche de la propreté a, parmi les premières, donné priorité aux temps partiels. Les salariés à temps partiel sont ainsi prioritaires pour augmenter la durée de leur temps de travail et accéder éventuellement à un emploi à temps plein. Il faut relever, en effet, que 70 % des 286 000 salariés de la branche sont embauchés à temps partiel. Notons que la branche de la restauration collective a suivi une démarche similaire. Il faut permettre aux salariés à temps partiel le souhaitant de bénéficier des heures libérées par les salariés à temps plein ayant réduit leur temps de travail. Il faut en effet faire en sorte que chaque salarié à temps partiel puisse plus facilement demander et obtenir au sein de son entreprise ayant conclu un accord d'augmenter sa durée de travail, voire de travailler à temps plein. La seconde loi doit réaffirmer l'obligation légale existante selon laquelle lorsqu'il y a création d'emplois dans une entreprise, l'employeur doit en priorité proposer ce temps plein aux salariés à temps partiel en poste dans l'entreprise. La loi pourrait indiquer que les accords de réduction du temps de travail fixent les modalités selon lesquelles cette obligation faite à l'employeur s'organise. En définitive, un choix doit être laissé aux salariés à temps partiel. Il est nécessaire de permettre aux temps partiel de choisir entre le statu quo, la réduction de leur temps de travail, ou un temps complet. Il faut enfin réaffirmer la nécessité d'un accord individuel du salarié pour que son temps de travail soit réduit proportionnellement à la réduction collective du temps de travail dans l'entreprise. Des avenants au contrat de travail doivent impérativement être signés dans ce cas. Il conviendrait enfin d'harmoniser les aides attribuées à la réduction individuelle et à la réduction collective du temps de travail. Compte tenu de ce qui précède, rien ne justifie plus la prolongation du dispositif d'abattement de 30 %, qui est susceptible de constituer un avantage comparatif au recours au temps partiel. Le faible recours des entreprises éligibles (moins d'un tiers y font appel) montre par ailleurs l'impact relativement limité de cette mesure, qui représente en outre dans certains cas un effet d'aubaine. En revanche, les salariés à temps partiel devraient être inclus, à condition d'avoir un contrat de travail prévoyant une durée hebdomadaire égale ou supérieure à 18 heures, dans le périmètre de l'aide structurelle à la réduction du temps de travail. Celle-ci, comme l'abattement spécifique sur les bas salaires, devrait être proratisée. C - VERS DE NOUVELLES RÈGLES DE VALIDATION DES ACCORDS DE RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL Chacun sait que les syndicats affiliés à l'une des cinq centrales nationales interprofessionnelles que sont la CGT, la CFDT, la CGT-FO, la CFTC et la CFE-CGC bénéficient d'un avantage essentiel dans l'entreprise, puisque nul ne peut contester leur représentativité qui est de droit. Cette faveur née en 1968 et élargie en 1982 puis reprise par la loi du 13 juin 1998 à propos des salariés mandatés consiste dans la « représentativité irréfragablement présumée ». Que peut-il se passer si un accord de réduction du temps de travail comportant des contreparties lourdes en termes de modération salariale ou d'annualisation est signé par un syndicat minoritaire au sein de l'entreprise au détriment des intérêts des salariés et sans que leur assentiment ait été requis ? 1. Des règles existantes plutôt strictes Un accord ou une convention d'entreprise est valablement conclu dès qu'une organisation syndicale représentative l'a signé selon l'article L. 132-2 du code du travail. Mais le droit a été reconnu aux organisations syndicales les « plus » représentatives dans l'entreprises (majoritaires et non signataires) de s'opposer à l'entrée en vigueur de l'accord signé par un ou plusieurs syndicats, représentatifs, mais minoritaires dans l'entreprise ou dans l'établissement. Des conditions assez strictes ont cependant été mises à la reconnaissance de ce droit d'opposition. Celui-ci n'existe que dans deux situations. La première concerne les hypothèses où la convention ou l'accord d'entreprise comportent des clauses dérogeant soit à des dispositions salariales conclues au niveau professionnel ou interprofessionnel, soit à des dispositions réglementaires ou législatives lorsque ces dispositions autorisent une dérogation (article L. 132-26). L'autre solution est celle où la révision d'un accord d'entreprise n'a pas été signée par tous les syndicats ayant signé l'acte initial. Même lorsque le droit d'opposition est reconnu aux syndicats représentatifs, les conditions mises à son exercice sont très limitatives. Seuls les syndicats qui n'ont pas signé l'accord peuvent s'opposer à son entrée en vigueur. L'opposition, pour être valablement formulée, doit être manifestée dans le délai de huit jours à compter de la signature de l'accord. Elle ne produit d'effet que si elle émane d'un syndicat ou de plusieurs syndicats ayant recueilli, lors des dernières élections au comité d'entreprise, les voix de plus de la moitié des électeurs inscrits, ce qui représente dans la plupart des cas environ 70 à 80 % des votants. 2. Vers plus de démocratie sociale L'analyse des accords signés à ce jour au titre de la loi du 13 juin 1998 montre que, dans neuf cas sur dix, les accords d'entreprise sont signés à l'unanimité des organisations syndicales présentes dans l'entreprise. Des référendums d'entreprise sont souvent organisés par les négociateurs pour conforter leurs positions et s'assurer ainsi de l'approbation des salariés. Mais cette situation aujourd'hui favorable pourrait l'être moins lorsque, du fait du passage à la durée légale du travail à 35 heures, certaines entreprises pourraient être amenées à signer de façon quelque peu rapide des accords sans se préoccuper véritablement de l'assentiment qu'ils recueillent auprès de leurs salariés. La réduction du temps de travail s'accompagnant fréquemment de dispositifs dérogatoires, il conviendrait de s'assurer que ceux-ci bénéficient de l'assentiment d'une majorité de salariés. D'après les observateurs, ce sont précisément les accords qui ont été signés par un syndicat minoritaire dans l'entreprise qui sont les plus susceptibles de poser problème au moment de leur application. Afin de donner un maximum de légitimité et de force aux accords signés, la seconde loi pourrait être l'occasion d'en améliorer les modalités de signature ou de dénonciation. Deux options pourraient être ouvertes : l'amélioration des règles concernant le droit d'opposition et la rénovation de celles relatives à la validation des accords. S'agissant du droit d'opposition, celui-ci pourrait être mieux organisé au niveau de la branche et surtout, les conditions de son exercice pourraient être assouplies au niveau de l'entreprise. La règle de la majorité pourrait être calculée en tenant compte des votants aux élections et non plus seulement en fonction des inscrits, ce qui constitue une règle trop restrictive qui a pour effet de limiter de façon excessive les possibilités d'exercice de ce droit. La deuxième option, la plus ambitieuse, serait de prévoir que, pour qu'un accord de réduction du temps de travail soit considéré comme valide, il devrait être signé par une ou plusieurs organisations syndicales à condition qu'elle(s) représente(nt) une majorité des salariés présents dans l'entreprise, selon les résultats des dernières élections. Dans le cas où une ou des organisations syndicales minoritaires souhaiteraient signer un accord, il pourrait être prévu que la validation de ce dernier serait subordonnée à l'accord d'une majorité des salariés, consultés par référendum. Cette piste, ouverte pour les seuls accords de réduction du temps de travail, pourrait marquer le début d'une réflexion plus large sur les règles de la démocratie sociale dans notre pays. D - VERS L'AFFIRMATION D'UN VÉRITABLE « DROIT AU REPOS » La loi a toujours eu pour objet de protéger le salarié y compris du point de vue de la santé ; c'est ainsi qu'ont été fixées les durées maximales, journalières et hebdomadaires. Cette protection doit être renforcée par la reconnaissance d'un véritable droit au repos. Aux termes de l'article 2 de la directive communautaire du 23 novembre 1993 déjà citée, est un temps de repos toute période qui n'est pas du temps de travail. Simple, voire simpliste, cette définition communautaire pose une question essentielle. Etant donné que la délimitation de la durée du travail devient de plus en plus complexe, comme on l'a vu en début de deuxième partie, il sera de plus en plus difficile, avec le système des astreintes, le développement du télétravail et des nouvelles technologies, d'assurer aux salariés des périodes de véritable repos. 1. La loi du 13 juin 1998 a permis de réelles avancées. C'est grâce à un amendement adopté à l'Assemblée nationale en première lecture lors des débats sur la première loi que deux autres dispositions de la directive du 20 novembre 1993 déjà citée ont été transposées, ce qui constitue des avancées non négligeables pour les droits des salariés. Désormais, aux termes de l'article 6 de la loi du 13 juin 1998, tout salarié doit bénéficier d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives. Des possibilités de dérogation par accord collectif dans des conditions fixées par décret, sont toutefois prévues pour certaines activités ou en cas d'urgence. En outre, aucun temps de travail quotidien ne pourra atteindre six heures sans que le salarié ne puisse disposer d'une pause d'une durée minimale de vingt minutes20. Dans la même logique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement prévoyant que le repos compensateur obligatoire doit en principe être pris dans les deux mois suivant l'ouverture du droit ou au plus dans un délai maximal d'un an. 2. Le législateur doit rester attentif aux évolutions de l'organisation du travail. Aujourd'hui, les principes de la réglementation se caractérisent par leur simplicité. Tout salarié a au minimum droit à un repos hebdomadaire de vingt-quatre heures, ce repos devant en principe être donné le dimanche. Dans la pratique, une majorité de salariés à temps plein bénéficient de deux jours de congé par semaine, même si tous ne chôment pas le dimanche. Dans sa Critique du droit du travail21, Alain Supiot écrivait : « Depuis sa plus lointaine origine, c'est-à-dire depuis la limitation de la durée du travail des enfants, le droit du travail a eu pour objet de rappeler la sphère économique au respect des contraintes biologiques qui pèse sur la définition du temps de travail. Depuis lors, cette réglementation du temps de travail a accueilli aussi d'autres préoccupations liées à l'évolution des techniques et des modes d'existence qui ont conduit à perdre un peu de vue ce qui fut sa raison première. Mais celle-ci demeure en réalité le noyau dur de ces dispositifs juridiques, comme le montre l'examen de ce qui reste de normes « indérogeables » dans le domaine de la durée du travail : essentiellement le droit à un minimum de repos. » Aujourd'hui, les exceptions à la règle du repos hebdomadaire restent rares ; on les trouve pour les travaux urgents de sécurité par exemple. En revanche, les exceptions au repos du dimanche ont eu malheureusement tendance à se multiplier au cours des dernières années. Il faut se souvenir que la loi quinquennale sur l'emploi de 1993 déjà citée a cherché à maintenir le principe de l'interdiction du travail le dimanche mais a actualisé les possibilités de dérogations à cette règle. Par exemple, des exceptions à cette règle sont possibles pour des raisons liées aux activités touristiques (article L. 221-8-1 du code du travail). Quoi qu'il en soit, des pistes de réflexion doivent être ouvertes afin de s'engager vers la définition à terme d'un véritable « droit au repos » reconnu aux salariés en toute hypothèse, y compris en cas d'accord de modulation. Parallèlement, le législateur devrait se préoccuper des conséquences de la modification des rythmes de travail sur l'organisation de la vie collective. Par exemple, la signature d'un accord de réduction du temps de travail dans une grande entreprise incluant un dispositif de modulation aura des incidences considérables et indirectes sur les salariés des entreprises sous-traitantes mais aussi sur la vie des salariés de l'entreprise signataire éventuellement confrontés à l'inadaptation de leurs nouveaux horaires avec ceux des services publics comme les transports ou les crèches. Il serait donc souhaitable d'encourager la mise en place au niveau des bassins d'emploi de commissions locales tripartites (collectivités publiques, organisations syndicales et patronales) chargées d'examiner les implications concrètes des accords signés sur l'organisation de la vie collective. La commission a examiné le deuxième rapport d'information de M. Gaëtan Gorce sur l'application de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail au cours de sa séance du mardi 22 juin 1999. Un débat a suivi l'exposé du rapporteur. M. François Goulard a observé que deux visions des relations du travail s'opposaient : alors que le rapporteur considère qu'il faut encadrer toujours davantage celles-ci, lui-même propose au contraire d'ouvrir davantage d'espaces de souplesse et de liberté. Il a ensuite fait les observations suivantes : - On peut être perplexe devant certaines déclarations gouvernementales récentes. Ainsi, l'annonce que, pendant un délai d'un an, les heures supplémentaires seront très peu taxées paraît marquer une volonté de ne pas appliquer tout de suite les 35 heures ; si le Gouvernement était convaincu des effets de cette mesure sur l'emploi, il n'envisagerait pas de mettre en place cette « année de grâce ». - Les modalités de comptabilisation des emplois créés ne sont pas acceptables. Il est paradoxal d'attribuer des effets à une loi qui ne s'applique pas encore. L'administration du travail comptabilise seulement les déclarations d'emplois créés ou sauvegardés faites par les entreprises afin de bénéficier de subventions, sans prendre en compte les emplois supprimés. - Il est regrettable qu'il n'ait pas été trouvé de solution technique satisfaisante au problème du SMIC. On peut craindre que les salariés à temps partiel s'en trouvent pénalisés. C'est une source d'inégalités inacceptables. M. Yves Cochet s'est félicité de ce que, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 13 juin 1998, les négociateurs aient bénéficié de temps - près d'un an - pour finaliser leurs accords. Ceux-ci sont d'ailleurs de bonne qualité dans la plupart des cas. Il appartient maintenant au Parlement de prendre sa part dans les débats en cours, y compris sur l'architecture générale du deuxième texte de loi en préparation. Après avoir exprimé son accord avec les grands principes énoncés par le rapporteur, il a soulevé les points suivants : - Si l'application de la loi dès le 1er janvier 2000 est indispensable, la question d'une période d'adaptation se pose. A cette date, les règles du jeu seront connues depuis un an et demi. - Pour l'aménagement du régime transitoire des heures supplémentaires, le législateur doit se prononcer sur trois éléments : le contingent, la majoration et les modalités de compensation de ces heures supplémentaires pour les salariés. Sur ce dernier point, la proposition du rapporteur d'envisager un versement de la majoration des quatre premières heures supplémentaires à l'UNEDIC est intéressante, même si on pourrait lui préférer un système de repos compensateur renforcé qui constituerait une forte incitation à l'embauche. - Il faut en effet définir dans la seconde loi un cadre juridique clair et stable : les 35 heures au 1er janvier 2000 constituent à cet égard, une règle particulièrement claire et simple. Elles n'empêchent pas de s'engager vers une formule de référence horaire annuelle, d'ailleurs envisagée par le rapporteur et étudiée par le ministère de l'emploi et de la solidarité qui se fonde quant à lui sur un calcul de 1 575 heures par an et non de 1 600 heures. - Les cadres sont légitimement inquiets sur le traitement qui leur sera réservé ; il conviendrait de faire un sort particulier dans la seconde loi aux cadres dirigeants, peu nombreux, tandis que, pour tous les autres, l'obligation de décompte du temps de travail en heures subsisterait et serait réellement mise en pratique, avec pointeuses si nécessaire. Il faut tenter de banaliser le statut des cadres qui doivent être le plus possible traités à l'instar des autres salariés. En conclusion, M. Yves Cochet a approuvé l'idée de simplification des systèmes de modulation, ainsi que celle d'un droit au repos, qui n'est pas sans rappeler le « droit à la paresse » revendiqué en son temps par Lafargue. Mme Marie-Thérèse Boisseau a formulé les remarques suivantes : - Il faut prendre en compte l'effet négatif sur la création d'emplois des 35 heures. Certaines entreprises, inquiètes par la perspective de la généralisation des 35 heures, réduisent leurs effectifs. En réalité la loi a « mangé son pain blanc » en poussant à la réduction du temps de travail là où cela était le plus aisé. - Dans la mesure où l'analyse des accords montre que le maintien quasiment systématique du niveau de salaire est assuré, la réduction du temps de travail devrait bien se traduire par un alourdissement du coût de celui-ci dans les entreprises, sachant que toutes ne peuvent en pratique réaliser des gains de productivité. - On peut s'interroger sur la signification du « droit au repos » évoqué par le rapporteur et sur la possibilité même de quantifier et d'appréhender concrètement une telle notion. M. Yves Rome, après avoir souligné l'intérêt du rapport qui esquisse des pistes pour rendre plus efficace la réduction du temps de travail, a indiqué que le contingent de 130 heures apparaissait suffisant pour aborder le passage aux 35 heures et que sa maîtrise pouvait être laissée aux partenaires sociaux. Il a ensuite observé que la majoration de 10 % à partir de la 36ème heure pourrait aussi avoir pour objectif de désinciter les salariés à multiplier les heures supplémentaires, ceci afin d'éviter que celles-ci freinent les créations d'emplois. Le président Jean Le Garrec a tout d'abord observé que, si la réalité des chiffres pouvait donner lieu à des discussions infinies, pour autant, il ne fallait pas surestimer l'impact de l'effet d'aubaine, si réel soit-il, et que, sur le terrain, le frein à la création d'emplois qui résulterait de la perspective du passage aux 35 heures apparaissait peu vérifié. L'objectif poursuivi par la loi est de réduire le temps de travail en créant des emplois sans que cette dynamique s'opère au détriment des entreprises. Trois catégories peuvent être distinguées à cet égard : les entreprises ayant conscience de l'intérêt que peut présenter pour elles la réduction du temps de travail, les entreprises hésitantes qu'il faut convaincre de négocier, et les entreprises repliées sur elles-mêmes que l'on ne peut ignorer. La phase d'adaptation apparaît à ce titre incontournable ; un délai s'avère en effet nécessaire pour procéder aux ajustements inévitables entre le moment de la conclusion d'une négociation et celui auquel l'employeur procède réellement à des embauches. Enfin, la question de l'application de la réduction du temps de travail à l'encadrement laisse subsister des problèmes réels même si les cadres ont de plus en plus tendance à se considérer comme des salariés « ordinaires ». Mme Catherine Génisson, s'appuyant sur le rapport qu'elle vient de rendre au Gouvernement sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes a rappelé que la seconde loi sur les 35 heures devrait être l'occasion de repenser l'organisation du temps de travail des cadres. Il existe d'abord un problème de définition du cadre, la notion de cadre en France étant trop large. De plus, l'organisation actuelle du travail reste pénalisante pour les femmes cadres qui ne parviennent pas à articuler correctement leur vie familiale et leur vie professionnelle. En réponse aux intervenants, le rapporteur, a apporté les précisions suivantes : - La période d'adaptation ne saurait être considérée comme une période de report de l'application de la loi dans la mesure où, dès le 1er janvier 2000, la durée légale du travail sera fixée à 35 heures. La période d'adaptation envisagée intervient dans un contexte radicalement nouveau, puisque à cette date, l'obligation de passer aux 35 heures va se substituer à la phase purement incitative. Le caractère instable du cadre juridique actuel a pu susciter des réactions d'attente de la part de certaines entreprises et explique en partie que beaucoup n'aient pas encore conclu d'accords. - La création d'emplois liée à la réduction du temps de travail est incontestable. Le fait de réduire le temps de travail rend presque mécaniquement, au moins pour partie, indispensable de recourir à des recrutements. La notion de droit au repos qui, plus qu'une formule, répond à des réalités et des dérives qu'il convient de combattre pour le bien-être et le respect des salariés. Il faut ainsi lutter contre la remise en cause inadmissible de certains temps de repos. Ainsi certains salariés sont de façon croissante et parfois injustifiée conduits à travailler à leur domicile ; en outre, le repos du dimanche a tendance à n'être pas toujours respecté. La commission a décidé, en application de l'article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication. N°1731. -RAPPORT D'INFORMATION de M. Gaëtan GORCE déposé en application de l'article 145 du Règlement par la commission des affaires culturelles sur l'application de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail 1 Voir le premier rapport d'information présenté par M. Gaëtan Gorce à ce sujet - (n° 1457, déposé le 10 mars 1999) 2 Le 28 mars au cours de l'émission du Grand Jury RTL-Le Monde- LCI. 3 Cf arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation dès le 24 janvier 1973. 4 Cf arrêt de la chambre sociale en date du 10 mars 1988. 5 Cf arrêt de la chambre sociale du 26 février 1976. 6 Cf arrêt de la chambre sociale du 9 janvier 1980. 7 Cf arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation en date des 28 mars 1973, 2 mars 1977 et 9 janvier 1980. 8 Cf arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 31 mars 1993, du 15 février 1995 ou du 1er mars 1995. 9 Cf. arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 19 novembre 1996. 10 Cf. arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 24 novembre 1993. 11 Cf. arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 15 février 1995. 12 Cf. arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 29 mai 1984 et du 11 février 1986. 13 Cf. arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 11 octobre 1984 14 Cf. arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation en date des 27 septembre 1984 et 19 février 1992 15 Cf. arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 18 janvier 1989 16 Cf. arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 12 octobre 1978 17 "24 propositions CFTC pour créer des emplois, vivre mieux et améliorer le dialogue social" 18 On notera toutefois que le repos des autres jours fériés, énumérés par le code du travail à l'article L. 222-2, est obligatoire pour certaines catégories (jeunes travailleurs et apprentis de moins de dix-huit ans). 19 Cf. arrêt de la Chambre civile de la Cour de Cassation en date du 4 décembre 1996, SA Ecoplastic et autres c/Braud et autres 20 Ces dispositions ne s'appliquent pas aux personnels roulants ou navigants du secteur des transports qui relèvent d'un régime spécifique. 21 Critique du droit du travail,, PUF, les voies du droit, 1994 (page 72). |