- -

N°1802. - RAPPORT D'INFORMATION
de M. Jean-Pierre BRARD,

déposé en application de l'article 145 du Règlement par
la commission des finances,
sur la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales.

Partie II (chapitres III et IV)

Pour en faciliter la consultation, ce rapport a été découpé en quatre parties
Pour consulter la partie I (chapitre premier et chapitre II) cliquer ici

Pour consulter l'annexe 1, cliquer ici
Pour consulter l'annexe 2, cliquer ici

(Vous pouvez commander la version imprimée de ce rapport en utilisant le bon de commande en ligne)

SOMMAIRE

Pages

___

INTRODUCTION 15

CHAPITRE PREMIER : LA MODERNISATION DES MODALITÉS DU CONTRÔLE FISCAL : UNE OPTION ESSENTIELLE DANS LE CADRE D'UNE RELATION RENOUVELÉE AVEC LE CONTRIBUABLE 25

I.-  L'ADOPTION D'UNE NOUVELLE APPROCHE DES RELATIONS ENTRE L'ADMINISTRATION ET LE CONTRIBUABLE DANS LE CADRE DE LA RÉFORME DU MINISTÈRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE 26

II.-  LA RÉORIENTATION DES MODALITÉS DU CONTRÔLE FISCAL 33

A.- LE RECOURS À L'ANALYSE DE RISQUE : UNE INNOVATION APPRÉCIABLE 33

B.- L'ADAPTATION DES PROCÉDURES DE CONTRÔLE EXTERNE DES PME : UNE MESURE CONFORME AUX ENJEUX 37

III.-  LES PROPOSITIONS DE VOTRE RAPPORTEUR POUR FACILITER PLUS ENCORE L'ACCÈS DU CITOYEN À LA LOI FISCALE ET À L'ADMINISTRATION FISCALE 40

A.- L'AMÉLIORATION DE LA TRANSPARENCE DU RECOUVREMENT DES RAPPELS D'IMPOSITION 40

B.- L'AMÉNAGEMENT DES PROCÉDURES DE MÉDIATION LORS DES OPÉRATIONS DE CONTRÔLE FISCAL 41

C.- LE RENFORCEMENT DE LA FORMATION ET DE L'INFORMATION DU CITOYEN SUR LA RÈGLE FISCALE 42

1.- La mise en _uvre de campagnes d'information sur les dispositions adoptées dans les lois de finances 42

2.- L'enseignement des éléments de base sur les impôts et la fiscalité dans les écoles, dans le cadre de l'instruction civique 43

CHAPITRE II : LA LUTTE CONTRE LA GRANDE FRAUDE ET L'ÉVASION FISCALES INTERNATIONALES 45

I.-  LES PARADIS FISCAUX ET LES RÉGIMES FISCAUX PRÉFÉRENTIELS : DES LIEUX DE « FLIBUSTE » FISCALE, OÙ LA FRAUDE ET L'ÉVASION FISCALES CROISENT LES PRODUITS FINANCIERS DE LA GRANDE CRIMINALITÉ ORGANISÉE 47

A.- LES PARADIS FISCAUX : UN CADRE PROPICE À L'ÉPANOUISSEMENT DE LA FRAUDE FISCALE COMME DE LA GRANDE CRIMINALITÉ FINANCIÈRE INTERNATIONALE 50

1.- Les éléments caractéristiques des paradis fiscaux : une faible fiscalité ; un secret bancaire absolu ; la préservation de l'anonymat des propriétaires de sociétés ; une coopération fiscale et judiciaire réduite voire inexistante 52

a) L'absence d'impôt ou une faible fiscalité directe, pour les non-résidents tout au moins 52

b) L'absence de coopération avec les autres Etats en matière fiscale pour la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales 54

c) Un secret bancaire très protégé, qui n'est levé que dans des cas très rares et pour les seuls cas de blanchiment d'argent ou d'infractions pénales lourdes 55

d) Des formalités de création et de gestion de sociétés assez réduites 57

e) La possibilité de constituer aisément des trusts 59

f) Un droit de sociétés et des trusts garantissant l'anonymat des propriétaires ou bénéficiaires réels 62

g) Une coopération pénale assez limitée 64

h) La présence complémentaire d'une zone franche, parfois 64

2.- Le lieu privilégié de l'épanouissement de la fraude et de l'évasion fiscales, ainsi que de la grande criminalité financière 66

a) La complexité des motifs de l'implantation dans les paradis fiscaux : une réalité largement illustrée par l'histoire 67

b) Les montages à des fins de fraude ou d'évasion fiscales : des procédés classiques et largement connus 70

c) La communication à partir de certains paradis fiscaux : une véritable incitation à la fraude fiscale 84

d) Le recyclage financier à des fins de blanchiment des capitaux d'origine criminelle : des mécanismes reposant sur les mêmes circuits que ceux utilisés pour la fraude fiscale 85

e) Les opérations susceptibles d'être réalisées dans des paradis fiscaux à des fins ni fiscales ni criminelles 92

3.- Des désavantages, en termes de coût et d'insécurité juridique, qui seraient dirimants s'il n'y avait pas l'attrait de l'anonymat 95

a) Des prestations d'un intérêt objectif limité en raison du niveau élevé des coûts de gestion 95

b) Une certaine insécurité juridique et de nombreux exemples d'escroquerie 99

4.- Une masse considérable de capitaux qui explique la forte rentabilité des très nombreuses institutions financières et bancaires qui y sont implantées 101

a) Des institutions financières très nombreuses 101

b) Des implantations bancaires très rentables malgré des coûts parfois élevés 102

c) Des capitaux hors de proportion avec la taille et le rôle économique des territoires concernés 103

5.- Les nouveaux risques électroniques 107

B.- LES RÉGIMES FISCAUX PRÉFÉRENTIELS : UNE CONCURRENCE FISCALE FORTEMENT DOMMAGEABLE DANS LE CONTEXTE DE LA GLOBALISATION ÉCONOMIQUE ET UN POINT DE PASSAGE VERS LES PARADIS FISCAUX 108

1.- La différence entre paradis fiscal et régime fiscal préférentiel 108

a) La différence de concept 108

b) Les effets de la concurrence fiscale : des pertes de base taxable et des pertes d'emplois dans les Etats à fiscalité normale 110

2.- Les principaux exemples de régimes fiscaux préférentiels pour les entreprises 111

a) L'imposition à taux réduit des centres financiers 112

b) Les rulings néerlandais 113

c) Les sociétés holdings du Luxembourg, de Belgique et des Pays-Bas, ainsi que de Suisse 115

d) Les quartiers généraux et centres de coordination 123

e) Le capital informel (Infocap) 125

f) Les règles spécifiques à certaines activités 126

g) Les zones franches 126

h) Les sociétés off shore ou non résidentes 126

3.- La fiscalité des personnes physiques : l'exemple du forfait en Suisse 128

4.- La face moins connue des régimes fiscaux préférentiels : un point de passage parfois aisé vers certains paradis fiscaux 129

a) Les sociétés exportatrices américaines : les Foreign Sales Corporations 129

b) Les Antilles néerlandaises : le « sandwich » néerlandais 130

c) La finance branch implantée en Suisse 134

d) Des régimes parfois favorables au blanchiment des revenus d'activités criminelles 135

5.- Le problème des régimes fiscaux de fait 136

a) Saint-Martin et Saint-Barthélémy 136

b) Campione 139

II.-  LE DÉMANTÈLEMENT DES PARADIS FISCAUX ET DES RÉGIMES FISCAUX PRÉFÉRENTIELS : SOUTENIR LES ACTIONS MENÉES AUX PLANS COMMUNAUTAIRE ET INTERNATIONAL 140

A.- LA LUTTE CONTRE LES PARADIS FISCAUX POUR DES MOTIFS DE DROIT PÉNAL OU DES CONSIDÉRATIONS PRUDENTIELLES : DES ACTIONS COMPLÉMENTAIRES AUX INITIATIVES FISCALES 141

1.- Les initiatives à objectif bancaire et financier : une contribution aux réflexions sur la stabilité du système financier international 141

2.- Les initiatives menées contre les paradis fiscaux dans le domaine du blanchiment : une participation active de la France 144

a) Les préoccupations de l'ONU : la lutte contre la grande criminalité et la grande délinquance financière internationale 144

b) Les initiatives françaises au sein des travaux du groupe d'action financière internationale contre le blanchiment de capitaux (GAFI) 146

c) Les initiatives communautaires en matière de lutte contre le blanchiment 151

B.- LES INITIATIVES À OBJECTIF FISCAL MENÉES AU NIVEAU DE L'UNION EUROPÉENNE ET DE L'OCDE EN VUE DU DÉMANTÈLEMENT DES PARADIS FISCAUX ET DES RÉGIMES FISCAUX PRÉFÉRENTIELS DOMMAGEABLES : DES ACTIONS ESSENTIELLES À SOUTENIR 153

1.- Les initiatives engagées à l'échelon communautaire 153

a) Les problèmes posés par la concurrence fiscale : une préoccupation déjà ancienne 154

b) Le code de conduite en matière de fiscalité des entreprises 155

c) La proposition de directive du Conseil visant à garantir un minimum d'imposition effective des revenus de l'épargne sous forme d'intérêts à l'intérieur de la Communauté : une étape essentielle qui esquisse la perspective d'une éradication des paradis fiscaux en Europe 158

2.- Les travaux de l'OCDE : une certaine similarité avec ceux de l'Union, mais un cadre plus large 166

a) Les recommandations issues du rapport sur la concurrence fiscale dommageable 167

b) Le traitement des régimes fiscaux préférentiels dommageables par les pays membres 169

c) L'établissement d'une liste des paradis fiscaux 171

3.- L'action du Royaume-Uni et de la Couronne britannique 172

C.- LA COMPLÉMENTARITÉ DES APPROCHES PÉNALE ET FISCALE DANS LE DOMAINE DE LA LUTTE CONTRE LES PARADIS FISCAUX ET LA GRANDE CRIMINALITÉ INTERNATIONALE 175

1.- Le caractère nécessairement insuffisant des dispositifs de prévention et de répression du blanchiment de capitaux 176

a) Les problèmes juridiques 177

b) Les problèmes pratiques 180

c) L'insuffisante fiabilité des mécanismes anti-blanchiment au niveau international 183

2.- La capacité des techniques fiscales à limiter les bénéfices des enrichissements inexpliqués et frauduleux 184

a) La pertinence des techniques de contrôle fiscal dans la lutte contre la grande fraude 184

b) La nécessité de réexaminer la question de la communication à l'administration fiscale des informations recueillies par Tracfin 185

D.- LE CARACTÈRE INCONTOURNABLE DE L'OBJECTIF D'UN ESPACE JUDICIAIRE ET D'UN ESPACE DE COOPÉRATION FISCALE SANS AUCUN ÉCRAN ET D'UNE CONVERGENCE FISCALE, AU PLAN EUROPÉEN 187

1.- La création d'un espace judiciaire ainsi que d'un espace de coopération fiscale sans écran 187

a) L'objectif d'un espace fiscal et d'un espace judiciaire transparents 187

b) La nécessité de réaliser cet objectif, au plan européen tout au moins 188

2.- La spécificité supplémentaire de l'Union européenne : constituer un espace homogène caractérisé par une fiscalité largement convergente 192

E.- SUPPRIMER L'AIDE AUX PAYS RECENSÉS COMME DES PARADIS FISCAUX 194

III.-  LA NÉCESSITÉ DE COMPLÉTER L'EFFICACITÉ DES PROCÉDURES PÉNALE ET FISCALE DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE ET L'ÉVASION FISCALES 196

A.- MODERNISER LA CAPACITÉ D'ACTION DES FONCTIONNAIRES EN CHARGE DU CONTRÔLE FISCAL 197

1.- Renforcer l'efficacité des dispositions du code général des impôts destinées au contrôle des opérations internationales 198

a) Les propositions en matière de fiscalité personnelle 199

b) Les propositions en matière de fiscalité des entreprises 204

2.- Envisager la suppression de l'article L. 80 C du livre des procédures fiscales 209

3.- Améliorer la formation des agents et développer la capacité d'expertise mise à leur disposition 210

a) Développer la formation 210

b) Renforcer l'expertise interne 211

c) Créer un réseau d'experts de l'administration pour l'assister dans l'évaluation des prix de certaines prestations internationales 211

B.- ACCROÎTRE L'EFFICACITÉ DU RÉSEAU DES CONVENTIONS FISCALES AUXQUELS LA FRANCE A ADHÉRÉ 212

1.- Augmenter les possibilités d'échange d'informations en matière fiscale 213

a) Augmenter le nombre des conventions fiscales prévoyant un échange de renseignements et veiller à la qualité de ces conventions 214

b) Développer le réseau des attachés fiscaux et des attachés douaniers et renforcer les moyens des postes existants 218

2.- Solliciter, notamment des pays européens, la modification des conventions applicables et obtenir l'adaptation des directives et règlements communautaires, afin d'assurer un accès effectif à l'information nécessaire à la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales 219

a) Les problèmes posés par certaines conventions fiscales 219

b) Le cas des conventions fiscales franco-monégasques 222

C.- DÉVELOPPER LE RÉSEAU DES CONVENTIONS D'ASSISTANCE JUDICIAIRE ET AMÉLIORER LES MODALITÉS DE TRAITEMENT DE LA FRAUDE FISCALE 223

1.- Compléter le réseau des conventions d'entraide judiciaire et des conventions d'extradition pour faciliter les recherches et accélérer les procédures 226

2.- Veiller à ce que la fraude fiscale figure sans restriction parmi les infractions pour lesquelles la coopération est obligatoire 234

D.- COMPLÉTER L'EFFORT DE RENFORCEMENT DU RÉSEAU DES CONVENTIONS PAR UN EXAMEN APPROFONDI DES DISPOSITIONS DES CONVENTIONS D'ENTRAIDE JUDICIAIRE ET DES CONVENTIONS COMPORTANT DES CLAUSES D'ÉCHANGE DE RENSEIGNEMENTS EN MATIÈRE FISCALE 241

CHAPITRE III : LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE AUX IMPÔTS INDIRECTS : RENFORCER LES PROCÉDURES DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE TOURNANTE À LA TVA ORGANISÉE DANS LE CADRE DE « CARROUSELS » ET DEVELOPPER LA COOPÉRATION EUROPÉENNE 245

I.-  LES CARROUSELS DESTINÉS À ÉLUDER LA TVA INTRACOMMUNAUTAIRE 247

A.- LA SIMPLICITÉ ET LA FACILITÉ D'EXÉCUTION DES MONTAGES 247

1.- Les règles prévues par le régime transitoire en matière de TVA sur les échanges de biens à l'intérieur du marché unique 247

2.- La simplicité des mécanismes de fraude 250

3.- La possibilité d'organiser des montages plus complexes et difficiles à appréhender 253

B.- UNE FRAUDE ASSEZ RÉPANDUE DANS CERTAINS SECTEURS, TRÈS RENTABLE ET OÙ L'ON SOUPÇONNE UNE PRÉSENCE DE LA GRANDE CRIMINALITÉ ORGANISÉE 256

1.- Une fraude concentrée sur certains secteurs économiques 256

2.- Une fraude extrêmement rentable pour ses organisateurs 257

a) Le rendement des carrousels proprement dits 257

b) La possibilité de greffer sur les carrousels d'autres types de fraude 263

3.- Une fraude infiltrée par la grande délinquance ainsi que par la grande criminalité organisée de type mafieux 264

4.- Une fraude extrêmement déstabilisante sur le plan économique 265

C.- UNE FRAUDE SUSCEPTIBLE DE PERDURER EN L'ABSENCE DE PERSPECTIVE DE CHANGEMENT DES RÈGLES COMMUNAUTAIRES 267

II.-  LA NÉCESSITÉ DE PRÉVOIR UN ALOURDISSEMENT SUBSTANTIEL DES PEINES ET D'ENVISAGER L'HYPOTHÈSE D'UN RENFORCEMENT DES PROCÉDURES DE POURSUITE 270

A.- UNE FRAUDE DIFFICILE À COMBATTRE SUR LE PLAN FISCAL, MAIS SUSCEPTIBLE DE FAIRE L'OBJET DE POURSUITES PÉNALES ASSEZ RAPIDES 270

1.- La procédure fiscale 270

a) La détection du risque : la surveillance des crédits de TVA 270

b) La sanction des infractions : une procédure efficace, mais délicate à mettre en _uvre 271

2.- La procédure pénale 273

B.- PRÉVOIR UN RENFORCEMENT SUBSTANTIEL DES PEINES ET METTRE À L'ÉTUDE L'OCTROI DE COMPÉTENCES DE POLICE JUDICIAIRE À UNE SECTION SPÉCIALISÉE DU MINISTÈRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES 276

1.- Renforcer substantiellement les peines en cas d'escroquerie à la TVA en bande organisée 276

2.- Demander au Gouvernement un rapport sur la mise en place d'un service spécialisé du ministère de l'économie et des finances disposant de prérogatives de police judiciaire afin de réduire les délais de répression et sur la création d'une infraction spécifique de fraude organisée à la TVA 277

III.- L'AMÉLIORATION DES PROCÉDURES DE COOPÉRATION PRÉVUES À L'ÉCHELON COMMUNAUTAIRE ET LE RENFORCEMENT NÉCESSAIRE DES ACTIONS COORDONNÉES ENTRE ETATS MEMBRES POUR L'ENSEMBLE DES FRAUDES À LA TVA 289

A.- L'IMPORTANCE DE LA FRAUDE À LA TVA AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE ET DES ETATS MEMBRES 289

1.- L'approche globale 289

2.- L'exemple de la Belgique 291

B.- L'AMÉLIORATION DES PROCÉDURES EXISTANTES 292

1.- Les recommandations de la Cour des comptes des Communautés européennes 292

2.- Les possibilités d'amélioration 293

a) Le document d'accompagnement des marchandises 293

b) L'amélioration des échanges automatisés d'informations 294

c) Appliquer les mêmes règles dans tous les Etats : l'exemple de la navigation de grande plaisance 294

C.- LA NÉCESSITÉ DE DÉVELOPPER DES ACTIONS COORDONNÉES 300

1.- La coopération entre les Etats membres 300

2.- L'action de la Communauté européenne 302

CHAPITRE IV : DE NOUVELLES MESURES DE MODERNISATION DES DISPOSITIFS FISCAUX DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE ET L'ÉVASION FISCALES : LE MAINTIEN D'UNE NÉCESSAIRE VIGILANCE 307

I.-  AMÉLIORER LA CONNAISSANCE DES DIFFÉRENTS RISQUES DE FRAUDE ET D'ÉVASION FISCALES, AINSI QUE DE LA DÉLINQUANCE FINANCIÈRE, GRÂCE À LA CRÉATION D'UN OBSERVATOIRE DE LA FRAUDE 309

II.-  COMPLÉTER LA MODERNISATION DES INSTRUMENTS JURIDIQUES DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE ET L'ÉVASION FISCALES 315

A.- RÉDUIRE LES POSSIBILITÉS DE PAIEMENT EN ESPÈCES 315

1.- Réduire de 50.000 francs à 20.000 francs le montant maximum des paiements en espèces pour les particuliers non commerçants 315

2.- Appliquer la disposition relative à l'obligation de paiement par chèque au paiement des primes d'assurance-vie 316

3.- Instituer une amende fiscale de 50% en cas de vente sans facture 317

B.- LIMITER LES POSSIBILITÉS D'AMÉLIORATION DU TRAIN DE VIE GRÂCE À LA FRAUDE FISCALE 318

1.- Réduire de 308.510 francs à 200.000 francs le seuil de l'évaluation forfaitaire minimale du revenu imposable d'après certains éléments du train de vie, pour l'impôt sur le revenu 318

2.- Limiter les possibilités d'imputation des dépenses personnelles sur les comptes des sociétés ou des entreprises individuelles 320

C.- RENFORCER LES MODALITÉS DU CONTRÔLE FISCAL 322

1.- Améliorer la connaissance de certaines mutations à titre gratuit 322

a) Prévoir l'enregistrement des cessions de polices d'assurance-vie, afin d'éviter que ces cessions ne permettent, en cas de faculté de rachat, une donation indirecte 322

b) Rendre obligatoire la déclaration des dons manuels à l'administration fiscale 323

2.- Encadrer le régime des sociétés civiles et des sociétés à prépondérance immobilière 324

a) Prévoir la production annuelle de comptes à l'administration fiscale par les sociétés civiles qui ne sont pas encore soumises à cette obligation 324

b) Rendre obligatoire la formalité de l'acte authentique pour l'élaboration des statuts, les modifications statutaires et les cessions de parts de sociétés immobilières 324

c) Supprimer la possibilité de procéder à des paiements hors la vue du notaire pour les transactions immobilières 327

3.- Prévoir l'accès des fonctionnaires des impôts aux clefs de décryptage 327

4.- Exclure les sociétés holdings du champ de la disposition limitant à trois mois la durée de vérification des petites entreprises, mesure qui doit être réservée aux seules PME 328

5.- Accroître la responsabilité des sociétés de domiciliation 328

D.- AMÉLIORER LA PORTÉE DES RÉSULTATS DU CONTRÔLE FISCAL 329

1.- Clarifier le rôle de l'intérêt de retard en supprimant sa déductibilité du résultat des entreprises et en réduisant, en contrepartie, son taux à 6% 329

a) Supprimer la déductibilité du résultat imposable des pénalités de recouvrement sanctionnant le versement tardif des impôts 329

b) Réduire de 0,75% par mois (9% par an) à 0,5% par mois (6% par an) le taux de l'intérêt de retard 330

2.- Plafonner l'effet de la tolérance légale pour les grandes sociétés 332

3.- Supprimer le bénéfice de la tolérance légale pour les contribuables de mauvaise foi ou s'étant livrés à des man_uvres frauduleuses 332

4.- Moderniser les modalités de pénalisation des infractions fiscales 333

a) Renforcer et accélérer la pénalisation des infractions fiscales les plus graves 333

b) Améliorer l'efficacité des opérations d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle (ESFP) ayant mis en évidence la présence de revenus d'origine indéterminée 334

5.- Soumettre à la procédure de redressement contradictoire les rappels d'imposition en matière de taxe professionnelle et appliquer les pénalités de droit commun 335

E.- RENFORCER LES PLANS DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL CLANDESTIN 336

III.-  SUPPRIMER CERTAINS DISPOSITIFS PERMETTANT DE PROCÉDER À DE L'ÉVASION FISCALE 337

A.- L'IMPÔT SUR LE REVENU ET L'IMPOSITION DES PLUS-VALUES 337

1.- Supprimer la possibilité pour les contribuables de procéder à une déclaration séparée pour leurs enfants mineurs disposant de ressources propres 337

2.- Mieux coordonner le paiement de l'impôt sur les plus-values de cession de titres et les droits de mutation à titre gratuit 339

B.- L'IMPOSITION DES RÉSULTATS DES SOCIÉTÉS 341

1.- Supprimer la déductibilité des intérêts des emprunts contractés par les sociétés holdings dans le seul but de réduire le coût d'acquisition d'une entreprise 341

2.- Limiter l'intérêt du recours aux sociétés transparentes pour les sociétés de capitaux 342

IV.-  ENVISAGER, POUR LE FUTUR, DE RÉTABLIR L'ÉQUITÉ ET LA CITOYENNETÉ DES GRANDS IMPÔTS EN MATIÈRE DE FISCALITÉ PERSONNELLE DANS LE CADRE D'UNE ÉVENTUELLE RÉFORME FISCALE 343

A.- L'IMPÔT SUR LE REVENU : LIMITER LES POSSIBILITÉS DE CUMUL DES EXONÉRATIONS ET DES RÉDUCTIONS D'IMPÔT, ET RÉFORMER LE RÉGIME DE L'AVOIR FISCAL 343

B.- L'IMPÔT SUR LA FORTUNE : ÉTUDIER LA CONSOLIDATION DE SA LÉGITIMITÉ GRÂCE À L'ÉLARGISSEMENT DE SON ASSIETTE, LA RÉDUCTION DES TAUX, LE RELÈVEMENT DU SEUIL D'EXONÉRATION ET LA SUPPRESSION DE LA LIMITATION DU PLAFONNEMENT 354

1.- L'extension de l'assiette de l'ISF, la réduction des taux et le relèvement du seuil 355

2.- La suppression de la limitation du plafonnement du montant total de l'ISF et de l'impôt sur le revenu par rapport aux revenus 357

C.- LES DROITS DE MUTATION À TITRE GRATUIT : CLARIFIER ET MORALISER LES MODALITÉS DE LA TRANSMISSION À TITRE GRATUIT DE LA PROPRIÉTÉ 359

D.- SÉCURISER LES TRANSACTIONS INTERNATIONALES INTERNES AUX GROUPES EN DÉVELOPPANT LA PROCÉDURE DE L'AGRÉMENT PRÉALABLE AUX PRIX DE TRANSFERT (APPT) 361

E.- DÉPASSER PAR DES DISPOSITIONS SPÉCIFIQUES LES CONTRAINTES ISSUES DE LA NÉCESSAIRE STABILITÉ DES MODALITÉS GÉNÉRALES DE RÉPRESSION DES ABUS DE DROIT 367

RÉCAPITULATIF DES PROPOSITIONS DU RAPPORTEUR 369

EXAMEN EN COMMISSION 381

ANNEXES

CHAPITRE III

LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE AUX IMPÔTS INDIRECTS : RENFORCER LES PROCÉDURES DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE TOURNANTE À LA TVA ORGANISÉE DANS LE CADRE DE « CARROUSELS » ET DÉVELOPPER LA COOPÉRATION EUROPEENNE

Dans la fraude fiscale internationale, la fraude à la TVA intra-communautaire entre les différents Etats de l'Union représente un risque majeur. Elle prend notamment la forme d'une fraude tournante de type « carrousel », résultant de l'organisation d'échanges transfrontaliers de marchandises où les biens reviennent in fine dans leur pays d'origine et reposant sur un enchaînement de transactions commerciales réelles et indissociables les unes des autres, dont l'une est uniquement destinée à frauder l'impôt.

L'organisation de carrousels est jugée par les fonctionnaires des différents pays de l'Union en charge de la lutte contre la fraude fiscale comme le principal facteur auquel il convient de s'attaquer, avant tout autre type de fraude fiscale, et est considérée comme plus préjudiciable que tout autre type de fraude à la TVA.

Ainsi, à l'occasion des différentes auditions auxquelles il a procédé en France comme lors des quelques déplacements qu'il a effectués dans différents pays de l'Union, notamment au Royaume-Uni et en Belgique, votre Rapporteur a pu identifier les principales explications de ce phénomène :

- la fraude à la TVA intra-communautaire, dans le cadre de carrousels, est une fraude simple dans son principe ;

- elle est difficile à appréhender, car elle joue sur le cloisonnement des compétences territoriales, limitées, des Etats et les imperfections de la coopération organisée dans le cadre communautaire ;

- elle offre à ses organisateurs un rendement fort important qui fait qu'elle est investie par la grande criminalité organisée. Certains soupçonnent même la présence de la criminalité mafieuse dans des montages complexes. Cette fraude est, en effet, assez attractive puisque l'enjeu financier se situe au même niveau que les activités criminelles telles que le trafic des stupéfiants.

Face à ce qui représente un véritable défi fiscal posé au plan national et européen, plusieurs types de réponse peuvent être apportés :

- au niveau national, la lutte contre le développement de la fraude à la TVA intra-communautaire dans le cadre des carrousels, exige, d'une part, un renforcement substantiel des sanctions et conduit, d'autre part, à envisager une modification lourde des procédures actuelles de répression de la fraude à la TVA, le phénomène prenant de l'ampleur ;

- à l'échelon européen, un renforcement de la coopération organisée dans un cadre communautaire et entre Etats constitue également un impératif, tant sur le plan des procédures fiscales que sur le plan des procédures judiciaires.

Avant d'exposer ces deux éléments, vote Rapporteur souhaite apporter deux précisions sur le champ de son étude.

D'une part, bien que des infractions similaires à celles portant sur la TVA intra-communautaire soient constatées en matière de contributions indirectes et en matière de taxes sur les produits pétroliers (les huiles minérales), il ne lui a pas semblé nécessaire de rouvrir, pour l'instant, le débat sur l'étendue des compétences des agents de douanes, peu après la récente modification apportée dans le cadre de l'article 28 de la loi n°99-515 du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale, qui reconnaît aux douaniers la qualité d'officier de police judiciaire, sous certaines conditions, pour les infractions prévues par le code des douanes, ce qui couvre notamment les infractions relatives à la taxe intérieure sur les produits pétroliers, ainsi que pour les infractions en matière de contributions indirectes. Votre Rapporteur n'ignore pas que ces fraudes peuvent être très importantes, notamment dans les pays d'Europe méditerranéenne, dans le domaine du tabac et des alcools et dans le Sud-Est de la France pour les produits pétroliers. Une fraude portant sur un montant de près de 4 milliards de francs sur dix-huit mois, relative au porto, lui a ainsi été signalée. Les fraudes sur les droits d'accises portant sur le tabac seraient estimées à 6 milliards d'euros pour l'ensemble des pays de l'Europe des Quinze.

D'autre part, certaines fraudes à la TVA intra-communautaires ne reposant pas sur les carrousels sont évoquées dans le cadre des réflexions relatives au renforcement de la coopération européenne, uniquement. Elles posent en effet un problème de coordination entre les Etats membres similaire à celui soulevé par les carrousels.

I.- LES CARROUSELS DESTINÉS À ÉLUDER LA TVA INTRACOMMUNAUTAIRE

En ce qui concerne la fraude à la TVA, le risque majeur est donc actuellement constitué par le développement des fraudes de type « carrousel ». Ce risque est lié à la facilité de constitution du montage et à l'importance de leur rendement en termes financiers.

A.- LA SIMPLICITÉ ET LA FACILITÉ D'EXÉCUTION DES MONTAGES

1.- Les règles prévues par le régime transitoire en matière de TVA sur les échanges de biens à l'intérieur du marché unique

Dans le cadre de la réalisation du marché unique au 1er janvier 1993, les Etats membres de l'Union européenne ont dû adapter les règles de la perception de la TVA aux échanges de biens et de services entre les différents Etats membres de l'Union.

Avant cette date, les biens faisant l'objet d'un échange entre deux pays membres de la Communauté étaient assujettis à la TVA lors de l'arrivée dans le pays de destination. La frontière fiscale était gérée par la douane qui contrôlait les flux de marchandises et percevait la TVA à l'importation. Les exportations étaient, en revanche, exonérées de la TVA.

La réalisation d'un marché unique à l'échelle européenne, caractérisé par la possibilité d'acquérir des biens dans l'ensemble des Etats membres, ayant pour corollaire la suppression du contrôle des échanges de biens aux frontières a entraîné une modification des règles applicables.

En 1987, la Commission européenne, constatant que la réalisation du marché unique entraînait de manière logique la suppression de l'exonération de la TVA en faveur des exportations et, ainsi, la suppression de la taxation des importations et la taxation des biens dans le pays de consommation, a proposé la mise en place d'un dispositif de taxation « à l'origine ».

Elle n'a pas été suivie par les Etats membres pour deux raisons. D'une part, il est apparu que les disparités de taux de TVA auraient pu engendrer certaines fraudes, compte tenu de la difficulté de contrôler le droit à déduction d'une TVA perçue par un autre Etat membre de l'Union, dans le cadre d'une facture ainsi émise à l'étranger. D'autre part, un transfert du produit de l'impôt aurait dû intervenir au profit des Etats structurellement exportateurs puisqu'une TVA y aurait été perçue, TVA qui aurait été déductible du montant acquitté dans le pays de destination, et qu'il s'est avéré très difficile de construire un dispositif fiable de compensation multilatéral, ou « clearing house », permettant de faire en sorte que le montant de la taxe perçue dans le pays de départ revienne « in fine » au pays du lieu de la consommation finale du produit. L'établissement d'un tel dispositif est apparu impossible.

A la suite des travaux d'un groupe d'experts, mis en place sous la présidence française, en 1989, plusieurs décisions de principe ont été adoptées à la fin de l'année 1989 afin d'organiser un régime dit transitoire supprimant les contrôles douaniers aux frontières pour le trafic intra-communautaire.

Ce régime repose sur la distinction entre le régime applicable au consommateur et aux non assujettis et celui applicable aux assujettis.

Pour les entreprises, la TVA est restée gérée selon le principe de l'assujettissement dans le seul pays de destination. Les livraisons intra-communataires, qui ne peuvent plus être qualifiées d'exportations, sont exonérées. Les acquisitions intra-communautaires sont en revanche taxées. La TVA est appliquée lors de l'arrivée de la marchandise dans l'entreprise. L'assujetti est alors l'acquéreur lui-même.

Afin d'éviter les fraudes et de vérifier qu'une « exportation » déclarée par un assujetti dans l'Etat d'origine est bien déclarée par l'assujetti à la TVA dans l'Etat d'acquisition, un dispositif élaboré de recensement des échanges et de recoupement a été mis en place. Il s'agit d'un système d'échange automatisé d'informations sur les opérations intra-communautaires. L'objectif est de s'assurer que les biens faisant l'objet de l'échange sont bien arrivés à destination et y ont été soumis à la TVA. Pour alimenter la base de recoupement, des déclarations obligatoires ont été mises en place.

De manière plus précise, le système d'échange d'informations sur les transactions commerciales est fondé sur deux bases informatiques :

- la base informatique européenne des assujettis à la TVA, qui regroupe l'ensemble des opérateurs concernés et mentionne le numéro de chaque assujetti. Cette base est accessible tant aux entreprises qu'à l'administration fiscale ;

- le système informatisé de recoupement des acquisitions communautaires (système VIES, de VAT information exchange system).

Le système VIES donne accès à la base BREM, base de recoupement des Etats membres, qui regroupe les données fournies par les Etats membres, chaque Etat étant responsable de l'enregistrement informatique des livraisons intra-communautaires de ses opérateurs à destination des assujettis des autres Etats membres. Ces fichiers font l'objet d'échanges chaque trimestre.

Ce système est exploité aux deux premiers niveaux du dispositif d'assistance, qui en comprend trois :

- au niveau 1, l'administration fiscale d'un Etat peut connaître le montant des ventes déclarées par la totalité des fournisseurs étrangers à l'une des entreprises relevant de sa compétence ;

- au niveau 2, l'administration peut rapprocher les données du système informatique de recoupement et le montant des acquisitions déclarées par l'un de ses opérateurs nationaux et identifier les discordances éventuelles. En cas d'anomalie, il est prévu que ces informations puissent être détaillées, fournisseur par fournisseur, afin de faciliter l'identification de l'origine des écarts ;

- au niveau 3, une assistance administrative est prévue, dans le cadre d'une coopération élargie, avec des délais de réponse très stricts de trois mois. L'objectif de cette assistance est d'obtenir des informations dites de recoupement, ce qui implique le plus souvent que l'administration fiscale demande également directement à son opérateur des renseignements ou réalise des investigations ciblées sur place.

En outre, un comité permanent de la coopération administrative, composé de représentants des Etats-membres et présidé par un représentant de la Commission, est chargé de prendre les mesures nécessaires à la mise en _uvre de l'assistance.

Au niveau de chaque Etat, un bureau central de liaison (BCL) a été créé, seul chargé des contacts avec les autres Etats membres en matière de coopération administrative. En ce qui concerne la France, le BCL travaille en étroite coopération avec les attachés fiscaux dans les pays où ceux-ci sont implantés.

Pour les acquisitions des particuliers, assujetties dans le pays d'origine, de même que pour les ventes à distance, sous certaines conditions (les règles sont différentes selon que le montant des ventes de l'entreprise de vente à distance dépasse ou non certains seuils), les biens acquis supportent la TVA dans le pays d'acquisition, c'est à dire le pays d'origine.

Des dispositifs spécifiques sont prévus pour les biens à forte valeur unitaire tels que les moyens de transport neufs : véhicules automobiles, avions et bateaux.

En schématisant, on constate donc que le système dit transitoire repose sur la conservation des règles antérieures à la mise en _uvre du marché unique, et à la suppression des contrôles aux frontières, compensée par un système informatisé d'échange de renseignements.

Il constitue indéniablement un facteur de fraude, puisque ce qui pouvait être physiquement contrôlé aux frontières ne l'est plus.

2.- La simplicité des mécanismes de fraude

Le dispositif transitoire retenu au niveau communautaire en matière de TVA sur les échanges de biens s'avère assez favorable à la fraude, car ses mécanismes permettent d'organiser des fraudes relativement simples.

A la base, il existe deux principaux mécanismes de fraude :

- la déclaration de livraison fictive, les biens, exonérés de TVA, étant en fait vendus frauduleusement sur le marché  national ;

- la non-déclaration de la TVA sur les acquisitions, les biens en cause étant cédés sur le marché parallèle.

Des fraudes en apparence plus sophistiquées sont également possibles, sur la base de mécanismes simples également.

Le cas le plus intéressant est celui des carrousels. Il suffit en effet de prévoir deux livraisons intra-communautaires, de manière à bénéficier d'opérations hors taxe, et de créer une ou plusieurs sociétés « éphémères » qui auront pour objet de servir d'intermédiaires et de créer un droit à déduction de la TVA pour les entreprises situées en aval, dans le cadre d'une opération déficitaire au plan comptable, mais qui sera rentable pour ses organisateurs, car la TVA réputée avoir été perçue ne sera jamais versée à l'administration fiscale concernée.

Ainsi, la fraude à la TVA intra-communautaire de type « carrousel » repose sur l'organisation de deux échanges commerciaux entre deux Etats membres de la Communauté, portant sur les même biens, afin que ceux-ci puissent revenir dans leur Etat d'origine (comme les chevaux de bois d'un manège) à un prix moindre que leur prix de départ, le bénéfice résultant de la fraude à la TVA expliquant cette différence.

En pratique, le mécanisme repose sur le schéma suivant :

- un bien est livré d'un Etat membre A vers un Etat membre B pour une valeur de 100 € hors TVA, à une « société 1 » ;

- ce bien est revendu toutes taxes comprises TTC par la « société 1 » pour une valeur au plus égale à son prix d'achat hors taxe, soit 100 € TTC, à une « société 2 » ; si la TVA est de 20,6%, le prix hors taxe sera de 82,92 € (soit 100 € TTC) ;

- le bien est ensuite livré, hors taxe, par la « société 2 », implantée dans l'Etat membre B, dans l'Etat membre A à un prix comprenant une marge conforme à celles du négoce de gros dans le secteur considéré, par exemple 5%, soit 87,15 €.

La « société 1 » ne réalise aucun bénéfice apparent. Elle réalise même une perte, car sa marge hors taxe est négative. Réaliser une marge commerciale n'est pas l'objectif de ses fondateurs. Cette société a en effet pour seule fonction de générer, pour la « société 2 », une TVA déductible qui ne sera jamais versée à l'administration financière compétente, et qui constituera la base du bénéfice de l'opération.

Avant le paiement de la TVA due, la « société 1 » aura en effet cessé toute activité et le montant de la TVA correspondant à l'opération été soit absorbé par le déficit commercial de la première opération commerciale intra-communautaire, comme c'est le cas dans l'exemple précédent, soit mis à l'abri grâce à un retrait en espèces ou à virement dans le cadre de prestations de services ou d'autres opérations plus ou moins factices, sur un compte localisé dans un paradis fiscal à secret bancaire absolu.

Une telle opération de « carrousel » peut, d'un point de vue concret, intervenir entre notre pays et un autre Etat membre de l'Union, avec lequel nous n'avons pas de frontière commune, comme l'Autriche.

Le schéma suivant présente ainsi un exemple, théorique, de carrousel avec cet Etat.

EXEMPLE DE FRAUDE TOURNANTE À LA TVA
DE TYPE CARROUSEL

(Schéma simple)

graphique

Ce cas d'école permet de percevoir sans aucune ambiguïté le rôle de chacune des sociétés :

- la société D acquiert les biens à une valeur inférieure aux prix du marché et réalise une économie de 13% ; cette économie sera d'autant plus appréciable que le produit relèvera d'un marché où la concurrence est forte ;

- la société B permet de justifier la TVA qui fera l'objet, de la part la société C, soit d'une déduction du montant de la TVA qu'elle aura collectée dans le cadre de ses autres activités, soit d'une demande de remboursement d'un crédit de TVA ;

- la société D permet à ses associés soit d'effectuer des opérations commerciales à un prix normal avec une forte marge, compte tenu du faible prix auquel elle a acquis les biens, soit de casser le marché des distributeurs concurrents et de s'arroger un monopole de distribution, soit de mener toute stratégie intermédiaire entre ces deux solutions.

Il est important de noter que les transferts de biens sont, dans le cadre de ce schéma frauduleux, indépendants des schémas de facturation et de paiement.

En pratique, les rôles de chaque société sont moins clairs. Dans la majeure partie des situations, en effet, les termes de l'échange seront moins aisés à analyser, chaque structure pouvant réaliser une petite marge commerciale, y compris la société éphémère si l'on ne tient pas compte de la TVA.

Dans ce cas, les organisateurs du carrousel peuvent alors interposer dans leur dispositif des entreprises non complices qui effectueront des transactions conforme au marché, à faible marge, destinées à rendre plus difficiles les recherches de l'administration fiscale ou des instances douanières ou policières compétentes.

3.- La possibilité d'organiser des montages plus complexes et difficiles à appréhender

Dans leurs versions les plus simples, les carrousels ne mettent en jeu qu'un petit nombre de personnes physiques et de sociétés.

Dans leurs versions les plus raffinées, ils peuvent donner lieu à des montages particulièrement complexes.

Dans les faits, le premier degré de complexité apparaît lorsque deux personnes liées par un simple intérêt financier, ou bien par un lien d'amitié ou d'affection, mettent en jeu plusieurs sociétés qu'elles détiennent, dans le cadre du type de celui indiqué ci-dessous, et mettant en jeu deux pays voisins.

Votre Rapporteur a choisi, dans un but pédagogique, un schéma de fraude caractérisée, où le circuit des paiements ne coïncide pas avec le circuit de facturation.

graphique

graphique

Sociétés défaillantes

Dans un tel schéma, où la fraude est organisée au détriment de la Belgique, la multiplicité des sociétés détenues par une même personne permet de rendre plus difficiles les investigations et de réduire le montant des crédits de TVA dont le remboursement est demandé par chacune des entreprises en cause. Les transactions similaires n'ont jamais lieu avec les mêmes entreprises. Plusieurs sociétés pouvant jouer un rôle similaire, ce schéma offre un très grand nombre d'alternatives.

B.- UNE FRAUDE ASSEZ RÉPANDUE DANS CERTAINS SECTEURS, TRÈS RENTABLE ET OÙ L'ON SOUPÇONNE UNE PRÉSENCE DE LA GRANDE CRIMINALITÉ ORGANISÉE

1.- Une fraude concentrée sur certains secteurs économiques

La fraude à la TVA intra-communautaire dans le cadre des carrousels a été identifiée dans certains secteurs de l'économie, essentiellement : le textile ; les micro-ordinateurs ; la téléphonie mobile ; les composants électroniques. Dans certains pays de l'Union européenne, des carrousels sont également organisés sur les métaux précieux.

L'explication tient au fait qu'il s'agit de produits à très forte valeur ajoutée, aisément transportables, relevant du taux normal de la valeur ajoutée et ne présentant aucun risque commercial car pouvant être cédés rapidement sur un marché dynamique.

Sur un plan purement pratique en effet, la fraude est d'autant plus intéressante que la valeur ajoutée est peu volumineuse et peu pondéreuse, car les opérations matérielles sont alors moins délicates. Un petit paquet de composants électroniques peut ainsi représenter une valeur très importante.

En outre, et cet élément n'est pas le moindre, les secteurs concernés sont ceux où la détection d'une fraude lors de l'achat n'est très aisée ni pour les détaillants et ni les particuliers (certainement n'en est-il pas de même pour la grande distribution), car la différence notoire de prix entre certains Etats étrangers, notamment les Etats-Unis et le Japon, et l'Europe, pour la vente de produits similaires ou identiques, la permanence de promotions commerciales, les brusques chutes de prix dans un secteur en pleine évolution où tout produit se démode et se décote rapidement rendent très difficile, pour un acquéreur non averti ou n'étant pas régulièrement présent sur le marché, de détecter une anomalie.

2.- Une fraude extrêmement rentable pour ses organisateurs

Le rendement des fraudes tournantes à la TVA intra-communautaire de type carrousel est fort élevé, ainsi que l'indiquent les exemples suivants, inspirés de cas réels et résultant de simulations effectuées sur la base d'éléments généraux communiqués par une administration étrangère.

Il s'agit donc de simulations. Toute ressemblance avec un cas réel serait donc fortuite. Elle n'est cependant pas impossible, compte tenu du fait que les mécanismes sont identiques.

a) Le rendement des carrousels proprement dits

· La première simulation concerne les téléphones mobiles.

Le 5 juin, une société basée en Allemagne, « Germania 1 » vend 5.000 téléphones portables au prix unitaire de 300 €, soit un prix total hors taxe de 1,5 millions d'euros, à une entreprise française, « téléphonie 1 ».

Le même jour, l'entreprise française « téléphonie 1 », qui joue le rôle de société éphémère ou « taxi », vend à une société appelée « téléphonie 2 » les 5.000 téléphones au prix unitaire hors taxe de 270 €, soit un prix total de 1,35 million d'euros hors taxe et de 1,628 millions d'euros toutes taxes comprises.

Naturellement, l'entreprise « téléphonie 1 » ne déclare pas la TVA qu'elle a facturée, soit 278.000 euros.

Deux jours après, soit le 7 juin, « téléphonie 2 » cède, en franchise de TVA puisqu'il s'agit d'une livraison intra-communautaire, à une société allemande, « Germania 2 » les 5.000 téléphones portables pour un prix unitaire hors taxe de 295 €, soit un prix total égal à 1,475 millions d'euros.

L'opération est éminemment profitable, dans la mesure où l'on constate que :

- « téléphonie 1 », société taxi, réalise stricto sensu une perte commerciale de 150.000 euros, puisqu'elle revend hors TVA 1,35 million d'euros ce qu'elle a acheté hors TVA 1,5 million d'euros, mais cette marge commerciale est plus que compensée par le bénéfice tiré de la TVA collectée et qui ne sera jamais versée au Trésor public français, soit 278.000 euros : le bénéfice brut de « téléphonie 1 », avant déduction des frais de constitution et de gestion de la société, est ainsi de 128.000 euros ;

- « téléphonie 2 » réalise une marge commerciale de 125.000 euros, à raison de 25 € pour chacun des 5.000 téléphones portables ;

- le profit brut de l'opération est ainsi de 253.000 euros, soit environ celui du montant de la TVA escroquée.

Si l'on considère, en étant large, que le capital investi est immobilisé dans le cadre de cette opération pendant deux mois, compte tenu des différents délais de paiement, encore que les biens puissent être vendus in fine à un distributeur qui ne sera pas complice de la fraude compte tenu du fait qu'ils sont à un prix inférieur à celui du marché, on constate que le rendement de l'opération est de 17% sur deux mois, soit 100% sur l'année.

· La deuxième simulation concerne des composants électroniques.

Elle reprend, en changeant cependant les données chiffrées et les pays concernés qui conservent cependant le même ordre de grandeur, les principaux éléments de certains montages qui ont conduit à poursuivre pour une fraude à la TVA de l'ordre de 30 millions d'euros des résidents communautaires. Ces montages ne concernaient pas la France.

Dans cet exemple, la fraude est d'autant plus caractérisée que les biens n'ont jamais quitté leur pays d'origine. Elle est très rentable, car le nombre des transactions a été élevé, certaines sophistications étant destinées à éviter que l'administration ne décèle trop rapidement des anomalies.

Naturellement, l'ensemble des sociétés mentionnées sont des sociétés liées entre elles.

Le détail des opérations est le suivant :

1. Une entreprise établie au Royaume-Uni, « UK 1 », vend 6.000 unités de composants pour un prix unitaire de 200 € hors taxe à une entreprise française, « FF 1 », en franchise de TVA puisqu'il s'agit d'une livraison intra-communautaire. Le montant total de la transaction est de 1.200.000 euros.

2. La société « FF 1 » revend les 6.000 composants, hors taxe, à une entreprise établie au Royaume-Uni « UK 2 » au prix unitaire de 202 €. Le montant de la transaction est de 1.220.000 euros.

Le bénéfice de la société « FF 1 » est de 12.000 €.

3. La société « UK 2 », société taxi, cède les marchandises toutes taxes comprises à une entreprise « Man 1 » implantée à l'île de Man. Dans le cadre d'un statut proche de celui de Monaco, l'Ile de Man fait partie du territoire de l'Union européenne non seulement d'un point de vue douanier, mais également du point de vue de la TVA. Elle est intégrée au territoire d'application de la VAT britannique.

La société « UK 2 » joue le rôle de société taxi. Elle est chargée de facturer une TVA qui ne sera jamais versé à l'Echiquier. Elle revend à un prix inférieur au prix d'achat

Les termes de la transaction sont les suivants :

- le prix unitaire de chaque composant est de 185 € hors taxe ;

- le montant total de la transaction de 1.110.000 euros hors taxe, soit 1.304.250 euros TTC (le taux de la TVA, VAT, est de 17,5% au Royaume-Uni) ;

- le montant de la TVA est de 194.250 € ;

- le bénéfice brut de l'opération pour la société « UK 2 », hors frais de fonctionnement, est de 92.250 €, compte tenu du fait que le montant de la TVA qui ne sera jamais reversé, soit 194.250 €, sert en partie à couvrir la perte commerciale due à la réduction du prix de vente des composants, qui est de 102.000 € à raison de 17 € par unité.

4. La société « Man 1 » vend les 6.000 unités à trois entreprises anglaises. La TVA est facturée et payée. Le prix unitaire hors taxe est fixé de manière différente pour chacune des deux sociétés acquérantes, de manière à donner l'illusion de relations commerciales sincères.

a) 3.300 unités sont cédées au prix unitaire de 187 € hors taxe à la société « UK 1 ». Le montant total de la transaction 617.100 euros hors taxe, soit 725.092,5 euros TTC.

Le bénéfice net de la société « Man 1 » dans le cadre de cette transaction est de 6.600 euros (bénéfice exprimé hors taxe naturellement).

La société « UK 1 » retrouve ainsi pour un prix unitaire de 187 € la propriété de 3.300 des 6.000 composants qu'elle a initialement cédés pour 200 € chacun. Si elle les revend 198 euros, elle dispose donc d'un bénéfice potentiel de 11 € par composant, soit 36.300 euros.

b) 2.200 unités sont cédées pour un prix unitaire de 189 € à la société « UK 3 ». Le montant total de la transaction est de 415.800 euros hors taxe, soit 488.565 euros TTC.

Le bénéfice net de la société « Man 1 » dans le cadre de cette transaction est de 8.800 euros (bénéfice exprimé hors taxe).

c) 500 unités sont cédées à la société « UK 5 » pour un prix unitaire de 180 €. Le montant total de la transaction est de 90.000 euros hors taxe, soit 105.750 euros TTC.

Cette opération entraîne une perte de 2.500 euros pour la société « Man 1 ».

Cette perte joue un rôle essentiel pour assurer la crédibilité apparente de la suite du montage.

Le bénéfice total de la société « Man 1 » est donc de 12.900 euros.

5. La société « UK 3 » vend à la société « FF2 », société française, hors taxe puisqu'il s'agit d'une livraison intra-communautaire, l'ensemble des 2.200 composants, pour un prix unitaire de 192 €. Le montant total de la transaction est de 422.400 euros.

Le bénéfice de la société « UK 3 » est de 4.400 euros.

6. La société « FF 2 » vend, hors taxe également puisqu'il s'agit d'une livraison intra-communautaire, à la société « UK 4 », société taxi, les 2.200 composants pour un prix unitaire de 193 €. Le montant total de la transaction est de 424.600 euros hors taxe.

Le bénéfice de la société « FF2 » est de 2.200 euros.

7. La société « UK 4 » cède à la société britannique « UK Final » les 2.200 composants qu'elle a acquis. Le prix hors taxe est de 174 € l'unité. Le montant total de la transaction est de 382.800 euros hors taxe et de 449.790 euros TTC. La TVA, égale à 66.990 euros, est facturée par « UK 4 » à « UK Final ». Elle est réglée par cette dernière, mais elle ne sera jamais reversée à l'Echiquier par la société « UK4 ».

Le bénéfice brut de la société « UK 4 » est constitué de la part du montant de la TVA qui ne sera pas versée à l'administration fiscale qui excède le montant de la perte commerciale, substantielle, à raison de 19 € par composant. La perte commerciale étant égale à 41.800 euros et le gain tiré de la fraude à la TVA de 66.990 euros, le bénéfice brut de la société « UK 4 » rattachée est ainsi égal à 25.190 euros.

8. Les 600 unités détenues par la société « UK 5 », mentionnées au c) de la phase 4 sont cédées directement à « UK Final », pour un prix de 185 € hors taxe. La TVA est facturée et acquittée. Le montant total de la transaction est de 110.000 euros hors taxe, soit 130.425 euros TTC.

Le bénéfice de la transaction est égal à 3.000 € pour la société UK 5.

Cette transaction directe présente l'avantage de rendre la société « UK Final » moins suspecte de s'approvisionner dans des conditions douteuses, la filière étant totalement intégrée et l'ensemble des sociétés mentionnées étant contrôlé de fait par les mêmes personnes. Elle accrédite, d'une part, l'idée, d'une diversité des sources d'approvisionnement et, d'autre part, d'une capacité d'« UK Final » à négocier des prix intéressants auprès de ses fournisseurs.

Ces éléments sont d'autant plus essentiels que c'est « UK Final » qui devra écouler ensuite sur le marché régulier ses produits et que c'est elle qui sera ainsi le plus susceptible d'être dénoncée à l'administration compétente en matière de TVA ou à l'administration compétente en matière de fraude et de concurrence, car proposant des prix assez peu élevés.

Si l'on admet que le prix de marché d'un composant est de 204 € l'unité, et que les sociétés contrôlées par le groupe formé à but frauduleux cèdent ces composants à 199 €, on constate que le bénéfice brut potentiel de la société « UK Final » est de 63.400 euros, à raison de 8.400 euros pour 600 unités acquises 185 € l'unité et de 55.000 euros pour les 2.200 unités acquises à 174 € l'unité.

Le bénéfice potentiel de la société « UK 1 » est de 36.300 euros pour les 3.300 composants acquis en phase 4 a).

On peut ainsi calculer, sur cette base, le bénéfice brut final de l'opération pour ses organisateurs et constater ainsi :

- un profit certain de 151.940 euros, dont 12.000 euros dans la cadre de la société « FF1 », 92.250 euros dans le cadre de la société « UK 2 », 12.900 euros dans le cadre de la société « Man 1 », 4.400 euros dans le cadre de la société « UK 3 », 2.200 euros dans le cadre de la société « FF2 », 25.190 euros dans le cadre de la société « UK 4 » et 3.000 euros au sein de la société « UK 5 ».

On observera incidemment que le profit est essentiellement concentré sur les sociétés taxis « UK 2 » et « UK 4 ». Les profits des autres sociétés sont destinés à couvrir les frais de fonctionnement de ces transactions multiples dont l'objectif est essentiellement de permettre le montage.

- un profit incertain, car lié aux conditions de vente finales, estimées ici de manière prudente à 199 euros l'unité, d'un montant total de 99.700 euros, dont 36.300 au sein de la société « UK 1 » et 63.400 au sein de la société « UK Final ».

Au total, le schéma indiqué est susceptible de produire un bénéfice de 251.640 euros à ses organisateurs, soit 1,651 millions de francs.

Ce bénéfice n'a aucun fondement économique.

Il est en effet le résultat de la fraude à l'impôt et de la confiscation par des personnes privées de sommes qui devraient être versées à l'Etat. Il est au sens strict du terme le résultat d'un vol de l'Etat et de la collectivité.

Le montant de ce bénéfice est important eu égard au montant total de l'investissement, qui peut être estimé à deux fois le montant de la première transaction, soit 2,4 millions d'euros.

L'absence de transport permet de réduire les délais et d'effectuer l'ensemble de cette fraude sur une période de deux semaines, au plus.

On apprécie ainsi l'attrait que représente un rendement, théorique, certes, car toutes les entreprises participant à la fraude de type carrousel ne sont pas utilisées à plein tout au long de l'année, de 880 % par an. Ce rendement constitue une référence pour la criminalité organisée.

L'explication d'un tel rendement est simple : le montant de la fraude est égal au montant de la TVA éludée, soit environ 15 % du montant du capital investi dans l'opération et les opérations sont réalisées sur une période de temps extrêmement réduite.

A plus long terme, les rendements sont naturellement moins importants que ceux mentionnés précédemment. Ils restent néanmoins intéressants.

Certaines fraudes réalisées sur plus d'une année, qui ne fonctionnent pas à plein rendement tout au long de la période, ont pu ainsi rapporter à leurs organisateurs environ 330.000 francs par jour ouvré.

Certains carrousels plus importants rapporteraient même à leurs organisateurs près d'un million de francs par jour.

De tels montants ne sont certes pas courants. Ils sont cependant révélateurs de l'attrait que peuvent procurer les mécanismes de fraude dès lors que le bénéfice quotidien peut être égal au salaire annuel d'un cadre de l'industrie ou des services.

b) La possibilité de greffer sur les carrousels d'autres types de fraude

Le carrousel constitue en soi un mécanisme de fraude autonome. Il est cependant parfois utilisé conjointement avec d'autres types de fraudes.

Sur le plan fiscal, la plus aisée est celle qui consiste à réintroduire les biens faisant l'objet du carrousel dans leur pays d'origine par l'intermédiaire d'une société « taxi », qui les cédera à une société éphémère dont le seul but sera de vendre les biens, d'une manière non déclarée, sur le marché parallèle.

La fraude à la TVA se double alors d'une fraude à l'impôt sur les sociétés et d'une fraude à l'impôt sur le revenu des personnes physiques bénéficiaires.

Sur le plan économique, des cas de contrefaçons, en matière des composants électroniques notamment, ont été portés à la connaissance de votre Rapporteur. Il en serait de même sur des disques compacts (CD).

Au produit de la fraude fiscale vient ainsi s'ajouter le bénéfice d'une majoration indue de 50% voire 100% du prix de vente. On mesure combien ces types de fraudes peuvent être attrayants pour les milieux peu scrupuleux.

Dans le domaine du textile, les fraudes peuvent avoir de nombreux aspects, dès lors que les biens font l'objet d'une fausse déclaration d'origine pour bénéficier de droits de douane réduits. La fraude douanière se double d'une fraude fiscale de type carrousel, ce qui permet de très fortes marges de distribution.

Enfin, certains interlocuteurs de votre Rapporteur ont précisé que des sociétés impliquées dans des carrousels de TVA auraient été financées par des prêts octroyés, à des taux élevés, à partir de paradis fiscaux, dans le cadre de procédures de blanchiment de capitaux frauduleux. Votre Rapporteur n'a pas pu vérifier cette information. Il la livre cependant, car elle n'est pas invraisemblable.

3.- Une fraude infiltrée par la grande délinquance ainsi que par la grande criminalité organisée de type mafieux

Avant tout, dans chacun des pays dans lesquels votre Rapporteur a indiqué qu'il s'était rendu, il a été observé que des fraudes de type carrousels étaient organisées, de manière directe ou indirecte, par des personnes déjà connues pour leur indélicatesse fiscale.

Néanmoins, cette catégorie de fraude a introduit dans le domaine de la délinquance financière deux types de population qu'il convient de signaler.

La première, totalement atypique, est constituée de personnes sans passé fiscal ni pénal, parfois connues des services sociaux pour la précarité de leurs conditions d'existence et leurs difficultés d'insertion professionnelle, parfois exploitantes d'entreprises modestes situées dans des quartiers moyens ou déshérités. Elle sert d'auxiliaires aux instigateurs de la fraude, fournissant les prête-noms tant pour les associés que pour les dirigeants de sociétés, les gérants de complaisance, les associés peu exigeants et offre, parfois, un semblant d'honorabilité appréciable.

La seconde est une population d'un tout autre type, connue le plus souvent des services judiciaires pour des infractions de droit commun. Elle est attirée par la fraude fiscale à cause de l'importance du rendement des carrousels de TVA et de l'ensemble des autres fraudes liées. La fraude à la TVA représente alors une diversification, parfois une reconversion, moins risquée que les secteurs d'activité traditionnels de cette population délinquante.

Certains interlocuteurs de votre Rapporteur n'ont pas caché que la présence, directe ou indirecte, au sein de cette catégorie, de la très grande criminalité organisée, voire de la criminalité mafieuse, n'était pas à exclure. Il n'est guère possible d'aller au-delà de ce qui reste une très forte présomption, et de risquer une affirmation. Cependant, certains ne manqueront pas de relever que cette situation n'aurait rien d'étonnant dès lors que la fraude à la TVA est, dans certains cas, plus rentable que certains trafics traditionnels du « milieu ».

En outre, plusieurs interlocuteurs ont souligné que les méthodes utilisées sont typiques de celles de la grande criminalité, allant même jusqu'aux pratiques d'intimidation physique.

4.- Une fraude extrêmement déstabilisante sur le plan économique

Comme toute fraude à la TVA, la fraude de type carrousel est extrêmement déstabilisatrice sur le plan économique, car elle alimente en permanence le marché des produits concernés en articles à bas prix.

On rappellera, en effet, que chaque « tour de carrousel » entraîne une possibilité de diminution de prix théorique de l'ordre de 15 à 20%, soit le montant de la TVA éludée. En fait, la diminution de prix est moindre, car il faut compter avec le prélèvement opéré par les délinquants qui l'organisent.

En tout état de cause cependant, comme l'objectif de la fraude est de procéder à une escroquerie à la TVA et non de réaliser une vente commercialement équilibrée, et que l'intérêt des organisateurs est une rotation très rapide des capitaux, et ainsi de conserver les marchandises le moins longtemps possible, les biens sont toujours cédés à un prix inférieur à celui du marché.

Un réseau de distributeurs qui ne pratique pas la fraude de type carrousel se heurte ainsi aux pires difficultés pour survivre, puisqu'il est contraint de réduire sans cesse ses coûts d'exploitation ou ses marges pour faire face à la concurrence, et ainsi de revendre en dessous de son prix de revient.

Certes, tel n'est pas le cas si les personnes qui organisent le carrousel viennent se fournir dans son entreprise, mais il devient alors dépendant de ce type de clientèle, la seule à pouvoir durablement acheter à un prix supérieur à celui du marché.

Par ailleurs, comme les fraudes de type carrousel concernent surtout des biens de grande consommation vendus en grandes surfaces ou leurs composants, c'est-à-dire des secteurs où la pression à la baisse des prix est très forte et où l'explication de prix anormalement bas n'est peut-être pas le souci principal des acheteurs des centrales d'achat, compte tenu de la recherche systématique des ventes promotionnelles, s'agissant surtout sur des produits aussi attractifs que les téléphones portables ou les micro-ordinateurs domestiques, appelés en terme professionnel des produits d'appel, on doit considérer que le risque économique des fraudes de type carrousel est considérablement accru par la concentration, dans notre pays, du grand commerce de détail sur quelques enseignes qui se font une grande concurrence sur ces produits spécifiques.

A terme, le risque de la prolongation d'une situation insuffisamment dissuasive pour les organisateurs de carrousel est celui d'une destruction du tissu économique normal de commercialisation des produits concernés, qui relèvent tous de secteurs de pointe, à l'exception du textile.

Au-delà de leurs dimensions purement nationales et européennes, les fraudes de type carrousels présenteraient, selon certaines informations communiquées à votre Rapporteur, une dimension internationale inquiétante.

Des « tours de carrousels »  seraient, en effet, organisés, en Europe, par des entreprises effectuant du commerce international, de manière à réduire artificiellement et de manière frauduleuse le prix de biens fabriqués en dehors de l'Union européenne et utilisés en dehors de l'Union.

Les biens seraient importés d'un Etat tiers, feraient l'objet de transactions entre plusieurs pays de l'Union, puis seraient réexportés vers un Etat tiers, à un prix inférieur.

Ainsi, les ressources des Etats membres de l'Union, ou de certains d'entre eux pour le moins, seraient utilisées par certaines entreprises étrangères pour réduire le prix de leurs produits et, à terme, pour réduire le prix international de produits tels que les composants électroniques.

Si cette information est exacte, on mesure la gravité de la situation.

Aucune hypothèse n'étant à exclure, on peut enfin parfaitement imaginer que des carrousels puissent être également organisés pour diminuer les prix à l'exportation de produits fabriqués au sein de l'Union, de manière à réduire artificiellement leurs prix.

C.- UNE FRAUDE SUSCEPTIBLE DE PERDURER EN L'ABSENCE DE PERSPECTIVE DE CHANGEMENT DES RÈGLES COMMUNAUTAIRES

Ainsi que l'a déjà précisé votre Rapporteur, la fraude à la TVA de type carrousel est étroitement liée au régime dit transitoire de la TVA défini au niveau communautaire.

En effet, le régime transitoire introduit une rupture dans la chaîne de perception de la TVA dont toute l'efficacité repose sur l'absence d'interruption et la difficulté d'introduire une telle rupture.

Si l'on se rapporte aux exemples de mécanismes de carrousels précédemment évoqués, l'efficacité de la démarche repose sur le fait qu'un opérateur a l'opportunité d'acquérir hors taxe une marchandise à forte valeur ajoutée, ce qui n'arrive pas dans le circuit économique normal où la taxation intervient soit au fur et à mesure de la valeur ajoutée pour les produits fabriqués en interne, soit lors du passage en douane pour les produits importés, et de revendre ces biens TTC, sans acquitter la TVA au Trésor car elle disparaît avant, sauf montage complexe.

Le deuxième élément spécifique est la simplicité. Pour organiser une rupture équivalente sur le marché national, il faudrait en effet procéder à un montage plus complexe mettant en cause de nombreuses sociétés : une société A vendrait des marchandises à une société B, laquelle disparaîtrait après avoir vendu ces marchandises toutes taxes comprises au prix nominal auquel elle avait elle-même acquis ces produits hors taxe, à une société C. Dans ce schéma, la difficulté pour la société B, qui doit acquitter la TVA lors de la transaction avec la société A, est de trouver une compensation à cette créance de TVA déductible sans que la TVA perçue auprès de C ne soit l'objet de cette compensation.

Ainsi, la fraude de type carrousel à la TVA donne une nouvelle dimension à des mécanismes classiques de la fraude à la TVA connus, qu'il s'agisse des sociétés taxis qui collectent une TVA qu'elles ne reversent pas au Trésor ou qu'il s'agisse des sociétés de fausse facturation qui permettent de « blanchir » des marchandises acquises sur le marché parallèle par une entreprise.

Or, le régime transitoire est destiné à perdurer.

En effet, le passage au régime dit définitif, où la TVA serait perçue dans le pays de départ du bien et non dans le pays de destination, ne saurait intervenir à brève échéance, tous les pays s'y opposant. Ainsi que l'a déjà précisé votre Rapporteur, ce régime avantagerait les pays dont le commerce extérieur est structurellement excédentaire vis-à-vis de leurs partenaires et désavantagerait les pays structurellement importateurs, puisque la TVA acquittée par une entreprise lors de l'acquisition d'un bien dans un autre Etat de l'Union viendrait en déduction du montant de la TVA qu'elle devrait acquitter au titre de ses ventes, auprès de son pays de résidence. Pour ne pas introduire de perturbations dans les ressources des Etats membres, dont la TVA constitue un poste important, un système de compensation devrait être mis en place des Etats ayant des excédents de recettes en direction des Etats en déficit.

Or, sans même préjuger de l'importance du problème politique que poserait la création d'un tel système qui ne pourrait être que centralisé et géré par la Commission européenne, la situation, sur le plan de la fiabilité des statistiques au niveau des Etats membres ne s'est pas améliorée et il est toujours impossible d'instaurer un système de compensation pour des raisons purement techniques en raison de l'absence de fiabilité des statistiques issues des différentes comptabilités nationales et de l'impossibilité d'évaluer avec suffisamment de certitude les emplois taxables, c'est à dire le montant et l'évolution des postes de la consommation et de l'investissement supportant la TVA. Il s'agit essentiellement, mais pas seulement, de la consommation des ménages et des administrations publiques.

Certains considèrent même que la situation a empiré dès lors, qu'au niveau communautaire, la consolidation des échanges de biens entre pays membres laisse apparaître un solde non négligeable, ce qui signifie que les statistiques du commerce intra-communautaire sont fausses. En effet, la somme des résultats des balances commerciales pour les seuls échanges entre pays de l'Union devrait être égale à zéro, par définition.

En outre, le régime définitif engendrerait d'autres types de fraudes, notamment parce qu'il faciliterait la réalisation de fausses factures provenant d'autres Etats membres de l'Union.

Le règlement de la question par l'adoption d'un autre régime de la TVA au niveau intra-communautaire n'apparaît donc pas envisageable, à brève échéance.

Certains des interlocuteurs de votre Rapporteur ont émis l'idée de la suppression de la TVA, qui serait remplacée par une taxe à la consommation du type de la sales tax perçue aux Etats-Unis.

Une telle proposition apparaît impraticable à deux titres.

D'une part, ce type de taxe ne donne lieu à une perception fiable que si les taux sont bas, de moins de 10%. Or, les taux normaux de TVA en Europe dépassent largement ce seuil. Il faudrait, si une telle solution était adoptée, trouver une ressource de remplacement. Le problème est de savoir laquelle.

D'autre part, le développement du commerce électronique, ainsi que des ventes à distance entre des Etats ayant différents types de taxes, montre la difficulté d'établir un système totalement fiable de taxation de la consommation, certains nouveaux types de fraudes ayant été signalés à votre Rapporteur dans le cadre des achats par correspondance, lors de sa mission aux Etats-Unis.

II.- LA NÉCESSITE DE PRÉVOIR UN ALOURDISSEMENT SUBSTANTIEL DES PEINES ET D'ENVISAGER L'HYPOTHÈSE D'UN RENFORCEMENT DES PROCÉDURES DE POURSUITE

L'administration fiscale n'est pas restée inactive et n'est pas totalement démunie pour combattre les fraudes tournantes à la TVA organisées dans le cadre de carrousels.

D'une part, elle a organisé un système de surveillance des crédits de TVA et du montant de la TVA déduit par une entreprise dans le cadre de la déclaration trimestrielle de chiffres d'affaires, principalement.

D'autre part, elle dispose d'importantes possibilités d'actions sur le plan fiscal comme sur le plan pénal.

Cependant, les procédures existantes de sanction apparaissent insuffisamment dissuasives au regard de l'attractivité de la fraude.

Aussi votre Rapporteur est-il conduit à suggérer, d'une part, un renforcement des peines prévues dans le cadre de la législation actuelle ainsi que, d'autre part, la mise à l'étude de procédures spécifiques inspirées de celles en vigueur chez nos principaux partenaires, étant donné que le régime transitoire de la TVA, à l'origine de l'intérêt des carrousels, est destiné à perdurer.

A.- UNE FRAUDE DIFFICILE À COMBATTRE SUR LE PLAN FISCAL, MAIS SUSCEPTIBLE DE FAIRE L'OBJET DE POURSUITES PÉNALES ASSEZ RAPIDES

1.- La procédure fiscale

a) La détection du risque : la surveillance des crédits de TVA

L'administration fiscale a mis en place des cellules de surveillance des demandes de remboursement de crédit de TVA, puisqu'une fraude de type carrousel se traduit souvent par des demandes de remboursement de crédit de TVA .

L'objectif de ces cellules est de sélectionner des demandes devant faire l'objet de procédures particulières et d'organiser une collaboration entre les différents services concernés, notamment les services des douanes.

Votre Rapporteur a pu apprécier sur le terrain l'efficacité des cellules chargées d'effectuer cette surveillance.

Pour les fraudes de type carrousel qui ne se traduisent pas par des demandes de remboursement de crédits de TVA, c'est l'évolution des montants de la TVA déductible reportés sur une déclaration qui constitue un signe indicateur d'une éventuelle anomalie.

Tel est notamment le cas lorsqu'une entreprise procède à des inscriptions de montant de TVA déductibles sans cesse accrus alors que son chiffre d'affaires stagne.

La surveillance des crédits de TVA n'est pas cependant sans poser de problème lorsqu'elle conduit à retarder un remboursement pour une entreprise créditrice, soit systématiquement, soit occasionnellement, parce que fortement exportatrice. Il s'agit d'une méthode à mettre en _uvre avec discernement ; sinon, elle peut conduire à pénaliser les entreprises exportatrices vers les pays qui sont nos principaux partenaires.

b) La sanction des infractions : une procédure efficace, mais délicate à mettre en _uvre

En ce qui concerne la procédure de contrôle fiscal, les carrousels de TVA présentent plusieurs difficultés.

En premier lieu, il n'est pas aisé de les détecter car les opérations ont toujours une grande apparence de régularité.

Les carrousels de TVA reposent en effet sur des transactions effectuées entre plusieurs entreprises qui donnent l'apparence d'entretenir des relations commerciales normales. Ainsi, en présence de transactions entre plusieurs entreprises, il faut percevoir des liens organiques ou déterminer la fonction de chaque entreprise avant d'établir la fraude, avant de pouvoir comprendre s'il y a carrousel ou non.

En deuxième lieu, ces entreprises dont réparties sur les territoires de plusieurs Etats de l'Union, non nécessairement contigus, ce qui implique immédiatement des procédures de coopération, nécessairement lourdes, entre les administrations fiscales.

En troisième lieu, une fois la présomption de fraude établie, il est très difficile de prouver la fraude.

Le cas précédemment évoqué d'une entreprise dont le montant de la TVA déductible croît dans des proportions importantes alors que le chiffre d'affaires stagne, laisse présumer une fraude, mais il sera toujours difficile à l'administration fiscale d'apporter des éléments de preuve sur cette seule base.

Un certain nombre d'indicateurs tels que la conclusion dans de brefs délais de transactions portant sur des montants importants avec des sociétés ne disposant d'aucune référence professionnelle sérieuse ni ancienne, par une entreprise, sont également révélateurs de l'existence probable d'un carrousel. Mais, il n'est pas aisé, ensuite, pour l'administration de prouver la fraude.

Sur le plan du droit, cette preuve est d'autant plus difficile à établir que l'infraction fiscale, la défaillance du paiement de la TVA est localisée dans une société taxi en général implantée à l'étranger, à vocation éphémère, et, en pratique, insaisissable.

C'est là la stratégie des organisateurs de carrousels que de concentrer la fraude fiscale sur des sociétés éphémères et fragiles, et d'en affecter une partie du bénéfice à des sociétés qui présentent une façade de respectabilité totale.

La principale technique pour faire apparaître une fraude, consiste à démontrer le caractère fictif de la livraison intra-communautaire. En effet, si les biens ne franchissent pas la frontière, la livraison étant fictive, l'opération est frauduleuse et il y a infraction fiscale.

Ainsi, un temps, les dispositifs ont fonctionné sans transport, en jouant sur le fait que l'acquéreur peut effectuer par ses propres moyens, l'expédition ou le transport des biens. Le vendeur était dégagé de toute responsabilité.

En réaction, l'instruction 3-A-3-97 du 28 mars 1997 a durci les règles applicables en imposant au vendeur, préalablement à la livraison, de prendre toutes les garanties nécessaires pour être ensuite en mesure de prouver la réalité de l'opération.

Pour contourner cette nouvelle obligation, les organisateurs ont alors fait procéder au transport de sacs de sable ou de marchandises peu onéreuses. Naturellement, ces procédés ont été découverts.

Par ailleurs, en tout état de cause, il y a infraction lorsque la société taxi est implantée en France.

En revanche, une société qui participe à un carrousel et exporte en franchise de TVA ne commet aucune infraction dès lors que la livraison présente un caractère réel, c'est à dire dès lors que les biens quittent le territoire de l'Etat membre où est établie l'entreprise qui les vend et dès lors qu'un paiement est effectué entre les deux parties à la transaction.

En pratique, la procédure fiscale de mise en évidence d'une fraude tournante de type carrousel repose ainsi sur un long travail de patience pour arriver à détecter les erreurs d'une société qui se livre à cette activité.

La difficulté est en outre accrue dans le cas des schémas précédemment évoqués reposant sur l'interposition de sociétés qui ne sont pas complices et peuvent renforcer encore l'apparence de régularité si nécessaire à la pérennité du montage.

Dans un dernier ordre de difficulté, il faut souligner le décalage entre les délais des procédures administratives actuelles et la rapidité d'exécution des carrousels soulignée par votre Rapporteur lors de la présentation des exemples qui précèdent. Les organisateurs jouent de cette faible réactivité, les autorités communautaires ayant constaté une utilisation croissante d'entreprises soumises à une déclaration annuelle de chiffres d'affaires, ce qui ne permet pas de rapprocher suffisamment tôt ces données avec celles provenant d'entreprises soumises à une déclaration trimestrielle, dès lors qu'il n'y a pas de demande de remboursement d'un crédit de TVA, lequel est sous surveillance, mais imputation.

2.- La procédure pénale

Au plan pénal, les fraudes à la TVA de type carrousel relèvent plutôt du délit d'escroquerie de droit commun que de celui fraude fiscale prévu à l'article 1741 du code général des impôts.

On rappellera que le délit d'escroquerie, prévu aux articles 313-1 et 312-2 du code pénal, est défini comme le fait de tromper une personne et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers de lui remettre des fonds, des valeurs ou un bien, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de man_uvres frauduleuses.

Ce délit est sanctionné de cinq ans d'emprisonnement et de 2,5 millions de francs d'amende. Ces peines sont portées à sept ans de prison et 5 millions d'amende lorsque l'escroquerie est commise en bande organisée. La tentative d'escroquerie est également incriminée.

En outre, l'Etat est susceptible de percevoir des dommages et intérêts au titre du préjudice subi.

En pratique, la poursuite est délicate, car le délit n'est constitué qu'en présence de man_uvres frauduleuses et l'élément intentionnel, même s'il reste nécessaire, ne suffit pas.

Or, la notion de man_uvre frauduleuse n'est définie par aucun texte, ni en matière pénale, ni même en droit fiscal où elle entraîne pourtant l'application d'une amende fiscale égale à 80% des droits éludés. Il convient donc de se référer à la jurisprudence. Selon celle-ci, les man_uvres frauduleuses supposent une machination, une ruse ou une combinaison d'actes extérieurs destinés à créer une apparence trompeuse.

Pour passer de la seule incrimination de fraude fiscale à celle d'escroquerie fiscale, il est ainsi indispensable de pouvoir faire état d'actes extérieurs aux déclarations fiscales de chiffre d'affaires, trimestrielle de type CA 3 ou annuelle de type CA 12 destinés à donner crédit aux allégations mensongères énoncées par les déclarations en vue de tromper l'administration.

On trouve fréquemment parmi ces actes extérieurs : les falsifications d'achats ; l'établissement de factures d'achats fictifs ; l'intervention de sociétés taxis ; la réalisation d'achats sans facture ; la mise en scène de circuits de facturation fictive avec les sociétés taxis et les entreprises relais, etc.

S'agissant des délais, on rappellera que l'action publique se prescrit par trois années révolues, conformément à l'article 8 du code de procédure pénale. Le point de départ est la date à laquelle le délit a été commis, c'est à dire la date de la demande de remboursement ou la date du dépôt de la déclaration de chiffre d'affaires, s'il n'y a pas eu remboursement, mais imputation. En cas de tentative d'escroquerie, c'est la date de réception de la demande de remboursement qui compte.

S'agissant des modalités d'action, la direction générale des impôts peut intervenir de deux façons dans le cas où des actions pénales sont engagées pour escroquerie à la TVA.

D'une part, elle peut porter plainte directement, sans devoir recueillir préalablement l'avis favorable de la commission des infractions fiscales. Les plaintes peuvent être déposées soit au niveau central, soit par les chefs des services déconcentrés, régionaux ou départementaux.

D'autre part, elle peut se constituer partie civile au nom de l'Etat, lorsqu'elle n'a pas eu l'initiative et qu'elle est simplement informée par le Procureur de la République, notamment lorsque d'autres administrations ont porté plainte pour des infractions à caractère économique.

Lorsque le dépôt d'une plainte pour escroquerie à la TVA ne peut être envisagé, dès lors que les conditions ne sont pas réunies, l'administration peut porter plainte pour fraude fiscale, conformément à l'article 1741 du code général des impôts, avec l'avis favorable de la commission des infractions fiscales. On observera que l'article L. 230 du livre des procédures fiscales prévoit pour ce délit un délai de prescription plus long que pour l'escroquerie. L'échéance intervient à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle l'infraction a été commise.

En 1998, 12 plaintes ont été déposées pour escroquerie à la TVA, 13 pour tentative d'escroquerie et 9 pour escroquerie et tentative. Les droits en jeu s'élevaient à 46,5 millions de francs, soit 1,5 millions de francs en moyenne par affaire, avec des différences importantes d'une affaire à l'autre (de 100.000 francs à 20,18 millions de francs). Deux dossiers ont donné lieu à constitution de partie civile.

Au total, onze jugements et arrêts relatifs à des affaires antérieures, compte tenu des délais de jugement, ont été rendus. Dans ce cadre, les dommages et intérêts accordés à l'Etat ont été de 22,44 millions de francs.

Les difficultés de mise en _uvre des procédures pénales et fiscales sont très préjudiciables pour l'Etat. En pratique, le risque fiscal comme le risque pénal seraient perçus comme très faibles voire insignifiants, par les organisateurs de carrousels, selon plusieurs informations communiquées à votre Rapporteur. On doit donc envisager une modification des dispositions existantes pour remédier à cet état de choses.

B.- PRÉVOIR UN RENFORCEMENT SUBSTANTIEL DES PEINES ET METTRE À L'ETUDE L'OCTROI DE COMPÉTENCES DE POLICE JUDICIAIRE À UNE SECTION SPÉCIALISÉE DU MINISTERE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES

1.- Renforcer substantiellement les peines en cas d'escroquerie à la TVA en bande organisée

En matière pénale, la sanction a une grande valeur de symbole. Elle a pour fonction de dissuader la commission de l'infraction.

A cet égard, les peines prévues en cas d'escroquerie à la TVA, lorsqu'elle est commise en bande organisée - sept ans de prison et 5 millions de francs d'amende - apparaissent trop légères eu égard aux enjeux, même si la peine d'amende n'a pas valeur de réparation du préjudice subi, laquelle intervient par ailleurs dans le cadre du versement de dommages et intérêts.

Ces peines sont en effet adaptées au délit d'escroquerie de droit commun, mais apparaissent dérisoires dès lors qu'il y a escroquerie ou tentative d'escroquerie au détriment de la collectivité.

Par ailleurs, dans la hiérarchie des sanctions pénales, en matière économique ou en matière de grande délinquance ayant de fortes incidences financières, comme c'est le cas du trafic de stupéfiants, on ne peut négliger le fait que la peine doit être proportionnée à l'intérêt d'un individu à commettre l'infraction. Plus l'intérêt est fort, plus la sanction doit l'être.

Dans cet esprit, les escroqueries à la TVA pouvant être financièrement aussi intéressantes pour leurs organisateurs que le trafic de stupéfiant, il convient de prévoir des peines similaires à celles prévues dans ce cadre pour des infractions délictuelles : dix ans d'emprisonnement et 50 millions de francs d'amende.

On mesure ainsi le décalage avec celles, rappelées à l'instant, prévues en cas d'escroquerie à la TVA en bande organisée.

Votre Rapporteur considère donc que, dans le cadre d'une modification de l'article 313-2 du code pénal, il convient de prévoir pour l'infraction spécifique d'escroquerie à la TVA en bande organisée des peines identiques, de dix ans de prison et 50 millions de francs d'amende pénale.

Cet alignement constitue, dans un premier temps, le minimum de ce que peut faire le législateur face à une situation très grave.

2.- Demander au Gouvernement un rapport sur la mise en place d'un service spécialisé du ministère de l'économie et des finances disposant de prérogatives de police judiciaire afin de réduire les délais de répression et sur la création d'une infraction spécifique de fraude organisée à la TVA

Lors de sa présentation de la procédure fiscale et de la procédure pénale applicable en cas de fraude tournante à la TVA organisée dans le cadre de carrousels, votre Rapporteur a mentionné que les délais de dépôt d'une plainte étaient nécessairement longs, car une procédure de contrôle fiscal est auparavant nécessaire.

La longueur de ces délais constitue en fait le principal problème, car il implique une faible réactivité de la part de l'administration. Même lorsque la fraude est aisée à prouver, les organisateurs peuvent, d'une part, démanteler certains éléments de preuve et, d'autre part, organiser leur insolvabilité.

Les cas concrets présentés à votre Rapporteur montrent, d'une part, que les carrousels reposent sur des procédures simples et rapidement exécutées et, d'autre part, que, pour palier les difficultés de preuve précédemment évoquées, il convient de pouvoir opérer, pendant la période où le carrousel est en cours de fonctionnement, des constatations relatives aux transports de marchandises, aux liens et aux relations de droit et de fait entre les gérants de sociétés concernées.

Il convient donc soit de fusionner la logique fiscale et la logique pénale, soit de permettre à la seconde d'être exercée par des fonctionnaires de l'économie des finances et de l'industrie, sous le contrôle du juge, comme cela se fait dans certains pays étrangers. La seconde solution est préférable.

Il pourrait ainsi être envisagé d'appliquer à ce type de fraude organisée à la TVA une procédure inspirée des règles en vigueur au Royaume-Uni, pour la TVA. Dans cet Etat, la législation permet de discerner très en amont de la procédure de contrôle fiscal les dossiers frauduleux et de les confier à des agents d'un service spécialisé le National investigation service (NIS) du service des douanes (H M Customs and Excise).

Au Royaume-Uni et dans les autres pays concernés, ces services spécialisés sont constitués de fonctionnaires habilités à procéder à de véritables enquêtes policières, parfois sous l'autorité du juge pour les mesures les plus lourdes (perquisitions, écoutes, etc.). Ils peuvent procéder à des arrestations.

L'encadré suivant montre l'importance des prérogatives des agents du NIS au Royaume-Uni.

Présentation des techniques d'enquête en matière de fraude à la TVA par un fonctionnaire du National investigation service des douanes
du Royaume-Uni

« Je suis en charge d'un département au sein du Service national d'enquête des douanes britanniques. Mon département comprend plusieurs équipes de renseignements, spécialisées dans la fraude commerciale, dont l'équipe de recherche et de renseignement TVA (the VAT Intelligence and Research Team, connue également sous le nom de VIRT). J'ai également sous mes ordres des équipes opérationnelles qui effectuent des enquêtes sur les fraudes importantes qui existent en matière de TVA, dont l'équipe qui s'occupe des fraudes intra-communautaires et des carrousels.

Il m'a été demandé d'effectuer une intervention sur les méthodes d'enquêtes utilisées en matière de fraudes à la TVA.

Le recouvrement et le contrôle de la TVA sont, au Royaume-Uni, des missions dévolues aux douanes britanniques. Celles-ci sont responsables de leur exécution.

Le texte de loi relatif au contrôle et au recouvrement de la TVA est inclus dans le VAT Tax Act de 1994.

Au Royaume-Uni, nous avons deux façons d'effectuer les enquêtes en matière de TVA. Nous avons des enquêtes civiles et des enquêtes criminelles.

Le National Investigation Service n'effectue pas d'enquêtes civiles. Celles-ci sont effectuées par des unités locales situées au sein des directions régionales des douanes. Je vais néanmoins vous parler rapidement de celles-ci.

Les enquêtes civiles en matière de fraude à la TVA 

La politique générale est que les fraudes qui ont entraîné, au cours des trois dernières années, une évasion de TVA inférieure à 75.000 £ sont considérées comme des dossiers civils. L'entreprise est alors redevable d'une amende civile pour fraude égale au montant de la TVA éludée ou, le cas échéant, estimée avoir été éludée.

En pratique, parce que les douanes britanniques n'ont pas assez de moyens pour enquêter sur tous les cas au-delà de 75.000 £, le montant est souvent plus élevé en procédure criminelle.

Les éléments nécessaires pour établir qu'une entité est passible de pénalités pour fraude sont les suivants :

- que la personne ait effectué un acte spécifique ou qu'elle ait au contraire omis d'effectuer une action spécifique ;

- que le but de cette action ou de cette omission ait été de ne pas payer la TVA et ;

- que la conduite de la personne en cause ait été empreinte de malhonnêteté.

Les sanctions civiles ont été mises en place en juillet 1985 en même temps qu'une décriminalisation d'un certain nombre d'infractions en matière de TVA et que la mise en place d'intérêts de retard.

L'un des avantages de cette approche est que, bien que la charge de la preuve de l'exigibilité des pénalités civiles incombe aux douanes britanniques, la charge de la preuve concernant tous les autres aspects, dont notamment la réduction des pénalités, incombe à l'entreprise.

En matière civile, le niveau des preuves demandées tient compte du principe des probabilités et est beaucoup moins élevé qu'en matière criminelle.

Les enquêtes criminelles en matière de fraude à la TVA

Les objectifs du HMCE en matière de fraude à la TVA peuvent être résumés de la façon suivante : prévention ; détection ; enquêtes ; pénalisation de l'affaire (poursuites pénales et transactions).

Le HM Customs and Excise a pour devoir de veiller à l'application de la loi en effectuant ces différentes tâches de la manière la plus efficace possible pour déférer les auteurs de fraudes en matière de TVA devant les tribunaux. Cependant, dans la mesure où HM Customs & Excise est également autorité poursuivante, nous devons être perçus comme appliquant, à tout moment, les principes suivants : intégrité, impartialité, objectivité et uniformité de conduite, étant données la complexité et la sensibilité des enquêtes en matière de fraude à la TVA.

Ces principes sont garantis par la séparation des fonctions d'enquêtes et de décision au sein d'un système divisé en trois parties comprenant les vérificateurs (qui doivent détecter, signaler et enquêter sur les infractions), les administrateurs (qui doivent apprécier si les actions entreprises par HMCE sont dans l'intérêt public en prenant en compte les questions de politique générale et qui doivent décider, pour chaque infraction, s'il faut poursuivre en justice, essayer d'aboutir à une transaction à l'amiable ou ne rien faire) et les juristes (qui donnent leur avis à tout moment lors d'une enquête en indiquant si les preuves sont suffisantes ou non, qui s'assurent que les principes du code sont respectés par les agents poursuivants et qui suivent la progression de la procédure de poursuite devant le système judiciaire).

Notre politique est que seules les fraudes les plus sérieuses doivent faire l'objet d'enquêtes criminelles. Nous avons des lignes de conduite à respecter à chaque fois qu'il nous faut décider si une infraction doit faire l'objet d'une telle enquête. Les critères retenus sont les suivants : montant du revenu en cause, nous regardons si l'infraction a été commise par des professionnels ou par des personnes importantes (hommes politiques, conseils juridiques ou comptables) et s'il y a eu conspiration, s'il y a plus d'une entité immatriculée à la TVA en cause, l'historique des parties impliquées dans l'affaire, si en fonction de la gravité de l'infraction nous devons obtenir un mandat de perquisition ou si d'autres activités criminelles ont été réalisées en même temps.

Les enquêtes sont entreprises à la suite de l'obtention de renseignements, de recherches ou de découvertes effectuées lors de contrôles. Il est intéressant de noter que 54 % des affaires pénales de fraude à la TVA ont été entamées entre janvier et juillet 1998 et que 29 % ont été détectées à la suite de visites alors que seulement 10 % ont été entreprises à la suite d'informations obtenues auprès d'informateurs.

Avant de commencer une enquête, nous avons un certain nombre d'outils à notre disposition pour vérifier les informations ou les soupçons qui nous ont incités à penser que nous sommes en présence d'une fraude importante. Nous avons à notre disposition un certain nombre de bases de données que nous utilisons lors de nos recherches, dont :

- CEDRIC : il s'agit d'une base de données qui comprend les détails des personnes, des sociétés ou des adresses que nous soupçonnons ou qui sont liées à toutes les infractions qui sont du ressort de notre service.

- Une base de données TVA qui contient le détail de toutes les immatriculations TVA et le détail des déclarations qui ont été déposées. Nous avons la possibilité d'interroger cette base pour essayer d'identifier les fraudes potentielles ;

- Les bases de données propres aux directions régionales ou celles des équipes de renseignements du NIS, spécialisées dans la fraude commerciale.

- Les autres bases de données de HMCE.

Nous avons récemment recruté et formé des spécialistes informatiques pour assister nos officiers dans le développement de l'information et dans la recherche de fraudes potentielles à la TVA. Ceux-ci auront à leur disposition un important arsenal de software et de hardware analytiques. Le NIS est actuellement en train de mettre au point un projet « d'entrepôt de données » qui sera utilisé par ces personnes au sein du NIS mais également au sein des directions régionales pour les aider à identifier les entreprises qui commettent des fraudes à la TVA et ceux qui présentent un fort risque de frauder.

La plus grande partie du travail concernant le développement du renseignement pour les fraudes importantes en matière de TVA est effectué par notre équipe de recherches et de renseignements TVA. La collecte d'informations stratégiques et leur diffusion est de la responsabilité du NIS. Les informations qui permettent d'identifier les entreprises à risque dans un effort de contrôle sont en principe du ressort des directions régionales. Il y a des domaines communs à ces trois fonctions distinctes.

Lorsque l'équipe de recherches et d'informations TVA a réussi à rassembler un certain nombre de renseignements qui lui ont permis de découvrir l'existence d'une fraude potentielle qui nécessite des enquêtes par une équipe opérationnelle, le responsable de cette équipe va essayer de persuader l'une des équipes opérationnelles pour qu'elle se charge du dossier. Si la fraude se situe dans une zone géographique du ressort d'une direction régionale, l'affaire sera donnée à cette direction. A Londres et dans le sud-ouest, le dossier sera remis entre les mains d'une équipe spécialisée. Si une équipe opérationnelle ne peut pas prendre une affaire en main, par manque de moyens, cette affaire fera l'objet de discussions lors d'une des réunions mensuelles et sera confiée à une équipe pour enquêtes.

Une fois qu'une affaire est entre les mains d'une équipe opérationnelle, la façon dont elle est traitée varie au cas par cas. Il se peut qu'il soit nécessaire d'effectuer des surveillances mobiles ou statiques. Toutes les équipes sont entraînées pour cela et disposent des véhicules et du matériel nécessaire. Il se peut que l'enquête nécessite un certain nombre de visites, de contrôles de routine pour vérifier le volume des ventes. Il se peut qu'il soit nécessaire de surveiller les importations ou qu'il soit nécessaire d'être en contact avec des services étrangers. Cette partie de l'enquête a pour objet d'amasser le plus de preuves possible de la manière la plus discrète possible de façon à obtenir un mandat de perquisition pour visiter les adresses utilisées par les fraudeurs et de façon à obtenir l'autorisation d'arrêter les personnes impliquées dans les infractions en cause. Ces deux points vont être évoqués séparément.

Toutes les phases de l'enquête : la surveillance, la perquisition des locaux, l'interrogation des suspects et des témoins, l'examen et l'analyse des documents, la prise des dépositions des témoins et la préparation des dossiers pour que les affaires puissent passer devant les tribunaux, sont du ressort des officiers des douanes britanniques qui sont au sein des équipes opérationnelles. Une assistance technique spécialisée n'est donnée que si cela s'avère nécessaire.

Les officiers de douanes britanniques ont les pouvoirs suivants lorsqu'ils perquisitionnent des locaux :

a) pour être en mesure d'user des droits qui lui sont conférés par le VAT Tax Act 1994, une personne dûment habilitée peut, à une heure raisonnable, s'introduire dans des locaux utilisés dans le cadre de l'exercice d'une activité commerciale ;

b) lorsqu'une personne habilitée a de bonnes raisons de penser que des locaux sont utilisés :

- dans le cadre de livraisons de biens provenant d'autres Etats membres de la CE et que les livraisons en cause sont imposables ou - qu'ils sont utilisés dans le cadre d'acquisitions de biens provenant d'autres Etats membres de la CE et que ces acquisitions sont imposables,

- et que les biens en question sont encore dans les locaux, elle peut inspecter ces locaux et les marchandises qui s'y trouvent à des heures raisonnables.

c) Un magistrat peut délivrer un mandat de perquisition s'il estime que les conditions suivantes sont remplies :

- qu'il y a assez d'éléments permettant de suspecter qu'une infraction importante en matière de TVA a été commise dans les locaux en question, qu'elle est en train d'être commise ou enfin qu'elle est sur le point de l'être ;

- que la preuve qu'une infraction a été commise y sera trouvée.

Une fraude en matière de TVA est une infraction qui relève de la section 72 (1), 72 (3) ou 72 (8) du VAT Tax Act de 1994. Un officier des douanes britanniques qui visite des locaux avec un mandat de perquisition peut se faire accompagner des personnes dont la présence lui paraît nécessaire, peut saisir et emporter tout document ou tout autre objet découvert sur ces lieux dans la mesure où il a des raisons de penser que ceux-ci pourront être demandés comme preuves du jugement des infractions en cause qui, selon lui, semblent être de nature sérieuse ; il peut également fouiller ou demander à ce que soit fouillée toute personne qui se trouve dans les locaux en question s'il a de bonnes raisons de penser qu'elle est en possession de tels documents ou de tels objets (les femmes et les jeunes filles ne peuvent être fouillées que par des personnes du même sexe).

 

Seul le nombre de personnes mentionné dans l'ordre de perquisition peut effectuer les recherches autorisées par ce document. Elles doivent être désignées et les douaniers britanniques peuvent être accompagnés par un policier en civil. Une copie de l'ordre de perquisition doit être laissée à l'occupant ou dans les locaux.

L'émission d'un ordre de perquisition représentant une atteinte très importante aux libertés et sensibilités individuelles, les officiers des douanes britanniques doivent faire attention à bien respecter un certain nombre de garde-fous. Au sein d'un département, ils doivent obtenir l'autorisation de deux chefs de brigades (ACIO) avant de demander un ordre de perquisition. Le ACIO doit s'assurer que cette possibilité n'est utilisée que dans les cas les plus sérieux et que les critères permettant de demander la délivrance d'un ordre de perquisition sont bien remplis. En particulier, le fait de pénétrer dans des locaux avec un ordre de perquisition délivré selon les termes d'un texte de loi est illégal si les conditions suivantes ne sont pas remplies :

a) Lorsqu'un officier des douanes britanniques demande la délivrance d'un mandat de perquisition, il doit indiquer : les raisons de sa demande ; le texte auquel il se réfère ; l'adresse des locaux qu'il désire perquisitionner ; et dans la mesure du possible, les objets ou les personnes qu'il recherche.

b) Le mandat de perquisition est délivré ex parte et est appuyé d'un rapport écrit. L'officier des douanes britanniques doit répondre, sous serment, à toute question posée par le magistrat chargé de sa délivrance.

Un mandat de perquisition : autorise une personne à s'introduire dans local à une seule reprise ; comporte le nom de la personne qui a demandé à ce qu'il soit émis, la date de son émission, le texte de loi aux termes duquel il a été émis, l'adresse des locaux qui vont être perquisitionnés ; et, dans la mesure du possible, les objets ou les personnes recherchés.

c) Le mandat de perquisition est exécuté : par un officier des douanes britanniques ; dans le mois qui suit son émission ; et, à une heure raisonnable à moins que l'officier en charge de son exécution estime que l'objet de la perquisition ne peut être atteint si la perquisition a lieu à une heure raisonnable.

Les procédures concernant l'exécution des mandats de perquisition sont établies par le Police and Criminal Evidence Act de 1984.

Lorsque les douaniers britanniques effectuent des perquisitions dans des locaux dans lesquels ils ont de forts risques de trouver des ordinateurs contenant des informations les intéressant, ils se font accompagner d'un membre de l'équipe informatique du NIS. Ces officiers ont reçu une formation qui leur permet de saisir les ordinateurs dans le cadre du mandat de perquisition tout en ne perdant pas les informations qu'ils contiennent. Cette équipe sait également aller chercher l'information sur le disque dur, sur les disquettes ou sur les unités de bande magnétique pour les remettre à l'équipe opérationnelle qui pourra les analyser et les utiliser comme preuve au cours de la procédure.

Bien que pour la plupart des infractions commises, il soit possible de procéder à des arrestations aux termes du VAT Tax Act de 1994, de telles arrestations ne sont effectuées, par les officiers des douanes britanniques, que pour les infractions les plus sérieuses et avec l'autorisation préalable d'un ACIO. La politique du service pour toutes les affaires de TVA est d'éviter d'inculper les particuliers mais au contraire de favoriser l'information et les assignations.

Cependant, ceci n'empêche pas les arrestations et les inculpations si celles-ci sont nécessaires dans des cas particuliers. Par exemple : s'il y a des problèmes pour identifier les suspects ; si les suspects risquent de disparaître ; si les suspects risquent d'entraver les enquêtes en cours ; en cas de violence ou de risques de violence.

Sous réserve du respect de ces différents points, toute décision d'arrestation et d'inculpation n'est prise qu'une fois que l'avocat en charge du dossier estime que les preuves amassées sont suffisantes et seulement après que la Direction générale en a été informée et qu'elle ait donné son accord.

Dans les cas de fraudes en matière de demandes de remboursement de la TVA et dans les cas de carrousels qui impliquent de fausses immatriculations où les entreprises risquent de disparaître et pour lesquels il y a peu de chance de recouvrer l'impôt qui n'a pas été acquitté, les officiers des douanes britanniques essaient d'identifier les éléments d'actif et de les geler le jour même de la perquisition.

Le Criminal Justice Act de 1988 donne la possibilité aux tribunaux britanniques de prendre des mesures particulières qui permettent de geler les actifs d'une personne qui a été inculpée et de les lui confisquer une fois qu'elle a été reconnue coupable. Nous obtenons de telles mesures par l'intermédiaire de nos conseils juridiques quelques jours avant d'effectuer les perquisitions et arrestations. Ces affaires finissent toujours par des arrestations et par des inculpations.

Une fois que les locaux ont été perquisitionnés et que les suspects ont été entendus sous avertissement légal, il est de la responsabilité de l'officier en charge du dossier d'analyser toutes les preuves, d'obtenir des preuves

complémentaires et de préparer le dossier pour le présenter devant les tribunaux. Il doit produire tous les documents devant servir de preuve et prendre les dépositions des témoins qui lui sont nécessaires. Il se peut qu'il ait besoin d'obtenir des « access orders » pour obtenir des informations auprès des banques, des sociétés de télécommunications et autres.

Il convient d'expliquer rapidement ce que sont les « acces orders ». Les officiers des douanes britanniques peuvent demander, aux termes du VAT Tax Act de 1994, à un magistrat de prendre une décision les autorisant à accéder à certains documents (tout document de toute nature).

Le magistrat peut prendre une telle décision s'il estime que les conditions suivantes sont remplies :

- qu'une infraction en matière de TVA est en train d'être commise, a été commise ou est sur le point d'être commise et ;

- que l'information, qui peut s'avérer nécessaire lors du jugement, est entre les mains de l'entité en cause.

Bien qu'il soit possible de demander les « access orders » avant que les arrestations et les perquisitions soient effectuées si des éléments de valeur risquent de disparaître, la plupart des « access orders » sont demandés lors de l'audience en présence du défendeur et de son conseil.

Les officiers des douanes britanniques ont également recours aux services des comptables du NIS pour obtenir leur avis, pour l'analyse des documents découverts lors de leurs recherches et pour la préparation des documents qui vont leur servir de preuves, notamment pour la préparation des documents retraçant les fraudes fiscales qui ont été commises. Les comptables apportent également leur aide lors de la préparation des redressements notifiés lorsque cela est nécessaire.

Le NIS est actuellement en train de mettre au point un système de traitement des dossiers par informatique. Celui-ci comprendra les rubriques suivantes : réception de l'information, obtention d'informations complémentaires, enquêtes et poursuites. Ce système sera construit par modules. Les modules contiendront les éléments mentionnés ci-dessus, pour chaque dossier, ainsi que les observations éventuelles qui ont été effectuées et le détail des pièces à conviction figurant au dossier. Il se peut que ce système de traitement des dossiers soit, par la suite, utilisé pour présenter les affaires, sous forme électronique, devant les tribunaux.

Lors de sa mission au Royaume-Uni, votre Rapporteur a pu apprécier la qualité des enquêtes du NIS, qui peut être considéré comme un exemple à suivre, sur le plan de la procédure. Il a pu apprécier l'efficacité du NIS et le haut degré de finesse des enquêtes auxquelles il peut se livrer, qui permettent de démonter, selon les fonctionnaires en service, des réseaux de carrousels ayant des ramifications dans toute l'Union européenne.

D'une manière plus précise, il pense qu'il conviendrait ainsi de prévoir la création, au sein du ministère de l'économie et des finances, d'un service d'enquête en matière de TVA, constitué avec des fonctionnaires de la direction générale des impôts ainsi que de la direction générale des douanes et droits indirects. Certains membres de ce service auraient la qualité d'officiers de police judiciaire et pourraient procéder, sous le contrôle du juge, à des actes lourds, y compris des arrestations, des écoutes téléphoniques et des filatures.

Le choix d'un service constitué de fonctionnaires des impôts et de fonctionnaires de douanes s'impose dès lors que la collaboration actuellement opérée sur le terrain a donné de bons résultats, ainsi qu'a pu à plusieurs reprises le constater votre Rapporteur.

La collaboration entre la direction générale des impôts et la direction générale des impôts et droits indirects en matière de lutte contre la fraude à la TVA-intracommunautaire

La collaboration entre la direction générale des impôts et la direction générale des douanes et droits indirects a été prévue par le plan d'action commun entre la direction générale des impôts et la direction générale des douanes et droits indirects, mis en place le 27 février 1997 ainsi que par la rénovation du protocole relatif à l'échange d'information entre les deux directions générales (protocole du 21 février 1997).

Elle se traduit par un dialogue permanent grâce à l'échange de correspondants.

Cet échange facilite, d'une part, les échanges de renseignements, dont, le nombre s'est considérablement accru et, d'autre part, les possibilités de formation professionnelle.

Les domaines concernés sont non seulement la TVA, mais également les transferts de capitaux, la navigation de plaisance, les résultats des contrôles à la circulation et le travail dissimulé.

Deux dispositions de la loi de finances pour 1999 sont venues renforcer cette collaboration : l'article 103, qui habilite, dans le cadre de l'article L. 80 J du livre des procédures fiscales, les agents de douanes à prendre copie des documents qui leur sont présentés lors des contrôles à la circulation et à les remettre aux agents des impôts ; l'article 104 qui habilite les agents des douanes à se faire assister par des agents des impôts dans le cadre des contrôles à la circulation opérés en application de l'article L. 80 J du livre des procédures fiscales ; l'article 105 qui autorise, dans le cadre d'un nouvel article L. 83 A du livre des procédures fiscales, les agents et ceux des douanes et droits indirects à se communiquer spontanément, sans demande préalable, les renseignements et les documents recueillis dans le cadre de leurs missions respectives.

Cette proposition ne peut cependant raisonnablement faire l'objet d'une mise en _uvre immédiate, tant elle relève d'une véritable révolution juridique.

Une étude préalable associant le ministère de la justice, le ministère de l'économie des finances et de l'industrie et le ministère de l'intérieur est donc nécessaire.

Aussi votre Rapporteur recommande-t-il sur ce point au Parlement de demander un rapport au Gouvernement, tout en insistant pour que l'étude soit menée à très bref délai compte tenu de l'importance des enjeux.

Un délai de six mois semble suffisant.

Outre la création d'un service spécialisé, la lutte contre la fraude organisée en matière de TVA intra-communautaire conduit à poser le problème de la pertinence du maintien de la référence à l'infraction d'escroquerie de droit commun.

Votre Rapporteur suggère ainsi que ce rapport étudie la possibilité d'une incrimination spécifique d'escroquerie à la TVA en bande organisée afin que cette grande fraude ne relève plus du droit commun de l'escroquerie.

Dans l'hypothèse où elle serait créée, il conviendrait d'instituer pour cette incrimination des peines semblables à celles qui viennent d'être proposées, à savoir une peine de prison de dix ans et une peine d'amende de 50 millions de francs.

Ces dispositifs viseraient avant tout les fraudes intra-communautaires, mais afin de ne pas encourir la sanction de la Cour de justice des Communautés européennes, qui a précisé dans l'arrêt Drexl du 25 janvier 1988, « qu'une législation nationale qui sanctionne plus sévèrement les infractions à la TVA à l'importation que celles à la TVA afférente aux cessions de biens à l'intérieur du pays est incompatible avec l'article 95 du traité, dans la mesure où cette différence est disproportionnée par rapport à la dissimilitude des deux catégories d'infractions ».

Le rapport demandé pourrait en outre étudier les possibilité de mise en cause de la responsabilité pénale des entreprises de distribution ayant acquis des biens de grande consommation à des prix anormalement bas, afin de renforcer la vigilance des responsables des centrales d'achat et des responsables des achats intervenant dans les principaux circuits de distribution des biens susceptibles de faire l'objet de fraudes tournantes de type « carrousels ».

Outre les peines habituelles applicables aux personnes morales, la diffusion, à leurs frais, sur l'ensemble des médias de la presse écrite, radiophonique et audiovisuelle, des peines prononcées à l'encontre des sociétés mises en cause devrait être systématiquement prévue.

III.- L'AMÉLIORATION DES PROCÉDURES DE COOPÉRATION PRÉVUES À L'ÉCHELON COMMUNAUTAIRE ET LE RENFORCEMENT NÉCESSAIRE DES ACTIONS COORDONNÉES ENTRE ETATS MEMBRES POUR L'ENSEMBLE DES FRAUDES À LA TVA

A l'occasion des différentes missions qu'il a pu effectuer dans plusieurs Etats membres de l'Union européenne, et auprès des autorités communautaires, votre Rapporteur a pu mesurer l'intérêt d'un développement de la coopération entre les Etats, à tous les niveaux.

Naturellement, on ne saurait se cacher que la sensibilité est différente selon que l'on s'adresse à l'Union ou aux Etats-membres. Les conflits de prérogatives, en arrière-plan, sont importants et les appréciations portées sur la perception des fraudes également.

A.- L'IMPORTANCE DE LA FRAUDE À LA TVA AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE ET DES ETATS MEMBRES

1.- L'approche globale

Dans le cadre de son rapport spécial n° 6/98 relatif au bilan du système des ressources propres fondé sur la TVA et le PNB accompagné des réponses de la Commission, la Cour des comptes des Communautés européennes a tenté de chiffrer l'écart entre la TVA encaissée et la TVA perçue pour neuf Etats membres pour la période allant de 1991 à 1993 (les six Etats fondateurs, le Royaume-Uni, le Danemark et l'Irlande). Elle a estimé cet écart à 1% du PNB en moyenne et à 21% du total des recettes perçue et 70 milliards d'écus. L'ordre de grandeur est le même qu'une année de budget communautaire de l'époque.

Certes, ces estimations qui font référence à la TVA théorique calculée sur la base des emplois taxables doivent être considérées avec précaution.

Néanmoins, il est intéressant de noter que la Cour a constaté une augmentation significative de la fraude, de plus de 60% en dix ans, par rapport au même exercice effectué pour la période 1980-1984.

Cette étude a été récemment renouvelée. Le résultat, non encore publié, corroborerait cette augmentation, selon les informations communiquées à votre Rapporteur.

Il est difficile, d'autant que la deuxième étude couvre l'année 1993, de ne pas mettre en cause le régime transitoire de la TVA.

Dans le cadre de son rapport spécial n° 9/98 relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union européenne en matière de TVA sur les échanges intra-communautaires, la Cour observe en effet que le régime transitoire présente des risques accrus de fraude.

Ces constatations sont largement partagées par l'Office de lutte anti-fraude ou OLAF (ex-Unité de coordination de la lutte anti-fraude ou UCLAF).

Cet organisme note, en effet, que la fraude internationale à la TVA s'avère particulièrement importante pour les biens aisément transportables et dont la valeur est relativement élevée. Il cite ainsi les composants informatiques, les métaux précieux et non précieux, les automobiles, les animaux et les téléphones mobiles.

Il indique que le montant des pertes de recettes a été estimé à 315 millions d'écus pour les composants informatiques, à au moins 20 millions d'écus pour des métaux comme l'argent et à 100 millions d'écus pour les téléphones mobiles.

Il note enfin, et juge cela inquiétant à juste titre, que les cas individuels de fraude portent sur des montants de plus en plus élevés, ce qui confirme une augmentation du phénomène. Il a ainsi été estimé qu'à une époque aucune TVA n'avait été payée sur 80% du marché de l'argent métal, dans l'un des Etats membres.

Les travaux du sous-comité anti-fraude du comité permanent sur la coopération administrative (SCAF), chargé de centraliser « l'expérience des Etats membres en ce qui concerne de nouveaux moyens d'évasion ou de fraude fiscales » corroborent ces conclusions.

Une étude comparative réalisée sur la base des cas de fraudes les plus importants découverts par les Etats membres en 1995 a donné lieu aux conclusions suivantes :

- une proportion importante des fraudeurs était constituée d'opérateurs isolés ou possédant moins de cinq employés et enregistrés à la TVA depuis plusieurs années ;

- les deux types de fraudes les plus répandus sur les neuf répertoriés par l'enquête étaient la non-déclaration de la TVA collectée sur les ventes (32%) et l'abus du droit à déduction sur les achats (25%). Dans les catégories de fraudes impliquant des transactions entre Etats membres, 14% des cas comportaient un abus des règles du régime intra-communautaire, 9% un abus des règles sur les importations et les exportations et 3% sur les fraudes de type carrousel ;

- presque la moitié des assujettis impliqués dans des fraudes carrousel ou des sociétés fictives ont été enregistrés après 1992 et ces types de fraudes semblaient représenter les montants évadés les plus importants.

On observera enfin que, selon l'INSEE, l'incompatibilité entre les chiffres du commerce extérieur intra-communautaire, qui se traduit par le fait que la somme totale des importations de biens n'est pas égale à celle des exportations de biens au sein de la Communauté, ce qui défie toute logique, est due au fait que les statistiques sont fausses, puisque les importations d'un pays vers un autre ne sont pas égales aux exportations du second vers le premier. Ce biais s'expliquerait en partie par l'importance de la fraude intra-communautaire.

2.- L'exemple de la Belgique

Le problème des fraudes à la TVA est jugé d'une gravité particulière en Belgique.

Une commission d'enquête du Sénat belge a rendu le 8 décembre 1998 un rapport sur « la criminalité organisée en Belgique ». Certaines de ces constatations, relatives aux fraudes à la TVA et aux droits indirects méritent d'être citées.

Ces fraudes portent principalement sur les matières premières telles que le pétrole ou les produits agricoles, le sucre, les cigarettes, l'alcool ou le textile.

Les organisations recourent à l'utilisation de structures commerciales, soit sous la forme d'abus d'une société légalement établie avec la collaboration d'une ou de plusieurs personnes y travaillant, soit dans le cadre de l'exploitation par une organisation criminelle d'une activité légalement établie, avec l'imbrication d'activités légales et illégales, soit grâce à la création de sociétés écran comme couverture, sans qu'aucune activité légale ne soit développée. Tel était le cas de 180 des 238 organisations criminelles recensées par le rapport. Chaque organisation utilisait en moyenne 2,3 structures commerciales en 1997. Ce chiffre était en forte augmentation par rapport à 1996 (1,33).

De 1994 à 1996, l'Office central de lutte contre la délinquance économique et financière organisée (OCDEFO) avait traité vingt-neuf dossiers concernant des carrousels en matière de TVA. Le rapport note que les carrousels de TVA constituent un phénomène préoccupant depuis l'instauration, en janvier 1993, du régime intra-communautaire. Selon les termes même de la commission, « les fraudes qui étaient, avant 1993, concentrées sur le Benelux en raison de la technique du report de paiement de la TVA à l'importation prévue par la convention Benelux en vigueur jusqu'en 1993, s'étendent aujourd'hui à tous les pays membres de l'Union européenne ». Les principaux secteurs touchés par les carrousels étaient le secteur informatique et le secteur automobile, ainsi que le secteur pétrolier et le secteur de l'électronique, de la haute-fidélité et de la vidéo. Le choix de ces secteurs était considéré comme dicté par le taux de TVA élevé frappant ces produits ou par la forte concurrence.

Les principales caractéristiques de carrousels de TVA étaient résumées de la manière suivante : (1) organisation complexe sous le couvert d'activités commerciales ; (2) répercussions internationales ; (3) falsification de comptabilités et des déclarations périodiques ; (4) recours à des sociétés non déclarantes et à « des hommes de paille » ; (5) lien avec le crime organisé ; (6) perversion des activités du marché par des activités « au noir » ou des actes de concurrence déloyale.

Ces éléments corroborent tout à fait les inquiétudes de votre Rapporteur.

B.- L'AMÉLIORATION DES PROCÉDURES EXISTANTES

L'importance de la fraude à la TVA au niveau des échanges intra-communautaires conduit à recommander avant toute chose une amélioration des procédures de coopération existantes, notamment des procédures d'échanges informatisés d'informations.

1.- Les recommandations de la Cour des comptes des Communautés européennes

Dans le cadre de son rapport n° 9/98 précité, la Cour des comptes des Communautés européennes a mis en évidence les insuffisances du dispositif actuel de coopération en matière de coopération entre les Etats membres en matière de lutte contre les fraudes à la TVA.

Notant que les instruments de coopération entre les Etats membres n'étaient pas pleinement utilisés, alors que plusieurs enquêtes démontraient l'efficacité des procédures dès lors que l'on y avait recours, elle a jugé nécessaire de remédier à la lenteur des procédures, voire à la méconnaissance des instruments existants.

Elle a également noté une insuffisance des procédures relevant
de la directive 77/799 précitée prévoyant les termes de l'assistance administrative entre Etats membres en matière fiscale, déplorant qu'un seul accord d'échange automatisé d'informations ait été organisé dans ce cadre.

Elle a enfin souhaité une amélioration de la qualité des informations délivrées dans le cadre du système VIES, c'est-à-dire de la base de données informatisée qui récapitule les livraisons intra-communautaires déclarées par les entreprises de l'ensemble des Etats membres de l'Union et qui permet de déterminer si ces livraisons ont été déclarées comme acquisition taxable dans l'Etat de destination.

2.- Les possibilités d'amélioration

a) Le document d'accompagnement des marchandises

Ainsi que l'a déjà précisé votre Rapporteur, en matière de lutte contre la fraude à la TVA intra-communautaire, le problème essentiel est la difficulté de prouver l'absence de flux physique de marchandises, qui commande la règle d'assujettissement et le manque de coordination entre les flux physiques et les flux financiers.

Il convient ainsi d'envisager, ainsi que l'avait précisé votre Rapporteur dans le cadre de son rapport d'étape, soit la création d'un document d'accompagnement des marchandises, soit l'aménagement du contrat de transport international en y ajoutant :

- l'identifiant TVA de l'expéditeur ;

- l'identifiant TVA du destinataire ;

- ainsi que l'objet de chacune des sociétés.

Cette création est demandée par la France depuis plusieurs années. Une nouvelle fois, le Parlement doit renouveler son soutien au Gouvernement sur ce sujet.

b) L'amélioration des échanges automatisés d'informations

L'amélioration de la qualité des informations délivrées par le système VIES (VAT exchange system) exige que les données fournies par ce système informatique soient fiables et actualisées à bref délai.

Cette amélioration passe par plusieurs mesures simples :

- l'harmonisation des seuils des déclarations d'échanges de biens (DEB) entre les Etats membres de l'Union, de manière à pouvoir contrôler que toute livraison  est bien déclarée comme acquisition, ce qui n'est pas le cas actuellement ;

- l'harmonisation de la périodicité des déclarations d'échange de biens, afin que celle-ci soit au moins trimestrielle ;

- la réduction des délais de mise à jour de la base de données.

Tous les observateurs considèrent actuellement que ces délais sont trop longs. Une déclaration trimestrielle étant susceptible de donner des informations sur les opérations ayant eu lieu plus de trois mois auparavant, un délai d'un mois doit être considéré comme le délai maximum pour mettre à jour le système VIES de manière que les services fiscaux ou douaniers aient une réactivité suffisante pour prévenir les fraudes.

c) Appliquer les mêmes règles dans tous les Etats : l'exemple de la navigation de grande plaisance

Lors de ses déplacements sur le terrain, votre Rapporteur a eu la surprise de découvrir un problème dont il n'avait jamais eu auparavant connaissance, celui de l'absence de la perception de la TVA sur certaines opérations relatives aux navires de plaisance et de grande plaisance de la côte méditerranéenne.

On observera que cette absence de recouvrement de la TVA est contraire aux textes nationaux et communautaires, car en application de la sixième directive communautaire qui fixe le régime de la TVA et de l'article 262 du code général des impôts, l'exonération de TVA dont bénéficient d'une manière générale les navires pour la « coque » ainsi que les opérations portant sur eux et l'avitaillement ne concerne pas les navires de plaisance, mais uniquement les navires de commerce maritime, les bateaux utilisés pour une activité industrielle de haute mer et les bateaux affectés à la pêche professionnelle ainsi que les bateaux de sauvetage et d'assistance en mer.

On doit en effet considérer que c'est en fonction de décisions ministérielles dépourvues de toute base légale, que des montants importants, mais non chiffrés, de TVA n'ont pas été perçus.

L'extension progressive de la TVA à l'ensemble des opérations réalisées dans le cadre intra-communautaire a en effet été suspendue. Les raisons invoquées sont celles de la concurrence des ports italiens où les régimes réguliers de TVA ne seraient pas appliqués et la nécessité de préserver un secteur dont on dit qu'en son sein 16.000 emplois seraient en jeu. Les professionnels concernés ne manquent pas de faire valoir cet argument depuis près de dix ans.

Sur la base des informations communiquées à votre Rapporteur, il est possible de reconstituer la chronologie suivante.

En 1989, la dix-huitième directive communautaire 89/465 du Conseil du 18 juillet 1989 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, directement applicable, sans qu'un texte de transposition soit nécessaire, a prévu, dans le cadre de la suppression de diverses dérogations au principe de l'assujettissement à la TVA des échanges de biens et des prestations de services, la suppression du régime de franchise de TVA applicable aux prestations d'avitaillement et assimilées dont bénéficiaient jusque là les navires de plaisance pour les croisières dites « de longue durée » de plus de 48 heures.

Cette directive a fait l'objet d'un régime administratif spécifique, décidé le 7 août 1990, pour l'avitaillement, les livraisons de biens d'équipement, de réparation et de prestations de services. Ces biens et prestations destinés à l'ensemble des navires de plaisance ont ainsi continué à bénéficier du régime antérieur et à faire l'objet d'une exonération de TVA, en application de décisions de Pierre Bérégovoy, ministre de l'économie, des finances et du budget et de M. Michel Charasse, ministre délégué au budget, quels que soient le pavillon du navire et la nationalité de son propriétaire.

En 1992, deux modifications importantes sont intervenues.

D'une part, la directive 92/111 du Conseil, du 14 décembre 1992, modifiant la directive 77/388/CEE et portant mesures de simplification en matière de taxe sur la valeur ajoutée, a organisé la suppression du régime d'importation en franchise temporaire de TVA (IFT) (1), pour les navires détenus par les résidents communautaires, en conséquence de l'abolition des frontières fiscales, et a ainsi entraîné l'obligation de paiement de la TVA pour ces navires à l'issue des délais d'IFT accordés par les Etats membres. Ces délais d'IFT pouvaient être très longs. La régularisation devait intervenir sous forme d'un paiement de la TVA en France ou dans l'Etat de résidence du propriétaire.

D'autre part, l'adoption du règlement CEE 2913/92 du Conseil du 12 octobre 1992 mettant en place le code des douanes communautaire, a précisé le régime de l'admission temporaire des moyens de transport provenant des pays tiers, sur lesquels les textes étaient jusqu'alors muets. Dans ce cadre, l'admission, à titre temporaire, de navires de plaisance appartenant à des résidents de pays tiers et battant pavillon d'un pays tiers, ne concerne que les seules unités utilisées à des fins privatives, à l'exception même des prêts et des dons. Cette règle a affecté le régime des loueurs de bateaux battant pavillon d'un pays tiers en rendant obligatoire le paiement de la TVA sur la « coque », même si la période de présence en France est limitée à l'été.

Ces modifications ont suscité la protestation des personnes et professionnels concernés.

M. Nicolas Sarkozy, ministre du budget, porte-parole du Gouvernement, par note du 28 juin 1993 adressée au directeur général des douanes et droits indirects, a organisé un moratoire, encore en vigueur dans les faits : le moratoire dit « Sarkozy ».

Ce moratoire comprenait deux éléments.

D'une part, il demandait au directeur général des douanes et droits indirects, compte tenu des distorsions de concurrence résultant de la non-application des textes communautaires dans les ports italiens, la prorogation à titre provisoire du dispositif spécifique de 1990, le champ d'application du dispositif étant cependant limité aux navires tiers en admission temporaire quittant les eaux communautaires et aux navires communautaires quittant ces mêmes eaux pour des croisières de longue durée. On rappellera que les croisières de longue durée sont celles qui impliquent une sortie des eaux territoriales et un toucher dans un port étranger, attesté par le livre de bord.

D'autre part, le régime d'admission en franchise temporaire disparaissant pour les navires appartenant à des résidents communautaires, à partir du 1er janvier 1993, il demandait de permettre le séjour dans les ports français des navires étrangers jusqu'à l'issue des délais d'importation en franchise temporaire octroyés en 1992 et au besoin d'accorder exceptionnellement ces régimes jusqu'au 31 décembre 1993.

Il prévoyait également, sous réserve de l'obtention des dérogations au monopole du pavillon par les professionnels, d'autoriser les activités de location concernant les bateaux placés sous ces régimes, au départ de ports français, sans que la TVA ne soit acquittée sur la « coque », les prestations de service de location étant assujetties, elles, de plein droit à la TVA.

Enfin, s'agissant des navires mis en service avant le 1er janvier 1985, la note précisait qu'ils seraient admis en franchise de TVA qu'ils aient été en France avant le 1er janvier 1993 ou qu'ils y soient arrivés après cette date, dès lors qu'il n'était pas établi qu'ils provenaient de pays tiers.

Une note du même jour pour le directeur, chef du service de la législation fiscale, demandait de mettre à l'étude, en liaison avec le directeur général des douanes et droits indirects et en concertation avec les professionnels du secteur, une instruction précisant le régime de la location des navires de plaisance dont l'entrée en vigueur pourrait être fixée au plus tard le 1er janvier 1994.

Ces mesures étaient prévues comme temporaires, car la note au directeur général des douanes et droits indirects demandait de présenter rapidement à la signature du ministre une lettre adressée au ministre italien chargé des finances, appelant son attention sur les distorsions de concurrence résultant de la non-application de textes communautaires relatifs à l'avitaillement de certains ports de son pays, et celle à l'attention du chef du service de la législation fiscale précisait que l'attention de la Commission européenne serait attirée sur les difficultés de mise en _uvre de la directive du 14 décembre 1992 dans le domaine de la location de navires de plaisance et qu'un report de son application au 1er janvier 1994 serait demandé.

La date de 1985 était retenue comme date limite pour la régularisation des navires sous le régime de l'admission temporaire en franchise de TVA, afin de ne pas créer de complication pour des navires anciens sans grande valeur, par rapport à leur valeur d'origine, après une période de huit ans.

La situation n'ayant pas évolué, M. Nicolas Sarkozy, ministre du budget, chargé du ministère de la communication, par note en date du 7 mars 1995, informait le directeur, chef du service de la législation fiscale, qu'il avait décidé de proroger de quelques mois et au plus tard jusqu'au 30 novembre 1995 le moratoire accordé le 28 juin 1995 et de prolonger sine die l'application du régime dérogatoire accordé le 7 août 1990, dans les conditions précédemment fixées en juin 1993, c'est à dire pour les seules croisières de longue durée, en matière d'avitaillement, de livraison de biens d'équipement, de réparation et de prestations de services, pour tous les bateaux.

Cette dernière décision était fondée sur le fait que les distorsions de concurrence résultant de la non-application des textes communautaires dans certains Etats membres voisins n'auraient pas cessé.

Une lettre était mentionnée comme adressée le jour même au ministre italien chargé des finances afin d'appeler son attention sur le problème de la grande navigation de plaisance.

Aucune décision n'a été prise depuis.

Le moratoire est donc toujours applicable pour l'avitaillement et les éléments relevant du même régime.

S'agissant, d'une part, de navires appartenant à des résidents communautaires et n'ayant pas acquitté la TVA et, d'autre part, des navires loués, notamment des navires loués dans les Caraïbes en hiver et sur la Côte d'Azur en été, on est toujours dans le non droit.

On constate donc que l'on est dans une situation de non-application du droit qui ne peut être maintenue pour des raisons d'équité, car elle revient à exonérer d'impôt sur la consommation des biens et des prestations de très grand luxe.

Cette situation n'est pas admissible au plan de l'équité.

Les représentants du Syndicat européen des professionnels du yachting (ECPY), argumentant, pour défendre le régime d'exonération dont ils bénéficient, de la distorsion de concurrence en raison d'une non-application des textes chez au moins un de nos voisins méditerranéens, chose difficilement vérifiable dans le cadre du discours officiel, il est certain qu'une démarche concertée est nécessaire.

Elle devrait permettre une sortie raisonnable du dispositif fondée sur :

- la suppression du régime dérogatoire de 1990 ;

- l'abandon de toute prétention concernant le paiement de la TVA pour la « coque » des navires admis en IFT jusqu'en 1993 (2) et situés en France ;

- la perception d'une TVA sur la « coque » des navires loués.

Ce dernier point fait l'objet d'une discussion de principe avec la Communauté pour certains types de contrats dits de time charter ou d'affrètement à temps, relatifs à la grande plaisance. Il s'agit de contrats de location pour une durée limitée, avec un équipage. Si l'on considère la finalité du bateau, la plaisance, la prestation correspondante est une consommation qui doit être assujettie à la TVA en application des règles communautaires. Si l'on considère le contrat, qui est un contrat de remise d'une chose contre un prix, c'est à dire un contrat de commerce ou de transport, la logique commerciale entraîne l'exonération en fonction des règles en vigueur, mentionnée à l'article 262 du code général des impôts. Cette position rejoint une revendication de l'ECPY visant à la création d'un régime fiscal d'exonération identique à celui applicable aux navires de commerce, pour les navires de grande plaisance, de plus de 24 mètres.

Néanmoins, votre Rapporteur relève que si les locations sont assujetties à la TVA, le système ne sera pas nécessairement défavorable aux exploitants. L'équilibre de l'exploitation peut même être garanti, sous certaines conditions.

En outre, on ne saurait raisonnablement tolérer d'entrer à titre définitif dans cette logique d'exonération introduisant une distorsion qui va dans un sens très contestable, en prévoyant de ne pas taxer les biens utilisés par les personnes très fortunées.

Sur les bases qui viennent d'être évoquées, votre Rapporteur considère qu'une solution doit être définie avant la fin de l'année pour sortir de cette situation injuste.

C.- LA NÉCESSITÉ DE DÉVELOPPER DES ACTIONS COORDONNÉES

Les fraudes à la TVA intra-communautaire jouant sur la division du territoire de l'Union entre plusieurs juridictions fiscales, douanières et judiciaires qui ne sont pas parfaitement coordonnées entre elles, il convient de renforcer la coopération de manière que l'information circule le plus aisément possible.

Il s'agit d'éviter, ou pour le moins de réduire le plus possible, la distorsion actuelle qui fait dire qu'il y a un marché unique pour les fraudeurs, mais pas pour l'application de la loi.

Cette coopération incombe en premier lieu aux Etats ; mais il ne faut pour autant négliger la possibilité d'y associer la Communauté.

1.- La coopération entre les Etats membres

La coopération entre les Etats membres peut prendre plusieurs formes.

En premier lieu, votre Rapporteur souhaiterait citer la coopération informelle entre les personnels des différentes administrations, rarement évoquée, dans la mesure où elle offre aux instances concernées la possibilité de coopérer sur de meilleures bases. La coopération informelle permet en effet de connaître les procédures, de détecter les interlocuteurs compétents, de savoir si les informations sont disponibles ou non et si une procédure d'échange de renseignements est utile. Elle est ainsi la condition nécessaire pour gagner du temps.

En deuxième lieu, votre Rapporteur, qui se fait en partie l'écho des préoccupations des autorités communautaires, notamment de la Cour des comptes, tient à insister sur l'intérêt d'un développement du recours aux opérations d'assistance mutuelle, notamment de niveau 2 ou de niveau 3, selon les modalités déjà évoquées, qui sont insuffisamment développées dans l'ensemble de la Communauté.

Il convient cependant d'aller au-delà, et c'est le troisième point sur lequel votre Rapporteur souhaite insister, et de renforcer le nombre des opérations coordonnées de contrôle dans plusieurs Etats membres.

De telles procédures ont déjà eu lieu et ont donné, selon les administrations étrangères compétentes en matière de TVA, d'excellents résultats. Ces mêmes administrations se félicitent d'ailleurs de la qualité de la collaboration avec notre direction générale des impôts et notre direction générale des douanes et droits indirects.

Dans une configuration idéale, les actions de répression des carrousels de TVA exigent des opérations de contrôle simultanées dans les locaux de plusieurs entreprises, ainsi que sur les moyens de transport. Elles seules permettent de mettre en évidence avec une grande sûreté les fraudes en matière de transport.

De même, lorsque des services d'envoi de colis express sont utilisés, les contrôles coordonnés permettent de déjouer les envois fictifs.

Un développement de ces formules de coopération est donc indispensable.

Votre Rapporteur suggère même qu'il soit pris acte de l'enseignement des améliorations apportées à la répression des fraudes financières grâce à la collaboration entre la direction générale des impôts et la direction générale des douanes et droits indirects, et que l'on procède à des échanges de fonctionnaires, des fonctionnaires français assumant, pour des questions ponctuelles, les fonctions de correspondants français au sein des administrations étrangères, et réciproquement.

Naturellement, ces échanges n'auraient pas pour effet de dispenser l'administration du respect des procédures formelles et des compétences prévues par les textes relatifs à l'échange de renseignements, afin de ne pas risquer de mettre en péril, pour vice de forme, les différentes opérations de contrôle et redressement nécessitant le recours à l'assistance internationale.

On retrouve ainsi, décliné pour la seule TVA, l'objectif, précédemment évoqué par votre Rapporteur, d'un espace européen homogène où l'information circule entre les administrations et où les procédures d'assistance et les facultés de coordination font que la frontière n'est plus un obstacle à l'action administrative ou pénale.

2.- L'action de la Communauté européenne

En matière de coordination dans la lutte contre la fraude, la Communauté européenne exerce un certain nombre de compétences, déjà évoquées, de coordination, d'étude et d'évaluation. Il faut également rappeler le rôle de l'Office de lutte anti-fraude (OLAF) qui était jusqu'à une date très récente l'Unité de coordination de la lutte anti-fraude (UCLAF), dont la première tâche est de coordonner l'action des Etats membres dans leur lutte contre la fraude en matière de TVA.

Enfin, la Commission a la responsabilité d'identifier les dysfonctionnements des systèmes nationaux de lutte anti-fraude et de suggérer les rectifications adéquates aux Etats-membres.

Néanmoins, au-delà d'un renforcement de ces actions, il faut se poser la question d'une coordination de la politique pénale en matière de fraude à la TVA.

Sans évoquer à nouveau la question de fond, déjà présentée (cf. D du II du chapitre II), votre Rapporteur ne peut pas ne pas évoquer la nécessité d'aboutir rapidement, dans le domaine de la lutte contre la fraude à la TVA tout au moins, à un espace judiciaire commun.

Ainsi que le note le rapport spécial précité n° 9/98 de la Cour des comptes des Communautés européennes relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union européenne en matière de TVA sur les échanges intra-communautaire, accompagné des réponses de la Commission européenne, on observe une disparité dans la sanction de la fraude au niveau des Etats membres. Ces disparités ne peuvent que nuire aux poursuites et favoriser de véritables stratégies de fraude. Elles sont d'autant plus préjudiciables que les recettes de TVA non perçues par l'Union sont compensées par une augmentation de la ressource PNB, ce qui fait que l'ensemble des Etats paient les carences de l'un d'entre eux.

La Cour a en effet noté des différences notables dans la définition des infractions et dans le niveau des sanctions applicables, ainsi que des spécificités dans le domaine de l'aménagement de pénalités et des délais de prescription.

Cette absence de coordination pose clairement le problème de l'extension de la convention établie sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, faite à Bruxelles le 26 juillet 1995, qui ne couvre pas la TVA, afin de créer une norme minimale commune à l'ensemble des Etats.

Votre Rapporteur ne saurait répondre dans le cadre du présent rapport à une question aussi importante, car entrer dans cette logique conduit directement, à terme, même si la convention n'y invite pas, à la création d'un espace judiciaire européen et à la création d'un corpus juris communautaire, ainsi que l'a précisé le rapport final de l'étude lancée en 1995 par le Parlement européen, établi par Mme Mireille Delmas-Marty et présenté à la Commission le 19 septembre 1996, et à envisager ainsi la suppression des frontières juridiques et la mise en _uvre d'un espace judiciaire unifié, allant au-delà des notions d'assimilation et d'harmonisation.

Cette question pose en effet un problème de souveraineté important.

La Convention sur la protection des intérêts financiers des
Communautés et ses protocoles

La convention a été signée le 26 juillet 1995.

Elle souligne, dans un préambule, la nécessité d'ériger les comportements frauduleux en infractions pénales passibles de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives.

Elle définit, dans son article premier, la fraude portant atteinte aux intérêts financiers des Communautés européennes tant en matière de dépenses que de recettes communautaires. Sont ainsi visées la perception ou la rétention indues de fonds provenant du budget communautaire et la diminution illégale de ressources de ce budget.

Chaque Etat membre s'engage à prendre "les mesures nécessaires et appropriées pour transposer en droit pénal interne" ces dispositions "de telle sorte que les comportements qu'elles visent soient érigés en infractions pénales".

Le principe de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives, incluant, au moins dans les cas de faute grave, des peines privatives de liberté pouvant entraîner l'extradition, est repris par l'article 2. Ces sanctions sont obligatoires pour toute infraction portant sur un montant supérieur à 4 000 euros.

L'article 3 impose la définition d'une responsabilité pénale des chefs d'entreprise ou de toute personne ayant le pouvoir de décision ou de contrôle au sein d'une entreprise pour les actes frauduleux commis par une personne soumise à leur autorité pour le compte de l'entreprise.

S'agissant de la compétence, la convention du 26 juillet 1995 prévoit tout d'abord que chaque Etat membre doit établir sa compétence dans les cas où la fraude a été commise en tout ou partie sur son territoire, dans celui où une personne se trouvant sur son territoire participe à la fraude et dans le cas où la fraude est commise par un de ses ressortissants (article 4).

Deuxièmement, elle précise les règles d'extradition, qui obéissent au principe "aut dedere aut judicare", extrader ou juger, qui impose aux Etats membres de prévoir leur compétence pour des faits de fraude commis à l'étranger s'ils n'extradent pas l'auteur de ces faits qui se trouve sur leur territoire (article 5).

Troisièmement, elle reprend les éléments de la convention entre Etats de l'Union du 25 mai 1987, déjà repris dans l'accord d'application de la convention de Schengen de 1990 et relatifs au principe "non bis in idem" en vertu duquel une personne qui a été définitivement jugée dans un Etat membre ne peut être poursuivie pour les mêmes faits dans un autre Etat.

La convention du 26 juillet 1995 énonce par ailleurs un principe de coopération entre Etats membres au moyen de l'entraide judiciaire, de l'extradition, du transfert des poursuites ou de l'exécution des jugements prononcés dans un autre Etat membre. Cette coopération doit viser un objectif de centralisation des poursuites, si possible, sur le territoire d'un seul Etat membre, les différents Etats membres concernés étant invités à décider lequel d'entre eux poursuivra les auteurs de l'infraction (article 6).

Le premier protocole, signé le 27 septembre 1996, vient compléter la convention du 26 juillet 1995 afin d'élargir la protection des intérêts financiers des Communautés face à des agissements autres que la fraude, en l'occurrence les actes de corruption commis par ou envers des fonctionnaires, tant nationaux que communautaires, responsables de la perception, de la gestion ou de la dépense des fonds communautaires soumis à leur contrôle.

Les articles 2 et 3 du protocole définissent les comportements de corruption passive (le fait de solliciter ou recevoir des avantages) et de corruption active (le fait de promettre ou de donner des avantages) susceptibles de porter atteinte aux intérêts financiers des Communautés, et imposent aux Etats membres d'ériger ces comportements en infractions pénales dans leur droit pénal national. L'article 5 reprend, pour les infractions, le principe de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives. Enfin, le protocole édicte un principe d'assimilation entre le traitement réservé aux fonctionnaires communautaires, aux membres de la Commission européenne, du Parlement européen, de la Cour de justice et de la Cour des comptes et celui appliqué aux fonctionnaires nationaux, aux ministres, parlementaires et hauts magistrats des Etats membres.

 
 
 

Un deuxième protocole, adopté le 19 juin 1997, demande aux Etats membres d'ériger en infraction pénale le blanchiment de capitaux issus du produit de la fraude et de la corruption qui s'y trouve liée. Il demande aux Etats membres de prévoir, pour les mêmes faits, un régime de responsabilité des personnes morales instaurant des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives. La nature pénale ou non pénale du régime de ces sanctions est toutefois, compte tenu de la diversité actuelle des ordres juridiques nationaux, laissée à la discrétion des Etats membres. Il organise enfin un régime de collaboration des Etats membres avec la Commission, chargée de prêter toute l'assistance technique et opérationnelle nécessaire aux Etats membres pour faciliter la coordination des enquêtes menées par les autorités nationales compétentes.

Enfin, le protocole du 29 novembre 1996 - qui, chronologiquement, devrait être le deuxième - prévoit l'interprétation, à titre préjudiciel, par la Cour de justice des Communautés européennes de la convention du 26 juillet 1995 et de ses protocoles.

En premier lieu, la compétence de la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE) à titre préjudiciel est subordonnée à son acceptation par l'Etat membre concerné sous la forme d'une déclaration.

Ce système d'"opting in", introduit à la demande du Royaume-Uni, a permis l'élaboration d'un texte acceptable par l'ensemble des Etats de l'Union, tout en laissant la possibilité à certains d'entre eux de ne pas adhérer immédiatement au mécanisme institué par l'instrument conventionnel. Il prévoit en effet la possibilité d'effectuer une déclaration d'acceptation de la compétence préjudicielle de la CJCE à tout moment, même après l'entrée en vigueur du protocole ou de la convention.

En cas d'acceptation de la compétence à titre préjudiciel de la CJCE par l'Etat concerné, celui-ci peut décider de limiter cette saisine aux seules juridictions suprêmes ou statuant en dernier ressort (Cour de cassation et Conseil d'Etat s'agissant de la France).

Dans la déclaration qu'il a la possibilité de faire, l'Etat concerné doit indiquer :

. soit que toute juridiction aura la faculté de demander à la Cour de justice de statuer à titre préjudiciel sur une question soulevée dans une affaire pendante devant elle et portant sur l'interprétation de la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes et de ses protocoles ;

. soit que cette faculté sera limitée aux juridictions de cet Etat dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne.

La France a opté pour la formule selon laquelle seules les juridictions suprêmes auront la faculté de demander à la CJCE de statuer à titre préjudiciel et ce afin « d'instaurer une régulation des questions que les juridictions nationales pourraient être amenées à poser ».

Source : Commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale.

Néanmoins, pour ce qui est de la lutte contre la fraude, la convention présente d'indéniables avantages et l'insertion d'une mention de la TVA représenterait une avancée substantielle.

En effet, au-delà de ses dispositions, la convention tend, en application du principe de territorialité européen, vers la création d'un ministère public européen, indépendant des autorités nationales, ayant une capacité de poursuite de l'ensemble d'une procédure de fraude, en s'appuyant, dans le cadre d'une obligation d'assistance, sur les ministères publics nationaux ou sur les administrations fiscales ou douanières nationales pour effectuer une partie des procédures et certains des éléments des enquêtes.

On voit bien qu'il s'agit d'une réponse à la question de la parcellisation des compétences des administrations des Etats membres et de leurs autorités judiciaires, le ministère public européen ayant par définition, pour la répression de la fraude à l'échelle communautaire, une approche complète et coordonnée.

Est-elle la plus adaptée ? En l'absence d'autre solution satisfaisante, la réponse semble être positive.

*

* *

CHAPITRE IV

DE NOUVELLES MESURES DE MODERNISATION DES DISPOSITIFS FISCAUX DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE ET L'ÉVASION FISCALES : LE MAINTIEN D'UNE NÉCESSAIRE VIGILANCE

En complément de ses propositions présentées dans le cadre du rapport d'étape n° 1105 intitulé « Fraude et évasion fiscales : une intolérable atteinte à l'impôt citoyen », votre Rapporteur a souhaité élaborer de nouvelles propositions afin de renforcer la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales reposant sur des techniques ou des montages à dimension purement nationale.

Elles sont le résultat d'un travail d'enquête et d'audition de près d'une année, ainsi que de déplacements sur le terrain, dans des services déconcentrés des impôts, et de la synthèse puis de la sélection des différentes suggestions recueillies. Que ceux qui ont bien voulu aider votre Rapporteur en soient remerciés.

Certains pourront juger ces propositions incomplètes, estimant que tel ou tel aspect souvent ponctuel de la fraude fiscale n'est pas traité. Certes, mais il est nécessaire de procéder à une sélection en matière de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, sauf à proposer une législation mal acceptée par l'opinion publique, car trop contraignante, notamment lorsqu'il s'agit de proposer des mesures destinées à lutter contre des procédés dont il semble qu'ils ne se développeront pas. En définitive, l'action législative repose, en matière répressive - et le droit du contrôle fiscal est par essence répressif - sur une analyse de risque. Néanmoins, procéder à cette analyse n'exclut pas d'anticiper également l'apparition de certains de ces risques avant qu'ils ne se concrétisent, ce qui aurait pu et dû être fait pour la TVA intra-communautaire par exemple.

D'autres penseront que votre Rapporteur propose des mesures trop strictes, et que la législation actuelle fournit à l'administration fiscale des moyens suffisants.

A ceux-là, dont l'esprit de « tolérance » est incompréhensible, on pourra répondre que les propositions qui suivent résultent d'un arbitrage personnel et répondent chacune à au moins l'une des trois convictions profondes de votre Rapporteur :

- la lutte contre la fraude fiscale, c'est-à-dire contre la dissimulation de revenus ou d'activités pour échapper à l'impôt et aux cotisations sociales constitue une nécessité citoyenne, économique, budgétaire ainsi que morale ;

- la suppression des possibilités d'évasion fiscale légale, obligation morale de l'Etat au regard du principe de l'égalité devant la loi, constitue également une obligation citoyenne et républicaine, dès lors que ces possibilités nuisent à la légitimité de l'impôt en réduisant d'une manière choquante la contribution aux charges publiques des plus aisés ;

- la loi doit conserver une cohérence et un minimum de simplicité, même si elle doit épouser la complexité croissante de la vie économique et sociale, afin de rester dans ses grands principes accessible aux contribuables.

Sur cette base votre Rapporteur est conduit à faire deux types de propositions :

- des propositions à caractère immédiat, pouvant faire l'objet de dispositions législatives dans le cadre de la loi de finances pour 2000 ;

- des propositions à caractère différé, qui ressortissent d'un programme plus vaste de réforme fiscale de la nécessité duquel votre Rapporteur est de plus en plus convaincu, mais qui ne relèvent pas de l'objet de la présente mission en raison de l'ampleur des problèmes qu'elles tendent à traiter.

Auparavant, il souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur la nécessité d'une meilleure coordination des différents services administratifs de lutte contre la fraude, afin d'améliorer la circulation de l'information entre différents services administratifs trop cloisonnés et de mieux valoriser le travail de chaque service pris individuellement.

I.- AMÉLIORER LA CONNAISSANCE DES DIFFÉRENTS RISQUES DE FRAUDE ET D'ÉVASION FISCALES, AINSI QUE DE LA DÉLINQUANCE FINANCIÈRE, GRÂCE À LA CRÉATION D'UN OBSERVATOIRE DE LA FRAUDE

Dans le cadre des différentes auditions auxquelles il a procédé, il est apparu à votre Rapporteur que les questions relatives à la fraude, et d'une manière générale, aux fraudes et à la délinquance financière, relevaient de plusieurs services administratifs :

- la fraude et l'évasion fiscales sont de la compétence de l'ensemble de la direction générale des impôts, ainsi que de la direction générale des douanes et des droits indirects ;

- les questions de lutte contre le blanchiment sont traitées par Tracfin ;

- la délinquance financière est suivie, dans le cadre des missions de police judiciaire, sous le contrôle du parquet, par la sous-direction des affaires économiques et financières de la direction centrale de la police judiciaire, dont dépend l'Office central pour la répression de la grande délinquance financière ;

- les questions relatives aux jeux et aux courses sont suivies par la sous-direction des courses et des jeux de la direction centrale des renseignements généraux, dans le cadre des régimes de police stricts qui régissent ce secteur ;

- le service central de la prévention de la corruption, service interministériel, est placé auprès du Garde des sceaux.

En outre, on peut mentionner que les fraudes économiques relèvent de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

Chacun de ces services exerce une mission propre qui le conduit à avoir une certaine vision de la délinquance financière, mais leur approche est toujours partielle. Les services spécialisés tels que le service central de lutte contre la corruption, la direction générale des impôts et la sous-direction des courses et des jeux ont chacun une vision sectorielle. La sous-direction des affaires économiques de la direction centrale de la police judiciaire et l'Office central pour la répression de la grande délinquance financière interviennent dans le cadre des missions opérationnelles lors des enquêtes et instructions liées au dépôt de plaintes pénales.

On constate un grand cloisonnement. L'information circule globalement mal entre les administrations et chaque service a sa logique propre.

Ainsi, même si certains de ces services entretiennent des relations et échangent mutuellement des informations, notamment la direction générale des impôts et la direction générale des douanes, dans le cadre d'actions spécifiques comme la fraude à la TVA ou la lutte contre le travail occulte, il apparaît clairement qu'aucune structure de l'Etat ne dispose actuellement d'une vision d'ensemble de la délinquance financière et n'est en mesure d'exercer la mission de veille et d'information que l'on est en droit d'attendre d'une administration moderne dans un contexte où de nombreux facteurs conduisent à un accroissement significatif des possibilités et des cas de fraude.

En effet, il n'y a pas non plus de structure centralisée de veille s'agissant de l'ensemble des risques de fraude économique et financière.

Certains secteurs sont même suivis d'une manière seulement occasionnelle, tel celui du marché de l'art, notamment les ventes aux enchères d'_uvres d'art, qui permettent pourtant, grâce à des surpaiements, de constituer des patrimoines à l'étranger ou de procéder à d'importants blanchiments de capitaux. Ils pourraient faire l'objet d'une surveillance plus adaptée.

Ce problème du décloisonnement a d'ailleurs été relevé dans un tout autre domaine, celui de la lutte contre les sectes, et a conduit à la création de la Mission interministérielle de lutte contre les sectes.

Votre Rapporteur estime que ce précédent doit être imité, d'une façon adaptée, dans le domine de la lutte contre la fraude afin de comprendre les mécanismes de la grande fraude, de la grande délinquance financière et de la grande criminalité organisée.

Il juge ainsi nécessaire de constituer une structure pluridisciplinaire dans laquelle seraient représentés les différents services de l'Etat et qui aurait, de manière permanente, une vision d'ensemble des pratiques frauduleuses : un Observatoire de la fraude.

L'expérience, analysée sur le terrain, des opérations de coopération entre la direction générale des impôts et la direction générale des douanes et droits indirects, a achevé de convaincre votre Rapporteur de l'intérêt de cette démarche.

S'agissant de sa mission, l'observatoire assurerait la circulation de l'information entre les différents services de l'Etat en matière de fraude économique. Il aurait naturellement un objectif fiscal, car toute fraude économique s'accompagne inéluctablement d'une fraude fiscale.

En ce qui concerne ses moyens, il semble nécessaire de prévoir, d'une part, un personnel permanent composé des différents corps de l'Etat ayant à connaître de la délinquance économique, magistrats, fonctionnaires des impôts et des douanes, policiers et, d'autre part, d'un budget autonome. Il va de soi que la carrière de ces personnels ne devrait souffrir aucun décalage du fait de cette affectation. Une institution aussi stratégique ne doit pas rebuter les fonctionnaires les plus aptes. Or, on constate trop souvent que les fonctionnaires détachés ou mis à disposition souffrent de retards qui peuvent s'avérer importants dans le déroulement de leur carrière, parce qu'ils sont loin des enjeux de leurs corps et emplois d'origine.

La question la plus importante est celle de l'étendue des compétences et des pouvoirs de l'observatoire.

Comme pour le service central de prévention de la corruption, créé par la loi n° 93-122 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, il semble nécessaire de prévoir un large droit de communication auprès des administrations existantes, notamment auprès de l'administration fiscale. Ainsi, d'une part, le secret fiscal ne devrait pas être opposable à l'observatoire et, d'autre part, les études que celui-ci pourrait mener ne se heurteraient à aucun obstacle lorsqu'elles concerneraient des administrations publiques.

On doit observer qu'en prévoyant que ce droit de communication ne s'exercerait qu'auprès des administrations publiques compétentes et ne concernerait pas les personnes privées, on supprime, par principe, tout risque d'atteinte à la liberté individuelle et à la propriété privée et on écarte le risque d'une inconstitutionnalité qui a privé le service central de prévention de la corruption de l'essentiel des moyens d'enquête qui avaient été prévus par le législateur. En effet, les facultés que le législateur avait conférées au service central de prévention de la corruption, ont été déclarées non conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans le cadre de sa décision n° 93-316 DC du 20 janvier 1993, au motif que celles-ci concernaient également les personnes privées et que la loi n'encadrait pas d'une manière suffisamment stricte le droit de communication les concernant.

Ainsi, en ce qui concerne le détail des compétences de l'observatoire, il est possible de s'inspirer des dispositions de la loi précitée n° 93-122 du 29 janvier 1993 relatives au service central de prévention de la corruption et de prévoir :

- que l'observatoire centralisera les informations nécessaires à la détection, à l'étude et à la compréhension des mécanismes de fraude et qu'il effectuera des études à l'attention des différents services administratifs ;

- qu'il pourra proposer des mesures de nature à réduire ou réprimer les fraudes dont il aura connaissance ;

- que ses membres et les personnes qualifiées auxquelles il fera appel seront soumis au secret professionnel ;

- qu'il devra saisir le procureur de la République des faits susceptibles de constituer des infractions ;

- qu'il communiquera au service central de prévention de la corruption les éléments relatifs à des faits relevant de ce service : corruption active ou passive ; trafic d'influence commis par des personnes exerçant une fonction publique ou des particuliers ; concussion ; prise illégale d'intérêt ; atteinte à la liberté et à l'égalité des candidats dans les marchés publics ;

- qu'il sera dessaisi de tous les faits pour lesquels une procédure d'enquête ou d'information judiciaire est ouverte ;

- qu'il communiquera les éléments demandés par les parquets et les juridictions d'instruction, ces éléments étant soumis à discussion des parties et ne valant qu'à titre de simple renseignement.

Enfin, il a paru nécessaire à votre Rapporteur d'assurer un certain pouvoir d'influence à l'observatoire et de prévoir un rapport annuel remis au Parlement. Les ministres auraient l'obligation de répondre aux observations consignées dans ce rapport.

Afin de ne pas porter atteinte au principe de la séparation des pouvoirs et au principe de la présomption d'innocence, le rapport ne pourrait mentionner d'information nominative ou de nature à permettre l'identification de personnes physiques ou d'entreprises.

La question de la place de l'observatoire dans l'organisation administrative de notre pays a fait l'objet de longues réflexions de la part de votre Rapporteur.

La solution d'une instance parlementaire ne lui semble pas opportune, puisque l'objectif n'est pas d'accroître l'information du Parlement, mais de faciliter le travail des administrations de l'Exécutif.

Cette première question étant réglée, s'agissant d'une instance par nature pluridisciplinaire et interministérielle, il semble préférable de la placer auprès du Premier ministre.

En ce qui concerne enfin la gestion de l'observatoire, il a paru nécessaire à votre Rapporteur de prévoir, pour déterminer les orientations générales des travaux de l'observatoire, un conseil d'orientation composé de représentants des ministères de l'économie, des finances et de l'industrie, de la justice, de la culture, de l'intérieur et de l'outre-mer, ainsi que, le cas échéant, de la défense nationale. S'agissant de ce dernier ministère, certains secteurs des industries travaillant pour la défense nationale, soit directement, soit comme sous-traitants, méritent une attention particulière dès lors que l'internationalisation des mouvements de capitaux conduit à ne pas exclure leur rachat par des détenteurs de capitaux frauduleux.

En outre, il apparaît opportun de prévoir que, dans le cadre d'une formation élargie, le conseil d'orientation puisse s'assurer de la collaboration de représentants des entreprises, afin que les logiques de sécurité propres au secteur privé, notamment au secteur bancaire et financier, et celles des administrations publiques puissent apparaître dans toute leur complémentarité et que les synergies puissent être exploitées au mieux.

La présidence de l'observatoire et de son conseil d'orientation pourrait être confiée à un magistrat de la Cour de cassation, président de chambre, spécialisé dans les questions économiques et commerciales.

Une mesure symbolique qui illustre la nécessité d'une approche pluridisciplinaire: renforcer le contrôle sur les casinos et les maisons de jeux

Les casinos et les établissements de jeux sont soumis à un régime de police très strict.

D'une part, l'ouverture de tout établissement où sont pratiqués les jeux de hasard est soumise à une autorisation délivrée par le ministère de l'intérieur.

D'autre part, un casino doit être pourvu d'un directeur responsable et d'un comité de direction, de trois ou quatre membres, agréés par le ministre de l'intérieur et susceptibles d'être révoqués par ce dernier.

Lorsque le casino est exploité par une société, celle-ci doit être fixée dans la commune où se trouve l'établissement.

Pour rigoureuse qu'elle soit, cette réglementation mérite d'être modernisée. La constitution de groupes de sociétés détenant des casinos n'est pas prise en compte. Respecter l'esprit des dispositions précédentes, à savoir l'exercice d'un contrôle administratif effectif sur la direction des casinos, exige de prévoir un agrément pour les principaux dirigeants des sociétés mères de sociétés exploitants un ou plusieurs casinos.

Cette obligation devrait s'appliquer à chaque société détenant directement ou indirectement un casino, par l'intermédiaire de sociétés filiales ou conjointement avec des sociétés liées.

Devraient être concernées non seulement les personnes physiques exerçant des fonctions nominales mais également celles exerçant des fonctions effectives de direction, notamment lorsqu'elles sont actionnaires.

Une telle mesure, qui semble aller de soi, n'apparaît pas nécessaire si l'on s'en tient à une stricte approche juridique et que l'on néglige l'aspect économique.

Cet exemple montre les avantages d'un décloisonnement des logiques administratives propres à chaque service.

II.- COMPLÉTER LA MODERNISATION DES INSTRUMENTS JURIDIQUES DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE ET L'EVASION FISCALES

Lors des différentes auditions auxquelles il a procédé, votre Rapporteur a pu noter qu'il restait encore quelques améliorations à apporter au code général des impôts pour compléter l'arsenal des dispositions législatives permettant de sanctionner la fraude et l'évasion fiscales.

Ces propositions n'appellent pas beaucoup d'observations, car elles ne visent qu'à apporter des retouches ponctuelles à un ensemble déjà assez complet et cohérent.

Il ne faut pas en déduire pour autant que leur adoption ne serait pas utile, car les fraudes qu'elles visent à réprimer peuvent être assez rémunératrices pour les personnes qui les pratiquent.

A.- RÉDUIRE LES POSSIBILITÉS DE PAIEMENT EN ESPÈCES

1.- Réduire de 50.000 francs à 20.000 francs le montant maximum des paiements en espèces pour les particuliers non commerçants

Les paiements en espèces constituent le principal facteur de fraude tant en matière d'impôt sur le revenu, car ils sont la condition de l'exercice d'activités occultes ou du travail clandestin, exercés, à titre principal ou à titre complémentaire, qu'en matière de TVA.

Dans ce dernier domaine en outre, un très grand nombre de fraudes d'un montant peu important peut conduire à des pertes budgétaires importantes. Si, par hypothèse, le montant total des dépenses réglées en espèces et non déclarées par les commerçants s'établit à 3.000 francs par an par personne, la TVA éludée sera de l'ordre de 3,7 milliards de francs. Si le montant précédent était de 10.000 francs, le montant de la fraude serait de 13 milliards de francs, environ.

Seule une stricte limitation des paiements en espèces est donc susceptible de réduire le montant des revenus non déclarés et la part du chiffre d'affaires d'une entreprise réalisée de manière occulte.

En effet, une telle limitation crée, en cas de paiement en espèces, une infraction qui vient s'ajouter à l'infraction de fraude fiscale qui sera commise ensuite en raison de la non-déclaration à l'administration fiscale des espèces perçues.

Certes, cette question a fait l'objet d'une amélioration sensible dans le cadre de la loi de finances pour 1999, car le seuil de l'obligation de paiement par chèque, carte bancaire ou tout moyen équivalent, prévu à l'article 1649 quater B du code général des impôts, a été réduit de 150.000 francs à 50.000 francs, pour les particuliers non commerçants.

Cependant, votre Rapporteur, qui avait proposé dans le cadre de son rapport d'étape précité de le porter à 10.000 francs, a été confirmé dans son opinion selon laquelle le montant de 50.000 francs était trop élevé, lors de plusieurs entretiens.

Il juge donc nécessaire de modifier à nouveau le montant maximum du paiement en espèces, et de le fixer, de manière pérenne, à 3.000 euros (soit environ 19.680 francs), somme qui peut être arrondie à 20.000 francs.

2.- Appliquer la disposition relative à l'obligation de paiement par chèque au paiement des primes d'assurance-vie

L'obligation de paiement par chèques prévue à l'article 1649 quater B du code général des impôts pour les particuliers non-commerçants ne concerne que les paiements en règlement d'un bien ou d'un service.

Les produits de placement ne sont pas concernés. Cette exclusion n'est pas illogique, puisque la fiscalité des bons anonymes, très lourde, sanctionne les acquisitions de produits non nominatifs et puisque les autres produits d'épargne, gérés par des établissements bancaires ou financiers vis-à-vis desquels l'administration fiscale dispose d'un droit de communication très large, depuis la procédure de dématérialisation des titres, sont nécessairement connus de celle-ci.

Néanmoins, elle pose problème pour les contrats d'assurance-vie, qui ne font pas l'objet des mêmes possibilités de contrôle, notamment pour les contrats rachetables qui sont parfois utilisés pour blanchir des capitaux.

Il convient donc d'inclure le paiement des primes des contrats d'assurance-vie dans le champ de l'obligation de paiement par chèque ou par tout moyen équivalent pour les particuliers.

Même si l'infraction de blanchiment couvre en France le produit de la fraude fiscale, cette nouvelle obligation est complémentaire, et non redondante, avec les obligations dont relèvent les assureurs au titre des dispositions prévues par la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux : d'une part, l'obligation de vigilance, qui consiste à s'assurer de l'identité d'un client et de conserver la trace de l'exécution de cette obligation par l'enregistrement interne des opérations effectuées et la conservation des documents afférents ; d'autre part, la déclaration de soupçon en cas de doute ou d'anomalie sur une opération.

La question de fond est celle des modalités selon lesquelles le seuil de 20.000 francs (ou de 50.000 francs si la proposition précédente de votre Rapporteur n'est pas suivie) précédemment évoqué doit être apprécié : est-ce par versement ou par année ?

Votre Rapporteur suggère la deuxième solution, plus conforme à l'esprit citoyen de la mesure.

3.- Instituer une amende fiscale de 50% en cas de vente sans facture

Un examen attentif des différentes dispositions relatives aux sanctions fiscales applicables en cas d'infraction aux règles de facturation, qui veulent qu'une facture soit exacte, précise et sincère et qu'elle fasse apparaître le montant de la TVA, révèle l'existence d'une incohérence :

- le travestissement ou la dissimulation de l'identité d'un fournisseur ou d'un client, ou bien l'acceptation en conscience d'une identité fictive ou d'un prête-nom, à l'occasion de l'exercice d'une activité professionnelle, est sanctionnée d'une amende fiscale, prévue à l'article 1740 ter du code général des impôts, égale à 50% des sommes versées ou reçues à l'occasion des opérations concernées ;

- cette même amende s'applique également aux assujettis à la TVA qui ne respectent pas les mentions obligatoires prévues à l'article 289 du code général des impôts et à l'article 242 nonies de l'annexe II au même code pour les factures (date et numéro de la facture, noms et adresses du fournisseur et du client, quantité, dénomination, prix unitaire hors taxe des biens ou des prestations fournies, taux de TVA applicables, mention des rabais et ristournes obtenus et chiffrables, numéros de TVA ou mention « exonération de TVA ») ou sur l'état récapitulatif figurant dans la déclaration d'échange de biens relative aux échanges intra-communautaires ;

- elle est également applicable, en cas de fausse facture, c'est à dire de facture ne correspondant pas à une livraison de biens ou à une prestation de service réelle.

On rappellera que ces sanctions concernent les seules transactions entre commerçants et ne sont pas applicables pour la vente de détail aux particuliers.

En revanche, cette amende fiscale de 50% n'est pas applicable aux ventes et aux achats sans facture.

La seule sanction prévue est actuellement mentionnée à l'article 1786 du code général des impôts, qui dispose que pour l'application des sanctions prévues en cas de man_uvre frauduleuse, c'est-à-dire en présence d'éléments matériels montrant une intention d'égarer l'administration, la vente sans facture est réputée avoir été effectuée en fraude des taxes sur le chiffre d'affaires et rend le vendeur et l'acheteur, s'il est connu, solidairement responsables du paiement de ces taxes sur le montant de l'achat.

Ces éléments n'étant pas toujours réunis, notamment lorsque l'administration découvre dans une entreprise des éléments acquis sans facture et sans que des man_uvres frauduleuses ne soient tangibles, il convient de combler cette lacune et de prévoir que l'amende fiscale de 50% sera applicable aux ventes sans facture.

B.- LIMITER LES POSSIBILITÉS D'AMÉLIORATION DU TRAIN DE VIE GRÂCE À LA FRAUDE FISCALE

1.- Réduire de 308.510 francs à 200.000 francs le seuil de l'évaluation forfaitaire minimale du revenu imposable d'après certains éléments du train de vie, pour l'impôt sur le revenu

L'article 168 du code général des impôts prévoit que la base d'imposition à l'impôt sur le revenu est portée à une somme forfaitaire déterminée en appliquant à certains éléments du train de vie un barème, lorsque cette somme est supérieure ou égale à 308.510 francs pour l'imposition, en 1999, des revenus de l'année 1998.

Ainsi que le soulignait le rapport d'étape, le dispositif actuel repose sur une conception éminemment « bourgeoise » du train de vie où celui-ci est apprécié sur la base de douze critères passablement marqués : la valeur locative cadastrale de la résidence principale ; la valeur locative des résidences secondaires ; la présence d'employés de maison, de précepteurs, de préceptrices et de gouvernantes ; la valeur des voitures ; celle des motos ; les yachts ou les bateaux de plaisance à voile de plus de trois tonneaux de jauge internationale ; les bateaux de plaisance à moteur d'une puissance réelle d'au moins vingt chevaux ; les avions de tourisme ; les chevaux de course ; les chevaux de selle ; la location de droits de chasse et les parts dans les sociétés de chasse ; les participations et les abonnements dans les clubs de golf. Chaque élément est valorisé selon un barème.

Le montant précité de 308.510 francs a été fixé à un niveau élevé, de telle manière que le dispositif ne s'applique que lorsqu'un nombre suffisant d'éléments est recensé dans le mode de vie du contribuable.

Cette précaution apparaît dépassée dès lors que l'évolution de la société, la progression des paiements par chèques, la généralisation des cartes bancaires et d'autres facteurs ont permis une amélioration notable de la connaissance des revenus des personnes physiques vivant dans les conditions les plus courantes.

Elle apparaît en outre trop contraignante pour l'administration fiscale, car elle interdit d'appliquer ce dispositif d'appréciation indiciaire des éléments du train de vie aux cas auxquels il trouverait le mieux à s'appliquer : celui des délinquants tirant l'essentiel de leurs ressources de trafics rémunérateurs tels que celui des stupéfiants et qui disposent pour l'essentiel d'un parc d'automobiles et de motos.

Chaque moto de plus de 450 cm3 étant prise en compte pour sa valeur neuve, avec un abattement de 50% après trois ans d'usage, et chaque automobile étant évaluée aux trois quarts de sa valeur neuve avec un abattement de 20% après un an d'usage et de 10% supplémentaire par année pendant les quatre années suivantes, on constate que le contribuable doit détenir un parc composé d'une moto d'une valeur neuve de 120.000 francs et d'une voiture d'une valeur neuve de 314.000 francs, pour des véhicules âgés de deux ans, pour relever du dispositif, dans l'hypothèse où il ne dispose pas d'un logement à son nom.

L'expérience montre que ce seuil est trop élevé et qu'un seuil de 200.000 francs, impliquant la détention, par exemple, d'une moto d'une valeur neuve de 80.000 francs et d'une voiture d'une valeur neuve de 200.000 francs est plus réaliste.

Certains craindront que le dispositif ne s'applique également à des personnes vivant dans la plus parfaite légalité, mais disposant d'un train de vie plus élevé que celui que leur permet leurs revenus en raison d'une situation particulière : détention d'un capital abondant, mais peu rémunérateur et partiellement cédé ; conservation des principaux éléments du train de vie antérieur à la suite d'un veuvage ; gains substantiels à des jeux de hasard ; jouissance d'un montant important de revenus exonérés d'impôts, tels que les pensions des fonctionnaires de la Communauté européenne.

Ces craintes ne sauraient être partagées par les connaisseurs du code général des impôts, puisqu'ils auront relevé que le 3 de ce même article 168 précise que « le contribuable peut apporter la preuve que ses revenus ou l'utilisation du capital ou les emprunts qu'il a contractés lui ont permis d'assurer son train de vie ».

2.- Limiter les possibilités d'imputation des dépenses personnelles sur les comptes des sociétés ou des entreprises individuelles

Le code général des impôts, et la jurisprudence, prévoient plusieurs modalités afin d'éviter que les chefs d'entreprises ne soient tentés de faire prendre en charge leurs dépenses personnelles, ou bien celles de leurs collaborateurs les plus proches, par l'entreprise.

On rappellera que les postes les plus sensibles sont :

- les véhicules de sociétés ;

- les frais de voyage, transport et déplacement, ainsi que les frais d'essence ;

- les frais de restaurant et d'hôtel ;

- les divers frais d'invitation et de représentation ;

- les cadeaux.

D'une part, la théorie de l'acte anormal de gestion, construite par la jurisprudence, permet à l'administration de réintégrer dans le résultat imposable de l'entreprise les dépenses excessives qui ne sont pas justifiées par l'intérêt de celle-ci. Cependant, cette théorie n'est pas toujours aisée à mettre en _uvre, car la charge de la preuve incombe à l'administration

D'autre part, les charges dites « somptuaires », ce qui recouvre les chasses, les pêches, les résidences de plaisance ou d'agrément, les yachts ou les bateaux de plaisance, sont exclues des charges déductibles en application du 4 de l'article 39 du code général des impôts.

En outre, l'amortissement des voitures particulières est limité à un plafond de 120.000 francs par véhicule et des règles strictes encadrent les loyers susceptibles d'être versés pour la location de tels véhicules. De plus, la TVA sur les véhicules pour le transport de personnes ou à usage mixte n'est pas déductible. Et il faut également rappeler le tarif dissuasif de la taxe sur les véhicules de sociétés, applicable aux véhicules relevant de la catégorie de voitures particulières, qui s'ajoute à la vignette : 6.800 francs pour les véhicules de 7 chevaux fiscaux et moins ; 14.800 francs au-delà (des exonérations sont prévues pour les véhicules « propres »).

Enfin, les sociétés doivent joindre à leur déclaration annuelle de résultats un relevé détaillé de cinq catégories de frais généraux lorsque ceux-ci excèdent les limites rappelées dans le tableau suivant :

Catégories de frais devant figurer sur le relevé

Seuils d'inscription sur le relevé (1)

A.- Rémunérations directes et indirectes, y compris les remboursements de frais, des dirigeants et salariés les mieux rémunérés (ceux-ci s'entendent, suivant que l'effectif du personnel excède ou non 200 salariés (2), des dix ou des cinq personnes dont les rémunérations directes et indirectes ont été les plus importantes au cours de l'exercice) ;

2.000.000 F ou 1.000.000 F pour l'ensemble de ces personnes ou 325.000 F individuellement.

B.- Frais de voyage et de déplacements exposés par ces personnes ;

100.000 F

C.- Dépenses et charges afférentes aux véhicules et autres biens dont ces personnes peuvent disposer en dehors des locaux professionnels, et dépenses et charges de toute nature afférentes aux immeubles qui ne sont pas affectés à l'exploitation ;

200.000 F au total

D.- Cadeaux de toute nature, à l'exception des objets de faible valeur conçus spécialement pour la publicité et dont la valeur unitaire n'excède pas 200 F TTC par bénéficiaire ;

20.000 F

E.- Frais de réception, y compris les frais de restauration et de spectacles.

40.000 F

(1) Quelle que soit la durée de l'exercice comptable.

(2) Pour le calcul de l'effectif du personnel, on retient les salariés employés habituellement à temps complet ou à temps partiel au cours de l'exercice considéré (pour ceux embauchés en cours d'exercice, on divise le total du nombre de mois de travail par le nombre de mois de l'exercice ; le quotient est arrondi à l'unité inférieure).

Source : Mémento pratique Francis Lefebvre - Fiscal - 1999

S'agissant des entreprises individuelles, elles doivent mentionner seulement les cadeaux et frais de réception en annexe à leur déclaration de résultat.

Ces mesures dissuasives ne sont cependant pas toujours suffisantes, notamment lorsque l'acte anormal de gestion peut être seulement présumé et non prouvé.

La logique du contrôle fiscal montrant ses limites, selon votre Rapporteur, il convient alors d'envisager une procédure relevant d'une autre philosophie et prévoyant une information des représentants du personnel, lorsque l'administration fiscale a dû procéder à des rectifications sur ces frais ou lorsque ces frais sont plus importants que la moyenne de la branche. L'objectif est d'assurer un contrôle interne au sein de l'entreprise sur l'opportunité de certaines charges.

C.- RENFORCER LES MODALITÉS DU CONTRÔLE FISCAL

1.- Améliorer la connaissance de certaines mutations à titre gratuit

a) Prévoir l'enregistrement des cessions de polices d'assurance-vie, afin d'éviter que ces cessions ne permettent, en cas de faculté de rachat, une donation indirecte

Les cessions de polices d'assurance-vie rachetables constituent un moyen de transmission occulte d'un élément de patrimoine, dès lors que l'article L. 136 du code des assurances permet la circulation par endos quand la police est à ordre, que les cessions ne font pas l'objet d'une procédure d'enregistrement obligatoire, et qu'il n'y a pas alors d'obligation de paiement d'un prix pour que la cession soit valable.

Les donations de police doivent, en revanche, être enregistrées.

Il convient de remédier à cette situation et de prévoir l'enregistrement de la cession des polices d'assurance-vie.

Le tarif serait le tarif général applicable aux actes dit innomés, qui ne font pas l'objet d'un tarif spécifique, soit un montant de 500 francs.

b) Rendre obligatoire la déclaration des dons manuels
à l'administration fiscale

Selon l'article 757 du code général des impôts, les dons manuels ne sont pas soumis aux droits de donation dans certains cas : lorsqu'ils ne sont pas déclarés par le donataire dans un acte soumis à l'enregistrement ; lorsque qu'ils ne font pas l'objet non plus d'une reconnaissance judiciaire ; lorsqu'ils ne sont pas révélés à l'administration fiscale spontanément ou à sa demande ; lorsque le bénéficiaire ne bénéfice pas d'une donation postérieure constatée par un acte ou lorsqu'il ne fait pas partie des successibles lors du décès du donateur.

Ainsi, les donations consenties à des personnes non-parentes n'ont pas nécessairement à être déclarées, et taxées, dès lors que l'administration fiscale ne demande pas d'élément d'information sur elles.

Cette absence de déclaration présente certes l'avantage de la discrétion, mais elle ne va pas dans le sens de l'égalité devant l'impôt. On peut donc envisager de la supprimer et d'assujettir aux droits de mutation à titre gratuit l'ensemble des dons manuels.

En outre, ainsi que l'a constaté le récent rapport de la commission d'enquête sur « les sectes et l'argent » (rapport n° 1687), cette situation permet des pratiques abusives de la part des sectes.

Il s'agit donc de prévoir la déclaration obligatoire des dons manuels, et ainsi la perception systématique de droits de mutation à titre gratuit, lorsqu'il y a lieu, sur ces transmissions.

Naturellement, n'entreraient pas dans le champ de cette déclaration les aides délivrées dans le cadre de la vie courante et qui relèvent du devoir de secours à autrui plus que d'une intention libérale à objectif patrimonial, ni même les présents d'usage, remis à l'occasion de certains événements marquants de la vie familiale (mariage etc.).

2.- Encadrer le régime des sociétés civiles et des sociétés à prépondérance immobilières

a) Prévoir la production annuelle de comptes à l'administration fiscale par les sociétés civiles qui ne sont pas encore soumises à cette obligation

Vis-à-vis de l'administration fiscale, certaines sociétés civiles, notamment les sociétés civiles immobilières, n'ont aucune obligation comptable.

Cette absence d'obligation permet, dans le flou des opérations qui y sont menées, des donations indirectes non taxées, notamment dans le cadre de sociétés civiles immobilières de famille, à l'occasion de la capitalisation des revenus ou grâce à des opérations d'apport.

Il y a là un facteur de fraude fiscale qu'il convient de supprimer.

Il convient donc de prévoir la remise obligatoire à l'administration fiscale, chaque année, de comptes, bilan et compte d'exploitation, par les sociétés civiles.

Afin de garantir l'efficacité de la mesure, il importe en outre de prévoir la possibilité pour ces sociétés de faire l'objet d'opérations de vérification de comptabilité, indépendamment de toute opération de contrôle fiscal réalisée sur leurs membres, ce qui est déjà le cas de l'essentiel des sociétés de personnes et structures assimilées, de même à ce que leur contrôle puisse ou non déboucher sur une procédure de redressement pour les porteurs de parts.

b) Rendre obligatoire la formalité de l'acte authentique pour l'élaboration des statuts, les modifications statutaires et les cessions de parts de sociétés immobilières

Par nature, les sociétés à prépondérance immobilière font l'objet de transactions soumises à des règles plus souples que les immeubles eux-mêmes.

Si la cession des seconds ne peut intervenir que par acte authentique, toute transaction sur les premiers peut être effectuée dans le cadre d'un simple acte sous seing privé.

L'acte sous seing privé présente plusieurs « avantages » pour le contribuable, car il permet :

- éventuellement, de délocaliser l'acte de cession, en dehors du territoire fiscal de la France ;

- d'échapper, bien que cela constitue une fraude fiscale, à la formalité obligatoire de l'enregistrement ;

- de recourir à des prête-noms ;

- de n'être rigoureux ni sur les modalités, ni sur les garanties de paiement ;

- de rendre difficile la reconstitution des chaînes de transactions, en cas de man_uvres frauduleuses.

En outre, on remarquera que l'acquéreur ne dispose d'aucune garantie sur le statut de l'immeuble au regard, par exemple, des règles d'urbanisme et du respect des différentes règles dont doivent s'assurer les notaires, et que les mutations sur les parts de sociétés civiles n'entrent pas dans le champ de l'article 98 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, qui étend aux personnes effectuant des opérations liées aux transactions immobilières les mécanismes de la déclaration de soupçon prévus par la législation visant à prévenir le blanchiment d'argent.

Prévoir la formalité de l'acte authentique, tant pour la constitution des sociétés civiles immobilières que pour la cession des parts représentatives de leur capital apparaît, a contrario, présenter un quadruple intérêt pour l'exercice des opérations de contrôle fiscal :

- il permettrait de tenir à jour le fichier des dirigeants, associés et gérants de sociétés, recommandé par votre Rapporteur dans le cadre de son rapport d'étape n° 1105 précité et dont le Gouvernement a précisé en approuvant la disposition qu'il relevait du domaine réglementaire ;

- il permettrait également de faire entrer les transactions correspondantes dans le champ de la législation précédemment évoquée relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, et ainsi de l'obligation de vigilance quant à l'identité des parties à la transaction et de la déclaration de soupçon, ce qui est essentiel  ;

- les prix de transaction devraient être plus sincères, car placés sous le regard d'un tiers ;

- des pratiques contestables ou à intention frauduleuse comme les cessions de parts en blanc, les pertes de documents, les irrégularités des assemblées générales, les abus de pouvoir de la part des dirigeants seraient plus difficiles.

En outre, une telle mesure apparaît comme le complément du rapprochement, opéré dans le cadre de la loi de finances pour 1999, des taux des droits de mutation à titre onéreux auxquels sont assujetties les cessions de parts de sociétés civiles immobilières, les cessions de parts de sociétés à prépondérance immobilières et les cessions directes d'immeubles.

Deux objections peuvent cependant être soulevées à l'encontre de la mesure proposée :

- la proximité des règles fiscales et civiles applicables aux autres sociétés à prépondérance immobilière, notamment aux sociétés anonymes, impose d'englober dans le dispositif envisagé l'ensemble des parts des sociétés immobilières, ce qui peut poser un problème tant pour les sociétés cotées que pour les sociétés non cotées faisant publiquement appel à l'épargne ;

- il semble peu aisé de soumettre à la formalité de l'acte authentique les cessions de parts de sociétés étrangères à prépondérance immobilière détenant des actifs en France ainsi que les transactions entre non-résidents portant sur des parts de sociétés françaises.

Si cette deuxième réserve rappelle les limites de tout dispositif de contrôle fiscal dans un espace économique et financier ouvert, elle ne doit cependant pas être considérée comme dirimante tant l'objectif du dispositif proposé par votre Rapporteur est d'affirmer la présence de l'administration fiscale dans un secteur d'où elle est, pour l'instant, largement absente.

En ce qui concerne la première réserve, on observera seulement qu'il suffit de prévoir que la formalité de l'acte authentique sera applicable aux seules sociétés civiles et aux autres sociétés à prépondérance immobilière non cotées ou ne faisant pas publiquement appel à l'épargne.

Afin de garantir l'efficacité de cette nouvelle obligation, il convient de prévoir une sanction : soit la nullité de la cession non constatée par acte authentique, soit son inopposabilité aux tiers.

La deuxième solution préserve les droits de l'administration, car elle lui permet de percevoir les droits d'enregistrement, ce que ne permet pas la première puisque prévoyant une nullité absolue. Elle doit donc être retenue, de préférence à la première.

c) Supprimer la possibilité de procéder à des paiements hors la vue du notaire pour les transactions immobilières

Certains montages reposent encore sur la cession fictive d'actifs immobiliers à des sociétés étrangères, dont certaines établies dans des paradis fiscaux, malgré la taxe de 3% prévue aux articles 990 D et suivants du code général des impôts, assise sur la valeur des immeubles détenus par certaines personnes morales, ou sur l'acquisition fictive d'immeubles auprès de personnes physiques non-parentes dans le cadre de stratégies de transmission patrimoniale. Ces montages sont facilités par les procédures qui permettent de ne pas procéder à un paiement effectif de la valeur du bien acheté par l'acquéreur.

Tel est le cas de la pratique du paiement hors la vue du notaire, même s'il est vrai que cette mention sur un acte constitue un indicateur susceptible de conduire les services fiscaux à une vigilance accrue.

Il apparaît donc souhaitable de procéder à la suppression de la possibilité de procéder à des paiements hors la vue du notaire pour les transactions immobilières et de rendre ainsi obligatoire le versement effectif par l'acquéreur au vendeur d'une somme égale à la valeur de l'immeuble, afin de limiter les possibilités de fraude qui viennent d'être évoquées.

3.- Prévoir l'accès des fonctionnaires des impôts aux clefs de décryptage

Lors des opérations de visite domiciliaire ou de visite dans les locaux des entreprises, les agents de l'administration fiscale peuvent rencontrer des informations protégées par des logiciels de cryptage, notamment des informations liées à la comptabilité de l'entreprise.

Il convient donc de prévoir l'obligation de délivrer les clés de décryptage, pour les contribuables ainsi que pour les organismes agréés chargés de gérer pour le compte d'autrui les conventions secrètes de moyens ou de prestations de cryptologie, afin qu'aucune difficulté légale ne puisse être opposée aux agents vérificateurs lors des opérations de contrôle sur place, voire sur pièces.

Cette précaution est d'autant plus indispensable que le Gouvernement a récemment autorisé le cryptage des échanges sur Internet, afin de favoriser le développement du commerce électronique et de renforcer, pour le client et le fournisseur, la sécurité des transactions.

4.- Exclure les sociétés holdings du champ de la disposition limitant à trois mois la durée de vérification des petites entreprises, mesure qui doit être réservée aux seules PME

Actuellement, l'article L. 52 du livre des procédures fiscales prévoit que le délai de vérification ne peut excéder trois mois pour les entreprises dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes est inférieur à 5 millions de francs pour les activités industrielles ou commerciales, et 1,5 millions de francs pour les entreprises de prestations de services. Le seuil est de 1,8 millions de francs pour les entreprises agricoles.

Ces dispositions, destinées aux petites et moyennes entreprises, sont de fait applicables aux sociétés holdings des groupes, qui pourtant ont des relations complexes avec leurs filiales, mais ont un chiffre d'affaires réduit.

Il convient de supprimer cette exception en prévoyant de n'appliquer la règle destinée qu'aux véritables petites et moyennes entreprises, celles dont l'actif est inférieur à 100 millions de francs.

5.- Accroître la responsabilité des sociétés de domiciliation

Le recouvrement des impôts dus par les entreprises se heurte souvent au problème de la domiciliation de celles-ci.

Certaines entreprises défaillantes ayant utilisé les services d'une société de domiciliation, profitent de cette situation pour rester hors d'atteinte. Parfois, les représentants de la direction générale de la comptabilité publique se trouvent même face à une simple plaque vissée sur un mur. Tel est souvent le cas des sociétés « taxis » utilisées en cas de fraude à la TVA intra-communautaire.

En pratique, il apparaît en effet que des opérations courantes de contrôle fiscal comme les vérifications de comptabilité sont souvent impossibles : les dirigeants sont absents, le courrier n'est pas retiré, les documents comptables ne sont pas conservés dans les locaux de la société de domiciliation.

En outre, les procédures de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'état des documents comptables, prévues à l'article L. 47 du code général des impôts, sont a priori exclues en raison de l'impossibilité de joindre le gérant, ce qui est indispensable à la régularité de la procédure. L'exercice du droit d'enquête prévu à l'article L. 80 F pour le contrôle du respect des règles de facturation auxquelles sont soumis les assujettis à la TVA s'avère également difficile. Aucune comptabilité ni aucun document concernant le contribuable n'est conservé généralement dans les locaux de la société domiciliante.

Pour pallier ces difficultés, plusieurs mesures, complémentaires les unes des autres, peuvent être envisagées :

- l'obligation pour la société domiciliée de désigner une personne physique identifiée non seulement par son état civil et son adresse personnelle, mais également par son numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques, nécessairement actionnaire ou gérant de la société, qui se déclare solidairement responsable de dettes fiscales de celle-ci ;

- la possibilité, pour la société domiciliante, de refuser de conclure un contrat de domiciliation, lorsque la personne physique ainsi désignée ne présente pas de garanties suffisantes, lorsqu'elle n'est pas actionnaire de la société ou lorsqu'elle n'exerce pas effectivement une fonction de direction au sein de l'entreprise domiciliée ;

- l'obligation, prévue dans le cadre du contrat de domiciliation, pour la société domiciliante de conserver la comptabilité de la société domiciliée ;

- l'obligation pour la société domiciliante de déclarer à l'administration fiscale tout contrat de domiciliation qui ne prévoirait pas que la société domiciliante serait représentant fiscal de la société domiciliée.

D.- AMÉLIORER LA PORTÉE DES RÉSULTATS DU CONTRÔLE FISCAL

1.- Clarifier le rôle de l'intérêt de retard en supprimant sa déductibilité du résultat des entreprises et en réduisant,
en contrepartie, son taux à 6%

a) Supprimer la déductibilité du résultat imposable des pénalités de recouvrement sanctionnant le versement tardif des impôts

En matière fiscale, le régime des pénalités est complexe.

Si les pénalités relatives à l'assiette des impôts, contributions et taxes ne sont pas déductibles, celles relatives au recouvrement, qui sanctionnent uniquement le versement tardif des impôts et taxes, sont déductibles lorsqu'elles portent sur des impôts eux-mêmes déductibles.

Cependant, ce principe connaît des exceptions puisque la majoration de 10% pour le paiement tardif de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés n'est pas déductible. La majoration de 5% relative à la TVA est, par contre, déductible.

L'intérêt de retard de 0,75%, soit 9% par an, dû indépendamment de toute sanction, est déductible, selon la doctrine, lorsqu'il sanctionne un retard de paiement d'un impôt déductible.

Ces différences de traitement n'apparaissent pas justifiées, et sont de nature à introduire la confusion dans l'esprit du contribuable.

Il convient donc d'unifier ce régime et de prévoir la non-déductibilité de l'ensemble des pénalités fiscales.

En contrepartie de ce durcissement, on peut envisager de réduire de 9% à 6% le montant de l'intérêt de retard.

b) Réduire de 0,75% par mois (9% par an) à 0,5% par mois (6% par an) le taux de l'intérêt de retard

Dès lors que l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts ne serait plus déductible, en aucune hypothèse, il ne peut plus être objecté que le taux d'intérêt de 9% est du même ordre que celui qui est actuellement proposé aux entreprises par les banques et les établissements financiers.

On pourra en effet relever que les intérêts versés dans le cadre des prêts sont déductibles du résultat des entreprises, ce qui ne sera plus jamais le cas de l'intérêt de retard, lorsqu'il sanctionne une omission, une insuffisance ou un retard de déclaration.

Or un taux de 9% non déductible est équivalent à un taux de 15%, avec un intérêt déductible et comme l'indique le tableau suivant, ce taux de 15% est supérieur au seuil de l'usure, sauf pour certains crédits de trésorerie aux particuliers.

 

TAUX DES CRÉDITS ET SEUILS DE L'USURE

 
 

Seuil de l'usure applicable à compter du 1er janvier 1999

Taux effectif pratiqué au 1er trimestre 1999

Seuil de l'usure applicable à compter du 1er avril 1999

Crédits aux particuliers

     

Crédits immobiliers

     

Prêts à taux fixe

8,60

6,18

8,24

Prêts à taux variable

7,91

5,90

7,87

Prêts relais

9,13

6,62

8,83

Crédits de trésorerie

     

Prêts d'un montant ≤ à 10.000 francs (ou 1.524 euros)


17,77


13,12


17,49

Découverts en compte, prêts permanents et financements d'achats ou de ventes à tempérament d'un montant > à 10.000 francs (ou 1.524 euros)




16,41




12,19




16,25

Prêts personnels et autres prêts d'un montant > 10.000 francs (ou 1.524 euros)


11,23


8,42


11,23

Crédits aux entreprises

     

Prêts consentis en vue d'achats ou de ventes à tempérament


10,12


7,43


9,91

Prêts d'une durée initiale supérieure à deux ans, à taux variable


7,16


5,30


7,07

Prêts d'une durée initiale supérieure à deux ans, à taux fixe


8,31


6,00


8,00

Découverts en compte (a)

12,57

9,20

12,27

Autres prêts d'une durée initiale inférieure ou égale à deux ans


9,99


7,22


9,63

NB : Informations publiées au Journal officiel du 8 mars 1999.

(a) Ces taux ne comprennent pas les éventuelles commissions sur le plus fort découvert du mois.

Source : Banque de France.

En outre, il convient de rappeler que le taux des intérêts moratoires versés au contribuable en cas de dégrèvement à l'issue d'une procédure contentieuse est égal au taux de l'intérêt légal, soit 3,44% (JO du 5 février 1999), ce qui fait clairement apparaître la manière peu cohérente avec laquelle la loi fait varier le prix du temps, que l'intérêt de retard comme l'intérêt légal sont censés représenter, selon qu'il s'agisse du temps avant le contrôle fiscal ou après le contrôle fiscal.

Il convient ainsi de corriger cette anomalie et de prendre en considération les deux mesures complémentaires suggérées par votre Rapporteur.

Cette mesure est en outre cohérente avec la limitation de l'effet de la tolérance légale que propose votre Rapporteur dans le cadre des deux mesures suivantes.

2.- Plafonner l'effet de la tolérance légale pour les grandes sociétés

La tolérance légale, en application de laquelle les pénalités pour insuffisance de déclaration (intérêt de retard, majoration de droits) ne sont pas perçues lorsque l'insuffisance des chiffres déclarés n'excède pas un certain pourcentage de la base d'imposition retenue après redressement, qui est actuellement de 5% de la base d'imposition pour l'impôt sur les sociétés, n'est pas plafonnée.

Le dispositif actuel apparaît trop laxiste pour les très grandes entreprises, la tolérance atteignant, par exemple, 50 millions de francs pour un bénéfice d'un milliard de francs.

Il apparaît donc opportun de prévoir un plafond de 20 millions de francs, ce qui correspond à un bénéfice ou à un résultat imposable de 400 millions de francs.

3.- Supprimer le bénéfice de la tolérance légale pour les contribuables de mauvaise foi ou s'étant livrés à des man_uvres frauduleuses

La tolérance légale, en application de laquelle les pénalités pour insuffisance de déclaration (intérêt de retard, majorations de droits) ne sont pas perçues lorsque l'insuffisance des chiffres déclarés n'excède pas un certain pourcentage de la base d'imposition retenue après redressement, qui est actuellement de 5% de la base d'imposition pour l'impôt sur les sociétés et l'impôt sur le revenu et de 10% pour les droits d'enregistrement et l'ISF, bénéficie au contribuable d'une manière indifférenciée, quel que soit son comportement.

Elle s'applique en effet même lorsque le contribuable est passible des sanctions de 40% pour mauvaise foi et de 80% pour man_uvres frauduleuses.

Cette situation est paradoxale.

Il apparaît clairement justifié de ne réserver le bénéfice de la tolérance légale qu'aux seuls contribuables de bonne foi.

4.- Moderniser les modalités de pénalisation des infractions fiscales

a) Renforcer et accélérer la pénalisation des infractions fiscales
les plus graves

Dans le cadre de son rapport d'étape précité, votre Rapporteur a montré le faible nombre des cas de fraude fiscale conduisant au dépôt d'une plainte pénale : moins de 1.000 par an (862 en 1997). Il n'y a pas lieu de revenir sur ce constat.

Si la suppression de la Commission des infractions fiscales (CIF), à l'avis conforme de laquelle est subordonné le dépôt d'une plainte pour fraude fiscale de la part de l'administration fiscale en application de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales, est parfois envisagée, une telle mesure semble excessive, car il apparaît difficile de rendre totalement libre le dépôt des plaintes par l'administration fiscale, sous l'autorité du ministre, sauf à prêter à nouveau le flanc à la critique qui s'était développée avant 1978, d'un pouvoir ministériel assez libre qui s'exerçait d'une manière arbitraire et injuste, et à risquer d'encombrer les juridictions.

Etablir une instance de substitution, composée autrement, n'apparaît pas non être une solution adaptée, une telle instance risquant d'encourir les mêmes critiques que la CIF.

Il semble donc plus simple de conserver la CIF, mais de rendre obligatoire la soumission à celle-ci de l'ensemble des rappels de droits les plus important, tant en termes de montant que de proportion des droits fraudés par rapport à la base initiale.

Ainsi, votre Rapporteur suggère-t-il de rendre systématique le dépôt d'une plainte pour fraude fiscale par l'administration, sans avis conforme de la commission des infractions fiscales, dès lors que les droits éludés dépassent 500.000 francs et 30% du montant de l'impôt qui aurait été initialement dû.

Naturellement, la procédure actuelle resterait en vigueur, le cas échéant, pour certains dossiers significatifs de moindre importance.

On ne manquera pas d'observer que cette saisine obligatoire de la CIF allégerait en amont les délais de procédure et d'étude des dossiers par l'administration.

b) Améliorer l'efficacité des opérations d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle (ESFP) ayant mis en évidence la présence de revenus d'origine indéterminée

Dans la lutte contre la fraude fiscale, notamment la grande fraude, dont l'objectif est toujours un enrichissement illimité et injustifié des personnes physiques qui la pratiquent, la procédure de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle tient une place de choix.

Elle permet, en effet, par un contrôle approfondi de l'ensemble des flux de trésorerie et des variations du patrimoine, de s'assurer que ces éléments sont bien compatibles avec les revenus déclarés par le contribuable.

Cette procédure, lourde et contraignante, est cependant d'un usage limité. L'administration fiscale a procédé à 4.707 ESFP en 1997.

Elle donne des résultats très satisfaisants, et a montré son efficacité.

On constate cependant certaines difficultés dans la répression de la grande fraude, en matière de poursuites pénales, lorsque que le contribuable ne collabore pas avec l'administration fiscale et ne révèle pas l'origine de revenus dont le vérificateur peut seulement constater l'existence.

En effet, si la procédure de contrôle fiscal ne se heurte à aucun obstacle, l'article L. 69 du livre des procédures fiscales permettant à l'administration de procéder au redressement, en l'absence d'information suffisamment précise sur l'origine de certains fonds, grâce à une taxation d'office au niveau du revenu global, les poursuites pénales se heurtent, en revanche, à la nécessité de démontrer le caractère intentionnel de la fraude, conformément à l'un des principes de base de notre droit pénal.

Cette démonstration est évidemment peu aisée dès lors que le contribuable a eu un rôle purement passif lors de la  procédure de contrôle fiscal et que l'administration ne peut établir avec certitude l'origine des revenus.

Aussi votre Rapporteur est-il conduit à envisager, dans le cadre d'une modification de l'article 1741 du code général des impôts, un renversement de la charge de la preuve, et de prévoir que les revenus d'origine indéterminée d'un montant significatif seront présumés, dans le cadre de la procédure pénale, provenir d'une fraude fiscale, dès lors que le contribuable n'apporte pas la preuve contraire.

5.- Soumettre à la procédure de redressement contradictoire les rappels d'imposition en matière de taxe professionnelle
et appliquer les pénalités de droit commun

Actuellement, l'article L. 56 du livre des procédures fiscales prévoit que les dispositions relatives à la procédure de redressement contradictoire ne sont pas applicables aux impôts locaux.

Cette exclusion permet de procéder à des rectifications selon une procédure plus légère. Celles-ci sont seulement notifiées au contribuable. Cependant elle favorise, s'agissant de la taxe professionnelle, des comportements de fraude ou d'optimisation contestables qui sont d'autant plus intéressants pour les entreprises qu'elles n'encourent aucune pénalité, compte tenu de l'absence de contradictoire qui empêche le jeu des droits de la défense et de l'impossibilité pour l'administration fiscale de sanctionner des montages qui relèveraient, s'il s'agissait d'éluder d'autres impôts, de la catégorie des abus de droit.

Il convient de mettre fin à cette situation et de prévoir que la procédure de redressement contradictoire, et les sanctions de droit commun, s'appliqueront aux infractions relatives à la taxe professionnelle.

On rappellera que les droits rappelés en matière d'impôts locaux se sont élevés à 2,933 milliards de francs en 1997.

Ils proviennent essentiellement de rehaussements en matière de taxe professionnelle.

E.- RENFORCER LES PLANS DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL CLANDESTIN

Presque tous les interlocuteurs de votre Rapporteur, notamment les syndicats, ont insisté sur l'importance de la répression du travail clandestin dans la lutte contre la fraude fiscale.

En particulier, les fraudes transfrontalières réalisées par des entreprises étrangères installées à proximité de la frontière et venant effectuer des travaux, non déclarés, en France seraient très importantes.

Aussi celui-ci se fait-il l'écho de ces préoccupations et appelle-t-il l'attention de l'administration à développer encore le plan de lutte contre le travail clandestin, notamment s'agissant des opérations qui relèvent de l'action coordonnée de plusieurs services dépendant du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et de celui de l'emploi et de la solidarité.

III.- SUPPRIMER CERTAINS DISPOSITIFS PERMETTANT DE PROCÉDER À DE L'ÉVASION FISCALE

A.- L'IMPÔT SUR LE REVENU ET L'IMPOSITION DES PLUS-VALUES

1.- Supprimer la possibilité pour les contribuables de procéder à une déclaration séparée pour leurs enfants mineurs disposant de ressources propres

Les règles relatives au plafonnement à 11.000 francs de l'avantage maximum en impôt résultant d'une demi-part supplémentaire de quotient familial peuvent être habilement tournées par les contribuables très aisés et judicieusement conseillés, dont les enfants disposent d'une fortune propre, provenant d'un héritage, notamment après le décès de leurs grands-parents ou de parents proches, ou de revenus propres dans le cadre d'activités spécifiques telles que le cinéma et les spectacles ou bien l'activité de mannequin.

Le 2 de l'article 6 du code général des impôts prévoit, en effet, que « le contribuable peut réclamer des impositions distinctes pour ses enfants, lorsque ceux-ci tirent un revenu de leur travail ou d'une fortune indépendante de la sienne ».

Cette possibilité d'optimisation fiscale est d'usage certes limité, mais elle nuit au principe de l'égalité devant l'impôt et renforce l'intérêt des stratégies de « saut de génération » en matière de transmission du patrimoine à titre gratuit, stratégies fondées sur la transmission directe du patrimoine aux petits-enfants, voire, dans certains cas extrêmes, aux arrière-petits-enfants, soit à concurrence de la quotité disponible, c'est à dire de la part du patrimoine qu'il est possible de ne pas transmettre à ses enfants, et, plus généralement, à ses héritiers réservataires, soit au-delà de cette quotité, lorsque ces derniers renoncent à exercer l'action en réduction leur permettant de recevoir la part à laquelle ils peuvent prétendre en application des dispositions du code civil.

On peut craindre que le recours à cette pratique ne se développe, à l'avenir, l'augmentation de l'espérance de vie rendant ces stratégies plus aisées, alors que la fiscalité prévoit des allégements significatifs de droits, prévus à l'article 790 du code général des impôts, pour les donations simples et les donations-partages, la réduction des droits étant fixée à 50% lorsque le donateur a moins de 65 ans et à 30% lorsqu'il a entre 65 ans et 75 ans. On doit, en outre, mentionner la réduction temporaire, de 30 % lorsque le donateur a plus de 75 ans, pour les mutations opérées entre le 25 novembre 1998 et le 31 décembre 1999.

En effet, abstraction faite de l'économie que représente le saut de génération en matière de droits de mutation à titre gratuit, un calcul simple permet de percevoir l'économie d'impôt résultant de la déclaration séparée pour un enfant mineur, qui, dans le cas d'un couple, au lieu de compter, dans le cadre du calcul du quotient familial et de l'avantage en impôt qui en résulte, pour une demi-part plafonnée, pour les deux premiers, et deux demi-parts plafonnées pour les suivants, comptera pour une part déplafonnée.

Plusieurs exemples permettent d'étayer la démonstration.

Un couple ayant deux enfants et disposant d'un revenu imposable d'un million de francs doit acquitter en 1999 au titre des revenus de 1998 une cotisation d'impôt sur le revenu de 394.087 francs.

S'il opte pour le détachement, chacun des enfants disposant en propre d'un revenu imposable de 200.000 francs, l'impôt acquitté par la famille sera égal à 307.213 francs, ce total se décomposant de la manière suivante : 200.087 pour les deux parents ; 53.563 francs pour chacun des deux enfants.

L'économie d'impôt est ainsi de 86.874 francs sur un an, soit 22% du montant de la cotisation initiale. Sur dix ans, elle est proche d'un million de francs, soit une année de revenu imposable.

Même si les allocations familiales ne sont plus perçues en cas de détachement, leur montant pèse peu eu égard à l'avantage fiscal.

Dans des catégories moins fortunées, la stratégie peut s'avérer également intéressante.

Pour un couple ayant un revenu imposable de 300.000 francs, dont 120.000 au titre d'un enfant unique, l'impôt dû sans détachement de l'enfant sera de 54.488 francs, et de 45.652 avec le détachement, dont 23.857 francs au titre de l'enfant, soit une économie d'impôt de 8.836 francs égale à 16,21% du montant de l'impôt initial.

On peut en outre envisager de combiner cet effet avec celui de l'avoir fiscal, qui donne lieu à restitution quand le taux marginal de l'impôt sur le revenu est faible ou à une forte diminution d'impôt quand le taux marginal de l'impôt est un taux intermédiaire et mesurer ainsi les ressources de ce gisement d'optimisation fiscale.

Il serait en effet contraire à l'esprit citoyen que l'on maintînt en vigueur une disposition permettant de contourner les mesures de calcul et de plafonnement du quotient familial pour une élite, au demeurant assez nombreuse, probablement, de contribuables venant de familles fortunées et bien conseillées.

En outre, que peut-on penser d'une loi fiscale qui permet à ceux qui disposent de revenus du capital important de payer moins d'impôt que ceux qui ne disposent que des revenus salariaux, à revenu imposable égal ?

Aussi votre Rapporteur suggère-t-il  de supprimer ce risque d'évasion fiscale, sans même attendre qu'il se réalise d'une manière massive dans les classes très aisées.

Il observe d'ailleurs qu'une précaution d'inspiration semblable à celle qu'il propose a été prise en matière d'impôt de solidarité sur la fortune, puisque l'article 885 E du code général des impôts prévoit que les enfants mineurs sont imposés avec ceux de leurs parents qui ont l'administration légale de leurs biens.

Ainsi, votre Rapporteur propose de réduire le champ d'application du 2 de l'article 6 du code général des impôts, et de ne maintenir son bénéfice que pour les seuls contribuables dont l'enfant mineur est émancipé.

Il semble en effet impossible sur le plan du droit d'imposer ensemble les revenus des parents et d'un enfant sur lequel ces parents n'ont plus autorité, sur le plan légal.

2.- Mieux coordonner le paiement de l'impôt sur les plus-values de cession de titres et les droits de mutation à titre gratuit

En jouant de manière fine sur les dispositions civiles et fiscales relatives aux démembrements de propriété, celles régissant des donations et celles relatives au report d'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières, de parts ou de droits sociaux, il est possible de procéder à des montages avantageux reposant sur la combinaison d'une cession à titre onéreux et d'une mutation à titre gratuit.

Lorsqu'un contribuable judicieusement conseillé veut se défaire de titres qui ont enregistré une forte plus-value et souhaite transmettre, dans un délai plus ou moins long, mais de manière certaine, le capital correspondant à ses héritiers, il peut éviter la solution naturelle consistant à céder les titres et à capitaliser les produits en attendant l'ouverture de sa succession ou l'organisation d'une donation.

Dans cette hypothèse, en effet, il lui faudra acquitter l'impôt sur la plus-value de cession au taux de 26%, puis régler les droits de mutation à titre gratuit.

La solution la plus avantageuse repose sur la réalisation d'une donation, puis d'une cession des titres.

En effet, d'une part, les donations sont assujetties aux droits de mutations à titre gratuit dans des conditions préférentielles, avec :

- l'abattement de 300.000 francs, qui est renouvelé tous les dix ans au profit des enfants ;

- les allégements de droits prévus à l'article 790 du code général des impôts, la réduction des droits étant fixée à 50% lorsque le donateur a moins de 65 ans et à 30% lorsqu'il a entre 65 ans et 75 ans, avec, en outre, une réduction, temporaire, de 30 % lorsque le donateur a plus de 75 ans, pour les mutations opérées entre le 25 novembre 1998 et le 31 décembre 1999.

De plus, la possibilité d'opérer, dans le cadre d'une donation, un démembrement entre la nue-propriété et l'usufruit, les donataires se voyant attribuer la première, le donateur se réservant le second, minore d'autant la base taxable.

Le barème mentionné à l'article 762 du code général des impôts donnant le taux de l'abattement qu'il faut opérer sur la valeur en pleine propriété d'un bien pour calculer la valeur de la nue-propriété conduit à un abattement d'autant plus élevé que celui qui donne est jeune.

Par ailleurs, lors de la cession, le nu-propriétaire des titres acquitte l'impôt sur la plus-value sur la base de la valeur des titres au moment de la donation. La donation fait donc disparaître la plus-value latente imposable, en cas de cession à titre onéreux.

Ainsi, procéder d'abord à une donation en nue-propriété aux donataires, puis à une cession immédiate des titres pour leur valeur en pleine propriété par ces derniers, permet d'éluder tout impôt sur la plus-value de cession. L'intérêt du donataire pourra être préservé grâce au remploi du produit de cession des titres dans un bien acquis en propriété démembrée.

Si un autre intérêt patrimonial commande de passer par une société de gestion du patrimoine familial, soumise à l'IS de plein droit ou sur option, il est également possible d'éluder l'impôt sur la plus-value de cession des titres dont le donateur souhaite se défaire en procédant d'abord à un apport à la société de gestion du patrimoine familial, cet apport donnant lieu à un report d'imposition de l'impôt sur la plus-value jusqu'à la cession à titre onéreux des titres reçus en échange de l'apport, et en donnant ensuite la nue-propriété des titres reçus en échange aux enfants, le donateur s'en réservant l'usufruit. Dès lors, les titres originels peuvent être cédés par la société de famille sans impôt sur la plus-value. Les titres de la société de famille remis au cours de l'échange n'étant pas cédés à titre onéreux, l'imposition en report de la plus-value de cession, constatée lors de l'apport, devient caduque.

Afin d'éviter de tels montages qui reposent sur l'anticipation d'un droit de mutation à titre gratuit qui sera de toute manière acquitté pour éviter une imposition de la plus-value de cession à titre onéreux, votre Rapporteur juge nécessaire d'envisager de créer l'obligation d'une détention des titres pendant cinq ans soit pour les donataires, soit pour la société bénéficiaire de l'apport, pour ne pas devoir payer l'impôt sur la plus-value.

B.- L'IMPOSITION DES RÉSULTATS DES SOCIÉTÉS

1.- Supprimer la déductibilité des intérêts des emprunts contractés par les sociétés holdings dans le seul but de réduire le coût d'acquisition d'une entreprise

Les investisseurs peuvent racheter une entreprise bénéficiaire en franchise d'impôt en utilisant ou en créant une société holding qui empruntera la totalité du montant du rachat. Dans le cadre du régime des groupes, les profits de l'entreprise rachetée seront ainsi absorbés par le déficit de la société holding de rachat.

Il s'agit d'un montage classique, qu'il conviendrait de supprimer afin de ne pas faire supporter au Trésor public une partie du coût d'acquisition d'une entreprise.

Compte tenu du fait que le taux de l'imposition effectif des résultats des entreprises est de 40%, cette procédure revient à faire supporter 40% de la charge d'acquisition de l'entreprise à la collectivité publique.

En outre, lorsqu'il aboutit ultérieurement à une fusion, le montage conduit à une solution préjudiciable aux droits des petits actionnaires minoritaires.

Votre Rapporteur suggère donc de supprimer toute possibilité de recourir à ce montage et de supprimer la déductibilité des intérêts des emprunts contractés pour l'acquisition de participations.

2.- Limiter l'intérêt du recours aux sociétés transparentes pour les sociétés de capitaux

Pour contourner la rigidité des règles relative à la remontée des déficits des filiales, laquelle ne peut intervenir que dans le cadre du régime des groupes, certaines entreprises recourent aux sociétés de personnes, fiscalement semi-transparentes, pour bénéficier de l'imputation des résultats déficitaires de leurs filiales, situées en dehors du périmètre du groupe, sur leur propre résultat. Ce dispositif fonctionne en cas de résultat bénéficiaire, mais le régime des sociétés mères et filiales le rend moins attrayant.

Cette imputation des déficits peut se révéler contestable lorsque la société de personne exerce une activité qui n'est pas directement liée à celle de la société mère et qu'il s'agit d'un investissement passif, c'est-à-dire d'une activité de location ou d'une activité à la gestion de laquelle la société mère ne prend pas une part active, soit en raison de la faiblesse de son capital, soit en raison son absence de participation aux instances de direction.

Elle donne lieu à des montages contestables, car il semble difficile de faire supporter par la collectivité les charges résultant d'investissements déficitaires ne correspondant pas à l'intérêt d'une entreprise.

Aussi votre Rapporteur propose-t-il, à l'instar de ce qui se fait aux Etats-Unis, de limiter l'imputation des pertes sur ces investissements passifs aux éventuels bénéfices réalisés dans le cadre d'autres investissements passifs.

L'objectif de cette mesure est d'aller au-delà des mesures récentes prévoyant la limitation du montant de l'amortissement des biens loués par une personne physique ou par une société de personnes qui peut être déduit du résultat du bailleur société de personnes, GIE ou personne physique, notamment pour les opérations de crédit-bail.

IV.- ENVISAGER, POUR LE FUTUR, DE RÉTABLIR L'ÉQUITÉ ET LA CITOYENNETÉ DES GRANDS IMPÔTS EN MATIÈRE DE FISCALITÉ PERSONNELLE DANS LE CADRE D'UNE ÉVENTUELLE RÉFORME FISCALE

Au cours de ses travaux, votre Rapporteur a pu réaliser combien les impôts de fiscalité personnelle, qui sont les mieux considérés par l'opinion, comme le montrent les sondages, méritaient une réforme de fond compte tenu de l'importance des exonérations qui permettent aux contribuables de réduire considérablement la charge lui incombant.

Les réformes à envisager sortent clairement du champ de la mission confiée à votre Rapporteur. Aussi se bornera-t-il à suggérer quelques pistes de réflexion.

A.- L'IMPÔT SUR LE REVENU : LIMITER LES POSSIBILITÉS DE CUMUL DES EXONÉRATIONS ET DES RÉDUCTIONS D'IMPÔT, ET RÉFORMER LE RÉGIME DE L'AVOIR FISCAL

L'une des critiques le plus souvent formulées vis-à-vis de l'impôt sur le revenu est l'importance des « niches fiscales », c'est à dire des dispositions prévoyant une exonération de certains revenus, une déduction de la base imposable ou une réduction d'impôt. Un temps, ces niches « fiscales » ont eu tendance à se multiplier, notamment sous la forme de mesures catégorielles tendant à accorder des déductions forfaitaires supplémentaires au titre des frais professionnels dans le cadre de l'impôt sur le revenu.

Néanmoins, un effort de moralisation a été entrepris dans le cadre de la loi de finances pour 1997 et a été poursuivi et amplifié, depuis, par le Gouvernement.

Les lois de finances pour 1998 et 1999 ont en effet procédé à quatre aménagements importants :

- la suppression du régime des investissements quirataires, qui ne bénéficiait qu'aux contribuables très fortunés ;

- la correction du régime privilégié de défiscalisation des investissements outre-mer (la loi dite « Pons ») ;

- la mise en _uvre de l'extinction progressive des déductions forfaitaires supplémentaires bénéficiant à quelque cent-dix professions ;

- le plafonnement à 22.500 francs de la réduction d'impôt sur le revenu au titre des emplois à domicile.

Il convient de poursuivre cette stratégie de limitation et de réduction progressive des niches fiscales, qui concernent pour l'essentiel les revenus de l'épargne et les produits de placement, comme l'a noté le Conseil des impôts dans le cadre du dix-septième rapport au Président de la République (1999), sur la fiscalité des revenus de l'épargne.

L'importance des revenus de l'épargne défiscalisée

I) Sur une assiette totale de revenus de l'épargne mobilière de 526 milliards de francs en 1996 identifiée par la comptabilité nationale, 269 milliards de francs sont totalement ou partiellement exonérés.

Ces 269 milliards de francs se décomposent en 143 milliards de francs correspondant à l'exonération relative à certains produits d'assurance-vie, 43 milliards à l'exonération des intérêts versés sur des produits spécifiques (livrets A, livrets bleus, livrets jeune, livrets d'épargne populaire, Codevi), 38 milliards à l'exonération des intérêts versés sur les comptes et plans d'épargne logement soumis uniquement aux prélèvements sociaux, 31 milliards à l'exonération des intérêts des plans d'épargne populaire, 6,5 milliards à l'exonération des primes des PEL et des CEL, et environ 7 milliards à l'exonération des dividendes versés au titre d'actions détenues dans le cadre de plans d'épargne en actions non débloqués avant une période de 5 ans.

II) 153 milliards de francs, soit 29% des revenus de l'épargne entrent dans le champ de l'impôt sur le revenu, soit au titre de l'impôt progressif sur le revenu, soit au titre des prélèvements libératoires.

D'après les chiffres de la comptabilité nationale, en 1996, 63 milliards sont soumis aux prélèvements libératoires et 90 milliards sont déclarés au titre de l'impôt progressif sur le revenu.

Sur ces 90 milliards, onze milliards entrent dans les limites de l'abattement fiscal de 8.000 francs/16.000 francs et onze autres milliards sont exonérés car perçus par des ménages non imposables.

En définitive, seuls 68 milliards de francs de revenus des capitaux mobiliers se trouvent être réellement taxables à travers le barème de l'impôt sur le revenu, soit seulement 13% du total des revenus des capitaux mobiliers mesurés par la comptabilité nationale.

Dans son rapport de 1990, consacré à la fiscalité de l'impôt sur le revenu, le Conseil des impôts avait déterminé un taux de 16% (soit 56 milliards de francs soumis à l'impôt progressif, pour un montant déclaré de 80 milliards de francs sur un total de 341 milliards de revenus de l'épargne mobilière mesurée par la comptabilité nationale). Abstraction faite de la forte augmentation des contributions sociales, la part relative des revenus des capitaux mobiliers soumise à l'impôt progressif, déjà faible en 1990, s'est donc encore réduite.

III) Entre l'épargne exonérée et l'épargne taxée, 104 milliards de francs de revenus correspondent à des produits non fiscalisés pour des raisons indéterminées.

Le solde entre d'un côté le montant total des revenus de capitaux mobiliers évalué par la comptabilité nationale (526 milliards de francs) et de l'autre les exonérations (269 milliards de francs) et les revenus taxés (153 milliards de francs) est égal à 104 milliards de francs.

Il pourrait s'agir des omissions déclaratives qui seraient couvertes par l'abattement de 8.000 / 16.000 francs et n'auraient, en cas de déclaration, donné lieu à aucune imposition. Il pourrait aussi s'agir d'omissions déclaratives involontaires ou délibérées. Ces chiffres doivent être toutefois considérés avec prudence.

 

Revenus des capitaux mobiliers

Revenus des capitaux mobiliers mesurés par la Comptabilité nationale : 526 Mds de francs

Hors champ et produits défiscalisés : 373 Mds

Revenus dans le champ : 153 Mds

Dont 269 Mds totalement ou partiellement exonérés :

Revenus imposés au prélèvement libératoire : 63 Mds

Revenus déclarés : 90 Mds

- Livrets A, Bleu, Jeune, Codevi, LEP : 43 Mds

- PEL et CEL : 76 Mds

- Assurance-vie : 143 Mds

- Exonération PEA : 7 Mds

Revenus bénéficiant de l'abattement de 8.000/ 16.000 F : 11 Mds.

Revenus déclarés dans l'assiette de l'IR : 79 Mds.

Non imposés : 11 Mds

Imposés : 68 Mds

.

Source : Dix-septième rapport du Conseil des impôts au Président de la République (1999)

De nombreux éléments permettant de procéder à de l'optimisation fiscale subsistent en effet. Trois d'entre eux sont en général avancés :

- les produits de l'épargne dite réglementée (livret A, livret bleu, CODEVI, livret d'épargne populaire, plan épargne logement, compte épargne logement, livret jeune) et de l'épargne défiscalisée permettent de disposer d'un montant de capital substantiel générant d'importants revenus en franchise d'impôt ;

- le cumul des déductions du revenu imposable et des réductions d'impôts permet à certains contribuables aisés d'échapper largement, voire en totalité, à l'impôt sur le revenu ;

- l'avoir fiscal permet, à revenu égal, de réduire le montant de l'impôt apparemment acquitté par le contribuable personne physique.

Chacun de ces points appelle quelques développements.

En ce qui concerne, d'abord, l'épargne, l'épargne réglementée et l'épargne dont les produits sont exonérés d'impôt sur le revenu, une étude interne du Crédit mutuel montre qu'en saturant les plafonds, un couple imposable, dont chacun des conjoints a plus de 25 ans, a pu bénéficier, en franchise d'impôt sur le revenu, d'un revenu de 111.466 francs en 1997 et 88.800 francs en 1998, à raison d'un livret A (ou d'un livret bleu), d'un CODEVI, d'un Compte d'épargne-logement (CEL), d'un Plan d'épargne-logement (PEL) et d'un plan d'épargne populaire (PEP) « Liberté » par personne. Le montant du capital ainsi placé était de 2,46 millions de francs, à raison d'un montant égal à 1,23 million de francs pour chacun des conjoints, pour les seuls produits de l'épargne réglementée.

Si l'on tient compte de la possibilité de cumuler deux plans d'épargne en actions (PEA), le plafond s'établit à 3,66 millions de francs, compte non tenu des dividendes et plus-values capitalisés dans ce cadre.

Il faudrait en outre tenir compte des possibilités offertes par les produits d'assurance-vie et certains bons de capitalisation.

Certes, on pourrait penser que le cas d'un cumul total des produits défiscalisés apparaît peu probable car, la plupart des produits défiscalisés tels que le livret A et le CODEVI, ayant un rendement faible, eu égard aux performances d'autres produits d'épargne, notamment des actions, ces dernières années, les stratégies d'acquisition systématique de produits ne sont pas les plus intéressantes ni les plus rentables.

On constate ainsi, qu'en 1998, une personne qui a détenu, en saturant les plafonds, un livret A, un CODEVI, un compte épargne logement, un plan épargne logement et un PEP liberté (Crédit mutuel) aura perçu 44.400 francs de revenu défiscalisé, soit, pour un capital investi de 1,23 millions de francs, un taux de rendement de 3,6% net, ce qui correspond à un taux brut de 4,8%, l'essentiel des produits financiers issus des placements de droit commun à revenu fixe étant soumis, sur option, à prélèvement libératoire de 25%.

Néanmoins, contrairement à cette attente, ce cas n'est pas théorique, car les auteurs du dix-septième rapport précité du Conseil des impôts, montrent que les possibilités de cumuler les exonérations fiscales des produits administrés profitent essentiellement à des ménages ayant un patrimoine et des revenus importants, puisque le niveau de détention de ces produits croît avec le revenu.

Il met en évidence que le revenu d'un couple qui utiliserait toutes les possibilités fiscales existantes peut bénéficier d'un revenu exonéré d'impôt tout à fait substantiel, ainsi que l'indique le tableau suivant :

REVENUS MAXIMUM DE CAPITAL EXONÉRÉS POUR UN COUPLE QUI UTILISERAIT TOUTES LES POSSIBILITÉS FISCALES EXISTANTES

 

Montant du capital

Revenus exonérés de prélèvements fiscaux

2 Livrets A

200.000 F

7.000 F

2 Codevi

60.000 F

2.100 F

2 PEA

1.200.000 F

60.000 F

2 PEP

1.200.000 F

60.000 F

2 PEL

800.000 F

34.000 F

Total

3.460.000 F

163.100 F

Le taux de rendement net des actifs a été supposé de 5%.

Source : Direction de la prévision.

En outre, la proportion des ménages détenant des produits d'épargne exonérée croit avec le revenu, ce qui va à l'encontre de ce que l'on pourrait penser intuitivement.

S'agissant, ensuite, du cumul des déductions de la base imposable et des différentes réductions d'impôts, on observera seulement que, selon les statistiques relatives à l'impôt sur le revenu acquitté en 1997, un certain nombre de contribuables ayant disposé de revenus tout à fait substantiels n'ont pas acquitté d'impôt sur le revenu.

Les ordres de grandeur sont les suivants :

- environ 130 personnes (foyers bénéficiant d'une seule part) et disposant d'un revenu imposable supérieur à 250.000 francs (on rappellera qu'un revenu imposable de 250.000 francs correspond à un revenu salarial déclaré de 347.222 francs) n'ont pas été imposables, en 1997 ;

- environ 130 foyers, également, disposant d'une part et demie de quotient familial et bénéficiant de revenus supérieurs à ces mêmes seuils, se trouvaient dans la même situation ;

- le nombre de foyers constitués autour d'une personne célibataire, séparée, veuve ou divorcée et disposant de deux parts, non imposables également bien que disposant d'un revenu imposable de plus de 250.000 francs, s'établissait à un peu moins de 80 ;

- les couples mariés disposant de deux parts, non imposables, bénéficiant d'un revenu imposable supérieur à 250.000 francs étaient environ 650, dont quelques 50 jouissaient d'un revenu imposable de plus de 500.000 francs, ce qui correspond à un revenu salarial déclaré de 694.444 francs ;

- certains foyers disposant d'un revenu imposable de plus de 500.000 francs, et bénéficiant de deux parts et demie ou plus n'étaient pas imposables, alors que la majorité des foyers placés dans cette situation l'étaient : 50 contre 36.650 pour 2,5 parts ; 116 contre 53.000 pour 3 parts ; 5 contre 1130 pour 3,5 parts etc.

Le caractère passablement inégalitaire de l'impôt sur le revenu est, ici, particulièrement illustré, si besoin était. Seul un examen attentif des déclarations de revenus permettrait de connaître l'explication précise de cette situation. Il serait intéressant, notamment, de connaître l'effet des mesures adoptées depuis 1997 pour limiter l'effet de la déduction fiscale des investissements outre-mer et supprimer le régime des quirats.

Néanmoins, la suppression du régime des investissements quirataires a certainement réduit, depuis, la possibilité d'être non imposable avec un très haut revenu.

Le Conseil des impôts observe en outre, dans le cadre du rapport précité, que les avantages fiscaux, qui ne profitent naturellement qu'aux ménages imposables, bénéficient surtout au nombre restreint de ménages disposant de revenus importants. Ainsi, la déduction d'impôt au titre de la souscription au capital des SOFICA ne concerne que 2.940 ménages. Les réductions d'impôt au titre des investissements dans les DOM-TOM concernent 17.110 ménages.

En ce qui concerne, enfin, l'avoir fiscal, la principale critique porte sur le fait que son dispositif conduit à faire bénéficier le contribuable d'un remboursement du montant de l'impôt qui a été acquitté au niveau de la société distributrice des dividendes, même si cette restitution est soumise à l'impôt.

Actuellement, son taux étant de 50% pour les particuliers, l'avoir fiscal permet une imposition des dividendes en parfaite transparence, si l'on ne tient pas compte des deux contributions additionnelles à l'impôt sur les sociétés (3), mais du seul taux de base : ainsi pour un bénéfice de 100, une société acquitte un impôt de 33,1/3 et peut distribuer à ses actionnaires une somme égale à 66,2/3. Cette dernière donnera lieu à un avoir fiscal de 50% du montant de la somme distribuée, soit 33,1/3, soit une somme équivalente à celle du montant de l'impôt sur les sociétés hors contributions additionnelles.

Ce dispositif est contesté car, à revenu perçu égal, il conduit à une imposition apparente à l'impôt sur le revenu moindre pour les personnes qui perçoivent des bénéfices que pour celles qui ne perçoivent que des revenus d'activité, par exemple des traitements et salaires, ainsi que l'indique le tableau suivant :

Impôt supporté par un couple (2 parts) : comparaison de l'imposition des revenus du travail et des revenus du capital

(en francs)

Revenu annuel

100.000 francs

120.000 francs

200.000 francs

500.000 francs

Impôt dû avec un revenu salarial uniquement

828

3.591

15.217

89.927

Impôt versé avec des dividendes d'un montant de 25.000 francs

- 8.374

- 6.427

7.397

85.812

Notes : Le signe « - » indique une restitution de la part du Trésor public.

Certains insistent en outre sur le fait que la suppression de l'avoir fiscal présenterait deux avantages non négligeables :

- la suppression de son reversement à des non-résidents. Ce reversement est prévu par certaines conventions internationales, notamment celles conclues avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Selon les informations communiquées à votre Rapporteur, en effet, les transferts d'avoirs fiscaux vers des pays étrangers se sont élevés à 5,3 milliards de francs en 1998, dont 1,6 milliard de francs pour les Etats-Unis et 2,2 milliards de francs pour le Royaume-Uni. Au troisième rang, on note l'Allemagne avec 504 millions de francs. On observera que le montant total des transferts d'avoirs fiscaux est en forte croissance, puisqu'il était de 2,7 milliards de francs en 1994.

- la simplification du calcul du montant de l'impôt.

De plus, l'avoir fiscal entraîne, chaque année, des reversements du Trésor à certains contribuables qui ne peuvent l'imputer sur leurs impôts. Ces reversements seraient ainsi supprimés. On observera qu'il s'agit, pour l'essentiel, de contribuables disposant de revenus constitués en grande partie de dividendes d'actions françaises.

Enfin, l'avoir fiscal coûte environ 8,2 milliards de francs par an au Trésor, en termes de diminution de l'impôt sur le revenu.

Face à cette situation, trois options sont possibles :

- la limitation du montant de l'avantage fiscal résultant de l'exonération de certains revenus, des réductions d'impôt et de l'avoir fiscal ;

- la limitation des possibilités de cumul entre les différents dispositifs concernés, ou certains d'entre eux ;

- une approche globale tendant à instituer une imposition soit dans le cadre du régime de droit commun, au barème, soit selon des modalités spécifiques.

· La limitation du montant des avantages fiscaux, en valeur absolue, se heurte à des problèmes pratiques délicats, mais qui ne sont pas insurmontables, s'agissant de l'avoir fiscal.

En effet, cette limitation rendrait nécessaire d'opérer chaque année un calcul précis, pour savoir si le montant total des avantages potentiels dépasse ou non le plafond prévu. Certains pourront craindre en outre qu'un tel dispositif n'ait des effets négatifs sur les comportements d'épargne. Dans l'hypothèse d'un dépassement du plafond des revenus exonérés, le contribuable ressentirait mal l'imposition de revenus ayant été anticipés comme exonérés d'impôt. Une perte d'intérêt pour des placements qui ont été défiscalisés en raison de l'intérêt économique de la collectivité à orienter l'épargne et les capitaux, d'une manière privilégiée, vers certains secteurs qui ne peuvent trouver un financement adéquat aux conditions normales du marché, ne serait donc pas à exclure.

En ce qui concerne l'avoir fiscal, sa suppression ou une limitation de ses effets, en montant ou en proportion du revenu sont envisageables, sous réserve de plusieurs précautions, dès lors qu'il s'agit d'un dispositif qui conduit à réduire, à revenu égal, l'impôt sur le revenu acquitté par le bénéficiaire de l'avoir fiscal.

Les défenseurs de l'avoir fiscal font état de trois observations.

Sur le plan juridique, d'abord, l'article 19 de la loi de finances pour 1999, visant à plafonner la restitution de l'avoir fiscal, a été déclaré non conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, car introduisant une différence de traitement entre les bénéficiaires de l'avoir fiscal. Même si un plafonnement des effets de l'avoir fiscal relèverait d'une philosophie différente de celle qui prévalait pour le plafonnement de la restitution, il importerait ainsi de rester très prudent vis-à-vis toute mesure tendant à limiter le libre jeu du dispositif actuellement en vigueur.

Sur le plan de l'équité, sous réserve de la mise en jeu de l'abattement de 8.000 francs pour une personne seule et de 16.000 francs pour un couple marié pour les participations inférieures à 35%, les contribuables bénéficient d'autant plus de l'avoir fiscal (et l'impôt est d'autant plus réduit pour eux) qu'ils sont peu imposables et relèvent des tranches inférieures du barème de l'impôt sur le revenu.

En ce qui concerne les contribuables aisés relevant des plus hautes tranches du barème de l'impôt sur le revenu, la fiscalité sur les plus-values rend, pour les sociétés cotées pour les titres desquelles il existe un marché, la capitalisation ou le recours à la formule de la vente avec rachat immédiat, au moment du versement du coupon, plus intéressants.

Ainsi, pour un couple de contribuables ayant deux parts, percevant 25.000 francs de dividendes, ne disposant que de revenus salariaux et n'ayant aucun avantage fiscal autre, on constate que l'avoir fiscal est d'autant plus intéressant que le revenu est moins élevé, comme l'indique le tableau suivant :

Impôt supporté par un couple sur un dividende de 25.000 francs : mesure de l'effet de l'avoir fiscal et de l'intérêt d'une option pour l'impôt sur la plus-value dans le cadre d'une opération vente avec rachat immédiat, lors du versement du dividende

(en francs)

Revenu annuel

100.000 francs

120.000 francs

200.000 francs

500.000 francs

800.000 francs

Impôt dû avec un revenu salarial seulement (sans le revenu du capital de 25.000 francs)

828

3.591

15.217

89.927

190.266

Impôt versé en cas de paiement de l'impôt de 16% sur la plus-value (4.000 F)

4.828

7.591

19.217

93.927

194.266

Impôt versé avec prise en compte de l'avoir fiscal


- 5.563


- 2.107


11.786


93.552


197.652

Impôt qui serait versé en cas de suppression de l'avoir fiscal

4.704

7.393

21.217

100.677

203.402

N.B. : 1) On considère que la plus-value sur les titres est exclusivement constituée du dividende à verser.

2) Le signe « - » indique une restitution de la part du Trésor public.

On constate ainsi que le choix de la capitalisation est plus avantageux pour un contribuable, dès lors que son taux marginal est supérieur à 44,44%, si l'on ne tient pas compte de la CSG (ni de la CRDS et du prélèvement social de 2%).

En tenant compte de ce que la CSG est partiellement déductible en cas d'imposition des revenus de capitaux mobiliers au barème et non déductible en cas d'imposition de la plus-value au taux proportionnel de 16%, un calcul arithmétique permet de constater que le taux précédent, au-delà duquel l'option pour la perception du dividende et son imposition au barème est plus intéressante, est ramené à 42%.

Enfin, d'un point de vue pratique, il conviendrait de ne pas méconnaître, pour l'imposition des revenus provenant des bénéfices des entreprises, une certaine neutralité fiscale, afin de ne pas rendre pour l'actionnaire la rentabilité du placement dépendante du régime fiscal de la société (société relevant de l'IR ou société soumise à l'IS) et du type de société choisi (sociétés de capitaux ou sociétés de personnes).

De plus, ainsi que l'indique le Conseil des impôts dans son rapport précité, la suppression de l'avoir fiscal et son remplacement par un prélèvement libératoire sur les revenus d'actions et de parts sociales devrait, selon cette instance, être écarté pour des raisons d'équité, car le nouveau dispositif entraînerait un renforcement de la charge de l'impôt pour les contribuables les moins imposés, dont le taux marginal à l'impôt sur le revenu est inférieur au taux du prélèvement libératoire, et un allégement de l'impôt pour les contribuables aisés se trouvant dans la situation inverse, compte tenu du niveau élevé du taux marginal d'imposition dont ils relèvent. Un système optionnel fondé sur le choix entre l'imposition au barème ou un prélèvement libératoire, doit être par ailleurs repoussé en raison de sa complexité.

Néanmoins, l'avoir fiscal représente de plus en plus une spécificité française et, ainsi que l'indique le tableau précédent, il introduit un facteur de distorsion entre l'imposition des revenus du capital et celle des revenus du travail, au titre de l'impôt sur le revenu. Il est donc possible d'envisager la révision de ses modalités, ou plutôt sa suppression et son remplacement par une modification du régime de l'abattement de 8.000/16.000 francs prévu à l'article prévu au 3 de l'article 158 du code général des impôts.

Envisager une limitation des possibilités de cumul, grâce à la création, par exemple, d'incompatibilités entre la détention de différents produits, n'apparaît pas praticable.

En ce qui concerne l'épargne réglementée, il apparaît clairement que toute restriction au cumul tendrait à rendre inopérante la création de nouveaux produits, alors que ces nouveaux produits peuvent avoir un intérêt essentiel pour orienter l'épargne vers un secteur économique donné. S'agissant des déductions et réductions d'impôts, la même remarque vaut, les arbitrages des contribuables conduisant nécessairement à défavoriser certains secteurs.

· Une approche globale n'est pas non plus des plus aisées.

Une première approche globale consistant à faire entrer l'ensemble des revenus dans le régime de l'imposition au barème risquerait d'accroître les risques de délocalisation des produits de l'épargne vers l'étranger, dès lors que la retenue à la source prévue le projet de directive européenne relative à l'imposition minimale des revenus de l'épargne serait de 20%.

Une deuxième approche fondée sur la généralisation des prélèvements libératoires pénaliserait les petits contribuables relevant au barème d'un taux marginal inférieur à celui du prélèvement libératoire.

Une approche globale inspirée de l'alternative minimum tax (AMT), impôt minimum alternatif s'appliquant à l'ensemble des revenus, mis en place aux Etats-Unis apparaît également complexe à gérer, car elle implique une double liquidation de l'impôt.

Néanmoins, il semble que ce soit la solution la meilleure, dès lors que, dans le cadre d'une réforme fiscale d'ensemble, il serait possible d'établir une règle garantissant qu'aucun revenu n'échapperait à cet impôt et que le législateur serait suffisamment discipliné pour ne pas multiplier les avantages fiscaux sous prétexte que la mise en jeu de l'impôt minimum alternatif en limiterait la portée.

En effet, un tel impôt permet de bénéficier des avantages des instruments de politique fiscale fondés sur des réductions d'impôt, sans conduire à un dispositif d'ensemble contestable, car générateur de différences de cotisations d'impôt sur le revenu trop importantes.

L'impôt minimum alternatif aux Etats-Unis

L'impôt minimum alternatif ou alternative minimum tax (AMT), se calcule en appliquant au revenu imposable, après réintégration de certains avantages fiscaux, un taux de 26% ou de 28%, selon que le niveau du revenu ainsi recalculé ou alternative minimum tax income (AMTI) atteint ou non le seuil de 175.000 dollars.

Il ne concerne pas l'ensemble des contribuables, car il n'est calculé, et dû, si le niveau de l'AMTI dépasse un certain niveau, variable en fonction de la situation du contribuable. En dessous de ce seuil, l'impôt minimum alternatif n'est pas dû.

Si l'impôt calculé selon les règles de droit commun est inférieur à l'impôt minimum, le contribuable doit acquitter le montant de l'impôt minimum. Le supplément est alors considéré comme un crédit d'impôt pour le calcul des cotisations fiscales des années ultérieures, au titre de l'impôt sur le revenu. Ce crédit d'impôt ne pourra cependant pas conduire le contribuable à acquitter un impôt inférieur à l'impôt minimum, une année donnée.

L'impôt minimum alternatif représente une solution jugée simple et universelle, adoptée par le Congrès américain pour limiter le recours aux avantages fiscaux.

B.- L'IMPÔT SUR LA FORTUNE : ÉTUDIER LA CONSOLIDATION DE SA LÉGITIMITÉ GRÂCE À L'ÉLARGISSEMENT DE SON ASSIETTE, LA RÉDUCTION DES TAUX, LE RELÈVEMENT DU SEUIL D'EXONÉRATION ET LA SUPPRESSION DE LA LIMITATION DU PLAFONNEMENT

Dans sa forme actuelle, l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) fait l'objet de deux ordres de critiques : son assiette est étroite, en raison de l'exonération des biens professionnels et des _uvres d'art ; la limitation du plafonnement fait que le montant cumulé de l'impôt sur le revenu et de l'ISF peut dépasser celui des revenus de l'année, ce qui provoque le transfert à l'étranger de leur domicile fiscal par certains contribuables.

La question de l'élargissement de l'assiette et celle de la suppression de la limitation du plafonnement peuvent donc être examinées.

1.- L'extension de l'assiette de l'ISF, la réduction des taux et le relèvement du seuil

L'impôt sur la fortune se caractérise en France par une assiette étroite et des taux relativement élevés.

La question d'une extension de son assiette est régulièrement évoquée.

Deux éléments sont principalement évoqués : les biens professionnels et les _uvres d'art.

S'agissant des biens professionnels, de « l'outil de travail », une intégration est envisageable, soit dans le cadre d'un barème spécifique, soit dans le cadre du barème général, mais en s'accompagnant d'une réduction des taux et en élevant le seuil d'assujettissement à l'ISF, qui est actuellement de 4,7 millions de francs.

Cette intégration serait d'autant plus conforme à l'équité que le dispositif actuel d'exonération exige, pour les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés, ce qui concerne la majeure partie des entreprises françaises, que trois conditions soient simultanément remplies, ce qui n'est pas sans poser problème vis-à-vis de personnes se trouvant dans  des situations similaires, mais ne pouvant pas bénéficier de l'exonération, car l'une de ces trois conditions n'est pas strictement remplie.

Conformément à l'article 885 O bis, il convient, pour bénéficier de l'exonération de l'ISF au titre de l'outil de travail :

- d'être dirigeant ;

- de détenir une participation substantielle dans le capital de l'entreprise, d'au moins 25 % ;

- de percevoir de la société une rémunération, normale, au moins égale à la moitié des revenus soumis à l'impôt sur le revenu.

D'une manière un peu provocatrice, on peut observer, comme l'a fait remarquer plusieurs fois M. Maurice Cozian, professeur émérite des Universités et ancien membre du Conseil des impôts, que l'exonération concerne les vrais capitalistes, dirigeant effectivement leur entreprise et bien payés. A contrario, ceux qui restent dans l'ombre à des fonctions de direction non moins stratégiques, qui ont une part trop faible du capital ou qui sont peu payés doivent acquitter l'ISF. On voit à quel point on est loin d'un prélèvement assis sur la capacité contributive de chacun.

En ce qui concerne les _uvres d'art, on rappellera que cette appellation synthétique recouvre en fait deux types de biens :

- d'une part, les objets d'art ou de collection : tapis, tapisseries, tableaux, peintures et dessins, gravures, estampes, lithographies, timbres-poste, statues et sculptures, émaux et céramiques ainsi qu'objets de collection, c'est-à-dire les _uvres originales et de valeur ;

- d'autre part, les objets d'antiquité de plus de cent ans d'âge (meubles, tapisserie, articles de joaillerie ou de ferronnerie etc.), de toutes valeurs.

On rappellera que l'imposition des _uvres d'art a été envisagée soit sur la base de leur valeur vénale, mais cette formule ne paraît pouvoir être retenue car elle implique un pouvoir de vérification sur place de l'administration fiscale qui sera vite perçu comme trop fort, soit sur une base forfaitaire, avec un taux égal à 5% ou à 3% de la valeur de l'actif assujetti à l'ISF.

Ce dernier procédé est d'une grande simplicité. Il est calqué sur celui existant en matière de droits de succession avec le forfait mobilier de 5%.

Il présente cependant un certain désavantage, celui de majorer d'une manière uniforme l'impôt de l'ensemble des assujettis et de provoquer, à fortune égale, une augmentation de l'impôt plus importante pour les contribuables dont le patrimoine ne comprend que peu ou pas d'actif exonéré, s'il n'est pas procédé, simultanément à une extension de l'assiette des _uvres d'art, à un assujettissement des biens professionnels.

En cas d'extension de l'assiette aux _uvres d'art, on pourrait prévoir un maintien de l'exonération pour les propriétaires qui accepteraient que celles-ci soient exposées au public au moins une fois par an, selon des modalités qu'il reste à définir.

Une extension de l'assiette de l'ISF, quelles que soient ses modalités, devrait permettre d'envisager de procéder à une réduction des taux ou à un relèvement du seuil d'imposition, lequel est actuellement de 4,7 millions de francs.

2.- La suppression de la limitation du plafonnement du montant total de l'ISF et de l'impôt sur le revenu par rapport aux revenus

Le cumul de l'ISF et de l'impôt sur le revenu peut, dans certains cas, dépasser le montant des revenus de l'année, et conduire ainsi les contribuables à décapitaliser pour acquitter l'impôt.

C'est notamment le cas des contribuables qui ont un patrimoine très important et qui perçoivent peu de revenus. Le cas des actionnaires minoritaires dans des grandes entreprises familiales est souvent cité.

Cette situation est issue de la limitation du plafonnement général du cumul IR-ISF en 1995, prévue dans le cadre de la loi de finances pour 1996. On rappellera que c'est la loi de finances pour 1989 qui avait prévu un plafonnement à 70 % du revenu global annuel et que ce taux a été porté à 85 % par la loi de finances pour 1991.

Cette limitation du plafonnement a fait l'objet de réaménagements, sur certains points de détail, depuis 1996, mais le mécanisme de base n'a pas été modifié.

Actuellement, le dispositif prévoit que si le total de l'IR et de l'ISF ne peut excéder 85 % du revenu, l'excédent vient en diminution de l'ISF dans la limite de 50% du montant de l'ISF dû avant plafonnement ou dans la limite de 72.570 francs (montant de l'impôt correspondant à un patrimoine taxable égal à la limite supérieure de la troisième tranche du barème).

Ainsi :

- les contribuables dont l'ISF initial est inférieur à 72.570 francs bénéficient d'un plafonnement intégral, sans limitation. Cela concerne en fait les patrimoines déclarés inférieurs à 15,160 millions de francs ;

- ceux dont l'ISF initial est compris entre 72.570 francs et 145.140 francs bénéficient d'une réduction égale à 72.570 francs. Ce dispositif concerne les patrimoines supérieurs à 15,160 millions de francs et inférieurs à 22,642 millions de francs ;

- ceux dont l'ISF initial est supérieur à 145.140 francs bénéficient d'une réduction au plus égale à la moitié de cette cotisation initiale, même si celle-ci dépasse 72.500 francs. Si celle-ci est de 190.000 francs, la réduction sera ainsi de 95.000 francs. Sont concernés les titulaires de patrimoines déclarés supérieurs à 22,642 millions de francs.

Pour les titulaires de patrimoines très élevés, de plusieurs dizaines voire plusieurs centaines de millions de francs, le cumul IR et ISF peut ainsi s'avérer confiscatoire. Ce caractère confiscatoire est à l'origine de certains départs à l'étranger.

Afin d'éviter cette difficulté, on peut envisager de rétablir le dispositif mis en place en 1989 et 1991, à savoir un plafonnement sans limite du total IR-ISF, à 85 % du revenu.

Ce retour à la situation d'avant 1996 ne serait pas injustifié, dans le cadre d'un règlement d'ensemble des questions touchant à l'ISF, puisque la loi de finances pour 1999, ayant intégré dans la base de calcul du plafonnement des éléments de revenu non pris en compte antérieurement (revenus exonérés, revenus soumis à prélèvements libératoires) et ayant modifié les règles de prise en compte des déficits sur les revenus catégoriels, a corrigé les insuffisances du dispositif de 1989-1991 qui avait conduit à prévoir en 1995 le « plafonnement du plafonnement ».

On rappellera que la limitation du plafonnement a été estimée par le Conseil des impôts dans le cadre de son rapport précité comme rapportant 475 millions de francs au Trésor public. La suppression de ce plafonnement coûterait certes ce montant en termes de pertes de recettes, mais son effet psychologique serait essentiel si elle atteignait son objectif : freiner les transferts à l'étranger des domiciles fiscaux des gros contribuables, voire inverser la tendance ; cela revient à conserver une matière fiscale très substantielle.

La question la plus délicate est celle du nombre de titulaires de grandes fortunes qui procèdent à un transfert de leur domicile à l'étranger, en Suisse ou à Londres, pour l'essentiel.

Ce serait le cas de quelques dizaines de contribuables tout au plus, selon l'administration. Ces chiffres sont très inférieurs à la réalité.

Le nombre total serait de plusieurs centaines, selon de nombreux observateurs (environ 200 à Londres).

En l'absence d'étude officielle, il est difficile de se prononcer tant sur le nombre des délocalisations que sur le montant des bases d'impositions concernées.

Néanmoins, ce mouvement de délocalisation est suffisamment important pour que de nombreux professionnels du droit ou du patrimoine aient eu à s'y intéresser, en France comme à l'étranger.

Il convient ainsi de ne pas méconnaître la portée de ce phénomène, votre Rapporteur soulignant qu'il n'est pas de l'intérêt de l'Etat et de la collectivité de voir s'échapper des bases d'impositions sur lesquelles une part significative de l'impôt ne pourra plus être assise. Cela n'empêche pas de s'interroger sur le patriotisme de ceux qui délocalisent et s'inscrivent dans une tradition des plus détestables.

Globalement, s'agissant de l'impôt sur la fortune, votre Rapporteur estime qu'un élargissement de l'assiette couplé avec la réduction des taux ainsi que le relèvement du seuil d'exonération et la suppression de la limitation du plafonnement, constituent les hypothèses de base d'un nouvel équilibre de cet impôt très symbolique, hypothèses qu'il convient d'étudier pour l'avenir afin d'asseoir définitivement sa légitimité.

Cependant, le principal  obstacle à l'acceptation de cette réforme est l'absence de confiance dans la capacité  à maintenir un impôt avec un taux faible, d'une manière durable et pérenne.

Aussi, votre Rapporteur juge-t-il nécessaire de continuer à travailler.

Il considère notamment que l'ensemble des questions relatives à l'ISF ne peut que faire l'objet d'un règlement global, sauf modification marginale.

C.- LES DROITS DE MUTATION À TITRE GRATUIT :  CLARIFIER ET MORALISER LES MODALITÉS DE LA TRANSMISSION À TITRE GRATUIT DE LA PROPRIÉTÉ

Ainsi que le notait le Conseil des impôts dans le cadre de son seizième rapport au Président de la République (1998), relatif à l'imposition du patrimoine, les possibilités offertes par notre droit, notamment par le droit des assurances, par le droit civil et le droit fiscal, permettent d'éviter ou de retarder le paiement des droits de mutation à titre gratuit, ainsi que d'en diminuer le montant.

Sans aller jusqu'à remettre en cause le principe de l'exonération de droits de donation ou de succession pour le capital transmis dans le cadre d'un contrat d'assurance vie, il conviendrait de limiter la portée de ces dispositifs favorables, connus d'une faible minorité, sauf à créer à terme des inégalités de patrimoine qui ne devraient rien au talent, mais tout à l'Etat et à la manière d'utiliser les faiblesses de ses lois.

Actuellement, le système est en effet trop complexe et permet d'éviter l'impôt sur les successions pour les titulaires de patrimoines très importants lorsqu'ils sont bien conseillés et qu'ils ne décèdent pas prématurément.

En effet, chacun des parents peut effectuer une donation à chaque enfant, tous les dix ans, de biens en pleine propriété, en nue-propriété ou en usufruit, à concurrence de 300.000 francs, sans que des droits de donation doivent être acquittés.

Sur cette base, sachant que l'enfant mineur, avant même sa naissance, dès lors qu'il est conçu, peut bénéficier d'une donation, et que le barème de l'article 762 du code général des impôts, applicable aux mutations à titre gratuit, prévoit que la valeur d'un bien en nue-propriété est d'autant plus faible que l'âge du donateur qui se réserve l'usufruit est faible, il est possible, pour un ménage aisé qui engage sa stratégie de transmission patrimoniale très tôt, de transmettre en franchise de droits un patrimoine substantiel, de l'ordre de 5 millions de francs par enfant.

Cette stratégie repose sur la transmission :

a) de 300.000 francs en nue propriété, soit 600.000 francs en pleine propriété, par parent avant 40 ans,

b) de 300.000 francs également en nue propriété, soit 500.000 francs en pleine propriété, avant 50 ans,

c) de 300.000 francs également en nue propriété, soit 428.000 francs en pleine propriété, avant 60 ans,

d) de 300.000 francs également en nue propriété, soit 375.000 francs en pleine propriété, avant 70 ans,

e) de 300.000 francs également en nue propriété, soit 333.000 francs en pleine propriété, après 70 ans.

Si, en outre, les parents décèdent après l'âge de 90 ans, il faudra ajouter 300.000 francs de plus au titre de l'abattement de droit commun sur le montant de la succession.

Dans cette dernière hypothèse, la plus favorable, chaque enfant reçoit en franchise de droit de chacun de ses parents 2,536 millions de francs, soit 5,06 millions de francs au total.

Comme ce dispositif n'est en place que depuis 1992, il n'a pu donner ses effets pleins. On mesure cependant la menace qu'il représente pour les droits de successions, pour l'avenir.

Combiné avec le régime, très favorable, de l'assurance-vie et les réductions de droits de mutation à titre gratuit pour les donations opérées avant que le donateur n'ait atteint l'âge de 65 ans ou de 75 ans, il permettrait à terme, s'il était maintenu, à la quasi-totalité des patrimoines concernés d'échapper aux droits de mutation à titre gratuit, sauf lorsque les parents seraient décédés prématurément ou qu'ils auraient été imprévoyants, mal conseillés ou peu soucieux des intérêts de leur descendance.

La solution passe, selon votre Rapporteur, par l'adoption d'une règle simple reposant sur une forte augmentation de l'abattement en faveur des enfants, qui serait porté à un million de francs et qui concernerait tous les biens reçus dans le cadre de l'ensemble des mutations à titre gratuit dont bénéficierait chaque enfant de la part de ses deux parents. Cette mesure concernerait ainsi les diverses donations effectuées entre vifs comme la succession proprement dite.

Ce montant serait indexé sur la limite supérieure de la dernière tranche du barème de l'impôt sur le revenu afin d'éviter que l'inflation, même si elle est actuellement limitée, ne rogne progressivement cet avantage.

Cette proposition ne peut intervenir immédiatement, car elle appelle en complément une réflexion sur le barème des mutations, le niveau des taux et les seuils des tranches, laquelle dépasse le cadre du présent rapport.

D.- SÉCURISER LES TRANSACTIONS INTERNATIONALES INTERNES AUX GROUPES EN DÉVELOPPANT LA PROCÉDURE DE L'AGRÉMENT PRÉALABLE AUX PRIX DE TRANSFERT (APPT)

Le développement de l'internationalisation des échanges et la constitution de groupes de taille mondiale raisonnant sur la base d'un marché universel et organisant des échanges de produits entre leurs différentes filiales de production et de distribution implantées dans différents pays, a accru l'importance économique des prix de transfert, c'est à dire des prix et conditions pratiqués par les différentes sociétés ou les différents établissements d'un groupe, pour leurs échanges ou leurs ventes mutuelles de marchandises, de services ou d'actifs.

Les variations, et parfois les manipulations, de prix de transfert ont pour effet de majorer le bénéfice imposable dans un pays et le minorer par voie de conséquence dans un autre pays. Si une entreprise qui cède des ordinateurs au prix unitaire de 1.000 dollars à sa filiale française augmente son prix de vente de 20 dollars, la base imposable en France diminue de ce même montant.

La sensibilité de la question fait que l'OCDE a été conduite à déterminer les principes que doit respecter la pratique des prix de transfert et à rappeler les éléments suivants :

- la reconnaissance du principe dit de pleine concurrence comme supérieur à tout autre pour guider la répartition des profits au sein des groupes ;

- la nécessité d'une certaine souplesse pour déterminer la comparabilité qui doit présider à la méthode traditionnelle dite du prix comparable sur le marché libre ;

- la plus grande fiabilité des méthodes fondées sur les transactions pour l'application du principe de pleine concurrence ;

- la pertinence, dans une mesure limitée, des méthodes fondées sur les bénéfices ;

- le rejet de toute méthode de taxation dite unitaire.

L'OCDE a ensuite avancé plusieurs méthodes pour la détermination des prix de pleine concurrence, tout en reconnaissant que la fixation des prix de transfert n'était pas une « science exacte », ce qui nécessite une part d'appréciation personnelle :

- la méthode du prix comparable à celui du marché de pleine concurrence (dite CUP pour Comparable uncontrolled price), la plus satisfaisante, car elle propose de prendre pour base de comparaison le prix de transaction entre deux entreprises indépendantes ;

- la méthode du prix de revente (« resale less »), consistant à retenir le prix de vente final et à défalquer une marge appropriée, jugée normale ;

- la méthode du prix de revient majoré, dite du « cost plus », qui consiste à appliquer une marge bénéficiaire appropriée sur le coût de production ;

- la méthode transactionnelle du partage des bénéfices (« profit split »), qui consiste à déterminer le montant global des bénéfices provenant de certaines transactions contrôlées et à l'effectuer sur une base de répartition fonctionnelle ;

- la méthode transactionnelle de la marge nette, consistant à déterminer, à partir d'une référence appropriée comme les coûts, les ventes ou les actifs, la marge bénéficiaire nette que réalise un contribuable au titre d'une transaction contrôlée.

Pour le contrôle des prix de transfert et l'application de ces principes, apparus au fur et à mesure de l'évolution des techniques fiscales, les Etats ont développé des procédures strictes similaires dans leur objet à celles prévues par notre législation fiscale, tant dans le cadre de l'article 57 du code général des impôts que dans celui de l'article L. 13 B du livre des procédures fiscales. On observera que, pour éviter les doubles impositions en cas de redressement à la suite d'opérations de contrôle fiscal, des procédures de règlement amiable relevant des conventions bilatérales destinées à éviter les doubles impositions sont prévues pour s'accorder sur un résultat qui garantisse les intérêts de chaque Etat et de l'entreprise.

Néanmoins, en pratique, les prix de transfert sont difficiles à contrôler et, en cas de litige, font nécessairement l'objet de procédures incertaines.

Ainsi, face à une situation difficile pour l'ensemble des parties, les Etats-Unis, puis des pays européens, le Royaume-Uni et l'Allemagne, ont établi une procédure d'agrément préalable aux prix de transferts (Advance pricing agreement ou APA). Le Japon a établi une procédure similaire.

Une telle procédure, qui s'apparente au rescrit (4), mais relève davantage d'une démarche contractuelle, permet à l'administration fiscale et à l'entreprise de conclure un accord sur la méthode qui prévaudra pour évaluer les prix de transfert, parmi les techniques précédemment évoquées.

L'entreprise y trouve une garantie de stabilité, et donc de sécurité. Cet élément est d'autant plus important que, s'il est jugé satisfaisant, l'accord peut être appliqué rétroactivement par l'administration et par le contribuable, ce qui permet de régler ou d'éviter les contentieux sur les années passées.

L'administration fiscale y gagne en efficacité, car tant qu'elle considère qu'elle ne peut donner son accord, elle peut demander à l'entreprise et obtenir d'elle des données qu'elle aurait eu les plus grandes difficultés à trouver, même à l'occasion d'une procédure de contrôle fiscal. Toutefois, ces informations ne peuvent être utilisées à des fins de contrôle fiscal.

Un suivi de l'exécution de l'APA est prévu. Ainsi, une procédure d'adaptation en cas de mutation économique importante ou en cas de changement de la structure du groupe et de la nature des relations avec certains fournisseurs peut être mise en _uvre. L'accord a une durée limitée, de cinq ans en général. Il peut être reconduit, si son application s'avère satisfaisante.

Aux Etats-Unis, cent cinquante APA ont été conclus depuis 1991 et il reste cent-quatre-vingt dossiers en cours. Environ cinquante dossiers sont traités chaque année.

Au Royaume-Uni, quelque quinze accords bilatéraux auraient été conclus. Ils concerneraient les relations commerciales avec les Etats-Unis.

Les accords préalables aux prix de transfert au Royaume-Uni

Au Royaume-Uni, les accords préalables en matière de prix de transfert sont conclus entre le Board of Inland Revenue et un contribuable. Ils définissent une méthode visant à résoudre préalablement à l'établissement d'une déclaration, les problèmes relatifs aux prix de transfert, en application d'une disposition législative, les sections J 4501-4503 de la législation fiscale, prévue par la loi de finances pour 1999.

Ils garantissent ainsi que les modalités de règlement des prix de transfert sont acceptés par l'administration fiscale comme par le contribuable, tant que les termes de l'accord sont respectés.

L'objectif est de déterminer les prix de transfert conformément au principe de pleine concurrence (« dealing at arms length ») définis par l'OCDE.

En pratique, un accord a pour objet de déterminer la clause de pleine concurrence, les bénéfices imputables à une succursale ou une agence par l'intermédiaire de laquelle des transactions sont effectuées au Royaume-Uni et du montant de tout revenu provenant d'opérations effectuées hors du Royaume-Uni, imputable à toute succursale étrangère d'une entreprise britannique.

Deux types d'accord sont prévus : les accords unilatéraux, qui n'assurent qu'un règlement partiel du problème, puisque l'accord n'engage que le contribuable et l'administration fiscale britannique et qu'il n'élimine pas le problème de la double imposition, au Royaume-Uni et dans le pays d'implantation de l'entreprise liée ; les accords bilatéraux, destinés à éliminer ce risque de double imposition, lorsqu'une convention fiscale a été conclue entre le pays concerné et le Royaume-Uni. L'accord est alors recherché dans le cadre des procédures amiables prévues par la convention entre administrations fiscales.

La durée d'un accord n'est pas fixe. Il est cependant prévu une durée minimale de trois ans et une durée maximale de cinq ans.

Une certaine rétroactivité est prévue, puisqu'un accord peut s'appliquer à la période échue allant du dépôt de la demande à la date de sa conclusion. En outre, de manière pragmatique, le texte d'application défini par l'administration fiscale britannique prévoit que la méthode retenue peut être mise en _uvre pour résoudre les problèmes antérieurs, si les éléments de fait sont identiques.

Les renseignements communiqués par le contribuable sont considérés comme confidentiels. Cependant, comme les éléments communiqués sont susceptibles d'être utilisés dans le cadre des procédures de contrôle fiscal, contrairement à ce qui se passe aux Etats-Unis, les premières démarches sont effectuées sur une base anonyme.

Lorsqu'il est conclu, l'accord engage tant l'administration fiscale que le contribuable.

Un suivi de l'accord est prévu. Le contribuable doit en effet déposer, à l'issue de chaque exercice, un rapport sur l'observation régulière de l'accord. Ces rapports doivent notamment mentionner la confirmation de ce que la méthode retenue a été appliquée au cours de l'exercice, le bilan de cette méthode, le détail des ajustements compensatoires effectués afin d'adapter les résultats d'exploitation des entreprises, lorsqu'un décalage a été constaté entre les prix facturés et les prix calculés conformément à l'accord, ainsi qu'une évaluation de la validité passée et présente de la règle de base.

La principale difficulté est de déterminer la méthode adéquate qui permettra de savoir si les prix pratiqués sont justes, c'est-à-dire correspondent aux conditions qui seraient retenues pour l'échange entre deux sociétés non liées dans un contexte de pleine concurrence. Sans entrer dans le détail, plusieurs méthodes d'évaluation des prix de transfert sont possibles, faisant référence aux coûts, aux prix des produits identiques ou similaires ou aux marges, chacune d'entre elles étant mieux adaptée à certaines situations qu'à d'autres.

Un accord peut être révoqué ou annulé si l'administration découvre qu'un contribuable a déformé ou omis certains faits susceptibles d'influer considérablement sur la fiabilité des accords quant au respect du principe de pleine concurrence. S'agissant des accords bilatéraux, le pays cocontractant est alors consulté.

Un accord peut être révisé, lorsque les circonstances précises rendant la méthode retenue caduque se produisent.

Enfin, une entreprise peut solliciter le renouvellement d'un accord six mois au moins avant son arrivée à échéance.

Les accords préalables aux prix de transfert relèvent au Royaume-Uni de la protection de la confidentialité, au même titre que les autres informations relatives aux contribuables. Les renseignements échangés avec le pays cosignataire de la convention relèvent de la même protection.

Une telle procédure est actuellement mise en _uvre en France, sur une base très limitée, dans le cadre de la procédure de rescrit prévue dans le cadre du 1° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, qui précise que le contribuable ne peut subir aucun rehaussement d'impôt si l'administration a pris formellement position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal.

Un projet d'instruction est en cours de préparation.

Il prévoit seulement des accords bilatéraux conclus entre deux Etats par les administrations fiscales compétentes dans le cadre de la procédure amiable prévue par chaque convention fiscale destinée à éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur les sociétés.

Sur le plan de la procédure, la question de la nécessité d'un texte législatif pour mettre en place à un titre autre qu'expérimental les accords préalables en matière de prix de transfert peut être discutée.

Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie considère pour l'instant qu'un tel texte n'est pas indispensable.

On peut lui en donner acte, dans un premier temps, même si votre Rapporteur considère que cela exprime trop de frilosité et n'est pas conforme à la transparence indispensable, transparence qui est l'un des principes essentiels auxquels ce rapport renvoie.

Néanmoins, dans un délai qui doit être bref, une fois les enseignements des premières expériences tirés, une base législative apparaît indispensable. Elle pourrait trouver son expression à l'occasion de la loi de finances pour 2001 ou 2002.

En effet, on ne manquera pas d'observer que, pour être complète, la procédure doit prévoir que :

- l'accord peut s'appliquer rétroactivement, ce qui n'est pas prévu dans le cadre de la procédure de rescrit ;

- le contribuable doit remettre un rapport annuel, ce que la procédure de rescrit ne prévoit pas non plus ;

- les informations communiquées par l'entreprise ne doivent pas pouvoir être utilisées dans le cadre des contrôles fiscaux ;

- l'entreprise doit accepter de négocier avec l'administration centrale, et en présence de l'un des fonctionnaires locaux des impôts qui suit son dossier ;

- l'accord peut être renouvelé selon une procédure allégée en l'absence de modification substantielle de l'activité ;

En revanche, il faut prévoir que le principe selon lequel l'accord est nul si un renseignement erroné a été communiqué à l'administration, cette nullité étant rétroactive, est commun au rescrit et à la procédure d'accord préalable sur les prix de transfert.

En outre, votre Rapporteur souhaite insister sur la nécessité de respecter le principe de transparence et de prévoir une procédure assurant, dans le respect du secret professionnel, une certaine publicité au contenu des accords préalables aux prix de transfert qui seraient conclus entre des entreprises et l'administration fiscale, afin de conforter la légitimité démocratique de la procédure, ceci à l'instar de ce qui se fait dans certains pays étrangers.

Globalement, notamment pour ce dernier motif, un texte législatif sera donc nécessaire.

En outre, votre Rapporteur ne peut pas ne pas relever qu'il serait dommage et dommageable de ne pas associer le législateur à une avancée aussi essentielle.

E.- DÉPASSER PAR DES DISPOSITIONS SPÉCIFIQUES LES CONTRAINTES ISSUES DE LA NÉCESSAIRE STABILITÉ DES MODALITÉS GÉNÉRALES DE RÉPRESSION DES ABUS DE DROIT

La procédure de sanction des abus de droit est difficile à mettre en _uvre, pour l'administration fiscale.

Conformément aux règles précisées par la jurisprudence, cette procédure exige de l'administration fiscale qu'elle apporte la preuve que l'acte, ou les actes, permettant d'éluder ou de diminuer l'impôt, sont soit fictifs, soit à but exclusivement fiscal. La preuve peut être mise à la charge du contribuable, si l'avis du comité consultatif des abus de droit est favorable à l'administration.

Lorsqu'elle est mise en _uvre, cette procédure est efficace, car elle permet à l'administration de procéder à une requalification des actes juridiques. Par exemple, une vente fictive sera requalifiée en donation.

Une extension des facultés de mise en jeu de l'abus de droit peut être envisagée sous deux angles.

a) Une première possibilité d'assouplissement de la législation consisterait à permettre à l'administration de procéder à la requalification des actes ou des ensembles d'actes à but principalement ou essentiellement fiscal.

On peut néanmoins craindre que cette solution ne conduise à donner à l'administration un pouvoir discrétionnaire trop important, car l'un des principes fondamentaux du droit fiscal est que le contribuable qui se trouve face à plusieurs solutions fiscales n'est jamais obligé de choisir la solution la plus défavorable pour lui.

Aussi, après avoir beaucoup consulté sur ce point, et sans reprendre les considérations au fond sur la notion, qui avait fait l'objet de longs développements dans le cadre du rapport d'étape précité n° 1105, votre Rapporteur juge-t-il plus sage d'écarter cette solution.

b) Une deuxième solution consisterait à modifier les dispositions du code général des impôts de manière à redéfinir les abus de droit au fur et à mesure que l'ingénierie fiscale développe les techniques de fraude à l'esprit de la loi.

Cette technique plus pragmatique paraît plus satisfaisante à votre Rapporteur, même si elle implique des modifications législatives ponctuelles au fur et à mesure que se précise l'apparition et la mise en _uvre de montages contraires à l'esprit de la loi fiscale.

*

* *

RÉCAPITULATIF DES PROPOSITIONS DU RAPPORTEUR

Votre Rapporteur a souhaité procéder à une récapitulation des propositions avancées dans le corps du rapport.

Certaines d'entre elles, qui relèvent du domaine législatif, feront l'objet d'amendements dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2000.

1. Faciliter l'accès du citoyen à la loi fiscale et à l'administration fiscale

Afin de faciliter l'accès du citoyen à la loi fiscale et à l'administration fiscale, en complément de l'action de modernisation du contrôle fiscal et de renouvellement de la relation avec le contribuable engagée par la direction générale des impôts, votre Rapporteur propose quatre mesures :

. améliorer la transparence du recouvrement des rappels d'imposition en publiant chaque année, dans le cadre du fascicule Evaluation des voies et moyens annexé au projet de loi de finances, les éléments relatifs à la portée réelle et à l'efficacité du contrôle fiscal. Il s'agit, d'une part, des informations relatives aux transactions, remises et modérations accordées par l'administration après contrôle fiscal, d'autre part, d'un indice de performance du contrôle fiscal fondé sur le rapprochement du montant des rappels et de celui des recouvrements effectifs ;

. renforcer les procédures de médiation intervenant lors des opérations de contrôle fiscal, en instituant le principe de l'indépendance de l'interlocuteur - départemental pour le cas général - et en rendant obligatoire pour l'administration fiscale de motiver sa décision dans les cas où elle ne suivrait pas les recommandations de l'interlocuteur ;

. organiser des campagnes d'information sur les dispositions adoptées dans le cadre de la loi de finances de l'année ;

. enseigner, dans les écoles, dans le cadre de l'instruction civique, les principes de base de l'impôt, afin de former et renforcer l'esprit citoyen.

2. Lutter contre la grande criminalité organisée, la grande délinquance financière et la grande fraude fiscale au plan international

- Dans le cadre de la lutte contre la grande fraude fiscale internationale, ainsi que contre le blanchiment des produits de la grande criminalité organisée et de la grande délinquance financière internationale - ces problèmes étant assez liés dans la mesure où les capitaux en cause empruntent les mêmes circuits - votre Rapporteur propose de manière prioritaire de soutenir la participation de la France aux grandes actions de coopération internationale tendant au démantèlement des paradis fiscaux :

. il s'agit, d'abord, des initiatives engagées à l'échelon de l'Union européenne en vue tant d'établir un niveau minimum d'imposition effective des revenus de l'épargne que de démanteler les régimes fiscaux préférentiels générateurs d'une concurrence fiscale dommageable, conformément aux objectifs fixés par le code de conduite en matière de fiscalité des entreprises ;

. il s'agit, ensuite, de celles engagées dans le cadre de l'OCDE pour supprimer les régimes fiscaux générateurs d'une concurrence fiscale dommageable ;

. enfin, les actions tournées contre le blanchiment de capitaux frauduleux et tendant à assurer le respect des règles financières et prudentielles internationalement reconnues doivent également être poursuivies.

- Au-delà, votre Rapporteur considère qu'il convient de réaliser, à terme, un espace judiciaire et fiscal de coopération internationale sans obstacle à la circulation de l'information nécessaire au déroulement des procédures de sanction des infractions pénales et fiscales.

Il estime naturellement que cet objectif doit être réalisé par priorité au plan européen.

- En outre, votre Rapporteur estime que la spécificité de la construction européenne exige de s'orienter vers une convergence maîtrisée des fiscalités des différents Etats membres de l'Union. Il se prononce ainsi pour une modification des règles de prise de décision, un système de majorité qualifiée étant substituée à la règle de l'unanimité, car l'on constate que cette dernière, empêchant toute prise de décision sur les questions sensibles mettant en cause les intérêts d'un seul Etat, mène directement à un nivellement par le bas de taux d'imposition. Le maintien d'un modèle social continental fondé sur l'accès de tous à des prestations de service public de qualité, notamment en matière d'éducation et de santé, est en effet en jeu. Votre Rapporteur considère également que l'adhésion de nouveaux Etats membres devrait être subordonnée au démantèlement préalable des éventuels régimes fiscaux préférentiels qu'ils ont établis.

- Dans les perspectives précédemment tracées, mais en complément, votre Rapporteur propose des mesures très concrètes, dont certaines sont d'une portée nécessairement limitée, compte tenu de l'étroitesse des compétences du législateur dans les domaines concernés :

. la suppression des aides au développement pour les paradis fiscaux, de telle sorte que la communauté des pays industrialisés indique clairement qu'il est une voie à ne pas suivre, qui conduit à un développement artificiel au préjudice des économies des autres Etats ;

. la déclaration par les personnes physiques des cartes de crédit ou des cartes de paiement détenues auprès d'établissements bancaires ou financiers situés à l'étranger, de telles cartes, fort différentes de celles couramment détenues par les particuliers pour leurs dépenses touristiques à l'étranger, constituant le support privilégié et indissociable de l'utilisation de capitaux frauduleux détenus dans des paradis fiscaux. Le contrôle de la sincérité des déclarations pourrait être effectué lors des passages en douane ;

. l'obligation, pour les contribuables non assujettis à l'ISF, notamment en raison de l'importance du montant de leurs biens exonérés, , de déclarer les avoirs de toute nature qu'ils détiennent à l'étranger ;

. la déclaration par les entreprises, dans le cadre d'un document spécifique, de l'ensemble des charges et transactions donnant lieu à versement dans les paradis fiscaux ou au profit d'une personne bénéficiant d'un régime fiscal privilégié ;

. la suppression de la déductibilité du résultat des entreprises, pour les intérêts d'emprunt versés à des établissements financiers ou à des sociétés établies dans des paradis fiscaux, les prêts correspondants étant souvent destinés à blanchir des capitaux frauduleux grâce à la technique dite du « prêt adossé » ;

. la suppression de la déductibilité du résultat des entreprises, pour les charges donnant lieu à paiement dans l'un des paradis fiscaux dont la liste sera établie par l'OCDE ;

. l'abrogation de l'article L. 80 C du livre des procédures fiscales, qui prévoit la nullité de toute procédure de redressement fiscal et des poursuites éventuellement engagées sur la base de ce redressement, en cas d'intervention auprès d'un contribuable, sur le territoire national, d'un agent d'une administration fiscale étrangère. On rappellera que cette disposition est issue d'un amendement de M. Pascal Arrighi et des membres de la Commission des finances de l'Assemblée nationale appartenant au groupe du Front national [R. N.], adopté en 1987 ;

. le renforcement de la capacité d'expertise de l'administration fiscale grâce à un effort de formation des agents et à la création d'un réseau d'experts extérieurs à l'administration fiscale, mais susceptibles de lui prêter assistance pour le contrôle d'opérations économiques ou financières complexes ;

. le renforcement du nombre des postes d'attaché fiscal et d'attaché douanier, lesquels facilitent grandement la capacité à échanger des renseignements pertinents avec les administrations fiscales et douanières étrangères ;

. le développement de l'efficacité du réseau des conventions fiscales comportant une clause d'échange de renseignements en faveur de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, grâce à la conclusion de nouvelles conventions et à la modernisation des conventions existantes qui ne lèvent pas l'ensemble des obstacles à l'échange d'informations ;

. l'amélioration de l'efficacité du réseau des conventions d'entraide judiciaire internationale en matière répressive et des conventions d'extradition s'appliquant à la fraude fiscale, grâce à la conclusion de nouvelles conventions et à l'amélioration du dispositif des conventions existantes prévoyant des restrictions à l'exercice de l'entraide en matière fiscale ;

. la réalisation, pour les Etats et les territoires présentant un risque fiscal, d'une évaluation des modalités précises de répression de la fraude et l'évasion fiscales, grâce à un examen des dispositions applicables des conventions fiscales et judiciaires, ainsi que, le cas échéant des directives et règlements communautaires, et à une étude de leur articulation avec les dispositions du droit local.

Cette démarche doit éventuellement conduire à la mise à jour des conventions existantes.

3. Mieux réprimer la fraude à la TVA intra-communautaire, notamment la fraude tournante organisée dans le cadre de « carrousels »

Compte tenu de l'accroissement des risques de fraudes à la TVA intra-communautaire, notamment des fraudes à la TVA organisées dans le cadre de « carrousels », constaté tant par les autorités de l'Union européenne que par certains Etats membres, notamment la Belgique, votre Rapporteur propose :

- dans une première étape, une modification de l'article 313-2 du code pénal, dont les dispositions, relatives à l'infraction d'escroquerie de droit commun, s'appliquent également aux fraudes à la TVA en bande organisée, de manière à porter les peines encourues de 7 ans d'emprisonnement et 5 millions de francs d'amende à 10 ans d'emprisonnement et 50 millions de francs d'amende, pour les seules fraudes à la TVA ;

- dans la perspective d'une deuxième étape, de demander au Gouvernement un rapport sur :

· d'abord, la mise en place, au sein du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, d'une section spécialisée, comprenant du personnel de la direction générale des impôts et du personnel provenant de la direction générale des douanes et droits indirects, disposant, sous le contrôle du juge, de compétences de police judiciaire pour la lutte contre la fraude à la TVA, comme c'est le cas du National Investigation Service (NIS) britannique,

· ensuite, la création d'une infraction spécifique de fraude à la TVA en bande organisée avec des peines maintenues à 10 ans d'emprisonnement et 50 millions de francs d'amende, de manière à séparer cette infraction de l'infraction d'escroquerie de droit commun, car elles ne relèvent pas de la même nature,

· enfin, la création, en cas de complicité d'une enseigne commerciale dans une fraude à la TVA, d'une peine complémentaire de diffusion sur l'ensemble des médias, qu'il s'agisse des supports écrits, radiophoniques ou audiovisuels, de la peine principale prononcée contre la société condamnée.

- la création, au niveau communautaire, d'un document d'accompagnement des marchandises ou l'aménagement du contenu des contrats de transport, de manière à renforcer l'efficacité des contrôles à la circulation, en permettant le contrôle des identifiants TVA, et de l'objet social, des expéditeurs et destinataires des marchandises transportées ;

- l'amélioration de procédures de coopération existantes au niveau communautaire, notamment le renforcement de la fiabilité du dispositif automatisé d'échange d'informations, le système VIES (VAT exchange system) ;

- le développement des actions de coopération entre les Etats membres, notamment des opérations de contrôles simultanés dans plusieurs pays de l'Union.

Par ailleurs, s'agissant de la TVA, votre Rapporteur demande l'application du régime légal de la TVA aux navires de plaisance et l'abrogation du moratoire dit Sarkozy qui permet aux propriétaires de navires de grande plaisance de ne pas acquitter la TVA qu'ils devraient.

4. De nouvelles mesures de coordination de modernisation de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales au plan interne

En ce qui concerne la modernisation des dispositions du code général des impôts en vue d'un renforcement de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, votre Rapporteur propose plusieurs dispositions en complément des mesures adoptées dans le cadre de la loi de finances pour 1999.

La création d'une structure de veille et d'observation

Votre Rapporteur propose la création, auprès du Premier ministre, d'un Observatoire de la fraude, organisme de veille destiné à améliorer la capacité de réaction de l'administration vis-à-vis des risques fiscaux, et d'une manière générale, vis-à-vis des risques financiers, et à pallier les difficultés issues du cloisonnement des différentes administrations intervenant dans la lutte contre la fraude et la délinquance financière.

L'observatoire établirait un rapport annuel qui serait remis au Parlement.

Le renforcement de la lutte contre la fraude fiscale

Votre Rapporteur envisage plusieurs mesures de nature à renforcer la lutte contre la fraude fiscale :

- la réduction des possibilités de paiement en espèces avec :

. la réduction à 20.000 francs du plafond des dépenses que les particuliers peuvent régler en espèce. Le seuil de 50.000 francs, retenu dans le cadre de la loi de finances pour 1999, s'avère en effet trop élevé, même si l'on observe une amélioration notable par rapport à l'ancien niveau de 150.000 francs ;

. l'application de cette limite au règlement des primes d'assurance-vie ;

. l'institution d'une amende fiscale de 50% des sommes versées ou reçues, en cas de vente sans facture, dans les relations entre commerçants, de manière à aligner le régime des pénalités applicables en l'espèce sur celui prévu en cas de vente avec des factures falsifiées  ou de vente sans facture.

- la limitation des possibilités d'amélioration du train de vie grâce à la fraude fiscale :

. la réduction de 308.510 francs à 200.000 francs du seuil de l'évaluation forfaitaire minimale du revenu imposable d'après certains éléments du train de vie, en matière d'impôt sur le revenu ;

. la limitation des possibilités d'imputation des dépenses personnelles sur les comptes des sociétés ou des entreprises individuelles, grâce à une information des représentants du personnel, lorsque le montant des charges supportées par les entreprises sur les postes les plus symboliques (véhicules, voyage, frais de restaurant, etc.) a fait l'objet de rectifications de la part de l'administration fiscale ou dépasse la moyenne de la branche.

- le renforcement des modalités du contrôle fiscal :

. l'enregistrement des cessions de police d'assurance-vie, afin d'aligner le régime de ces opérations sur celui des donations et d'éviter que les cessions, par endos, ne puissent permettre de donations indirectes grâce aux cessions de contrats rachetables ;

. rendre obligatoire la déclaration à l'administration fiscale de l'ensemble des dons manuels, ce qui n'est pas actuellement le cas, notamment lorsque l'administration fiscale ne demande pas d'information et que celui qui reçoit ne sera pas appelé à la succession du donateur. Cette préoccupation rejoint celle précédemment exprimée par votre Rapporteur dans le cadre du rapport de la commission d'enquête parlementaire (rapport n° 1687) sur les sectes et l'argent.

- l'encadrement du régime des sociétés civiles et des sociétés à prépondérance immobilière :

. prévoir la remise à l'administration fiscale, chaque année, des comptes (bilan et compte de résultat) des sociétés civiles qui ne sont pas soumises à cette obligation, notamment des sociétés civiles immobilières. Cette obligation permettrait d'éviter des stratégies de donation intervenant dans un cadre opaque ainsi que de vérifier les comptes des sociétés de gestion d'un patrimoine privé indépendamment d'une opération de vérification fiscale des porteurs de parts ;

. rendre obligatoire la formalité de l'acte authentique pour l'élaboration des statuts et les cessions de parts de sociétés civiles immobilières. Il s'agit de mieux contrôler des procédures de transaction et de les aligner sur celles en vigueur pour les immeubles, afin d'éviter notamment que des cessions multiples ne puissent donner lieu à blanchiment de capitaux ;

. supprimer la possibilité de procéder à des paiements hors la vue du notaire, pour les transactions immobilières.

- l'accès des fonctionnaires des impôts aux clefs de décryptage des documents cryptés.

- l'exclusion des sociétés holdings du champ d'application de la disposition limitant à trois mois la durée des vérifications de comptabilité pour les petites entreprises, en réservant cette procédure aux seules sociétés dont l'actif est de moins de 100 millions de francs.

- le renforcement des obligations et des responsabilités des sociétés de domiciliation, afin que les sociétés domiciliées ne puissent plus aussi aisément échapper à leurs obligations fiscales ;

- l'amélioration de l'efficacité et des résultats du contrôle fiscal, dans le cadre de plusieurs mesures :

. la clarification du rôle de l'intérêt de retard, en supprimant toute possibilité pour les entreprises de le déduire de leur résultat (c'est actuellement le cas lorsque l'intérêt sanctionne un retard de recouvrement de l'impôt) et en réduisant son taux à 0,5% par mois, soit 6% l'an ;

. le plafonnement de l'effet de la tolérance légale à 20 millions de francs, en base, pour l'imposition des bénéfices des sociétés ;

. la suppression du bénéfice de la tolérance légale pour les contribuables de mauvaise foi ou s'étant prêtés à des man_uvres frauduleuses, et encourant ainsi les pénalités de 40% ou 80% prévues par l'article 1729 du code général des impôts ;

. le dépôt systématique d'une plainte par l'administration fiscale, pour les redressements importants, lorsque les droits éludés dépassent 500.000 francs et 30% du montant de l'impôt initialement dû ;

. l'institution du principe selon lequel les revenus réputés d'origine indéterminée à l'issue d'une procédure de contrôle fiscal seront considérés comme d'origine frauduleuse, jusqu'à ce que le contribuable apporte la preuve contraire, pour la mise en _uvre de l'action pénale prévue à l'article 1741 du code général des impôts relatif à la répression de la fraude fiscale ;

. la mise en _uvre de la procédure de redressement contradictoire et l'application des pénalités de droit commun en cas de fraude à la taxe professionnelle (actuellement, aucune pénalité n'est appliquée, notamment en cas de fraude de la part de l'entreprise concernée).

- le renforcement des plans de lutte contre le travail clandestin, et notamment des actions interministérielles.

La suppression de certains dispositifs servant de base à des montages en matière d'évasion fiscale

- la suppression de la possibilité pour les contribuables de procéder à une déclaration séparée des revenus de leurs enfants mineurs non émancipés disposant de ressources propres. Il s'agit de supprimer une option offerte par le code général des impôts, laquelle permet de contourner tant la disposition fixant le nombre de parts du quotient familial que celle plafonnant les effets de ce même quotient ;

- la coordination des règles relatives à l'imposition des plus-values de cession de titres et des droits de mutation à titre gratuit, en prévoyant que l'impôt sur la plus-value n'est pas dû, à l'issue d'un délai de cinq ans seulement, en cas de cession de titres ayant fait antérieurement l'objet d'une donation ou d'un apport à une société de gestion de patrimoine ;

- la suppression de la déductibilité des intérêts des emprunts contractés par les sociétés holdings dans le seul but de réduire les coûts d'acquisition d'une filiale ;

- la suppression de la remontée des déficits des filiales constituées sous la forme de sociétés de personnes vers les sociétés mères, lorsque ces sociétés correspondent à des investissements passifs : sociétés dans la gestion desquelles la société mère ne joue aucun rôle actif ; sociétés de location.

L'engagement, dans la perspective d'une réforme fiscale, d'une réflexion sur les grands impôts de fiscalité personnelle

Cinq thèmes de réflexion ont été retenus par votre Rapporteur. Sur chacun d'entre eux, aucune mesure concrète devant nécessairement faire l'objet d'amendements dans le cadre du projet de loi de finances pour 2000 n'est envisagée. Il s'agit de :

- la révision du statut de certains revenus vis-à-vis de l'impôt sur le revenu dans la perspective :

. d'une limitation des possibilités de cumul des revenus provenant des produits de l'épargne réglementée ou provenant des placements bénéficiant d'une fiscalité privilégiée ;

. d'une limitation des possibilités de cumul des réductions d'impôts ;

. de la révision du régime de l'imposition des revenus de capitaux mobiliers et de l'avoir fiscal.

- la consolidation de la légitimité de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) grâce à un élargissement de son assiette, aux biens professionnels ou aux _uvres d'art, à la réduction de ses taux, au relèvement du seuil d'exonération et à la suppression de la limitation du plafonnement instituée par le Gouvernement de M. Alain Juppé, Premier ministre ;

- la clarification et la moralisation des modalités de transmission à titre gratuit de la propriété en ligne directe, dans la mesure où les possibilités de cumul des régimes dérogatoires et préférentiels, qu'il s'agisse de la réduction des droits pour les donations intervenant avant un certain âge, de l'abattement de 300.000 francs applicable, tous les dix ans, en cas de donation ou de succession, ou encore du régime très favorable de l'assurance-vie bénéficient seulement à ceux qui sont judicieusement conseillés et entraînent une inégalité de fait devant l'impôt. Votre Rapporteur propose un système plus équitable, fondé sur un abattement unique, d'un montant égal à un million de francs, applicable à l'ensemble des biens reçus par un même enfant de ses deux parents, par voie de donation ou de succession, ainsi que l'engagement d'une réflexion sur le niveau des taux des droits de mutation à titre gratuit, lequel semble trop élevé ;

- la sécurisation des transactions internationales entre sociétés dépendant d'un même groupe d'entreprises, grâce au développement d'une procédure d'agrément préalable aux prix de transfert (APPT), pour laquelle votre Rapporteur juge nécessaire l'adoption d'un texte législatif, ne serait-ce que pour assurer la légitimité et la transparence de cette nouvelle procédure ;

- le maintien des règles générales relatives à la répression des abus de droit, prévues à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, toute évolution significative sur ce point risquant de confier un pouvoir discrétionnaire trop important à l'administration fiscale, et l'adoption de règles spécifiques à la répression de certains abus de droit ou de certaines fraudes à la loi au fur et à mesure que des montages contestables apparaissent.

Pour conclure, votre Rapporteur suggère à votre Commission des finances une disposition originale. A l'initiative de M. Augustin Bonrepaux, président de votre Commission, et de M. Didier Migaud, Rapporteur général, a été mise en place la mission d'évaluation et contrôle (MEC). La volonté ainsi exprimée est d'affirmer le rôle du Parlement. Cette expérimentation originale mérite d'inspirer de nouvelles évolutions du travail parlementaire. Le nombre de rapports parlementaires de diverses natures est en forte augmentation. C'est la marque d'un travail intense de la représentation nationale qui souhaite autant exercer ses droits de contrôle que de proposition. Les rapports parlementaires n'ont pas comme vocation unique d'enrichir les rayonnages de la bibliothèque de l'Assemblée nationale. Ils ont aussi vocation à nourrir la réflexion et l'action gouvernementales en même temps qu'inciter les services de l'Etat à être mieux à l'écoute du Parlement. Dans cet esprit, il revient aux parlementaires de s'intéresser au destin que connaissent leurs rapports. Aussi, votre Rapporteur vous propose que la Commission des finances, à l'occasion de la préparation de la loi de finances 2002, fasse un bilan du devenir des soixante-trois préconisations qu'il a avancées pour combattre la fraude et l'évasion fiscales.

*

* *

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission des finances, de l'économie générale et du plan a procédé à l'examen du présent rapport d'information au cours de sa réunion du mercredi 8 septembre 1999.

Après l'exposé de votre Rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus.

M. Didier Migaud, Rapporteur général a félicité votre Rapporteur pour l'importance et la qualité de son travail, dont il a souligné qu'il avait, avec l'accord du Président de la Commission, dépassé son cadre initial. Sa méthode de travail, privilégiant la discrétion, devrait, paradoxalement, permettre au présent rapport de « faire du bruit », puisque, pour la première fois, peut-être, un parlementaire a pu mener des investigations au centre même des circuits de la fraude internationale. De nombreuses propositions mériteront ainsi d'être examinées par la Commission dès la discussion du prochain projet de loi de finances, mais il convient d'observer, d'une part, que certaines mesures, notamment celles concernant l'impôt de solidarité sur la fortune, ont déjà fait l'objet d'arbitrages l'année dernière et que, d'autre part, certaines propositions ne pourront être mises en _uvre que dans le cadre d'un renforcement de la coordination internationale, déjà engagé grâce à la forte détermination du Gouvernement. Nombre de propositions sont fort intéressantes. Il apparaît effectivement inadmissible que des subventions soient accordées pour aider les paradis fiscaux à s'équiper.

M. Maurice Adevah-Poeuf, après avoir félicité également votre Rapporteur, a souhaité formuler deux remarques. En premier lieu, il convient de ne pas se disperser et de bien distinguer la très grande fraude et les petites « combines ». En second lieu, une grande prudence doit être observée, car le contribuable de base, dans son immense majorité, est honnête. Dès lors, toute modification du droit positif, même justifiée par la lutte contre la fraude, peut avoir des répercussions importantes sur des contribuables qui se verront infliger des peines disproportionnées, comme le montre l'histoire judiciaire de ces dernières années. A titre d'exemple, étendre la notion de complicité à l'achat d'un bien à un prix anormalement bas constituerait une innovation juridique extraordinairement dangereuse, de même que le renversement systématique de la charge de la preuve au détriment du contribuable.

M. Jérôme Cahuzac a également jugé préférable de se concentrer sur la très grande fraude, ne serait-ce que du point de vue de la rentabilité des actions engagées. Il a ensuite formulé deux remarques. En premier lieu, la charge de la preuve devrait incomber au contribuable lorsque l'administration a un doute sur l'origine d'un patrimoine. Ensuite, il serait plus pertinent que les primes des agents de l'administration fiscale soient calculées à partir des sommes recouvrées et non pas à partir des sommes notifiées, ce qui peut conduire à une certaine facilité. Enfin, il a souhaité obtenir plus de détails sur les mécanismes de fraude tournante de type « carrousel ».

M. Gilbert Gantier a constaté que l'ensemble des membres de la Commission s'accordaient sur la nécessité de lutter contre la fraude, mais que l'on se heurte à certaines limites dans l'efficacité de l'action anti-fraude. D'une part, les problèmes de souveraineté réduisent la portée des mesures adoptées au plan national, comme le prouve la relative inefficacité de l'action des Etats-Unis en matière de drogue et de blanchiment de capitaux. Ensuite, s'il existe des paradis fiscaux, il ne faut pas oublier qu'il existe également ce que le cinéaste suédois Ingmar Bergman appelait les « enfers fiscaux ». Dès lors, la lutte contre la fraude passe également par la mise en _uvre d'une fiscalité raisonnable, ce qui n'est pas le cas en France, comme le montre le départ de nombreux jeunes Français pour le Royaume-Uni. Enfin, a-t-il ajouté, certaines mesures fiscales doivent tenir compte de la réalité économique, comme la fiscalité de l'assurance-vie, qui est adaptée aux nécessités de collecter une épargne abondante.

En réponse aux interventions des commissaires, votre Rapporteur a apporté plusieurs précisions.

Il n'est pas illégitime de mettre en cause la collecte d'une épargne liquide d'origine inconnue. Le débat « théologique » opposant « enfer fiscal » et « paradis fiscal » n'est pas à l'ordre du jour. Cependant, si l'objectif final est la réduction des écarts entre les fiscalités des différents pays, il convient d'éviter le moins-disant fiscal qui débouche toujours sur le moins-disant social.

Le rapport est bien centré sur la lutte contre la grande fraude. Ce souci n'interdit pas d'évoquer notamment les cartes de crédit, qui peuvent être utilisées dans le cadre de procédés extrêmement sophistiqués. Par ailleurs, la mise en vente de produits à des prix très inférieurs au marché peut constituer la preuve d'une fraude.

Votre Rapporteur est ensuite convenu qu'il fallait trouver un juste équilibre entre les droits du contribuable et l'efficacité de la répression des fraudes, mais, lorsqu'il y a doute sur l'origine légale d'un revenu, c'est au bénéficiaire qu'il appartient de faire la preuve que celui-ci n'est pas d'origine frauduleuse.

S'agissant des primes perçues par les fonctionnaires des impôts, une réponse identique a été fournie par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et les syndicats : celles-ci ne sont pas calculées en fonction des performances des agents.

Les « carrousels » sont des procédés de fraude destinés à éluder la TVA en utilisant les règles relatives aux échanges intracommunautaires. Des échanges de marchandises, parfois fictifs, entre des entreprises implantées dans plusieurs Etats membres sont organisés de manière que le non-paiement de la TVA par un vendeur permette de réduire, en aval de la chaîne de distribution, le prix de vente des produits concernés sans pour autant compromettre le bénéfice commercial de l'ensemble de l'opération. Ce type de fraude concerne essentiellement les produits à très forte valeur ajoutée, aisément transportables, tels que les composants électroniques, les téléphones portables et les micro-ordinateurs. Le secteur du textile est également affecté. L'organisation de « carrousels » menace directement les industriels des branches concernées, car elle réduit artificiellement les prix de vente des produits mis sur le marché.

Après que le Président Augustin Bonrepaux eut souligné que les travaux de votre Rapporteur, aboutissement de près de deux années d'investigation, présentaient un diagnostic très complet et nombre de propositions intéressantes, la Commission a autorisé, conformément à l'article 145 du Règlement, la publication du rapport d'information.

______________

Pour consulter la partie I (chapitre premier et chapitre II) cliquer ici

Pour consulter l'annexe 1, cliquer ici
Pour consulter l'annexe 2, cliquer ici

______________

BON DE COMMANDE

RAPPORT D'INFORMATION N°1802
(DOCUMENT PAPIER)

La lutte contre la fraude et l'évasion fiscales :
Retrouver l'égalité devant l'impôt

À imprimer et envoyer à l'adresse suivante
ASSEMBLÉE NATIONALE

Service de la Communication et de l'Information Multimédia

Division de l'Information Multimédia
126, rue de l'Université - 75355 PARIS-CEDEX 07
tél. : 01.40.63.69.86

NOM ......................................................................

ADRESSE COMPLÈTE ................................................

................................................

................................................

................................................

TITRE

Prix en Fr .

Prix en Euros ;

Document papier

70,00

10,67

Participation aux frais d'envoi

16,00

2,44

Montant total de la commande

86,00

13,11

Votre commande doit être accompagnée d'un chèque de règlement à l'ordre du Kiosque de l'Assemblée.

() On rappellera que ce dispositif permettait l'admission en franchise de TVA, pour une durée de six mois, par période de douze mois consécutifs, d'un navire, sans obligation de dépôt de déclaration, conformément au principe de la bonne foi (bona fide). Il concernait, en application d'une directive de 1983, les résidents d'Etats communautaires pour les navires battant pavillon de l'un de ces Etats.

() On rappellera qu'aucune difficulté ne se pose pour les navires neufs immatriculés depuis le 1er janvier 1993, car la règle générale relative aux moyens de transport neufs s'applique. Elle prévoit que la TVA est acquittée dans le pays de destination du bien.

() La première de ces contributions, égale à 10% de l'impôt sur les sociétés, s'applique aux exercices clos à compter du 1er janvier 1995. La seconde est égale à 10 % de l'impôt sur les sociétés également, pour les exercices clos en 1999, après 15 % en 1997 et 1998.

() En droit romain, les rescrits (rescripta) étaient les réponses de l'empereur aux questions juridiques posées par les gouverneurs, magistrats, etc.


© Assemblée nationale