- - N°1802. - RAPPORT D'INFORMATION Partie II (chapitres III et IV) Pour en faciliter la consultation, ce rapport a été découpé en quatre parties Pour consulter l'annexe 1, cliquer ici (Vous pouvez commander la version imprimée de ce rapport en utilisant le bon de commande en ligne) SOMMAIRE Pages ___ INTRODUCTION 15 CHAPITRE PREMIER : LA MODERNISATION DES MODALITÉS DU CONTRÔLE FISCAL : UNE OPTION ESSENTIELLE DANS LE CADRE D'UNE RELATION RENOUVELÉE AVEC LE CONTRIBUABLE 25 I.- L'ADOPTION D'UNE NOUVELLE APPROCHE DES RELATIONS ENTRE L'ADMINISTRATION ET LE CONTRIBUABLE DANS LE CADRE DE LA RÉFORME DU MINISTÈRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE 26 II.- LA RÉORIENTATION DES MODALITÉS DU CONTRÔLE FISCAL 33 A.- LE RECOURS À L'ANALYSE DE RISQUE : UNE INNOVATION APPRÉCIABLE 33 B.- L'ADAPTATION DES PROCÉDURES DE CONTRÔLE EXTERNE DES PME : UNE MESURE CONFORME AUX ENJEUX 37 III.- LES PROPOSITIONS DE VOTRE RAPPORTEUR POUR FACILITER PLUS ENCORE L'ACCÈS DU CITOYEN À LA LOI FISCALE ET À L'ADMINISTRATION FISCALE 40 A.- L'AMÉLIORATION DE LA TRANSPARENCE DU RECOUVREMENT DES RAPPELS D'IMPOSITION 40 B.- L'AMÉNAGEMENT DES PROCÉDURES DE MÉDIATION LORS DES OPÉRATIONS DE CONTRÔLE FISCAL 41 C.- LE RENFORCEMENT DE LA FORMATION ET DE L'INFORMATION DU CITOYEN SUR LA RÈGLE FISCALE 42 1.- La mise en _uvre de campagnes d'information sur les dispositions adoptées dans les lois de finances 42 2.- L'enseignement des éléments de base sur les impôts et la fiscalité dans les écoles, dans le cadre de l'instruction civique 43 CHAPITRE II : LA LUTTE CONTRE LA GRANDE FRAUDE ET L'ÉVASION FISCALES INTERNATIONALES 45 I.- LES PARADIS FISCAUX ET LES RÉGIMES FISCAUX PRÉFÉRENTIELS : DES LIEUX DE « FLIBUSTE » FISCALE, OÙ LA FRAUDE ET L'ÉVASION FISCALES CROISENT LES PRODUITS FINANCIERS DE LA GRANDE CRIMINALITÉ ORGANISÉE 47 A.- LES PARADIS FISCAUX : UN CADRE PROPICE À L'ÉPANOUISSEMENT DE LA FRAUDE FISCALE COMME DE LA GRANDE CRIMINALITÉ FINANCIÈRE INTERNATIONALE 50 1.- Les éléments caractéristiques des paradis fiscaux : une faible fiscalité ; un secret bancaire absolu ; la préservation de l'anonymat des propriétaires de sociétés ; une coopération fiscale et judiciaire réduite voire inexistante 52 a) L'absence d'impôt ou une faible fiscalité directe, pour les non-résidents tout au moins 52 b) L'absence de coopération avec les autres Etats en matière fiscale pour la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales 54 c) Un secret bancaire très protégé, qui n'est levé que dans des cas très rares et pour les seuls cas de blanchiment d'argent ou d'infractions pénales lourdes 55 d) Des formalités de création et de gestion de sociétés assez réduites 57 e) La possibilité de constituer aisément des trusts 59 f) Un droit de sociétés et des trusts garantissant l'anonymat des propriétaires ou bénéficiaires réels 62 g) Une coopération pénale assez limitée 64 h) La présence complémentaire d'une zone franche, parfois 64 2.- Le lieu privilégié de l'épanouissement de la fraude et de l'évasion fiscales, ainsi que de la grande criminalité financière 66 a) La complexité des motifs de l'implantation dans les paradis fiscaux : une réalité largement illustrée par l'histoire 67 b) Les montages à des fins de fraude ou d'évasion fiscales : des procédés classiques et largement connus 70 c) La communication à partir de certains paradis fiscaux : une véritable incitation à la fraude fiscale 84 d) Le recyclage financier à des fins de blanchiment des capitaux d'origine criminelle : des mécanismes reposant sur les mêmes circuits que ceux utilisés pour la fraude fiscale 85 e) Les opérations susceptibles d'être réalisées dans des paradis fiscaux à des fins ni fiscales ni criminelles 92 3.- Des désavantages, en termes de coût et d'insécurité juridique, qui seraient dirimants s'il n'y avait pas l'attrait de l'anonymat 95 a) Des prestations d'un intérêt objectif limité en raison du niveau élevé des coûts de gestion 95 b) Une certaine insécurité juridique et de nombreux exemples d'escroquerie 99 4.- Une masse considérable de capitaux qui explique la forte rentabilité des très nombreuses institutions financières et bancaires qui y sont implantées 101 a) Des institutions financières très nombreuses 101 b) Des implantations bancaires très rentables malgré des coûts parfois élevés 102 c) Des capitaux hors de proportion avec la taille et le rôle économique des territoires concernés 103 5.- Les nouveaux risques électroniques 107 B.- LES RÉGIMES FISCAUX PRÉFÉRENTIELS : UNE CONCURRENCE FISCALE FORTEMENT DOMMAGEABLE DANS LE CONTEXTE DE LA GLOBALISATION ÉCONOMIQUE ET UN POINT DE PASSAGE VERS LES PARADIS FISCAUX 108 1.- La différence entre paradis fiscal et régime fiscal préférentiel 108 a) La différence de concept 108 b) Les effets de la concurrence fiscale : des pertes de base taxable et des pertes d'emplois dans les Etats à fiscalité normale 110 2.- Les principaux exemples de régimes fiscaux préférentiels pour les entreprises 111 a) L'imposition à taux réduit des centres financiers 112 b) Les rulings néerlandais 113 c) Les sociétés holdings du Luxembourg, de Belgique et des Pays-Bas, ainsi que de Suisse 115 d) Les quartiers généraux et centres de coordination 123 e) Le capital informel (Infocap) 125 f) Les règles spécifiques à certaines activités 126 g) Les zones franches 126 h) Les sociétés off shore ou non résidentes 126 3.- La fiscalité des personnes physiques : l'exemple du forfait en Suisse 128 4.- La face moins connue des régimes fiscaux préférentiels : un point de passage parfois aisé vers certains paradis fiscaux 129 a) Les sociétés exportatrices américaines : les Foreign Sales Corporations 129 b) Les Antilles néerlandaises : le « sandwich » néerlandais 130 c) La finance branch implantée en Suisse 134 d) Des régimes parfois favorables au blanchiment des revenus d'activités criminelles 135 5.- Le problème des régimes fiscaux de fait 136 a) Saint-Martin et Saint-Barthélémy 136 b) Campione 139 II.- LE DÉMANTÈLEMENT DES PARADIS FISCAUX ET DES RÉGIMES FISCAUX PRÉFÉRENTIELS : SOUTENIR LES ACTIONS MENÉES AUX PLANS COMMUNAUTAIRE ET INTERNATIONAL 140 A.- LA LUTTE CONTRE LES PARADIS FISCAUX POUR DES MOTIFS DE DROIT PÉNAL OU DES CONSIDÉRATIONS PRUDENTIELLES : DES ACTIONS COMPLÉMENTAIRES AUX INITIATIVES FISCALES 141 1.- Les initiatives à objectif bancaire et financier : une contribution aux réflexions sur la stabilité du système financier international 141 2.- Les initiatives menées contre les paradis fiscaux dans le domaine du blanchiment : une participation active de la France 144 a) Les préoccupations de l'ONU : la lutte contre la grande criminalité et la grande délinquance financière internationale 144 b) Les initiatives françaises au sein des travaux du groupe d'action financière internationale contre le blanchiment de capitaux (GAFI) 146 c) Les initiatives communautaires en matière de lutte contre le blanchiment 151 B.- LES INITIATIVES À OBJECTIF FISCAL MENÉES AU NIVEAU DE L'UNION EUROPÉENNE ET DE L'OCDE EN VUE DU DÉMANTÈLEMENT DES PARADIS FISCAUX ET DES RÉGIMES FISCAUX PRÉFÉRENTIELS DOMMAGEABLES : DES ACTIONS ESSENTIELLES À SOUTENIR 153 1.- Les initiatives engagées à l'échelon communautaire 153 a) Les problèmes posés par la concurrence fiscale : une préoccupation déjà ancienne 154 b) Le code de conduite en matière de fiscalité des entreprises 155 c) La proposition de directive du Conseil visant à garantir un minimum d'imposition effective des revenus de l'épargne sous forme d'intérêts à l'intérieur de la Communauté : une étape essentielle qui esquisse la perspective d'une éradication des paradis fiscaux en Europe 158 2.- Les travaux de l'OCDE : une certaine similarité avec ceux de l'Union, mais un cadre plus large 166 a) Les recommandations issues du rapport sur la concurrence fiscale dommageable 167 b) Le traitement des régimes fiscaux préférentiels dommageables par les pays membres 169 c) L'établissement d'une liste des paradis fiscaux 171 3.- L'action du Royaume-Uni et de la Couronne britannique 172 C.- LA COMPLÉMENTARITÉ DES APPROCHES PÉNALE ET FISCALE DANS LE DOMAINE DE LA LUTTE CONTRE LES PARADIS FISCAUX ET LA GRANDE CRIMINALITÉ INTERNATIONALE 175 1.- Le caractère nécessairement insuffisant des dispositifs de prévention et de répression du blanchiment de capitaux 176 a) Les problèmes juridiques 177 b) Les problèmes pratiques 180 c) L'insuffisante fiabilité des mécanismes anti-blanchiment au niveau international 183 2.- La capacité des techniques fiscales à limiter les bénéfices des enrichissements inexpliqués et frauduleux 184 a) La pertinence des techniques de contrôle fiscal dans la lutte contre la grande fraude 184 b) La nécessité de réexaminer la question de la communication à l'administration fiscale des informations recueillies par Tracfin 185 D.- LE CARACTÈRE INCONTOURNABLE DE L'OBJECTIF D'UN ESPACE JUDICIAIRE ET D'UN ESPACE DE COOPÉRATION FISCALE SANS AUCUN ÉCRAN ET D'UNE CONVERGENCE FISCALE, AU PLAN EUROPÉEN 187 1.- La création d'un espace judiciaire ainsi que d'un espace de coopération fiscale sans écran 187 a) L'objectif d'un espace fiscal et d'un espace judiciaire transparents 187 b) La nécessité de réaliser cet objectif, au plan européen tout au moins 188 2.- La spécificité supplémentaire de l'Union européenne : constituer un espace homogène caractérisé par une fiscalité largement convergente 192 E.- SUPPRIMER L'AIDE AUX PAYS RECENSÉS COMME DES PARADIS FISCAUX 194 III.- LA NÉCESSITÉ DE COMPLÉTER L'EFFICACITÉ DES PROCÉDURES PÉNALE ET FISCALE DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE ET L'ÉVASION FISCALES 196 A.- MODERNISER LA CAPACITÉ D'ACTION DES FONCTIONNAIRES EN CHARGE DU CONTRÔLE FISCAL 197 1.- Renforcer l'efficacité des dispositions du code général des impôts destinées au contrôle des opérations internationales 198 a) Les propositions en matière de fiscalité personnelle 199 b) Les propositions en matière de fiscalité des entreprises 204 2.- Envisager la suppression de l'article L. 80 C du livre des procédures fiscales 209 3.- Améliorer la formation des agents et développer la capacité d'expertise mise à leur disposition 210 a) Développer la formation 210 b) Renforcer l'expertise interne 211 c) Créer un réseau d'experts de l'administration pour l'assister dans l'évaluation des prix de certaines prestations internationales 211 B.- ACCROÎTRE L'EFFICACITÉ DU RÉSEAU DES CONVENTIONS FISCALES AUXQUELS LA FRANCE A ADHÉRÉ 212 1.- Augmenter les possibilités d'échange d'informations en matière fiscale 213 a) Augmenter le nombre des conventions fiscales prévoyant un échange de renseignements et veiller à la qualité de ces conventions 214 b) Développer le réseau des attachés fiscaux et des attachés douaniers et renforcer les moyens des postes existants 218 2.- Solliciter, notamment des pays européens, la modification des conventions applicables et obtenir l'adaptation des directives et règlements communautaires, afin d'assurer un accès effectif à l'information nécessaire à la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales 219 a) Les problèmes posés par certaines conventions fiscales 219 b) Le cas des conventions fiscales franco-monégasques 222 C.- DÉVELOPPER LE RÉSEAU DES CONVENTIONS D'ASSISTANCE JUDICIAIRE ET AMÉLIORER LES MODALITÉS DE TRAITEMENT DE LA FRAUDE FISCALE 223 1.- Compléter le réseau des conventions d'entraide judiciaire et des conventions d'extradition pour faciliter les recherches et accélérer les procédures 226 2.- Veiller à ce que la fraude fiscale figure sans restriction parmi les infractions pour lesquelles la coopération est obligatoire 234 D.- COMPLÉTER L'EFFORT DE RENFORCEMENT DU RÉSEAU DES CONVENTIONS PAR UN EXAMEN APPROFONDI DES DISPOSITIONS DES CONVENTIONS D'ENTRAIDE JUDICIAIRE ET DES CONVENTIONS COMPORTANT DES CLAUSES D'ÉCHANGE DE RENSEIGNEMENTS EN MATIÈRE FISCALE 241 CHAPITRE III : LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE AUX IMPÔTS INDIRECTS : RENFORCER LES PROCÉDURES DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE TOURNANTE À LA TVA ORGANISÉE DANS LE CADRE DE « CARROUSELS » ET DEVELOPPER LA COOPÉRATION EUROPÉENNE 245 I.- LES CARROUSELS DESTINÉS À ÉLUDER LA TVA INTRACOMMUNAUTAIRE 247 A.- LA SIMPLICITÉ ET LA FACILITÉ D'EXÉCUTION DES MONTAGES 247 1.- Les règles prévues par le régime transitoire en matière de TVA sur les échanges de biens à l'intérieur du marché unique 247 2.- La simplicité des mécanismes de fraude 250 3.- La possibilité d'organiser des montages plus complexes et difficiles à appréhender 253 B.- UNE FRAUDE ASSEZ RÉPANDUE DANS CERTAINS SECTEURS, TRÈS RENTABLE ET OÙ L'ON SOUPÇONNE UNE PRÉSENCE DE LA GRANDE CRIMINALITÉ ORGANISÉE 256 1.- Une fraude concentrée sur certains secteurs économiques 256 2.- Une fraude extrêmement rentable pour ses organisateurs 257 a) Le rendement des carrousels proprement dits 257 b) La possibilité de greffer sur les carrousels d'autres types de fraude 263 3.- Une fraude infiltrée par la grande délinquance ainsi que par la grande criminalité organisée de type mafieux 264 4.- Une fraude extrêmement déstabilisante sur le plan économique 265 C.- UNE FRAUDE SUSCEPTIBLE DE PERDURER EN L'ABSENCE DE PERSPECTIVE DE CHANGEMENT DES RÈGLES COMMUNAUTAIRES 267 II.- LA NÉCESSITÉ DE PRÉVOIR UN ALOURDISSEMENT SUBSTANTIEL DES PEINES ET D'ENVISAGER L'HYPOTHÈSE D'UN RENFORCEMENT DES PROCÉDURES DE POURSUITE 270 A.- UNE FRAUDE DIFFICILE À COMBATTRE SUR LE PLAN FISCAL, MAIS SUSCEPTIBLE DE FAIRE L'OBJET DE POURSUITES PÉNALES ASSEZ RAPIDES 270 1.- La procédure fiscale 270 a) La détection du risque : la surveillance des crédits de TVA 270 b) La sanction des infractions : une procédure efficace, mais délicate à mettre en _uvre 271 2.- La procédure pénale 273 B.- PRÉVOIR UN RENFORCEMENT SUBSTANTIEL DES PEINES ET METTRE À L'ÉTUDE L'OCTROI DE COMPÉTENCES DE POLICE JUDICIAIRE À UNE SECTION SPÉCIALISÉE DU MINISTÈRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES 276 1.- Renforcer substantiellement les peines en cas d'escroquerie à la TVA en bande organisée 276 2.- Demander au Gouvernement un rapport sur la mise en place d'un service spécialisé du ministère de l'économie et des finances disposant de prérogatives de police judiciaire afin de réduire les délais de répression et sur la création d'une infraction spécifique de fraude organisée à la TVA 277 III.- L'AMÉLIORATION DES PROCÉDURES DE COOPÉRATION PRÉVUES À L'ÉCHELON COMMUNAUTAIRE ET LE RENFORCEMENT NÉCESSAIRE DES ACTIONS COORDONNÉES ENTRE ETATS MEMBRES POUR L'ENSEMBLE DES FRAUDES À LA TVA 289 A.- L'IMPORTANCE DE LA FRAUDE À LA TVA AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE ET DES ETATS MEMBRES 289 1.- L'approche globale 289 2.- L'exemple de la Belgique 291 B.- L'AMÉLIORATION DES PROCÉDURES EXISTANTES 292 1.- Les recommandations de la Cour des comptes des Communautés européennes 292 2.- Les possibilités d'amélioration 293 a) Le document d'accompagnement des marchandises 293 b) L'amélioration des échanges automatisés d'informations 294 c) Appliquer les mêmes règles dans tous les Etats : l'exemple de la navigation de grande plaisance 294 C.- LA NÉCESSITÉ DE DÉVELOPPER DES ACTIONS COORDONNÉES 300 1.- La coopération entre les Etats membres 300 2.- L'action de la Communauté européenne 302 CHAPITRE IV : DE NOUVELLES MESURES DE MODERNISATION DES DISPOSITIFS FISCAUX DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE ET L'ÉVASION FISCALES : LE MAINTIEN D'UNE NÉCESSAIRE VIGILANCE 307 I.- AMÉLIORER LA CONNAISSANCE DES DIFFÉRENTS RISQUES DE FRAUDE ET D'ÉVASION FISCALES, AINSI QUE DE LA DÉLINQUANCE FINANCIÈRE, GRÂCE À LA CRÉATION D'UN OBSERVATOIRE DE LA FRAUDE 309 II.- COMPLÉTER LA MODERNISATION DES INSTRUMENTS JURIDIQUES DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE ET L'ÉVASION FISCALES 315 A.- RÉDUIRE LES POSSIBILITÉS DE PAIEMENT EN ESPÈCES 315 1.- Réduire de 50.000 francs à 20.000 francs le montant maximum des paiements en espèces pour les particuliers non commerçants 315 2.- Appliquer la disposition relative à l'obligation de paiement par chèque au paiement des primes d'assurance-vie 316 3.- Instituer une amende fiscale de 50% en cas de vente sans facture 317 B.- LIMITER LES POSSIBILITÉS D'AMÉLIORATION DU TRAIN DE VIE GRÂCE À LA FRAUDE FISCALE 318 1.- Réduire de 308.510 francs à 200.000 francs le seuil de l'évaluation forfaitaire minimale du revenu imposable d'après certains éléments du train de vie, pour l'impôt sur le revenu 318 2.- Limiter les possibilités d'imputation des dépenses personnelles sur les comptes des sociétés ou des entreprises individuelles 320 C.- RENFORCER LES MODALITÉS DU CONTRÔLE FISCAL 322 1.- Améliorer la connaissance de certaines mutations à titre gratuit 322 a) Prévoir l'enregistrement des cessions de polices d'assurance-vie, afin d'éviter que ces cessions ne permettent, en cas de faculté de rachat, une donation indirecte 322 b) Rendre obligatoire la déclaration des dons manuels à l'administration fiscale 323 2.- Encadrer le régime des sociétés civiles et des sociétés à prépondérance immobilière 324 a) Prévoir la production annuelle de comptes à l'administration fiscale par les sociétés civiles qui ne sont pas encore soumises à cette obligation 324 b) Rendre obligatoire la formalité de l'acte authentique pour l'élaboration des statuts, les modifications statutaires et les cessions de parts de sociétés immobilières 324 c) Supprimer la possibilité de procéder à des paiements hors la vue du notaire pour les transactions immobilières 327 3.- Prévoir l'accès des fonctionnaires des impôts aux clefs de décryptage 327 4.- Exclure les sociétés holdings du champ de la disposition limitant à trois mois la durée de vérification des petites entreprises, mesure qui doit être réservée aux seules PME 328 5.- Accroître la responsabilité des sociétés de domiciliation 328 D.- AMÉLIORER LA PORTÉE DES RÉSULTATS DU CONTRÔLE FISCAL 329 1.- Clarifier le rôle de l'intérêt de retard en supprimant sa déductibilité du résultat des entreprises et en réduisant, en contrepartie, son taux à 6% 329 a) Supprimer la déductibilité du résultat imposable des pénalités de recouvrement sanctionnant le versement tardif des impôts 329 b) Réduire de 0,75% par mois (9% par an) à 0,5% par mois (6% par an) le taux de l'intérêt de retard 330 2.- Plafonner l'effet de la tolérance légale pour les grandes sociétés 332 3.- Supprimer le bénéfice de la tolérance légale pour les contribuables de mauvaise foi ou s'étant livrés à des man_uvres frauduleuses 332 4.- Moderniser les modalités de pénalisation des infractions fiscales 333 a) Renforcer et accélérer la pénalisation des infractions fiscales les plus graves 333 b) Améliorer l'efficacité des opérations d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle (ESFP) ayant mis en évidence la présence de revenus d'origine indéterminée 334 5.- Soumettre à la procédure de redressement contradictoire les rappels d'imposition en matière de taxe professionnelle et appliquer les pénalités de droit commun 335 E.- RENFORCER LES PLANS DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL CLANDESTIN 336 III.- SUPPRIMER CERTAINS DISPOSITIFS PERMETTANT DE PROCÉDER À DE L'ÉVASION FISCALE 337 A.- L'IMPÔT SUR LE REVENU ET L'IMPOSITION DES PLUS-VALUES 337 1.- Supprimer la possibilité pour les contribuables de procéder à une déclaration séparée pour leurs enfants mineurs disposant de ressources propres 337 2.- Mieux coordonner le paiement de l'impôt sur les plus-values de cession de titres et les droits de mutation à titre gratuit 339 B.- L'IMPOSITION DES RÉSULTATS DES SOCIÉTÉS 341 1.- Supprimer la déductibilité des intérêts des emprunts contractés par les sociétés holdings dans le seul but de réduire le coût d'acquisition d'une entreprise 341 2.- Limiter l'intérêt du recours aux sociétés transparentes pour les sociétés de capitaux 342 IV.- ENVISAGER, POUR LE FUTUR, DE RÉTABLIR L'ÉQUITÉ ET LA CITOYENNETÉ DES GRANDS IMPÔTS EN MATIÈRE DE FISCALITÉ PERSONNELLE DANS LE CADRE D'UNE ÉVENTUELLE RÉFORME FISCALE 343 A.- L'IMPÔT SUR LE REVENU : LIMITER LES POSSIBILITÉS DE CUMUL DES EXONÉRATIONS ET DES RÉDUCTIONS D'IMPÔT, ET RÉFORMER LE RÉGIME DE L'AVOIR FISCAL 343 B.- L'IMPÔT SUR LA FORTUNE : ÉTUDIER LA CONSOLIDATION DE SA LÉGITIMITÉ GRÂCE À L'ÉLARGISSEMENT DE SON ASSIETTE, LA RÉDUCTION DES TAUX, LE RELÈVEMENT DU SEUIL D'EXONÉRATION ET LA SUPPRESSION DE LA LIMITATION DU PLAFONNEMENT 354 1.- L'extension de l'assiette de l'ISF, la réduction des taux et le relèvement du seuil 355 2.- La suppression de la limitation du plafonnement du montant total de l'ISF et de l'impôt sur le revenu par rapport aux revenus 357 C.- LES DROITS DE MUTATION À TITRE GRATUIT : CLARIFIER ET MORALISER LES MODALITÉS DE LA TRANSMISSION À TITRE GRATUIT DE LA PROPRIÉTÉ 359 D.- SÉCURISER LES TRANSACTIONS INTERNATIONALES INTERNES AUX GROUPES EN DÉVELOPPANT LA PROCÉDURE DE L'AGRÉMENT PRÉALABLE AUX PRIX DE TRANSFERT (APPT) 361 E.- DÉPASSER PAR DES DISPOSITIONS SPÉCIFIQUES LES CONTRAINTES ISSUES DE LA NÉCESSAIRE STABILITÉ DES MODALITÉS GÉNÉRALES DE RÉPRESSION DES ABUS DE DROIT 367 RÉCAPITULATIF DES PROPOSITIONS DU RAPPORTEUR 369 EXAMEN EN COMMISSION 381 ANNEXES CHAPITRE III LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE AUX IMPÔTS INDIRECTS : RENFORCER LES PROCÉDURES DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE TOURNANTE À LA TVA ORGANISÉE DANS LE CADRE DE « CARROUSELS » ET DÉVELOPPER LA COOPÉRATION EUROPEENNE Dans la fraude fiscale internationale, la fraude à la TVA intra-communautaire entre les différents Etats de l'Union représente un risque majeur. Elle prend notamment la forme d'une fraude tournante de type « carrousel », résultant de l'organisation d'échanges transfrontaliers de marchandises où les biens reviennent in fine dans leur pays d'origine et reposant sur un enchaînement de transactions commerciales réelles et indissociables les unes des autres, dont l'une est uniquement destinée à frauder l'impôt. L'organisation de carrousels est jugée par les fonctionnaires des différents pays de l'Union en charge de la lutte contre la fraude fiscale comme le principal facteur auquel il convient de s'attaquer, avant tout autre type de fraude fiscale, et est considérée comme plus préjudiciable que tout autre type de fraude à la TVA. Ainsi, à l'occasion des différentes auditions auxquelles il a procédé en France comme lors des quelques déplacements qu'il a effectués dans différents pays de l'Union, notamment au Royaume-Uni et en Belgique, votre Rapporteur a pu identifier les principales explications de ce phénomène : - la fraude à la TVA intra-communautaire, dans le cadre de carrousels, est une fraude simple dans son principe ; - elle est difficile à appréhender, car elle joue sur le cloisonnement des compétences territoriales, limitées, des Etats et les imperfections de la coopération organisée dans le cadre communautaire ; - elle offre à ses organisateurs un rendement fort important qui fait qu'elle est investie par la grande criminalité organisée. Certains soupçonnent même la présence de la criminalité mafieuse dans des montages complexes. Cette fraude est, en effet, assez attractive puisque l'enjeu financier se situe au même niveau que les activités criminelles telles que le trafic des stupéfiants. Face à ce qui représente un véritable défi fiscal posé au plan national et européen, plusieurs types de réponse peuvent être apportés : - au niveau national, la lutte contre le développement de la fraude à la TVA intra-communautaire dans le cadre des carrousels, exige, d'une part, un renforcement substantiel des sanctions et conduit, d'autre part, à envisager une modification lourde des procédures actuelles de répression de la fraude à la TVA, le phénomène prenant de l'ampleur ; - à l'échelon européen, un renforcement de la coopération organisée dans un cadre communautaire et entre Etats constitue également un impératif, tant sur le plan des procédures fiscales que sur le plan des procédures judiciaires. Avant d'exposer ces deux éléments, vote Rapporteur souhaite apporter deux précisions sur le champ de son étude. D'une part, bien que des infractions similaires à celles portant sur la TVA intra-communautaire soient constatées en matière de contributions indirectes et en matière de taxes sur les produits pétroliers (les huiles minérales), il ne lui a pas semblé nécessaire de rouvrir, pour l'instant, le débat sur l'étendue des compétences des agents de douanes, peu après la récente modification apportée dans le cadre de l'article 28 de la loi n°99-515 du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale, qui reconnaît aux douaniers la qualité d'officier de police judiciaire, sous certaines conditions, pour les infractions prévues par le code des douanes, ce qui couvre notamment les infractions relatives à la taxe intérieure sur les produits pétroliers, ainsi que pour les infractions en matière de contributions indirectes. Votre Rapporteur n'ignore pas que ces fraudes peuvent être très importantes, notamment dans les pays d'Europe méditerranéenne, dans le domaine du tabac et des alcools et dans le Sud-Est de la France pour les produits pétroliers. Une fraude portant sur un montant de près de 4 milliards de francs sur dix-huit mois, relative au porto, lui a ainsi été signalée. Les fraudes sur les droits d'accises portant sur le tabac seraient estimées à 6 milliards d'euros pour l'ensemble des pays de l'Europe des Quinze. D'autre part, certaines fraudes à la TVA intra-communautaires ne reposant pas sur les carrousels sont évoquées dans le cadre des réflexions relatives au renforcement de la coopération européenne, uniquement. Elles posent en effet un problème de coordination entre les Etats membres similaire à celui soulevé par les carrousels. I.- LES CARROUSELS DESTINÉS À ÉLUDER LA TVA INTRACOMMUNAUTAIRE En ce qui concerne la fraude à la TVA, le risque majeur est donc actuellement constitué par le développement des fraudes de type « carrousel ». Ce risque est lié à la facilité de constitution du montage et à l'importance de leur rendement en termes financiers. A.- LA SIMPLICITÉ ET LA FACILITÉ D'EXÉCUTION DES MONTAGES 1.- Les règles prévues par le régime transitoire en matière de TVA sur les échanges de biens à l'intérieur du marché unique Dans le cadre de la réalisation du marché unique au 1er janvier 1993, les Etats membres de l'Union européenne ont dû adapter les règles de la perception de la TVA aux échanges de biens et de services entre les différents Etats membres de l'Union. Avant cette date, les biens faisant l'objet d'un échange entre deux pays membres de la Communauté étaient assujettis à la TVA lors de l'arrivée dans le pays de destination. La frontière fiscale était gérée par la douane qui contrôlait les flux de marchandises et percevait la TVA à l'importation. Les exportations étaient, en revanche, exonérées de la TVA. La réalisation d'un marché unique à l'échelle européenne, caractérisé par la possibilité d'acquérir des biens dans l'ensemble des Etats membres, ayant pour corollaire la suppression du contrôle des échanges de biens aux frontières a entraîné une modification des règles applicables. En 1987, la Commission européenne, constatant que la réalisation du marché unique entraînait de manière logique la suppression de l'exonération de la TVA en faveur des exportations et, ainsi, la suppression de la taxation des importations et la taxation des biens dans le pays de consommation, a proposé la mise en place d'un dispositif de taxation « à l'origine ». Elle n'a pas été suivie par les Etats membres pour deux raisons. D'une part, il est apparu que les disparités de taux de TVA auraient pu engendrer certaines fraudes, compte tenu de la difficulté de contrôler le droit à déduction d'une TVA perçue par un autre Etat membre de l'Union, dans le cadre d'une facture ainsi émise à l'étranger. D'autre part, un transfert du produit de l'impôt aurait dû intervenir au profit des Etats structurellement exportateurs puisqu'une TVA y aurait été perçue, TVA qui aurait été déductible du montant acquitté dans le pays de destination, et qu'il s'est avéré très difficile de construire un dispositif fiable de compensation multilatéral, ou « clearing house », permettant de faire en sorte que le montant de la taxe perçue dans le pays de départ revienne « in fine » au pays du lieu de la consommation finale du produit. L'établissement d'un tel dispositif est apparu impossible. A la suite des travaux d'un groupe d'experts, mis en place sous la présidence française, en 1989, plusieurs décisions de principe ont été adoptées à la fin de l'année 1989 afin d'organiser un régime dit transitoire supprimant les contrôles douaniers aux frontières pour le trafic intra-communautaire. Ce régime repose sur la distinction entre le régime applicable au consommateur et aux non assujettis et celui applicable aux assujettis. Pour les entreprises, la TVA est restée gérée selon le principe de l'assujettissement dans le seul pays de destination. Les livraisons intra-communataires, qui ne peuvent plus être qualifiées d'exportations, sont exonérées. Les acquisitions intra-communautaires sont en revanche taxées. La TVA est appliquée lors de l'arrivée de la marchandise dans l'entreprise. L'assujetti est alors l'acquéreur lui-même. Afin d'éviter les fraudes et de vérifier qu'une « exportation » déclarée par un assujetti dans l'Etat d'origine est bien déclarée par l'assujetti à la TVA dans l'Etat d'acquisition, un dispositif élaboré de recensement des échanges et de recoupement a été mis en place. Il s'agit d'un système d'échange automatisé d'informations sur les opérations intra-communautaires. L'objectif est de s'assurer que les biens faisant l'objet de l'échange sont bien arrivés à destination et y ont été soumis à la TVA. Pour alimenter la base de recoupement, des déclarations obligatoires ont été mises en place. De manière plus précise, le système d'échange d'informations sur les transactions commerciales est fondé sur deux bases informatiques : - la base informatique européenne des assujettis à la TVA, qui regroupe l'ensemble des opérateurs concernés et mentionne le numéro de chaque assujetti. Cette base est accessible tant aux entreprises qu'à l'administration fiscale ; - le système informatisé de recoupement des acquisitions communautaires (système VIES, de VAT information exchange system). Le système VIES donne accès à la base BREM, base de recoupement des Etats membres, qui regroupe les données fournies par les Etats membres, chaque Etat étant responsable de l'enregistrement informatique des livraisons intra-communautaires de ses opérateurs à destination des assujettis des autres Etats membres. Ces fichiers font l'objet d'échanges chaque trimestre. Ce système est exploité aux deux premiers niveaux du dispositif d'assistance, qui en comprend trois : - au niveau 1, l'administration fiscale d'un Etat peut connaître le montant des ventes déclarées par la totalité des fournisseurs étrangers à l'une des entreprises relevant de sa compétence ; - au niveau 2, l'administration peut rapprocher les données du système informatique de recoupement et le montant des acquisitions déclarées par l'un de ses opérateurs nationaux et identifier les discordances éventuelles. En cas d'anomalie, il est prévu que ces informations puissent être détaillées, fournisseur par fournisseur, afin de faciliter l'identification de l'origine des écarts ; - au niveau 3, une assistance administrative est prévue, dans le cadre d'une coopération élargie, avec des délais de réponse très stricts de trois mois. L'objectif de cette assistance est d'obtenir des informations dites de recoupement, ce qui implique le plus souvent que l'administration fiscale demande également directement à son opérateur des renseignements ou réalise des investigations ciblées sur place. En outre, un comité permanent de la coopération administrative, composé de représentants des Etats-membres et présidé par un représentant de la Commission, est chargé de prendre les mesures nécessaires à la mise en _uvre de l'assistance. Au niveau de chaque Etat, un bureau central de liaison (BCL) a été créé, seul chargé des contacts avec les autres Etats membres en matière de coopération administrative. En ce qui concerne la France, le BCL travaille en étroite coopération avec les attachés fiscaux dans les pays où ceux-ci sont implantés. Pour les acquisitions des particuliers, assujetties dans le pays d'origine, de même que pour les ventes à distance, sous certaines conditions (les règles sont différentes selon que le montant des ventes de l'entreprise de vente à distance dépasse ou non certains seuils), les biens acquis supportent la TVA dans le pays d'acquisition, c'est à dire le pays d'origine. Des dispositifs spécifiques sont prévus pour les biens à forte valeur unitaire tels que les moyens de transport neufs : véhicules automobiles, avions et bateaux. En schématisant, on constate donc que le système dit transitoire repose sur la conservation des règles antérieures à la mise en _uvre du marché unique, et à la suppression des contrôles aux frontières, compensée par un système informatisé d'échange de renseignements. Il constitue indéniablement un facteur de fraude, puisque ce qui pouvait être physiquement contrôlé aux frontières ne l'est plus. 2.- La simplicité des mécanismes de fraude Le dispositif transitoire retenu au niveau communautaire en matière de TVA sur les échanges de biens s'avère assez favorable à la fraude, car ses mécanismes permettent d'organiser des fraudes relativement simples. A la base, il existe deux principaux mécanismes de fraude : - la déclaration de livraison fictive, les biens, exonérés de TVA, étant en fait vendus frauduleusement sur le marché national ; - la non-déclaration de la TVA sur les acquisitions, les biens en cause étant cédés sur le marché parallèle. Des fraudes en apparence plus sophistiquées sont également possibles, sur la base de mécanismes simples également. Le cas le plus intéressant est celui des carrousels. Il suffit en effet de prévoir deux livraisons intra-communautaires, de manière à bénéficier d'opérations hors taxe, et de créer une ou plusieurs sociétés « éphémères » qui auront pour objet de servir d'intermédiaires et de créer un droit à déduction de la TVA pour les entreprises situées en aval, dans le cadre d'une opération déficitaire au plan comptable, mais qui sera rentable pour ses organisateurs, car la TVA réputée avoir été perçue ne sera jamais versée à l'administration fiscale concernée. Ainsi, la fraude à la TVA intra-communautaire de type « carrousel » repose sur l'organisation de deux échanges commerciaux entre deux Etats membres de la Communauté, portant sur les même biens, afin que ceux-ci puissent revenir dans leur Etat d'origine (comme les chevaux de bois d'un manège) à un prix moindre que leur prix de départ, le bénéfice résultant de la fraude à la TVA expliquant cette différence. En pratique, le mécanisme repose sur le schéma suivant : - un bien est livré d'un Etat membre A vers un Etat membre B pour une valeur de 100 € hors TVA, à une « société 1 » ; - ce bien est revendu toutes taxes comprises TTC par la « société 1 » pour une valeur au plus égale à son prix d'achat hors taxe, soit 100 € TTC, à une « société 2 » ; si la TVA est de 20,6%, le prix hors taxe sera de 82,92 € (soit 100 € TTC) ; - le bien est ensuite livré, hors taxe, par la « société 2 », implantée dans l'Etat membre B, dans l'Etat membre A à un prix comprenant une marge conforme à celles du négoce de gros dans le secteur considéré, par exemple 5%, soit 87,15 €. La « société 1 » ne réalise aucun bénéfice apparent. Elle réalise même une perte, car sa marge hors taxe est négative. Réaliser une marge commerciale n'est pas l'objectif de ses fondateurs. Cette société a en effet pour seule fonction de générer, pour la « société 2 », une TVA déductible qui ne sera jamais versée à l'administration financière compétente, et qui constituera la base du bénéfice de l'opération. Avant le paiement de la TVA due, la « société 1 » aura en effet cessé toute activité et le montant de la TVA correspondant à l'opération été soit absorbé par le déficit commercial de la première opération commerciale intra-communautaire, comme c'est le cas dans l'exemple précédent, soit mis à l'abri grâce à un retrait en espèces ou à virement dans le cadre de prestations de services ou d'autres opérations plus ou moins factices, sur un compte localisé dans un paradis fiscal à secret bancaire absolu. Une telle opération de « carrousel » peut, d'un point de vue concret, intervenir entre notre pays et un autre Etat membre de l'Union, avec lequel nous n'avons pas de frontière commune, comme l'Autriche. Le schéma suivant présente ainsi un exemple, théorique, de carrousel avec cet Etat. EXEMPLE DE FRAUDE TOURNANTE À LA TVA (Schéma simple) ![]() Ce cas d'école permet de percevoir sans aucune ambiguïté le rôle de chacune des sociétés : - la société D acquiert les biens à une valeur inférieure aux prix du marché et réalise une économie de 13% ; cette économie sera d'autant plus appréciable que le produit relèvera d'un marché où la concurrence est forte ; - la société B permet de justifier la TVA qui fera l'objet, de la part la société C, soit d'une déduction du montant de la TVA qu'elle aura collectée dans le cadre de ses autres activités, soit d'une demande de remboursement d'un crédit de TVA ; - la société D permet à ses associés soit d'effectuer des opérations commerciales à un prix normal avec une forte marge, compte tenu du faible prix auquel elle a acquis les biens, soit de casser le marché des distributeurs concurrents et de s'arroger un monopole de distribution, soit de mener toute stratégie intermédiaire entre ces deux solutions. Il est important de noter que les transferts de biens sont, dans le cadre de ce schéma frauduleux, indépendants des schémas de facturation et de paiement. En pratique, les rôles de chaque société sont moins clairs. Dans la majeure partie des situations, en effet, les termes de l'échange seront moins aisés à analyser, chaque structure pouvant réaliser une petite marge commerciale, y compris la société éphémère si l'on ne tient pas compte de la TVA. Dans ce cas, les organisateurs du carrousel peuvent alors interposer dans leur dispositif des entreprises non complices qui effectueront des transactions conforme au marché, à faible marge, destinées à rendre plus difficiles les recherches de l'administration fiscale ou des instances douanières ou policières compétentes. 3.- La possibilité d'organiser des montages plus complexes et difficiles à appréhender Dans leurs versions les plus simples, les carrousels ne mettent en jeu qu'un petit nombre de personnes physiques et de sociétés. Dans leurs versions les plus raffinées, ils peuvent donner lieu à des montages particulièrement complexes. Dans les faits, le premier degré de complexité apparaît lorsque deux personnes liées par un simple intérêt financier, ou bien par un lien d'amitié ou d'affection, mettent en jeu plusieurs sociétés qu'elles détiennent, dans le cadre du type de celui indiqué ci-dessous, et mettant en jeu deux pays voisins. Votre Rapporteur a choisi, dans un but pédagogique, un schéma de fraude caractérisée, où le circuit des paiements ne coïncide pas avec le circuit de facturation. ![]() ![]() Sociétés défaillantes Dans un tel schéma, où la fraude est organisée au détriment de la Belgique, la multiplicité des sociétés détenues par une même personne permet de rendre plus difficiles les investigations et de réduire le montant des crédits de TVA dont le remboursement est demandé par chacune des entreprises en cause. Les transactions similaires n'ont jamais lieu avec les mêmes entreprises. Plusieurs sociétés pouvant jouer un rôle similaire, ce schéma offre un très grand nombre d'alternatives. B.- UNE FRAUDE ASSEZ RÉPANDUE DANS CERTAINS SECTEURS, TRÈS RENTABLE ET OÙ L'ON SOUPÇONNE UNE PRÉSENCE DE LA GRANDE CRIMINALITÉ ORGANISÉE 1.- Une fraude concentrée sur certains secteurs économiques La fraude à la TVA intra-communautaire dans le cadre des carrousels a été identifiée dans certains secteurs de l'économie, essentiellement : le textile ; les micro-ordinateurs ; la téléphonie mobile ; les composants électroniques. Dans certains pays de l'Union européenne, des carrousels sont également organisés sur les métaux précieux. L'explication tient au fait qu'il s'agit de produits à très forte valeur ajoutée, aisément transportables, relevant du taux normal de la valeur ajoutée et ne présentant aucun risque commercial car pouvant être cédés rapidement sur un marché dynamique. Sur un plan purement pratique en effet, la fraude est d'autant plus intéressante que la valeur ajoutée est peu volumineuse et peu pondéreuse, car les opérations matérielles sont alors moins délicates. Un petit paquet de composants électroniques peut ainsi représenter une valeur très importante. En outre, et cet élément n'est pas le moindre, les secteurs concernés sont ceux où la détection d'une fraude lors de l'achat n'est très aisée ni pour les détaillants et ni les particuliers (certainement n'en est-il pas de même pour la grande distribution), car la différence notoire de prix entre certains Etats étrangers, notamment les Etats-Unis et le Japon, et l'Europe, pour la vente de produits similaires ou identiques, la permanence de promotions commerciales, les brusques chutes de prix dans un secteur en pleine évolution où tout produit se démode et se décote rapidement rendent très difficile, pour un acquéreur non averti ou n'étant pas régulièrement présent sur le marché, de détecter une anomalie. 2.- Une fraude extrêmement rentable pour ses organisateurs Le rendement des fraudes tournantes à la TVA intra-communautaire de type carrousel est fort élevé, ainsi que l'indiquent les exemples suivants, inspirés de cas réels et résultant de simulations effectuées sur la base d'éléments généraux communiqués par une administration étrangère. Il s'agit donc de simulations. Toute ressemblance avec un cas réel serait donc fortuite. Elle n'est cependant pas impossible, compte tenu du fait que les mécanismes sont identiques. a) Le rendement des carrousels proprement dits · La première simulation concerne les téléphones mobiles. Le 5 juin, une société basée en Allemagne, « Germania 1 » vend 5.000 téléphones portables au prix unitaire de 300 €, soit un prix total hors taxe de 1,5 millions d'euros, à une entreprise française, « téléphonie 1 ». Le même jour, l'entreprise française « téléphonie 1 », qui joue le rôle de société éphémère ou « taxi », vend à une société appelée « téléphonie 2 » les 5.000 téléphones au prix unitaire hors taxe de 270 €, soit un prix total de 1,35 million d'euros hors taxe et de 1,628 millions d'euros toutes taxes comprises. Naturellement, l'entreprise « téléphonie 1 » ne déclare pas la TVA qu'elle a facturée, soit 278.000 euros. Deux jours après, soit le 7 juin, « téléphonie 2 » cède, en franchise de TVA puisqu'il s'agit d'une livraison intra-communautaire, à une société allemande, « Germania 2 » les 5.000 téléphones portables pour un prix unitaire hors taxe de 295 €, soit un prix total égal à 1,475 millions d'euros. L'opération est éminemment profitable, dans la mesure où l'on constate que : - « téléphonie 1 », société taxi, réalise stricto sensu une perte commerciale de 150.000 euros, puisqu'elle revend hors TVA 1,35 million d'euros ce qu'elle a acheté hors TVA 1,5 million d'euros, mais cette marge commerciale est plus que compensée par le bénéfice tiré de la TVA collectée et qui ne sera jamais versée au Trésor public français, soit 278.000 euros : le bénéfice brut de « téléphonie 1 », avant déduction des frais de constitution et de gestion de la société, est ainsi de 128.000 euros ; - « téléphonie 2 » réalise une marge commerciale de 125.000 euros, à raison de 25 € pour chacun des 5.000 téléphones portables ; - le profit brut de l'opération est ainsi de 253.000 euros, soit environ celui du montant de la TVA escroquée. Si l'on considère, en étant large, que le capital investi est immobilisé dans le cadre de cette opération pendant deux mois, compte tenu des différents délais de paiement, encore que les biens puissent être vendus in fine à un distributeur qui ne sera pas complice de la fraude compte tenu du fait qu'ils sont à un prix inférieur à celui du marché, on constate que le rendement de l'opération est de 17% sur deux mois, soit 100% sur l'année. · La deuxième simulation concerne des composants électroniques. Elle reprend, en changeant cependant les données chiffrées et les pays concernés qui conservent cependant le même ordre de grandeur, les principaux éléments de certains montages qui ont conduit à poursuivre pour une fraude à la TVA de l'ordre de 30 millions d'euros des résidents communautaires. Ces montages ne concernaient pas la France. Dans cet exemple, la fraude est d'autant plus caractérisée que les biens n'ont jamais quitté leur pays d'origine. Elle est très rentable, car le nombre des transactions a été élevé, certaines sophistications étant destinées à éviter que l'administration ne décèle trop rapidement des anomalies. Naturellement, l'ensemble des sociétés mentionnées sont des sociétés liées entre elles. Le détail des opérations est le suivant : 1. Une entreprise établie au Royaume-Uni, « UK 1 », vend 6.000 unités de composants pour un prix unitaire de 200 € hors taxe à une entreprise française, « FF 1 », en franchise de TVA puisqu'il s'agit d'une livraison intra-communautaire. Le montant total de la transaction est de 1.200.000 euros. 2. La société « FF 1 » revend les 6.000 composants, hors taxe, à une entreprise établie au Royaume-Uni « UK 2 » au prix unitaire de 202 €. Le montant de la transaction est de 1.220.000 euros. Le bénéfice de la société « FF 1 » est de 12.000 €. 3. La société « UK 2 », société taxi, cède les marchandises toutes taxes comprises à une entreprise « Man 1 » implantée à l'île de Man. Dans le cadre d'un statut proche de celui de Monaco, l'Ile de Man fait partie du territoire de l'Union européenne non seulement d'un point de vue douanier, mais également du point de vue de la TVA. Elle est intégrée au territoire d'application de la VAT britannique. La société « UK 2 » joue le rôle de société taxi. Elle est chargée de facturer une TVA qui ne sera jamais versé à l'Echiquier. Elle revend à un prix inférieur au prix d'achat Les termes de la transaction sont les suivants : - le prix unitaire de chaque composant est de 185 € hors taxe ; - le montant total de la transaction de 1.110.000 euros hors taxe, soit 1.304.250 euros TTC (le taux de la TVA, VAT, est de 17,5% au Royaume-Uni) ; - le montant de la TVA est de 194.250 € ; - le bénéfice brut de l'opération pour la société « UK 2 », hors frais de fonctionnement, est de 92.250 €, compte tenu du fait que le montant de la TVA qui ne sera jamais reversé, soit 194.250 €, sert en partie à couvrir la perte commerciale due à la réduction du prix de vente des composants, qui est de 102.000 € à raison de 17 € par unité. 4. La société « Man 1 » vend les 6.000 unités à trois entreprises anglaises. La TVA est facturée et payée. Le prix unitaire hors taxe est fixé de manière différente pour chacune des deux sociétés acquérantes, de manière à donner l'illusion de relations commerciales sincères. a) 3.300 unités sont cédées au prix unitaire de 187 € hors taxe à la société « UK 1 ». Le montant total de la transaction 617.100 euros hors taxe, soit 725.092,5 euros TTC. Le bénéfice net de la société « Man 1 » dans le cadre de cette transaction est de 6.600 euros (bénéfice exprimé hors taxe naturellement). La société « UK 1 » retrouve ainsi pour un prix unitaire de 187 € la propriété de 3.300 des 6.000 composants qu'elle a initialement cédés pour 200 € chacun. Si elle les revend 198 euros, elle dispose donc d'un bénéfice potentiel de 11 € par composant, soit 36.300 euros. b) 2.200 unités sont cédées pour un prix unitaire de 189 € à la société « UK 3 ». Le montant total de la transaction est de 415.800 euros hors taxe, soit 488.565 euros TTC. Le bénéfice net de la société « Man 1 » dans le cadre de cette transaction est de 8.800 euros (bénéfice exprimé hors taxe). c) 500 unités sont cédées à la société « UK 5 » pour un prix unitaire de 180 €. Le montant total de la transaction est de 90.000 euros hors taxe, soit 105.750 euros TTC. Cette opération entraîne une perte de 2.500 euros pour la société « Man 1 ». Cette perte joue un rôle essentiel pour assurer la crédibilité apparente de la suite du montage. Le bénéfice total de la société « Man 1 » est donc de 12.900 euros. 5. La société « UK 3 » vend à la société « FF2 », société française, hors taxe puisqu'il s'agit d'une livraison intra-communautaire, l'ensemble des 2.200 composants, pour un prix unitaire de 192 €. Le montant total de la transaction est de 422.400 euros. Le bénéfice de la société « UK 3 » est de 4.400 euros. 6. La société « FF 2 » vend, hors taxe également puisqu'il s'agit d'une livraison intra-communautaire, à la société « UK 4 », société taxi, les 2.200 composants pour un prix unitaire de 193 €. Le montant total de la transaction est de 424.600 euros hors taxe. Le bénéfice de la société « FF2 » est de 2.200 euros. 7. La société « UK 4 » cède à la société britannique « UK Final » les 2.200 composants qu'elle a acquis. Le prix hors taxe est de 174 € l'unité. Le montant total de la transaction est de 382.800 euros hors taxe et de 449.790 euros TTC. La TVA, égale à 66.990 euros, est facturée par « UK 4 » à « UK Final ». Elle est réglée par cette dernière, mais elle ne sera jamais reversée à l'Echiquier par la société « UK4 ». Le bénéfice brut de la société « UK 4 » est constitué de la part du montant de la TVA qui ne sera pas versée à l'administration fiscale qui excède le montant de la perte commerciale, substantielle, à raison de 19 € par composant. La perte commerciale étant égale à 41.800 euros et le gain tiré de la fraude à la TVA de 66.990 euros, le bénéfice brut de la société « UK 4 » rattachée est ainsi égal à 25.190 euros. 8. Les 600 unités détenues par la société « UK 5 », mentionnées au c) de la phase 4 sont cédées directement à « UK Final », pour un prix de 185 € hors taxe. La TVA est facturée et acquittée. Le montant total de la transaction est de 110.000 euros hors taxe, soit 130.425 euros TTC. Le bénéfice de la transaction est égal à 3.000 € pour la société UK 5. Cette transaction directe présente l'avantage de rendre la société « UK Final » moins suspecte de s'approvisionner dans des conditions douteuses, la filière étant totalement intégrée et l'ensemble des sociétés mentionnées étant contrôlé de fait par les mêmes personnes. Elle accrédite, d'une part, l'idée, d'une diversité des sources d'approvisionnement et, d'autre part, d'une capacité d'« UK Final » à négocier des prix intéressants auprès de ses fournisseurs. Ces éléments sont d'autant plus essentiels que c'est « UK Final » qui devra écouler ensuite sur le marché régulier ses produits et que c'est elle qui sera ainsi le plus susceptible d'être dénoncée à l'administration compétente en matière de TVA ou à l'administration compétente en matière de fraude et de concurrence, car proposant des prix assez peu élevés. Si l'on admet que le prix de marché d'un composant est de 204 € l'unité, et que les sociétés contrôlées par le groupe formé à but frauduleux cèdent ces composants à 199 €, on constate que le bénéfice brut potentiel de la société « UK Final » est de 63.400 euros, à raison de 8.400 euros pour 600 unités acquises 185 € l'unité et de 55.000 euros pour les 2.200 unités acquises à 174 € l'unité. Le bénéfice potentiel de la société « UK 1 » est de 36.300 euros pour les 3.300 composants acquis en phase 4 a). On peut ainsi calculer, sur cette base, le bénéfice brut final de l'opération pour ses organisateurs et constater ainsi : - un profit certain de 151.940 euros, dont 12.000 euros dans la cadre de la société « FF1 », 92.250 euros dans le cadre de la société « UK 2 », 12.900 euros dans le cadre de la société « Man 1 », 4.400 euros dans le cadre de la société « UK 3 », 2.200 euros dans le cadre de la société « FF2 », 25.190 euros dans le cadre de la société « UK 4 » et 3.000 euros au sein de la société « UK 5 ». On observera incidemment que le profit est essentiellement concentré sur les sociétés taxis « UK 2 » et « UK 4 ». Les profits des autres sociétés sont destinés à couvrir les frais de fonctionnement de ces transactions multiples dont l'objectif est essentiellement de permettre le montage. - un profit incertain, car lié aux conditions de vente finales, estimées ici de manière prudente à 199 euros l'unité, d'un montant total de 99.700 euros, dont 36.300 au sein de la société « UK 1 » et 63.400 au sein de la société « UK Final ». Au total, le schéma indiqué est susceptible de produire un bénéfice de 251.640 euros à ses organisateurs, soit 1,651 millions de francs. Ce bénéfice n'a aucun fondement économique. Il est en effet le résultat de la fraude à l'impôt et de la confiscation par des personnes privées de sommes qui devraient être versées à l'Etat. Il est au sens strict du terme le résultat d'un vol de l'Etat et de la collectivité. Le montant de ce bénéfice est important eu égard au montant total de l'investissement, qui peut être estimé à deux fois le montant de la première transaction, soit 2,4 millions d'euros. L'absence de transport permet de réduire les délais et d'effectuer l'ensemble de cette fraude sur une période de deux semaines, au plus. On apprécie ainsi l'attrait que représente un rendement, théorique, certes, car toutes les entreprises participant à la fraude de type carrousel ne sont pas utilisées à plein tout au long de l'année, de 880 % par an. Ce rendement constitue une référence pour la criminalité organisée. L'explication d'un tel rendement est simple : le montant de la fraude est égal au montant de la TVA éludée, soit environ 15 % du montant du capital investi dans l'opération et les opérations sont réalisées sur une période de temps extrêmement réduite. A plus long terme, les rendements sont naturellement moins importants que ceux mentionnés précédemment. Ils restent néanmoins intéressants. Certaines fraudes réalisées sur plus d'une année, qui ne fonctionnent pas à plein rendement tout au long de la période, ont pu ainsi rapporter à leurs organisateurs environ 330.000 francs par jour ouvré. Certains carrousels plus importants rapporteraient même à leurs organisateurs près d'un million de francs par jour. De tels montants ne sont certes pas courants. Ils sont cependant révélateurs de l'attrait que peuvent procurer les mécanismes de fraude dès lors que le bénéfice quotidien peut être égal au salaire annuel d'un cadre de l'industrie ou des services. b) La possibilité de greffer sur les carrousels d'autres types de fraude Le carrousel constitue en soi un mécanisme de fraude autonome. Il est cependant parfois utilisé conjointement avec d'autres types de fraudes. Sur le plan fiscal, la plus aisée est celle qui consiste à réintroduire les biens faisant l'objet du carrousel dans leur pays d'origine par l'intermédiaire d'une société « taxi », qui les cédera à une société éphémère dont le seul but sera de vendre les biens, d'une manière non déclarée, sur le marché parallèle. La fraude à la TVA se double alors d'une fraude à l'impôt sur les sociétés et d'une fraude à l'impôt sur le revenu des personnes physiques bénéficiaires. Sur le plan économique, des cas de contrefaçons, en matière des composants électroniques notamment, ont été portés à la connaissance de votre Rapporteur. Il en serait de même sur des disques compacts (CD). Au produit de la fraude fiscale vient ainsi s'ajouter le bénéfice d'une majoration indue de 50% voire 100% du prix de vente. On mesure combien ces types de fraudes peuvent être attrayants pour les milieux peu scrupuleux. Dans le domaine du textile, les fraudes peuvent avoir de nombreux aspects, dès lors que les biens font l'objet d'une fausse déclaration d'origine pour bénéficier de droits de douane réduits. La fraude douanière se double d'une fraude fiscale de type carrousel, ce qui permet de très fortes marges de distribution. Enfin, certains interlocuteurs de votre Rapporteur ont précisé que des sociétés impliquées dans des carrousels de TVA auraient été financées par des prêts octroyés, à des taux élevés, à partir de paradis fiscaux, dans le cadre de procédures de blanchiment de capitaux frauduleux. Votre Rapporteur n'a pas pu vérifier cette information. Il la livre cependant, car elle n'est pas invraisemblable. 3.- Une fraude infiltrée par la grande délinquance ainsi que par la grande criminalité organisée de type mafieux Avant tout, dans chacun des pays dans lesquels votre Rapporteur a indiqué qu'il s'était rendu, il a été observé que des fraudes de type carrousels étaient organisées, de manière directe ou indirecte, par des personnes déjà connues pour leur indélicatesse fiscale. Néanmoins, cette catégorie de fraude a introduit dans le domaine de la délinquance financière deux types de population qu'il convient de signaler. La première, totalement atypique, est constituée de personnes sans passé fiscal ni pénal, parfois connues des services sociaux pour la précarité de leurs conditions d'existence et leurs difficultés d'insertion professionnelle, parfois exploitantes d'entreprises modestes situées dans des quartiers moyens ou déshérités. Elle sert d'auxiliaires aux instigateurs de la fraude, fournissant les prête-noms tant pour les associés que pour les dirigeants de sociétés, les gérants de complaisance, les associés peu exigeants et offre, parfois, un semblant d'honorabilité appréciable. La seconde est une population d'un tout autre type, connue le plus souvent des services judiciaires pour des infractions de droit commun. Elle est attirée par la fraude fiscale à cause de l'importance du rendement des carrousels de TVA et de l'ensemble des autres fraudes liées. La fraude à la TVA représente alors une diversification, parfois une reconversion, moins risquée que les secteurs d'activité traditionnels de cette population délinquante. Certains interlocuteurs de votre Rapporteur n'ont pas caché que la présence, directe ou indirecte, au sein de cette catégorie, de la très grande criminalité organisée, voire de la criminalité mafieuse, n'était pas à exclure. Il n'est guère possible d'aller au-delà de ce qui reste une très forte présomption, et de risquer une affirmation. Cependant, certains ne manqueront pas de relever que cette situation n'aurait rien d'étonnant dès lors que la fraude à la TVA est, dans certains cas, plus rentable que certains trafics traditionnels du « milieu ». En outre, plusieurs interlocuteurs ont souligné que les méthodes utilisées sont typiques de celles de la grande criminalité, allant même jusqu'aux pratiques d'intimidation physique. 4.- Une fraude extrêmement déstabilisante sur le plan économique Comme toute fraude à la TVA, la fraude de type carrousel est extrêmement déstabilisatrice sur le plan économique, car elle alimente en permanence le marché des produits concernés en articles à bas prix. On rappellera, en effet, que chaque « tour de carrousel » entraîne une possibilité de diminution de prix théorique de l'ordre de 15 à 20%, soit le montant de la TVA éludée. En fait, la diminution de prix est moindre, car il faut compter avec le prélèvement opéré par les délinquants qui l'organisent. En tout état de cause cependant, comme l'objectif de la fraude est de procéder à une escroquerie à la TVA et non de réaliser une vente commercialement équilibrée, et que l'intérêt des organisateurs est une rotation très rapide des capitaux, et ainsi de conserver les marchandises le moins longtemps possible, les biens sont toujours cédés à un prix inférieur à celui du marché. Un réseau de distributeurs qui ne pratique pas la fraude de type carrousel se heurte ainsi aux pires difficultés pour survivre, puisqu'il est contraint de réduire sans cesse ses coûts d'exploitation ou ses marges pour faire face à la concurrence, et ainsi de revendre en dessous de son prix de revient. Certes, tel n'est pas le cas si les personnes qui organisent le carrousel viennent se fournir dans son entreprise, mais il devient alors dépendant de ce type de clientèle, la seule à pouvoir durablement acheter à un prix supérieur à celui du marché. Par ailleurs, comme les fraudes de type carrousel concernent surtout des biens de grande consommation vendus en grandes surfaces ou leurs composants, c'est-à-dire des secteurs où la pression à la baisse des prix est très forte et où l'explication de prix anormalement bas n'est peut-être pas le souci principal des acheteurs des centrales d'achat, compte tenu de la recherche systématique des ventes promotionnelles, s'agissant surtout sur des produits aussi attractifs que les téléphones portables ou les micro-ordinateurs domestiques, appelés en terme professionnel des produits d'appel, on doit considérer que le risque économique des fraudes de type carrousel est considérablement accru par la concentration, dans notre pays, du grand commerce de détail sur quelques enseignes qui se font une grande concurrence sur ces produits spécifiques. A terme, le risque de la prolongation d'une situation insuffisamment dissuasive pour les organisateurs de carrousel est celui d'une destruction du tissu économique normal de commercialisation des produits concernés, qui relèvent tous de secteurs de pointe, à l'exception du textile. Au-delà de leurs dimensions purement nationales et européennes, les fraudes de type carrousels présenteraient, selon certaines informations communiquées à votre Rapporteur, une dimension internationale inquiétante. Des « tours de carrousels » seraient, en effet, organisés, en Europe, par des entreprises effectuant du commerce international, de manière à réduire artificiellement et de manière frauduleuse le prix de biens fabriqués en dehors de l'Union européenne et utilisés en dehors de l'Union. Les biens seraient importés d'un Etat tiers, feraient l'objet de transactions entre plusieurs pays de l'Union, puis seraient réexportés vers un Etat tiers, à un prix inférieur. Ainsi, les ressources des Etats membres de l'Union, ou de certains d'entre eux pour le moins, seraient utilisées par certaines entreprises étrangères pour réduire le prix de leurs produits et, à terme, pour réduire le prix international de produits tels que les composants électroniques. Si cette information est exacte, on mesure la gravité de la situation. Aucune hypothèse n'étant à exclure, on peut enfin parfaitement imaginer que des carrousels puissent être également organisés pour diminuer les prix à l'exportation de produits fabriqués au sein de l'Union, de manière à réduire artificiellement leurs prix. C.- UNE FRAUDE SUSCEPTIBLE DE PERDURER EN L'ABSENCE DE PERSPECTIVE DE CHANGEMENT DES RÈGLES COMMUNAUTAIRES Ainsi que l'a déjà précisé votre Rapporteur, la fraude à la TVA de type carrousel est étroitement liée au régime dit transitoire de la TVA défini au niveau communautaire. En effet, le régime transitoire introduit une rupture dans la chaîne de perception de la TVA dont toute l'efficacité repose sur l'absence d'interruption et la difficulté d'introduire une telle rupture. Si l'on se rapporte aux exemples de mécanismes de carrousels précédemment évoqués, l'efficacité de la démarche repose sur le fait qu'un opérateur a l'opportunité d'acquérir hors taxe une marchandise à forte valeur ajoutée, ce qui n'arrive pas dans le circuit économique normal où la taxation intervient soit au fur et à mesure de la valeur ajoutée pour les produits fabriqués en interne, soit lors du passage en douane pour les produits importés, et de revendre ces biens TTC, sans acquitter la TVA au Trésor car elle disparaît avant, sauf montage complexe. Le deuxième élément spécifique est la simplicité. Pour organiser une rupture équivalente sur le marché national, il faudrait en effet procéder à un montage plus complexe mettant en cause de nombreuses sociétés : une société A vendrait des marchandises à une société B, laquelle disparaîtrait après avoir vendu ces marchandises toutes taxes comprises au prix nominal auquel elle avait elle-même acquis ces produits hors taxe, à une société C. Dans ce schéma, la difficulté pour la société B, qui doit acquitter la TVA lors de la transaction avec la société A, est de trouver une compensation à cette créance de TVA déductible sans que la TVA perçue auprès de C ne soit l'objet de cette compensation. Ainsi, la fraude de type carrousel à la TVA donne une nouvelle dimension à des mécanismes classiques de la fraude à la TVA connus, qu'il s'agisse des sociétés taxis qui collectent une TVA qu'elles ne reversent pas au Trésor ou qu'il s'agisse des sociétés de fausse facturation qui permettent de « blanchir » des marchandises acquises sur le marché parallèle par une entreprise. Or, le régime transitoire est destiné à perdurer. En effet, le passage au régime dit définitif, où la TVA serait perçue dans le pays de départ du bien et non dans le pays de destination, ne saurait intervenir à brève échéance, tous les pays s'y opposant. Ainsi que l'a déjà précisé votre Rapporteur, ce régime avantagerait les pays dont le commerce extérieur est structurellement excédentaire vis-à-vis de leurs partenaires et désavantagerait les pays structurellement importateurs, puisque la TVA acquittée par une entreprise lors de l'acquisition d'un bien dans un autre Etat de l'Union viendrait en déduction du montant de la TVA qu'elle devrait acquitter au titre de ses ventes, auprès de son pays de résidence. Pour ne pas introduire de perturbations dans les ressources des Etats membres, dont la TVA constitue un poste important, un système de compensation devrait être mis en place des Etats ayant des excédents de recettes en direction des Etats en déficit. Or, sans même préjuger de l'importance du problème politique que poserait la création d'un tel système qui ne pourrait être que centralisé et géré par la Commission européenne, la situation, sur le plan de la fiabilité des statistiques au niveau des Etats membres ne s'est pas améliorée et il est toujours impossible d'instaurer un système de compensation pour des raisons purement techniques en raison de l'absence de fiabilité des statistiques issues des différentes comptabilités nationales et de l'impossibilité d'évaluer avec suffisamment de certitude les emplois taxables, c'est à dire le montant et l'évolution des postes de la consommation et de l'investissement supportant la TVA. Il s'agit essentiellement, mais pas seulement, de la consommation des ménages et des administrations publiques. Certains considèrent même que la situation a empiré dès lors, qu'au niveau communautaire, la consolidation des échanges de biens entre pays membres laisse apparaître un solde non négligeable, ce qui signifie que les statistiques du commerce intra-communautaire sont fausses. En effet, la somme des résultats des balances commerciales pour les seuls échanges entre pays de l'Union devrait être égale à zéro, par définition. En outre, le régime définitif engendrerait d'autres types de fraudes, notamment parce qu'il faciliterait la réalisation de fausses factures provenant d'autres Etats membres de l'Union. Le règlement de la question par l'adoption d'un autre régime de la TVA au niveau intra-communautaire n'apparaît donc pas envisageable, à brève échéance. Certains des interlocuteurs de votre Rapporteur ont émis l'idée de la suppression de la TVA, qui serait remplacée par une taxe à la consommation du type de la sales tax perçue aux Etats-Unis. Une telle proposition apparaît impraticable à deux titres. D'une part, ce type de taxe ne donne lieu à une perception fiable que si les taux sont bas, de moins de 10%. Or, les taux normaux de TVA en Europe dépassent largement ce seuil. Il faudrait, si une telle solution était adoptée, trouver une ressource de remplacement. Le problème est de savoir laquelle. D'autre part, le développement du commerce électronique, ainsi que des ventes à distance entre des Etats ayant différents types de taxes, montre la difficulté d'établir un système totalement fiable de taxation de la consommation, certains nouveaux types de fraudes ayant été signalés à votre Rapporteur dans le cadre des achats par correspondance, lors de sa mission aux Etats-Unis. II.- LA NÉCESSITE DE PRÉVOIR UN ALOURDISSEMENT SUBSTANTIEL DES PEINES ET D'ENVISAGER L'HYPOTHÈSE D'UN RENFORCEMENT DES PROCÉDURES DE POURSUITE L'administration fiscale n'est pas restée inactive et n'est pas totalement démunie pour combattre les fraudes tournantes à la TVA organisées dans le cadre de carrousels. D'une part, elle a organisé un système de surveillance des crédits de TVA et du montant de la TVA déduit par une entreprise dans le cadre de la déclaration trimestrielle de chiffres d'affaires, principalement. D'autre part, elle dispose d'importantes possibilités d'actions sur le plan fiscal comme sur le plan pénal. Cependant, les procédures existantes de sanction apparaissent insuffisamment dissuasives au regard de l'attractivité de la fraude. Aussi votre Rapporteur est-il conduit à suggérer, d'une part, un renforcement des peines prévues dans le cadre de la législation actuelle ainsi que, d'autre part, la mise à l'étude de procédures spécifiques inspirées de celles en vigueur chez nos principaux partenaires, étant donné que le régime transitoire de la TVA, à l'origine de l'intérêt des carrousels, est destiné à perdurer. A.- UNE FRAUDE DIFFICILE À COMBATTRE SUR LE PLAN FISCAL, MAIS SUSCEPTIBLE DE FAIRE L'OBJET DE POURSUITES PÉNALES ASSEZ RAPIDES 1.- La procédure fiscale a) La détection du risque : la surveillance des crédits de TVA L'administration fiscale a mis en place des cellules de surveillance des demandes de remboursement de crédit de TVA, puisqu'une fraude de type carrousel se traduit souvent par des demandes de remboursement de crédit de TVA . L'objectif de ces cellules est de sélectionner des demandes devant faire l'objet de procédures particulières et d'organiser une collaboration entre les différents services concernés, notamment les services des douanes. Votre Rapporteur a pu apprécier sur le terrain l'efficacité des cellules chargées d'effectuer cette surveillance. Pour les fraudes de type carrousel qui ne se traduisent pas par des demandes de remboursement de crédits de TVA, c'est l'évolution des montants de la TVA déductible reportés sur une déclaration qui constitue un signe indicateur d'une éventuelle anomalie. Tel est notamment le cas lorsqu'une entreprise procède à des inscriptions de montant de TVA déductibles sans cesse accrus alors que son chiffre d'affaires stagne. La surveillance des crédits de TVA n'est pas cependant sans poser de problème lorsqu'elle conduit à retarder un remboursement pour une entreprise créditrice, soit systématiquement, soit occasionnellement, parce que fortement exportatrice. Il s'agit d'une méthode à mettre en _uvre avec discernement ; sinon, elle peut conduire à pénaliser les entreprises exportatrices vers les pays qui sont nos principaux partenaires. b) La sanction des infractions : une procédure efficace, mais délicate à mettre en _uvre En ce qui concerne la procédure de contrôle fiscal, les carrousels de TVA présentent plusieurs difficultés. En premier lieu, il n'est pas aisé de les détecter car les opérations ont toujours une grande apparence de régularité. Les carrousels de TVA reposent en effet sur des transactions effectuées entre plusieurs entreprises qui donnent l'apparence d'entretenir des relations commerciales normales. Ainsi, en présence de transactions entre plusieurs entreprises, il faut percevoir des liens organiques ou déterminer la fonction de chaque entreprise avant d'établir la fraude, avant de pouvoir comprendre s'il y a carrousel ou non. En deuxième lieu, ces entreprises dont réparties sur les territoires de plusieurs Etats de l'Union, non nécessairement contigus, ce qui implique immédiatement des procédures de coopération, nécessairement lourdes, entre les administrations fiscales. En troisième lieu, une fois la présomption de fraude établie, il est très difficile de prouver la fraude. Le cas précédemment évoqué d'une entreprise dont le montant de la TVA déductible croît dans des proportions importantes alors que le chiffre d'affaires stagne, laisse présumer une fraude, mais il sera toujours difficile à l'administration fiscale d'apporter des éléments de preuve sur cette seule base. Un certain nombre d'indicateurs tels que la conclusion dans de brefs délais de transactions portant sur des montants importants avec des sociétés ne disposant d'aucune référence professionnelle sérieuse ni ancienne, par une entreprise, sont également révélateurs de l'existence probable d'un carrousel. Mais, il n'est pas aisé, ensuite, pour l'administration de prouver la fraude. Sur le plan du droit, cette preuve est d'autant plus difficile à établir que l'infraction fiscale, la défaillance du paiement de la TVA est localisée dans une société taxi en général implantée à l'étranger, à vocation éphémère, et, en pratique, insaisissable. C'est là la stratégie des organisateurs de carrousels que de concentrer la fraude fiscale sur des sociétés éphémères et fragiles, et d'en affecter une partie du bénéfice à des sociétés qui présentent une façade de respectabilité totale. La principale technique pour faire apparaître une fraude, consiste à démontrer le caractère fictif de la livraison intra-communautaire. En effet, si les biens ne franchissent pas la frontière, la livraison étant fictive, l'opération est frauduleuse et il y a infraction fiscale. Ainsi, un temps, les dispositifs ont fonctionné sans transport, en jouant sur le fait que l'acquéreur peut effectuer par ses propres moyens, l'expédition ou le transport des biens. Le vendeur était dégagé de toute responsabilité. En réaction, l'instruction 3-A-3-97 du 28 mars 1997 a durci les règles applicables en imposant au vendeur, préalablement à la livraison, de prendre toutes les garanties nécessaires pour être ensuite en mesure de prouver la réalité de l'opération. Pour contourner cette nouvelle obligation, les organisateurs ont alors fait procéder au transport de sacs de sable ou de marchandises peu onéreuses. Naturellement, ces procédés ont été découverts. Par ailleurs, en tout état de cause, il y a infraction lorsque la société taxi est implantée en France. En revanche, une société qui participe à un carrousel et exporte en franchise de TVA ne commet aucune infraction dès lors que la livraison présente un caractère réel, c'est à dire dès lors que les biens quittent le territoire de l'Etat membre où est établie l'entreprise qui les vend et dès lors qu'un paiement est effectué entre les deux parties à la transaction. En pratique, la procédure fiscale de mise en évidence d'une fraude tournante de type carrousel repose ainsi sur un long travail de patience pour arriver à détecter les erreurs d'une société qui se livre à cette activité. La difficulté est en outre accrue dans le cas des schémas précédemment évoqués reposant sur l'interposition de sociétés qui ne sont pas complices et peuvent renforcer encore l'apparence de régularité si nécessaire à la pérennité du montage. Dans un dernier ordre de difficulté, il faut souligner le décalage entre les délais des procédures administratives actuelles et la rapidité d'exécution des carrousels soulignée par votre Rapporteur lors de la présentation des exemples qui précèdent. Les organisateurs jouent de cette faible réactivité, les autorités communautaires ayant constaté une utilisation croissante d'entreprises soumises à une déclaration annuelle de chiffres d'affaires, ce qui ne permet pas de rapprocher suffisamment tôt ces données avec celles provenant d'entreprises soumises à une déclaration trimestrielle, dès lors qu'il n'y a pas de demande de remboursement d'un crédit de TVA, lequel est sous surveillance, mais imputation. 2.- La procédure pénale Au plan pénal, les fraudes à la TVA de type carrousel relèvent plutôt du délit d'escroquerie de droit commun que de celui fraude fiscale prévu à l'article 1741 du code général des impôts. On rappellera que le délit d'escroquerie, prévu aux articles 313-1 et 312-2 du code pénal, est défini comme le fait de tromper une personne et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers de lui remettre des fonds, des valeurs ou un bien, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de man_uvres frauduleuses. Ce délit est sanctionné de cinq ans d'emprisonnement et de 2,5 millions de francs d'amende. Ces peines sont portées à sept ans de prison et 5 millions d'amende lorsque l'escroquerie est commise en bande organisée. La tentative d'escroquerie est également incriminée. En outre, l'Etat est susceptible de percevoir des dommages et intérêts au titre du préjudice subi. En pratique, la poursuite est délicate, car le délit n'est constitué qu'en présence de man_uvres frauduleuses et l'élément intentionnel, même s'il reste nécessaire, ne suffit pas. Or, la notion de man_uvre frauduleuse n'est définie par aucun texte, ni en matière pénale, ni même en droit fiscal où elle entraîne pourtant l'application d'une amende fiscale égale à 80% des droits éludés. Il convient donc de se référer à la jurisprudence. Selon celle-ci, les man_uvres frauduleuses supposent une machination, une ruse ou une combinaison d'actes extérieurs destinés à créer une apparence trompeuse. Pour passer de la seule incrimination de fraude fiscale à celle d'escroquerie fiscale, il est ainsi indispensable de pouvoir faire état d'actes extérieurs aux déclarations fiscales de chiffre d'affaires, trimestrielle de type CA 3 ou annuelle de type CA 12 destinés à donner crédit aux allégations mensongères énoncées par les déclarations en vue de tromper l'administration. On trouve fréquemment parmi ces actes extérieurs : les falsifications d'achats ; l'établissement de factures d'achats fictifs ; l'intervention de sociétés taxis ; la réalisation d'achats sans facture ; la mise en scène de circuits de facturation fictive avec les sociétés taxis et les entreprises relais, etc. S'agissant des délais, on rappellera que l'action publique se prescrit par trois années révolues, conformément à l'article 8 du code de procédure pénale. Le point de départ est la date à laquelle le délit a été commis, c'est à dire la date de la demande de remboursement ou la date du dépôt de la déclaration de chiffre d'affaires, s'il n'y a pas eu remboursement, mais imputation. En cas de tentative d'escroquerie, c'est la date de réception de la demande de remboursement qui compte. S'agissant des modalités d'action, la direction générale des impôts peut intervenir de deux façons dans le cas où des actions pénales sont engagées pour escroquerie à la TVA. D'une part, elle peut porter plainte directement, sans devoir recueillir préalablement l'avis favorable de la commission des infractions fiscales. Les plaintes peuvent être déposées soit au niveau central, soit par les chefs des services déconcentrés, régionaux ou départementaux. D'autre part, elle peut se constituer partie civile au nom de l'Etat, lorsqu'elle n'a pas eu l'initiative et qu'elle est simplement informée par le Procureur de la République, notamment lorsque d'autres administrations ont porté plainte pour des infractions à caractère économique. Lorsque le dépôt d'une plainte pour escroquerie à la TVA ne peut être envisagé, dès lors que les conditions ne sont pas réunies, l'administration peut porter plainte pour fraude fiscale, conformément à l'article 1741 du code général des impôts, avec l'avis favorable de la commission des infractions fiscales. On observera que l'article L. 230 du livre des procédures fiscales prévoit pour ce délit un délai de prescription plus long que pour l'escroquerie. L'échéance intervient à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle l'infraction a été commise. En 1998, 12 plaintes ont été déposées pour escroquerie à la TVA, 13 pour tentative d'escroquerie et 9 pour escroquerie et tentative. Les droits en jeu s'élevaient à 46,5 millions de francs, soit 1,5 millions de francs en moyenne par affaire, avec des différences importantes d'une affaire à l'autre (de 100.000 francs à 20,18 millions de francs). Deux dossiers ont donné lieu à constitution de partie civile. Au total, onze jugements et arrêts relatifs à des affaires antérieures, compte tenu des délais de jugement, ont été rendus. Dans ce cadre, les dommages et intérêts accordés à l'Etat ont été de 22,44 millions de francs. Les difficultés de mise en _uvre des procédures pénales et fiscales sont très préjudiciables pour l'Etat. En pratique, le risque fiscal comme le risque pénal seraient perçus comme très faibles voire insignifiants, par les organisateurs de carrousels, selon plusieurs informations communiquées à votre Rapporteur. On doit donc envisager une modification des dispositions existantes pour remédier à cet état de choses. B.- PRÉVOIR UN RENFORCEMENT SUBSTANTIEL DES PEINES ET METTRE À L'ETUDE L'OCTROI DE COMPÉTENCES DE POLICE JUDICIAIRE À UNE SECTION SPÉCIALISÉE DU MINISTERE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES 1.- Renforcer substantiellement les peines en cas d'escroquerie à la TVA en bande organisée En matière pénale, la sanction a une grande valeur de symbole. Elle a pour fonction de dissuader la commission de l'infraction. A cet égard, les peines prévues en cas d'escroquerie à la TVA, lorsqu'elle est commise en bande organisée - sept ans de prison et 5 millions de francs d'amende - apparaissent trop légères eu égard aux enjeux, même si la peine d'amende n'a pas valeur de réparation du préjudice subi, laquelle intervient par ailleurs dans le cadre du versement de dommages et intérêts. Ces peines sont en effet adaptées au délit d'escroquerie de droit commun, mais apparaissent dérisoires dès lors qu'il y a escroquerie ou tentative d'escroquerie au détriment de la collectivité. Par ailleurs, dans la hiérarchie des sanctions pénales, en matière économique ou en matière de grande délinquance ayant de fortes incidences financières, comme c'est le cas du trafic de stupéfiants, on ne peut négliger le fait que la peine doit être proportionnée à l'intérêt d'un individu à commettre l'infraction. Plus l'intérêt est fort, plus la sanction doit l'être. Dans cet esprit, les escroqueries à la TVA pouvant être financièrement aussi intéressantes pour leurs organisateurs que le trafic de stupéfiant, il convient de prévoir des peines similaires à celles prévues dans ce cadre pour des infractions délictuelles : dix ans d'emprisonnement et 50 millions de francs d'amende. On mesure ainsi le décalage avec celles, rappelées à l'instant, prévues en cas d'escroquerie à la TVA en bande organisée. Votre Rapporteur considère donc que, dans le cadre d'une modification de l'article 313-2 du code pénal, il convient de prévoir pour l'infraction spécifique d'escroquerie à la TVA en bande organisée des peines identiques, de dix ans de prison et 50 millions de francs d'amende pénale. Cet alignement constitue, dans un premier temps, le minimum de ce que peut faire le législateur face à une situation très grave. 2.- Demander au Gouvernement un rapport sur la mise en place d'un service spécialisé du ministère de l'économie et des finances disposant de prérogatives de police judiciaire afin de réduire les délais de répression et sur la création d'une infraction spécifique de fraude organisée à la TVA Lors de sa présentation de la procédure fiscale et de la procédure pénale applicable en cas de fraude tournante à la TVA organisée dans le cadre de carrousels, votre Rapporteur a mentionné que les délais de dépôt d'une plainte étaient nécessairement longs, car une procédure de contrôle fiscal est auparavant nécessaire. La longueur de ces délais constitue en fait le principal problème, car il implique une faible réactivité de la part de l'administration. Même lorsque la fraude est aisée à prouver, les organisateurs peuvent, d'une part, démanteler certains éléments de preuve et, d'autre part, organiser leur insolvabilité. Les cas concrets présentés à votre Rapporteur montrent, d'une part, que les carrousels reposent sur des procédures simples et rapidement exécutées et, d'autre part, que, pour palier les difficultés de preuve précédemment évoquées, il convient de pouvoir opérer, pendant la période où le carrousel est en cours de fonctionnement, des constatations relatives aux transports de marchandises, aux liens et aux relations de droit et de fait entre les gérants de sociétés concernées. Il convient donc soit de fusionner la logique fiscale et la logique pénale, soit de permettre à la seconde d'être exercée par des fonctionnaires de l'économie des finances et de l'industrie, sous le contrôle du juge, comme cela se fait dans certains pays étrangers. La seconde solution est préférable. Il pourrait ainsi être envisagé d'appliquer à ce type de fraude organisée à la TVA une procédure inspirée des règles en vigueur au Royaume-Uni, pour la TVA. Dans cet Etat, la législation permet de discerner très en amont de la procédure de contrôle fiscal les dossiers frauduleux et de les confier à des agents d'un service spécialisé le National investigation service (NIS) du service des douanes (H M Customs and Excise). Au Royaume-Uni et dans les autres pays concernés, ces services spécialisés sont constitués de fonctionnaires habilités à procéder à de véritables enquêtes policières, parfois sous l'autorité du juge pour les mesures les plus lourdes (perquisitions, écoutes, etc.). Ils peuvent procéder à des arrestations. L'encadré suivant montre l'importance des prérogatives des agents du NIS au Royaume-Uni.
Lors de sa mission au Royaume-Uni, votre Rapporteur a pu apprécier la qualité des enquêtes du NIS, qui peut être considéré comme un exemple à suivre, sur le plan de la procédure. Il a pu apprécier l'efficacité du NIS et le haut degré de finesse des enquêtes auxquelles il peut se livrer, qui permettent de démonter, selon les fonctionnaires en service, des réseaux de carrousels ayant des ramifications dans toute l'Union européenne. D'une manière plus précise, il pense qu'il conviendrait ainsi de prévoir la création, au sein du ministère de l'économie et des finances, d'un service d'enquête en matière de TVA, constitué avec des fonctionnaires de la direction générale des impôts ainsi que de la direction générale des douanes et droits indirects. Certains membres de ce service auraient la qualité d'officiers de police judiciaire et pourraient procéder, sous le contrôle du juge, à des actes lourds, y compris des arrestations, des écoutes téléphoniques et des filatures. Le choix d'un service constitué de fonctionnaires des impôts et de fonctionnaires de douanes s'impose dès lors que la collaboration actuellement opérée sur le terrain a donné de bons résultats, ainsi qu'a pu à plusieurs reprises le constater votre Rapporteur. La collaboration entre la direction générale des impôts et la direction générale des impôts et droits indirects en matière de lutte contre la fraude à la TVA-intracommunautaire La collaboration entre la direction générale des impôts et la direction générale des douanes et droits indirects a été prévue par le plan d'action commun entre la direction générale des impôts et la direction générale des douanes et droits indirects, mis en place le 27 février 1997 ainsi que par la rénovation du protocole relatif à l'échange d'information entre les deux directions générales (protocole du 21 février 1997). Elle se traduit par un dialogue permanent grâce à l'échange de correspondants. Cet échange facilite, d'une part, les échanges de renseignements, dont, le nombre s'est considérablement accru et, d'autre part, les possibilités de formation professionnelle. Les domaines concernés sont non seulement la TVA, mais également les transferts de capitaux, la navigation de plaisance, les résultats des contrôles à la circulation et le travail dissimulé. Deux dispositions de la loi de finances pour 1999 sont venues renforcer cette collaboration : l'article 103, qui habilite, dans le cadre de l'article L. 80 J du livre des procédures fiscales, les agents de douanes à prendre copie des documents qui leur sont présentés lors des contrôles à la circulation et à les remettre aux agents des impôts ; l'article 104 qui habilite les agents des douanes à se faire assister par des agents des impôts dans le cadre des contrôles à la circulation opérés en application de l'article L. 80 J du livre des procédures fiscales ; l'article 105 qui autorise, dans le cadre d'un nouvel article L. 83 A du livre des procédures fiscales, les agents et ceux des douanes et droits indirects à se communiquer spontanément, sans demande préalable, les renseignements et les documents recueillis dans le cadre de leurs missions respectives. Cette proposition ne peut cependant raisonnablement faire l'objet d'une mise en _uvre immédiate, tant elle relève d'une véritable révolution juridique. Une étude préalable associant le ministère de la justice, le ministère de l'économie des finances et de l'industrie et le ministère de l'intérieur est donc nécessaire. Aussi votre Rapporteur recommande-t-il sur ce point au Parlement de demander un rapport au Gouvernement, tout en insistant pour que l'étude soit menée à très bref délai compte tenu de l'importance des enjeux. Un délai de six mois semble suffisant. Outre la création d'un service spécialisé, la lutte contre la fraude organisée en matière de TVA intra-communautaire conduit à poser le problème de la pertinence du maintien de la référence à l'infraction d'escroquerie de droit commun. Votre Rapporteur suggère ainsi que ce rapport étudie la possibilité d'une incrimination spécifique d'escroquerie à la TVA en bande organisée afin que cette grande fraude ne relève plus du droit commun de l'escroquerie. Dans l'hypothèse où elle serait créée, il conviendrait d'instituer pour cette incrimination des peines semblables à celles qui viennent d'être proposées, à savoir une peine de prison de dix ans et une peine d'amende de 50 millions de francs. Ces dispositifs viseraient avant tout les fraudes intra-communautaires, mais afin de ne pas encourir la sanction de la Cour de justice des Communautés européennes, qui a précisé dans l'arrêt Drexl du 25 janvier 1988, « qu'une législation nationale qui sanctionne plus sévèrement les infractions à la TVA à l'importation que celles à la TVA afférente aux cessions de biens à l'intérieur du pays est incompatible avec l'article 95 du traité, dans la mesure où cette différence est disproportionnée par rapport à la dissimilitude des deux catégories d'infractions ». Le rapport demandé pourrait en outre étudier les possibilité de mise en cause de la responsabilité pénale des entreprises de distribution ayant acquis des biens de grande consommation à des prix anormalement bas, afin de renforcer la vigilance des responsables des centrales d'achat et des responsables des achats intervenant dans les principaux circuits de distribution des biens susceptibles de faire l'objet de fraudes tournantes de type « carrousels ». Outre les peines habituelles applicables aux personnes morales, la diffusion, à leurs frais, sur l'ensemble des médias de la presse écrite, radiophonique et audiovisuelle, des peines prononcées à l'encontre des sociétés mises en cause devrait être systématiquement prévue. III.- L'AMÉLIORATION DES PROCÉDURES DE COOPÉRATION PRÉVUES À L'ÉCHELON COMMUNAUTAIRE ET LE RENFORCEMENT NÉCESSAIRE DES ACTIONS COORDONNÉES ENTRE ETATS MEMBRES POUR L'ENSEMBLE DES FRAUDES À LA TVA A l'occasion des différentes missions qu'il a pu effectuer dans plusieurs Etats membres de l'Union européenne, et auprès des autorités communautaires, votre Rapporteur a pu mesurer l'intérêt d'un développement de la coopération entre les Etats, à tous les niveaux. Naturellement, on ne saurait se cacher que la sensibilité est différente selon que l'on s'adresse à l'Union ou aux Etats-membres. Les conflits de prérogatives, en arrière-plan, sont importants et les appréciations portées sur la perception des fraudes également. A.- L'IMPORTANCE DE LA FRAUDE À LA TVA AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE ET DES ETATS MEMBRES 1.- L'approche globale Dans le cadre de son rapport spécial n° 6/98 relatif au bilan du système des ressources propres fondé sur la TVA et le PNB accompagné des réponses de la Commission, la Cour des comptes des Communautés européennes a tenté de chiffrer l'écart entre la TVA encaissée et la TVA perçue pour neuf Etats membres pour la période allant de 1991 à 1993 (les six Etats fondateurs, le Royaume-Uni, le Danemark et l'Irlande). Elle a estimé cet écart à 1% du PNB en moyenne et à 21% du total des recettes perçue et 70 milliards d'écus. L'ordre de grandeur est le même qu'une année de budget communautaire de l'époque. Certes, ces estimations qui font référence à la TVA théorique calculée sur la base des emplois taxables doivent être considérées avec précaution. Néanmoins, il est intéressant de noter que la Cour a constaté une augmentation significative de la fraude, de plus de 60% en dix ans, par rapport au même exercice effectué pour la période 1980-1984. Cette étude a été récemment renouvelée. Le résultat, non encore publié, corroborerait cette augmentation, selon les informations communiquées à votre Rapporteur. Il est difficile, d'autant que la deuxième étude couvre l'année 1993, de ne pas mettre en cause le régime transitoire de la TVA. Dans le cadre de son rapport spécial n° 9/98 relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union européenne en matière de TVA sur les échanges intra-communautaires, la Cour observe en effet que le régime transitoire présente des risques accrus de fraude. Ces constatations sont largement partagées par l'Office de lutte anti-fraude ou OLAF (ex-Unité de coordination de la lutte anti-fraude ou UCLAF). Cet organisme note, en effet, que la fraude internationale à la TVA s'avère particulièrement importante pour les biens aisément transportables et dont la valeur est relativement élevée. Il cite ainsi les composants informatiques, les métaux précieux et non précieux, les automobiles, les animaux et les téléphones mobiles. Il indique que le montant des pertes de recettes a été estimé à 315 millions d'écus pour les composants informatiques, à au moins 20 millions d'écus pour des métaux comme l'argent et à 100 millions d'écus pour les téléphones mobiles. Il note enfin, et juge cela inquiétant à juste titre, que les cas individuels de fraude portent sur des montants de plus en plus élevés, ce qui confirme une augmentation du phénomène. Il a ainsi été estimé qu'à une époque aucune TVA n'avait été payée sur 80% du marché de l'argent métal, dans l'un des Etats membres. Les travaux du sous-comité anti-fraude du comité permanent sur la coopération administrative (SCAF), chargé de centraliser « l'expérience des Etats membres en ce qui concerne de nouveaux moyens d'évasion ou de fraude fiscales » corroborent ces conclusions. Une étude comparative réalisée sur la base des cas de fraudes les plus importants découverts par les Etats membres en 1995 a donné lieu aux conclusions suivantes : - une proportion importante des fraudeurs était constituée d'opérateurs isolés ou possédant moins de cinq employés et enregistrés à la TVA depuis plusieurs années ; - les deux types de fraudes les plus répandus sur les neuf répertoriés par l'enquête étaient la non-déclaration de la TVA collectée sur les ventes (32%) et l'abus du droit à déduction sur les achats (25%). Dans les catégories de fraudes impliquant des transactions entre Etats membres, 14% des cas comportaient un abus des règles du régime intra-communautaire, 9% un abus des règles sur les importations et les exportations et 3% sur les fraudes de type carrousel ; - presque la moitié des assujettis impliqués dans des fraudes carrousel ou des sociétés fictives ont été enregistrés après 1992 et ces types de fraudes semblaient représenter les montants évadés les plus importants. On observera enfin que, selon l'INSEE, l'incompatibilité entre les chiffres du commerce extérieur intra-communautaire, qui se traduit par le fait que la somme totale des importations de biens n'est pas égale à celle des exportations de biens au sein de la Communauté, ce qui défie toute logique, est due au fait que les statistiques sont fausses, puisque les importations d'un pays vers un autre ne sont pas égales aux exportations du second vers le premier. Ce biais s'expliquerait en partie par l'importance de la fraude intra-communautaire. 2.- L'exemple de la Belgique Le problème des fraudes à la TVA est jugé d'une gravité particulière en Belgique. Une commission d'enquête du Sénat belge a rendu le 8 décembre 1998 un rapport sur « la criminalité organisée en Belgique ». Certaines de ces constatations, relatives aux fraudes à la TVA et aux droits indirects méritent d'être citées. Ces fraudes portent principalement sur les matières premières telles que le pétrole ou les produits agricoles, le sucre, les cigarettes, l'alcool ou le textile. Les organisations recourent à l'utilisation de structures commerciales, soit sous la forme d'abus d'une société légalement établie avec la collaboration d'une ou de plusieurs personnes y travaillant, soit dans le cadre de l'exploitation par une organisation criminelle d'une activité légalement établie, avec l'imbrication d'activités légales et illégales, soit grâce à la création de sociétés écran comme couverture, sans qu'aucune activité légale ne soit développée. Tel était le cas de 180 des 238 organisations criminelles recensées par le rapport. Chaque organisation utilisait en moyenne 2,3 structures commerciales en 1997. Ce chiffre était en forte augmentation par rapport à 1996 (1,33). De 1994 à 1996, l'Office central de lutte contre la délinquance économique et financière organisée (OCDEFO) avait traité vingt-neuf dossiers concernant des carrousels en matière de TVA. Le rapport note que les carrousels de TVA constituent un phénomène préoccupant depuis l'instauration, en janvier 1993, du régime intra-communautaire. Selon les termes même de la commission, « les fraudes qui étaient, avant 1993, concentrées sur le Benelux en raison de la technique du report de paiement de la TVA à l'importation prévue par la convention Benelux en vigueur jusqu'en 1993, s'étendent aujourd'hui à tous les pays membres de l'Union européenne ». Les principaux secteurs touchés par les carrousels étaient le secteur informatique et le secteur automobile, ainsi que le secteur pétrolier et le secteur de l'électronique, de la haute-fidélité et de la vidéo. Le choix de ces secteurs était considéré comme dicté par le taux de TVA élevé frappant ces produits ou par la forte concurrence. Les principales caractéristiques de carrousels de TVA étaient résumées de la manière suivante : (1) organisation complexe sous le couvert d'activités commerciales ; (2) répercussions internationales ; (3) falsification de comptabilités et des déclarations périodiques ; (4) recours à des sociétés non déclarantes et à « des hommes de paille » ; (5) lien avec le crime organisé ; (6) perversion des activités du marché par des activités « au noir » ou des actes de concurrence déloyale. Ces éléments corroborent tout à fait les inquiétudes de votre Rapporteur. B.- L'AMÉLIORATION DES PROCÉDURES EXISTANTES L'importance de la fraude à la TVA au niveau des échanges intra-communautaires conduit à recommander avant toute chose une amélioration des procédures de coopération existantes, notamment des procédures d'échanges informatisés d'informations. 1.- Les recommandations de la Cour des comptes des Communautés européennes Dans le cadre de son rapport n° 9/98 précité, la Cour des comptes des Communautés européennes a mis en évidence les insuffisances du dispositif actuel de coopération en matière de coopération entre les Etats membres en matière de lutte contre les fraudes à la TVA. Notant que les instruments de coopération entre les Etats membres n'étaient pas pleinement utilisés, alors que plusieurs enquêtes démontraient l'efficacité des procédures dès lors que l'on y avait recours, elle a jugé nécessaire de remédier à la lenteur des procédures, voire à la méconnaissance des instruments existants. Elle a également noté une insuffisance des procédures relevant Elle a enfin souhaité une amélioration de la qualité des informations délivrées dans le cadre du système VIES, c'est-à-dire de la base de données informatisée qui récapitule les livraisons intra-communautaires déclarées par les entreprises de l'ensemble des Etats membres de l'Union et qui permet de déterminer si ces livraisons ont été déclarées comme acquisition taxable dans l'Etat de destination. 2.- Les possibilités d'amélioration a) Le document d'accompagnement des marchandises Ainsi que l'a déjà précisé votre Rapporteur, en matière de lutte contre la fraude à la TVA intra-communautaire, le problème essentiel est la difficulté de prouver l'absence de flux physique de marchandises, qui commande la règle d'assujettissement et le manque de coordination entre les flux physiques et les flux financiers. Il convient ainsi d'envisager, ainsi que l'avait précisé votre Rapporteur dans le cadre de son rapport d'étape, soit la création d'un document d'accompagnement des marchandises, soit l'aménagement du contrat de transport international en y ajoutant : - l'identifiant TVA de l'expéditeur ; - l'identifiant TVA du destinataire ; - ainsi que l'objet de chacune des sociétés. Cette création est demandée par la France depuis plusieurs années. Une nouvelle fois, le Parlement doit renouveler son soutien au Gouvernement sur ce sujet. b) L'amélioration des échanges automatisés d'informations L'amélioration de la qualité des informations délivrées par le système VIES (VAT exchange system) exige que les données fournies par ce système informatique soient fiables et actualisées à bref délai. Cette amélioration passe par plusieurs mesures simples : - l'harmonisation des seuils des déclarations d'échanges de biens (DEB) entre les Etats membres de l'Union, de manière à pouvoir contrôler que toute livraison est bien déclarée comme acquisition, ce qui n'est pas le cas actuellement ; - l'harmonisation de la périodicité des déclarations d'échange de biens, afin que celle-ci soit au moins trimestrielle ; - la réduction des délais de mise à jour de la base de données. Tous les observateurs considèrent actuellement que ces délais sont trop longs. Une déclaration trimestrielle étant susceptible de donner des informations sur les opérations ayant eu lieu plus de trois mois auparavant, un délai d'un mois doit être considéré comme le délai maximum pour mettre à jour le système VIES de manière que les services fiscaux ou douaniers aient une réactivité suffisante pour prévenir les fraudes. c) Appliquer les mêmes règles dans tous les Etats : l'exemple de la navigation de grande plaisance Lors de ses déplacements sur le terrain, votre Rapporteur a eu la surprise de découvrir un problème dont il n'avait jamais eu auparavant connaissance, celui de l'absence de la perception de la TVA sur certaines opérations relatives aux navires de plaisance et de grande plaisance de la côte méditerranéenne. On observera que cette absence de recouvrement de la TVA est contraire aux textes nationaux et communautaires, car en application de la sixième directive communautaire qui fixe le régime de la TVA et de l'article 262 du code général des impôts, l'exonération de TVA dont bénéficient d'une manière générale les navires pour la « coque » ainsi que les opérations portant sur eux et l'avitaillement ne concerne pas les navires de plaisance, mais uniquement les navires de commerce maritime, les bateaux utilisés pour une activité industrielle de haute mer et les bateaux affectés à la pêche professionnelle ainsi que les bateaux de sauvetage et d'assistance en mer. On doit en effet considérer que c'est en fonction de décisions ministérielles dépourvues de toute base légale, que des montants importants, mais non chiffrés, de TVA n'ont pas été perçus. L'extension progressive de la TVA à l'ensemble des opérations réalisées dans le cadre intra-communautaire a en effet été suspendue. Les raisons invoquées sont celles de la concurrence des ports italiens où les régimes réguliers de TVA ne seraient pas appliqués et la nécessité de préserver un secteur dont on dit qu'en son sein 16.000 emplois seraient en jeu. Les professionnels concernés ne manquent pas de faire valoir cet argument depuis près de dix ans. Sur la base des informations communiquées à votre Rapporteur, il est possible de reconstituer la chronologie suivante. En 1989, la dix-huitième directive communautaire 89/465 du Conseil du 18 juillet 1989 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, directement applicable, sans qu'un texte de transposition soit nécessaire, a prévu, dans le cadre de la suppression de diverses dérogations au principe de l'assujettissement à la TVA des échanges de biens et des prestations de services, la suppression du régime de franchise de TVA applicable aux prestations d'avitaillement et assimilées dont bénéficiaient jusque là les navires de plaisance pour les croisières dites « de longue durée » de plus de 48 heures. Cette directive a fait l'objet d'un régime administratif spécifique, décidé le 7 août 1990, pour l'avitaillement, les livraisons de biens d'équipement, de réparation et de prestations de services. Ces biens et prestations destinés à l'ensemble des navires de plaisance ont ainsi continué à bénéficier du régime antérieur et à faire l'objet d'une exonération de TVA, en application de décisions de Pierre Bérégovoy, ministre de l'économie, des finances et du budget et de M. Michel Charasse, ministre délégué au budget, quels que soient le pavillon du navire et la nationalité de son propriétaire. En 1992, deux modifications importantes sont intervenues. D'une part, la directive 92/111 du Conseil, du 14 décembre 1992, modifiant la directive 77/388/CEE et portant mesures de simplification en matière de taxe sur la valeur ajoutée, a organisé la suppression du régime d'importation en franchise temporaire de TVA (IFT) (1), pour les navires détenus par les résidents communautaires, en conséquence de l'abolition des frontières fiscales, et a ainsi entraîné l'obligation de paiement de la TVA pour ces navires à l'issue des délais d'IFT accordés par les Etats membres. Ces délais d'IFT pouvaient être très longs. La régularisation devait intervenir sous forme d'un paiement de la TVA en France ou dans l'Etat de résidence du propriétaire. D'autre part, l'adoption du règlement CEE 2913/92 du Conseil du 12 octobre 1992 mettant en place le code des douanes communautaire, a précisé le régime de l'admission temporaire des moyens de transport provenant des pays tiers, sur lesquels les textes étaient jusqu'alors muets. Dans ce cadre, l'admission, à titre temporaire, de navires de plaisance appartenant à des résidents de pays tiers et battant pavillon d'un pays tiers, ne concerne que les seules unités utilisées à des fins privatives, à l'exception même des prêts et des dons. Cette règle a affecté le régime des loueurs de bateaux battant pavillon d'un pays tiers en rendant obligatoire le paiement de la TVA sur la « coque », même si la période de présence en France est limitée à l'été. Ces modifications ont suscité la protestation des personnes et professionnels concernés. M. Nicolas Sarkozy, ministre du budget, porte-parole du Gouvernement, par note du 28 juin 1993 adressée au directeur général des douanes et droits indirects, a organisé un moratoire, encore en vigueur dans les faits : le moratoire dit « Sarkozy ». Ce moratoire comprenait deux éléments. D'une part, il demandait au directeur général des douanes et droits indirects, compte tenu des distorsions de concurrence résultant de la non-application des textes communautaires dans les ports italiens, la prorogation à titre provisoire du dispositif spécifique de 1990, le champ d'application du dispositif étant cependant limité aux navires tiers en admission temporaire quittant les eaux communautaires et aux navires communautaires quittant ces mêmes eaux pour des croisières de longue durée. On rappellera que les croisières de longue durée sont celles qui impliquent une sortie des eaux territoriales et un toucher dans un port étranger, attesté par le livre de bord. D'autre part, le régime d'admission en franchise temporaire disparaissant pour les navires appartenant à des résidents communautaires, à partir du 1er janvier 1993, il demandait de permettre le séjour dans les ports français des navires étrangers jusqu'à l'issue des délais d'importation en franchise temporaire octroyés en 1992 et au besoin d'accorder exceptionnellement ces régimes jusqu'au 31 décembre 1993. Il prévoyait également, sous réserve de l'obtention des dérogations au monopole du pavillon par les professionnels, d'autoriser les activités de location concernant les bateaux placés sous ces régimes, au départ de ports français, sans que la TVA ne soit acquittée sur la « coque », les prestations de service de location étant assujetties, elles, de plein droit à la TVA. Enfin, s'agissant des navires mis en service avant le 1er janvier 1985, la note précisait qu'ils seraient admis en franchise de TVA qu'ils aient été en France avant le 1er janvier 1993 ou qu'ils y soient arrivés après cette date, dès lors qu'il n'était pas établi qu'ils provenaient de pays tiers. Une note du même jour pour le directeur, chef du service de la législation fiscale, demandait de mettre à l'étude, en liaison avec le directeur général des douanes et droits indirects et en concertation avec les professionnels du secteur, une instruction précisant le régime de la location des navires de plaisance dont l'entrée en vigueur pourrait être fixée au plus tard le 1er janvier 1994. Ces mesures étaient prévues comme temporaires, car la note au directeur général des douanes et droits indirects demandait de présenter rapidement à la signature du ministre une lettre adressée au ministre italien chargé des finances, appelant son attention sur les distorsions de concurrence résultant de la non-application de textes communautaires relatifs à l'avitaillement de certains ports de son pays, et celle à l'attention du chef du service de la législation fiscale précisait que l'attention de la Commission européenne serait attirée sur les difficultés de mise en _uvre de la directive du 14 décembre 1992 dans le domaine de la location de navires de plaisance et qu'un report de son application au 1er janvier 1994 serait demandé. La date de 1985 était retenue comme date limite pour la régularisation des navires sous le régime de l'admission temporaire en franchise de TVA, afin de ne pas créer de complication pour des navires anciens sans grande valeur, par rapport à leur valeur d'origine, après une période de huit ans. La situation n'ayant pas évolué, M. Nicolas Sarkozy, ministre du budget, chargé du ministère de la communication, par note en date du 7 mars 1995, informait le directeur, chef du service de la législation fiscale, qu'il avait décidé de proroger de quelques mois et au plus tard jusqu'au 30 novembre 1995 le moratoire accordé le 28 juin 1995 et de prolonger sine die l'application du régime dérogatoire accordé le 7 août 1990, dans les conditions précédemment fixées en juin 1993, c'est à dire pour les seules croisières de longue durée, en matière d'avitaillement, de livraison de biens d'équipement, de réparation et de prestations de services, pour tous les bateaux. Cette dernière décision était fondée sur le fait que les distorsions de concurrence résultant de la non-application des textes communautaires dans certains Etats membres voisins n'auraient pas cessé. Une lettre était mentionnée comme adressée le jour même au ministre italien chargé des finances afin d'appeler son attention sur le problème de la grande navigation de plaisance. Aucune décision n'a été prise depuis. Le moratoire est donc toujours applicable pour l'avitaillement et les éléments relevant du même régime. S'agissant, d'une part, de navires appartenant à des résidents communautaires et n'ayant pas acquitté la TVA et, d'autre part, des navires loués, notamment des navires loués dans les Caraïbes en hiver et sur la Côte d'Azur en été, on est toujours dans le non droit. On constate donc que l'on est dans une situation de non-application du droit qui ne peut être maintenue pour des raisons d'équité, car elle revient à exonérer d'impôt sur la consommation des biens et des prestations de très grand luxe. Cette situation n'est pas admissible au plan de l'équité. Les représentants du Syndicat européen des professionnels du yachting (ECPY), argumentant, pour défendre le régime d'exonération dont ils bénéficient, de la distorsion de concurrence en raison d'une non-application des textes chez au moins un de nos voisins méditerranéens, chose difficilement vérifiable dans le cadre du discours officiel, il est certain qu'une démarche concertée est nécessaire. Elle devrait permettre une sortie raisonnable du dispositif fondée sur : - la suppression du régime dérogatoire de 1990 ; - l'abandon de toute prétention concernant le paiement de la TVA pour la « coque » des navires admis en IFT jusqu'en 1993 (2) et situés en France ; - la perception d'une TVA sur la « coque » des navires loués. Ce dernier point fait l'objet d'une discussion de principe avec la Communauté pour certains types de contrats dits de time charter ou d'affrètement à temps, relatifs à la grande plaisance. Il s'agit de contrats de location pour une durée limitée, avec un équipage. Si l'on considère la finalité du bateau, la plaisance, la prestation correspondante est une consommation qui doit être assujettie à la TVA en application des règles communautaires. Si l'on considère le contrat, qui est un contrat de remise d'une chose contre un prix, c'est à dire un contrat de commerce ou de transport, la logique commerciale entraîne l'exonération en fonction des règles en vigueur, mentionnée à l'article 262 du code général des impôts. Cette position rejoint une revendication de l'ECPY visant à la création d'un régime fiscal d'exonération identique à celui applicable aux navires de commerce, pour les navires de grande plaisance, de plus de 24 mètres. Néanmoins, votre Rapporteur relève que si les locations sont assujetties à la TVA, le système ne sera pas nécessairement défavorable aux exploitants. L'équilibre de l'exploitation peut même être garanti, sous certaines conditions. En outre, on ne saurait raisonnablement tolérer d'entrer à titre définitif dans cette logique d'exonération introduisant une distorsion qui va dans un sens très contestable, en prévoyant de ne pas taxer les biens utilisés par les personnes très fortunées. Sur les bases qui viennent d'être évoquées, votre Rapporteur considère qu'une solution doit être définie avant la fin de l'année pour sortir de cette situation injuste. C.- LA NÉCESSITÉ DE DÉVELOPPER DES ACTIONS COORDONNÉES Les fraudes à la TVA intra-communautaire jouant sur la division du territoire de l'Union entre plusieurs juridictions fiscales, douanières et judiciaires qui ne sont pas parfaitement coordonnées entre elles, il convient de renforcer la coopération de manière que l'information circule le plus aisément possible. Il s'agit d'éviter, ou pour le moins de réduire le plus possible, la distorsion actuelle qui fait dire qu'il y a un marché unique pour les fraudeurs, mais pas pour l'application de la loi. Cette coopération incombe en premier lieu aux Etats ; mais il ne faut pour autant négliger la possibilité d'y associer la Communauté. 1.- La coopération entre les Etats membres La coopération entre les Etats membres peut prendre plusieurs formes. En premier lieu, votre Rapporteur souhaiterait citer la coopération informelle entre les personnels des différentes administrations, rarement évoquée, dans la mesure où elle offre aux instances concernées la possibilité de coopérer sur de meilleures bases. La coopération informelle permet en effet de connaître les procédures, de détecter les interlocuteurs compétents, de savoir si les informations sont disponibles ou non et si une procédure d'échange de renseignements est utile. Elle est ainsi la condition nécessaire pour gagner du temps. En deuxième lieu, votre Rapporteur, qui se fait en partie l'écho des préoccupations des autorités communautaires, notamment de la Cour des comptes, tient à insister sur l'intérêt d'un développement du recours aux opérations d'assistance mutuelle, notamment de niveau 2 ou de niveau 3, selon les modalités déjà évoquées, qui sont insuffisamment développées dans l'ensemble de la Communauté. Il convient cependant d'aller au-delà, et c'est le troisième point sur lequel votre Rapporteur souhaite insister, et de renforcer le nombre des opérations coordonnées de contrôle dans plusieurs Etats membres. De telles procédures ont déjà eu lieu et ont donné, selon les administrations étrangères compétentes en matière de TVA, d'excellents résultats. Ces mêmes administrations se félicitent d'ailleurs de la qualité de la collaboration avec notre direction générale des impôts et notre direction générale des douanes et droits indirects. Dans une configuration idéale, les actions de répression des carrousels de TVA exigent des opérations de contrôle simultanées dans les locaux de plusieurs entreprises, ainsi que sur les moyens de transport. Elles seules permettent de mettre en évidence avec une grande sûreté les fraudes en matière de transport. De même, lorsque des services d'envoi de colis express sont utilisés, les contrôles coordonnés permettent de déjouer les envois fictifs. Un développement de ces formules de coopération est donc indispensable. Votre Rapporteur suggère même qu'il soit pris acte de l'enseignement des améliorations apportées à la répression des fraudes financières grâce à la collaboration entre la direction générale des impôts et la direction générale des douanes et droits indirects, et que l'on procède à des échanges de fonctionnaires, des fonctionnaires français assumant, pour des questions ponctuelles, les fonctions de correspondants français au sein des administrations étrangères, et réciproquement. Naturellement, ces échanges n'auraient pas pour effet de dispenser l'administration du respect des procédures formelles et des compétences prévues par les textes relatifs à l'échange de renseignements, afin de ne pas risquer de mettre en péril, pour vice de forme, les différentes opérations de contrôle et redressement nécessitant le recours à l'assistance internationale. On retrouve ainsi, décliné pour la seule TVA, l'objectif, précédemment évoqué par votre Rapporteur, d'un espace européen homogène où l'information circule entre les administrations et où les procédures d'assistance et les facultés de coordination font que la frontière n'est plus un obstacle à l'action administrative ou pénale. 2.- L'action de la Communauté européenne En matière de coordination dans la lutte contre la fraude, la Communauté européenne exerce un certain nombre de compétences, déjà évoquées, de coordination, d'étude et d'évaluation. Il faut également rappeler le rôle de l'Office de lutte anti-fraude (OLAF) qui était jusqu'à une date très récente l'Unité de coordination de la lutte anti-fraude (UCLAF), dont la première tâche est de coordonner l'action des Etats membres dans leur lutte contre la fraude en matière de TVA. Enfin, la Commission a la responsabilité d'identifier les dysfonctionnements des systèmes nationaux de lutte anti-fraude et de suggérer les rectifications adéquates aux Etats-membres. Néanmoins, au-delà d'un renforcement de ces actions, il faut se poser la question d'une coordination de la politique pénale en matière de fraude à la TVA. Sans évoquer à nouveau la question de fond, déjà présentée (cf. D du II du chapitre II), votre Rapporteur ne peut pas ne pas évoquer la nécessité d'aboutir rapidement, dans le domaine de la lutte contre la fraude à la TVA tout au moins, à un espace judiciaire commun. Ainsi que le note le rapport spécial précité n° 9/98 de la Cour des comptes des Communautés européennes relatif à la protection des intérêts financiers de l'Union européenne en matière de TVA sur les échanges intra-communautaire, accompagné des réponses de la Commission européenne, on observe une disparité dans la sanction de la fraude au niveau des Etats membres. Ces disparités ne peuvent que nuire aux poursuites et favoriser de véritables stratégies de fraude. Elles sont d'autant plus préjudiciables que les recettes de TVA non perçues par l'Union sont compensées par une augmentation de la ressource PNB, ce qui fait que l'ensemble des Etats paient les carences de l'un d'entre eux. La Cour a en effet noté des différences notables dans la définition des infractions et dans le niveau des sanctions applicables, ainsi que des spécificités dans le domaine de l'aménagement de pénalités et des délais de prescription. Cette absence de coordination pose clairement le problème de l'extension de la convention établie sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, faite à Bruxelles le 26 juillet 1995, qui ne couvre pas la TVA, afin de créer une norme minimale commune à l'ensemble des Etats. Votre Rapporteur ne saurait répondre dans le cadre du présent rapport à une question aussi importante, car entrer dans cette logique conduit directement, à terme, même si la convention n'y invite pas, à la création d'un espace judiciaire européen et à la création d'un corpus juris communautaire, ainsi que l'a précisé le rapport final de l'étude lancée en 1995 par le Parlement européen, établi par Mme Mireille Delmas-Marty et présenté à la Commission le 19 septembre 1996, et à envisager ainsi la suppression des frontières juridiques et la mise en _uvre d'un espace judiciaire unifié, allant au-delà des notions d'assimilation et d'harmonisation. Cette question pose en effet un problème de souveraineté important.
Source : Commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale. Néanmoins, pour ce qui est de la lutte contre la fraude, la convention présente d'indéniables avantages et l'insertion d'une mention de la TVA représenterait une avancée substantielle. En effet, au-delà de ses dispositions, la convention tend, en application du principe de territorialité européen, vers la création d'un ministère public européen, indépendant des autorités nationales, ayant une capacité de poursuite de l'ensemble d'une procédure de fraude, en s'appuyant, dans le cadre d'une obligation d'assistance, sur les ministères publics nationaux ou sur les administrations fiscales ou douanières nationales pour effectuer une partie des procédures et certains des éléments des enquêtes. On voit bien qu'il s'agit d'une réponse à la question de la parcellisation des compétences des administrations des Etats membres et de leurs autorités judiciaires, le ministère public européen ayant par définition, pour la répression de la fraude à l'échelle communautaire, une approche complète et coordonnée. Est-elle la plus adaptée ? En l'absence d'autre solution satisfaisante, la réponse semble être positive. * * * CHAPITRE IV DE NOUVELLES MESURES DE MODERNISATION DES DISPOSITIFS FISCAUX DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE ET L'ÉVASION FISCALES : LE MAINTIEN D'UNE NÉCESSAIRE VIGILANCE En complément de ses propositions présentées dans le cadre du rapport d'étape n° 1105 intitulé « Fraude et évasion fiscales : une intolérable atteinte à l'impôt citoyen », votre Rapporteur a souhaité élaborer de nouvelles propositions afin de renforcer la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales reposant sur des techniques ou des montages à dimension purement nationale. Elles sont le résultat d'un travail d'enquête et d'audition de près d'une année, ainsi que de déplacements sur le terrain, dans des services déconcentrés des impôts, et de la synthèse puis de la sélection des différentes suggestions recueillies. Que ceux qui ont bien voulu aider votre Rapporteur en soient remerciés. Certains pourront juger ces propositions incomplètes, estimant que tel ou tel aspect souvent ponctuel de la fraude fiscale n'est pas traité. Certes, mais il est nécessaire de procéder à une sélection en matière de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, sauf à proposer une législation mal acceptée par l'opinion publique, car trop contraignante, notamment lorsqu'il s'agit de proposer des mesures destinées à lutter contre des procédés dont il semble qu'ils ne se développeront pas. En définitive, l'action législative repose, en matière répressive - et le droit du contrôle fiscal est par essence répressif - sur une analyse de risque. Néanmoins, procéder à cette analyse n'exclut pas d'anticiper également l'apparition de certains de ces risques avant qu'ils ne se concrétisent, ce qui aurait pu et dû être fait pour la TVA intra-communautaire par exemple. D'autres penseront que votre Rapporteur propose des mesures trop strictes, et que la législation actuelle fournit à l'administration fiscale des moyens suffisants. A ceux-là, dont l'esprit de « tolérance » est incompréhensible, on pourra répondre que les propositions qui suivent résultent d'un arbitrage personnel et répondent chacune à au moins l'une des trois convictions profondes de votre Rapporteur : - la lutte contre la fraude fiscale, c'est-à-dire contre la dissimulation de revenus ou d'activités pour échapper à l'impôt et aux cotisations sociales constitue une nécessité citoyenne, économique, budgétaire ainsi que morale ; - la suppression des possibilités d'évasion fiscale légale, obligation morale de l'Etat au regard du principe de l'égalité devant la loi, constitue également une obligation citoyenne et républicaine, dès lors que ces possibilités nuisent à la légitimité de l'impôt en réduisant d'une manière choquante la contribution aux charges publiques des plus aisés ; - la loi doit conserver une cohérence et un minimum de simplicité, même si elle doit épouser la complexité croissante de la vie économique et sociale, afin de rester dans ses grands principes accessible aux contribuables. Sur cette base votre Rapporteur est conduit à faire deux types de propositions : - des propositions à caractère immédiat, pouvant faire l'objet de dispositions législatives dans le cadre de la loi de finances pour 2000 ; - des propositions à caractère différé, qui ressortissent d'un programme plus vaste de réforme fiscale de la nécessité duquel votre Rapporteur est de plus en plus convaincu, mais qui ne relèvent pas de l'objet de la présente mission en raison de l'ampleur des problèmes qu'elles tendent à traiter. Auparavant, il souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur la nécessité d'une meilleure coordination des différents services administratifs de lutte contre la fraude, afin d'améliorer la circulation de l'information entre différents services administratifs trop cloisonnés et de mieux valoriser le travail de chaque service pris individuellement. I.- AMÉLIORER LA CONNAISSANCE DES DIFFÉRENTS RISQUES DE FRAUDE ET D'ÉVASION FISCALES, AINSI QUE DE LA DÉLINQUANCE FINANCIÈRE, GRÂCE À LA CRÉATION D'UN OBSERVATOIRE DE LA FRAUDE Dans le cadre des différentes auditions auxquelles il a procédé, il est apparu à votre Rapporteur que les questions relatives à la fraude, et d'une manière générale, aux fraudes et à la délinquance financière, relevaient de plusieurs services administratifs : - la fraude et l'évasion fiscales sont de la compétence de l'ensemble de la direction générale des impôts, ainsi que de la direction générale des douanes et des droits indirects ; - les questions de lutte contre le blanchiment sont traitées par Tracfin ; - la délinquance financière est suivie, dans le cadre des missions de police judiciaire, sous le contrôle du parquet, par la sous-direction des affaires économiques et financières de la direction centrale de la police judiciaire, dont dépend l'Office central pour la répression de la grande délinquance financière ; - les questions relatives aux jeux et aux courses sont suivies par la sous-direction des courses et des jeux de la direction centrale des renseignements généraux, dans le cadre des régimes de police stricts qui régissent ce secteur ; - le service central de la prévention de la corruption, service interministériel, est placé auprès du Garde des sceaux. En outre, on peut mentionner que les fraudes économiques relèvent de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Chacun de ces services exerce une mission propre qui le conduit à avoir une certaine vision de la délinquance financière, mais leur approche est toujours partielle. Les services spécialisés tels que le service central de lutte contre la corruption, la direction générale des impôts et la sous-direction des courses et des jeux ont chacun une vision sectorielle. La sous-direction des affaires économiques de la direction centrale de la police judiciaire et l'Office central pour la répression de la grande délinquance financière interviennent dans le cadre des missions opérationnelles lors des enquêtes et instructions liées au dépôt de plaintes pénales. On constate un grand cloisonnement. L'information circule globalement mal entre les administrations et chaque service a sa logique propre. Ainsi, même si certains de ces services entretiennent des relations et échangent mutuellement des informations, notamment la direction générale des impôts et la direction générale des douanes, dans le cadre d'actions spécifiques comme la fraude à la TVA ou la lutte contre le travail occulte, il apparaît clairement qu'aucune structure de l'Etat ne dispose actuellement d'une vision d'ensemble de la délinquance financière et n'est en mesure d'exercer la mission de veille et d'information que l'on est en droit d'attendre d'une administration moderne dans un contexte où de nombreux facteurs conduisent à un accroissement significatif des possibilités et des cas de fraude. En effet, il n'y a pas non plus de structure centralisée de veille s'agissant de l'ensemble des risques de fraude économique et financière. Certains secteurs sont même suivis d'une manière seulement occasionnelle, tel celui du marché de l'art, notamment les ventes aux enchères d'_uvres d'art, qui permettent pourtant, grâce à des surpaiements, de constituer des patrimoines à l'étranger ou de procéder à d'importants blanchiments de capitaux. Ils pourraient faire l'objet d'une surveillance plus adaptée. Ce problème du décloisonnement a d'ailleurs été relevé dans un tout autre domaine, celui de la lutte contre les sectes, et a conduit à la création de la Mission interministérielle de lutte contre les sectes. Votre Rapporteur estime que ce précédent doit être imité, d'une façon adaptée, dans le domine de la lutte contre la fraude afin de comprendre les mécanismes de la grande fraude, de la grande délinquance financière et de la grande criminalité organisée. Il juge ainsi nécessaire de constituer une structure pluridisciplinaire dans laquelle seraient représentés les différents services de l'Etat et qui aurait, de manière permanente, une vision d'ensemble des pratiques frauduleuses : un Observatoire de la fraude. L'expérience, analysée sur le terrain, des opérations de coopération entre la direction générale des impôts et la direction générale des douanes et droits indirects, a achevé de convaincre votre Rapporteur de l'intérêt de cette démarche. S'agissant de sa mission, l'observatoire assurerait la circulation de l'information entre les différents services de l'Etat en matière de fraude économique. Il aurait naturellement un objectif fiscal, car toute fraude économique s'accompagne inéluctablement d'une fraude fiscale. En ce qui concerne ses moyens, il semble nécessaire de prévoir, d'une part, un personnel permanent composé des différents corps de l'Etat ayant à connaître de la délinquance économique, magistrats, fonctionnaires des impôts et des douanes, policiers et, d'autre part, d'un budget autonome. Il va de soi que la carrière de ces personnels ne devrait souffrir aucun décalage du fait de cette affectation. Une institution aussi stratégique ne doit pas rebuter les fonctionnaires les plus aptes. Or, on constate trop souvent que les fonctionnaires détachés ou mis à disposition souffrent de retards qui peuvent s'avérer importants dans le déroulement de leur carrière, parce qu'ils sont loin des enjeux de leurs corps et emplois d'origine. La question la plus importante est celle de l'étendue des compétences et des pouvoirs de l'observatoire. Comme pour le service central de prévention de la corruption, créé par la loi n° 93-122 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, il semble nécessaire de prévoir un large droit de communication auprès des administrations existantes, notamment auprès de l'administration fiscale. Ainsi, d'une part, le secret fiscal ne devrait pas être opposable à l'observatoire et, d'autre part, les études que celui-ci pourrait mener ne se heurteraient à aucun obstacle lorsqu'elles concerneraient des administrations publiques. On doit observer qu'en prévoyant que ce droit de communication ne s'exercerait qu'auprès des administrations publiques compétentes et ne concernerait pas les personnes privées, on supprime, par principe, tout risque d'atteinte à la liberté individuelle et à la propriété privée et on écarte le risque d'une inconstitutionnalité qui a privé le service central de prévention de la corruption de l'essentiel des moyens d'enquête qui avaient été prévus par le législateur. En effet, les facultés que le législateur avait conférées au service central de prévention de la corruption, ont été déclarées non conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans le cadre de sa décision n° 93-316 DC du 20 janvier 1993, au motif que celles-ci concernaient également les personnes privées et que la loi n'encadrait pas d'une manière suffisamment stricte le droit de communication les concernant. Ainsi, en ce qui concerne le détail des compétences de l'observatoire, il est possible de s'inspirer des dispositions de la loi précitée n° 93-122 du 29 janvier 1993 relatives au service central de prévention de la corruption et de prévoir : - que l'observatoire centralisera les informations nécessaires à la détection, à l'étude et à la compréhension des mécanismes de fraude et qu'il effectuera des études à l'attention des différents services administratifs ; - qu'il pourra proposer des mesures de nature à réduire ou réprimer les fraudes dont il aura connaissance ; - que ses membres et les personnes qualifiées auxquelles il fera appel seront soumis au secret professionnel ; - qu'il devra saisir le procureur de la République des faits susceptibles de constituer des infractions ; - qu'il communiquera au service central de prévention de la corruption les éléments relatifs à des faits relevant de ce service : corruption active ou passive ; trafic d'influence commis par des personnes exerçant une fonction publique ou des particuliers ; concussion ; prise illégale d'intérêt ; atteinte à la liberté et à l'égalité des candidats dans les marchés publics ; - qu'il sera dessaisi de tous les faits pour lesquels une procédure d'enquête ou d'information judiciaire est ouverte ; - qu'il communiquera les éléments demandés par les parquets et les juridictions d'instruction, ces éléments étant soumis à discussion des parties et ne valant qu'à titre de simple renseignement. Enfin, il a paru nécessaire à votre Rapporteur d'assurer un certain pouvoir d'influence à l'observatoire et de prévoir un rapport annuel remis au Parlement. Les ministres auraient l'obligation de répondre aux observations consignées dans ce rapport. Afin de ne pas porter atteinte au principe de la séparation des pouvoirs et au principe de la présomption d'innocence, le rapport ne pourrait mentionner d'information nominative ou de nature à permettre l'identification de personnes physiques ou d'entreprises. La question de la place de l'observatoire dans l'organisation administrative de notre pays a fait l'objet de longues réflexions de la part de votre Rapporteur. La solution d'une instance parlementaire ne lui semble pas opportune, puisque l'objectif n'est pas d'accroître l'information du Parlement, mais de faciliter le travail des administrations de l'Exécutif. Cette première question étant réglée, s'agissant d'une instance par nature pluridisciplinaire et interministérielle, il semble préférable de la placer auprès du Premier ministre. En ce qui concerne enfin la gestion de l'observatoire, il a paru nécessaire à votre Rapporteur de prévoir, pour déterminer les orientations générales des travaux de l'observatoire, un conseil d'orientation composé de représentants des ministères de l'économie, des finances et de l'industrie, de la justice, de la culture, de l'intérieur et de l'outre-mer, ainsi que, le cas échéant, de la défense nationale. S'agissant de ce dernier ministère, certains secteurs des industries travaillant pour la défense nationale, soit directement, soit comme sous-traitants, méritent une attention particulière dès lors que l'internationalisation des mouvements de capitaux conduit à ne pas exclure leur rachat par des détenteurs de capitaux frauduleux. En outre, il apparaît opportun de prévoir que, dans le cadre d'une formation élargie, le conseil d'orientation puisse s'assurer de la collaboration de représentants des entreprises, afin que les logiques de sécurité propres au secteur privé, notamment au secteur bancaire et financier, et celles des administrations publiques puissent apparaître dans toute leur complémentarité et que les synergies puissent être exploitées au mieux. La présidence de l'observatoire et de son conseil d'orientation pourrait être confiée à un magistrat de la Cour de cassation, président de chambre, spécialisé dans les questions économiques et commerciales. Une mesure symbolique qui illustre la nécessité d'une approche pluridisciplinaire: renforcer le contrôle sur les casinos et les maisons de jeux Les casinos et les établissements de jeux sont soumis à un régime de police très strict. D'une part, l'ouverture de tout établissement où sont pratiqués les jeux de hasard est soumise à une autorisation délivrée par le ministère de l'intérieur. D'autre part, un casino doit être pourvu d'un directeur responsable et d'un comité de direction, de trois ou quatre membres, agréés par le ministre de l'intérieur et susceptibles d'être révoqués par ce dernier. Lorsque le casino est exploité par une société, celle-ci doit être fixée dans la commune où se trouve l'établissement. Pour rigoureuse qu'elle soit, cette réglementation mérite d'être modernisée. La constitution de groupes de sociétés détenant des casinos n'est pas prise en compte. Respecter l'esprit des dispositions précédentes, à savoir l'exercice d'un contrôle administratif effectif sur la direction des casinos, exige de prévoir un agrément pour les principaux dirigeants des sociétés mères de sociétés exploitants un ou plusieurs casinos. Cette obligation devrait s'appliquer à chaque société détenant directement ou indirectement un casino, par l'intermédiaire de sociétés filiales ou conjointement avec des sociétés liées. Devraient être concernées non seulement les personnes physiques exerçant des fonctions nominales mais également celles exerçant des fonctions effectives de direction, notamment lorsqu'elles sont actionnaires. Une telle mesure, qui semble aller de soi, n'apparaît pas nécessaire si l'on s'en tient à une stricte approche juridique et que l'on néglige l'aspect économique. Cet exemple montre les avantages d'un décloisonnement des logiques administratives propres à chaque service. II.- COMPLÉTER LA MODERNISATION DES INSTRUMENTS JURIDIQUES DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE ET L'EVASION FISCALES Lors des différentes auditions auxquelles il a procédé, votre Rapporteur a pu noter qu'il restait encore quelques améliorations à apporter au code général des impôts pour compléter l'arsenal des dispositions législatives permettant de sanctionner la fraude et l'évasion fiscales. Ces propositions n'appellent pas beaucoup d'observations, car elles ne visent qu'à apporter des retouches ponctuelles à un ensemble déjà assez complet et cohérent. Il ne faut pas en déduire pour autant que leur adoption ne serait pas utile, car les fraudes qu'elles visent à réprimer peuvent être assez rémunératrices pour les personnes qui les pratiquent. A.- RÉDUIRE LES POSSIBILITÉS DE PAIEMENT EN ESPÈCES 1.- Réduire de 50.000 francs à 20.000 francs le montant maximum des paiements en espèces pour les particuliers non commerçants Les paiements en espèces constituent le principal facteur de fraude tant en matière d'impôt sur le revenu, car ils sont la condition de l'exercice d'activités occultes ou du travail clandestin, exercés, à titre principal ou à titre complémentaire, qu'en matière de TVA. Dans ce dernier domaine en outre, un très grand nombre de fraudes d'un montant peu important peut conduire à des pertes budgétaires importantes. Si, par hypothèse, le montant total des dépenses réglées en espèces et non déclarées par les commerçants s'établit à 3.000 francs par an par personne, la TVA éludée sera de l'ordre de 3,7 milliards de francs. Si le montant précédent était de 10.000 francs, le montant de la fraude serait de 13 milliards de francs, environ. Seule une stricte limitation des paiements en espèces est donc susceptible de réduire le montant des revenus non déclarés et la part du chiffre d'affaires d'une entreprise réalisée de manière occulte. En effet, une telle limitation crée, en cas de paiement en espèces, une infraction qui vient s'ajouter à l'infraction de fraude fiscale qui sera commise ensuite en raison de la non-déclaration à l'administration fiscale des espèces perçues. Certes, cette question a fait l'objet d'une amélioration sensible dans le cadre de la loi de finances pour 1999, car le seuil de l'obligation de paiement par chèque, carte bancaire ou tout moyen équivalent, prévu à l'article 1649 quater B du code général des impôts, a été réduit de 150.000 francs à 50.000 francs, pour les particuliers non commerçants. Cependant, votre Rapporteur, qui avait proposé dans le cadre de son rapport d'étape précité de le porter à 10.000 francs, a été confirmé dans son opinion selon laquelle le montant de 50.000 francs était trop élevé, lors de plusieurs entretiens. Il juge donc nécessaire de modifier à nouveau le montant maximum du paiement en espèces, et de le fixer, de manière pérenne, à 3.000 euros (soit environ 19.680 francs), somme qui peut être arrondie à 20.000 francs. 2.- Appliquer la disposition relative à l'obligation de paiement par chèque au paiement des primes d'assurance-vie L'obligation de paiement par chèques prévue à l'article 1649 quater B du code général des impôts pour les particuliers non-commerçants ne concerne que les paiements en règlement d'un bien ou d'un service. Les produits de placement ne sont pas concernés. Cette exclusion n'est pas illogique, puisque la fiscalité des bons anonymes, très lourde, sanctionne les acquisitions de produits non nominatifs et puisque les autres produits d'épargne, gérés par des établissements bancaires ou financiers vis-à-vis desquels l'administration fiscale dispose d'un droit de communication très large, depuis la procédure de dématérialisation des titres, sont nécessairement connus de celle-ci. Néanmoins, elle pose problème pour les contrats d'assurance-vie, qui ne font pas l'objet des mêmes possibilités de contrôle, notamment pour les contrats rachetables qui sont parfois utilisés pour blanchir des capitaux. Il convient donc d'inclure le paiement des primes des contrats d'assurance-vie dans le champ de l'obligation de paiement par chèque ou par tout moyen équivalent pour les particuliers. Même si l'infraction de blanchiment couvre en France le produit de la fraude fiscale, cette nouvelle obligation est complémentaire, et non redondante, avec les obligations dont relèvent les assureurs au titre des dispositions prévues par la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux : d'une part, l'obligation de vigilance, qui consiste à s'assurer de l'identité d'un client et de conserver la trace de l'exécution de cette obligation par l'enregistrement interne des opérations effectuées et la conservation des documents afférents ; d'autre part, la déclaration de soupçon en cas de doute ou d'anomalie sur une opération. La question de fond est celle des modalités selon lesquelles le seuil de 20.000 francs (ou de 50.000 francs si la proposition précédente de votre Rapporteur n'est pas suivie) précédemment évoqué doit être apprécié : est-ce par versement ou par année ? Votre Rapporteur suggère la deuxième solution, plus conforme à l'esprit citoyen de la mesure. 3.- Instituer une amende fiscale de 50% en cas de vente sans facture Un examen attentif des différentes dispositions relatives aux sanctions fiscales applicables en cas d'infraction aux règles de facturation, qui veulent qu'une facture soit exacte, précise et sincère et qu'elle fasse apparaître le montant de la TVA, révèle l'existence d'une incohérence : - le travestissement ou la dissimulation de l'identité d'un fournisseur ou d'un client, ou bien l'acceptation en conscience d'une identité fictive ou d'un prête-nom, à l'occasion de l'exercice d'une activité professionnelle, est sanctionnée d'une amende fiscale, prévue à l'article 1740 ter du code général des impôts, égale à 50% des sommes versées ou reçues à l'occasion des opérations concernées ; - cette même amende s'applique également aux assujettis à la TVA qui ne respectent pas les mentions obligatoires prévues à l'article 289 du code général des impôts et à l'article 242 nonies de l'annexe II au même code pour les factures (date et numéro de la facture, noms et adresses du fournisseur et du client, quantité, dénomination, prix unitaire hors taxe des biens ou des prestations fournies, taux de TVA applicables, mention des rabais et ristournes obtenus et chiffrables, numéros de TVA ou mention « exonération de TVA ») ou sur l'état récapitulatif figurant dans la déclaration d'échange de biens relative aux échanges intra-communautaires ; - elle est également applicable, en cas de fausse facture, c'est à dire de facture ne correspondant pas à une livraison de biens ou à une prestation de service réelle. On rappellera que ces sanctions concernent les seules transactions entre commerçants et ne sont pas applicables pour la vente de détail aux particuliers. En revanche, cette amende fiscale de 50% n'est pas applicable aux ventes et aux achats sans facture. La seule sanction prévue est actuellement mentionnée à l'article 1786 du code général des impôts, qui dispose que pour l'application des sanctions prévues en cas de man_uvre frauduleuse, c'est-à-dire en présence d'éléments matériels montrant une intention d'égarer l'administration, la vente sans facture est réputée avoir été effectuée en fraude des taxes sur le chiffre d'affaires et rend le vendeur et l'acheteur, s'il est connu, solidairement responsables du paiement de ces taxes sur le montant de l'achat. Ces éléments n'étant pas toujours réunis, notamment lorsque l'administration découvre dans une entreprise des éléments acquis sans facture et sans que des man_uvres frauduleuses ne soient tangibles, il convient de combler cette lacune et de prévoir que l'amende fiscale de 50% sera applicable aux ventes sans facture. B.- LIMITER LES POSSIBILITÉS D'AMÉLIORATION DU TRAIN DE VIE GRÂCE À LA FRAUDE FISCALE 1.- Réduire de 308.510 francs à 200.000 francs le seuil de l'évaluation forfaitaire minimale du revenu imposable d'après certains éléments du train de vie, pour l'impôt sur le revenu L'article 168 du code général des impôts prévoit que la base d'imposition à l'impôt sur le revenu est portée à une somme forfaitaire déterminée en appliquant à certains éléments du train de vie un barème, lorsque cette somme est supérieure ou égale à 308.510 francs pour l'imposition, en 1999, des revenus de l'année 1998. Ainsi que le soulignait le rapport d'étape, le dispositif actuel repose sur une conception éminemment « bourgeoise » du train de vie où celui-ci est apprécié sur la base de douze critères passablement marqués : la valeur locative cadastrale de la résidence principale ; la valeur locative des résidences secondaires ; la présence d'employés de maison, de précepteurs, de préceptrices et de gouvernantes ; la valeur des voitures ; celle des motos ; les yachts ou les bateaux de plaisance à voile de plus de trois tonneaux de jauge internationale ; les bateaux de plaisance à moteur d'une puissance réelle d'au moins vingt chevaux ; les avions de tourisme ; les chevaux de course ; les chevaux de selle ; la location de droits de chasse et les parts dans les sociétés de chasse ; les participations et les abonnements dans les clubs de golf. Chaque élément est valorisé selon un barème. Le montant précité de 308.510 francs a été fixé à un niveau élevé, de telle manière que le dispositif ne s'applique que lorsqu'un nombre suffisant d'éléments est recensé dans le mode de vie du contribuable. Cette précaution apparaît dépassée dès lors que l'évolution de la société, la progression des paiements par chèques, la généralisation des cartes bancaires et d'autres facteurs ont permis une amélioration notable de la connaissance des revenus des personnes physiques vivant dans les conditions les plus courantes. Elle apparaît en outre trop contraignante pour l'administration fiscale, car elle interdit d'appliquer ce dispositif d'appréciation indiciaire des éléments du train de vie aux cas auxquels il trouverait le mieux à s'appliquer : celui des délinquants tirant l'essentiel de leurs ressources de trafics rémunérateurs tels que celui des stupéfiants et qui disposent pour l'essentiel d'un parc d'automobiles et de motos. Chaque moto de plus de 450 cm3 étant prise en compte pour sa valeur neuve, avec un abattement de 50% après trois ans d'usage, et chaque automobile étant évaluée aux trois quarts de sa valeur neuve avec un abattement de 20% après un an d'usage et de 10% supplémentaire par année pendant les quatre années suivantes, on constate que le contribuable doit détenir un parc composé d'une moto d'une valeur neuve de 120.000 francs et d'une voiture d'une valeur neuve de 314.000 francs, pour des véhicules âgés de deux ans, pour relever du dispositif, dans l'hypothèse où il ne dispose pas d'un logement à son nom. L'expérience montre que ce seuil est trop élevé et qu'un seuil de 200.000 francs, impliquant la détention, par exemple, d'une moto d'une valeur neuve de 80.000 francs et d'une voiture d'une valeur neuve de 200.000 francs est plus réaliste. Certains craindront que le dispositif ne s'applique également à des personnes vivant dans la plus parfaite légalité, mais disposant d'un train de vie plus élevé que celui que leur permet leurs revenus en raison d'une situation particulière : détention d'un capital abondant, mais peu rémunérateur et partiellement cédé ; conservation des principaux éléments du train de vie antérieur à la suite d'un veuvage ; gains substantiels à des jeux de hasard ; jouissance d'un montant important de revenus exonérés d'impôts, tels que les pensions des fonctionnaires de la Communauté européenne. Ces craintes ne sauraient être partagées par les connaisseurs du code général des impôts, puisqu'ils auront relevé que le 3 de ce même article 168 précise que « le contribuable peut apporter la preuve que ses revenus ou l'utilisation du capital ou les emprunts qu'il a contractés lui ont permis d'assurer son train de vie ». 2.- Limiter les possibilités d'imputation des dépenses personnelles sur les comptes des sociétés ou des entreprises individuelles Le code général des impôts, et la jurisprudence, prévoient plusieurs modalités afin d'éviter que les chefs d'entreprises ne soient tentés de faire prendre en charge leurs dépenses personnelles, ou bien celles de leurs collaborateurs les plus proches, par l'entreprise. On rappellera que les postes les plus sensibles sont : - les véhicules de sociétés ; - les frais de voyage, transport et déplacement, ainsi que les frais d'essence ; - les frais de restaurant et d'hôtel ; - les divers frais d'invitation et de représentation ; - les cadeaux. D'une part, la théorie de l'acte anormal de gestion, construite par la jurisprudence, permet à l'administration de réintégrer dans le résultat imposable de l'entreprise les dépenses excessives qui ne sont pas justifiées par l'intérêt de celle-ci. Cependant, cette théorie n'est pas toujours aisée à mettre en _uvre, car la charge de la preuve incombe à l'administration D'autre part, les charges dites « somptuaires », ce qui recouvre les chasses, les pêches, les résidences de plaisance ou d'agrément, les yachts ou les bateaux de plaisance, sont exclues des charges déductibles en application du 4 de l'article 39 du code général des impôts. En outre, l'amortissement des voitures particulières est limité à un plafond de 120.000 francs par véhicule et des règles strictes encadrent les loyers susceptibles d'être versés pour la location de tels véhicules. De plus, la TVA sur les véhicules pour le transport de personnes ou à usage mixte n'est pas déductible. Et il faut également rappeler le tarif dissuasif de la taxe sur les véhicules de sociétés, applicable aux véhicules relevant de la catégorie de voitures particulières, qui s'ajoute à la vignette : 6.800 francs pour les véhicules de 7 chevaux fiscaux et moins ; 14.800 francs au-delà (des exonérations sont prévues pour les véhicules « propres »). Enfin, les sociétés doivent joindre à leur déclaration annuelle de résultats un relevé détaillé de cinq catégories de frais généraux lorsque ceux-ci excèdent les limites rappelées dans le tableau suivant :
S'agissant des entreprises individuelles, elles doivent mentionner seulement les cadeaux et frais de réception en annexe à leur déclaration de résultat. Ces mesures dissuasives ne sont cependant pas toujours suffisantes, notamment lorsque l'acte anormal de gestion peut être seulement présumé et non prouvé. La logique du contrôle fiscal montrant ses limites, selon votre Rapporteur, il convient alors d'envisager une procédure relevant d'une autre philosophie et prévoyant une information des représentants du personnel, lorsque l'administration fiscale a dû procéder à des rectifications sur ces frais ou lorsque ces frais sont plus importants que la moyenne de la branche. L'objectif est d'assurer un contrôle interne au sein de l'entreprise sur l'opportunité de certaines charges. C.- RENFORCER LES MODALITÉS DU CONTRÔLE FISCAL 1.- Améliorer la connaissance de certaines mutations à titre gratuit a) Prévoir l'enregistrement des cessions de polices d'assurance-vie, afin d'éviter que ces cessions ne permettent, en cas de faculté de rachat, une donation indirecte Les cessions de polices d'assurance-vie rachetables constituent un moyen de transmission occulte d'un élément de patrimoine, dès lors que l'article L. 136 du code des assurances permet la circulation par endos quand la police est à ordre, que les cessions ne font pas l'objet d'une procédure d'enregistrement obligatoire, et qu'il n'y a pas alors d'obligation de paiement d'un prix pour que la cession soit valable. Les donations de police doivent, en revanche, être enregistrées. Il convient de remédier à cette situation et de prévoir l'enregistrement de la cession des polices d'assurance-vie. Le tarif serait le tarif général applicable aux actes dit innomés, qui ne font pas l'objet d'un tarif spécifique, soit un montant de 500 francs. b) Rendre obligatoire la déclaration des dons manuels Selon l'article 757 du code général des impôts, les dons manuels ne sont pas soumis aux droits de donation dans certains cas : lorsqu'ils ne sont pas déclarés par le donataire dans un acte soumis à l'enregistrement ; lorsque qu'ils ne font pas l'objet non plus d'une reconnaissance judiciaire ; lorsqu'ils ne sont pas révélés à l'administration fiscale spontanément ou à sa demande ; lorsque le bénéficiaire ne bénéfice pas d'une donation postérieure constatée par un acte ou lorsqu'il ne fait pas partie des successibles lors du décès du donateur. Ainsi, les donations consenties à des personnes non-parentes n'ont pas nécessairement à être déclarées, et taxées, dès lors que l'administration fiscale ne demande pas d'élément d'information sur elles. Cette absence de déclaration présente certes l'avantage de la discrétion, mais elle ne va pas dans le sens de l'égalité devant l'impôt. On peut donc envisager de la supprimer et d'assujettir aux droits de mutation à titre gratuit l'ensemble des dons manuels. En outre, ainsi que l'a constaté le récent rapport de la commission d'enquête sur « les sectes et l'argent » (rapport n° 1687), cette situation permet des pratiques abusives de la part des sectes. Il s'agit donc de prévoir la déclaration obligatoire des dons manuels, et ainsi la perception systématique de droits de mutation à titre gratuit, lorsqu'il y a lieu, sur ces transmissions. Naturellement, n'entreraient pas dans le champ de cette déclaration les aides délivrées dans le cadre de la vie courante et qui relèvent du devoir de secours à autrui plus que d'une intention libérale à objectif patrimonial, ni même les présents d'usage, remis à l'occasion de certains événements marquants de la vie familiale (mariage etc.). 2.- Encadrer le régime des sociétés civiles et des sociétés à prépondérance immobilières a) Prévoir la production annuelle de comptes à l'administration fiscale par les sociétés civiles qui ne sont pas encore soumises à cette obligation Vis-à-vis de l'administration fiscale, certaines sociétés civiles, notamment les sociétés civiles immobilières, n'ont aucune obligation comptable. Cette absence d'obligation permet, dans le flou des opérations qui y sont menées, des donations indirectes non taxées, notamment dans le cadre de sociétés civiles immobilières de famille, à l'occasion de la capitalisation des revenus ou grâce à des opérations d'apport. Il y a là un facteur de fraude fiscale qu'il convient de supprimer. Il convient donc de prévoir la remise obligatoire à l'administration fiscale, chaque année, de comptes, bilan et compte d'exploitation, par les sociétés civiles. Afin de garantir l'efficacité de la mesure, il importe en outre de prévoir la possibilité pour ces sociétés de faire l'objet d'opérations de vérification de comptabilité, indépendamment de toute opération de contrôle fiscal réalisée sur leurs membres, ce qui est déjà le cas de l'essentiel des sociétés de personnes et structures assimilées, de même à ce que leur contrôle puisse ou non déboucher sur une procédure de redressement pour les porteurs de parts. b) Rendre obligatoire la formalité de l'acte authentique pour l'élaboration des statuts, les modifications statutaires et les cessions de parts de sociétés immobilières Par nature, les sociétés à prépondérance immobilière font l'objet de transactions soumises à des règles plus souples que les immeubles eux-mêmes. Si la cession des seconds ne peut intervenir que par acte authentique, toute transaction sur les premiers peut être effectuée dans le cadre d'un simple acte sous seing privé. L'acte sous seing privé présente plusieurs « avantages » pour le contribuable, car il permet : - éventuellement, de délocaliser l'acte de cession, en dehors du territoire fiscal de la France ; - d'échapper, bien que cela constitue une fraude fiscale, à la formalité obligatoire de l'enregistrement ; - de recourir à des prête-noms ; - de n'être rigoureux ni sur les modalités, ni sur les garanties de paiement ; - de rendre difficile la reconstitution des chaînes de transactions, en cas de man_uvres frauduleuses. En outre, on remarquera que l'acquéreur ne dispose d'aucune garantie sur le statut de l'immeuble au regard, par exemple, des règles d'urbanisme et du respect des différentes règles dont doivent s'assurer les notaires, et que les mutations sur les parts de sociétés civiles n'entrent pas dans le champ de l'article 98 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, qui étend aux personnes effectuant des opérations liées aux transactions immobilières les mécanismes de la déclaration de soupçon prévus par la législation visant à prévenir le blanchiment d'argent. Prévoir la formalité de l'acte authentique, tant pour la constitution des sociétés civiles immobilières que pour la cession des parts représentatives de leur capital apparaît, a contrario, présenter un quadruple intérêt pour l'exercice des opérations de contrôle fiscal : - il permettrait de tenir à jour le fichier des dirigeants, associés et gérants de sociétés, recommandé par votre Rapporteur dans le cadre de son rapport d'étape n° 1105 précité et dont le Gouvernement a précisé en approuvant la disposition qu'il relevait du domaine réglementaire ; - il permettrait également de faire entrer les transactions correspondantes dans le champ de la législation précédemment évoquée relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, et ainsi de l'obligation de vigilance quant à l'identité des parties à la transaction et de la déclaration de soupçon, ce qui est essentiel ; - les prix de transaction devraient être plus sincères, car placés sous le regard d'un tiers ; - des pratiques contestables ou à intention frauduleuse comme les cessions de parts en blanc, les pertes de documents, les irrégularités des assemblées générales, les abus de pouvoir de la part des dirigeants seraient plus difficiles. En outre, une telle mesure apparaît comme le complément du rapprochement, opéré dans le cadre de la loi de finances pour 1999, des taux des droits de mutation à titre onéreux auxquels sont assujetties les cessions de parts de sociétés civiles immobilières, les cessions de parts de sociétés à prépondérance immobilières et les cessions directes d'immeubles. Deux objections peuvent cependant être soulevées à l'encontre de la mesure proposée : - la proximité des règles fiscales et civiles applicables aux autres sociétés à prépondérance immobilière, notamment aux sociétés anonymes, impose d'englober dans le dispositif envisagé l'ensemble des parts des sociétés immobilières, ce qui peut poser un problème tant pour les sociétés cotées que pour les sociétés non cotées faisant publiquement appel à l'épargne ; - il semble peu aisé de soumettre à la formalité de l'acte authentique les cessions de parts de sociétés étrangères à prépondérance immobilière détenant des actifs en France ainsi que les transactions entre non-résidents portant sur des parts de sociétés françaises. Si cette deuxième réserve rappelle les limites de tout dispositif de contrôle fiscal dans un espace économique et financier ouvert, elle ne doit cependant pas être considérée comme dirimante tant l'objectif du dispositif proposé par votre Rapporteur est d'affirmer la présence de l'administration fiscale dans un secteur d'où elle est, pour l'instant, largement absente. En ce qui concerne la première réserve, on observera seulement qu'il suffit de prévoir que la formalité de l'acte authentique sera applicable aux seules sociétés civiles et aux autres sociétés à prépondérance immobilière non cotées ou ne faisant pas publiquement appel à l'épargne. Afin de garantir l'efficacité de cette nouvelle obligation, il convient de prévoir une sanction : soit la nullité de la cession non constatée par acte authentique, soit son inopposabilité aux tiers. La deuxième solution préserve les droits de l'administration, car elle lui permet de percevoir les droits d'enregistrement, ce que ne permet pas la première puisque prévoyant une nullité absolue. Elle doit donc être retenue, de préférence à la première. c) Supprimer la possibilité de procéder à des paiements hors la vue du notaire pour les transactions immobilières Certains montages reposent encore sur la cession fictive d'actifs immobiliers à des sociétés étrangères, dont certaines établies dans des paradis fiscaux, malgré la taxe de 3% prévue aux articles 990 D et suivants du code général des impôts, assise sur la valeur des immeubles détenus par certaines personnes morales, ou sur l'acquisition fictive d'immeubles auprès de personnes physiques non-parentes dans le cadre de stratégies de transmission patrimoniale. Ces montages sont facilités par les procédures qui permettent de ne pas procéder à un paiement effectif de la valeur du bien acheté par l'acquéreur. Tel est le cas de la pratique du paiement hors la vue du notaire, même s'il est vrai que cette mention sur un acte constitue un indicateur susceptible de conduire les services fiscaux à une vigilance accrue. Il apparaît donc souhaitable de procéder à la suppression de la possibilité de procéder à des paiements hors la vue du notaire pour les transactions immobilières et de rendre ainsi obligatoire le versement effectif par l'acquéreur au vendeur d'une somme égale à la valeur de l'immeuble, afin de limiter les possibilités de fraude qui viennent d'être évoquées. 3.- Prévoir l'accès des fonctionnaires des impôts aux clefs de décryptage Lors des opérations de visite domiciliaire ou de visite dans les locaux des entreprises, les agents de l'administration fiscale peuvent rencontrer des informations protégées par des logiciels de cryptage, notamment des informations liées à la comptabilité de l'entreprise. Il convient donc de prévoir l'obligation de délivrer les clés de décryptage, pour les contribuables ainsi que pour les organismes agréés chargés de gérer pour le compte d'autrui les conventions secrètes de moyens ou de prestations de cryptologie, afin qu'aucune difficulté légale ne puisse être opposée aux agents vérificateurs lors des opérations de contrôle sur place, voire sur pièces. Cette précaution est d'autant plus indispensable que le Gouvernement a récemment autorisé le cryptage des échanges sur Internet, afin de favoriser le développement du commerce électronique et de renforcer, pour le client et le fournisseur, la sécurité des transactions. 4.- Exclure les sociétés holdings du champ de la disposition limitant à trois mois la durée de vérification des petites entreprises, mesure qui doit être réservée aux seules PME Actuellement, l'article L. 52 du livre des procédures fiscales prévoit que le délai de vérification ne peut excéder trois mois pour les entreprises dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes est inférieur à 5 millions de francs pour les activités industrielles ou commerciales, et 1,5 millions de francs pour les entreprises de prestations de services. Le seuil est de 1,8 millions de francs pour les entreprises agricoles. Ces dispositions, destinées aux petites et moyennes entreprises, sont de fait applicables aux sociétés holdings des groupes, qui pourtant ont des relations complexes avec leurs filiales, mais ont un chiffre d'affaires réduit. Il convient de supprimer cette exception en prévoyant de n'appliquer la règle destinée qu'aux véritables petites et moyennes entreprises, celles dont l'actif est inférieur à 100 millions de francs. 5.- Accroître la responsabilité des sociétés de domiciliation Le recouvrement des impôts dus par les entreprises se heurte souvent au problème de la domiciliation de celles-ci. Certaines entreprises défaillantes ayant utilisé les services d'une société de domiciliation, profitent de cette situation pour rester hors d'atteinte. Parfois, les représentants de la direction générale de la comptabilité publique se trouvent même face à une simple plaque vissée sur un mur. Tel est souvent le cas des sociétés « taxis » utilisées en cas de fraude à la TVA intra-communautaire. En pratique, il apparaît en effet que des opérations courantes de contrôle fiscal comme les vérifications de comptabilité sont souvent impossibles : les dirigeants sont absents, le courrier n'est pas retiré, les documents comptables ne sont pas conservés dans les locaux de la société de domiciliation. En outre, les procédures de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'état des documents comptables, prévues à l'article L. 47 du code général des impôts, sont a priori exclues en raison de l'impossibilité de joindre le gérant, ce qui est indispensable à la régularité de la procédure. L'exercice du droit d'enquête prévu à l'article L. 80 F pour le contrôle du respect des règles de facturation auxquelles sont soumis les assujettis à la TVA s'avère également difficile. Aucune comptabilité ni aucun document concernant le contribuable n'est conservé généralement dans les locaux de la société domiciliante. Pour pallier ces difficultés, plusieurs mesures, complémentaires les unes des autres, peuvent être envisagées : - l'obligation pour la société domiciliée de désigner une personne physique identifiée non seulement par son état civil et son adresse personnelle, mais également par son numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques, nécessairement actionnaire ou gérant de la société, qui se déclare solidairement responsable de dettes fiscales de celle-ci ; - la possibilité, pour la société domiciliante, de refuser de conclure un contrat de domiciliation, lorsque la personne physique ainsi désignée ne présente pas de garanties suffisantes, lorsqu'elle n'est pas actionnaire de la société ou lorsqu'elle n'exerce pas effectivement une fonction de direction au sein de l'entreprise domiciliée ; - l'obligation, prévue dans le cadre du contrat de domiciliation, pour la société domiciliante de conserver la comptabilité de la société domiciliée ; - l'obligation pour la société domiciliante de déclarer à l'administration fiscale tout contrat de domiciliation qui ne prévoirait pas que la société domiciliante serait représentant fiscal de la société domiciliée. D.- AMÉLIORER LA PORTÉE DES RÉSULTATS DU CONTRÔLE FISCAL 1.- Clarifier le rôle de l'intérêt de retard en supprimant sa déductibilité du résultat des entreprises et en réduisant, a) Supprimer la déductibilité du résultat imposable des pénalités de recouvrement sanctionnant le versement tardif des impôts En matière fiscale, le régime des pénalités est complexe. Si les pénalités relatives à l'assiette des impôts, contributions et taxes ne sont pas déductibles, celles relatives au recouvrement, qui sanctionnent uniquement le versement tardif des impôts et taxes, sont déductibles lorsqu'elles portent sur des impôts eux-mêmes déductibles. Cependant, ce principe connaît des exceptions puisque la majoration de 10% pour le paiement tardif de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés n'est pas déductible. La majoration de 5% relative à la TVA est, par contre, déductible. L'intérêt de retard de 0,75%, soit 9% par an, dû indépendamment de toute sanction, est déductible, selon la doctrine, lorsqu'il sanctionne un retard de paiement d'un impôt déductible. Ces différences de traitement n'apparaissent pas justifiées, et sont de nature à introduire la confusion dans l'esprit du contribuable. Il convient donc d'unifier ce régime et de prévoir la non-déductibilité de l'ensemble des pénalités fiscales. En contrepartie de ce durcissement, on peut envisager de réduire de 9% à 6% le montant de l'intérêt de retard. b) Réduire de 0,75% par mois (9% par an) à 0,5% par mois (6% par an) le taux de l'intérêt de retard Dès lors que l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts ne serait plus déductible, en aucune hypothèse, il ne peut plus être objecté que le taux d'intérêt de 9% est du même ordre que celui qui est actuellement proposé aux entreprises par les banques et les établissements financiers. On pourra en effet relever que les intérêts versés dans le cadre des prêts sont déductibles du résultat des entreprises, ce qui ne sera plus jamais le cas de l'intérêt de retard, lorsqu'il sanctionne une omission, une insuffisance ou un retard de déclaration. Or un taux de 9% non déductible est équivalent à un taux de 15%, avec un intérêt déductible et comme l'indique le tableau suivant, ce taux de 15% est supérieur au seuil de l'usure, sauf pour certains crédits de trésorerie aux particuliers.
En outre, il convient de rappeler que le taux des intérêts moratoires versés au contribuable en cas de dégrèvement à l'issue d'une procédure contentieuse est égal au taux de l'intérêt légal, soit 3,44% (JO du 5 février 1999), ce qui fait clairement apparaître la manière peu cohérente avec laquelle la loi fait varier le prix du temps, que l'intérêt de retard comme l'intérêt légal sont censés représenter, selon qu'il s'agisse du temps avant le contrôle fiscal ou après le contrôle fiscal. Il convient ainsi de corriger cette anomalie et de prendre en considération les deux mesures complémentaires suggérées par votre Rapporteur. Cette mesure est en outre cohérente avec la limitation de l'effet de la tolérance légale que propose votre Rapporteur dans le cadre des deux mesures suivantes. 2.- Plafonner l'effet de la tolérance légale pour les grandes sociétés La tolérance légale, en application de laquelle les pénalités pour insuffisance de déclaration (intérêt de retard, majoration de droits) ne sont pas perçues lorsque l'insuffisance des chiffres déclarés n'excède pas un certain pourcentage de la base d'imposition retenue après redressement, qui est actuellement de 5% de la base d'imposition pour l'impôt sur les sociétés, n'est pas plafonnée. Le dispositif actuel apparaît trop laxiste pour les très grandes entreprises, la tolérance atteignant, par exemple, 50 millions de francs pour un bénéfice d'un milliard de francs. Il apparaît donc opportun de prévoir un plafond de 20 millions de francs, ce qui correspond à un bénéfice ou à un résultat imposable de 400 millions de francs. 3.- Supprimer le bénéfice de la tolérance légale pour les contribuables de mauvaise foi ou s'étant livrés à des man_uvres frauduleuses La tolérance légale, en application de laquelle les pénalités pour insuffisance de déclaration (intérêt de retard, majorations de droits) ne sont pas perçues lorsque l'insuffisance des chiffres déclarés n'excède pas un certain pourcentage de la base d'imposition retenue après redressement, qui est actuellement de 5% de la base d'imposition pour l'impôt sur les sociétés et l'impôt sur le revenu et de 10% pour les droits d'enregistrement et l'ISF, bénéficie au contribuable d'une manière indifférenciée, quel que soit son comportement. Elle s'applique en effet même lorsque le contribuable est passible des sanctions de 40% pour mauvaise foi et de 80% pour man_uvres frauduleuses. Cette situation est paradoxale. Il apparaît clairement justifié de ne réserver le bénéfice de la tolérance légale qu'aux seuls contribuables de bonne foi. 4.- Moderniser les modalités de pénalisation des infractions fiscales a) Renforcer et accélérer la pénalisation des infractions fiscales Dans le cadre de son rapport d'étape précité, votre Rapporteur a montré le faible nombre des cas de fraude fiscale conduisant au dépôt d'une plainte pénale : moins de 1.000 par an (862 en 1997). Il n'y a pas lieu de revenir sur ce constat. Si la suppression de la Commission des infractions fiscales (CIF), à l'avis conforme de laquelle est subordonné le dépôt d'une plainte pour fraude fiscale de la part de l'administration fiscale en application de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales, est parfois envisagée, une telle mesure semble excessive, car il apparaît difficile de rendre totalement libre le dépôt des plaintes par l'administration fiscale, sous l'autorité du ministre, sauf à prêter à nouveau le flanc à la critique qui s'était développée avant 1978, d'un pouvoir ministériel assez libre qui s'exerçait d'une manière arbitraire et injuste, et à risquer d'encombrer les juridictions. Etablir une instance de substitution, composée autrement, n'apparaît pas non être une solution adaptée, une telle instance risquant d'encourir les mêmes critiques que la CIF. Il semble donc plus simple de conserver la CIF, mais de rendre obligatoire la soumission à celle-ci de l'ensemble des rappels de droits les plus important, tant en termes de montant que de proportion des droits fraudés par rapport à la base initiale. Ainsi, votre Rapporteur suggère-t-il de rendre systématique le dépôt d'une plainte pour fraude fiscale par l'administration, sans avis conforme de la commission des infractions fiscales, dès lors que les droits éludés dépassent 500.000 francs et 30% du montant de l'impôt qui aurait été initialement dû. Naturellement, la procédure actuelle resterait en vigueur, le cas échéant, pour certains dossiers significatifs de moindre importance. On ne manquera pas d'observer que cette saisine obligatoire de la CIF allégerait en amont les délais de procédure et d'étude des dossiers par l'administration. b) Améliorer l'efficacité des opérations d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle (ESFP) ayant mis en évidence la présence de revenus d'origine indéterminée Dans la lutte contre la fraude fiscale, notamment la grande fraude, dont l'objectif est toujours un enrichissement illimité et injustifié des personnes physiques qui la pratiquent, la procédure de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle tient une place de choix. Elle permet, en effet, par un contrôle approfondi de l'ensemble des flux de trésorerie et des variations du patrimoine, de s'assurer que ces éléments sont bien compatibles avec les revenus déclarés par le contribuable. Cette procédure, lourde et contraignante, est cependant d'un usage limité. L'administration fiscale a procédé à 4.707 ESFP en 1997. Elle donne des résultats très satisfaisants, et a montré son efficacité. On constate cependant certaines difficultés dans la répression de la grande fraude, en matière de poursuites pénales, lorsque que le contribuable ne collabore pas avec l'administration fiscale et ne révèle pas l'origine de revenus dont le vérificateur peut seulement constater l'existence. En effet, si la procédure de contrôle fiscal ne se heurte à aucun obstacle, l'article L. 69 du livre des procédures fiscales permettant à l'administration de procéder au redressement, en l'absence d'information suffisamment précise sur l'origine de certains fonds, grâce à une taxation d'office au niveau du revenu global, les poursuites pénales se heurtent, en revanche, à la nécessité de démontrer le caractère intentionnel de la fraude, conformément à l'un des principes de base de notre droit pénal. Cette démonstration est évidemment peu aisée dès lors que le contribuable a eu un rôle purement passif lors de la procédure de contrôle fiscal et que l'administration ne peut établir avec certitude l'origine des revenus. Aussi votre Rapporteur est-il conduit à envisager, dans le cadre d'une modification de l'article 1741 du code général des impôts, un renversement de la charge de la preuve, et de prévoir que les revenus d'origine indéterminée d'un montant significatif seront présumés, dans le cadre de la procédure pénale, provenir d'une fraude fiscale, dès lors que le contribuable n'apporte pas la preuve contraire. 5.- Soumettre à la procédure de redressement contradictoire les rappels d'imposition en matière de taxe professionnelle Actuellement, l'article L. 56 du livre des procédures fiscales prévoit que les dispositions relatives à la procédure de redressement contradictoire ne sont pas applicables aux impôts locaux. Cette exclusion permet de procéder à des rectifications selon une procédure plus légère. Celles-ci sont seulement notifiées au contribuable. Cependant elle favorise, s'agissant de la taxe professionnelle, des comportements de fraude ou d'optimisation contestables qui sont d'autant plus intéressants pour les entreprises qu'elles n'encourent aucune pénalité, compte tenu de l'absence de contradictoire qui empêche le jeu des droits de la défense et de l'impossibilité pour l'administration fiscale de sanctionner des montages qui relèveraient, s'il s'agissait d'éluder d'autres impôts, de la catégorie des abus de droit. Il convient de mettre fin à cette situation et de prévoir que la procédure de redressement contradictoire, et les sanctions de droit commun, s'appliqueront aux infractions relatives à la taxe professionnelle. On rappellera que les droits rappelés en matière d'impôts locaux se sont élevés à 2,933 milliards de francs en 1997. Ils proviennent essentiellement de rehaussements en matière de taxe professionnelle. E.- RENFORCER LES PLANS DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL CLANDESTIN Presque tous les interlocuteurs de votre Rapporteur, notamment les syndicats, ont insisté sur l'importance de la répression du travail clandestin dans la lutte contre la fraude fiscale. En particulier, les fraudes transfrontalières réalisées par des entreprises étrangères installées à proximité de la frontière et venant effectuer des travaux, non déclarés, en France seraient très importantes. Aussi celui-ci se fait-il l'écho de ces préoccupations et appelle-t-il l'attention de l'administration à développer encore le plan de lutte contre le travail clandestin, notamment s'agissant des opérations qui relèvent de l'action coordonnée de plusieurs services dépendant du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et de celui de l'emploi et de la solidarité. III.- SUPPRIMER CERTAINS DISPOSITIFS PERMETTANT DE PROCÉDER À DE L'ÉVASION FISCALE A.- L'IMPÔT SUR LE REVENU ET L'IMPOSITION DES PLUS-VALUES 1.- Supprimer la possibilité pour les contribuables de procéder à une déclaration séparée pour leurs enfants mineurs disposant de ressources propres Les règles relatives au plafonnement à 11.000 francs de l'avantage maximum en impôt résultant d'une demi-part supplémentaire de quotient familial peuvent être habilement tournées par les contribuables très aisés et judicieusement conseillés, dont les enfants disposent d'une fortune propre, provenant d'un héritage, notamment après le décès de leurs grands-parents ou de parents proches, ou de revenus propres dans le cadre d'activités spécifiques telles que le cinéma et les spectacles ou bien l'activité de mannequin. Le 2 de l'article 6 du code général des impôts prévoit, en effet, que « le contribuable peut réclamer des impositions distinctes pour ses enfants, lorsque ceux-ci tirent un revenu de leur travail ou d'une fortune indépendante de la sienne ». Cette possibilité d'optimisation fiscale est d'usage certes limité, mais elle nuit au principe de l'égalité devant l'impôt et renforce l'intérêt des stratégies de « saut de génération » en matière de transmission du patrimoine à titre gratuit, stratégies fondées sur la transmission directe du patrimoine aux petits-enfants, voire, dans certains cas extrêmes, aux arrière-petits-enfants, soit à concurrence de la quotité disponible, c'est à dire de la part du patrimoine qu'il est possible de ne pas transmettre à ses enfants, et, plus généralement, à ses héritiers réservataires, soit au-delà de cette quotité, lorsque ces derniers renoncent à exercer l'action en réduction leur permettant de recevoir la part à laquelle ils peuvent prétendre en application des dispositions du code civil. On peut craindre que le recours à cette pratique ne se développe, à l'avenir, l'augmentation de l'espérance de vie rendant ces stratégies plus aisées, alors que la fiscalité prévoit des allégements significatifs de droits, prévus à l'article 790 du code général des impôts, pour les donations simples et les donations-partages, la réduction des droits étant fixée à 50% lorsque le donateur a moins de 65 ans et à 30% lorsqu'il a entre 65 ans et 75 ans. On doit, en outre, mentionner la réduction temporaire, de 30 % lorsque le donateur a plus de 75 ans, pour les mutations opérées entre le 25 novembre 1998 et le 31 décembre 1999. En effet, abstraction faite de l'économie que représente le saut de génération en matière de droits de mutation à titre gratuit, un calcul simple permet de percevoir l'économie d'impôt résultant de la déclaration séparée pour un enfant mineur, qui, dans le cas d'un couple, au lieu de compter, dans le cadre du calcul du quotient familial et de l'avantage en impôt qui en résulte, pour une demi-part plafonnée, pour les deux premiers, et deux demi-parts plafonnées pour les suivants, comptera pour une part déplafonnée. Plusieurs exemples permettent d'étayer la démonstration. Un couple ayant deux enfants et disposant d'un revenu imposable d'un million de francs doit acquitter en 1999 au titre des revenus de 1998 une cotisation d'impôt sur le revenu de 394.087 francs. S'il opte pour le détachement, chacun des enfants disposant en propre d'un revenu imposable de 200.000 francs, l'impôt acquitté par la famille sera égal à 307.213 francs, ce total se décomposant de la manière suivante : 200.087 pour les deux parents ; 53.563 francs pour chacun des deux enfants. L'économie d'impôt est ainsi de 86.874 francs sur un an, soit 22% du montant de la cotisation initiale. Sur dix ans, elle est proche d'un million de francs, soit une année de revenu imposable. Même si les allocations familiales ne sont plus perçues en cas de détachement, leur montant pèse peu eu égard à l'avantage fiscal. Dans des catégories moins fortunées, la stratégie peut s'avérer également intéressante. Pour un couple ayant un revenu imposable de 300.000 francs, dont 120.000 au titre d'un enfant unique, l'impôt dû sans détachement de l'enfant sera de 54.488 francs, et de 45.652 avec le détachement, dont 23.857 francs au titre de l'enfant, soit une économie d'impôt de 8.836 francs égale à 16,21% du montant de l'impôt initial. On peut en outre envisager de combiner cet effet avec celui de l'avoir fiscal, qui donne lieu à restitution quand le taux marginal de l'impôt sur le revenu est faible ou à une forte diminution d'impôt quand le taux marginal de l'impôt est un taux intermédiaire et mesurer ainsi les ressources de ce gisement d'optimisation fiscale. Il serait en effet contraire à l'esprit citoyen que l'on maintînt en vigueur une disposition permettant de contourner les mesures de calcul et de plafonnement du quotient familial pour une élite, au demeurant assez nombreuse, probablement, de contribuables venant de familles fortunées et bien conseillées. En outre, que peut-on penser d'une loi fiscale qui permet à ceux qui disposent de revenus du capital important de payer moins d'impôt que ceux qui ne disposent que des revenus salariaux, à revenu imposable égal ? Aussi votre Rapporteur suggère-t-il de supprimer ce risque d'évasion fiscale, sans même attendre qu'il se réalise d'une manière massive dans les classes très aisées. Il observe d'ailleurs qu'une précaution d'inspiration semblable à celle qu'il propose a été prise en matière d'impôt de solidarité sur la fortune, puisque l'article 885 E du code général des impôts prévoit que les enfants mineurs sont imposés avec ceux de leurs parents qui ont l'administration légale de leurs biens. Ainsi, votre Rapporteur propose de réduire le champ d'application du 2 de l'article 6 du code général des impôts, et de ne maintenir son bénéfice que pour les seuls contribuables dont l'enfant mineur est émancipé. Il semble en effet impossible sur le plan du droit d'imposer ensemble les revenus des parents et d'un enfant sur lequel ces parents n'ont plus autorité, sur le plan légal. 2.- Mieux coordonner le paiement de l'impôt sur les plus-values de cession de titres et les droits de mutation à titre gratuit En jouant de manière fine sur les dispositions civiles et fiscales relatives aux démembrements de propriété, celles régissant des donations et celles relatives au report d'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières, de parts ou de droits sociaux, il est possible de procéder à des montages avantageux reposant sur la combinaison d'une cession à titre onéreux et d'une mutation à titre gratuit. Lorsqu'un contribuable judicieusement conseillé veut se défaire de titres qui ont enregistré une forte plus-value et souhaite transmettre, dans un délai plus ou moins long, mais de manière certaine, le capital correspondant à ses héritiers, il peut éviter la solution naturelle consistant à céder les titres et à capitaliser les produits en attendant l'ouverture de sa succession ou l'organisation d'une donation. Dans cette hypothèse, en effet, il lui faudra acquitter l'impôt sur la plus-value de cession au taux de 26%, puis régler les droits de mutation à titre gratuit. La solution la plus avantageuse repose sur la réalisation d'une donation, puis d'une cession des titres. En effet, d'une part, les donations sont assujetties aux droits de mutations à titre gratuit dans des conditions préférentielles, avec : - l'abattement de 300.000 francs, qui est renouvelé tous les dix ans au profit des enfants ; - les allégements de droits prévus à l'article 790 du code général des impôts, la réduction des droits étant fixée à 50% lorsque le donateur a moins de 65 ans et à 30% lorsqu'il a entre 65 ans et 75 ans, avec, en outre, une réduction, temporaire, de 30 % lorsque le donateur a plus de 75 ans, pour les mutations opérées entre le 25 novembre 1998 et le 31 décembre 1999. De plus, la possibilité d'opérer, dans le cadre d'une donation, un démembrement entre la nue-propriété et l'usufruit, les donataires se voyant attribuer la première, le donateur se réservant le second, minore d'autant la base taxable. Le barème mentionné à l'article 762 du code général des impôts donnant le taux de l'abattement qu'il faut opérer sur la valeur en pleine propriété d'un bien pour calculer la valeur de la nue-propriété conduit à un abattement d'autant plus élevé que celui qui donne est jeune. Par ailleurs, lors de la cession, le nu-propriétaire des titres acquitte l'impôt sur la plus-value sur la base de la valeur des titres au moment de la donation. La donation fait donc disparaître la plus-value latente imposable, en cas de cession à titre onéreux. Ainsi, procéder d'abord à une donation en nue-propriété aux donataires, puis à une cession immédiate des titres pour leur valeur en pleine propriété par ces derniers, permet d'éluder tout impôt sur la plus-value de cession. L'intérêt du donataire pourra être préservé grâce au remploi du produit de cession des titres dans un bien acquis en propriété démembrée. Si un autre intérêt patrimonial commande de passer par une société de gestion du patrimoine familial, soumise à l'IS de plein droit ou sur option, il est également possible d'éluder l'impôt sur la plus-value de cession des titres dont le donateur souhaite se défaire en procédant d'abord à un apport à la société de gestion du patrimoine familial, cet apport donnant lieu à un report d'imposition de l'impôt sur la plus-value jusqu'à la cession à titre onéreux des titres reçus en échange de l'apport, et en donnant ensuite la nue-propriété des titres reçus en échange aux enfants, le donateur s'en réservant l'usufruit. Dès lors, les titres originels peuvent être cédés par la société de famille sans impôt sur la plus-value. Les titres de la société de famille remis au cours de l'échange n'étant pas cédés à titre onéreux, l'imposition en report de la plus-value de cession, constatée lors de l'apport, devient caduque. Afin d'éviter de tels montages qui reposent sur l'anticipation d'un droit de mutation à titre gratuit qui sera de toute manière acquitté pour éviter une imposition de la plus-value de cession à titre onéreux, votre Rapporteur juge nécessaire d'envisager de créer l'obligation d'une détention des titres pendant cinq ans soit pour les donataires, soit pour la société bénéficiaire de l'apport, pour ne pas devoir payer l'impôt sur la plus-value. B.- L'IMPOSITION DES RÉSULTATS DES SOCIÉTÉS 1.- Supprimer la déductibilité des intérêts des emprunts contractés par les sociétés holdings dans le seul but de réduire le coût d'acquisition d'une entreprise Les investisseurs peuvent racheter une entreprise bénéficiaire en franchise d'impôt en utilisant ou en créant une société holding qui empruntera la totalité du montant du rachat. Dans le cadre du régime des groupes, les profits de l'entreprise rachetée seront ainsi absorbés par le déficit de la société holding de rachat. Il s'agit d'un montage classique, qu'il conviendrait de supprimer afin de ne pas faire supporter au Trésor public une partie du coût d'acquisition d'une entreprise. Compte tenu du fait que le taux de l'imposition effectif des résultats des entreprises est de 40%, cette procédure revient à faire supporter 40% de la charge d'acquisition de l'entreprise à la collectivité publique. En outre, lorsqu'il aboutit ultérieurement à une fusion, le montage conduit à une solution préjudiciable aux droits des petits actionnaires minoritaires. Votre Rapporteur suggère donc de supprimer toute possibilité de recourir à ce montage et de supprimer la déductibilité des intérêts des emprunts contractés pour l'acquisition de participations. 2.- Limiter l'intérêt du recours aux sociétés transparentes pour les sociétés de capitaux Pour contourner la rigidité des règles relative à la remontée des déficits des filiales, laquelle ne peut intervenir que dans le cadre du régime des groupes, certaines entreprises recourent aux sociétés de personnes, fiscalement semi-transparentes, pour bénéficier de l'imputation des résultats déficitaires de leurs filiales, situées en dehors du périmètre du groupe, sur leur propre résultat. Ce dispositif fonctionne en cas de résultat bénéficiaire, mais le régime des sociétés mères et filiales le rend moins attrayant. Cette imputation des déficits peut se révéler contestable lorsque la société de personne exerce une activité qui n'est pas directement liée à celle de la société mère et qu'il s'agit d'un investissement passif, c'est-à-dire d'une activité de location ou d'une activité à la gestion de laquelle la société mère ne prend pas une part active, soit en raison de la faiblesse de son capital, soit en raison son absence de participation aux instances de direction. Elle donne lieu à des montages contestables, car il semble difficile de faire supporter par la collectivité les charges résultant d'investissements déficitaires ne correspondant pas à l'intérêt d'une entreprise. Aussi votre Rapporteur propose-t-il, à l'instar de ce qui se fait aux Etats-Unis, de limiter l'imputation des pertes sur ces investissements passifs aux éventuels bénéfices réalisés dans le cadre d'autres investissements passifs. L'objectif de cette mesure est d'aller au-delà des mesures récentes prévoyant la limitation du montant de l'amortissement des biens loués par une personne physique ou par une société de personnes qui peut être déduit du résultat du bailleur société de personnes, GIE ou personne physique, notamment pour les opérations de crédit-bail. IV.- ENVISAGER, POUR LE FUTUR, DE RÉTABLIR L'ÉQUITÉ ET LA CITOYENNETÉ DES GRANDS IMPÔTS EN MATIÈRE DE FISCALITÉ PERSONNELLE DANS LE CADRE D'UNE ÉVENTUELLE RÉFORME FISCALE Au cours de ses travaux, votre Rapporteur a pu réaliser combien les impôts de fiscalité personnelle, qui sont les mieux considérés par l'opinion, comme le montrent les sondages, méritaient une réforme de fond compte tenu de l'importance des exonérations qui permettent aux contribuables de réduire considérablement la charge lui incombant. Les réformes à envisager sortent clairement du champ de la mission confiée à votre Rapporteur. Aussi se bornera-t-il à suggérer quelques pistes de réflexion. A.- L'IMPÔT SUR LE REVENU : LIMITER LES POSSIBILITÉS DE CUMUL DES EXONÉRATIONS ET DES RÉDUCTIONS D'IMPÔT, ET RÉFORMER LE RÉGIME DE L'AVOIR FISCAL L'une des critiques le plus souvent formulées vis-à-vis de l'impôt sur le revenu est l'importance des « niches fiscales », c'est à dire des dispositions prévoyant une exonération de certains revenus, une déduction de la base imposable ou une réduction d'impôt. Un temps, ces niches « fiscales » ont eu tendance à se multiplier, notamment sous la forme de mesures catégorielles tendant à accorder des déductions forfaitaires supplémentaires au titre des frais professionnels dans le cadre de l'impôt sur le revenu. Néanmoins, un effort de moralisation a été entrepris dans le cadre de la loi de finances pour 1997 et a été poursuivi et amplifié, depuis, par le Gouvernement. Les lois de finances pour 1998 et 1999 ont en effet procédé à quatre aménagements importants : - la suppression du régime des investissements quirataires, qui ne bénéficiait qu'aux contribuables très fortunés ; - la correction du régime privilégié de défiscalisation des investissements outre-mer (la loi dite « Pons ») ; - la mise en _uvre de l'extinction progressive des déductions forfaitaires supplémentaires bénéficiant à quelque cent-dix professions ; - le plafonnement à 22.500 francs de la réduction d'impôt sur le revenu au titre des emplois à domicile. Il convient de poursuivre cette stratégie de limitation et de réduction progressive des niches fiscales, qui concernent pour l'essentiel les revenus de l'épargne et les produits de placement, comme l'a noté le Conseil des impôts dans le cadre du dix-septième rapport au Président de la République (1999), sur la fiscalité des revenus de l'épargne.
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