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N° 1920

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 15 novembre 1999.

RAPPORT D'INFORMATION

déposé en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA MISSION D'INFORMATION COMMUNE

SUR LES PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES DE L'AMÉNAGEMENT
DE L'AXE EUROPÉEN RHIN-RHÔNE (1)

Président

M. Michel VAUZELLE,

Rapporteur

M. Jean-Louis FOUSSERET,

Députés.

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TOME I

RAPPORT

(1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

Aménagement du territoire.

La mission d'information commune sur les perspectives économiques et sociales de l'aménagement de l'axe européen Rhin-Rhône est composée de : M. Michel VAUZELLE, Président ; MM. André GERIN, Jean-Jacques WEBER, Vice-Présidents ; M. Thierry MARIANI, Mme Gilberte MARIN-MOSKOVITZ, Secrétaires ; M. Jean-Louis FOUSSERET, Rapporteur ; MM. Stéphane ALAIZE, Jean-Pierre BAEUMLER, Eric BESSON, Jean-Marie BOCKEL, André BOREL, Yves BUR, Jean CHARROPPIN, Jean-Marie DEMANGE, Dominique DORD, Jean-Michel DUBERNARD, André GODIN, Michel GREGOIRE, Mmes Paulette GUINCHARD-KUNSTLER, Cécile HELLE, MM. Gabriel MONTCHARMONT, Renaud MUSELIER, Joseph PARRENIN, François PATRIAT, Jacques PELISSARD, Bernard PERRUT, Jacques REBILLARD, Jean-Luc REITZER, Marc REYMANN, Jean RIGAUD, Mme Michèle RIVASI, MM. Jean ROATTA, André SCHNEIDER, Bernard SCHREINER, Pascal TERRASSE, Joseph TYRODE, Jean UEBERSCHLAG, André VAUCHEZ, Michel VAXÈS, Gérard VOISIN.

S O M M A I R E

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Pages

INTRODUCTION 11

CHAPITRE PREMIER : UNE VOIE D'ÉCHANGES ENTRE DES RÉGIONS DYNAMIQUES ET COMPLÉMENTAIRES 15

I._ LA COMPLÉMENTARITÉ DES RÉGIONS TRAVERSÉES 15

a.- cohérence géographique et économique 15

1._ La convergence des intérêts entre les régions de l'axe Rhin-Rhône, un élément insuffisamment exploité 15

a) Un axe cohérent marqué par une unité d'intérêts 16

b) Contraintes : entre saturation et enclavement 20

2._ La cohérence des secteurs implantés sur l'axe Rhin-Rhône 27

a) Un axe aux traditions de forte industrialisation et aux secteurs d'activité complémentaires 27

b) Un maillage d'infrastructures de transport qui possède néanmoins d'ores et déjà des atouts 32

b.- un vecteur dynamique confortant le développement des agglomérations qu'il relie 35

1._ Accès à l'Europe du sud et au Moyen-Orient pour Lyon 35

2._ Elargissement de l'hinterland de Marseille 36

3._ Accès de Strasbourg aux marchés d'Europe du sud 38

II._ LE DYNAMISME ET LA MODERNITÉ DES ACTIVITÉS DANS LES RÉGIONS 39

a.- une activité économique tournée vers les secteurs en croissance 39

1._ Reconversions réussies 39

2._ Les régions de l'axe Rhin-Rhône ont un poids économique significatif 40

3._ Un travail transfrontalier important 41

b.- qualifications, enseignement et recherche 43

CHAPITRE DEUX : L'AXE RHIN-RHÔNE, ESPACE ET OUTIL DE DÉVELOPPEMENT DURABLE 49

I.- LE GLISSEMENT DU CENTRE ÉCONOMIQUE VERS L'EST 49

a.- la constitution d'un pôle de développement à l'est et au sud de la France 50

1.─ L'insertion des pays du Centre et de l'Est de l'Europe au sein de l'Union Européenne 50

2.─ Le dynamisme de la banane bleue 51

3.─ Le développement des régions méditerranéennes 52

a) Le développement des échanges méditerranéens 52

b) Les perspectives de développement du port de Marseille 53

b.- l'intégration de la Suisse au sein d'un espace économique reliant la mer du nord à la méditerranée 59

II.─ CONTRIBUER AU DÉVELOPPEMENT ÉQUILIBRÉ DU TERRITOIRE FRANÇAIS 61

a.- favoriser, dans l'approfondissement de la construction européenne, le rééquilibrage de l'économie française 61

1.- L'organisation du territoire autour de Paris est incompatible avec un développement équilibré de notre territoire 61

a) Une longue tradition 62

b) Une configuration qui n'est pas adaptée au développement équilibré de notre territoire 62

2.─ Les exigences d'un développement équilibré du territoire 63

b.- insérer dans le marché unique les régions composant l'axe 65

1.─ Un axe caractérisé par les obstacles à la fluidité du trafic 65

2.─ Les difficultés de développement du transport ferroviaire en matière de fret 69

3.─ Accroître le rayonnement économique et touristique des régions de l'axe Rhin-Rhône 73

a) Mettre en place une coopération interrégionale 73

b) Moderniser l'équipement en infrastructures 76

· Poursuivre la modernisation du premier port français : Marseille 76

· Garantir la place centrale de Lyon et de la région Rhône-Alpes au sein de l'arc alpin 79

· Engager rapidement une meilleure desserte de la Franche-Comté 81

· Mieux insérer la région Alsace dans la logique de l'axe Rhin-Rhône et de contribuer à approfondir ses relations avec l'Europe du Sud 82

CHAPITRE TROIS : DÉFINITION DES PRIORITÉS ET MOYENS DE LEUR FINANCEMENT 87

I.- CONCLUSIONS DE LA MISSION RELATIVES AUX INVESTISSEMENTS PRIORITAIRES SUR L'AXE RHIN-RHÔNE 88

a.- des investissements qui s'inscrivent dans une politique globale d'offre de transports 89

1.─ Répondre efficacement à la croissance des trafics sur l'axe Rhin-Rhône 90

2.- Organiser la fluidité des trafics 92

3.- Développer le transport fluvial entre Marseille et Lyon 99

b.- comment financer l'aménagement de l'axe rhin-rhône ? 100

1.- Le mythe perdu de la « rente du Rhône » 100

2.- La vérité des coûts de transport : le moyen de financer le développement de l'intermodalité 102

II.─ DÉVELOPPER UNE STRATÉGIE D'AGGLOMÉRATIONS SUR L'AXE - MIEUX UTILISER LES ATOUTS EXISTANT SUR L'AXE RHIN-RHONE 103

a.─ la mise en place d'un réseau de villes pour renforcer la complémentarité des métropoles situées sur l'axe 104

b.─ mettre l'accent sur les tissus industriels régionaux 105

c.─ favoriser une plus forte complémentarité des pôles de l'axe Rhin-Rhône afin de restructurer cet espace 106

CONCLUSION 109

ANNEXE 113

EXAMEN DU RAPPORT 123

EXPLICATIONS DE VOTE 137

TOME SECOND

SOMMAIRE DES AUDITIONS

Les auditions sont présentées dans l'ordre chronologique des séances tenues par la mission

(la date de l'audition figure ci-dessous entre parenthèses)

 

Pages

__ Mme Dominique VOYNET, Ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (mardi 19 mai 1998).


7

 

__ M. Jean-Claude GAYSSOT, Ministre de l'équipement, des transports et du logement (mardi 26 mai 1998).


22

__ MM. Jean-Louis GUIGOU, Délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale et Claude ROUSSEAU, Chargé de mission région Rhône-Alpes (mardi 16 juin 1998)



33

__ MM. Gaston BESSAY, Vice-président du Conseil national des transports, Président de l'Institut Fer Route Etudes Transports (IFRET) et Alain BONNAFOUS, Vice-président du Conseil national des transports, Professeur au Laboratoire d'économie des transports de Lyon (mardi 23 juin 1998)




43

__ MM. François BORDRY et Christian PARENT, respectivement Président et Directeur général de Voies navigables de France (mercredi 1er juillet 1998).


72

__ M. Jean-Claude MARTINAND, Président de Réseau Ferré de France (mercredi 28 octobre 1998)


89

__ MM. Jean-Claude BERTHOD, Président directeur général de Novatrans, Président du Comité de liaison du transport et de la logistique (CLTL) et vice-président de la Fédération nationale des transports routiers (FNTR) et Jacques DUMERC, Directeur de Novatrans (mercredi 4 novembre 1998).




102

__ MM. Louis GALLOIS, Président de la SNCF et Armand TOUBOL, Directeur du fret (mercredi 18 novembre 1998).


116

__ M. Jean-Claude GAUDIN, Sénateur-maire de Marseille (vendredi 11 décembre 1998 à Marseille).


130

__ MM. Gilbert PAYET, Secrétaire général pour les affaires régionales à la préfecture de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et Hubert PEIGNÉ, Directeur régional de l'équipement de la direction régionale de l'équipement (vendredi 11 décembre 1998 à Marseille).




137

__ MM. Gilbert JAUFFRET, Président de la Chambre de commerce et d'industrie du pays d'Arles et Jean-Claude JUAN, Directeur du développement régional à la Chambre régionale de commerce et d'industrie Provence-Alpes-Côte d'Azur et Corse (vendredi 11 décembre 1998 à Marseille).




152

__ M. Claude CARDELLA, Président de la Chambre de commerce et d'industrie de Marseille-Provence (vendredi 11 décembre 1998 à Marseille).


159

__ M. Jean-Noël GUÉRINI, Président du Conseil général des Bouches-du-Rhône (vendredi 11 décembre 1998 à Marseille).


165

__ MM. Henry ROUX-ALEZAIS et Éric BRASSART, respectivement Président et Directeur du port autonome de Marseille (vendredi 11 décembre 1998 à Marseille).


171

__ M. Jean-Michel DANCOISNE, Président du directoire de la Compagnie Nouvelle de Conteneurs (mercredi 20 janvier 1999).


184

__ M. Jean CHAPON, Président de l'Association des utilisateurs de transport de fret (mercredi 27 janvier 1999).


196

__ MM. Pierre-Gérard MERLETTE, Adjoint au directeur du tourisme au secrétariat d'Etat au tourisme et Philippe MOISSET, Directeur de l'agence française de l'ingénierie touristique (mercredi 10 février 1999).



211

__ M. Hubert du MESNIL, Directeur des transports terrestres au ministère de l'équipement, des transports et du logement (mercredi 3 mars 1999).


221

__ Mme Annie CHANUT, Présidente de la Chambre de commerce et d'industrie Nord-Isère, MM. Jacques ESTOUR et Claude CHARDON, respectivement Président et Directeur de l'Office Interconsulaire des transports et des communications du Sud-Est, Pierre ALLOIN, Président de la Chambre de commerce et d'industrie de Villefranche et du Beaujolais, Pierre BITOUZET et Guy BRUN, respectivement Vice-Président délégué et Président de la commission développement économique de la Chambre de commerce et d'industrie de Lyon (vendredi 5 mars 1999 à Lyon)







235

__ MM. René TRÉGOUËT, Sénateur, Premier vice-président du Conseil général, Georges BARRIOL, Cinquième vice-président du Conseil général chargé des transports et Bernard RIVALTA, Conseiller général de Villeurbanne, Président du groupe socialiste au Conseil général (vendredi 5 mars 1999 à Lyon).




254

__ Mme Anne-Marie COMPARINI, Présidente du Conseil régional Rhône-Alpes, Adjointe au Maire de Lyon et MM. Gérard GEOFFRAY, Président du Conseil économique et social régional, Bernard SOULAGE, Président du groupe socialiste du Conseil régional, Charles PERSONNAZ, Premier vice-président du Conseil régional, Jean-Michel BOCHATON, Conseiller régional communiste, Philippe MACKE, Conseiller régional du groupe Indépendants, Entreprise et Ruralité - IER - (vendredi 5 mars 1999 à Lyon).







263

__ MM. Raymond BARRE, ancien Premier ministre, Député, Maire de Lyon, Président de la communauté urbaine de Lyon et Jacques MOULINIER, Adjoint au Maire de Lyon, Responsable des politiques d'agglomération (vendredi 5 mars 1999 à Lyon)




276

__ M. Jean SIVARDIÈRE, Président de la fédération nationale des Associations d'usagers des transports (mercredi 24 mars 1999)


285

__ M. Joël de ROSNAY, Directeur de la stratégie à la Cité des sciences et de l'industrie de la Villette (mercredi 31 mars 1999).


299

__ M. Claude GRESSIER, Directeur du transport maritime, des ports et du littoral au Ministère de l'équipement, des transports et du logement (mercredi 7 avril 1999).


313

__ M. Gérard BAILLY, Président du Conseil général du Jura (mercredi 5 mai 1999 à Besançon)


323

__ M. Christian PROUST, Président du Conseil général du territoire de Bellfort (mercredi 5 mai 1999 à Besançon)


331

__ M. Robert SCHWINT, Maire de Besançon, Jacques VUILLEMIN, Daniel ANTONY, Gérard BOICHON et Michel LOYAT, Adjoints au Maire de Besançon, et de membres du district du grand Besançon (mercredi 5 mai 1999 à Besançon)



346

__ M. Jacques LESIRE, Président de la Chambre régionale de commerce et d'industrie de Franche-Comté accompagné de Mme Dominique LANDRY, Responsable de l'aménagement du territoire à la CRCI de Franche-Comté et de M. Michel VIENNOIS, Directeur de l'aménagement à la CCI du Doubs (mercredi 5 mai 1999 à Besançon)





355

__ M. Jacques SICHERMAN, Directeur régional de l'équipement, et des représentants de PSA Peugeot Citroën : MM. Hervé PICHON, Délégué pour les relations avec les assemblées et les élus, Roger GARNIER, Directeur du centre de production de Sochaux, et Denis DUCHESNE, Directeur du centre de production de Mulhouse (mercredi 5 mai 1999 à Besançon)





369

__ MM. Gilles SENÉ, Porte-parole du collectif Saône-Doubs vivants-Sundgau vivant et François JEANNIN, Vice-président de la fédération nationale des Associations d'usagers des transports (mercredi 5 mai 1999 à Besançon)



382

__ MM. Jean-Claude DUVERGET et Bernard CHAINEAUX, respectivement Vice-président et Directeur général des services du Conseil régional (mercredi 5 mai 1999 à Besançon)



392

__ M. Jean-Paul MARBACHER, Président de la Chambre de commerce et d'industrie Sud-Alsace, accompagné de MM. Philippe LESAGE, ancien Président de la CCI et Patrick HELL, chargé de mission transports à la CCI et de M. Jean-Pierre PRIGENT, Président des ports Mulhouse-Rhin (mercredi 19 mai 1999 à Mulhouse)




400

__ M. Eugène RIEDWEG, Premier adjoint au Maire de Mulhouse, accompagné de M. Gérard MARBACH, Directeur du développement économique et des affaires générales (mercredi 19 mai 1999 à Mulhouse)



413

__ MM. Constant GOERG et Philippe GALLI, respectivement Président et Directeur général du Conseil général du Haut-Rhin (mercredi 19 mai 1999 à Colmar)


423

__ MM. André BAYLE, Directeur du port autonome de Strasbourg, Chef du service de la navigation et Directeur régional de Voies Navigables de France, Michel CHALOT, Président de la Chambre professionnelle des transporteurs routiers du Bas-Rhin, Jean-François ABY, Président de la métallurgie bas-rhinoise, Jean PERRIN, Permanent de la Chambre de commerce et d'industrie de Colmar et Jean-Pierre PRIGENT, Président des ports de Mulhouse-Rhin (mercredi 19 mai 1999 à Strasbourg)







428

__ M. André HOREL, Secrétaire général des affaires régionales et européennes d'Alsace, Mme Françoise CASTANY, Directrice déléguée au fret (SNCF), MM. André BAYLE, Directeur du port autonome de Strasbourg, Chef du service de la navigation et Directeur régional de Voies Navigables de France, Daniel WAHL, Responsable de l'Observation régional des transports, et Maurice ZYGLER, Direction régionale de l'environnement (mercredi 19 mai 1999 à Strasbourg)






443

__ M. Roland RIES, Maire de Strasbourg (mercredi 19 mai 1999 à Strasbourg)

452

__ Mme Margrith HANSELMANN et M. Matthias RINDERKNECHT, respectivement Sous-directrice et Collaborateur de la section politique et planification de l'Office fédéral des transports avec la participation de Mme Jacqueline MILLER-VOYATZAKIS et M. Ludovic HAREN, respectivement Conseillère économique et commercial et Attaché commercial de l'Ambassade de France en Suisse (mardi 15 juin 1999 à Berne)






455

__ M. Charles FRIDERICI, Président de l'Association suisse des transporteurs routiers (ASTAG), membre de la commission transport et télécommunications du Conseil national (Assemblée nationale) et Michel CRIPPA, directeur de l'ASTAG (mardi 15 juin 1999 à Berne)




470

__ M. Pierre MOSCOVICI, Ministre délégué aux affaires européennes (mardi 29 juin 1999)


484

__ M. Jean-Pierre RONTEIX, Président de la Compagnie nationale du Rhône (mardi 29 juin 1999)


492

Contributions écrites

__ M. Jean-Stéphane DEVISSE, Responsable du programme « Transports durables » Fonds Mondial pour la Nature (WWF) France


502

__ M. Jean-Paul PROUST, Préfet de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur

507

INTRODUCTION

Les vallées du Rhône, de la Saône et du Doubs sont une voie de passage depuis la préhistoire. Le sillon rhodanien rapproche la mer du Nord et la Méditerranée. Il en constitue la liaison naturelle.

Au Moyen Age, la vallée du Rhône mettait en relation l'Italie septentrionale et les Pays-Bas. Pourtant cet axe, arbre dont le pied serait enraciné en Provence et dont les branches couvriraient l'Ile-de-France - se reliant à la Seine et ses affluents -, la Flandre, l'Angleterre, les villes hanséatiques, n'a pas porté tous les fruits qu'on en attendait. Une voie, aussi remarquable soit-elle, ne draine les richesses qu'autant qu'elle relie des pôles forts. L'axe du Rhône n'a pas joué, au sein de l'espace national, le rôle constructeur et fédérateur qu'il aurait pu être à même de tenir. Pendant des siècles, il a été moins un pivot qu'une frontière, entre la France et la zone d'influence du Saint-Empire romain germanique. Il a alors occupé une position marginale ; le flux Nord-Sud se déplaçant à l'Est, reliant les villes florissantes d'Italie du nord et de l'Allemagne à travers la Suisse.

Avec l'axe occidental empruntant la façade atlantique du Portugal à l'Angleterre, les deux axes du centre de l'Europe, l'un reliant l'Italie du nord à l'Allemagne, l'autre Vienne à la Baltique, enfin l'axe oriental remontant de la mer Noire vers Moscou, Rhin-Rhône fait partie des cinq axes nord-sud majeurs de l'Europe. Ces axes eux-mêmes sont recoupés au nord par ce qu'on a appelé « la voie des invasions » et au sud par l'arc méditerranéen. Mais la vitalité des échanges s'est déplacée selon ces axes en fonction des conditions géopolitiques de chaque époque.

Depuis 1945, avec l'instauration du rideau de fer à l'Est pendant 45 ans et la persistance de régimes dictatoriaux dans la péninsule ibérique pendant 40 ans, l'Europe s'est centrée sur la relation franco-allemande. Dans cette Europe, l'axe Rhin-Rhône était médian. Depuis, l'Europe s'est élargie vers l'Ouest mais, surtout, avec la chute du mur de Berlin, elle s'ouvre à l'Est. Son centre de gravité se déplace vers l'Est, à l'image des fonds structurels européens. Les projets de la Suisse concernant la traversée de son territoire, précipitent cette tendance et viennent concrétiser ce nouvel ancrage européen. Dans cette oscillation, l'axe Rhin-Rhône perd de sa centralité. Non seulement il est saturé, mais il risque d'être à l'écart. Les régions françaises riveraines de cet axe sont menacées de ne pas participer au dynamisme européen alors que l'on sait, par exemple, que l'avenir du port de Marseille se joue à terre, dans sa capacité à développer un hinterland, à avoir des liaisons rapides avec la région lyonnaise - le grand Sud-Est -, avec l'Alsace et la Franche-Conté.

Le canal à grand gabarit Rhin-Rhône avait l'avantage de présenter un équipement structurant et de privilégier la voie d'eau. Cependant, d'après la plupart des études, l'effet économique n'était pas à la mesure du coût de l'opération, tandis que l'impact négatif du point de vue écologique était réel.

L'abandon du projet de canal à grand gabarit n'est pas pour autant l'abandon de la liaison Rhin-Rhône. Au contraire, celle-ci doit être consolidée, développée, dans une optique de développement durable et de développement de l'emploi. D'autres modes et infrastructures de transport sont donc à créer, et pas seulement pour trouver une solution alternative au canal à grand gabarit. La liaison Rhin-Rhône, dans une Europe qui glisse vers l'est, ne sera un axe fort que par l'interconnexion qu'elle réalisera. Bien au-delà de la liaison entre les régions françaises qu'elle traverse, elle doit être, pour trouver tout son sens, un axe central de la construction euro-méditerranéenne. Rhin-Rhône n'existera qu'autant qu'il se reliera à l'arc méditerranéen et, au-delà, à la perspective de la zone méditerranéenne de libre échange à l'horizon 2010, prévue lors de la conférence de Barcelone. La connexion entre l'axe nord-sud Rhin-Rhône et l'axe méditerranéen est-ouest - ce qui suppose que cet axe aussi soit renforcé notamment par la ligne TGV reliant Barcelone à Gênes -, est un élément déterminant pour une politique méditerranéenne de la France, pour la présence de la France en Méditerranée, pour la construction d'une Europe ouverte sur la Méditerranée, pour une Europe avec un sud équilibré. Ainsi l'ensemble de voies qui relieront les bouches du Rhône aux bouches du Rhin pourront-elles constituer un sillon fertilisant.

C'est dans ce cadre qu'a travaillé la présente mission d'information. Dès lors son objet a été de définir les priorités permettant de rendre sa fluidité à cette liaison, de dégager toutes ses possibilités, en termes de développement durable et en tenant compte du contexte socio-économique des régions riveraines.

Rappelons que la mission d'information a été mise en place en avril 1998, après la décision du Gouvernement de renoncer au projet de canal à grand gabarit. Si les membres de la mission ont été partagés sur ce projet, tous s'accordent sur la nécessité et l'intérêt de la liaison Rhin-Rhône. Cet axe représente un terrain favorable à la mise en _uvre de la politique nouvelle de développement durable définie par la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire. Rhin-Rhône est en effet un axe fondamental d'une politique de rééquilibrage de l'espace national, libérée de la stratégie d'infrastructures en étoile autour de Paris. Son développement est indispensable à l'insertion, au sein de l'Europe, des régions traversées.

Le devenir de l'axe, traversant cinq régions importantes, Alsace, Franche-Comté, Bourgogne, Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui représentent ensemble plus du tiers du produit intérieur brut de la Nation, hors Ile-de-France, est également déterminant pour l'emploi dans notre pays. Son aménagement est d'autant plus nécessaire qu'il est confronté à deux problèmes qui nécessitent une réponse urgente. D'une part la croissance des trafics, notamment de fret, entraîne une saturation des routes et des lignes ferroviaires, particulièrement sensible autour de Lyon et dans la vallée du Rhône, ce qui provoque des retards préjudiciables aux entreprises et une aggravation de la pollution et de l'insécurité pour les riverains. La réponse à cette première préoccupation passe d'abord par une meilleure utilisation des infrastructures existantes et, surtout, par un rééquilibrage entre la route et le fer afin d'accroître la part de celui-ci. Cela exige la construction de nouvelles infrastructures, notamment le contournement ferroviaire de Lyon et un TGV Rhin-Rhône. D'une manière générale, c'est la multimodalité qui doit être choisie, la complémentarité entre route, fer et eau, et non la concurrence, quelquefois féroce, dans une optique de libéralisme à tout prix, qui s'est développée ces dernières années et qui est antinomique à toute vision d'aménagement du territoire et opposée à l'intérêt général.

D'autre part, il est nécessaire de tenir compte du déplacement vers l'est de l'Union européenne que nous avons déjà évoqué, ainsi que du développement d'un axe Hambourg-Gênes, qui bénéficie de la mise en place de corridors de frets libéralisés « freeways » qui contournent notre pays par l'Est. Cet axe profite du dynamisme des parts italiens, y compris émergents tel Gioia Tauro et de la politique helvétique de transport qui, par des investissements massifs en faveur de la construction de routes et de tunnels ferroviaires, permettra à moyen terme une traversée plus rapide de la mer du Nord à la Méditerranée, par camions de plus de 40 tonnes ou par ferroutage, puis ultérieurement un développement substantiel du transport combiné. La France se doit donc de moderniser ses infrastructures et développer ses plates-formes afin de pouvoir offrir aux chargeurs les mêmes garanties de ponctualité et de logistique, que ses voisins et partenaires, sauf à accepter une marginalisation préjudiciable aux entreprises françaises comme aux régions.

L'importance des investissements à envisager nécessitera un phasage des travaux à réaliser, et donc une appréciation en fonction de leur urgence et de leur efficacité. Les conclusions de la mission viennent alimenter le débat au moment où ont lieu les négociations entre l'Etat et les régions pour la préparation des futurs contrats de plan, lesquels s'insèrent désormais dans des schémas de services, notamment les schémas multimodaux de services collectifs de transport. Ces contrats de plan, ne l'oublions pas, s'inscrivent dans les schémas régionaux d'aménagement et de développement durable du territoire qu'élaborent actuellement les régions. Et, pour les régions concernées, la liaison Rhin-Rhône est un élément capital de leurs schémas respectifs et du développement solidaire et durable de leurs territoires.

Il est en outre certain, et c'est aussi l'objet de cette mission, que l'enjeu européen de cette problématique dépasse le cadre d'une simple addition de réflexions au niveau de chacune des régions traversées. La mission espère apporter une contribution utile pour inscrire notre pays et ses régions au sein de l'Union européenne. Rhin-Rhône doit être conçu comme un élément de cohésion et de solidarité entre les régions françaises concernées comme de l'Europe même. C'est un axe intégrateur et structurant au sein de la construction européenne mais aussi au sein de l'espace euro-méditerranéen sans lequel il ne serait pas viable : en effet à défaut de la prise en compte de l'enjeu euro-méditerrranéen, il ne prendrait pas toute sa vraie dimension.

CHAPITRE PREMIER : UNE VOIE D'ÉCHANGES ENTRE DES RÉGIONS DYNAMIQUES ET COMPLÉMENTAIRES

Les régions qui constituent l'axe Rhin-Rhône, c'est à dire Provence-Alpes-Côte d'Azur, Rhône-Alpes, Bourgogne, Franche-Comté, Alsace, construisent un nouveau territoire qui met en relation les grands foyers économiques du nord et du sud de l'Europe. Cet axe majeur de développement économique représente un produit de 1 820 milliards de francs soit 23 % du produit national. Réalisée principalement dans les grandes vallées qui le structurent et dont les premiers résultats du recensement de 1999 confirment le dynamisme démographique, cette activité est fortement dépendante des moyens de circulation des actifs et des marchandises dont elle bénéficie. Ce vaste territoire, espace productif, espace d'échanges et de circulation, contribue à rééquilibrer le développement entre la région parisienne d'une part et l'axe Londres-Francfort-Milan d'autre part. Son intérêt stratégique est majeur.

I._ LA COMPLÉMENTARITÉ DES RÉGIONS TRAVERSÉES

La cohérence géographique et économique de l'axe apparaît clairement. Elle met en évidence la nécessité d'en permettre le développement.

a.- cohérence géographique et économique

Cette cohérence peut être constatée, tant au niveau agrégé de l'ensemble des régions concernées, que lorsque l'on prend en compte la complémentarité des secteurs d'activité dans lesquels chacune d'entre elles excelle.

1._ La convergence des intérêts entre les régions de l'axe Rhin-Rhône, un élément insuffisamment exploité

Malgré sa cohérence géographique et économique, l'axe voit son développement entravé, d'une part, par l'enclavement de certaines des régions qui le composent, d'autre part, par la saturation de certains de ses réseaux de transport.

a) Un axe cohérent marqué par une unité d'intérêts

Malgré une certaine diversité, les régions situées sur l'axe Rhin-Rhône sont marquées par des traits communs et forment un ensemble cohérent. Du Jura jusqu'à la Méditerranée, elles s'adossent aux crêtes de la France alpine, et sont caractérisées par le rôle très important des vallées, qui forment des unités économiques complexes. Cet axe joue un rôle essentiel d'interface entre la Méditerranée, via la vallée du Rhône, et la Mer du Nord. Il constitue un couloir primordial, tant pour le développement national, que dans le cadre des flux d'échanges européens. Cette vocation forte a d'ailleurs un impact important sur l'organisation de la vie économique et sur l'implantation des hommes dans ces régions.

Les personnes auditionnées ont été unanimes sur ce point. Comme l'a indiqué M. Jean Chapon, président de l'Association des utilisateurs de transport de fret : « L'axe est inscrit dans la géographie actuelle physique et économique. La vallée du Rhône et de la Saône constitue déjà un axe économique naturel. La vallée du Doubs, elle aussi, est un axe économique avec ses pôles Dôle-Tavaux et Belfort, Montbéliard, Sochaux ; Besançon qui est une grande ville. Il débouche sur la vallée du Rhin, l'agglomération de Mulhouse et la région bâloise, etc. ».

L'importance de cet axe pour les régions traversées a été fortement soulignée par M. Gérard Geoffray, président du Conseil économique et social de la région Rhône-Alpes, « Cet axe nord-sud et le passage dans la région lyonnaise, et dans le couloir rhodanien, est un élément déterminant du devenir de nos régions. C'est également un couloir important pour le maintien de l'intégration du Sud-Est de notre pays, et du pays dans son ensemble, à l'Europe qui voit actuellement son centre de gravité tiré plus à l'Est, avec l'ouverture vers les pays de l'Est. ».

L'accent a donc été mis de multiples fois sur cette unité d'intérêts, comme par exemple par M. Bernard Soulage, président du groupe socialiste du Conseil régional de Rhône-Alpes, qui déclare : « Vu de très loin, il y a vraisemblablement un quart Sud-Est de la France. Je ne sais pas s'il commence en Alsace mais, en tout cas, il n'implique pas que Provence-Alpes-Côte d'Azur et Rhône-Alpes. Nous avons en matière économique des choses à construire, un dialogue lors de la préparation de nos contrats de plan Etat-régions respectifs. ».

M. Raymond Barre, s'exprimant en tant que maire de Lyon et président de la communauté urbaine de Lyon, a repris cette opinion: « Notre intérêt majeur, c'est que l'Alsace, Besançon, Lyon et au-delà, Marseille, forment un axe. Il nous faut quand même un axe qui ne soit pas un axe passant par Paris ! (...). Nous ne tenons pas à être isolés sur le Sud-Est européen, vraiment pas (...). Nous avons un intérêt commun à développer un projet commun qui aille vraiment du Rhône au Rhin, en incluant la Franche-Comté, l'Alsace et la Bourgogne.».

En Alsace, alors qu'une vision superficielle pourrait conduire à croire qu'elle n'était que partiellement intéressée par l'axe Rhin-Rhône, le besoin est également fortement ressenti de mettre en valeur ce sillon, comme le souligne M. André Horel, secrétaire général des affaires régionales et européennes de la région Alsace : « il s'agit d'un enjeu dans lequel l'Alsace se sent totalement engagée. Cet enjeu intéresse les régions concernées ; c'est un enjeu national au moment où le centre de gravité de l'Europe se déplace vers l'Est. Quand on considère les travaux réalisés dans les pays voisins, je crois qu'il n'est pas nécessaire d'insister davantage. ».

En Provence-Alpes-Côte d'Azur, le développement économique est largement conditionné par un désenclavement à réduire et une ouverture forte vers les marchés des autres régions de l'axe pour lesquelles elle représente aussi une formidable opportunité. Les principaux marchés de son industrie, plutôt spécialisée dans les produits lourds, sont naturellement dans cet espace où l'industrie d'équipement est davantage représentée. Le port de Marseille, au débouché du territoire, peut assurer le transport vers d'autres continents des marchandises produites par les autres régions de l'axe. La dynamique économique de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur dépend des possibilités qui lui sont offertes pour accroître ses échanges avec ces régions à haut pouvoir d'achat. Elle est aussi tributaire de ses plates-formes multimodales de transport dont celles qui sont en bordure du Rhône (Arles, Avignon, Courtine) et Distrifos qui, sur la zone industrialo-portuaire, accueille ses premières entreprises. La modernisation de la plate-forme du Canet à Marseille et les débuts des travaux de celle de Grans-Miramas (Clésud) sont des avantages comparatifs majeurs pour toute la région.

Dans la nouvelle donne européenne et dans un monde de plus en plus ouvert, le développement sera plus que jamais tributaire des échanges et des transports. Le Midi français en général et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur en particulier devront affronter les changements du monde : la marche vers l'est, les potentialités industrielles des pays du Nord, le retour de la croissance économique, le dynamisme du « triangle d'or » qui relie Londres à Rotterdam et à Paris, l'axe qui, du sud de l'Angleterre à Milan, traverse la Ruhr, la Suisse et la Lombardie. Pour échapper à une logique de marginalisation, le Midi français doit savoir s'ancrer sur ces espaces économiques majeurs en valorisant de considérables atouts : la métropolisation de son espace, ses capacités en matière de recherche et de services supérieurs, son tissu industriel, la qualification de ses actifs et la volonté de son conseil régional.

Cette unité d'intérêts peut s'expliquer par le fait que l'ensemble des régions concernées sont marquées par le fait frontalier. Cette caractéristique en a fait des régions périphériques, partagées entre le désir de tirer profit du contact avec les territoires voisins, en termes d'emprunts culturels, technologiques ou financiers, et celui d'être intégrées à l'orbite de Paris, notamment au détriment d'un axe Nord-Sud de liaison entre Rhin et Rhône. Ainsi que le déclare M. Jean-Claude Duverget, vice-président du Conseil régional de Franche-Comté, à propos de sa région, « nous sommes une région périphérique de l'arc alpin, et, comme toute région périphérique, nous pouvons avoir une situation tangentielle ou de carrefour. ». Cette situation périphérique a d'ailleurs été longtemps renforcée par la politique nationale d'aménagement du territoire, marquée par une forte tendance centralisatrice, d'où la mise en place d'infrastructures selon une configuration « en étoile » autour de Paris. Les régions périphériques n'ont, dans cette situation, pas pu tirer suffisamment profit de leurs caractères communs pour mettre en place des pôles ou des axes contrebalançant le phénomène centralisateur.

L'axe Rhin-Rhône s'inscrit dans une logique internationale et tout particulièrement européenne. Il met en communication les puissants foyers industriels du Bénélux, de l'Allemagne, de la Suisse avec les économies davantage tertiaires des pays et des régions du sud de l'Europe : Espagne, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Ligurie. Il construit des complémentarités qui amplifient les potentialités des régions du c_ur géographique industriel de l'Europe. L'axe Rhin-Rhône constitue en effet une option alternative à la « banane bleue », axe traversant les régions les plus riches de l'Europe, de Londres à Turin. Ainsi, M. Jacques Estour, président de l'Office interconsulaire des transports et des communications du Sud-Est, estime que l'axe Rhin-Rhône doit être ardemment défendu : « On n'a pas le droit d'abandonner le développement économique de ce grand axe. On n'a pas le droit de laisser transférer non seulement le transport mais l'économie, au sens large du terme, la culture et tout ce qui va avec, vers cet axe centre-européen, qui offre une ou deux voies que l'on connaît bien aujourd'hui, qui est en train de s'équiper lourdement en équipements de communication, connaît une démographie forte et possède une économie forte. Ce serait un appauvrissement non seulement pour nos régions, mais pour tout l'Ouest de notre continent ; en effet la façade atlantique a besoin d'un axe Rhin-Rhône fort pour pouvoir communiquer avec le reste de l'Europe. ».

M. Charles Personnaz, premier vice-président du Conseil régional de Rhône-Alpes, souligne ainsi : « (...) le premier client en international, dans un sens comme dans l'autre, de la région Rhône-Alpes, est l'Italie. C'est donc une nécessité de voir nos liaisons améliorées, de rejoindre la vallée du Rhône, nous permettant de développer le nord de l'Espagne et s'inscrivant dans un rééquilibrage de la fameuse banane bleue un peu trop tournée vers le nord de l'Allemagne, [les Pays-Bas], la Belgique et l'Angleterre. Pour ce rééquilibrage économique, nos régions sont parfaitement bien placées. ».

L'organisation spatiale des régions situées sur l'axe Rhin-Rhône leur est d'ailleurs bien spécifique. On constate en effet qu'elles ont de nombreux intérêts communs sur le plan économique. Notamment, elles se caractérisent par une économie mixte qui rassemble économies de plaine, de plateau ou de montagne. Sur le plan démographique, de grandes disparités existent entre les zones de montagne et les vallées. Quant aux voies de communication, elles doivent privilégier les longitudinales ou les pénétrantes.

Les difficultés liées au relief, la proximité frontalière et l'effet d'attraction qui en résulte ont conduit à un fractionnement de l'espace, entraînant la multiplication des axes et des carrefours. Cette tendance a favorisé l'essor urbain, la densité des villes étant renforcée par leur concentration dans les axes de passage. Mais, hormis les agglomérations de Lyon et Marseille qui accueillent plus de 3 millions d'habitants, les villes de l'axe Rhin-Rhône avant Lyon se posent fréquemment en concurrence avec leurs homologues transfrontalières : Strasbourg avec Karlsruhe, Mulhouse et Belfort avec Bâle, Macon avec Genève. Au sud de Lyon cet effet frontière est moins important. Le territoire de référence bordé par Barcelone, Lyon, Marseille, Gênes et Milan est celui qui est le plus porteur de développement dans un arc méditerranéen élargi.

C'est l'insuffisante valorisation de l'axe Rhin-Rhône qui nous empêche d'approfondir l'intégration de l'Alsace, de la Franche-Comté, des régions Provence-Alpes-Côte d'Azur ou Rhône-Alpes. Le corridor est historiquement majeur mais il n'est pas encore utile économiquement dans une stratégie véritablement européenne. Il s'agit donc d'un lieu de passage, mais pas d'un lieu d'irrigation pour les régions traversées. Il privilégie sur son passage certaines agglomérations, mais ne dessert pas convenablement l'ensemble des régions, comme par exemple, la Franche-Comté. Enfin, il ne profite que partiellement à l'inter-région, aussi bien dans le domaine des communications que dans les domaines économique ou intellectuel.

L'axe Rhin-Rhône voit en effet son développement entravé du fait de certaines contraintes.

b) Contraintes : entre saturation et enclavement

Les régions du corridor ont tout à gagner de l'intégration européenne et de leur fonction de passage, mais doivent faire face aux contraintes liées à l'existence de goulets d'étranglement. La fonction de passage de ce couloir a été soulignée à de multiples reprises. Ainsi, M. Louis Gallois, président de la SNCF, précise : « L'axe que nous appellerons Rhin-Rhône pour simplifier, mais qui va évidemment au-delà du Rhin vers le nord et vraisemblablement au-delà du Rhône vers le sud - vous avez cité la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont une partie du trafic part vers l'Espagne - est un axe très lourd de trafics, quel que soit le mode de transport, entre le sud et le nord de l'Europe. Par ailleurs, il s'agit d'un axe où le trafic est dynamique et où les perspectives de croissance sont fortes. Il est tiré par le développement à la fois national et international. Que ce soit le développement de la Catalogne, celui, sur une partie de l'axe, de la région de Turin et Milan, ou que ce soit, au nord, le développement de la région de Bâle - région très dynamique sur le plan économique
- ou celui de Strasbourg vers Francfort.
 ».

Il suffit de reprendre les estimations délivrées par M. Gaston Bessay, vice-président du Conseil national des transports, pour mesurer l'ampleur des trafics empruntant l'axe Rhin-Rhône. Selon lui, « les flux sont concentrés sur l'axe Nord-Sud. (...) Les flux qui ont le plus progressé sont, dans l'ordre décroissant [de 1989 à 1995] : Péninsule ibérique-Bénélux : + 85 % ; Péninsule ibérique-Italie : + 85 % ; Péninsule ibérique-Allemagne : + 80 % ; Péninsule ibérique-autres pays : + 70 % ; Péninsule ibérique-Grande Bretagne : + 50 % ; Italie-Grande Bretagne : + 40 % ; Italie-Allemagne : + 40 % ; Italie-Bénélux : + 20 %. ».

Par ailleurs, l'étude prospective multimodale sur le transport de marchandises sur l'axe Rhin-Rhône, conduite par les services de la direction régionale de l'équipement de la région Franche-Comté, souligne « l'importance des flux directement liés à l'activité économique du corridor, qui représentent 90 % du total. Seuls 10 % des flux relèvent du transit. En France, les 1 820 millions de tonnes se répartissent comme suit : 87 % de flux internes, 11 % de flux d'échange et 2 % de flux de transit. ». Or, sur l'axe, « 50 % du tonnage concernent des transports de courte distance (inférieure à 200 kilomètres). Cette structure est liée à l'activité interne du corridor. ». Il est à noter qu'en 1995, 429 millions de tonnes ont transité par le corridor, soit environ un quart des flux de marchandises transportés en France, qui s'élèvent à plus de 1 800 millions de tonnes.

Néanmoins, « le corridor se caractérise par une part relativement forte de flux de longue distance : la part des flux de plus de 400 kilomètres est environ deux fois plus forte dans le corridor qu'en France (33 % des tonnages dans le corridor, 15 % en France). ».

Enfin, l'étude souligne « une répartition modale fortement en faveur de la route » sur l'axe Rhin-Rhône, puisqu'elle détient un quasi-monopole pour les transports de courte distance : « 96 % des tonnages transportés sur moins de 200 kilomètres le sont par la route (97 % pour la France). Ceci est lié à la dispersion des flux, à la grande souplesse permise par le mode routier, ainsi qu'au mauvais niveau d'offre des deux autres modes terrestres sur ce type de distance. Ils ne peuvent offrir d'alternative pertinente, si ce n'est dans des cas très ponctuels (ex : navette ferroviaire entre carrière et usine de traitement, avec des tonnages importants). ».

Cette prépondérance de la route comme mode de transport privilégié s'explique également par l'attractivité de la tarification routière.

Ce dynamisme conduit cependant à la saturation de certains passages. C'est notamment le cas de Lyon et de la vallée au sud de Lyon, exemple le plus fréquemment cité par les personnes auditionnées. M. Bernard Rivalta, conseiller général de Villeurbanne, note ainsi que « Lyon est un véritable goulet d'étranglement pour ce qui vient du Nord, de l'Allemagne, de la région parisienne, voire de l'Angleterre. ».

Son propos est repris par M. Éric Brassart, directeur du port autonome de Marseille, selon lequel « concernant la desserte ferrée, nous avons un énorme problème qui est Lyon. (...) Nous n'avons pas de difficulté pour aller jusqu'à Lyon en fer, mais nous avons un gros problème pour traverser Lyon. Il serait cependant possible de contourner Lyon, en attendant, par la voie d'eau. (...) Nous avons l'énorme problème de la fiabilité du transport ferré. (...)Pour traverser Lyon, cela se passe très mal. Les wagons attendent, se perdent. Dans la situation actuelle du juste-à-temps, il faut savoir que, pour ce qui part sur l'Asie, ce n'est pas un gros handicap, mais pour ce qui part ailleurs, les armements qui touchent avec leurs bateaux à Fos vont après cela au Havre ou dans les ports du nord, et cela nous défavorise considérablement par rapport au Havre ou à Anvers. Cette perte de qualité des transports ferrés dans la traversée de Lyon et au-delà, dans l'embranchement sur Lyon, nous coûte plusieurs millions de tonnes par an. ».

Concernant le trafic ferroviaire, M. Claude Gressier, directeur du transport maritime, des ports et du littoral au ministère de l'équipement, des transports et du logement, indique lui aussi des problèmes d'engorgement : « Le réseau ferroviaire lui-même est déjà complet et performant. La relation ferroviaire Dijon-Lyon-Avignon connaît malgré tout un certain nombre de problèmes de saturation et de gabarit. ».

Ce constat est complété par les propos de M. Armand Toubol, directeur du fret à la SNCF, selon lequel « l'axe qui nous concerne est l'un de ceux qui supportent les plus gros trafics - plus de 110 trains de fret par jour circulent entre Metz et Dijon, 80 circulent vers Modane, l'un des points sur lesquels nous essayons d'améliorer les conditions d'exploitation. Lorsqu'on se penche sur la desserte des grandes zones d'activités européennes se situant, soit vers Bâle, soit vers la région lyonnaise, ou dans le centre de l'Allemagne, on s'aperçoit que la concurrence est extrêmement vive avec les ports de l'Europe du nord et du Bénélux. L'amélioration des dessertes vers le port de Marseille doit donc être prise en considération. La difficulté principale est le n_ud lyonnais. Si nous ne savons pas passer ce n_ud dans des conditions favorables, il est clair que nous aurons de très grandes difficultés sur toute la zone méditerranéenne. ».

M. Jacques Dumerc, directeur de Novatrans, souligne lui aussi le problème « des engorgements de lignes ou en capacité de traitement des trains du côté ferroviaire. (...). [La croissance] se polarise sur certains axes : Lille, Lyon, Avignon, Marseille, où le taux de croissance s'établit aux environs de 30 %. (...) En termes d'infrastructures ferroviaires, un bilan a été dressé entre les opérateurs, la SNCF et Réseau ferré de France. Cinq points furent identifiés, dont le contournement de Lyon, celui de Dijon, l'axe Chambéry-Modane, les environs de Narbonne. ».

Le problème de la saturation concerne également le transport routier, et notamment l'autoroute A 7. La vallée du Rhône est bien évidemment touchée, que ce soit en aval, ou en amont, comme le précise Mme Anne Chanut, présidente de la Chambre de commerce et d'industrie de Nord-Isère, qui parle d'engorgements routiers « absolument dramatiques », d'une « région parfaitement asphyxiée ».

M. Gilbert Jauffret, président de la Chambre de commerce et d'industrie du pays d'Arles, déplore lui aussi cette situation : « dès que l'on arrive dans la vallée du Rhône, il y a saturation. Cette saturation se fait, suivant les estimations des techniciens, à partir de 60 000 véhicules/jour en moyenne. (...) En 2010, on ne saura plus faire passer les 75 000 véhicules/jour que l'on attend dans la vallée du Rhône. ».

La saturation à courte période des conditions de circulation dans la vallée du Rhône représente un risque majeur pour la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Dans la mesure où la route représente 80 % des flux de transports de marchandises, le réseau routier et autoroutier est proche de la saturation. Les flux entrants en provenance des autres régions de l'axe Rhin-Rhône représentent 5 millions de tonnes et les flux sortants 6 millions, soit en moyenne le tiers du trafic total de la région.

La saturation routière touche également d'autres régions, comme l'Alsace où l'autoroute traverse les trois agglomérations de Strasbourg, Mulhouse et Colmar, ce qui entraîne des problèmes de congestion ; ainsi que le précise M. Daniel Wahl, responsable de l'Observatoire régional des transports d'Alsace, plus de 60 000 véhicules par jour transitent par Colmar.

Par voie de conséquence, la saturation touche également d'autres infrastructures, comme les plates-formes multimodales. M. Jacques Dumerc, directeur de Novatrans, souligne ainsi que « le chantier d'Avignon est totalement saturé et appelle une extension dans des délais très brefs. (...) De même, des décisions sont à prendre sur le site de Marseille. (...) Le chantier actuel de Dijon-Porteneuve est en voie de saturation.».

Ces problèmes nécessitent des infrastructures destinées à réduire la saturation de certains axes, notamment dans la région lyonnaise. La nécessité de mettre en _uvre un contournement de cette agglomération est ainsi apparue dans quasiment toutes les auditions. Le projet de TGV Rhin-Rhône suscite également de nombreux espoirs en termes de désaturation, même si, selon M. Armand Toubol, directeur du fret à la SNCF, il y a « sur l'axe Lyon-Mulhouse, des réserves de capacité importantes : 10 millions de tonnes de capacité supplémentaire, ce qui représente 670 000 poids lourds par an. ». Outre un désengorgement du trafic passagers, il pourrait faciliter indirectement le trafic de fret, en dégageant des sillons du réseau classique de transport de voyageurs, sillons qui pourraient ainsi être affectés au trafic de fret. Il convient cependant d'être prudent en ce qui concerne cette hypothèse. Ainsi que le fait remarquer M. Jean Chapon, président de l'Association des utilisateurs de transport de fret, « la réalisation d'une voie ferrée rapide permettrait d'alléger la ligne ferroviaire actuelle qui pourrait être mieux utilisée par les marchandises : ce serait un avantage considérable. (...) Le TGV améliorera indirectement le transport de marchandises, mais ne le bouleversera pas car on peut considérer que les conditions offertes aux chargeurs lorsque le TGV sera réalisé ne seront pas fondamentalement différentes de celles d'aujourd'hui. ».

Outre les problèmes de saturation, se posent également les problèmes de désenclavement. Il s'agit notamment des régions situées entre Lyon et le Rhin, essentiellement la Franche-Comté, comme le souligne M. Roger Garnier, directeur du centre de production de Peugeot à Sochaux : « cette région est enclavée, non seulement par manque de TGV (...) mais également par manque de liaisons est-ouest. Quand on observe une carte de l'Europe et que l'on considère les grands marchés du nord de l'Europe, la Grande-Bretagne, toute la partie nord de la Franche-Comté, on se rend compte que les infrastructures sont insuffisantes pour irriguer cette zone économique (...). ».

Il s'agit aussi de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur fortement enclavée par rapport aux autres régions de l'axe et aux espaces économiques majeurs du nord de l'Italie, de la Suisse et du sud de l'Allemagne.

Le problème est enfin d'ordre qualitatif. Le développement économique des régions situées sur l'axe peut être renforcé en accentuant leur fonction d'hinterland du port de Marseille-Fos. Ce développement est pourtant freiné par des problèmes logistiques. C'est ce qu'ont souligné de nombreuses personnes auditionnées. Selon M. Éric Brassart, directeur du port autonome de Marseille, « sur cent tonnes qui passent par le port de Marseille, à peu près les deux tiers sont traités, par la route, hors des terminaux. Sur le tiers restant, environ 5 % passent par la voie d'eau, et par conséquent un peu moins de 30 % passent par la voie ferrée. La situation n'a cessé de se dégrader pour le fer et est restée relativement constante pour la voie d'eau. Il faut savoir que la voie d'eau n'est pas compétitive pour l'instant pour desservir le secteur de Marseille. (...) Le fer connaît des problèmes d'exploitation qui pénalisent son usage, et le niveau de ses tarifs fixe les limites de notre hinterland en situation concurrentielle par rapport au fer à 400 kilomètres en moyenne de distance de Marseille. Les imperfections de la SNCF font qu'il n'y a pas de développement sur le fer actuellement malgré nos efforts en la matière, même dans ces limites. ».

Ces insuffisances ont également été soulignées par M. Claude Gressier, directeur du transport maritime, des ports et du littoral au ministère de l'équipement, des transports et du logement, qui estime que « l'hinterland de Marseille doit pouvoir s'étendre jusqu'au nord de l'Italie, à la Suisse et au sud de l'Allemagne, mais aussi à la Franche-Comté, à l'Alsace et, bien entendu, à la région parisienne pour quasiment tous les produits et plus spécialement le développement du trafic de conteneurs. (...) Encore faut-il réaliser un corridor de fret satisfaisant, de bonne qualité et assurant un minimum de massification des flux à partir de l'Alsace, la Franche-Comté et l'Allemagne du sud, par toutes les lignes permettant le développement du fret, y compris celle du Revermont. ».

Car s'agissant de fret, le problème est bien celui de la qualité et de la fiabilité du transport : le développement du transport combiné est ainsi freiné, comme l'explique M. Jean-Michel Dancoisne, président du directoire de la Compagnie nouvelle des conteneurs : « il y a eu de nombreux problèmes d'acheminement, de traction ferroviaire pendant cette période avec des causes diverses. Ces problèmes se trouvent aggravés, lorsqu'ils se conjuguent avec des problèmes sociaux à la SNCF. Il est malheureusement vrai que la région de Marseille est particulièrement difficile de ce point de vue. (...) Alors que le transport combiné et la CNC [Compagnie nouvelle des conteneurs] connaissaient une progression très forte depuis trois ans - nous avions une progression en volume et en chiffre d'affaires supérieure à 25 % les trois dernières années -, nous avons connu une véritable cassure ce qui explique qu'en cumul nous stagnons (...) Ceci pose un véritable problème de confiance vis-à-vis des chargeurs qui croyaient au transport combiné. (...) Mon propos doit être bien compris. Nos difficultés ne sont pas liées uniquement aux problèmes sociaux. Nous avons connu des problèmes de qualité, de fiabilité des acheminements ferroviaires qui, de façon périodique et récurrente, se sont trouvés aggravés par des ruptures totales ou partielles d'acheminement. ».

Ce problème de fiabilité a été souligné par de nombreux autres intervenants, comme par exemple M. Gilbert Payet, secrétaire général pour les affaires régionales à la préfecture de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, selon lequel « aujourd'hui, dans une logique de chaîne, les ports ont complètement changé : un port n'est plus seulement là pour accueillir des bateaux, les charger et les décharger. On se situe davantage dans une logique de chaîne complète de traitement d'une marchandise, depuis un point de départ jusqu'à un point d'arrivée : le port n'est qu'un maillon. (...) [Le port de Marseille] est confronté à une difficulté double : au niveau de l'exploitation des navettes ferroviaires, la qualité du service ne répond pas tout à fait à ses attentes ; et en tout état de cause, il y a des problèmes d'infrastructure, en raison du conflit entre trafic passagers et trafic fret à certains endroits du couloir rhodanien. ».

2._ La cohérence des secteurs implantés sur l'axe Rhin-Rhône

L'analyse des secteurs d'activité présents sur l'axe met en évidence leur complémentarité. Celle-ci renforce la pertinence de l'axe qui dispose, malgré les lacunes citées, de voies d'accès et de débouchés.

a) Un axe aux traditions de forte industrialisation et aux secteurs d'activité complémentaires

Les régions situées sur l'axe Rhin-Rhône sont avant tout marquées par une tradition industrielle. Elles font preuve d'une cohérence et d'une homogénéité géographique, même si les contraintes liées à l'existence de goulets d'étranglement les touchent diversement. Cette cohérence de l'axe est renforcée par la complémentarité des secteurs d'activité régionaux, qui vont de l'industrie automobile à la microélectronique, du tourisme aux nouvelles technologies. Ainsi que le déclare M. Jacques Lesire, président de la Chambre régionale de commerce et d'industrie de Franche-Comté à propos de sa région, « au nord, l'histoire du nord de la Franche-Comté se confond avec celle du sud de l'Alsace, sur les plans industriel, économique et social ; la proximité frontalière de la Suisse s'ajoute encore à ces caractères communs.(...) Au sud, le Jura s'articule avec la zone géographique de Rhône-Alpes, par exemple avec le secteur de la plasturgie qui s'étend du sud du Jura à la « Plastic Valley » d'Oyonnax ; ou avec les liens de proximité qui existent à Satolas ou Eurexpo. ».

En 1997, selon l'INSEE, alors que la moyenne interrégionale de la part de l'industrie dans la valeur ajoutée brute était de 24,4 %, elle s'élevait à 31 % en Alsace, 35,5 % en Franche-Comté, 24,6 % en Bourgogne, 28,9 % en Rhône-Alpes, et, exception à l'ensemble, 16,5 % en Provence-Alpes-Côte d'Azur. Par ailleurs, toujours selon la même source, la proportion de la population employée dans l'industrie était, en 1997, supérieure à la moyenne nationale dans ces régions : pour une moyenne nationale de 18,7 %, l'Alsace comptait 26,1 % d'actifs dans l'industrie, la Bourgogne 21,8 %, la Franche-Comté 29,8 %, Provence-Alpes-Côte d'Azur 11,7 %, et Rhône-Alpes 22,8 %.

L'Alsace est une des régions les plus industrielles de France, et sa main d'_uvre est fortement qualifiée. Elle accueille surtout des industries mécaniques, par exemple avec Peugeot, qui s'est implanté à Mulhouse en 1960, mais aussi des industries agro-alimentaires (notamment la brasserie, la chocolaterie, la biscuiterie, la production de pâtes alimentaires). La construction électrique et électronique est également présente, avec les entreprises Alcatel, Siemens et Sony. La diffusion industrielle est importante, et tend à glisser vers le Rhin, grand axe industriel, avec l'installation de zones industrialo-portuaires à Strasbourg, Colmar-Neuf-Brisach et Mulhouse-Ottmarsheim. Ces trois villes principales constituent de véritables carrefours, la polarisation des activités le long du Rhin étant par ailleurs complétée par la diffusion des activités dans l'ensemble de la région. Mulhouse entretient des rapports privilégiés avec Bâle et avec la Franche-Comté, mais sa situation de carrefour profite surtout au dynamisme bâlois, malgré la réalisation d'une autoroute A 36 Besançon-Mulhouse. Toutefois, du fait d'un débouché insuffisant de l'axe rhénan sur le Rhône, l'Alsace reste ainsi profondément ancrée dans l'Europe rhénane.

Cette tradition industrielle se retrouve en Franche-Comté, qui constitue la charnière de l'axe Rhin-Rhône. Elle comporte d'ailleurs le plus fort pourcentage national de population active dans l'industrie (de l'ordre d'un salarié sur trois contre 19 % au niveau national). Son tissu d'entreprises est composé d'unités appartenant à de grands groupes (Peugeot, Alstom, Solvay) qui représentent 40 000 emplois, mais aussi plus de 6 500 petites et très petites entreprises (80 % ont moins de 10 salariés) qui représentent 80 000 emplois.

Deux ensembles doivent être distingués. D'une part, on observe une zone d'industries diffuses en milieu rural, dans la montagne jurassienne. Les principales activités y sont l'horlogerie, la lunetterie, les matières plastiques, le jouet, les meubles, et de plus en plus les microtechniques, le décolletage et la robotique. En Haute-Saône, la zone d'industries diffuses rassemble essentiellement des entreprises pratiquant la sous-traitance. D'autre part, de grandes entreprises sont implantées dans la région, comme Peugeot à Sochaux, qui a essaimé à Mulhouse, et Alstom, producteur de gros matériel électrique et de motrices de TGV, ce qui contribue à alimenter la bonne réputation de la région en termes de technicité. Enfin, la région s'est récemment tournée vers les microtechniques, secteur dans lequel elle constitue un pôle reconnu. Ainsi, elle constitue une antenne du réseau national de micro et nanotechnologies ; elle est également membre du club de nanotechnologies. La Franche-Comté est par ailleurs une région tournée vers l'extérieur. Elle se tourne ainsi de plus en plus vers la Suisse. La coopération engagée en 1985 par le biais de la C.T.J (Communauté de travail du Jura) et de l'association de l'arc jurassien s'est accélérée ces dernières années ; elle rassemble les quatre départements comtois, derrière un slogan entre Saône et Rhin : l'arc jurassien.

La Bourgogne, également concernée par l'axe Rhin-Rhône, est elle aussi le site d'une bonne implantation industrielle. Les industries électriques y sont particulièrement présentes, avec Thomson, Philips, et Alstom à Mâcon. L'industrie chimique est elle aussi implantée dans la région, avec notamment Kodak à Chalon. Outre sa tradition viticole et vinicole, la région s'est tournée vers l'agro-alimentaire : Beaune s'est affirmé comme un centre industriel agro-alimentaire diversifié, et Dijon s'est doté d'un pôle de recherche alimentaire.

Si l'on dresse déjà un bref constat, on observe ainsi que l'industrie imprime son caractère à ces régions : tous les grands types de structures industrielles y sont représentés : pays noir, industries rurales à forte domination de PME, grands établissements industriels. Néanmoins, il n'existe pas d'industrie réellement dominante, excepté l'industrie automobile. Les activités de montage ou de sous-traitance sont importantes.

Concernant la région Rhône-Alpes, la métropole lyonnaise s'affirme, profitant de l'effet de couloir, dont la puissance d'attraction grandit. Le fondement de la puissance de Lyon, qui est une des rares villes de l'axe à avoir des fonctions tertiaires et administratives bien développées, reste l'industrie, très diversifiée et qui s'est bien renouvelée. Les complexes chimiques sont présents au sud, le textile et l'industrie électrique dans le Bas-Dauphiné. La désindustrialisation touche essentiellement les secteurs anciens, comme le textile, la chimie lourde ou la mécanique. Mais conservent une place importante la construction automobile, notamment de poids lourds, la construction électrique (principalement les gros équipements et les câbles, en synergie avec Grenoble et la Suisse), la chimie (le phytosanitaire, les herbicides, les vernis), et la pharmacie.

Outre la région lyonnaise, se dégagent deux ensembles industriels en Rhône-Alpes. D'une part, la région stéphanoise comporte des PME-PMI nombreuses qui pratiquent la sous-traitance, notamment dans les secteurs de la construction électrique, de la plasturgie et du textile. D'autre part, l'industrie alpine concentre la chimie, la métallurgie, et la construction électrique. L'essor universitaire a conduit à ce que l'industrie locale ait un fort contenu technologique, ainsi qu'une image d'ouverture et d'innovation. C'est par exemple le cas de l'activité de décolletage, pratiquée par de petites entreprises, qui ont su évoluer en incorporant des technologies plus modernes, pour se tourner vers la connectique. C'est également le cas de la plasturgie dans la région d'Oyonnax.

La région Provence-Alpes-Côte d'Azur bénéficie d'une économie diversifiée. Son industrie est dominée par le secteur agro-alimentaire, la chimie de base, la mécanique et la sidérurgie, la construction aéronautique et spatiale, la construction électrique et électronique. Elle se caractérise par le poids de grands groupes nationaux et internationaux qui évoluent avec un tissu dense de petites entreprises qui travaillent en sous-traitance ou sur des créneaux spécialisés. Elle est plutôt spécialisée dans les produits lourds, semi-finis qui sont notamment exportés vers les autres régions de l'axe Rhin-Rhône et tout particulièrement vers Rhône-Alpes. La plupart des 170 000 emplois sont concentrés dans la vallée du Rhône autour d'Avignon (engrais, alimentaire, papier-carton...), autour de l'étang de Berre (pétrochimie, sidérurgie, aéronautique...) et sur le littoral niçois, notamment le parc d'activité de Sophia-Antipolis (construction électronique, industries de la communication...). Le pays d'Aix abrite le premier pôle national de micro-électronique et le pays d'Arles se développe autour des nouvelles technologies de l'information.

Le potentiel de recherche publique et privée est le second de France. Il s'appuie sur un milieu universitaire de qualité et de nombreux centres de recherche du CNRS, de l'INRA, de l'INSERM. Un réseau dense de pôles technologiques (Nice-Sophia-Antipolis, Var-Technopôle, Marseille-Château-Gombert, Aix-Arbois, Avignon-Agroparc...), appuyé sur une dizaine d'écoles d'ingénieurs, engage une reconversion réussie pour faire face au déclin des industries traditionnelles (mine de charbon de Gardanne, industries textiles et de l'habillement de Marseille, constructions navales de la Seyne et de la Ciotat).

L'économie de la région est fortement créatrice d'emplois dans les services supérieurs aux entreprises et les industries électroniques qui construisent de nouvelles spécialisations qui sont celles du pays d'Aix et des Alpes-Maritimes. Les activités liées aux transports terrestres, aériens et maritimes sont particulièrement représentées compte tenu de la position géographique de la région et des activités du port de Marseille, des accroissements de l'activité des deux aéroports après Paris qui sont ceux de Marseille-Provence et de Nice-Côte d'Azur. Avec un trafic de plus de 90 millions de tonnes, le port de Marseille est le plus grand port européen du Sud, premier port français et de la Méditerranée, point de passage obligé entre les flux de marchandises Nord-Sud.

C'est avant tout un port handicapé par les insuffisances de son arrière-pays, dont l'activité connaît aujourd'hui un ralentissement, comme le note M. Claude Gressier. En 1997, le trafic du port de Marseille était de 94,3 millions de tonnes contre 59,6 pour celui du Havre. S'il arrive nettement après celui de Rotterdam (310 M.t.) et d'Anvers (112 M.t.), il devance nettement tous les autres ports de la Méditerranée (Algérisas 34,3 M.t., Barcelone 24,9 M.t., Gênes 42,4 M.t., Trieste 46,4 M.t.) ainsi que ceux de Hambourg (76,7 M.t.) et de Zeebrugge (32,4 M.t.). Son trafic évolue néanmoins moins vite que celui de la plupart de ces ports compte tenu d'une demande plus faible des chargeurs en produits pétroliers et d'une compétitivité à affirmer dans le trafic des conteneurs.

Cette inquiétude est partagée par M. Gilbert Payet, secrétaire général pour les affaires régionales à la préfecture de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui estime que « si l'on examine la situation du port autonome de Marseille, même s'il reste le premier port de la Méditerranée, tous trafics confondus, nous voyons qu'il est dans une situation [singulière], puisqu'une bonne partie de son trafic provient du vrac liquide, qui circule ensuite par pipe-line, et n'a pas une valeur ajoutée très importante. (...) Le port autonome de Marseille, comme le fait ressortir son plan d'entreprise, a perdu très régulièrement, ces dernières années, des parts de marché en matière de trafic de conteneurs alors même que celui-ci connaît une augmentation considérable par ailleurs. Dans ce domaine, Marseille a été doublé soit par des ports traditionnels comme Barcelone, soit par de nouveaux ports comme Gioia Tauro. ».

b) Un maillage d'infrastructures de transport qui possède néanmoins d'ores et déjà des atouts

L'axe Rhin-Rhône, malgré des problèmes de saturation récurrents sur certains carrefours, dispose malgré tout de voies d'accès et de débouchés.

En ce qui concerne le trafic fluvial, le canal existant du Rhin au Rhône est au gabarit Freycinet, avec au sud le bassin du Rhône et de la Saône. Le trafic y est certes proportionnel à son étroitesse. Néanmoins, il convient de noter, comme M. François Bordry, président de Voies navigables de France, qu' « il faut insister sur le fait que 500 kilomètres à grand gabarit ont déjà été aménagés, à peu près jusqu'à Saint-Jean de Losne et que, sous réserve de quelques dragages pour approfondir le chenal sur la Saône (...) le trafic sur le bassin de la Saône et celui du Rhône, qui a certes été longtemps insuffisant et que le concessionnaire, la Compagnie nationale du Rhône, a négligé pendant de trop longues années, a augmenté de 40 % en quatre ans. (...) Le potentiel de développement du Rhône et du bassin de la Saône est important parce que l'axe rhodanien est notoirement saturé et que la réserve de capacité sur un bassin moderne - les dernières écluses ont entre vingt et trente ans - est réellement élevée. ».

Il faut souligner que le Rhône est d'ores et déjà accessible, entre Lyon et Marseille, aux barges de 2 000 tonnes et aux convois poussés de 5 000 tonnes. Entre Arles et la mer Méditerranée, les caractéristiques du Rhône permettent l'accès à de gros navires fluvio-maritimes jusqu'à 4 500 tonnes. La plate-forme quadrimodale d'Arles est parfaitement adaptée aux exigences du transport fluvio-maritime. La zone industrialo-portuaire, d'une superficie de 41 hectares, offre tous les services de ce type de transport.

L'axe dispose de ports, soit maritimes, comme Marseille, avec ses deux bassins est et ouest, soit fluviaux comme le port Édouard Herriot à Lyon, dont le rôle doit être redéfini comme port d'arrivée de trafic provenant de Marseille depuis la décision d'abandon du projet de grand canal, le port de Mulhouse-Ottmarsheim, celui de Strasbourg ou celui de Besançon.

A ces voies et débouchés fluviaux s'ajoutent les aéroports internationaux : Lyon-Satolas constitue ainsi le « hub » secondaire d'Air France assurant des dessertes vers l'ensemble des destinations européennes, et est valorisé par un réseau important d'autoroutes et de voies ferrées. Cet aéroport enregistre près de cinq millions de passagers par an, et l'objectif est de porter sa capacité à huit millions de passagers, tout en faisant de Lyon-Satolas une plate-forme multimodale rail-route-air. L'axe compte également l'aéroport de Strasbourg-Entzheim, de taille moindre, en accueillant un peu plus de deux millions de passagers, et les aéroports de Marseille-Marignane et de Marseille-Provence qui accueillent 5,5 millions de passagers et dont le trafic augmente de 3 % par an, facilité par un important programme de grands travaux.

La desserte routière est par ailleurs relativement dense, même si des goulets d'étranglement existent là aussi.

L'étude prospective multimodale conduite par la direction régionale de l'équipement de la Franche-Comté souligne que « l'autoroute A 36 reliant à l'Est l'autoroute A 5 allemande et l'autoroute A 35 au niveau de Mulhouse et à l'ouest l'autoroute A 39 et l'autoroute A 6 au niveau de Beaune possède aujourd'hui une capacité jugée aujourd'hui largement suffisante. Les hypothèses hautes de croissance du trafic prévoient une réserve de capacité de 24 %, soit environ 15 000 unités de voiture particulière (uvp) par jour à l'horizon 2015. Cette prévision ne comprend pas les reports et inductions provenant des différents projets prévus à cet horizon, notamment les reports de l'A 31 vers l'A 36 et l'A 39 pour des flux provenant d'Allemagne. Toutefois, cet effet est estimé à 5 000 uvp/jour maximum, ce qui laisse à l'A 36 une réserve de capacité encore confortable. (...) La liaison routière correspondant à l'axe Rhin-Rhône est donc satisfaisante, même si certains effets de saturation existent ponctuellement aux abords des agglomérations et sur le tronçon Belfort-Montbéliard. ».

L'autoroute A 8 permet également un raccordement vers l'Italie ; elle est d'ailleurs le premier point de passage vers ce pays. Elle constitue en outre un axe d'échange entre Provence-Alpes-Côte d'Azur et le reste des régions françaises, tout en desservant les zones urbaines du littoral. L'achèvement de l'autoroute A 51 entre La Saulce (Hautes-Alpes) et Grenoble permettra d'amplifier les flux de circulation entre la zone littorale de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur en doublant l'autoroute A 7 Marseille-Lyon. Sur certains tronçons l'autoroute A 8 est en voie de saturation et la question de son doublement se posera dans peu de temps. Les autoroutes A 7 et A 8 permettent d'irriguer la vallée du Rhône et d'y relier le littoral. Les liaisons avec les pays voisins se font également par l'autoroute A 43 reliant Lyon et le tunnel du Fréjus, en direction de Turin ; Bourg-en-Bresse étant relié à Genève par l'autoroute A 40. Les liaisons avec Paris se font par les autoroutes A 6 à partir de Lyon, A 5 à partir de Langres, A 4 à partir de Strasbourg. Le réseau est donc dense et diversifié, bien qu'on note une certaine concentration autour de l'agglomération lyonnaise par comparaison au réseau franc-comtois.

Concernant les voies ferrées, là aussi le réseau est relativement dense, comme l'explique M. Louis Gallois, président de la SNCF. Selon lui, l'axe Rhin-Rhône est « un axe que nous considérons comme particulièrement bien adapté au ferroviaire, aussi bien dans sa composante nord-sud qu'est-ouest, dont une partie du parcours relie l'Alsace à Dijon - avec une perspective de raccordement sur la ligne à grande vitesse Paris-Lyon. En effet, de grandes villes jalonnent cet axe - Strasbourg, Mulhouse, Belfort, Besançon, Dole, Dijon, Lyon, Marseille et Montpellier - ce qui est fort intéressant en termes de voyageurs. Sur le plan du fret, il existe des axes extrêmement lourds, comme ceux qui sont liés au Rhin, la porte de Bâle, les deux grands ports de Marseille et de Barcelone, et des zones très denses sur le plan industriel, telle la zone lyonnaise. (...) De lourdes infrastructures sont déjà mises en place : nous achevons le TGV jusqu'à Marseille, nous disposons de voies à grande capacité sur l'axe Dijon - Lyon, et l'axe Dijon - Strasbourg dispose déjà d'un gros potentiel. ».

En 1997 dans le cadre d'une charte de coopération signée entre Lyon et Marseille, une navette ferroviaire baptisée « Med Shuttle » a été mise en place entre Lyon-Port Herriot et Fos-Marseille. Un train bloc de 80 EVP assure trois liaisons hebdomadaires entre les deux ports. Mais le développement des infrastructures ferroviaires se heurte à des problèmes majeurs de saturation et aux difficultés de la traversée de Lyon. Le contournement ferré de Lyon est le maillon manquant de l'axe ferroviaire Rhin-Rhône. Il conditionne le développement du trafic ferroviaire sur les marchés du Nord et de l'Est.

Le corridor dispose donc, malgré des problèmes de congestion ou d'enclavement ponctuels, d'un maillage relativement dense qui lui garantit voies d'accès et débouchés.

L'axe Rhin-Rhône dispose d'atouts. Du fait de l'unité d'intérêts qui lie ses régions, il constitue un enjeu important en termes de développement.

b.- un vecteur dynamique confortant le développement des agglomérations qu'il relie

Le développement de l'axe Rhin-Rhône permettra de conforter le dynamisme des agglomérations qui le composent en offrant un accès à l'Europe du Sud et au Moyen-Orient pour Lyon, l'élargissement de l'hinterland de Marseille et un accès aux marchés d'Europe du sud pour Strasbourg.

1._ Accès à l'Europe du sud et au Moyen-Orient pour Lyon

L'axe Rhin-Rhône, en confortant l'interpénétration entre les économies des grandes agglomérations qu'il relie, permet ainsi un accès à l'Europe du sud et au Moyen-Orient pour Lyon. C'est d'ailleurs ce qui ressort des propos de M. Bernard Soulage, président du groupe socialiste du Conseil régional de Rhône-Alpes, lorsqu'il s'adresse à M. Michel Vauzelle, président du Conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur et président de la mission d'information : « vous êtes la porte de la Méditerranée, mais nous en sommes l'arrière-pays. Il ne faut jamais oublier cela. L'un des grands défis de la France (...) est de savoir ce que l'on fait avec le bassin méditerranéen, y compris pour traiter certains problèmes de politique intérieure. Lui tournons-nous le dos, comme on le fait, ou, au contraire, entrons-nous dans une logique de dialogue et faisons-nous du bassin méditerranéen ce qu'il est, à savoir notre proximité immédiate ? De ce point de vue, Provence-Alpes-Côte d'Azur est certainement la frontière, mais, derrière, il y a un arrière-pays. (...) Ce que peut faire Marseille, ce que peut faire la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, nous avons tous à l'accompagner. Il nous faut tous travailler ensemble pour que toutes les communautés, qui sont très nombreuses ici, soient en relation. Cet aspect méditerranéen est un véritable enjeu pour nos régions (...). ».

Cette position est reprise par M. Charles Personnaz, premier vice-président du Conseil régional de Rhône-Alpes, qui estime que « il y a en effet, au niveau de l'avenir économique de nos régions, un regard particulier à porter sur le bassin méditerranéen, parce qu'en termes d'évolution des démographies, les populations sont dans ce bassin. Nous sommes particulièrement bien placés et, même si ce n'est pas dans le cadre du contrat de plan des six ou sept ans qui viennent, le développement économique de nos régions, de la zone économique du nord de l'Italie allant jusqu'à l'Espagne, devrait être tourné vers le bassin méditerranéen. ».

Plus largement, il s'agit de donner corps à un sud-est européen, comme le note M. Raymond Barre, en tant que maire de Lyon et président de la communauté urbaine de Lyon. Cela passe par une ouverture réciproque des économies régionales concernées : « nous essayons de travailler à faire en sorte que Lyon-Turin-Genève, liées à Marseille et à Barcelone, constituent ensemble les pôles essentiels d'un sud-est européen, en appuyant le fameux arc latin Barcelone-Marseille-Gênes. ». M. Barre a d'ailleurs fait part de sa crainte que l'axe Rotterdam-Méditerranée orientale isole l'Est de la France et son Sud-Est.

2._ Elargissement de l'hinterland de Marseille

L'axe Rhin-Rhône doit également permettre d'élargir l'hinterland du port de Marseille pour relier l'économie de cette agglomération avec l'Europe du Nord. Une cohérence économique est à construire entre toutes les régions de l'axe Rhin-Rhône et notamment la région Provence-Alpes-Côte d'Azur pour dynamiser l'espace économique à partir notamment des infrastructures de transports. L'économie de Provence-Alpes-Côte d'Azur est largement complémentaire de celles des autres régions de l'axe. Le port de Marseille bénéficie de tous les équipements nécessaires pour assurer ses fonctions de débouchés vers les pays du bassin méditerranéen, du Moyen et de l'Extrême Orient. Il peut capter de nouveaux trafics, actuellement assurés par les ports du nord de l'Europe, en provenance de ces pays au bénéfice des autres régions de l'axe. Marseille doit ainsi jouer le rôle de « porte » rhodanienne, dont l'arrière-pays pourrait s'étendre jusqu'à l'Alsace. C'est d'ailleurs la position soutenue par M. Jean-Claude Duverget, vice-président du Conseil régional de Franche-Comté : « Nous avons des intérêts communs dans l'inter-région formée par l'Alsace, la Bourgogne, Rhône-Alpes. Nous faisons partie de l'hinterland de Marseille. C'est une affirmation qui demande à être largement confirmée dans la réalité. ».

C'est aussi l'ambition de M. Éric Brassart, directeur du port autonome de Marseille, qui déclare : « le gros enjeu pour nous est d'aller sur notre hinterland économique qui est la région Rhône-Alpes principalement, sur l'axe Rhin-Rhône et au-delà, sur la Franche-Comté, car il y a des chargeurs comme Peugeot, la Suisse alémanique et le sud de l'Allemagne. Les chargeurs réguliers, importants de cette zone se partagent entre les ports du nord, Anvers et Rotterdam et Marseille. On n'a donc pas tout perdu. Notre part de marché est inférieure à 30 % dès lors que l'on passe au-delà de Lyon, mais on n'est pas à 0 % comme lorsqu'on arrive dans le secteur de Paris ou au nord de Paris. ».

La région Alsace est elle aussi consciente de l'enjeu que constitue l'élargissement de cet hinterland. M. Eugène Riedweg, premier adjoint au maire de Mulhouse, estime ainsi que « Rotterdam est le premier port du monde parce qu'il a un hinterland formidable qui va jusqu'à Bâle et en Alsace. Le problème de Marseille est qu'il n'y a pas d'hinterland ou très peu. ».

C'est enfin un objectif explicite de M. Claude Gressier, directeur du transport maritime, des ports et du littoral, qui déclare : « l'hinterland de Marseille doit pouvoir s'étendre jusqu'au nord de l'Italie, à la Suisse et au sud de l'Allemagne, mais aussi à la Franche-Comté, à l'Alsace et, bien entendu, à la région parisienne pour quasiment tous les produits et plus spécialement pour le développement du trafic de conteneurs. Le développement de l'hinterland est pour le port de Marseille, comme pour celui du Havre ou d'autres, une obligation. ».

Un tel élargissement permettrait à ce port d'irriguer l'Europe du Nord, et donc de concurrencer Algésiras, situé sur la ligne entre le canal de Suez et l'Atlantique, ainsi que Malte ou le nouveau port de Gioia Tauro situé en Calabre, placés également sur une ligne directe. Cela suppose d'assurer une bonne desserte terrestre en Franche-Comté, en Alsace et dans le nord de l'Allemagne. Cet axe Rhin - Rhône permettrait donc de conforter, outre les échanges nord-sud, l'économie marseillaise, comme le souligne M. Henry Roux-Alezais, président du port autonome de Marseille : « cette liaison (...) est essentielle pour le port de Marseille. Comme nous sommes éloignés d'un certain nombre de centres économiques lourds, et que notre arrière-pays est enclavé, c'est fondamental. Sinon, nous ne serions dans l'avenir qu'un port régional. Nous avons des qualités nautiques, des facilités, un positionnement qui présentent un certain nombre d'avantages, à condition que les pré et post-acheminements des marchandises puissent être faits dans de bonnes conditions économiques. Ce grand axe Rhône-Saône-Rhin est fondamental, d'autant que nos concurrents -Barcelone d'un côté, Gênes de l'autre - ne bénéficient pas d'une telle percée nord-sud. ».

3._ Accès de Strasbourg aux marchés d'Europe du sud

Par ailleurs, l'axe Rhin-Rhône améliore l'accès de Strasbourg aux marchés d'Europe du Sud, et notamment du Moyen-Orient, client important de l'Alsace. La région enregistre en effet une forte croissance de ses exportations sur la période 1996-1997, que ce soit à destination de l'Espagne (+15,1 %), de l'Italie (+15 %), du Portugal (+17,7 %) ou de la Grèce (+22,6 %). Par ailleurs, les importations en provenance de ces deux derniers pays augmentent sensiblement : +58,4 % pour le Portugal et +31,7 % pour la Grèce ; la croissance des importations en provenance des autres pays du sud est plus faible, de l'ordre de 3 à 4 %, toujours sur la même période.

Mais en dépit de cette forte croissance, les parts de marché de l'Alsace dans les échanges avec ces pays restent faibles, inférieures à 5 %. Or, pour l'instant, les marchandises à destination de cette zone empruntent le Rhin, pour monter vers Anvers, Rotterdam, et contourner Gibraltar. C'est ce que souligne M. Philippe Galli, directeur général du Conseil général du Haut-Rhin : « aujourd'hui, un entrepreneur alsacien devant envoyer un chargement vers le bassin méditerranéen le fait plus facilement en passant par Rotterdam qu'en descendant l'axe rhodanien pour ensuite aller charger à Marseille. ». Il est clair qu'un passage direct par Marseille permettrait de développer les débouchés de l'Alsace en direction des marchés méditerranéens, tout en irriguant les régions traversées.

L'axe Rhin-Rhône constitue donc une voie d'échanges entre régions marquées par une communauté d'intérêts. Cette cohérence profite à des activités économiques en croissance, dans des secteurs de pointe.

II._ LE DYNAMISME ET LA MODERNITÉ DES ACTIVITÉS DANS LES RÉGIONS

L'activité économique des régions composant l'axe se caractérise par le dynamisme de nombreux secteurs.

a.- une activité économique tournée vers les secteurs en croissance

La forte tradition industrielle qui caractérise le corridor constitue un gage de succès des processus de reconversion qui orientent ces régions vers des secteurs de pointe.

1._ Reconversions réussies

Comme toutes les régions européennes, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur doit faire face aux recompositions de l'économie mondiale. Mais l'essentiel de son tissu productif, et notamment ses activités liées à la recherche, au commerce, au tourisme, aux services supérieurs aux entreprises, à ses industries électroniques et de la communication n'est pas en position de reconversion. Celle-ci ne peut s'appliquer qu'aux chantiers navals de la Seyne qui ont dû cesser toute activité depuis 1976, à ceux de la Ciotat qui après un exil de 10 ans trouvent aujourd'hui de nouvelles perspectives et à la mine de Gardanne dont la fermeture est annoncée pour 2005. Ces reconversions ne sont certes pas achevées. Mais l'économie régionale se positionne aujourd'hui sur de nouveaux secteurs qui relèvent à la fois des activités industrielles et des services supérieurs, de la recherche et de l'innovation : micro-électronique, sciences de l'information, industries de la communication, robotique, information, sciences du vivant.

La région Rhône-Alpes, dont le secteur textile, traditionnel, commençait à décliner, a également engagé une reconversion vers le secteur des tissus à usage technique (fuselage des avions, isolation dans le bâtiment), en plein développement. Ainsi, Porcher Textile, spécialisé dans les tissus de verre destinés aux circuits imprimés pour l'électronique, a annoncé un programme d'investissements sur plusieurs années de 200 millions de francs. Dans le Rhône, l'usine de Décines constitue l'un des centres mondiaux les plus importants en matière de tissage de carbone.

La région Franche-Comté offre un exemple de reconversion réussie. La volonté de restructurer les métiers traditionnels de l'horlogerie a ainsi conduit les industriels à se tourner vers les microtechniques (micro-découpage, micro-usinage, micro-assemblage). Ce secteur s'appuie sur des spécialités régionales, avec des ancrages divers, comme l'automobile, la lunetterie, l'armement, la connectique, les télécommunications, le matériel médical, les capteurs ou les micro-actionneurs. Il bénéficie en outre du salon Micronora, véritable vitrine internationale de la Franche-Comté, et attire de plus en plus de compétences dans la région. Des effets d'entraînement conduisent au renforcement, à l'adaptation et à la modernisation des secteurs de la plasturgie, de l'outillage, ou des équipements et composants pour l'industrie automobile.

Cette région est aujourd'hui devenue un acteur renommé dans sa spécialité, et accueille désormais un réseau de laboratoires spécialisés dans la recherche sur les microtechniques, initié par l'enseignement supérieur (Ecole nationale supérieure de mécanique et des microtechniques à Besançon, Institut polytechnique de Sévenans et UFR des sciences et techniques de l'université de Franche-Comté) et l'activité horlogère traditionnelle. On compte ainsi parmi les innovations franc-comtoises la balise Argos ou les microscopes à ondes évanescentes. Malgré plus de mille chercheurs et ingénieurs qui sont regroupés dans la région, le poids relatif de la recherche publique, certes en augmentation, n'est pas encore satisfaisant au regard de la situation moyenne nationale.

L'ensemble de ces reconversions a permis aux régions du corridor d'accroître leur poids dans l'économie nationale.

2._ Les régions de l'axe Rhin-Rhône ont un poids économique significatif

En 1996, selon l'INSEE, la part des PIB régionaux dans le PIB national était de 3 % pour l'Alsace, 2,4 % pour la Bourgogne, 1,7 % pour la Franche-Comté, 6,8 % pour Provence-Alpes-Côte d'Azur et 9,3 % pour Rhône-Alpes. Le poids total de ces régions représentait 32,7 % du PIB national hors Ile-de-France (contre 31,8 % en 1982). Il est à noter qu'alors que le poids relatif de la province dans le PIB national a régressé de 72,9 % à 70,9 % en 1996 par rapport à 1982, celui des régions de l'axe Rhin-Rhône est demeuré stable à 23,2 % du PIB national, ce qui dénote donc une bonne tenue de l'économie de ces régions.

Il s'agit donc de régions économiquement dynamiques, ce qui y attire les capitaux étrangers, d'autant plus qu'elles bénéficient en outre d'une position frontalière privilégiée, renforcée d'ailleurs par l'absence de la Suisse dans l'Union européenne.

3._ Un travail transfrontalier important

Le travail transfrontalier est un phénomène qui, en Europe, touche en premier lieu la France. On estime à plus de 400 000 le nombre des travailleurs transfrontaliers en Europe. 200 000 d'entre eux sont des résidents français. Ainsi, 90 000 résidents français travailleraient en Suisse et 45 000 en Allemagne.

Le travail transfontalier est un élément caractéristique de l'axe Rhin-Rhône. Parmi les six régions les moins touchées par ce phénomène, quatre sont des régions fortement émettrices de travailleurs frontaliers ; parmi ces régions figurent l'Alsace, la Franche-Comté et Rhône-Alpes. La proportion d'actifs franchissant la frontière pour se rendre sur leur lieu de travail y est largement supérieure à la moyenne nationale (proche de 1,5 %). Les frontaliers français ont, pour 85 % d'entre eux, un emploi en Allemagne ou en Suisse. Il est donc « naturel » que les régions Alsace, Rhône-Alpes, Franche-Comté, soient particulièrement concernées. Cela ne résulte pas seulement de leur situation privilégiée mais aussi de la bonne qualification de la main d'_uvre qu'elles fournissent. Cela traduit également le fait qu'elles sont insérées dans des bassins d'emploi à dimension européenne. Enfin, l'attrait des régions situées de l'autre côté de la frontière s'explique par les rémunérations avantageuses qui y sont pratiquées, et parfois par les règles relatives à l'imposition des revenus des travailleurs.

Ainsi, en Franche-Comté, le travail frontalier s'est fortement développé depuis la fin des années 1980, ce qui a pour conséquence d'aboutir, fin 1997, à un taux de chômage de 10 % contre 12,2 % au niveau national. Selon l'INSEE, ce sont donc 10 000 Francs-Comtois qui partent travailler à l'étranger, fin 1997, essentiellement en Suisse, dans les cantons de Berne, Jura, Neuchâtel et Vaud.

L'Alsace compte, elle aussi de nombreux travailleurs frontaliers : environ 8 % de sa population active occupée travaillent en Allemagne ou en Suisse. Cependant les emplois occupés à l'étranger sont plus d'exécution que d'encadrement. Le mouvement transfrontalier touche surtout les ouvriers, qui sont près de 14 % à l'effectuer. Cette mobilité est moins importante dans les autres catégories socioprofessionnelles, où elle ne concerne que 4 à 5 % des actifs (3,5 % pour les cadres supérieurs, 5,5 % pour les professions intermédiaires, 5,1 % pour les employés). En 1990, près de 25 000 Alsaciens travaillaient en Allemagne, et près de 30 000 en Suisse. La tendance est à une accentuation de ce phénomène, puisqu'à la fin de 1997, près de 63 500 Alsaciens travaillaient à l'étranger (33 300 en Allemagne et 30 200 en Suisse).

Enfin, la région Rhône-Alpes fournit également un grand nombre de travailleurs transfrontaliers, puisqu'ils étaient 59 000 en 1996 à partir travailler à l'étranger, essentiellement en Suisse. Sa main d'_uvre bénéficie en effet à l'étranger d'une image positive, notamment dans les domaines techniques. Mais l'importance du travail transfrontalier est également liée à l'attractivité de Genève, grande cité tertiaire.

Cependant, le développement du travail transfrontalier résulte de l'existence de différentiels économiques importants entre les régions frontalières. En effet, les régions frontalières françaises ont un PIB par habitant systématiquement inférieur à celui des principaux territoires voisins. Ainsi, en 1994, le PIB par habitant était de 19 000 ECU en Rhône-Alpes contre 31 000 dans le canton de Genève et d'un peu moins de 20 000 ECU en Alsace contre près de 25 000 au Bade-Wurtemberg.

L'effet du travail transfrontalier sur l'économie des régions concernées est toutefois loin d'être totalement positif. Il repose en effet sur un partage des tâches inégal où les régions françaises se bornent à un rôle de pourvoyeuses de main d'_uvre tandis que la Suisse ou l'Allemagne fournissent le capital. Cette situation place de fait les régions françaises dans un état de dépendance économique.

D'ailleurs, la progression du chômage dans les principaux pays limitrophes (Allemagne, Suisse) a mis en évidence la fragilité de la situation des travailleurs transfrontaliers français, qui sont les premiers frappés lors d'une dégradation de la conjoncture.

Plus généralement, la ponction de main d'_uvre liée au travail transfrontalier peut nuire au développement des régions concernées. Grâce à des salaires plus élevés, les pays limitrophes peuvent en effet attirer les salariés les plus compétents et les plus dynamiques. Il en résulte des pénuries de main d'_uvre hautement spécialisée du coté français, ainsi que de cadres et d'employés du secteur bancaire dans les régions françaises limitrophes de Genève et du Luxembourg.

Bien entendu, ces migrations transfrontalières ont des conséquences favorables sur la situation de l'emploi dans les régions frontalières françaises. Il faut d'ailleurs noter que les migrations transfrontalières contribuent également à réduire le chômage des régions concernées de manière indirecte en contribuant à soutenir la demande locale. En effet, les salaires perçus à l'étranger sont en règle générale sensiblement plus importants que les salaires français (selon une enquête de 1992, 47 % des travailleurs transfrontaliers estiment d'ailleurs que c'est la différence de salaire qui les a conduit à prendre un emploi transfrontalier) et ils sont pour l'essentiel dépensés en France.

b.- qualifications, enseignement et recherche

Les régions de l'axe Rhin-Rhône sont caractérisées par la culture technicienne de leur population active. Cela s'explique notamment par le fait que l'enseignement supérieur est particulièrement orienté vers les domaines techniques, puisque 40 % des élèves d'écoles d'ingénieurs se trouvent dans le croissant nord-est de la France allant de Lille à Grenoble. En ce qui concerne la recherche, sur les régions de l'axe Rhin-Rhône, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Rhône-Alpes font partie des quatre régions pour lesquelles la dépense intérieure de recherche et développement civile est la plus élevée.

La région Franche-Comté compte peu d'ingénieurs, de cadres et de chercheurs, mais cette situation change progressivement, du fait du poids croissant des microtechnologies dans l'activité régionale. Pour l'instant, la région compte une forte proportion d'ouvriers qualifiés (47,7 % de la population active fin 1994, contre une moyenne nationale de 40,5 % ; le taux de qualification ouvrière est de près de 90 % dans le secteur automobile), et des taux de réussite supérieurs à la moyenne nationale en matière de CAP, bacs technologiques et BTS. La recherche est également présente : la région accueille des unités du CNRS, essentiellement dans des laboratoires d'universités. Les effectifs de recherche et développement dans l'industrie sont relativement importants, puisqu'ils dépassent 3700 personnes en 1995, dont plus de mille chercheurs.

Un effort soutenu a été engagé en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche : alors que les autorisations de programme, inscrites au budget primitif de la région et consacrées à ce domaine étaient de 7 millions de francs environ en 1995, elles ont atteint le montant de 13,2 millions de francs en 1998.

Néanmoins, le niveau de cet effort ne permet pas de répondre à toutes les attentes dans cette région, afin d'améliorer la compétitivité de ses secteurs d'activité. Ce problème a été souligné par M. Christian Proust, président du Conseil général du territoire de Belfort, qui constate en effet que « la Franche-Comté (1,7 % du PNB et 1,9 % de la population nationale) reçoit 0,35 % de la dépense nationale (...) publique de recherche ; cette faiblesse nous est extrêmement préjudiciable. Nos industries sur des secteurs de pointe sont en constante évolution, en compétition avec des entreprises du monde entier, ouvertes à la concurrence internationale (ALSTOM, Peugeot, les horlogers et les bijoutiers...). L'ensemble de nos industriels doit faire face à la mondialisation. D'ailleurs, la Franche-Comté est une grande région exportatrice, et pour nous la faiblesse du développement de la recherche conduit à celle de notre université, elle handicape nos industries et notre développement. Une des orientations fortes de notre travail est donc de développer la recherche, le transfert technologique et l'université ; c'est pour nous un axe tout à fait essentiel. Bien entendu, cela doit s'inscrire dans des schémas de développement d'autoroutes de l'information, de mise en place de réseaux à haut débit ; c'est un enjeu important pour la Franche-Comté. ».

La région Alsace s'est trouvée, pendant un temps, dans une situation similaire à celle de la Franche-Comté : la proportion d'ouvriers qualifiés y était largement supérieure à la moyenne nationale, ce qui diminuait le poids relatif des ingénieurs, cadres techniques et techniciens. Néanmoins, le dynamisme de l'emploi a joué un rôle d'entraînement important sur les diplômes techniques, ainsi que sur les formations supérieures. La part des cadres est aujourd'hui plus élevée en Alsace (4,4 %) qu'en moyenne dans les autres régions de province (3,6 %). Mais la part des ouvriers est plus élevée dans les zones d'emploi fortement marquées par le travail frontalier. Au total, en 1990, la population de l'Alsace était composée pour 34,6 % d'ouvriers, contre 28,2 % en moyenne nationale, et pour 10,6 % de cadres, suivant en cela la tendance nationale. En termes de formation, les compétences techniques sont particulièrement bien représentées. L'enseignement supérieur accueille plus de 65 000 étudiants ; sa qualité, dans les quatre universités, assure son attractivité auprès des étudiants des autres régions françaises, mais aussi auprès des étudiants étrangers, nombreux à Strasbourg.

En ce qui concerne la recherche, le dynamisme est, là aussi, présent, que ce soit en termes de nombre de brevets déposés ou de nombre de dossiers agréés par l'Anvar, tous deux largement supérieurs à la moyenne nationale. La recherche fondamentale est bien représentée et place l'Alsace dans une bonne position (4,5 % de la recherche nationale) ; mais la recherche technologique (0,9 % de la part nationale) reste cependant faible, notamment en entreprise.

La région Provence-Alpes-Côte d'Azur est la troisième région française en terme de recherche et de technologies. Dans la recherche publique, 5 400 chercheurs, 4 400 ingénieurs travaillent dans les laboratoires du CNRS, de INRA, de l'INSERM, du BRGM dans tous les champs de la recherche scientifique. Par rapport à son produit intérieur, l'indice de production scientifique de la région est de 106. Au sein de la région, les Alpes-Maritimes montrent une forte spécialisation dans les sciences de l'univers et celles de l'ingénieur, le Var dans la recherche sous-marine, le Vaucluse dans l'agro-alimentaire, les Bouches du Rhône dans les mathématiques, la physique, la biologie. Dans la recherche privée près de 7 000 ingénieurs et chercheurs placent aussi la région dans les toutes premières de la Nation ; 20 % des entreprises sont innovantes et poursuivent des activités de recherche notamment dans la construction aéronautique et spatiale, l'industrie chimique, l'informatique. Des structures spécialisées dans le transfert de technologie facilitent la valorisation des recherches et leur débouché sur l'innovation : conseillers technologiques, centres de compétences technologiques régionaux, structures de transfert de technologies sont particulièrement efficaces dans l'automatisme, la robotisation des procédés d'assemblage, les lasers de puissance, le génie électrique et électronique, la métrologie des masses... En matière d'enseignement supérieur, 6 universités totalisent 110 000 étudiants dans tous les domaines. La population étudiante augmente chaque année. Des spécialisations se sont néanmoins construites dans les deux grands centres de Marseille (sciences et médecine), Aix (lettres et droit) et de Nice-Sophia-Antipolis (électronique, géosciences, mathématiques). Des villes moyennes sont aussi devenues récemment universitaires comme Arles (tourisme et spectacle), Avignon (agro-alimentaire), Toulon (marketing industriel), Gap (sports) et Digne (forêts).

Ces universités, complétées par une dizaine d'écoles d'ingénieurs, ont amélioré le niveau de qualification des actifs, comme la main d'_uvre très qualifiée employée par les grandes entreprises industrielles ou de services. Néanmoins le niveau de la recherche reste sensiblement supérieur à celui de l'innovation. Les besoins technologiques des autres régions de l'axe Rhin-Rhône pourraient bénéficier davantage de ce considérable potentiel de matière grise.

La région Rhône-Alpes accueille un pôle de formation supérieure et de recherche de très bon niveau. La région compte en effet huit universités ( à Lyon, Grenoble, Savoie, Saint-Etienne), trente cinq grandes écoles ou Instituts supérieurs (quinze à Lyon, onze à Grenoble, quatre à Saint-Etienne et cinq sur le reste du territoire régional), douze organismes de recherche publics, sept pôles et agences régionales, dix-sept centres techniques et plates-formes technologiques et six cents laboratoires. La région représente environ 9 % du potentiel de recherche nationale. La recherche publique s'appuie sur de nombreux laboratoires ou centres de recherche. La recherche privée s'exerce dans plus d'un millier d'entreprises, et est particulièrement reconnue dans les secteurs des textiles, des métaux non ferreux, de l'électricité à haute et très haute tension, de la chimie, de la mécanique ou des sciences de la vie.

Certes, la proportion de chercheurs reste légèrement inférieure à la moyenne française, mais les lauréats aux diplômes d'ingénieurs sont plus nombreux que dans la plupart des régions, puisque leur effectif est l'équivalent de celui des IUFM. Près d'un étudiant sur dix prépare un brevet de technicien supérieur. Quant aux formations universitaires, elles enregistrent un bon niveau de succès. Les liaisons établies avec les centres de recherche et avec les milieux économiques ont permis d'accroître l'audience internationale des établissements, sous forme de contrats d'enseignement et de coopération avec des universités étrangères.

Dans l'ensemble, le niveau élevé des formations professionnelles, l'importance des universités et de la recherche-développement contribuent à doter les bassins d'emploi des régions de l'axe Rhin-Rhône d'une main d'_uvre fortement qualifiée. Le corridor constitue donc un espace dynamique, reliant entre elles des régions complémentaires et en développement, susceptibles de constituer une région homogène au niveau européen. Son renforcement constitue donc un enjeu essentiel, tant du point de vue de la place de la France dans l'Europe que de celui de l'aménagement du territoire français.

CHAPITRE DEUX : L'AXE RHIN-RHÔNE, ESPACE ET OUTIL DE DÉVELOPPEMENT DURABLE

L'économie française est désormais largement ouverte sur l'extérieur. Le développement du territoire ne peut donc plus aujourd'hui être pensé dans le seul cadre national. Il convient au contraire de tenir compte du cadre européen et international dont l'influence s'accroît.

Or, les évolutions qui semblent se dessiner à l'extérieur de nos frontières, marquées par un glissement du centre économique de l'Europe vers l'Est, risquent de fragiliser le développement de l'économie française. Notre territoire, longtemps structuré autour de Paris, ne dispose en effet pas des infrastructures nécessaires pour tirer parti de ces évolutions et risque de se trouver marginalisé à la périphérie des régions les plus riches et dynamiques de l'Europe.

Il convient donc de contrebalancer le glissement du centre économique de l'Europe vers l'Est pour permettre le développement équilibré du territoire français.

I.- LE GLISSEMENT DU CENTRE ÉCONOMIQUE VERS L'EST

Les évolutions prévisibles à l'extérieur de nos frontières sont très importantes. Elles résultent essentiellement du dynamisme de régions situées à l'Est et au Sud de la France et de l'intégration croissante, malgré son refus d'intégrer l'Espace économique européen, de la Suisse au sein d'une zone économique reliant la mer du Nord à la Méditerranée.

Ces évolutions risquent de fragiliser le développement de notre économie et de transformer la France en un espace périphérique, placé dans la dépendance de régions plus dynamiques. Le phénomène du travail transfrontalier, s'il est pourvoyeur d'emplois, dénote aussi une certaine dépendance des régions de l'axe Rhin-Rhône de stratégies économiques qui lui échappent.

a.- la constitution d'un pôle de développement à l'est et au sud de la France

Les actuelles dynamiques de développement à l'_uvre profitent peu à notre territoire et risquent même de le marginaliser. On constate en effet un déplacement vers l'Est du centre de gravité économique de l'Europe du fait de l'insertion dans l'Union européenne des pays du Centre et de l'Est de l'Europe (PECO) et du grand dynamisme des régions situées dans la « banane bleue » qui va de Londres à Gênes. Les considérables potentialités des pays méditerranéens ne sont pas totalement exploitées pour des raisons politiques qui tiennent notamment aux instabilités des pays de la rive sud et aux concurrences des Etats-Unis, particulièrement présents en Méditerranée. Les économies des régions du Sud, socle de l'axe Rhin-Rhône, construisent difficilement des relations économiques ou scientifiques avec celles du bassin méditerranéen. Toutes les potentialités du port de Marseille ne sont pas encore exploitées. Les changements politiques récents dans les pays de la rive sud et du Moyen-Orient pourraient annoncer la constitution d'un nouveau pôle de développement. Toutes les régions de l'axe sont appelées à y participer.

1.─ L'insertion des pays du Centre et de l'Est de l'Europe au sein de l'Union Européenne

Dans le contexte géopolitique de la guerre froide, l'Europe était coupée en deux par une frontière passant à moins de 150 kilomètres à l'Est de Francfort. L'Allemagne, dépourvue de marge à l'Est, était limitée pour l'essentiel à l'espace rhénan et développait ses initiatives à l'ouest.

Depuis la fin de cette période, puis l'entrée des pays scandinaves et de l'Autriche dans l'Union européenne, le contexte est profondément bouleversé. L'élargissement territorial de l'Union est ainsi actuellement envisagé pour 11 Etats tiers qui ont déposé leur candidature. A la suite à la décision du Conseil européen de décembre 1997, les négociations d'adhésion sont amorcées pour certains d'entre eux : Pologne, République tchèque, Slovénie, Hongrie, Estonie ainsi que Chypre.

Indépendamment du rythme auquel cette extension Institutionnelle de l'Union vers l'Est et le Centre de l'Europe se réalisera, l'intégration économique et commerciale de ces Etats et de l'Union ira croissant. Il est en outre probable que l'aire d'influence de l'Union dépassera à l'Est ses frontières même après les élargissements envisagés.

La géographie de l'espace européen s'en trouvera transformée. Il est ainsi bien évident que l'Allemagne, qui constituait auparavant la frontière orientale de l'Union, occupera désormais le centre de l'Europe réunie. De même, l'ouverture à l'Est entraînera un bouleversement significatif en revitalisant le bassin de la Baltique, dont on sait l'importance économique qu'il a pu avoir dans l'histoire.

Le risque existe en conséquence que la France devienne une périphérie d'une Europe élargie. Il est donc nécessaire d'assurer de meilleures liaisons de notre territoire vers ces zones en développement accéléré. Cela passe bien évidemment par la réalisation d'infrastructures nouvelles dans les régions composant l'axe Rhin-Rhône qui constituent l'interface naturelle de la France vers le centre de l'Europe et la « dorsale européenne ».

2.─ Le dynamisme de la banane bleue

La « dorsale européenne », qualifiée également selon l'expression popularisée par Roger Brunet de « banane bleue » est l'immense aire urbaine allant de Londres à Milan, en englobant les estuaires du Rhin et de l'Escaut, la Rhénanie, la Ruhr, pour aboutir au-delà de la Suisse dans la plaine du Pô. C'est donc une « mégalopole européenne » comptant la moitié des agglomérations de plus de 200 000 habitants de l'Europe occidentale.

Elle inclut les régions les plus riches et les plus dynamiques de l'Europe. La dorsale européenne Londres-Turin rassemble ainsi 70 % du PNB de l'Union (à douze) sur 30 % de son territoire.

La puissance économique de cet espace n'est plus à démontrer. Elle constitue un défi majeur pour l'aménagement de notre territoire national du fait de son attractivité sur les régions françaises voisines. Il convient donc de relier l'axe Rhin-Rhône à cette dorsale européenne et c'est là d'ailleurs un des enjeux de l'arc jurassien. Ce point a d'ailleurs été souligné par Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes, qui a souhaité « mettre l'accent sur la chance que [l'axe Rhin-Rhône] réprésente pour notre pays, en particulier la capacité de l'arrimer à la « banane bleue ». ».

3.─ Le développement des régions méditerranéennes

Le développement des régions méditerranéennes et l'intensification des échanges entre les deux rives sont également des éléments qui doivent être pris en compte dans l'aménagement de notre territoire national. Ces deux éléments constituent en particulier un contexte éminemment favorable au développement du port de Marseille.

a) Le développement des échanges méditerranéens

Les échanges commerciaux entre les deux rives de la Méditerranée atteignent d'ores et déjà des niveaux élevés. Ils peuvent être évalués à 439 milliards de francs par an. Une analyse plus fine révèle que l'Europe est le fournisseur et le client privilégié de la plupart des pays tiers méditerranéens, cette situation se traduisant par un pourcentage d'échanges allant de 20 % pour les pays du Proche-Orient à plus de 50 % pour ceux du Maghreb.

Une intensification de ces échanges est prévisible. Elle devrait être favorisée notamment par l'Association appelée à devenir plus étroite de nombreux Etats du sud de la Méditerranée avec l'Union européenne. L'objectif de la création d'une zone de libre-échange en 2010 a ainsi été réaffirmé lors de la conférence interministérielle euro-méditerranéenne de Barcelone de 1995.

Indépendamment des facteurs institutionnels, la proximité géographique, la complémentarité des économies, même si l'entrée de l'Espagne dans l'Union européenne a réduit l'importation de produits alimentaires nord-africains - mais moins qu'on ne pouvait le redouter - sont des stimulants naturels pour les échanges.

En outre, le dynamisme économique de certaines régions du pourtour méditerranéen devrait contribuer au développement des échanges. L'exemple de la Catalogne, particulièrement bien insérée dans les échanges européens, illustre bien ces potentialités.

La ville de Marseille, longtemps considérée comme la porte de l'Orient, jouera donc peut-être à nouveau ce rôle essentiel. Bien entendu, les relations économiques avec la rive Sud sont tributaires de la proximité géographique, mais aussi de celle des centres d'activité. La dynamisation de l'arc latin et de cet ensemble dont l'axe Saône-Rhône est la perpendiculaire directrice et qui forme ce qui naguère encore s'appelait le grand delta est donc essentielle.

Il est bien évident que cette dynamisation sera d'autant plus forte que la liaison mer du Nord-Méditerranée sera aisée. Solidarisant le Nord et le Sud de l'Europe, permettant de surcroît un raccordement avec les voies fluviales du centre de l'Europe, elle rééquilibrerait les trafics ; elle permettrait en particulier de capter au bénéfice du port de Marseille des transports maritimes venant du Proche-Orient, voire, par le canal de Suez, d'origines plus lointaines, lesquels contournent actuellement la péninsule ibérique pour être déchargés à Rotterdam. C'est un enjeu qui a notamment été souligné par M. Jean-Louis Guigou, délégué à l'aménagement du territoire, qui a estimé qu'il convenait de « connecter le Rhin et le Rhône pour que les produits allemands aillent directement vers Marseille, car en 2007 il y aura l'accord de coopération avec la Méditerranée et une zone de libre échange de 730 millions de citoyens. Il convient donc d'aménager le port de Marseille dans la perspective des accords de Barcelone et donc d'ouverture à tous les pays de la Méditerranée. ».

b) Les perspectives de développement du port de Marseille

Marseille reste le premier port français mais son trafic stagne. Alors qu'en 1973, il était de plus de 100 millions de tonnes, il n'était plus en 1994 que de 92 millions de tonnes, très loin derrière le port de Rotterdam (294 millions de tonnes) et largement distancé par celui d'Anvers (109 millions de tonnes) dont l'influence gagne vers le sud jusqu'à la vallée rhodanienne. En outre, l'essentiel du trafic est constitué par les hydrocarbures qui génèrent peu de valeur ajoutée. M. Claude Gressier, directeur du transport maritime, des ports et du littoral au ministère de l'équipement, des transports et du logement notait ainsi que « Marseille qui était le premier port à conteneurs de la Méditerranée voilà dix ans, est le dixième aujourd'hui (...)Par rapport aux ports voisins dotés d'un hinterland, celui de Marseille enregistre une croissance de son trafic de conteneurs variant entre 17 % et 20 % depuis 1990, alors que celui de Gênes a progressé de 100 % et celui de Barcelone de 200 %. ».

Ce déclin relatif s'explique en partie par la situation géographique du port de Marseille. M. Alain Bonnafous, vice-président du Conseil national des transports, explique ainsi que compte tenu des impératifs régissant le transport maritime moderne, « des ports - prenons en un qui n'est pas dans les enjeux majeurs en matière portuaire aujourd'hui - comme Bordeaux présentent le défaut d'être au fond d'un golfe, en l'occurrence celui de Gascogne. ».

Les nouvelles conditions du transport maritime et les stratégies des armateurs ont en effet tendance à privilégier de nouveaux ports totalement artificiels pour organiser les escales de leurs navires de grande capacité. Les grands ports risquent alors de n'accueillir que de petits navires appelés à redistribuer les « boites » chargées et déchargées à Gioia Tauro (Sud de l'Italie) ou Algésiras au sud de l'Espagne.

M. Alain Bonnafous précise encore : « Ces ports ont le mérite formidable d'être sur la ligne qui relie le canal de Suez à Gibraltar ; aussi, les navires qui viennent d'Asie, de l'Océan Indien ou du Pacifique et qui passent par Gibraltar n'ont-ils pratiquement pas de détours à faire pour desservir ces ports. ».

Il ne faut toutefois pas surestimer cette explication. Les difficultés logistiques rencontrées par les chargeurs utilisant le port de Marseille semblent avoir une influence plus importante. A ce sujet, de nombreuses personnes auditionnées ont insisté sur l'importance pour les transporteurs de la fiabilité de l'acheminement qui prime souvent sur la seule rapidité. M. Éric Brassard, directeur du port de Marseille, précisait que « Le « just in time », qui régit complètement les chaînes logistiques internationales actuellement, ne doit pas être compris comme voulant dire le plus vite possible ; cela veut dire arriver à temps. Je vois bien les réactions des chargeurs : « Je choisis le moins cher s'il me permet d'arriver à temps. Si cela prend 2 jours de plus, mais que le différentiel est de 10 %, je le fais ! Si c'est sûr, comme cela coûte un peu moins cher, je le prends ». ». De même, M. Claude Gressier, directeur du transport maritime, des ports et du littoral au ministère de l'équipement, des transports et du logement, notait que « La qualité de service concerne moins la rapidité que le respect des délais d'acheminement prévus et contractualisés. Si vous annoncez à votre client que son conteneur partant de Marseille arrivera à Duisbourg ou à Strasbourg le lendemain matin - très bien ! - ou après-demain matin - tant pis ! -, le délai doit être respecté : il n'est pas question d'acheminer le conteneur trois jours après. ».

Or, de ce point de vue, le principal handicap du port de Marseille paraît être la prédominance du rail pour assurer sa desserte. Une des difficultés du port de Marseille ne relève pas de sa responsabilité. Il s'agit des problèmes rencontrés pour la traversée ferroviaire de Lyon, comme le souligne M. Éric Brassart, directeur du port qui constatait que le port de Marseille avait « l'énorme problème de la fiabilité du transport ferré. Il est à peu près fiable si l'on excepte des incidents divers qui se reproduisent à raison d'un mois par an entre Lyon et Fos. Mais, pour traverser Lyon, cela se passe très mal. (...). Cette perte de qualité des transports ferrés dans la traversée de Lyon et au-delà, dans l'embranchement sur Lyon, nous coûte plusieurs millions de tonnes par an. Du coup, ces tonnages se retrouvent sur Anvers et le Havre parce que les bateaux y vont directement plutôt que de venir ramasser un trafic aléatoire chez nous. ».

M. Brassard soulignait également que « La fiabilité portuaire s'est améliorée, mais pas la fiabilité des activités connexes. On vient de le voir encore avec la SNCF. Le mois de juin [1998] a été bien pire. Cette année [l'an dernier, NDLR], nous avons eu deux mois terribles, avec des conditions qui sont dramatiques : des wagons perdus pendant plusieurs jours en juin. Ce n'est pas compréhensible pour les Japonais. Je les ai reçus, ils nous ont expliqué qu'ils ne comprenaient pas. Tout dépend donc de la route. Celui qui veut un suivi fiable est obligé de passer par la route, les grèves des routiers étant heureusement beaucoup plus rares. Mais la route n'est plus concurrentielle au-delà de 400 kilomètres. On a un système qui nous rend dépendants d'un hinterland de 400 kilomètres. ». L'importance de la fiabilité de la desserte est d'ailleurs reconnue par les principaux intervenants concernés. Ainsi M. Armand Toubol, directeur du fret de la SNCF notait que « Le port de Marseille est, pour la France, un atout majeur. Le port doit cependant offrir à ses clients un service fiable. Le développement des ports de Barcelone et de Gênes est un peu dû au problème de la fiabilité de la chaîne logistique. ».

L'enjeu majeur est donc de garantir dans des conditions de fiabilité satisfaisante la desserte d'un hinterland plus vaste. Ce point a été notamment mis en évidence par M. Claude Gressier, directeur du transport maritime, des ports et du littoral au ministère de l'équipement, des transports et du logement, notant que « des ports importants, tels que ceux de Marseille et du Havre, ne pourront véritablement survivre dans la compétition internationale que s'ils parviennent à se doter d'un hinterland aussi étendu que possible. Bien entendu, la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur et celle de Rhône-Alpes qui est également une grande région industrielle, fournissent des marchandises à importer et à exporter depuis Marseille, mais ce n'est pas suffisant. (...)

L'importance de développer l'hinterland du port de Marseille a également été soulignée par ses principaux responsables. Ainsi, M. Henry Roux-Alezais, ancien président du port autonome de Marseille, estimait que « Pour nous, acteurs économiques, [la liaison Rhin-Rhône] - on ne parle plus du fleuve pour l'instant - vers l'Alsace avec l'ouverture sur la Suisse, le sud de l'Allemagne, est essentielle pour le port de Marseille. Comme nous sommes éloignés d'un certain nombre de centres économiques lourds, et que notre arrière-pays est enclavé, c'est fondamental. Sinon, nous ne serions dans l'avenir qu'un port régional (...) Ce grand axe Rhône-Saône-Rhin est fondamental, d'autant que nos concurrents - Barcelone d'un côté, Gênes de l'autre - ne bénéficient pas d'une telle percée nord-sud. Une fois que l'on a dit cela, il existe aujourd'hui un problème essentiel, c'est le contournement de Lyon. »

Cet enjeu paraît d'autant plus essentiel que le port de Marseille dispose d'atouts formidables qui le rendent susceptibles de jouer un rôle de premier plan en France et en Europe sous réserve que sa desserte soit améliorée. M. Henry Roux-Alezais estimait ainsi que « nous sommes pénalisés par nous-mêmes, en France, par notre incapacité logistique. Nous serions en mesure de doubler l'activité de ce port si nous avions un pré- et post-acheminement fiable et compétitif. ».

Parmi les atouts du port, il signalait notamment la qualité exceptionnelle du site, « le plus beau site portuaire de la Méditerranée. C'est indiscutable du point de vue de la qualité maritime et de l'espace géographique. 10 000 hectares en bord de mer comme à Fos, cela n'existe nulle part ailleurs sur la Méditerranée. ».

En outre, le port de Marseille dispose d'une situation géographique certes excentrée par rapport aux grandes lignes maritimes mais néanmoins très favorable. M. Henry Roux-Alezais notait ainsi que pour le trafic vers le Moyen Orient et l'Extrême Orient, le port de Marseille disposait d'un « avantage compétitif de « transit time », qui compte beaucoup dans la compétition internationale avec la notion de flux tendu » et qui peut représenter jusqu'à cinq jours de mer.

Le port de Marseille bénéficie enfin d'infrastructures extrêmement compétitives. M. Gilbert Payet, secrétaire général pour les affaires régionales à la préfecture de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur  estimait ainsi que « grâce notamment aux fonds européens et à l'objectif II, Marseille dispose aujourd'hui d'atouts très importants : non seulement, elle a des conditions nautiques favorables, mais le port autonome dispose de tous les équipements nécessaires, y compris pour le traitement des très gros bateaux. Il n'y a pas d'investissements lourds à faire aujourd'hui du côté du port autonome, il s'agit davantage d'améliorer la capacité de traitement de la marchandise, une fois que celle-ci quitte le port. ».

Malgré les handicaps qui freinent son développement, l'attractivité du port de Marseille est donc réelle et conduit d'ores et déjà à des succès commerciaux significatifs. Ainsi, M. Claude Gressier indiquait que « l'armement italo-suisse MSC [venait] de développer une ligne venant d'Asie du Sud-Est, faisant escale, non plus à Valence en Espagne, mais à Marseille où des conteneurs destinés aux Etats-Unis sont embarqués et acheminés au Havre par la mer. Là, le transbordement est assuré avec un autre bateau desservant les Etats-Unis. ».

En outre, il est important de noter que le développement d'un port entraîne spontanément une dynamique de croissance. M. Jean-Claude Berthod, président directeur général de Novatrans l'expliquait ainsi : « Que recherche le transitaire qui, finalement, est un mandataire du client, si ce ne sont des départs fréquents ? Les ports d'une certaine ampleur deviennent de plus en plus gros, parce que les Compagnies maritimes sont assurées de trouver sans attendre du fret en quantité. ». Le développement du port de Marseille pourrait donc être très rapide, si un cercle vertueux était établi, combinant l'offre, la logistique et la fiabilité, le trafic générant le trafic.

Toutefois, ce cercle vertueux qui pourrait profiter à Marseille joue à l'heure actuelle à plein au profit de ses concurrents. Il est donc urgent de rendre par la mise en place d'une desserte satisfaisante, sa compétitivité au port de Marseille. L'urgence paraît d'autant plus vive que les infrastructures nouvelles prévues par la Suisse pour relier la Lombardie à l'Allemagne, évoquées plus bas, élargiront considérablement l'hinterland des ports italiens concurrents de Marseille. Il importe donc de consolider dans les meilleurs délais la compétitivité de Marseille. Ce point a été notamment souligné par M. Claude Gressier, directeur du transport maritime, des ports et du littoral au ministère de l'équipement, des transports et du logement qui estimait pour sa part « possible aujourd'hui (...) d'assurer le développement commercial du port de Marseille à condition de se doter d'une bonne desserte terrestre non seulement en Franche-Comté et en Alsace, mais aussi dans le sud et le centre de l'Allemagne. ». Une volonté politique forte peut donc permettre d'assurer le rayonnement d'un grand port français, l'inaction le condamnerait sans doute.

La communauté portuaire de Marseille s'est engagée en 1998 sur une charge portuaire organisée autour des trois axes stratégiques concernant l'évolution de la culture portuaire, un meilleur positionnement européen et une plus forte intégration dans l'environnement local. Cette charte comprend le plan d'entreprise du port autonome de Marseille (Marseille, plan global) qui arrête un vaste programme de conquête de nouveaux marchés (le plan stratégique) et le plan d'actions de la place portuaire. Les quatre priorités stratégiques de « Port global » sont de conforter et développer la filière hydrocarbures/vracs chimiques, accroître fortement le trafic de marchandises conteneurisées, bâtir un hinterland proche de la zone industrialo-portuaire et restructurer durablement les bassins de Marseille. Les besoins d'investissement sont estimés à 350 millions de francs par an d'ici 2004.

La charte portuaire est le plan d'actions arrêté par la place portuaire et ses partenaires habituels : collectivités locales, Etat, partenaires sociaux. Une trentaine d'actions ont été retenues pour « une stratégie de place » conduites autour de trois axes : pour une place portuaire attractive et compétitive autour d'une « conscience de place », pour des trafics diversifiés et en croissance, des activités portuaires valorisées enfin au profit de l'économie locale.

b.- l'intégration de la Suisse au sein d'un espace économique reliant la mer du nord à la méditerranée

Le risque de marginalisation de notre territoire national dans la nouvelle géographie économique de l'Europe qui semble se dessiner est accru par la politique d'insertion de la Suisse au sein de l'axe Hambourg-Gênes.

La Suisse s'est en effet longtemps montrée réticente au développement du trafic au travers de son territoire. Elle imposait en particulier une limite de poids de 28 tonnes aux camions circulant chez elle.

Toutefois, dans le cadre d'un accord bilatéral avec l'Union européenne, la Suisse a accepté de relever cette limite qui passera ainsi à 34 tonnes en 2001 puis à 40 tonnes en 2005. En outre, des contingents croissant progressivement sont prévus jusqu'au 1er janvier 2005, date à laquelle l'accès sera pleinement libéralisé bien que de nouvelles taxes sur les poids lourds renchériront le coût de la traversée de la Suisse.

Les principaux obstacles au développement du trafic à travers la Suisse vont ainsi être progressivement levés. Les pouvoirs publics suisses prévoient en conséquence de construire des infrastructures ferroviaires nouvelles afin d'éviter un engorgement du réseau routier.

Le choix fait par la Suisse est en effet le transport du fret par le rail. La révision constitutionnelle référendaire d'initiative populaire dite « initiative des Alpes » votée le 20 février 1994 complète en effet la Constitution fédérale par un article 3 sexies dont le 2ème alinéa dispose notamment que « les marchandises transitant d'une frontière à l'autre à travers les Alpes sont transportées par le rail », ce qui est d'ailleurs quelque peu contradictoire avec le contenu des accords bilatéraux Suisse-Union européenne de libéralisation du transit.

Outre ses conséquences prévisibles sur l'organisation des transports à l'échelle européenne, cette révision constitutionnelle retient l'attention car elle illustre la possibilité d'une réaction vive de la société civile aux inconvénients nés du développement mal maîtrisé du trafic routier. Cet événement met ainsi en lumière la nécessité d'une politique responsable de gestion des flux. A cet égard, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire marque sur le plan des principes des avancées importantes. Elles devront être traduites sur le terrain et en particulier dans les axes les plus congestionnés telle la vallée du Rhône grâce à la réalisation d'infrastructures susceptibles, notamment par le développement du transport combiné, de limiter les nuisances subies par la population tout en améliorant la qualité et l'efficacité du transport de fret. Il est à cet égard évocateur que M. Raymond Barre puisse évoquer le caractère « épouvantable » des conséquences de la traversée de Lyon par les poids lourds.

La Suisse a, pour sa part, choisi résolument le développement du rail. Pour cela, elle table sur une double stratégie visant à attirer le trafic sur le rail en taxant le trafic routier et en offrant une infrastructure ferroviaire attractive.

A cette fin, est notamment prévue la construction de deux grands tunnels dans le cadre du projet dit ALPTRANSIT. Il s'agira du tunnel du Lötschberg d'une longueur totale de 35 kilomètres et de celui du Saint-Gothard, d'une longueur de 56 kilomètres, pour lequel les travaux débuteront en 2001. Ces tunnels entreront respectivement en service en 2006 et 2012. Le tunnel du Lötschberg permettra de relier Bâle à Milan en passant par Berne tandis que celui du Saint-Gothard, plus à l'Est, permettra de rejoindre l'Italie à partir de Zurich.

Ces tunnels contribueront à la réalisation de nouvelles liaisons ferroviaires à travers les Alpes (projet NLFA). Parallèlement, une modernisation du réseau existant est prévue. L'ensemble des projets décidés représente un coût total de 30,4 milliards de francs suisses (soit plus de 120 milliards de francs français).

Compte tenu de l'ampleur des projets envisagés, il faudra une dizaine d'années pour que l'ensemble des nouvelles infrastructures soient pleinement opérationnelles. Dans une première étape, elles permettront des opérations de ferroutage (camions sur plate-forme ferroviaire). Les infrastructures seront ensuite achevées pour former un véritable transport combiné (conteneur seul), beaucoup plus compétitif. A moyen terme, les décisions suisses risquent donc paradoxalement d'entraîner un important report de trafic de transit sur des axes français pourtant déjà proches de la saturation. C'est là un élément à prendre en compte dans l'élaboration des prévisions de trafic attendu sur l'axe Rhin-Rhône.

A l'issue de ces travaux, deux axes susceptibles de relier la vallée du Rhin, et au-delà Rotterdam, au Piémont et aux ports italiens de Gênes et de Gioia Tauro sans passer par la France deviendront opérationnels. Le risque est donc réel que notre territoire se trouve relégué à la périphérie de l'axe rhénan ainsi renforcé. Il faut donc renforcer les liaisons perpendiculaires sur cet axe.

II.─ CONTRIBUER AU DÉVELOPPEMENT ÉQUILIBRÉ DU TERRITOIRE FRANÇAIS

Le développement du territoire français ne peut plus aujourd'hui être conçu dans un cadre national. Il passe au contraire par une meilleure insertion internationale de notre économie.

Un rééquilibrage, délaissant la configuration « en étoile » autour de Paris est ainsi particulièrement nécessaire pour les régions composant l'axe. Il s'agirait, ne le cachons pas, d'une véritable révolution dans l'organisation des flux d'échanges économiques dans notre pays, puisqu'un axe majeur d'échanges, pour la première fois, ne concernerait pas la capitale.

a.- favoriser, dans l'approfondissement de la construction européenne, le rééquilibrage de l'économie française

La nécessité d'une nouvelle organisation des réseaux structurant le territoire est particulièrement sensible pour les régions composant l'axe. Celles-ci disposent en effet d'une situation privilégiée à l'intersection d'espaces particulièrement dynamiques avec lesquels elles doivent être reliées.

1.- L'organisation du territoire autour de Paris est incompatible avec un développement équilibré de notre territoire

L'organisation de notre territoire national repose aujourd'hui encore sur une configuration, héritée de l'histoire, dans laquelle les infrastructures sont organisées autour de Paris. Cette configuration n'est plus adaptée aux impératifs du développement de notre économie dans le contexte d'une intégration européenne croissante.

a) Une longue tradition

L'organisation de notre territoire autour de Paris résulte de la prédominance politique, économique et culturelle ancienne de la capitale. Le constat en avait été fait éloquemment en 1947 par Jean-François Gravier dans « Paris et le désert français ».

De nombreux facteurs expliquent cette prédominance ancienne tels que la situation géographique exceptionnelle de la capitale avec notamment la convergence de nombreuses voies fluviales (vallées de la Seine, de la Marne, de l'Oise, de l'Ourcq, du Loing et de l'Yonne) et la centralisation politique et administrative monarchique, révolutionnaire puis impériale.

En outre, l'entrée de la France dans la modernité s'est faite autour de Paris, « capitale du 19ème siècle » pour reprendre le titre d'un ouvrage de Walter Benjamin. Nos réseaux de transport se sont donc organisés en conséquence.

Ainsi, la configuration de notre réseau ferroviaire est héritée de la loi Guizot de 1842. Celle-ci dessinait un réseau en étoile dont les six branches, chacune, confiée à un opérateur différent partaient de 6 gares parisiennes différentes vers Le Havre, Lille, Strasbourg, Bordeaux, Marseille et Nantes. De même le réseau routier puis autoroutier, tout comme d'ailleurs le réseau TGV, ont largement été organisés d'une façon voisine, en reprenant d'ailleurs souvent le tracé du réseau du service des postes royales.

Les liaisons transversales restent donc aujourd'hui encore rares. Cette configuration n'est plus adaptée au développement équilibré de notre territoire.

b) Une configuration qui n'est pas adaptée au développement équilibré de notre territoire

Le risque est en effet de voir Paris se rattacher à la mégalopole émergente Milan-Londres, et délaisser les autres territoires français. Le géographe Roger Brunet qualifie cette hypothèse de « scénario suicidaire ». Il implique en effet une Europe intégrée par le Rhin dans lequel l'espace français, et plus encore l'Europe du Sud, deviendrait de fait périphérique.

La DATAR a travaillé sur une hypothèse voisine (1) qualifiée de scénario de « l'éclipse européenne », dénomination reflétant le fait qu'il placerait tous les espaces européens n'appartenant pas à la fameuse « banane bleue » dans une « zone d'ombre » traduisant leur isolement logistique. Selon la DATAR, un tel scénario se caractériserait notamment par le choix d'infrastructures recherchant prioritairement le « branchement sur la banane bleue ». Dans le cas français, cela reviendrait à privilégier les axes :

- Paris-Lille pour accéder à Londres et à la Randstad (conurbation Amsterdam-Rotterdam-la Haye-Utrecht) via Bruxelles ;

- Paris-Strasbourg pour accéder à la face est de la dorsale européenne ;

- Paris-Lyon pour accéder à Turin et Milan.

Il s'agit donc d'une hypothèse dans laquelle la tendance traditionnelle à organiser notre territoire autour de Paris serait poursuivie. Elle vient se combiner avec la dynamique spontanée d'organisation de l'espace européen autour de sa dorsale rhénane. Une telle évolution traduirait le renoncement à tout aménagement du territoire volontariste et obérerait gravement un développement équilibré de la France et plus largement de l'espace européen tout entier.

2.─ Les exigences d'un développement équilibré du territoire

Un développement équilibré de notre territoire national implique des choix d'infrastructures très différents. Il exige bien entendu de prendre acte de la prégnance à l'échelle européenne des axes nord-sud et de l'influence de la dorsale rhénane mais non de s'y résigner. Il importe bien au contraire de s'appuyer sur ces dynamiques en réalisant les infrastructures susceptibles d'en tirer parti. Dans cette perspective, un objectif pertinent semble être celui retenu par la DATAR. Comme l'expliquait M. Jean-Louis Guigou, il s'agit d'organiser l'espace européen afin que se constitue une « échelle dont le premier montant va de Berlin jusqu'à Valence, l'autre venant de Stockholm et allant jusqu'à Madrid. Une échelle, donc, qui prend l'Espagne et qui la tire jusque dans les pays scandinaves ». Une autre métaphore évocatrice évoque un « X européen » constitué d'un bras Dublin-Naples et d'un bras Stockholm-Valence.

Comme le rappelait M. Jean-Louis Guigou « pour bâtir cette échelle, qui est en cours de finition, l'axe Rhin-Rhône est, bien entendu, un élément essentiel. ».

L'axe Rhin-Rhône est appelé à compléter l'axe Londres-Milan comme grand couloir de la circulation des marchandises au bénéfice premier des régions françaises mieux articulées avec la puissance industrielle de la mégalopole européenne qui va d'Angleterre en Lombardie suivant l'axe Londres-Francfort-Milan et dont la partie la plus dynamique est située dans le triangle Munich-Stuttgart-Zurich. L'axe Rhin-Rhône doit se situer en complémentarité avec ce territoire considérable de l'Europe des marchands qui, au Moyen-Âge, a construit le capitalisme et inventé le marché.

Utile au développement des régions concernées, le développement de cet axe serait donc surtout indispensable au développement du territoire national compte tenu des forces centrifuges qui s'exerceraient si les villes françaises de l'Est se rattachaient à la « banane bleue ».

L'Etat affiche une telle ambition. Ainsi, M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, estimait que « les objectifs de l'Etat en matière de services de transport, pour ce qui concerne plus particulièrement l'axe Rhin-Rhône, me semblent être les suivants :

- tout d'abord, le maintien et le développement des grands axes de circulation internationaux. En fonction des situations locales et régionales, il peut s'agir de mettre en place des itinéraires alternatifs, de mieux gérer certains trafics, d'aménager le contournement de grandes agglomérations ;

- ensuite, la fluidité de l'axe Nord-Sud reliant par les vallées de la Moselle, de la Meuse et du Rhin, le Nord de l'Europe - Allemagne et Bénélux - au Sud de l'Europe- littoral méditerranéen, Italie et Espagne ;

- enfin, le développement de cet axe Nord-Sud en contribuant à la structuration de l'arc méditerranéen reliant la Catalogne au Piémont et à la Lombardie, complémentaire de l'axe rhénan. ».

Afficher de tels objectifs est bien entendu louable. Cela est même indispensable si l'on veut conserver une quelconque ambition en matière d'aménagement du territoire. Toutefois, il est bien évident que cela implique la réalisation rapide des infrastructures nécessaires, parfois inachevées, souvent saturées, afin de permettre dans des conditions satisfaisantes l'insertion dans le marché unique des régions composant l'axe.

b.- insérer dans le marché unique les régions composant l'axe

La fluidité du trafic sur l'axe Rhin-Rhône doit constituer un élément essentiel de l'attractivité de ce dernier sur le plan européen. Force est de constater que sur ce point, des efforts sont encore à entreprendre.

1.─ Un axe caractérisé par les obstacles à la fluidité du trafic

L'axe Rhin-Rhône est aujourd'hui saturé autour de Lyon. Les gares de Lyon représentent ainsi 60 % du trafic total de voyageurs dans la région et enregistrent près de huit millions de voyageurs, à l'arrivée ou au départ. En ce qui concerne le trafic de marchandises, ce dernier est réalisé, au niveau intrarégional, par transporteur routier pour sa quasi-totalité (97,5 %). Les trois quarts des échanges avec la Communauté européenne s'effectuent également par la route. Cependant, s'agissant du trafic interrégional, et notamment entre Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte-d'Azur, la part du transport de fret par chemin de fer est, malgré les aléas, très significative (plus de 40 %).

Par ailleurs, l'axe Rhin-Rhône subit des ruptures dans la cohérence des infrastructures en Franche-Comté. Or, cette région « charnière » est amenée à accueillir des flux croissants de marchandises. Le problème du transit et du transport de marchandises a été soulevé par M. Jacques Sicherman, directeur régional de l'équipement en Franche-Comté, citant l'étude prospective multimodale sur le transport de marchandises sur l'axe Rhin-Rhône conduite par ses services. Cette étude « a pour objectifs globaux une estimation de la demande de transport de marchandises à l'horizon 2020, ainsi que l'examen des conditions sous lesquelles le fret pourrait être organisé, dans une optique intermodale, en utilisant les capacités disponibles sur les différents axes du couloir du Rhin au Rhône. ».

Cette étude fait état des ruptures existant en matière d'infrastructures : « le couloir entre le Rhône et le Rhin bénéficie d'une bonne irrigation autoroutière. Il est parcouru par plusieurs autoroutes : les A6 et A39 au sud de Dijon, l'A36 dans la vallée du Doubs, l'A 35 et l'A 5 allemande le long du Rhin. Le réseau autoroutier Nord-Sud ainsi défini présente toutefois des discontinuités : le long de l'A 35, puis entre l'A 35 et le réseau autoroutier allemand. ». En outre, « l'A 31 depuis Beaune vers Nancy-Metz puis vers le nord de l'Europe se présente comme un itinéraire concurrent. ».

En matière ferroviaire, « la ligne Karlsruhe-Fribourg-Bâle en Allemagne constitue un itinéraire Nord-Sud concurrent, et ce d'autant plus que la ligne Karlsruhe-Strasbourg (tronçon Strasbourg-Lauterbourg au nord de Strasbourg) n'est pas électrifiée. (...) Les itinéraires Lyon-Genève et Lyon-Bâle sont concurrents pour un trajet ferroviaire Lyon-Munich mais le second est préféré par la SNCF car le nombre de kilomètres parcourus en France est plus grand. Concernant les gabarits en France, seuls les axes principaux Nord-Sud et Nord-Est sont au gabarit B+. Les itinéraires alternatifs montrent de nombreuses discontinuités. Notamment, la ligne de Franche-Comté, qui est au gabarit B+ entre Dole et Besançon, est au gabarit A entre Dijon et Dole, d'une part, et Besançon et Belfort, d'autre part. Globalement, le réseau français est plus contraignant que les réseaux allemands ou suisses, qui offrent en moyenne un gabarit B+/C. ».

L'étude dresse ainsi la liste des principaux obstacles à un développement du trafic ferroviaire sur l'axe Rhin-Rhône : « la ligne ferroviaire Dijon-Besançon-Mulhouse est peu exploitée pour les liaisons entre l'Allemagne et le Sud de l'Europe du fait du trop faible gabarit de la voie (portion au gabarit A entre Besançon et Belfort) qui interdit, pour le transport combiné, le passage des semi-remorques qui représentent l'unité de transport intermodale dimensionnante européenne et qui sont les plus utiliseés pour le transport routier français notamment : ces flux transitent par le nord en utilisant l'axe Metz-Nancy-Dijon. Ce dernier itinéraire comporte en comparaison un nombre de kilomètres parcourus sur le réseau français plus élevé, ce qui correspond à la logique de développement actuelle des sociétés de chemin de fer.

La connexion au réseau allemand reste médiocre à la frontière allemande : la voie ferroviaire au nord de Strasbourg n'est pas électrifiée jusqu'à Lauterbourg et il n'existe pas de connexion au niveau de Mulhouse qui permettrait un accès direct à l'axe Rhin-Rhône ; les flux allemands en direction du sud de l'Europe se distribuent donc aujourd'hui essentiellement entre la Suisse et l'axe Metz-Nancy-Dijon.

Des phénomènes de saturation voués à se développer fortement apparaissent aux points nodaux du corridor : la confrontation des différents types de flux ferroviaires (régionaux, nationaux, internationaux, passagers et fret) asphyxient les voies au niveau de Dijon, de Lyon et de Strasbourg.

Il existe de sérieuses difficultés liées à la non-compatibilité technique des réseaux nationaux : la signalisation (France/Allemagne), l'électrification (France/Italie), l'écartement des voies (France/Espagne).

La réglementation liée à l'accès des tiers au réseau national constitue un obstacle à la coopération entre opérateurs ferroviaires. ».

La conclusion de cette étude est que même dans l'hypothèse 1 de l'étude de la DATAR sur l'avenir de la répartition des parts de fret entre modes de transport (étude qui sous-estime volontairement dans cette hypothèse la part future du ferroviaire), les infrastructures actuelles seront plus que saturées à moyen terme et ne pourront faire face à la croissance des trafics. En ce qui concerne la situation actuelle, ainsi que le souligne M. Jacques Sicherman, « (...) le transit représente seulement 10 % de l'ensemble des flux. (...) Cela correspond pour l'ensemble du corridor à 429 millions de tonnes.

Le diagnostic met en évidence une prédominance du mode routier (...). Le pourcentage du mode routier en tonnage de marchandises sur le corridor est supérieur au pourcentage national qui est de l'ordre de 80 %.

(...) L'offre routière est attractive alors que l'offre ferroviaire présente un certain nombre d'inconvénients en termes d'organisation et d'adaptation face à la demande. Le fer n'assure que 10 % du tonnage transporté dans le corridor. Le faible gabarit de la voie entre Besançon et Belfort, qui limite le développement du combiné, est un des inconvénients.

L'offre ferroviaire présente encore toute une autre série d'inconvénients, notamment pour les relations internationales. Il s'agit d'inconvénients matériels, ou qui sont liés aux modes d'organisation des opérateurs avec une qualité de service qui ne rencontre donc pas toujours les besoins des usagers.

En matière d'intermodalité, sur notre corridor comme ailleurs, il existe des freins à l'amélioration de la qualité du transport ferroviaire. Nous avons parlé du faible gabarit de la ligne entre Besançon et Belfort. Il comporte de multiples inconvénients, notamment du fait des difficultés de gestion du parc de wagons surbaissés, car les semi-remorques ne peuvent pas être transportées avec des wagons normaux. ».

Les infrastructures ferroviaires actuelles sont donc limitées, et les perspectives de croissance du trafic de fret posent donc le problème de leur saturation future. Toujours selon l'étude menée par la direction régionale de l'équipement de Franche-Comté, et selon les hypothèses citées précédemment, M. Jacques Sicherman précise que « l'augmentation globale [à l'horizon 2020, pour les flux internes d'échange et de transit], est de l'ordre de 40 %. (...) Dans l'hypothèse retenue, le mode routier connaît une augmentation globale, mais théorique, de 50 %. Le mode routier explose donc, ce qui correspond au scénario retenu.

Mais la demande pour le mode ferroviaire augmente également beaucoup, du fait de la croissance de l'ensemble de la demande de transports, à hauteur d'un tiers. (...) Ce mode, selon ce scénario très routier, [a] théoriquement un besoin supplémentaire d'échange et de transit de 16 millions de tonnes dans le corridor. Or, même dans un scénario très routier, du point de vue de l'évolution des coûts, le ferroviaire n'est pas en mesure de tenir sa part de marché, qui est pourtant en diminution. Tel est le résultat essentiel de l'étude dans la phase actuelle. ».

Cette donnée aggrave les contraintes qui pèsent par ailleurs sur la saturation des réseaux routiers et autoroutiers. En ce qui concerne le réseau autoroutier, l'étude multimodale souligne que « du côté Est, le trafic avec l'Allemagne utilise essentiellement l'autoroute A 5 allemande, qui arrive à limite de capacité ; or, l'A 35 qui lui est parallèle du côté français présente certaines discontinuités entre Colmar et Strasbourg (tronçon Sélestat-Colmar et section Nord de la voie rapide du Piémont aux Vosges) et n'est pas connectée au réseau autoroutier allemand par le Nord ; du côté ouest, les principaux points de dysfonctionnement apparaissent entre Beaune et Lyon : les autoroutes A 31 et A 36 rejoignent l'A 6 au niveau de Beaune où le trafic est alors très important jusqu'à Lyon, mais la récente création de l'A 39 permet de décharger cet axe de manière significative ; par contre le véritable point noir se situe à l'arrivée sur l'agglomération lyonnaise. ».

Les phénomènes de saturation pénalisent donc les utilisateurs de l'axe Rhin-Rhône, qui risquent de se tourner vers d'autres axes considérés comme plus performants ou plus fiables. Des efforts sont donc à entreprendre, notamment en matière de transport ferroviaire de marchandises, ce dernier mode constituant, du fait de la saturation du réseau routier, l'unique solution alternative à l'utilisation d'un canal à grand gabarit. Or, le mode ferroviaire présente pour l'instant peu d'avantages.

2.─ Les difficultés de développement du transport ferroviaire en matière de fret

« Le rail retrouvera sa compétitivité à partir du moment où il proposera des délais, des prix, de la fiabilité », estime M. Alain Bonnafous, vice-président du Conseil national des transports. Cette simple phrase montre bien quelles sont, aujourd'hui, les difficultés d'adaptation et de développement du chemin de fer.

Les difficultés de ce mode sont tout d'abord liées à une mauvaise adéquation de l'offre, ainsi que le reconnaît M. Armand Toubol, directeur du fret à la SNCF « les concepts de priorité fret, qui permettent de prendre des engagements plus fermes à l'égard des chargeurs, ne peuvent être mis en application que sur certains tronçons de voies sur lesquels il y a des trafics fret majeurs tout en développant de façon harmonieuse les diverses activités de l'entreprise. Il s'agit clairement de ne pas perdre, du fait de la saturation, la qualité indispensable à l'existence de ces trafics. Les chargeurs se détournent du mode ferroviaire soit parce qu'il n'est pas compétitif, soit parce que sa qualité n'est pas bonne. ».

Ces problèmes d'offre peuvent en partie s'expliquer, selon M. Gaston Bessay, président de l'Institut fer-route-études-transports (IFRET), par le manque chronique de conducteurs, ainsi que par le manque de motrices et de sillons (créneaux de circulation alloués sur les voies). Il s'explique aussi par une productivité insuffisante par rapport aux autres modes, notamment la route, ainsi que l'explique M. Jacques Dumerc, directeur de Novatrans : « le transport routier bénéficie d'une productivité à long terme étonnante puisque, avec l'accroissement du réseau autoroutier ou l'amélioration de la conception des véhicules routiers, la productivité routière est extrêmement forte, autorisant le maintien de prix très bas qui, au surplus, se situent dans un contexte de concurrence acharnée. Le prix du transport ferroviaire est plus difficile à maintenir. La SNCF n'est pas engagée dans la même bataille pour la productivité que la route et, de ce côté-là, nous rencontrons quelques difficultés. ».

Selon M. Jean-Claude Berthod, président directeur général de Novatrans, aux problèmes d'infrastructures mal utilisées s'ajoute celui de la fiabilité du mode ferroviaire. S'interrogeant sur la bonne utilisation des sillons, il estime qu'il faut « reconnaître la difficulté à diriger une entreprise telle la SNCF, qui appelle une technique compliquée, des exigences fortes de sa clientèle comme des exigences des pouvoirs publics. (...) Il est certain que la mise en service de TER qui s'opère à l'heure actuelle à un rythme soutenu, notamment en région Rhône-Alpes, mobilise des sillons qui pourraient être utilisés par des trains de fret. De fait, se posent des problèmes d'horaires marqués d'irrégularité ; c'est pourquoi le transporteur revient à la route, (...). Par ailleurs, une vérité n'est pas agréable à entendre, mais force est de reconnaître que moins de grèves à la SNCF permettrait une plus grande régularité. ».

Ces problèmes de ponctualité ont été très souvent soulignés lors des auditions. Ainsi, M. Claude Gressier, directeur du transport maritime, des ports et du littoral au ministère de l'équipement, des transports et du logement, a insisté sur la nécessaire qualité de service du transport ferroviaire : « (...) le délai doit être respecté : il n'est pas question d'acheminer le conteneur trois jours après. Or comme vous le savez, en mai et juin [1998] notamment, alors que la SNCF enregistrait une forte augmentation du trafic de marchandises et de voyageurs, les conducteurs et les locomotives étaient en nombre insuffisant. Les voyageurs étant de facto prioritaires, la SNCF a affecté des conducteurs et des locomotives aux trains de voyageurs, et ce au détriment des trains de marchandises. Ainsi en deux mois, 300 trains ont été perdus dans la nature, si je puis dire, ce qui a généré des délais d'acheminement absolument épouvantables. La situation s'est légèrement améliorée depuis mais pas suffisamment. En tout cas, le transport combiné a accusé une chute massive, alors qu'il enregistrait régulièrement, et ce depuis quelques années, une croissance annuelle de l'ordre de 10 %. ».

Se pose également le problème des concurrences exacerbées existant entre le fer et la voie d'eau sur la navette Lyon-Marseille, comme en témoigne M. Jacques Estour, président de l'Office interconsulaire des transports et des communications du sud-est : « la région lyonnaise et Marseille ont été choquées par l'action de la SNCF ces derniers temps concernant le transport des conteneurs entre Lyon et Marseille. Des navettes fluviales ont été organisées. C'était l'idéal : on chargeait des boîtes à Lyon et elles allaient directement à Marseille. La SNCF est allée voir tous les chargeurs qui utilisaient cette voie fluviale et leur a demandé leur facture fluviale, leur offrant une réduction de 10 % par rapport au prix pratiqué pour passer par la voie ferrée. La SNCF est en train de tuer la navette fluviale au profit d'une navette ferrée. Quand on connaît le résultat d'exploitation de la SNCF à la fin de l'année, les cinquante et quelques milliards de déficits, cela fait mal, parce que quand on parle de la lutte entre les modes de transport, le problème n'est pas de tuer l'un ou l'autre. Quand on a 50 % de croissance de trafic de marchandises à gérer, on sait que, dans les quinze ans à venir, il faudra augmenter de 50 % les capacités de transport. Il faut donc que la SNCF continue de progresser, que la voie routière continue de progresser et que la voie fluviale continue aussi. Il ne s'agit pas qu'ils se tuent l'un l'autre. Ce n'est pas ainsi qu'ils progresseront. ».

Ce problème a également été évoqué par M. Claude Gressier : « la navette ferroviaire, comme toutes les navettes du reste, a eu du mal à démarrer compte tenu de la nécessité d'un certain volume pour assurer sa rentabilité. D'emblée, elle a été toutefois aidée par le port ou la place portuaire en général, ce qui n'a pas été le cas pour le fluvial. Il est donc tout à fait exact qu'une distorsion de concurrence s'est produite au départ. Compte tenu d'une montée en puissance relativement rapide, nous avons décidé, mon collègue directeur des transports terrestres et moi-même, de supprimer les subventions qu'allouait le port de Marseille à cette navette ferroviaire. Cette navette, entre le port de Marseille et la CNC [Compagnie nouvelle des conteneurs], est maintenant purement commerciale ; elle est aujourd'hui en concurrence normale et loyale avec le trafic fluvial de conteneurs assuré par la CFT. ».

En, effet, une infrastructure déficiente sur un mode reporte les trafics sur un autre. C'est le cas du ferroviaire vers le routier. Mais c'est également le cas à l'intérieur du mode ferroviaire : la saturation des lignes par le trafic voyageurs nuit au développement du fret ferroviaire. Les grands chargeurs sont conscients de l'interpénétration de ces problèmes.

Le manque de compétitivité et de fiabilité du mode ferroviaire, associé à un maillage tant ferroviaire que routier par endroit déficient, handicape les grands chargeurs des régions concernées. Les représentants du groupe PSA, bien implantés en Alsace en Franche-Comté, ont ainsi fait état de leurs difficultés. Selon M. Roger Garnier, directeur du centre de production de Sochaux, « dans cette zone située entre Langres, Besançon, et Mulhouse, trois grandes implantations fabriquent des voitures mais aussi des pièces mécaniques, avec des flux d'échanges très importants. Un autre centre est situé à Vesoul. Il fabrique également des pièces, mais a un rôle pour expédier partout dans le monde des produits automobiles sous forme de pièces de rechange. C'est également un centre d'expédition de collections à destination des usines d'assemblage dans le monde entier. (...) Or, pour développer ces échanges nombreux et variés dans des conditions optimales, il faut naturellement des moyens de communication modernes et rapides avec les autres grands axes européens. Dans la région de Vesoul, plus de 120 000 camions par an devront transiter. Des réseaux autoroutiers seront indispensables pour approvisionner les centres et usines de montage et communiquer avec les nombreux fournisseurs implantés dans la région, afin de satisfaire les exigences du « juste à temps », mode de logistique impératif pour réduire nos coûts.

Cela ne peut se faire sans avoir de liaisons efficaces. Parmi ces liaisons nécessaires, il est impératif, pour l'avenir de la région du nord Franche-Comté et du sud de l'Alsace, de disposer d'un moyen de communication est-ouest, pour l'instant absent de la toile d'araignée (...). Sur le tracé actuel, on constate deux axes parallèles, avec l'autoroute A36 qui rejoint Beaune. Pour maintenir une activité forte en matière automobile dans cette région, sud Alsace, nord Franche-Comté, il manque la liaison nécessaire qui alimenterait l'axe Rhin-Rhône. Si on veut que cet axe soit le plus profitable à cette région, un barreau doit relier le nord de l'Europe avec l'Angleterre. Vous savez que notre groupe a une usine en Angleterre. Les 206 sont fabriquées à Mulhouse et à Ryton. Nous insistons sur le TGV, qui figure en bonne place, et sur l'aspect routier. ».

L'ensemble de ces contraintes freine d'autant le développement des régions situées sur l'axe Rhin-Rhône, et leur intégration dans le marché unique. Il semble donc nécessaire de mettre en _uvre des mesures permettant à ces régions d'accroître leur attractivité et leur poids dans une perspective européenne.

3.─ Accroître le rayonnement économique et touristique des régions de l'axe Rhin-Rhône

Afin de concilier croissance économique et touristique, développement durable et emploi, il est nécessaire d'accroître la dimension des zones de rayonnement économique des grandes agglomérations situées sur l'axe, tant avec les autres régions françaises qu'au sein de l'ensemble communautaire.

a) Mettre en place une coopération interrégionale

« Nous ne vivons plus dans un monde où l'on peut rester repliés sur nos régions. On le voit bien, nous sommes interdépendants pour de nombreuses choses (...). ». Cette interdépendance, soulignée par Mme Anne-Marie Comparini, présidente du Conseil régional de Rhône-Alpes, a été relevée par la majorité des interlocuteurs rencontrés par la mission. Ce constat appelle une question : cette interdépendance constatée, ne faudrait-il pas envisager une coopération à l'échelle interrégionale et transfrontalière dans une optique de développement de l'axe Rhin-Rhône dans son ensemble, et quelle forme celle-ci pourrait-elle prendre ?

Une telle nécessité a été évoquée par Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, qui a estimé qu'il importait « de repenser les solidarités sur cet axe, qui doit être conçu non pas comme un simple axe de transit, comme une sorte de boyau de transport, mais bien comme une opportunité essentielle de développement territorial. ».

De même, M. Jacques Lesire, président de la Chambre régionale de commerce et d'industrie de Franche-Comté, « il serait dommage de réduire l'axe Rhin-Rhône à un seul couloir d'échanges, même multimodaux. Car les enjeux européens en font un arc de développement important pour nos régions et pour les échanges entre pays du Nord, pays de l'Est et pays méditerranéens. (...)

[Des] projets de développement doivent aussi s'intégrer dans [l'eurocorridor], et être inclus dans le SDEC [Schéma de développement de l'espace communautaire] : les trois régions Alsace, Rhône-Alpes et Franche-Comté sont certes de taille différente, mais leur caractère très industriel est affirmé, d'autres secteurs sur la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ayant aussi cette caractéristique. C'est pourquoi il me paraît utile de réfléchir à nos potentiels. Les nombreuses entreprises de sous-traitance franc-comtoises participent à des salons professionnels. Pourquoi ne pas un jour se fédérer ? (...)

La frontière avec la Suisse constitue une autre originalité de nos territoires : n'y a-t-il pas un intérêt à échanger des informations relatives à nos actions respectives, par exemple dans le cadre des programmes Interreg, de Mulhouse à la Savoie, en passant par la Franche-Comté ?

D'autres pistes peuvent également exister pour valoriser nos potentiels, notamment en ce qui concerne la fréquentation touristique qui emprunte le couloir rhodanien et qui constitue un gisement considérable au regard d'autres régions ; notre armature urbaine ; nos réseaux d'écoles ou filières universitaires. Autant de domaines où il n'y a pas eu beaucoup de réflexions prospectives en dehors des travaux de la DATAR - mais sans concertation - et où les acteurs économiques et les concitoyens montrent les voies à venir, puisque notre proximité géographique engendre spontanément des échanges et des relations dans tous ces domaines. ».

Si la volonté de coopération apparaît clairement lors des auditions qui ont été menées, elle peine à se concrétiser. La prise de conscience d'intérêts communs ne s'est que rarement traduite, dans les faits, par de véritables actions communes sur des secteurs bien déterminés. C'est cette difficulté qui a été évoquée par M. Bernard Chaineaux, directeur général des services du Conseil régional de Franche-Comté : « au-delà des déclarations en faveur du grand Est, pour une coopération Bourgogne - Franche-Comté et peut-être demain Franche-Comté - Rhône-Alpes, il n'est pas si facile que cela d'arriver à concrétiser de véritables coopérations induites ou accompagnées, voire inspirées par la volonté des collectivités : région Franche-Comté, x, y ou z qui nous entourent. Les régions savent organiser leur développement, elles en ont en tout cas la volonté. On ne sait pas trop ce que l'on doit faire avec la région voisine. Ce n'est pas facile, car de nombreuses règles Institutionnelles rendent les choses difficiles, sans compter quelques problèmes d'esprit de clocher.

Heureusement, les autres acteurs privés ou publics ne nous ont pas attendu pour mettre en _uvre des coopérations. Les hôpitaux de Dijon et Besançon travaillent ensemble. Les universités de Dijon et de Franche-Comté également. Une multitude d'organisations publiques ou privées, les banques, SNCF, EDF, ont déjà des organisations territoriales qui font abstraction des frontières entre nos deux régions. ».

Le problème est donc moins celui de la volonté de coopération que celui de savoir sur quels domaines pourrait porter une telle coopération, dont le principe recueille l'assentiment de tous. Le secteur dans lequel la coopération paraît le plus nécessaire, et sans doute la plus facile à instaurer, est celui de l'enseignement supérieur et de la recherche. La coopération intellectuelle pourrait ainsi être développée grâce aux réseaux nouveaux de communication qui permettent la coopération universitaire, par le biais de relations individuelles d'universitaire à universitaire.

Une coopération interrégionale entre agglomérations pourrait également renforcer la cohérence de l'axe et accroître son attractivité, notamment pour ses zones fragiles, comme en Franche-Comté.

Bien entendu, la coopération nécessite de bons réseaux de communication entre les régions intéressées. C'est le point souligné par M. Bernard Chaineaux, directeur général des services de la région Franche-Comté : « entre les services de l'Etat (...) et les services de la région (...), la question a été posée plusieurs fois : en quoi, sur quoi pourrait-on travailler ensemble ? Comment ? Ce n'est pas facile. Certes, le problème des réseaux de transport se pose. Il détermine la possibilité de travailler ensemble, de se rejoindre, de se rencontrer, etc., et concerne l'ouvrage, l'infrastructure, l'autoroute, la route nationale. ».

En effet, au-delà des intentions de coopération, la valorisation de l'axe passe par un développement des infrastructures existantes, voire par la création d'infrastructures nouvelles.

b) Moderniser l'équipement en infrastructures

L'ensemble des personnes auditionnées a fait part à la mission de leurs attentes en matière de demandes d'infrastructures nouvelles, d'aménagement ou de modernisation de l'existant, notamment dans le domaine des transports.

· Poursuivre la modernisation du premier port français : Marseille

Il a déjà été souligné que le port de Marseille bénéficie d'une situation géographique très favorable à son développement, puisqu'il constitue la porte d'entrée « naturelle » des flux de marchandises provenant de la Méditerranée. L'amélioration de sa desserte et la modernisation de sa logistique sont essentiel à son avenir.

Toutes les possibilités offertes par le considérable couloir de circulation de marchandises que constitue la voie d'eau du Rhône, accessible aux navires de 4 000 tonnes, n'ont probablement pas été exploitées. Une batellerie insuffisante, des ports fluviaux mal équipés au-delà d'Arles, une perte de confiance après la remise en cause du grand canal Rhin-Rhône ont handicapé une meilleure utilisation du fleuve au-delà d'Arles. Dans l'attente d'une relance de l'utilisation de cette voie navigable, le port autonome de Marseille a décidé d'améliorer l'utilisation du réseau ferré entre Lyon et Marseille dans le cadre d'un accord passé entre les deux cités en 1997. En effet, comme le remarque M. Éric Brassart, « elle ne devient concurrentielle par rapport au fer qu'à partir d'une zone d'environ 400 kilomètres de distance, mais elle n'est performante, efficace de point à point, et donc rentable que si l'on charge des marchandises au long de la voie. Or, malheureusement, sur le Rhône, entre Arles et le sud de Lyon, il y a très peu d'usines au bord de l'eau. (...) Il n'est donc pas envisageable de développer fortement le trafic fluvial pour desservir le port de Fos sur les trafics traditionnels, parce que nous sommes sur une zone où l'on n'a pas les moyens de massifier pour baisser les prix par rapport au fer, compte tenu des distances que l'on a à gérer. Le créneau de développement est celui que le port de Marseille a développé depuis deux ans sous l'autorité du président et de mon prédécesseur : ce sont les navettes en direction de Lyon qui sont bimodales, à la fois la navette ferrée et la voie d'eau. ».

La desserte ferroviaire du port de Marseille constitue un enjeu important pour améliorer la compétitivité de ce dernier, compte tenu de l'encombrement de l'axe routier nord-sud qui dessert l'hinterland du port. Ce point a été largement soutenu par M. Claude Gressier, directeur du transport maritime, des ports et du littoral au ministère de l'équipement, des transports et du logement. Selon ses estimations, « la part de marché du mode terrestre du port de Marseille-Fos est de l'ordre de 75 % à 80 %, sachant que celle afférente au transport fluvial représente entre 3 et 4 %. Le problème essentiel est celui de l'axe nord-sud, un axe extrêmement encombré, comme vous le savez, notamment par un trafic de poids lourds très important. (...) Les difficultés diverses, notamment dans le domaine environnemental, qui freinent le bouclage de l'autoroute A 51, peuvent présenter un handicap pour le développement du port en raison de la concentration des trafics sur l'autoroute A 7, l'axe nord-sud Marseille-Lyon-Beaune.

La desserte ferroviaire ne représente aujourd'hui que 15 % à 19 % du trafic, mais il est clair que, dans une stratégie de développement d'un port et de massification, la part de marché du ferroviaire devrait augmenter. La mise en service de navettes ferroviaires, c'est-à-dire de trains complets chargés de conteneurs à destination de différentes villes de France ou de l'étranger, devrait permettre d'obtenir des prix de revient et des conditions de qualité d'acheminement bien supérieurs à ceux offerts par la desserte routière. Au titre de la massification et de la qualité de desserte, le transport ferroviaire revêt donc une importance particulière. ».

Cette volonté d'accroître la part du mode ferroviaire en tant que mode de desserte du port a également été exprimée par M. Éric Brassart, directeur du port autonome de Marseille, qui considère que la part de la route devrait être ramenée à 50 %, afin de reporter la croissance du trafic sur le mode ferroviaire. Ainsi, il estime qu'il « paraît souhaitable que le fer passe de 30 à 40 % des acheminements du port de Marseille. Compte tenu de la croissance des trafics à traiter, cela impliquerait un doublement du trafic pré et post acheminé par le fer d'ici 2004. ».

L'ouverture sur les grands marchés de l'Europe du nord passe aussi, pour la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, par les implications attendues de la grande opération d'intérêt national « Euroméditerranée ». Cette grande opération d'aménagement et de développement ne répond pas seulement à la nécessité urbanistique de structurer 313 hectares entre port et centre-ville. Géostratégique, elle entend construire un carrefour d'échanges entre les pays du sud et les pays du nord en développant des fonctions d'internationalisation par l'accueil d'entreprises du secteur du commerce international, des services logistiques, des télécommunications et en développant un grand pôle de rencontres internationales par la création d'une place d'affaires pour les pays de la Méditerranée et de l'Asie. Un programme d'investissement public de 1,7 milliard de francs sur cinq ans est déjà engagé.

Pour consolider les relations économiques entre Provence, Alpes, Méditerranée et Piémont, au-delà de la Suisse et de l'Allemagne, de meilleures conditions de circulation avec la vallée du Pô passent aussi par la construction d'un tunnel ferroviaire sous le Montgenèvre qui désenclaverait la région dans le sens de l'axe Rhin-Rhône.

L'ensemble des besoins en ce qui concerne le port de Marseille a ainsi été résumé par M. Jean-Claude Gaudin, sénateur-maire de Marseille : « il est aujourd'hui impératif de développer un corridor ferroviaire adapté à la desserte de Marseille et de son port pour développer le transport combiné. C'est un outil adapté à la desserte terrestre des grands ports - notamment au trafic de conteneurs - et des grandes agglomérations par ses possibilités de massification des flux. La ville de Marseille demande la modernisation urgente de la gare de transport combiné du Canet aujourd'hui vétuste et saturée ; une étude sur les investissements nécessaires à long terme pour un axe ferroviaire complet de Marseille à Mulhouse qui va entraîner la réalisation prioritaire du contournement de Lyon ; une étude sur les mesures réglementaires de valorisation de cet axe (priorité des circulations fret, tarifs, concurrence, Association du port de Marseille au suivi de l'exploitation et de la qualité de la prestation SNCF, etc.). ».

L'enjeu consiste donc à assurer au port de Marseille une place attractive, en tant que porte rhodanienne ouverte aux marchandises en provenance du bassin méditerranéen, grâce à des infrastructures modernisées susceptibles de concurrencer celles des ports méditerranéens italiens ou espagnols.

· Garantir la place centrale de Lyon et de la région Rhône-Alpes au sein de l'arc alpin

S'agissant de Lyon, la ville est aujourd'hui un maillon essentiel de l'axe Rhin-Rhône : elle constitue un passage quasiment obligé pour le trafic de marchandises, qu'il suive une orientation est-ouest ou nord-sud. Cette place centrale garantit le développement de Lyon ; mais elle est également source de contraintes. Le trafic routier conduit à de véritables engorgements et à une dégradation de l'environnement ; le trafic ferroviaire est actuellement très chargé, et pose le problème de l'insuffisance de sillons disponibles pour le trafic fret.

Lors des auditions menées par la mission, ont pu être constatées de fortes attentes en termes de contournement routier et ferroviaire de Lyon. Sur ce point, ainsi que l'a précisé M. le maire Raymond Barre, la priorité de la ville porte sur son contournement Est. Le contournement autoroutier par l'autoroute A 79 est également fortement attendu, il s'agit de la Cévenole, c'est-à-dire d'un doublement dans la vallée du Rhône jusqu'à sa bifurcation vers Béziers, afin de désengorger les parties de l'autoroute les plus engorgées, à savoir Valence-sud, Orange et la région de Montpellier. Une autre voie de désengorgement, qui permettrait de fluidifier le trafic de marchandises, est également souvent évoquée : il s'agit de consacrer la rive droite du Rhône exclusivement au trafic de fret. Elle est en effet « une des rares voies en France qui pourrait être dédiée à 100 % à la marchandise. Il y a là des possibilités d'utilisation, mais tant que les n_uds de Nîmes et de Lyon ne seront pas dénoués, son utilisation restera limitée », selon M. Jacques Estour, président de l'Office interconsulaire des transports et des communications du Sud-Est. Cette option a été également évoquée par M. Éric Brassart, directeur du port autonome de Marseille.

En matière fluviale, des attentes existent en termes de navigabilité de la Saône et du Rhône. Ainsi que le déclare M. Jacques Estour, Voies navigables de France dispose d'un budget insuffisant pour entretenir l'ensemble des voies navigables. Par conséquent, « dans la vallée du Rhône, dans le canal Saône-Rhône, le flux des alluvions qui arrivent tous les ans provoque un engorgement progressif et si l'on n'entretient pas, par des dragages systématiques, le chenal de navigation de la vallée du Rhône, on diminue les capacités d'utilisation du fleuve. (...) Il y a donc une série d'investissements à poursuivre le long du couloir Saône-Rhône qu'il ne faut pas abandonner. ». En effet, au-delà du port Édouard Herriot, qui se spécialise de plus en plus dans le trafic de conteneurs, les porte-conteneurs en provenance de Marseille-Fos ne peuvent plus circuler, faute d'un tirant d'eau suffisant. Ces attentes ont été également exprimées par M. Gilbert Jauffret, président de la Chambre de commerce et d'industrie du pays d'Arles, qui estime qu'il est indispensable de draguer la Saône, afin de permettre le passage des convois au gabarit européen, notamment en amont de Chalon.

Mais les besoins exprimés en matière d'infrastructures ont porté, pour beaucoup, sur l'axe ferroviaire Lyon-Turin. Cet axe n'est pas perçu comme un concurrent potentiel de l'axe Rhin-Rhône, mais plutôt comme son complément. Il ne s'agit pas, par sa réalisation, d'exclure le Sud-Est de la France des échanges, mais bien d'ancrer la région lyonnaise dans les grands flux européens, qui pourraient ainsi irriguer en retour le sillon rhodanien. La réalisation d'un tunnel ferroviaire sur l'axe Lyon-Turin permettrait d'éviter les détournements de trafic de l'Espagne vers le nord de l'Europe à travers l'axe Barcelone-Gêne par voie maritime. Une amélioration des liaisons ferroviaires entre Marseille, Lyon et l'Italie s'avère en effet indispensable, tant pour garantir l'activité du port de Marseille que pour préserver la place de Lyon dans l'arc alpin.

· Engager rapidement une meilleure desserte de la Franche-Comté

Comme nous l'avons vu précédemment, la région Franche-Comté souffre d'un manque important d'infrastructures. Les attentes en la matière se focalisent essentiellement sur la réalisation du TGV Rhin-Rhône et notamment sur sa branche sud. Ce projet devrait ainsi permettre de désenclaver le Jura et le Doubs.

Les attentes se portent également sur le développement des infrastructures dédiées au fret. Cela implique en particulier la mise à gabarit B + de la voie située le long du Doubs, entre Besançon et Belfort. Cette voie accueille tant le trafic voyageurs que le trafic fret. Cette situation conduit à des blocages auxquels il convient de remédier. D'après M. Christian Proust, président du Conseil général de territoire de Belfort, « le gabarit actuel renchérit de 50 % environ les coûts du transport pour le transport combiné, mettant le transport ferroviaire dans une situation non compétitive par rapport à la route. ». Notamment, il pourrait être envisagé d'avoir un recours plus intensif à la ligne du Revermont, électrifiée avec l'aide financière des collectivités locales, et qui est actuellement sous-utilisée alors qu'elle constitue l'axe le plus direct entre la Méditerranée et l'Alsace.

En ce qui concerne les infrastructures routières, plusieurs éléments ont été évoqués. En premier lieu, une amélioration des conditions de circulation sur l'autoroute A 36 semble nécessaire, cette dernière accueillant tant du trafic urbain que du trafic longitudinal. Les deux trafics étant confondus, la sécurité et la fluidité du trafic global sont remises en question, notamment entre Montbéliard et Mulhouse. Par ailleurs, il convient de mener à leur terme les travaux conduits sur la RN 57 (axe européen E 23) car c'est un élément primordial, puisqu'elle couvre la Lorraine, la Franche-Comté, la Suisse et l'Italie, notamment le contournement de Besançon, et de toute la partie au sud de Pontarlier en direction de la Suisse.

Enfin, le besoin se fait fortement ressentir de la réalisation d'une liaison entre Paris et le nord de la Franche-Comté, c'est-à-dire l'axe de la RN 19. De récentes décisions prises vont d'ailleurs dans ce sens.

L'ensemble des attentes en termes d'infrastructures en Franche-Comté concernent donc le nécessaire désenclavement de cette région, ainsi qu'une amélioration des infrastructures existantes, afin d'éviter leur saturation.

· Mieux insérer la région Alsace dans la logique de l'axe Rhin-Rhône et de contribuer à approfondir ses relations avec l'Europe du Sud

La région Alsace bénéficie d'une situation avantageuse du point de vue des échanges européens. Néanmoins, il serait hâtif de considérer que son insertion dans la logique de l'axe Rhin-Rhône, en tant que sillon européen, est achevée. Cette région est en effet exposée au risque d'être contournée par les flux économiques, comme cela est déjà le cas pour certains flux de marchandises. La région est donc particulièrement concernée par l'axe Rhin-Rhône, comme en témoigne la décision des collectivités locales en ce qui concerne leur contribution aux investissements complémentaires nécessaires à la mise en _uvre du projet de TGV Est : 25 % pour le département du Bas-Rhin, 12,5 % pour la communauté urbaine de Strasbourg, 12,5 % pour le département du Haut-Rhin, Colmar et Mulhouse, et 50 % pour la région Alsace. En matière d'infrastructures ferroviaires, les attentes portent donc sur ce projet, associé au TGV Est, ainsi que sur la liaison ferroviaire avec l'Allemagne, notamment entre Mulhouse et Müllheim, le franchissement du Rhin ayant lieu au pont de Chalampé. Cette voie unique pourrait être utilement doublée afin de faciliter le transit entre les deux pays.

Des besoins se font également sentir en matière d'équipements fluviaux. Ainsi, la remise en conformité du canal Freycinet paraît nécessaire. M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes, a d'ailleurs cité « la réhabilitation du canal Freycinet, paradoxalement sous-équipé et sous-utilisé depuis des décennies du fait même du projet de grand canal » parmi les investissements qui lui semblaient prioritaires.

Ce canal continue en effet d'accueillir une navigation commerciale de 200 à 300 tonnes en provenance du bassin méditerranéen, notamment avec les ports rhénans de Huningue, Ottmarsheim et de l'Ile Napoléon. En outre, compte tenu des perspectives de développement du tourisme fluvial évoquées notamment par Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, et par M. François Bordry, président de Voies Navigables de France (VNF) qui a précisé que cet établissement public avait « de grandes ambitions touristiques sur le canal du Rhône au Rhin », des aménagements paraissent nécessaires sur le canal Freycinet.

En effet, le tourisme fluvial est une activité qui s'est particulièrement développé depuis une vingtaine d'années sous diverses formes de navigation sur les fleuves, rivières et canaux, en bateaux individuels privés ou de location, en bateaux à passagers, péniches-hôtels, paquebots fluviaux mais aussi par les pratiques du nautisme de proximité telles que le canotage, la pêche en barque, l'aviron, le canoë-kayak ou la voile. On considère aussi comme faisant partie du tourisme fluvial les activités de loisirs pratiquées le long de la voie d'eau : le vélo, les randonnées pédestres, la pêche, les visites d'ouvrages ou de musée...

Aujourd'hui, le tourisme fluvial s'apparente au tourisme vert dont il représente un des éléments de diversification et d'allongement de la fréquentation touristique. Il bénéficie aussi d'un indéniable effet de mode, alors que les potentialités du réseau et du parc de bateaux restent encore sous-exploitées sur le marché français. Le tourisme fluvial constitue donc une opportunité réelle pour des régions d'ores et déjà engagées en faveur du développement du tourisme vert, telle la Franche-Comté.

Des effets importants sont envisageables en matière de développement économique. Aujourd'hui, l'ensemble de cette activité, qui représente ainsi 3 000 emplois directs et plus d'un milliard de francs de chiffre d'affaires génère une série d'effets induits : construction, vente et entretien de bateaux, traiteur pour les bateaux à passagers, restauration, haltes et ports de plaisance. On peut estimer en première approximation que les retombées économiques du tourisme fluvial sur les zones traversées représentent l'équivalent du chiffre d'affaires généré par l'activité elle-même.

Cette activité de navigation fluviale est aujourd'hui répartie pour l'essentiel sur trois secteurs : le canal du Midi, la Bourgogne et les canaux du Centre, et enfin l'Alsace de fréquentation récente.

L'Etat favorise les opérations de rénovation du réseau dans le cadre de l'établissement des contrats de plan Etat-régions. En dehors des contrats de plan, Voies Navigables de France participe à un ensemble de programmes de rénovation des canaux du centre de la France associant l'établissement public aux régions (Bourgogne, Centre, Franche-Comté, Rhône-Alpes) et aux départements (Loiret, Nièvre, Côte d'Or...). Ces opérations de rénovation ont porté sur les canaux de Bourgogne, du Nivernais et du Centre. Le montant des dépenses annuelles correspondantes est de 40 à 60 millions de francs par an, pris en charge pour la moitié par Voies Navigables de France et les collectivités locales. Compte tenu du potentiel touristique du canal Freycinet, des efforts similaires notamment pour la modernisation des écluses et l'aménagement des berges semblent nécessaires.

M. François Bordry, président de Voies navigables de France, s'est ainsi déclaré persuadé « qu'il sera possible, si le canal est remis en état dans des conditions convenables, si les équipements d'accueil du tourisme et de la plaisance qui doivent accompagner l'infrastructure sont organisés - si on établit, par exemple, un schéma directeur du tourisme fluvial sur cet axe et que l'on étudie quels types de halte nautique ou de port de plaisance sont à prévoir de façon à ce que les équipements accompagnent le développement sans se concurrencer - de largement dépasser le cap de 3 000 bateaux par an en moyenne, voire celui de 4 000 ou 5000 bateaux en certains endroits. ».

M. Bordry a précisé que la « Saône vers Gray reçoit plus de 6 000 bateaux par an, ce qui permet d'affirmer qu'il existe certainement un très fort potentiel » et que si « le trafic de plaisance sur le canal du Rhône au Rhin est faible pour le moment. (...). Une telle situation s'explique en grande partie par le manque d'entretien et l'insuffisance de l'aménagement touristique. ».

Enfin, des aménagements routiers sont aussi nécessaires, tant pour établir une liaison Nord-Sud efficace que des liaisons transversales. Ces aménagements devraient permettre de remédier, autant que faire se peut, à l'engorgement de la région mulhousienne du fait du trafic de poids lourds.

C'est donc par un ensemble de mesures tendant à accroître l'efficacité des différents modes de transport et leur compétitivité sur l'axe Rhin-Rhône que ce dernier pourra accroître son rayonnement en tant qu'axe essentiel de l'aménagement du territoire européen. Une politique volontariste en la matière est donc souhaitable, afin de renforcer la cohérence et la continuité des régions situées sur cet axe stratégique.

Enfin, des aménagements routiers sont aussi nécessaires, tant pour établir une liaison Nord-Sud efficace que des liaisons transversales. Ces aménagements devraient permettre de remédier, autant que faire se peut, à l'engorgement de la région mulhousienne du fait du trafic de poids lourds.

C'est donc par un ensemble de mesures tendant à accroître l'efficacité des différents modes de transport et leur compétitivité sur l'axe Rhin-Rhône que ce dernier pourra accroître son rayonnement en tant qu'axe essentiel de l'aménagement du territoire européen. Une politique volontariste en la matière est donc souhaitable, afin de renforcer la cohérence et la continuité des régions situées sur cet axe stratégique.

CHAPITRE TROIS : DÉFINITION DES PRIORITÉS ET MOYENS DE LEUR FINANCEMENT

La construction du marché unique et l'intégration de la France dans l'Union européenne nécessitent de redéfinir la stratégie et les schémas de développement économique.

Ainsi qu'on l'a vu précédemment, l'axe Rhin-Rhône, par sa position géographique au c_ur de l'Europe, mais aussi par l'importance de son poids économique, par ses capacités de développement et ses facultés d'adaptation aux mutations, constitue un élément essentiel de la rupture avec la structure traditionnelle centrée sur Paris. Il représente aussi la chance, pour la France, de tirer profit du recentrage vers l'Est de l'Union européenne, cette donnée géopolitique devenant ainsi un atout du développement équilibré de notre pays.

Afin d'atteindre cet objectif, le renforcement de l'intégration de l'Est de la France dans l'économie européenne requiert une circulation plus libre et plus intense des personnes, des informations, des marchandises et des services.

Toutefois, cette ouverture nécessaire n'est pas sans susciter elle-même plusieurs types d'interrogations. D'une part, il n'est pas certain que l'amélioration des déplacements, par la construction d'infrastructures nouvelles et l'aménagement de l'existant, favorise ipso facto le développement des régions économiques traversées. En revanche, le maintien du statu quo ne pourrait qu'aboutir rapidement à une thrombose de l'axe Rhin-Rhône et à la délocalisation des activités et des entreprises les plus dynamiques, qui n'y trouveraient plus les conditions requises pour poursuivre leur croissance. D'autre part, il faut veiller à ce que la modification des axes d'échanges n'aggrave pas les disparités intrarégionales et ne conduise pas à des éclatements.

I.- CONCLUSIONS DE LA MISSION RELATIVES AUX INVESTISSEMENTS PRIORITAIRES SUR L'AXE RHIN-RHÔNE

Les partisans comme les adversaires du projet de grand canal Rhin-Rhône, naguère opposés, se sont retrouvés d'accord sur la nécessité de développer sur cet axe une politique volontariste d'aménagement du territoire afin de l'inscrire dans le développement européen et national.

Il ne s'agit ni d'obtenir une solution alternative au projet abandonné, ni de recevoir un quelconque « dédommagement ». En revanche, ainsi que l'a indiqué à plusieurs reprises le président de la mission, M. Michel Vauzelle, ainsi que votre rapporteur, il importe que les partenaires et les acteurs des régions traversées par l'axe se rapprochent, à l'orée des décisions sur les contrats de plan et les schémas régionaux d'aménagement du territoire, et au niveau européen sur les fonds structurels.

Compte tenu de l'intérêt des régions orientales pour l'ensemble du devenir économique de la France, il est cependant normal de demander à la Nation, dans l'intérêt général, qu'elle consente un effort de solidarité et optimise la bonne gestion de son territoire, dans une idée très globale d'aménagement du territoire européen.

C'est pourquoi la mission, prenant en compte les perspectives de développement des relations entre le Bénélux, l'Allemagne et le nord de l'Italie, par la Suisse et l'Autriche, qui tout naturellement inquiètent les régions françaises frontalières de la « banane bleue », a souhaité étudier toutes les possibilités de développement économique de cet axe européen Rhin-Rhône et donc les besoins en infrastructures. Les décisions doivent être prises dès maintenant, car le coût de tels investissements, particulièrement élevé, doit être étalé dans le temps.

Il faut cependant se garder de tomber dans les travers, souvent dénoncés, d'une politique d'infrastructures qui ne correspond pas aux besoins ou qui ne s'insèrent pas une prise en compte optimale de l'existant. C'est le vrai sens d'une réelle politique multimodale des transports. Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, a notamment déclaré à ce propos : « Nous souhaitons, autant que possible, valoriser les outils existants et la synergie entre ces outils et donc, accorder un soin tout particulier aux lieux de l'intermodalité. A ce sujet, je voudrais dire qu'il m'est arrivé d'être relativement inquiète en voyant les nombreux projets qui fleurissent sur l'axe Rhin-Rhône. Tout se passe comme si chaque ville moyenne espérait devenir le pôle de l'intermodalité sur cet axe. Je ne pense pas qu'il soit raisonnable, en tout cas, d'en développer un tous les 30 kilomètres, comme cela est le cas à certains endroits. L'intermodalité n'est, par ailleurs, réellement plausible et crédible que quand il s'agit réellement de multimodalité, et pas seulement de carrefours routiers. ».

a.- des investissements qui s'inscrivent dans une politique globale d'offre de transports

A l'occasion d'auditions, comme celles auxquelles la mission d'information a procédé, tant à l'Assemblée nationale qu'au cours de ses déplacements, il n'est pas rare de voir s'accumuler un nombre important d'exigences et de propositions. Cependant, l'une des heureuses surprises, à l'issue de ces travaux, a été de constater qu'il existe, au-delà des intérêts locaux chez les élus, les acteurs socio-économiques et les Associations rencontrés, un projet commun aux régions d'Alsace, de Franche-Comté, de Rhône-Alpes et de Provence-Alpes-Côte d'Azur. Celui-ci, par delà des différences d'approches nées des vécus divers, s'articule autour d'un dispositif cohérent, dont les lignes directives sont :

- la mise en continuité des réseaux nord-sud tant routiers que ferroviaires, du Bas-Rhin aux Bouches du Rhône ;

- l'organisation de la fluidité des trafics, notamment de marchandises, mais aussi de voyageurs, par des aménagements appropriés (réalisation d'un contournement ferroviaire et amélioration de la desserte routière périphérique de l'agglomération lyonnaise, construction de nouvelles plates-formes multimodales pour faire face à la saturation de Lyon et d'Avignon) ;

- un rééquilibrage des transports de fret, qui passe par une reconquête du fret ferroviaire, le développement du transport combiné et de l'intermodalité, et l'octroi d'une priorité du fret sur le réseau classique, favorisé par la réalisation prioritaire du TGV Rhin-Rhône sur la branche sud (l'axe Strasbourg-Mulhouse-Lyon) ;

- l'urgence des investissements nécessaires, pour éviter la marginalisation des régions et la concentration de la croissance sur les territoires de la « Mitteleuropa » ;

- une valorisation du canal Rhône-Saône et tout particulièrement de la liaison Arles-Lyon trop peu utilisée malgré ses potentialités.

1.─ Répondre efficacement à la croissance des trafics sur l'axe Rhin-Rhône

Avant d'aborder les besoins de l'axe lui-même, il convient de citer, pour mémoire, une autre branche voisine, l'axe mosellan, qui ne relevait pas du domaine d'investigation de la mission, mais dont le lien avec sa problématique est clair. Il s'agit de la liaison nord de l'axe Rhin-Rhône, qui rejoint la Saône, la Lorraine et qui se dirige vers le Luxembourg et la Sarre.

M. Hubert du Mesnil, directeur des transports terrestres, a évoqué au cours de son audition « les réflexions ont été relancées sur les liaisons fluviales Saône-Moselle qui vont vers le Nord et desservent la Lorraine et la Sarre. Il faut y faire attention, car autant les liaisons entre l'Allemagne, une bonne partie de la France et l'Espagne transitent essentiellement, sur le plan routier, par l'axe Saône-Rhin et la descente vers le Sud, autant il ne faut pas négliger
- et peut-être a-t-on commis une erreur d'appréciation géo-économique - le fait que le fret de l'Allemagne rentre en France principalement par la Sarre et qu'il y a là quelque chose de très important.
 ».

S'agissant de l'axe Rhin-Rhône proprement dit, il est aujourd'hui traversé par trois modes de transport possibles (route, fer, voie d'eau), dont nous examinerons les possibilités de développement.

Cette réflexion ne peut être conduite de manière simpliste et doit se garder de deux écueils : accroître également les capacités de chaque mode de transport ou répondre à la croissance des trafics par une vision unimodale. La préoccupation est double : il faut répondre à la demande croissante de trafics, tout en faisant profiter pleinement les régions de cette liaison interrégionale et internationale pour leur propre développement. Il faut en outre veiller à ce que l'ensemble des trafics qui vont s'y développer le fassent dans des conditions satisfaisantes pour la qualité de la vie, la sécurité et l'intérêt général. La réponse à ces questions passe par un rééquilibrage entre modes de transport. Car une politique « au fil de l'eau », qui répond à la croissance du trafic routier par une offre complémentaire des capacités autoroutières, entraîne en retour une augmentation des transports par ce mode et la saturation rapide des nouvelles infrastructures.

En même temps, il faut tenir compte de l'environnement européen. Même s'il ne paraît pas satisfaisant de construire une nouvelle autoroute pour permettre aux camions espagnols de se rendre en Allemagne, il faut prendre en compte le fait que les Espagnols ont développé ce mode de transport et non le chemin de fer, la primauté du transport routier étant accrue par la contrainte liée à l'écartement des rails, différent entre la péninsule ibérique et le reste de l'Europe. On voit en conséquence par cet exemple que la recherche d'une réponse durable et adaptée à la croissance des trafics requiert de surcroît la définition de règles communes, au niveau communautaire et entre les Etats.

Au cours de son audition, M. Hubert du Mesnil a indiqué sur ce point que « nous ne réussirons pas cette politique de rééquilibrage si nous continuons à laisser les trafics routiers se développer en toute liberté, non pas que j'ai dans l'idée de restreindre la liberté qui relève des principes de l'Union européenne - le cabotage est libre, les Espagnols roulent sur nos routes sans difficultés et elles leur sont ouvertes - mais parce qu'il nous faut réguler le transport routier, les conditions dans lesquelles il est exercé, avec les questions d'harmonisation de la durée du travail, d'harmonisation fiscale, le terme barbare « d'internalisation des coûts » c'est-à-dire, pour parler clairement, du véritable coût de la route. Si ce sujet du coût de la route ne connaît pas d'évolution, à la fois dans le sens d'une harmonisation européenne et dans le sens d'une augmentation juste et raisonnable de ces coûts, nous n'y arriverons pas. Il faut vraiment travailler sur les deux leviers, améliorer le ferroviaire à la fois en capacité d'infrastructures mais surtout en qualité de service et, dans le même temps, faire accepter l'urgence d'une harmonisation sociale du transport routier et une meilleure prise en compte de ses coûts réels. ».

C'est en effet à partir d'une vérité des coûts que pourra être mise en place une offre d'infrastructures adaptées à la demande de transport. L'harmonisation sociale par le haut permettrait aussi de renforcer les entreprises routières respectueuses des droits des salariés par rapport à celles pratiquant un dumping social.

2.- Organiser la fluidité des trafics

Les voies qui empruntent le corridor Rhin-Doubs-Saône-Rhône n'ont pas, sur l'axe nord-sud, été autant utilisées jusqu'à présent que celles qui traversent la Suisse : l'axe vital de l'Europe, bien établi sur le Rhin, oblique ensuite lorsqu'on se dirige vers le Sud, vers Zurich et Milan.

La structuration de cet espace en fonction de l'axe de circulation reste très imparfaite, l'unité de l'ensemble, jamais vraiment reconnue jusqu'alors, étant freinée par une organisation administrative qui morcelle les territoires, ceux-ci étant tantôt tournés largement vers l'Europe, telle l'Alsace, tantôt plus attirés dans l'influence de l'Ile de France, comme la Bourgogne.

Il est vrai que, jusqu'alors, les gouvernements successifs ont plus donné de prix à l'amélioration des relations de chacun de ces sous-ensembles régionaux avec Paris, qu'à celle des relations interrégionales, notamment en favorisant les infrastructures qui, sur l'axe Rhin-Rhône, portent les flux d'échanges d'Ouest en Est (TGV Paris-Lyon, TGV Est, autoroutes A 5 et A 6), au détriment de l'axe Nord-Sud.

Mais ce choix était également conforté par l'optique dans laquelle étaient élaborés les choix d'infrastructures. Ainsi, jusqu'à présent, les différents schémas directeurs existants, qu'il s'agisse du réseau ferré à grande vitesse ou du schéma autoroutier, s'ils n'ont pas totalement ignoré la dimension multimodale des transports, ont néanmoins toujours fondé leurs analyses sur une logique de l'offre plus que sur une analyse des besoins à satisfaire.

C'est le grand apport de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, récemment adoptée définitivement, que de définir, à partir d'une stratégie fondée sur une offre globale de services, les moyens pour faire face aux évolutions des besoins de transport, qui seront définis dans les schémas de services collectifs de transport multimodaux, l'un pour les marchandises, l'autre pour les voyageurs.

Or, avec l'intégration européenne, la nécessité d'une valorisation de l'axe devient plus impérieuse. Outre les risques de marginalisation déjà évoqués et qu'il faut éviter, l'orientation plus européenne des échanges britanniques et l'émergence économique espagnole multiplient les passages par la vallée du Rhône. La croissance du trafic de fret par le tunnel sous la Manche, qui concentre désormais à lui seul environ la moitié du trafic de fret transmanche, détourne des flux qui choisissaient jusqu'alors Anvers à Rotterdam, puis la voie rhénane et l'Allemagne, vers la France.

Il est donc utile de décongestionner les autoroutes et les voies ferrées existantes, tout d'abord en utilisant d'une manière plus efficace les réseaux existants.

Cela passe par exemple par la poursuite de l'utilisation de la « navette fluviale » qui a été mise en place entre Lyon et Marseille pour le transport de conteneurs, ou encore par une meilleure fiabilité du transport ferroviaire de fret. Mais le rééquilibrage entre modes ne doit pas être compris comme une lutte entre modes. L'importance des besoins devrait nous conduire à favoriser une complémentarité entre ces modes et non une concurrence entre eux qui ne peut qu'aboutir à des prix non rémunérateurs pour les transporteurs. C'est pourtant une telle situation, particulièrement dommageable qui a été présentée à la mission, notamment par M. Jacques Estour, président de l'Office interconsulaire des transports et des communications du sud-est, lorsqu'il a évoqué la « guerre commerciale » conduite par la SNCF à l'encontre de cette navette fluviale.

Cette complémentarité entre modes de transport est également confortée par le besoin, pour le chargeur, de disposer d'un éventail de modes et de types de transport répondant à la variété de ses attentes. Or, si chacun convient que le transport ferré est particulièrement adapté à partir d'une distance de 500 kilomètres, il ne l'est plus en-deça. La complémentarité des entreprises sur l'axe Rhin-Rhône a notamment pour conséquence que la plupart des chargements portent sur des transports de proximité, ou entre régions limitrophes. Selon les régions visitées, les chiffres varient peu : le trafic de transit représente entre 8 et 10 % de l'ensemble et le trajet moyen s'étale entre 80 et 120 kilomètres.

C'est pourquoi il ne s'agit nullement de nier la place du transport routier et son apport à l'économie, sa souplesse, qui répondent aux stratégies de fonctionnement en flux tendu des entreprises.

La complémentarité rail-route doit se matérialiser par le renforcement des axes perpendiculaires à la liaison ferroviaire Rhin-Rhône, un exemple fort étant celui de l'axe routier européen E 23 qui relie Nancy à Lausanne via Epinal, Vesoul, Besançon et Pontarlier. L'achèvement de la modernisation de cet axe est capital.

Cependant, la croissance même de l'ensemble du trafic de marchandises commande de renforcer la part du chemin de fer, à la fois pour éviter un engorgement insupportable des axes routiers - et donc aussi une baisse de qualité du service de transport par ce mode -et maintenir la qualité de vie des riverains. Ce dernier élément est essentiel dans les zones à environnement fragile, particulièrement en montagne.

S'agissant plus particulièrement du fret, le transport ferroviaire permet de répondre aux besoins du trafic au-delà d'une certaine distance. Sur l'axe Rhin-Rhône, même si des infrastructures ferroviaires nouvelles s'avèrent urgentes et indispensables, tels le contournement de Lyon ou la mise au gabarit B+ sur l'ensemble de la Franche-Comté, une meilleure adéquation des structures disponibles permettrait de mieux faire face à la demande, ainsi que l'a indiqué M. Hubert du Mesnil, directeur des transports terrestres : « ... je voudrais insister sur ce point car je suis convaincu que c'est un bon moyen [le ferroviaire] de répondre aux besoins de trafic au-delà d'une certaine distance - on dit en général que c'est de l'ordre de 500 km, admettons cet ordre de grandeur. Sur cet axe-là, beaucoup de trafics font plus de 500 km et une bonne partie des trafics interrégionaux ou entre les régions françaises et à l'étranger vont au-delà. Nous avons là un axe ferroviaire qui, actuellement, est déjà desservi mais qui est encore peu utilisé. ». La raison essentielle de cette sous-utilisation réside dans l'inadéquation de l'offre à la demande de transport. M. Hubert du Mesnil considère que la cause de cette situation tient à ce que « le système ferroviaire dans son ensemble, en France, n'a pas accordé au fret la priorité. Pour caricaturer, nous pouvons dire que l'on continue à traiter le fret comme on traitait les trains de charbon. A la limite, il y avait des trains de charbon partout sur le réseau qui servaient de stockage, les trains arrivaient quand ils pouvaient, créant des stocks partout. ».

A l'heure d'une économie recentrée sur des activités industrielles plus sophistiquées qu'autrefois, à forte valeur ajoutée, la politique de flux tendus rend ce type de gestion mal adapté. En outre, le développement de l'externalisation des activités non directement liées à l'exercice du métier principal de l'entreprise a fait exploser la sous-traitance : le transport ferré le plus rentable aujourd'hui concerne plus la fourniture de pièces détachées que le transport de masse de matières premières. Cette réalité explique les besoins en matière de développement du transport combiné, ce qui passe par l'adaptation des capacités globales des plates-formes multimodales de l'axe Rhin-Rhône. Ce point devrait faire l'objet d'une attention particulière, dans le cadre de l'élaboration des schémas de services.

Ceux-ci devront également déterminer les modalités d'une priorité accordée au fret sur le réseau classique. Bien entendu, la réalisation du TGV Rhin-Rhône, sur l'axe Strasbourg-Mulhouse-Lyon, libérera des sillons sur ce réseau classique en délestant une part significative du transport de voyageurs. M. Jean Sivardière avait rappelé que, dès le départ, le projet du TGV Rhin-Rhône avait été soutenu par la FNAUT. Il indique ainsi que « c'est  le docteur Bermond, qui est un de nos vice-présidents, qui a été l'un des premiers, en 1986, à lancer l'idée d'un TGV Rhin-Rhône ; c'est-à-dire d'une liaison performante entre l'Alsace et la région lyonnaise et, au-delà, entre l'Allemagne et le sillon rhodanien. Cette idée était très séduisante. Ce projet, qui a été qualifié à l'origine de « décentralisateur », puisqu'il ne passe pas par Paris, a été remarqué en particulier par le Conseil national des transports qui, en 1990, dans un rapport sur le TGV, a approuvé ce projet et suggéré une première réalisation entre Mulhouse et Dole. »

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes, a d'ailleurs souhaité « que le TGV Rhin-Rhône soit mis sur le même plan que les quatorze projets prioritaires dont la liste a été arrêtée au sommet d'Essen en 1994, il faut réparer cet oubli. La possibilité nous en est maintenant offerte puisque le dernier Conseil européen, réuni à Cologne, a invité la Commission et les Etats membres à présenter une liste élargie de projets prioritaires, et à accélérer leur processus d'approbation. A cet égard, une prise de position de votre mission pourrait constituer un élément utile du débat public. ».

Mais à cette proposition décentralisatrice s'oppose l'attraction qu'exerce Paris sur l'ensemble des régions. C'est ce qu'observe M. Hubert du Mesnil, directeur des transports terrestres, lorsqu'il déclare : « Nous sommes en quelque sorte condamnés à vivre en permanence cette compétition entre la priorité sur Paris et une sorte de priorité européenne Rhin-Rhône vers le sud, d'où ce TGV en triangle, mais il ne suffit pas de dire que nous ferons tout, il faut peut-être approfondir, travailler davantage sur les priorités, l'ordre dans lequel il faut le faire, les connexions du réseau l'un dans l'autre. Nous avons donc un très gros travail à faire sur ce TGV Rhin-Rhône. Vous connaissez les décisions du Gouvernement : le lancement de la déclaration d'utilité publique sur la branche Est et le lancement simultané des études sur la branche Sud. Le TGV Rhin-Rhône n'a pas de sens si on ne le conçoit pas comme la globalité d'un croisement Est-Ouest, Paris-Mulhouse pour simplifier et Nord-Sud, Allemagne-Espagne. Nous avons relancé les études sur la branche Sud, il y aura un débat sur cette branche, sur sa position, les villes qu'elle doit desservir, l'endroit par lequel elle doit passer. C'est un sujet sur lequel nous travaillons actuellement. Mais en même temps qu'il structurera ce double axe Est-Ouest et Nord-Sud pour les voyageurs, le TGV Rhin-Rhône libérera des capacités ferroviaires fret supplémentaires et nous pourrons développer du fret, en termes d'infrastructures, qui sera très important. ».

Il ne faut pas oublier cependant que le succès de la décentralisation du transport ferroviaire régional, qui a créé une dynamique de reconquête du transport de passagers sur les lignes régionales, conduit également à une utilisation plus intensive des voies classiques. Des choix devront donc être opérés, notamment en concentrant le trafic de fret sur des sillons de nuit.

M. Gilles Sené, porte-parole du collectif Saône-Doubs Vivants-Sundgau vivant, a fait observer que son collectif souhaitait « que soit mise en place (...) une nouvelle politique de transports, qui n'a pas existé depuis trente ans. ». Il poursuit : « Il faut donc bien dissocier les aspects fret et personnes, bien que, dans certains cas, il puisse y avoir des problèmes de concurrence entre ces deux aspects. Pour le fret (transit sur de longues distances), les efforts devront porter essentiellement sur la suppression des camions. Je pense que l'on peut parler de suppression comme objectif, même si à moyen terme ce sera une limitation. Cela peut passer par diverses techniques : ferroutage, transport combiné etc. Nous soutenons une politique forte pour favoriser le rail pour tout ce qui est transport de fret. Concernant le transport de personnes, l'essentiel du problème réside dans les villes. On déborde largement le problème des transports dans la mesure où cela concerne aussi les problèmes d'urbanisme. Si on parle de durabilité, il faut voir les choses à long terme, et on ne résoudra pas les problèmes de transports, si on ne résout pas les problèmes liés aux zones commerciales dans un endroit, à l'emploi dans un autre, et aux habitations. Toute une politique est à mettre en place, à des niveaux différents, mais dont le point commun est la construction d'infrastructures. Une infrastructure n'est pas neutre. Par les usages qu'elle va générer, elle peut conditionner des pratiques largement dommageables en termes de santé publique, environnement, etc. ».

M. François Jeannin, vice-président de la FNAUT insiste sur la cohérence qui doit présider aux choix dans le domaine des infrastructures, et rattache cette démarche à l'objectif de développement durable. Il déclare notamment : « Ce qui importe aujourd'hui, c'est d'éviter les erreurs magistrales telles que celles constatées dans le passé.

Les associations comme le FNAUT essaient d'avoir une cohérence dans un raisonnement global et intégré ; alors que la tentation est grande, notamment pour les élus, de se limiter chacun à son barreau TGV ou autoroutier, son aéroport, son canal, sa ligne TER ou de bus etc. Raisonner autoroute et TGV en intégrant ces infrastructures de haute performance et en les articulant avec les réseaux de routes nationales, grandes lignes SNCF, TER et bus régionaux, transports urbains, telles est notre démarche.

Notre ministre nous a lancé le défi et un projet ambitieux de territoire entre Saône et Rhin. Dans notre champ de compétence, les transports, nous faisons des propositions qui se réclament de cette cohérence, articulant des réseaux intégrés dans un plan global multimodal. Notre action s'inscrit à plein dans les objectifs d'aménagement et développement durables de ce grand territoire. Et cela commence dès le transfert, par exemple, du camion vers la voie d'eau, en gabarit Freycinet, sur automoteur de 300 à 400 tonnes, des flux de matériaux, voitures, gravats etc. ».

Un des écueils à la réalisation d'infrastructures ferroviaires nouvelles, qu'il s'agisse de voies prioritairement dédiées au fret ou de lignes de passagers, réside dans le choix de leur implantation. Il ne s'agit pas de rentrer ici dans un débat sur la localisation de chaque investissement, les intérêts locaux n'ayant pas leur place dans ce rapport. En revanche, il s'agit de déterminer si les infrastructures nouvelles doivent conforter des choix anciens ou tenter de remédier à des dysfonctionnements.

Ainsi, il est clair qu'il faut, là où un « shunt » est possible, détourner le trafic de fret du passage par la gare de centre ville. Le choix est cependant plus difficile pour le développement du trafic voyageurs, et les avis sont partagés sur l'implantation des gares nouvelles, notamment pour le trafic que ne manquera pas de générer le TGV Rhin-Rhône.

La solution qui sera retenue dans chaque cas devra en effet répondre par une solution unique à des objectifs contradictoires : desservir les centre villes et permettre un accès aisé des voyageurs demeurant à la périphérie.

Le cas de Strasbourg est très spécifique et la configuration des terrains disponibles et des voies d'accès est idéale. En effet, les travaux complémentaires de desserte de la gare TGV, qui sera une extension de l'actuelle gare située en centre ville, bénéficieront de l'atout de la proximité des autoroutes, qui passent au c_ur même de Strasbourg, et de la disponibilité de terrains militaires désaffectés, situés derrière la gare, pour construire des parkings train/auto.

En ce qui concerne Besançon, les élus de cette ville ont exprimé à plusieurs reprises leurs exigences concernant la desserte de la gare Viotte par des TGV directs, cette desserte étant possible par la réutilisation de la ligne existante dite de Devecey.

La fluidité des trafics sur l'axe passe enfin par son raccordement en voies nouvelles aux réseaux de Suisse et d'Italie, qu'il s'agisse de la liaison Lyon-Turin, dont la réalisation de la première phase des traversées alpines est la plus urgente, ou des portes d'entrée en Suisse (Mâcon-Genève, Mulhouse-Bâle et Dole). Ces éléments sont particulièrement essentiels à l'élargissement de l'hinterland de Marseille.

3.- Développer le transport fluvial entre Marseille et Lyon

L'abandon du grand canal Rhin-Rhône ne signifie pas celui de la navigation fluviale sur cet axe. Les aménagements déjà effectués sur le Rhône entre Arles et Lyon (284 Km) rendent la circulation possible aux convois poussés de 5 000 tonnes et de 4 000 tonnes jusqu'à Châlon-sur-Saône. Les caractéristiques du Rhône entre Arles et la mer permettent l'accès à de gros navires fluvio-maritimes jusqu'à 4 500 tonnes. La seule écluse à franchir, celle de Port-Saint-Louis du Rhône, est accessible aux navires de 115 mètres de longueur et 17 mètres de largeur. D'Arles à Barcarin, le trafic est de 1,2 million de tonnes.

Au-delà du port fluvial d'Arles, 276 Km sont navigables jusqu'à Lyon, accessibles aux convois de plus de 3 000 tonnes. Mais le trafic actuel, de l'ordre de 2,5 millions de tonnes, dont 1 million en produits pétroliers et 650 000 tonnes en matériaux de construction, est largement inférieur aux potentialités économiques. L'axe est desservi par la ligne fluviale Delta Box, gérée conjointement par Shipping, Sorhona et la C.N.R. Cette ligne, qui passe par Châlon-sur-Saône, Mâcon, Lyon et Marseille-Fos, traite 5 000 conteneurs par an. Cette voie de grand gabarit allie les avantages connus du transport fluvial pour les colis lourds : moindre coût, simplicité, sécurité et rapidité. Un seul convoi sur voie d'eau représente l'équivalent de 220 camions soit 4 400 tonnes de marchandises. Le coût du transport fluvial est de 30 % inférieur à celui du transport routier et de 10 % à celui du transport ferroviaire. Le mode fluvial est maintenant capable de s'intégrer complètement dans les chaînes logistiques actuelles. Avec une progression de 9,2 % de son activité, le transport fluvial a gagné des parts de marché en 1998.

Une meilleure utilisation de cet axe fluvial implique de nouveaux investissements : en matière de batellerie, l'offre de navires est insuffisante que ce soit en péniches de type « Freycinet » de 300 tonnes ou en convois poussés de 5 000 tonnes. Par ailleurs, les ports (Avignon-le-Pontet, L'Ardoise, Valence, Vienne-Sud) sont souvent mal équipés. La valorisation du bassin fluvial Rhône-Saône est aussi le c_ur de la construction de l'axe Rhin-Rhône. Il doit jouer son rôle dans l'ouverture réciproque des régions Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur.

b.- comment financer l'aménagement de l'axe rhin-rhône ?

La création des infrastructures nécessaires au développement économique et social de l'axe Rhin-Rhône nécessitera que soient établies des hiérarchies entre les projets ; en outre la réalisation de chacun d'entre eux devra s'effectuer suivant un phasage, fondé sur la possibilité d'une mise en service progressive répondant aux besoins les plus urgents.

Il est cependant évident que les investissements ne pourront pas tous intervenir sur financements budgétaires, à la fois du fait de l'importance des sommes à engager, mais aussi parce que ces investissements devront suivre un rythme soutenant la comparaison avec le programme de « l'initiative des Alpes » engagé en Suisse. Rappelons que le montant des investissements s'y établira à 120 milliards de francs français, sur une période de dix ans.

Il convient donc de trouver un type de financement original, qui garantisse une neutralité financière quels que soient les choix opérés entre modes de transport, la « rente du Rhône », qui devait financer la réalisation du canal à grand gabarit, ayant disparu.

1.- Le mythe perdu de la « rente du Rhône »

Afin d'assurer le financement de la construction du canal à grand gabarit Rhin-Rhône, l'article 36 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire avait prévu de modifier la loi n° 83-3 du 4 janvier 1980 relative à la Compagnie nationale du Rhône.

Cet article, abrogé par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire récemment adoptée en lecture définitive par l'Assemblée nationale, disposait que le financement des travaux de construction était assuré par EDF au titre de la mise à disposition, dans les conditions contractuelles en vigueur, de l'énergie produite par les installations de production hydroélectriques de la Compagnie nationale du Rhône. Ces conditions devaient continuer de régir les relations entre EDF et la CNR jusqu'à l'expiration de la concession générale entre les deux entreprises.

M. Gilbert Jauffret, président de la Chambre de commerce et d'industrie du pays d'Arles, a exposé à la mission le mécanisme qui avait été retenu.

« La CNR reçoit de l'Etat une concession sur le Rhône jusqu'en 2023. L'Etat lui donne quatre missions, dont celle de fabriquer de l'hydroélectricité. La CNR décide alors de construire des centrales hydroélectriques. Pour les financer, elle emprunte. EDF souhaitant que les kilowattheures ainsi produits lui reviennent décide de rembourser l'emprunt de la CNR, et de récupérer 26 milliards de kilowattheures par an ! Les emprunts ne vont pas jusqu'à la fin de la concession, ils cessent en 2006. La convention passée entre la CNR et l'EDF précise que, jusqu'à ce que les emprunts soient remboursés, les kilowattheures reviendront à EDF.

M. Édouard Balladur, dans le cadre de l'article 36 de la loi Pasqua, décide de faire le canal. J'ai quelque peu été à l'origine de ce qui a permis de financer Rhin-Rhône, en Conseillant à EDF et à la CNR d'arrêter de se disputer. Pourquoi, en effet, ne pas prolonger la convention liant EDF à la CNR jusqu'à la fin de la concession par l'Etat à la CNR, c'est-à-dire en 2023, les kilowattheures produits et l'argent de leur vente pouvant servir à réaliser le projet Rhin-Rhône. La vente de ces kilowattheures à produire jusqu'en 2023 représente à peu près 60 milliards de francs au prix actuel. C'est ce que l'on appelle la fameuse « rente du Rhône ». Mais il ne s'agit pas d'une cassette remplie de lingots ; ce sont des kilowattheures à produire... [La cassette] est potentielle et virtuelle. ».

Mais, après l'abandon du canal, cette manne disparaît, ou plus exactement se répartit entre la CNR, EDF et les comptes d'affectation spéciale du Trésor. M.Gilbert Jauffret poursuit à ce sujet : « Les choses se compliquent ensuite lorsque l'Etat décide d'arrêter Rhin-Rhône. On revient au point de départ. Second élément à prendre en compte : en vertu d'une directive européenne en cours de transposition, EDF ne peut plus avoir le monopole de la production d'électricité, il faut obligatoirement des opérateurs et producteurs indépendants autonomes. La CNR entrevoit un avenir nouveau, à savoir devenir producteur indépendant d'électricité. C'est ce qui est en train de se mettre en place. La rente potentielle du Rhône, produite chaque année par la vente des kilowattheures, peut être colossale puisqu'un kilowattheure se vend 0, 30 francs : lorsque vous en avez 26 milliards, cela fait quand même plus de 7 milliards disponibles par an. EDF va essayer de récupérer ces kilowattheures au meilleur prix et la CNR tenter d'assurer son avenir ; en effet c'était la pérennité de la CNR qui était en jeu à partir du moment où l'on ne faisait plus le canal Rhin-Rhône.

La CNR a maintenant comme objectif de continuer à exister, en prenant une partie de la rente du Rhône, après que l'Etat se sera servi, par un prélèvement fiscal de taxes venant alimenter le Fonds d'intervention pour les transports tous modes, FITTVN (fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables). ».

L'abrogation du dispositif de construction et de financement du grand canal ne peut entraîner de compensation financière pour les régions que l'infrastructure navigable devait traverser. En revanche, c'est probablement dans une nouvelle synergie entre les ressources budgétaires, le FITTVN et les recettes des péages autoroutiers qu'il faut rechercher un moyen de garantir le financement de l'aménagement de l'axe Rhin-Rhône.

2.- La vérité des coûts de transport : le moyen de financer le développement de l'intermodalité

Aujourd'hui, la variété des ressources et des modalités de financement des infrastructures de transport terrestre constitue un frein réel au développement de l'intermodalité. Aux dotations budgétaires de l'Etat s'ajoutent, pour les infrastructures nationales (routes nationales, autoroutes non concédées, ouvrages d'art...), les contributions des collectivités locales à l'exécution des contrats de plan Etat-régions.

Certaines routes ou autoroutes, ainsi que certains aménagements de voies navigables, sont financés sur les crédits du FITTVN, dont les recettes proviennent d'une taxe sur les péages autoroutiers et d'un prélèvement sur la production énergétique.

En outre, les autoroutes concédées sont financées par l'emprunt, eux-mêmes remboursés grâce aux péages. Ce dernier point a largement contribué à faire préférer systématiquement l'option autoroutière aux voies rapides à deux fois deux voies, compte tenu du moindre impact sur les finances publiques.

Il est clair que cet éclatement n'a plus sa place dans une politique d'aménagement du territoire inscrivant les schémas de services de transport dans une démarche multimodale.

C'est pourquoi il conviendrait d'engager une réflexion sur les adaptations à proposer pour que l'ensemble de ces recettes contribue à financer l'ensemble des grands projets d'infrastructures.

Par ailleurs, la mise en place de redevances d'utilisation des infrastructures par les poids lourds, jusqu'ici non soumise à péage, à l'exemple suisse de la « redevance poids lourds liée aux prestations », permettrait à la fois d'internaliser des coûts de transport jusqu'ici supportés par la collectivité et d'établir ainsi une véritable concurrence entre le mode routier et les modes ferroviaire et fluvial. Une telle redevance, de type « eurovignette » poids lourds pourrait ainsi favoriser le développement de l'intermodalité, particulièrement sur l'axe Rhin-Rhône.

Enfin, l'ampleur des travaux d'infrastructure, en France sur l'axe Rhin-Rhône, et dans les autres Etats membres de l'Union européenne, rendent urgente, comme l'a encore récemment estimé dans une résolution adoptée en séance publique le 16 juin dernier, sur les propositions de directives relatives aux chemins de fer communautaires l'Assemblée nationale, l'émission d'un emprunt communautaire destiné au financement des réseaux transeuropéens de transport de voyageurs et de marchandises.

Mais le dynamisme de cet axe ne peut reposer seulement sur une politique de transport. Celle-ci ne peut que soutenir et favoriser une stratégie de coopération et d'intégration des agglomérations qu'il relie.

II.─ DÉVELOPPER UNE STRATÉGIE D'AGGLOMÉRATIONS SUR L'AXE - MIEUX UTILISER LES ATOUTS EXISTANT SUR L'AXE RHIN-RHONE

Il a déjà été souligné que les régions situées sur l'axe Rhin-Rhône présentent des intérêts communs ainsi que de forts éléments de complémentarité. Toutefois, des facteurs de dispersion et des forces centrifuges persistent. La mise en place d'un réseau d'agglomérations sur cet axe permettrait d'y compenser l'existence de maillons faibles et pourrait conduire à la constitution, dans l'Est de la France, d'une véritable région européenne.

a.─ la mise en place d'un réseau de villes pour renforcer la complémentarité des métropoles situées sur l'axe

Le concept de réseau de villes propose un modèle d'organisation spatiale qui met l'accent sur la complémentarité des agglomérations concernées, visant à créer un ensemble territorial homogène et cohérent. Il s'agit d'abandonner la logique de diversification des compétences de chaque ville, pour mettre en _uvre une spécialisation reposant sur les fonctions les plus représentatives des points forts de chaque cité. Ainsi, la constitution de pôles d'excellence sur des thèmes bien précis permet de mettre à profit les spécificités locales, tant du point de vue des infrastructures que des secteurs d'activité porteurs et des compétences de la population.

Une telle démarche rompt avec la logique d'affrontement qui entraîne la compétition entre agglomérations voisines pour attirer capitaux et entreprises. Au contraire, il s'agit de mettre en place une coopération et une concertation entre les différentes entités atténuant ainsi leur hiérarchisation au profit de relations de type contractuel.

On constate qu'une telle démarche serait particulièrement bien adaptée aux régions de l'axe Rhin-Rhône. Le maillage du territoire par des villes moyennes y est en effet suffisamment dense, et des politiques allant dans le sens de la création d'un réseau de villes ont déjà été mises en place, notamment dans le domaine scientifique.

Par ailleurs, une telle démarche permet de renforcer l'attractivité de l'axe en palliant ses faiblesses structurelles, notamment le développement tertiaire insuffisant de la plupart des villes concernées, à l'exception de Lyon. Il semble donc souhaitable d'orienter le réseau de ville sur le caractère industriel très affirmé des régions de l'axe. Les atouts à mettre en valeur dans le cadre d'un tel réseau sont donc ceux de chacun des bassins d'emploi, afin de permettre aux villes moyennes de gagner en compétitivité et d'atteindre une taille critique leur permettant de concurrencer les métropoles européennes. En outre, une stratégie de réseau d'agglomérations contribuerait au développement local sans pour autant réduire certaines d'entre elles au rôle d'hinterland des métropoles les plus importantes.

b.─ mettre l'accent sur les tissus industriels régionaux

L'enjeu d'un réseau d'agglomérations se situe donc sur le plan économique. Comme il a été vu précédemment, l'axe Rhin-Rhône est marqué par la diversité des branches industrielles régionales (énergie, chimie, textiles, pharmacie, mécanique-métallurgie...), des branches anciennes et dépréciées subsistant alors que se développent des implantations récentes et dynamiques. Dans l'ensemble des régions concernées, coexistent de grandes entreprises et de petites PME-PMI, spécialisées sur un créneau ou exerçant une activité de sous-traitance. Cette diversité a entraîné la création d'une véritable mosaïque de bassins, chacun spécialisé sur un secteur, mais l'ensemble régional présente une certaine homogénéité du fait de la complémentarité des activités de ces bassins. La réflexion doit donc porter sur la mise en commun de certaines ressources, afin de bénéficier d'économies d'échelles, et sur les possibilités d'Association des responsables socio-économiques. Une telle association peut passer par des salons professionnels, destinés à promouvoir un label « Grand Est », mais également par des partenariats interrégionaux sur des investissements porteurs, comme la mise en réseau de pôles universitaires complémentaires, ou la mise en _uvre de formations universitaires « interrégionales », les spécialités étant localement déclinées de telle manière qu'elles contribuent à mettre en valeur les points forts des micro-régions industrielles du corridor.

Cette volonté de coopération est particulièrement apparue dans la position défendue par M. Jacques Lesire, président de la Chambre de commerce et d'industrie de Franche-Comté. Ce dernier propose en effet une fédération des entreprises situées sur l'axe Rhin-Rhône lorsqu'elles présentent une communauté d'intérêts ; il propose également la mise en place d'une « organisation souple, qui permettrait d'engager les échanges et les développements de politiques communes sur les grands sujets » qui intéressent les régions de l'axe Rhin-Rhône.

Les thèmes de coopération possible portent surtout sur la qualité de l'accueil des entreprises, le développement de nouvelles technologies, la spécialisation universitaire ou encore la collaboration en matière de recherche et d'industrie. Il conviendrait que l'ensemble des acteurs locaux, élus, entreprises et services de l'Etat, concourent à définir les projets communs et les pôles spécifiques de compétences des agglomérations de l'axe. Cela suppose que les maires expriment leur volonté de concertation, que les services de l'Etat favorisent la prise en charge des projets considérés comme structurants, et que les départements et régions participent à ces opérations et les coordonnent. Cette stratégie devrait être prise en compte lors de la négociation des contrats de plan Etat-régions. Il pourrait ainsi être envisagé de mettre en place un organe fédérateur des acteurs économiques du corridor, dont la mission serait de promouvoir l'image d'un « Grand Est, espace Rhin-Rhône » attractif et compétitif, du fait de sa tradition industrielle, des compétences accumulées et du dynamisme de ses secteurs de pointe. La stratégie de création d'un réseau de villes devrait par ailleurs permettre de structurer l'armature urbaine de l'axe, par endroit déficiente, comme c'est le cas en Franche-Comté.

c.─ favoriser une plus forte complémentarité des pôles de l'axe Rhin-Rhône afin de restructurer cet espace

Il est en effet possible de créer un ensemble spatial cohérent, un Grand-Est à vocation européenne, en tenant compte des acquis des régions concernées et des tendances de leurs bassins d'activités respectifs.

La région Rhône-Alpes constitue un élément important pour la construction d'une puissante région européenne dans l'Est de la France. Elle bénéficie d'une démographie favorable, son PIB par habitant est élevé, et Lyon constitue une véritable métropole, dont le rayonnement ne porte pas atteinte aux villes certes de taille inférieure, mais spécialisées sur des secteurs porteurs. La diversité des fonctions de cette capitale régionale, allant de services tertiaires de haut niveau à la production industrielle, lui permet de concurrencer d'autres métropoles européennes, telles que Manchester, Hambourg, Stuttgart, Turin et Rotterdam. L'ensemble de l'axe Rhin-Rhône pourrait ainsi bénéficier du poids économique de la région Rhône-Alpes, en France et en Europe, et notamment de ses fonctions tertiaires et de décision.

L'Est dispose par ailleurs, avec Strasbourg, Mulhouse et Besançon, de métropoles spécialisées. Strasbourg peut clairement prétendre au rang de ville européenne, du fait de son caractère frontalier (d'où l'importance des investissements étrangers et des exportations) et de la présence d'Institutions européennes sur son sol (siège du Conseil de l'Europe, Institutions liées aux droits de l'homme, siège du Parlement européen...). Par ailleurs, avec le parc technologique d'Illkirch et l'espace européen d'entreprises de Schiltigheim-Cronenbourg, la ville a acquis une solide notoriété dans les domaines scientifique et technique. Une coopération en matière universitaire ou dans le domaine de la recherche avec les technopôles de l'axe Rhin-Rhône permettrait de conforter la place de Strasbourg tout en renforçant l'image de technicité et de savoir-faire du corridor.

Marseille souffre certes actuellement d'une stabilisation de l'activité de son port qui reste cependant le premier de France et l'un des plus grands d'Europe, mais la ville constitue une porte d'entrée privilégiée pour les trafics en provenance de Méditerranée ; elle se réoriente en outre vers la recherche médicale fondamentale et d'expérimentation, et constitue un pôle important dans le domaine de la chimie. Par ailleurs, la région PACA est fortement marquée par le secteur tertiaire, et pourrait jouer le rôle de « pourvoyeur de services » aux autres régions de l'axe.

Enfin, comme il a été vu plus haut, la ville de Besançon s'est réorientée avec succès vers les microtechniques et les nanotechnologies, et se constitue dans ce domaine une renommée internationale. Elle bénéficie, en outre, de sa proximité frontalière et d'une réelle capacité de rayonnement dans l'arc jurassien, susceptible d'attirer à elle les capitaux étrangers nécessaires au développement local. Sa spécialisation dans des industries de pointe aurait tout à gagner d'une coopération avec la région PACA, et notamment avec le pôle de recherche de cette dernière.

L'espace Rhin-Rhône comporte donc des agglomérations complémentaires, spécialisées dans des domaines divers, et qui peuvent constituer une région européenne attractive. La mise en place d'un réseau entre ces agglomérations et les communes plus réduites, mais dont l'activité, généralement de sous-traitance, leur est complémentaire, devrait alors passer par la mise en valeur de ces spécificités. C'est d'ailleurs parfois déjà le cas, et une telle stratégie semble plus à même de valoriser l'axe, à l'opposé d'une tentative de diversification qui réduirait les aires d'influence respectives.

CONCLUSION

L'axe Rhin-Rhône sera très rapidement paralysé par un engorgement des autoroutes dans les années à venir ainsi que par la saturation du trafic ferroviaire. Le développement fort du rail est une priorité.

L'augmentation de la capacité du fret entre les sillons rhodanien et rhénan et dans le sillon rhodanien, constitue un réel impératif pour le développement durable du territoire européen et dans un contexte de développement des échanges stimulé par le marché unique et l'euro. La demande de transports de marchandises va s'accroître de 50 % d'ici à 20 ans sur l'axe reliant l'Europe du nord à la Méditerranée.

C'est pourquoi il est urgent, comme l'a constaté la mission, que des travaux permettant d'assurer la fluidité du trafic Rhin-Rhône soient décidés et engagés. Il s'agit du contournement de Lyon, du désenclavement de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, de l'aménagement ferroviaire de la région de Mulhouse pour faciliter la liaison avec le réseau allemand, de la construction rapide du TGV Rhin-Rhône qui rencontre l'adhésion quasi-unanime de l'ensemble des personnes auditionnées.

Mais la réalisation d'infrastructures, dans le respect de l'objectif de développement durable, ne serait pas suffisante sans l'amélioration de la qualité des services. Ainsi, à la libération des sillons pour le fret, sur les lignes ferroviaires classiques, grâce à la création du TGV Rhin-Rhône, doit correspondre une amélioration de la qualité du service fret et de la logistique de la SNCF, permettant de garantir les délais de livraison. C'est une exigence si l'on entend réussir le pari de transférer une part significative du transport de marchandises de la route au rail. Il s'agit peut-être d'un problème de culture d'entreprise, ainsi que cela a souvent été signalé, mais il s'agit aussi de l'amélioration de l'offre de services, qui porte sur la qualité et la quantité du matériel roulant et la gestion de son parc, et encore d'une priorité à accorder au fret sur les lignes classiques.

Un des points essentiels qui est ressorti également des auditions et des rencontres de cette mission, a été l'importance d'une véritable dynamisation de la multimodalité qui constitue un moyen essentiel pour résoudre les problèmes de saturation rencontrés. Cela requiert notamment la modernisation des barreaux d'interconnexion et l'amélioration des plates-formes d'intermodalité.

La fluidité du trafic sur l'axe Rhin-Rhône peut être un élément fort de son attractivité pour les entreprises, comme pour l'ensemble des chargeurs et des transporteurs. La France a dans ce domaine un atout important à jouer, face à l'extrême saturation des pays voisins, notamment l'Allemagne. Ainsi, une amélioration du traitement des marchandises, associée à une accélération des transports sur l'axe Rhin-Rhône, peuvent représenter incontestablement un moyen de redynamiser l'activité du port de Marseille, en contribuant à étendre l'hinterland du premier port de France.

Le flux que le corridor Rhin-Rhône ne pourra capter et attirer, passera plus à l'Est. Sur un axe Hambourg-Gênes, des aménagements majeurs sont en cours qui faciliteront la circulation des biens et des personnes. Ainsi, la Suisse entend investir 120 milliards de francs d'ici dix ans pour réaliser deux tunnels ferroviaires nécessaires à la traversée Nord-Sud des Alpes.

Par ailleurs, un discours entendu de manière récurrente, a porté sur la nécessité de renforcer les stratégies d'agglomérations sur l'axe. Il est apparu en effet que les agglomérations de 100 000 à 150 000 habitants se trouvaient dans une position fragile, face aux métropoles du nord de l'Europe, car le repositionnement des centres de décision et d'organisation s'opère selon une logique d'agglomérations plus puissantes (métropolisation). C'est pourquoi il est dans l'intérêt commun de l'ensemble des agglomérations alignées sur l'axe Rhin-Rhône, de concevoir des réseaux de villes, de Strasbourg à Marseille, pour des échanges et une collaboration permanente entre elles. Rhin-Rhône tirera sa force de villes dynamiques fortement organisées entre elles.

Voie de circulation ne veut pas dire simplement voie de transit, mais réellement de liaison. Les effets régionaux seront d'autant plus forts que d'une part le sillon Rhin-Rhône sera ramifié et multimodal, avec les plaques tournantes et autres plates-formes que cela implique ; que d'autre part, il s'insérera dans la géographie de l'Europe, une Europe ouverte au Sud. S'il n'y a pas d'issue méditerranéenne, Rhin-Rhône sera une liaison tronquée.

A la circulation des biens et des personnes, s'ajoute celle de l'information. Rhin-Rhône doit être aussi un couloir immatériel prioritaire pour les nouvelles technologies de l'information et de la communication qui ne pourront que contribuer à la mise en réseau des villes.

Enfin, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire place désormais les régions au c_ur du dispositif de la politique d'aménagement, leur confiant le soin de coordonner les schémas locaux notamment dans le domaine des transports. Dans ce cadre nouveau, l'intérêt particulier de cette mission, au-delà des informations qu'elle aura permis de recueillir, aura été de donner à des représentants de collectivités locales (communes, structures intercommunales, départements, régions), le moyen de débattre ensemble d'un thème majeur d'aménagement du territoire dans une logique interrégionale. Les quatre régions qui constituent l'axe Rhin-Rhône auront pu ainsi associer leur réflexion, sous l'impulsion de la représentation nationale, pour envisager l'avenir de cette route méridienne des bouches du Rhin aux bouches du Rhône qui constitue un moyen de rééquilibrer l'aménagement du territoire national trop centré sur Paris, et de mieux raccrocher la France à la « dorsale européenne ». L'axe Rhin-Rhône a un intérêt stratégique majeur et sa non valorisation, sa marginalisation, auraient des conséquences néfastes pour notre pays.

ANNEXE

SGAR Franche-Comté : Avenir du territoire Saône-Rhin

ETUDE PROSPECTIVE MULTIMODALE SUR LE TRANSPORT DE MARCHANDISES SUR L'AXE RHIN-RHÔNE

Cette étude s'inscrit dans le cadre du dossier sur l'avenir du territoire Saône-Rhin. Financement 100 % FNADT.

Suivi de l'étude par :

- un comité technique (Direction régionale de l'équipement, Administrations centrales, experts nationaux),

- un comité de suivi (organismes consulaires, collectivités locales, associations).

Rappel des objectifs de l'étude

_ Réaliser un diagnostic des déplacements de biens et de l'offre existante (équipement, infra, réglementation) sur l'axe Rhin-Rhône.

_ Evaluer la demande potentielle à l'horizon 2020 (scénario de référence).

_ Elaborer et évaluer des stratégies alternatives de transport de fret multilodales et intermodales pour l'année 2020.

Situation actuelle : la demande

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51 %

429 millions de tonnes :

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Flux internes

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Flux d'échanges

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Flux de transit

Diagnostic : prédominance du mode routier

_ Transporte plus de 85 % du tonnage de marchandises sur le corridor.

_ Prédominance du mode routier depuis le début des années 1970 :

- très bien adapté aux trajets courts,

- souplesse et qualité de desserte,

- mutation économique : production en flux tendus et évolution dans la nature des produits transportés,

- tarification routière attractive.

_ Le couloir du Rhin au Rhône : une offre routière attractive face à une offre ferroviaire ou fluviale peu adapté.

Diagnostic : une offre ferroviaire inadaptée

_ Le fer assure aujourd'hui 10 % du tonnage transporté sur le corridor Rhin-Rhône.

_ Faible gabarit de la voie Besançon-Belfort qui limite le développement du combiné.

_ Manque de continuité entre les réseaux européens :

- continuité physique,

- comptabilité des matériels (courant, voies, signalisation),

- coopérations entre opérateurs encore trop faibles.

_ Qualité de service à améliorer : vitesse d'acheminement, respect des délais (fiabilité), information.

Diagnostic : l'intermodalité

_ Sur l'axe Rhin-Rhône comme ailleurs, les principaux freins au développement du transport combiné sont liés à la qualité du transport ferroviaire, à une meilleure organisation entre les acteurs et une meilleure gestion des plates-formes logistiques.

_ D'autre part, le gabarit A de la liaison Besançon-Belfort ne permet pas le passage des semi-remorques qui constitue le principal mode de transport routier européen (France notamment).

Scénario de référence 2020 : politique de transport

En France :

_ Scénario de politique de transport basé sur la poursuite des tendances observées entre 1970 et 1990 (scénario A des schémas de services) :

- stabilité des prix ferroviaires,

- baisse des coûts du fret routier, passage aux 44 tonnes et maintien des pratiques sociales actuelles.

_ Croissance du PIB français de 2,3 %.

Situation de référence 2020 : la demande

631 millions de tonnes en 2020 ( 429 millions de tonnes en 1995).

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Flux internes

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Flux d'échanges

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Flux de transit

Analyse du marché potentiel à l'horizon 2020 : mode routier

_ Forte croissance du tonnage susceptible d'être transporté par la route sur le corridor :

- 1995 : 366 millions de tonnes

- 2020 : 547 millions de tonnes

soit une augmentation d'environ 50 %.

_ Augmentation de la part modale théorique du mode routier : 85 % en 1995 et 86 % en 2020.

Analyse du marché potentiel à l'horizon 2020 : mode ferroviaire

_ Croissance du tonnage susceptible d'être transporté par le fer sur le corridor :

- 1995 : 45 millions de tonnes

- 2020 : 61 millions de tonnes

soit une augmentation d'environ 34 %.

_ Baisse de la part modale théorique du ferroviaire : 10,5 % en 1995 et 9,6 % en 2020.

Analyse du marché potentiel à l'horizon 2020 : mode fluvial

_ Croissance du tonnage susceptible d'être transporté par la voie d'eau sur le corridor :

- 1995 : 18 millions de tonnes

- 2020 : 23 millions de tonnes

soit une augmentation d'environ 30 %.

_ Baisse modérée de la part modale théorique du fluvial : 4,2 % en 1995 et 3,7 % en 2020.

Situation de référence 2020 : analyse du marché potentiel

631 millions de tonnes en 2020 :

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Analyse de la saturation à l'horizon 2020 : mode routier

_ Deux principaux points où le niveau d'offre sera perturbé :

- sur l'autoroute A 35 entre Strasbourg et Colmar,

- sur l'autoroute A 6 entre Beaune et Lyon.

_ Les niveaux de saturation restent mesurés et dépendent énormément du trafic VL. Les difficultés sont essentiellement à prévoir aux heures de pointe pendant la journée.

Analyse de la saturaton à l'horizon 2020 : mode ferroviaire

_ Globalement les gains du ferroviaire sont sur l'échange (+ 7 millions de tonnes) et surtout le transit (+ 9 millions de tonnes).

_ La capacité pour le transit et les principaux flux d'échanges est de l'ordre de 35 trains/jour soit près de 5 millions de tonnes par an.

_ Le marché potentiel de 16 millions de tonnes du ferroviaire ne peut donc pas être absorbé par l'infrastructure prise en compte dans le scénario de référence.

_ Au minimum 11 millions de tonnes sont amenées à quitter le mode ferroviaire.

Analyse de la demande à l'horizon 2020

_ Les parts modales et les tonnages correspondants sont les suivants :

- mode routier : 558 millions de tonnes soit 88,3 %,

- mode ferroviaire : 50 millions de tonnes soit 7,9 %,

- mode fluvial : 24 millions de tonnes soit 3,8 %.

EXAMEN DU RAPPORT

La mission d'information a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Louis Fousseret au cours de sa séance du mercredi 10 novembre 1999.

M. Michel Vauzelle, président, a tout d'abord tenu à remercier l'ensemble des personnalités auditionnées, qui par leur contribution à la réflexion des membres de la mission d'information, ont rendu possible l'élaboration du rapport soumis aujourd'hui à la discussion et au vote de la mission.

Il a ensuite rappelé les principes sur lesquels ont été fondés ses travaux. L'abandon, au début de la présente législature, de la construction du canal à grand gabarit reliant le Rhône au Rhin, a conduit partisans et adversaires de ce projet à manifester collectivement une démarche volontariste en faveur de l'aménagement de ce grand axe, pour insérer les régions qu'il relie dans les grands courants d'échanges européens.

Il s'agit d'investissements lourds, qui se réaliseront dans la durée. C'est pourquoi la représentation nationale entendait alerter le Gouvernement pour que soient conduits les projets et les études sur les aménagements manquants pour structurer le barreau qui conduit, au travers de la vallée de la Saône, des bouches du Rhin aux bouches du Rhône.

Il a ainsi rappelé que, jusqu'ici, l'aménagement de cet axe nord-sud avait été délaissé par notre pays au profit du développement en étoile autour de la capitale, ce qui ne manquait pas d'être préoccupant alors que le centre de gravité de l'Europe tendait à glisser vers l'est.

Il s'est réjoui que la mission ait su éviter la démagogie qui aurait consisté à tirer le rapport vers des préoccupations exclusivement locales et salué la noblesse d'une démarche interrégionale qui contribuerait ainsi au débat national sur l'aménagement du territoire. Il s'est réjoui du fait, peut-être nouveau, que des élus des diverses régions traversées par l'axe Rhin-Rhône aient défendu ensemble un enjeu national pour une construction équilibrée, conscients des risques qu'encourrait notre pays s'il restait sans réagir face aux grands projets d'investissements de transport, mis en _uvre actuellement chez nos voisins, notamment en Suisse et en Autriche, pour faciliter les trafics entre le Bénélux, l'Allemagne et l'Italie. Un retard des initiatives françaises dans ce domaine pour doter l'axe Rhin-Rhône d'infrastructures facilitant les trafics de passagers comme de marchandises, hypothéquerait l'avenir de la France et constituerait une faute politique.

Il a relevé que la publication du rapport de la mission d'information commune intervenait alors qu'étaient finalisés les contrats de plan Etat-régions, tout en faisant observer que la démarche globale retenue avait rejeté les tentations qui auraient conduit à dresser un simple catalogue de demandes de « saupoudrages » de crédits.

M. Jean-Louis Fousseret, rapporteur, a tenu à son tour à remercier l'ensemble des personnes qui avaient accepté d'être auditionnées par la mission d'information.

Il a rappelé que l'axe Rhin-Rhône faisait partie des cinq axes nord-sud majeurs en Europe, et qu'il représentait de ce fait un intérêt stratégique essentiel pour l'avenir de notre pays.

Il a indiqué que le projet de canal à grand gabarit Rhin-Rhône avait l'avantage de représenter un équipement structurant. Cependant, l'effet économique n'aurait pas été à la mesure du coût de l'opération et les conséquences négatives en termes d'environnement étaient réelles. Il a précisé que l'abandon de ce projet n'était pas pour autant l'abandon de la liaison Rhin-Rhône elle-même ; celle-ci au contraire doit être valorisée et consolidée, dans une perspective de développement durable et de développement de l'emploi.

Il a rappelé que l'objectif de la mission était de définir des priorités pour permettre de rendre sa fluidité à la liaison Rhin-Rhône aujourd'hui menacée de thrombose et d'en dégager toutes les possibilités en tenant compte du contexte socio-économique des régions riveraines, lesquelles représentent ensemble plus du tiers du P.I.B. de notre pays, hors Ile-de-France.

Il a estimé que le premier problème relatif à l'aménagement de l'axe Rhin-Rhône était celui de la croissance des trafics, qui entraîne une saturation des routes comme des lignes ferroviaires existantes. Il convient donc d'envisager une meilleure utilisation des infrastructures existantes, en passant notamment par une optimisation de leurs possibilités et par un rééquilibrage entre la route et le fer. D'une manière générale, il convient de rechercher, dans une démarche privilégiant la multimodalité, la complémentarité entre route, fer et voie d'eau, plutôt que de s'enfermer dans une logique de concurrence entre modes et de libéralisme exacerbé, comme cela a malheureusement été le cas sur l'axe Lyon-Marseille entre la voie fluviale et la voie ferrée.

Il a indiqué que le danger majeur qu'encourait notre pays était celui de son contournement par l'est, notamment par le développement d'un axe Hambourg-Gênes, qui bénéficie de la mise en place de corridors de fret libéralisés et de la montée en puissance du port italien de Gioia Tauro. Il a considéré qu'en conséquence la France devait moderniser ses infrastructures et développer ses plates-formes multimodales, afin de pouvoir offrir aux chargeurs les mêmes garanties de ponctualité et de qualité logistique que ses voisins, sauf à accepter une marginalisation préjudiciable aux entreprises françaises comme aux régions.

Il a précisé que l'amélioration de la fluidité du trafic sur l'axe Rhin-Rhône devait conduire à envisager les investissements suivants :

- le contournement de Lyon ;

- le désenclavement de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, ce qui nécessite également la modernisation du port de Marseille, l'approfondissement de son hinterland et la réalisation d'une liaison transversale reliant Barcelone, Marseille et Gênes ;

- l'aménagement ferroviaire de la région de Mulhouse pour faciliter la liaison avec le réseau ferroviaire allemand, ce qui nécessite le doublement de la voie au pont de Chalampé ;

- la construction rapide du TGV Rhin-Rhône et notamment de sa branche sud, projet qui d'ailleurs rencontre l'adhésion quasi-unanime des personnes auditionnées par la mission. Il convient de souligner à ce propos l'importance attachée à la conduite conjointe des études et de la réalisation des deux branches de cette liaison, qui reliera Strasbourg à Paris et à Marseille.

Le rapporteur a indiqué que l'efficacité de ces infrastructures nouvelles passait en outre par une amélioration de la qualité du service fret et de la logistique de la part de la SNCF afin de garantir notamment les délais de livraison. Cette exigence est nécessaire pour réussir le pari de transférer une part significative du transport de marchandises de la route vers le rail.

S'agissant des moyens financiers requis pour mener à bien la réalisation des équipements proposés, il a souligné que le développement de l'intermodalité était freiné par la variété des ressources et des modalités de financement des infrastructures des transports terrestres et des routes. Il a considéré en conséquence qu'il était nécessaire d'engager une réflexion sur les adaptations à proposer pour que l'ensemble des recettes des transports contribue à financer en retour l'ensemble des grands projets d'infrastructures. De plus, la mise en place de redevances d'utilisation des infrastructures existantes, de type « eurovignette » taxant les poids lourds, pourrait favoriser le développement de l'intermodalité, particulièrement sur l'axe Rhin-Rhône. Enfin, l'émission d'un emprunt communautaire destiné au financement des réseaux transeuropéens de transports de voyageurs comme de marchandises, est urgente.

M. Jean-Louis Fousseret a ensuite insisté sur l'intérêt pour toutes les agglomérations situées sur l'axe Rhin-Rhône de concevoir des réseaux de villes, de Strasbourg à Marseille, pour organiser des échanges et une collaboration permanente entre elles, l'axe devant tirer sa vitalité de l'existence de pôles dynamiques fortement structurés.

Il a aussi indiqué que l'axe Rhin-Rhône devait être un couloir immatériel prioritaire pour les nouvelles technologies de l'information et de la communication qui contribuera à mettre les villes en réseau.

En conclusion, il a considéré que l'axe devait être conçu comme un élément de cohésion et de solidarité, pour les régions françaises traversées comme pour l'Europe dans son ensemble. Il doit s'agir d'un axe intégrateur et structurant au sein de la construction européenne, mais aussi au sein de l'espace euro-méditerranéen.

M. André Schneider a noté avec satisfaction la place accordée à l'Alsace dans le rapport. Après avoir indiqué que son groupe transmettrait ultérieurement une contribution, il a indiqué avoir été très heureux, à titre personnel, d'avoir participé à cette mission dont les membres ont réussi à rester solidaires au-delà des préoccupations de chacun, notamment pour reconnaître ensemble le rôle de Strasbourg comme capitale européenne.

M. Renaud Muselier a tout d'abord rappelé que cette mission avait représenté plus d'un an de travail important et qu'elle avait réalisé de nombreuses auditions. Il s'est déclaré, en regard de cet effort, déçu du résultat, estimant que la montagne avait « accouché d'une souris ». L'enjeu était de réfléchir ensemble sur l'aménagement du territoire compris entre les bouches du Rhône et les bouches du Rhin, notamment du point de vue des infrastructures de transport, afin de promouvoir le développement économique de ces régions alors que le projet de canal Rhin-Rhône a été abandonné.

M. Renaud Muselier a considéré qu'un tel enjeu permettait les plus grands espoirs quant au contenu du rapport compte tenu en particulier de la communauté de vision qu'il savait exister entre le président Vauzelle et lui. Or, à sa lecture, il a constaté avec dépit que le rapport ne proposait ni financement, ni calendrier, ni stratégie et ne contenait que des incantations bien pensantes, sur lesquelles on ne peut être qu'en accord, sur la nécessité de développer des mises en réseaux ou des complémentarités.

Il a pris acte du fait que la réalisation du canal Rhin-Rhône a été abandonnée et qu'il ne s'agit pas de revenir sur cette décision. Il a toutefois rappelé que 17 milliards de francs devaient être consacrés à ce projet pour lequel des travaux préliminaires ont déjà été réalisés. Il a donc regretté vivement que tout cet argent ait disparu et que seuls 30 millions de francs soient aujourd'hui prévus au profit des régions qui s'étaient impliquées, somme sur laquelle 500 000 francs ont pour l'instant été débloqués.

Il a relevé qu'alors que le port de Marseille est le premier port français, le rapport n'énonçait aucune stratégie pour son développement ; il évoque les investissements réalisés pour le projet euro-Méditerranée en les sous-estimant d'ailleurs puisque ce sont aujourd'hui 2,4 milliards de francs et non plus de 1,7 milliard de francs comme mentionné dans le rapport qui lui seront consacrés.

M. Renaud Muselier a précisé qu'à l'origine ce projet ne résultait pas d'une démarche gouvernementale mais des acteurs locaux intéressés au développement du port. Il s'est ensuite déclaré désespéré par la conclusion de la partie du rapport relative à la modernisation du port de Marseille, selon laquelle « l'enjeu consiste donc à assurer au port de Marseille une place attractive, en tant que porte rhodanienne ouverte aux marchandises en provenance du bassin méditerranéen, grâce à des infrastructures modernisées susceptibles de concurrencer celles des ports méditerranéens italiens ou espagnols ». Indiquant que Marseille disposait d'ores et déjà d'infrastructures modernes, il a estimé que tel n'était pas à son sens l'enjeu. De même, il a vivement regretté que, concernant les plates-formes logistiques multimodales, le rapport n'évoque leur développement qu'à Lyon et Avignon et non à Grans-Miramas, à Mourepagne, le Canet ou à Arles, où elles sont pourtant nécessaires pour permettre au port de Marseille de bien fonctionner.

En conclusion, M. Renaud Muselier s'est déclaré très déçu. Il a indiqué avoir participé à la mission pour soutenir une démarche commune tendant à demander les efforts financiers nécessaires à l'aménagement de l'axe et qu'il ne voyait pas aujourd'hui comment il pourrait voter un rapport qui ne traduit pas cette préoccupation.

M. Michel Vauzelle, président, tout en convenant que des problèmes spécifiques et locaux se posaient en chaque endroit situé sur l'axe, a estimé que l'établissement d'un simple catalogue de ces questions ne pouvait tenir lieu de rapport ; un tel propos sortirait du thème que s'était assigné la mission, qui demeure la réflexion sur un axe dans sa globalité.

M. Gérard Voisin, prenant la parole au nom du groupe Démocratie libérale et après avoir rappelé que le vote sur les conclusions de cette mission prévu en juillet dernier avait été reporté, a estimé que la nouvelle version du rapport, mis à part des développements nouveaux sur l'avenir de Marseille, ne différait pas beaucoup de la première.

Il a jugé que ce rapport était en demi-teinte et que ses conclusions étaient décevantes. Le développement du transport multimodal est effectivement primordial mais ne pourra être assuré que si la SNCF peut garantir la permanence du service. La volonté de privilégier les « réseaux de ville » relève de l'utopie et ce raisonnement reprend l'esprit de la loi du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire qui a largement favorisé les agglomérations au détriment des zones rurales. Le rapport met également en avant le retard du programme autoroutier, dont le rattrapage nécessaire est manifestement méconnu par le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Il accorde par ailleurs une importance contestable à la ville de Dole alors que Besançon ou Dijon constituent des points d'appui plus évidents pour le développement de l'axe Rhin-Rhône.

M. Gérard Voisin a déploré également que le rapport élude la question du canal Rhin-Rhône et les inconvénients qui résultent du renoncement à ce projet, qui constitue une grave erreur économique et soulève plusieurs questions :

- le canal est-il encore réalisable ?

- les frais déjà engagés, notamment par les collectivités locales seront-ils remboursés ?

- ce remboursement sera-t-il à la charge du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement ?

- quel sera l'avenir de la Compagnie nationale du Rhône qui perd la « rente du Rhône » ?

Il a en outre considéré que cet abandon a également de graves conséquences pour le transport fluvial, en particulier pour la liaison Marseille-Lyon et pose la question du développement du port de Marseille. Le canal aurait pu être la colonne vertébrale du développement de cinq régions, de l'Alsace à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur en passant par la Franche-Comté, la Bourgogne et Rhône-Alpes.

Il a enfin estimé, sans mettre en cause la qualité du travail du rapporteur, que ce rapport ne faisait qu'énumérer une suite de lieux communs et n'avançait aucune proposition concrète. En conséquence, il a annoncé qu'il se prononcerait contre son adoption.

M. Michel Vauzelle, président, a tenu à préciser que la mission n'avait pas eu pour objet de permettre aux partisans de la construction du canal à grand gabarit de dresser la liste des problèmes qu'avait soulevé la décision d'abandonner sa réalisation, mais de réfléchir à l'aménagement d'un axe.

M. Jean-Louis Fousseret, rapporteur, regrettant les interventions des commissaires limitant leur propos à des éléments de politique locale, a rappelé lui aussi que le débat ne portait plus sur les avantages et les inconvénients du canal. La différence de point de vue, sur ce sujet, entre le président de la mission et son rapporteur, n'avait pas empêché de tracer des perspectives pour le développement de l'axe Rhin-Rhône.

Il a précisé qu'en outre le rapport d'une mission d'information devait s'appuyer sur les auditions et les éléments constatés au cours des déplacements. Dans ce but, le rapport a tenté de rendre fidèlement compte des résultats des travaux et cherché à tirer des conclusions pour attirer l'attention du Gouvernement sur l'urgence de l'aménagement de l'axe Rhin-Rhône.

S'agissant de la « rente du Rhône », il a enfin indiqué qu'elle n'était pas une cassette dans laquelle il suffisait de puiser, contrairement à ce que certains croyaient.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz a indiqué que pour sa part, elle était favorable à l'abandon du projet de canal mais qu'elle n'en avait pas fait état jusqu'ici, estimant que c'était là de l'histoire ancienne.

Elle a estimé que la mission avait réalisé un travail de qualité, ce qui était loin d'être évident à sa création, compte tenu de la diversité des préoccupations des uns et des autres le long de l'axe.

Elle a précisé qu'elle aurait personnellement préféré qu'une place plus grande soit accordée dans le rapport aux difficultés du Nord de la Franche-Comté, région industrielle sinistrée. Le rapport n'avait de sens qu'en adoptant, comme il l'a fait, une perspective d'ensemble dont elle a estimé qu'elle ne privilégiait pas une région plutôt qu'une autre. Elle a considéré qu'il convient aujourd'hui d'être unanimes pour demander au Gouvernement les moyens nécessaires au développement de l'axe, afin de tirer profit de la chance qu'il représente. Elle a, à cet égard, évoqué la richesse de la Suisse.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz a ensuite fait part de son inquiétude quant au calendrier, puisque la négociation de la prochaine génération de contrats de plan Etat-Régions est déjà bien avancée. Elle a enfin évoqué les réseaux de ville mis en place dans sa région, estimant qu'ils permettaient un aménagement du territoire solidaire et intelligent.

M. André Godin a estimé qu'après l'abandon du canal, la nécessité d'une concertation large, conduite dans le cadre de cette mission, pour apprécier la volonté des différentes régions de participer à une dynamique commune de développement, était évidente. Il a indiqué que les contrats de plan Etat-régions connaîtraient une étape permettant leur évaluation en 2003 et que, dans la perspective de celle-ci, il était important de commencer dès à présent à sensibiliser les pouvoirs publics à la nécessité de développer l'axe Rhin-Rhône. Il a estimé que des mesures devaient être prises pour faire face aux difficultés entraînées par le transit de fret sur la route récemment illustrées par le drame du tunnel du Mont-Blanc. A cet égard, il a jugé indispensable de distinguer les voies ferroviaires réservées au fret et celles empruntées par les voyageurs.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler s'est réjouie que le rapport ait abordé l'ensemble de la problématique « rail-route-fluvial » ce qui n'avait jamais été le cas auparavant. Si le débat s'est focalisé sur la Franche-Comté, c'est parce que c'est autour de cette région que se développera l'axe Rhin-Rhône. Le rapport souligne fort justement la nécessité d'accorder la priorité au développement du rail pour le transport des passagers mais aussi pour le fret.

M. Michel Vauzelle, président, s'est tout d'abord réjoui de la dernière intervention, qui a situé clairement les objectifs de la mission. Il a par ailleurs mis en garde contre le risque politicien qui consisterait, d'une part, à limiter le propos du rapport à une suite de demandes de « saupoudrages » financiers, d'autre part, à polémiquer en prétendant que la mission aurait « accouché d'une souris ». De tels propos ne peuvent que réduire la portée des travaux et desservir l'ensemble des territoires constituant l'axe Rhin-Rhône.

M. André Vauchez s'est réjoui que la mission d'information ait été jusqu'ici solidaire et ait permis d'avoir une vue d'ensemble au terme de nombreuses auditions.

Il a approuvé la conclusion selon laquelle le développement du rail était prioritaire. La Franche-Comté étant dans un couloir, il convient de développer le rail afin de ne pas asphyxier la route. Ce développement doit utiliser au maximum les voies ferrées actuelles. Il a considéré à cet égard qu'il était impératif que la SNCF change sa culture d'entreprise et règle avec efficacité le problème du fret.

Il a estimé qu'il n'y avait pas lieu de critiquer l'importance accordée à Dole dans ce rapport, compte tenu notamment de l'importance du trafic de passagers passant par cette ville.

M. Jean-Michel Dubernard a estimé que le rapport n'était pas insignifiant mais restait superficiel. La problématique est posée mais sans finesse ; si des pistes sont tracées, le rapport ne fait aucune proposition. Le rapport se borne à reprendre des constats connus comme l'augmentation du trafic ou la nécessité de créer un contournement de la ville de Lyon. Dans le domaine du financement, il ne contient en outre rien de précis.

M. Michel Vauzelle, président, abordant les problèmes de l'aval de l'axe Rhin-Rhône à Marseille, a rappelé que les problèmes touchant à l'enclavement de ce grand port ne seraient pas réglés tant que l'on n'aurait pas résorbé l'engorgement du trafic dans le contournement de Lyon. Il a souligné l'importance décisive de cette question et considéré que, tant qu'aucune solution ne lui serait apportée, la marginalisation de l'axe par rapport au centre de l'Europe se poursuivrait.

M. Jean-Louis Fousseret, rapporteur, rappelant l'importance d'une démarche globale pour une réflexion utile sur l'avenir de l'axe Rhin-Rhône, a insisté sur l'importance d'une conception multimodale des transports.

M. Joseph Parrenin a salué le travail important réalisé dans le cadre de la mission. Il a noté que celle-ci n'avait pas été mise en place pour évoquer à nouveau la question du canal mais que paradoxalement, l'abandon de celui-ci avait permis une réflexion commune sur les perspectives de développement de cet axe fondamental pour notre pays qui aurait dû être conduite plus tôt. Il a souhaité qu'alors que la mission se terminait, une structure nouvelle puisse être mise en place afin de continuer ce travail.

M. Joseph Parrenin a ensuite relevé avec satisfaction que si le rapport accordait naturellement une large place aux questions de transport, d'autres domaines étaient également évoqués comme la formation et la recherche. En ce qui concerne les transports, il a estimé que deux modes devaient être privilégiés, le rail et la route, et que la question du contournement de Lyon, qui concerne toutes les régions situées sur l'axe, devait être réglée le plus vite possible.

Il a enfin jugé d'autant plus nécessaire de prolonger un travail en commun que l'axe aurait besoin dans les décennies à venir de davantage de crédits, tant pour des infrastructures ferroviaires que pour des infrastructures routières.

M. Jacques Pélissard a estimé que le rapport posait correctement certains problèmes tels que l'augmentation importante du trafic entre le Bénélux et la péninsule ibérique ou l'avenir de l'aéroport de Lyon Satolas, dont le nombre de passagers doit passer de 5 millions à 8 millions, ou encore la nécessité de désenclaver la «banane bleue ». Le rapport propose aussi la réalisation du TGV Rhin-Rhône, y compris celle de sa branche sud. En revanche, les solutions financières énoncées sont insuffisantes.

M. Renaud Muselier a regretté la décision prise d'abandonner la réalisation du canal en indiquant qu'il se soumettait au choix des électeurs. Renouvelant ses critiques quant au manque d'ambition du rapport pour le port de Marseille, il a confirmé qu'il ne pourrait dans ces conditions le soutenir.

M. Michel Vauzelle, président, a indiqué que Marseille, premier port français, n'avait rien à craindre de Gènes ou de Barcelone, notamment grâce aux améliorations apportées à la qualité du service, même s'il ne s'agissait pas de le comparer aujourd'hui avec Rotterdam.

M. Gérard Voisin a souhaité que Mme Paulette Guinchard-Kunstler lui précise si elle estimait qu'indépendamment de leur coût, les nouveaux équipements permettant d'assurer la fluidité du trafic sur l'axe entraîneraient moins de nuisances que n'en aurait créées la réalisation du canal.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler s'en est déclarée convaincue pour ce qui concernait la Franche-Comté.

M. Jean-Louis Fousseret, rapporteur, a déclaré partager ce point de vue et a rappelé que la démarche des opposants au canal Rhin-Rhône à grand gabarit n'était aucunement fondée sur une analyse dogmatique.

M. André Vauchez a considéré qu'il était important que les membres de la mission se rassemblent sur les objectifs définis en faveur du développement de l'axe Rhin-Rhône.

M. Joseph Parrenin a rappelé qu'il s'était opposé à la réalisation du canal Rhin-Rhône pour des raisons économiques. Il a regretté que le rapport ne puisse être adopté à l'unanimité et a suggéré que ce travail collectif se poursuive.

M. Joseph Tyrode a estimé que ce travail parlementaire collectif était très positif. L'objectif du développement de l'axe Rhin-Rhône est déjà relayé dans les « pays » existants ou en formation, qui cherchent à définir des enjeux communs. Il a considéré enfin qu'un vote négatif sur le rapport serait néfaste pour la suite que chacun entendait donner au projet d'avenir pour ce grand axe européen.

M. Jean-Louis Fousseret, rapporteur, s'est associé à l'idée de prolonger la réflexion engagée par la mission d'information qui s'achève et a proposé dans ce but de constituer un groupe d'études spécifique chargé de cette question.

M. Michel Vauzelle, président, a acquiescé à cette idée et indiqué que, parallèlement à cette démarche, il s'adresserait, en sa qualité de président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, aux présidents des autres régions constituant l'axe Rhin-Rhône, afin de réfléchir ensemble aux moyens à mettre en _uvre pour dynamiser cette grande artère européenne.

Il a ensuite mis aux voix l'ensemble du rapport. La mission a approuvé les conclusions du rapport et autorisé sa publication conformément à l'article 145 du Règlement.

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EXPLICATIONS DE VOTE

EXPLICATIONS DE VOTE DES COMMISSAIRES APPARTENANT
AU GROUPE RPR
(*)

Il convient de rappeler tout d'abord que cette mission d'information a été mise en place en avril 1998, après la décision du Gouvernement de renoncer au projet de canal à grand gabarit. L'axe Rhin-Rhône constitue en effet un axe fondamental d'une politique de rééquilibrage de l'espace national.

Les membres RPR ont regretté d'emblée le retard pris dans la publication de ce rapport, présenté pourtant dès le début du mois de juillet et ensuite retiré sans raison. Ils ont ensuite affirmé, dès le début des travaux de la mission d'information, il y a plus d'un an, une volonté collective de travailler sur un aménagement du territoire permettant, après l'abandon du projet de canal Rhin-Rhône à grand gabarit, de préparer l'avenir pour les régions concernées.

Ils constatent hélas que la montagne a accouché d'une souris :

- absence de financement

- absence de calendrier

- absence de stratégie.

En définitive, il ressort des conclusions de cette mission d'information que de vagues incantations : « mise en réseau ou complémentarités, nécessité d'une réponse efficace au développement des trafics, organisation de la fluidité des trafics, développement du transport fluvial entre Marseille et Lyon, du contournement de Lyon ou encore du déblocage du verrou ferroviaire que représente Lyon, affirmation de la nécessité de la branche sud du TGV Rhin-Rhône... »

Mais face à ces évidences, aucun financement n'est hélas prévu pour réaliser les investissements nécessaires. Quelques chiffres et carences budgétaires résument les lacunes du rapport :

- 17 milliards de francs étaient prévus dans le cadre du canal Rhin-Rhône ;

- 30 milliards de francs ont été affectés par le Gouvernement pour compenser les dépenses engagées par les collectivités locales ;

- 500 000 francs ont été débloqués en octobre ;

- aucune somme n'est budgétisée pour l'avenir.

En conclusion, ce rapport ne préconise pas de façon volontariste les moyens financiers et stratégiques d'un véritable aménagement du territoire digne de cette mission commune, alors que l'axe Rhin-Rhône constitue un enjeu essentiel du développement économique de la France et de l'Europe.

Alors même que l'un des objets de la mission d'information était précisément de plaider pour l'aménagement des infrastructures de cet axe, afin notamment de ne pas marginaliser les atouts de la France face à la concurrence d'un axe Hambourg-gènes actuellement en cours de constitution, il est regrettable de constater le manque de portée des mesures préconisées par le rapport.

Eu égard à toutes les incertitudes qui pèsent sur l'avenir de cet axe, des incertitudes liées notamment à une absence de financement, les membres RPR de la mission d'information ont décidé de voter contre le présent rapport.

EXPLICATIONS DE VOTE DES COMMISSAIRES APPARTENANT
AU GROUPE DL
(*)

I.- Un rapport en demi-teinte et des conclusions décevantes

Ce rapport insiste sur le développement du transport multimodal. Celui-ci est effectivement primordial pour le développement de l'axe Rhin-Rhône. Il ne pourra cependant être assuré que si la SNCF peut garantir la permanence du service, ce qui n'a pas été le cas lors des dernières grèves qu'a connu l'entreprise publique.

Le rapport souligne de manière pertinente que le désenclavement de la Suisse est un volet important du développement de l'axe Rhin-Rhône. Il ne pourra cependant être effectif que si Genève est relié à Mâcon par le PLM TGV.

La volonté inscrite dans ce rapport de privilégier les « réseaux de villes » relève de l'utopie puisque chaque métropole cherche à attirer dans ses limites les divers avantages qui peuvent s'offrir à elle. De plus, ce raisonnement reprend les principales dispositions de la loi sur l'aménagement du territoire qui ont largement favorisé les agglomérations au détriment des zones rurales.

Ce rapport met également en avant le retard dans la politique autoroutière du ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement qui ne comprend manifestement pas la nécessité de construire des autoroutes. Le rapport souligne l'urgence d'une meilleure desserte routière de la Franche-Comté, notamment sur l'autoroute A 36, la RN 57 et la RN 19.

On peut de plus s'étonner de l'importance accordée à la ville de Dole (25 000 habitants) dans cet état des lieux sur le développement de l'axe Rhin-Rhône. Cette ville n'est pas une capitale régionale. Le développement de l'axe Rhin-Rhône passerait plutôt par le développement de métropoles régionales déjà existantes et attractives telles que Besançon (117 000 habitants) ou Dijon (150 000 habitants).

II.- Une lacune de taille : le canal rhin-rhône

Affirmant dès l'introduction que la question du canal à grand gabarit Rhin-Rhône est définitivement tranchée, ce rapport se permet d'éluder totalement la question sans envisager l'ensemble des inconvénients qui résultent d'un tel renoncement et auxquels les diverses mesures décrites essaient de remédier.

L'abandon de la construction de ce canal est une erreur économique et technique. C'était une promesse du candidat Jospin remplie par le Premier ministre. C'est une des nombreuses erreurs économiques du Premier ministre socialiste. Cet abandon soulève par ailleurs plusieurs questions :

- L'abandon est-il irréversible ?

- Le canal est-il encore techniquement faisable ?

- Les frais engagés par la Compagnie nationale du Rhône et par les collectivités territoriales pour les études de ce grand projet avorté seront-ils remboursés ?

- Ce remboursement sera-t-il à la charge du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement ?

- Quid de l'avenir de la Compagnie nationale du Rhône, qui perd la « rente du Rhône », puisque sa production hydroélectrique devait financer une partie des travaux du canal Rhin-Rhône ?

L'abandon de la construction du canal à grand gabarit pose également le problème de la liaison fluviale Lyon-marseille qui est trop courte puisqu'elle n'est que de 300 kilomètres. Le fret fluvial est donc moins rentable pour les transporteurs qu'une liaison par la route. Le canal Rhin-Rhône aurait ici été intéressant car s'étirant sur une longue distance. Le rapporteur oublie de citer dans ses conclusions la perte d'intérêt qu'a subi le transport fluvial avec l'arrêt du canal.

Après l'abandon du canal, se pose aussi la question du développement du port de Marseille et de son arrière-pays, et du renforcement de Lyon et de la région Rhône-Alpes. La Bourgogne doit également profiter pleinement de ce qui constitue aujourd'hui l'axe Rhin-Rhône. Elle se situe en effet en position terminale du transport fluvial, avec les activités multimodales de Pagny, qu'il faudrait d'ailleurs renforcer.

Le canal Rhin-Rhône aurait pu être la colonne vertébrale qui aurait facilité et soutenu le développement économique et social de cinq régions importantes, de l'Alsace à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, en passant par la Franche-Comté, la Bourgogne et Rhône-Alpes.

III.- Conclusion

Avec un titre de mission d'information et de rapport aussi alléchant et de par la quantité et la qualité des personnes auditionnées, le lecteur pouvait espérer des conclusions plus développées que celles qui lui sont présentées. Le rapporteur n'a visiblement pas grand chose à dire puisqu'il ne fait qu'énumérer une suite de lieux communs et ne fait aucune proposition concrète.

Or, l'axe Rhin-Rhône revêt une importance stratégique dans les rapports internationaux entre le Nord et le Sud de l'Europe, et sert à la dynamisation des cinq régions desservies.

Le Groupe Démocratie Libérale votera contre ce rapport, car ses conclusions sont insatisfaisantes. Elles auraient dû être plus fortes et plus porteuses.

EXPLICATIONS DE VOTE DES COMMISSAIRES APPARTENANT
AU GROUPE RCV
(*)

Considérant l'urgente nécessité d'aménager ce grand axe pour notre Pays, l'axe Rhin-Rhône en permettant les circulations et les échanges entre l'Europe du Nord et le Sud.

Souhaitant que soient prises en compte les liaisons indispensables à réaliser, non seulement avec l'Allemagne mais également la Suisse.

Favorable à l'abandon du canal à grand gabarit, le groupe RCV reconnaît la qualité de la démarche qui a présidé à l'élaboration de ce rapport qui :

- prend bien en compte l'aspect d'aménagement du territoire à travers les différents modes de désenclavement et de circulations notamment rail, routes ;

- souligne la nécessaire coopération interrégionale et reconnaît que la collaboration en un réseau de villes Rhin-Sud est à poursuivre ;

- considère que le désenclavement de la région de Franche-Comté qui est géographiquement le n_ud ou le c_ur de cette liaison Nord-Sud et Est-Ouest, dont le Nord très industrialisé est sinistré par des pertes d'emploi

- doit impérativement bénéficier d'un effort particulier de l'Etat et notamment par la réalisation du TGV Rhin-Rhône.

Le groupe RCV émet donc un avis favorable.

N°1920. - RAPPORT D'INFORMATION de M. Jean-Louis FOUSSERET déposé en application de l'article 145 du Règlement par la mission d'information commune sur les perspectives économiques et sociales de l'aménagement de l'axe européen Rhin-Rhône (Tome I - Rapport)