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en distribution

le 18 janvier 2000

N° 2074

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 janvier 2000.

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES ET A L'ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES (1) SUR :

I.- LE PROJET DE LOI ORGANIQUE (n° 2013) tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l'assemblée de la Polynésie française et de l'assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna ;

II.- LE PROJET DE LOI (n° 2012) tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives,

PAR Mme ODETTE CASANOVA

Députée.

--

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

Elections et référendums.

La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes est composée de : Mme Martine Lignières-Cassou, présidente ; Mmes Muguette Jacquaint, Chantal Robin-Rodrigo, Yvette Roudy, Marie-Jo Zimermann, vice-présidentes ; Mme Marie-Thérèse Boisseau, M. Michel
Herbillon, secrétaires ; M. Pierre Albertini, Mmes Nicole Ameline, Martine
Aurillac, Roselyne Bachelot-Narquin, M. Patrick Bloche, Mme Danielle Bousquet, M. Philippe Briand, Mme Nicole Bricq, M. Jacques Brunhes, Mmes Odette
Casanova, Nicole Catala, MM. Richard Cazenave, Henry Chabert, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Jean-Pierre Defontaine, Jean-Claude Etienne, Jacques Floch, Claude Goasguen, Patrick Herr, Mmes Anne-Marie Idrac, Conchita Lacuey, Jacqueline Lazard, Raymonde Le Texier, M. Patrice Martin-Lalande, Mmes Hélène Mignon, Catherine Picard, MM. Bernard Roman, André Vallini,
Kofi Yamgnane

SOMMAIRE

-

Pages

INTRODUCTION 5

I - LA RÉFORME ENVISAGÉE OUVRE LA VOIE À UNE VÉRITABLE PARITÉ EN MATIÈRE POLITIQUE 6

A. UNE SITUATION ACTUELLE INACCEPTABLE 7

1. La situation française 7

2. La situation à l'étranger 9

3. Une « accélération historique » 9

B. LA RÉFORME ENVISAGÉE POUR UNE VÉRITABLE PARITÉ DES HOMMES ET DES FEMMES DANS LA VIE POLITIQUE 10

1. Les antécédents de la réforme 10

2. Ce que prévoit la réforme 12

II.- LES CORRECTIFS A APPORTER AUX DISPOSITIONS DES PROJETS DE LOI 14

A. LES CORRECTIFS POUR LES SCRUTINS DE LISTE 14

1. Les éléments de réflexion 15

a) L'absence de mouvement naturel vers l'égalité 15

b) Le contre-exemple belge 15

2. La nécessité d'une plus grande contrainte 16

a) Les solutions possibles 16

b) La solution proposée 17

B. LES CORRECTIFS POUR LE SEUL SCRUTIN UNINOMINAL CONCERNÉ PAR LE PROJET DE LOI : CELUI DES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES 18

1. Le principe de la sanction 18

2. Les conditions de la sanction 19

3. L'affectation du montant de la sanction 20

4. Le complément de la sanction 20

III.- LES PROLONGEMENTS DE LA RÉFORME 21

1. L'extension du principe de parité à d'autres élections 21

a) Les élections cantonales 21

b) Les élections sénatoriales 22

c) Les élections municipales dans les communes de moins de 3.500 habitants. 23

2. L'application de la parité aux exécutifs locaux et aux structures intercommunales 24

a) La parité dans les exécutifs locaux 24

b) La parité dans les organes délibérants des structures intercommunales 25

RECOMMANDATIONS ADOPTEES PAR LA DÉLÉGATION 31

ANNEXES 33

Annexe 1 : Liste chronologique des propositions de loi relatives à la parité dans les modes de scrutin déposées depuis 1994 35

Annexe 2 : Comptes rendus des auditions de la Délégation 41

Annexe 3 : Associations ayant communiqué leurs observations écrites 113

Mesdames, Messieurs,

La loi constitutionnelle du 8 juillet 1999, dont l'article premier, modifiant l'article 3 de la Constitution, précise que : « la loi favorise l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et fonctions électives », représente le point d'orgue du long combat mené par les femmes pour mettre un terme à l'exclusion dont elles ont été victimes dans la sphère politique.

Ce combat a traversé toutes les sociétés, développées ou non, et l'on peut être légitimement fier que la France, après avoir si longtemps ignoré les femmes, se retrouve aujourd'hui à l'avant-garde.

La décision du Conseil Constitutionnel du 18 novembre 1982, qui avait jugé inconstitutionnelle la loi instaurant un quota de 75 % de personnes du même sexe sur les listes municipales est désormais reléguée dans le passé.

Aujourd'hui, l'on ne parle plus de « quotas » mais bien de « parité » de femmes et d'hommes. Seule la réalisation effective de la parité permettra en effet de faire progresser la liberté et la démocratie dans notre pays.

C'est bien l'objectif affiché par le Gouvernement et il faut saluer l'initiative qu'il a prise en déposant, dans des délais très brefs, deux projets de loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ce qui représente une avancée décisive pour la cause des femmes.

La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a été saisie, à sa demande, de ces deux projets de loi par la commission compétente au fond, la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Rappelons que la Délégation, composée de 36 membres désignés « de manière à assurer une représentation proportionnelle des groupes parlementaires et équilibrée des hommes et des femmes ainsi que des commissions permanentes », peut être saisie, sur les projets et propositions de loi, par le Bureau de l'Assemblée nationale ou par une commission permanente ou spéciale et, sur les textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution, par la Délégation pour l'Union européenne.

En cas de saisine, les travaux de la Délégation donnent lieu au dépôt d'un rapport comportant des recommandations, qui est transmis, selon le cas, aux commissions compétentes ou à la Délégation pour l'Union européenne.

Votre Délégation a procédé, aux mois de novembre et décembre 1999, à une série d'auditions1 de politologues, philosophes et juristes intéressés au problème de la parité dans la vie politique.

Le présent rapport n'a pas pour objet d'analyser en détail les dispositions de ces projets de loi, tâche qui incombe à la commission permanente compétente. Il vise à exprimer l'avis de la Délégation sur la réforme envisagée et à formuler ses propres recommandations.

Après avoir dressé un rapide état des lieux, il convient d'examiner ces projets de manière critique : car certaines dispositions, qui y figurent, devraient être renforcées tandis que d'autres, que l'on aurait aimé y voir figurer, en sont absentes et devraient donc y être insérées.

I - LA RÉFORME ENVISAGÉE OUVRE LA VOIE À UNE VÉRITABLE PARITÉ EN MATIÈRE POLITIQUE

La politique a été depuis la Révolution française et pendant un siècle et demi un domaine presqu'exclusivement masculin. Par l'ordonnance du 21 avril 1944, les Françaises sont enfin devenues électrices et éligibles. Pourtant, aujourd'hui encore, en 1999, alors que les femmes représentent 53 % de l'ensemble des électeurs, le constat est toujours accablant : les femmes demeurent marginales dans la représentation politique.

Il convient de noter cependant que, depuis 1994, de nombreuses propositions de lois et rapports ont ponctué un chemin vers la parité qui a pris une orientation décisive avec la révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 pour franchir aujourd'hui une nouvelle étape avec les deux textes présentés par le Gouvernement.

A. UNE SITUATION ACTUELLE INACCEPTABLE

La faiblesse de la présence féminine dans la vie politique semble être une spécificité française, heureusement en voie d'amélioration ces dernières années.

1. La situation française

A l'heure actuelle, la France est l'avant-dernier pays de l'Europe des Quinze pour le niveau de représentation des femmes dans les chambres basses ou uniques des Parlements nationaux.

Lors des trois premiers scrutins de 1945 et 1946, celle-ci s'est établie autour d'un chiffre un peu inférieur à 6 % d'élues, pour baisser ensuite lors des scrutins de 1951 (3,5 % d'élues) et de 1956 (3,2 % d'élues), avant de connaître une véritable « traversée du désert » au cours des premières années de la Vème République (le pourcentage d'élues étant toujours inférieur à 2 % sauf en 1967 : 2,1 %). Ce n'est qu'à partir de 1987 que la proportion d'élues remonte pour se stabiliser aux alentours de 6 %. Les élections de 1997 marquent en revanche une nette progression d'élues : elles étaient 63 au soir du deuxième tour (soit 10,9 %) ; elles sont 60 aujourd'hui.

Au Sénat, la situation est encore plus accablante : 9 femmes ont été élues en 1995 (7,7 % du total), 3 femmes l'ont été en 1998 (2,9 %) ce qui porte le nombre de sénatrices à 19 (sur un total de 321).

La sous-représentation des femmes est également évidente pour les conseils généraux, bien que le nombre des femmes élues soit en progression : 106 femmes élues en 1994 (5,3 %), 162 femmes élues en 1998 (7,9 %). La situation est toutefois meilleure dans les conseils municipaux puisque 21,7 % des conseillers municipaux étaient des femmes en 1995. Elle est beaucoup plus satisfaisante au niveau des conseils régionaux et du Parlement européen, et en progression constante ces dernières années. La délégation française au Parlement européen comprend ainsi 35 élues sur 87 membres (40,2 %). Quant aux conseillères régionales, 463 d'entre elles sur 1.829 (soit 25,3 %) ont été élues en 1998.

La situation à l'issue des dernières élections

(France entière)

Elections

Nombre de

candidates

(au 1er tour ou au tour unique)

(et % de femmes candidates)

Nombre de candidates

(au 2ème tour)

(et % de femmes candidates)

Nombre d'élues

(et % de femmes élues)

Elections au Parlement européen

(1999)

687

(39,48 %)

 

35

(40,2 %)

Elections législatives

(1997)

1 464

(23,02 %)

171

(14,29 %)

63

(10,9 %)

Elections sénatoriales

(renouvellement partiel de 1998)

88

(16,18 %)

59

(12,88 %)

3

(2,9 %)

Elections régionales (1998)

6 333

(35,93 %)

 

463

(25,3 %)

Elections cantonales (1998)

1.662

(14,86 %)

367

(11,01 %)

162

(7,9 %)

(Source : Ministère de l'Intérieur)

Au niveau des exécutifs locaux, la situation des femmes n'est guère plus enviable comme le montre le tableau suivant :

La situation actuelle des femmes exerçant des fonctions électives

 

Nombre de femmes

Nombre total d'élus

%

Maire

2 970

36 496

8,1 %

Président de conseil général

1

100

1 %

Président de conseil régional

2

26

7,7 %

(Source : Ministère de l'Intérieur)

2. La situation à l'étranger 2

Les femmes des pays membres de l'Union Européenne sont mieux représentées que les Françaises au niveau national (20,53 % d'élues en moyenne dans l'Union Européenne) et au niveau local (20 % en moyenne). En revanche, la France est dans la moyenne de la représentation pour le niveau régional (24,9 % d'élues en moyenne dans l'Union Européenne) et fait beaucoup mieux que la moyenne de ses voisins européens pour les élections européennes (29,9 % d'élues en moyenne dans l'Union Européenne 3).

Au niveau national, seule la Grèce fait moins bien que la France (avec 6,3 % de femmes) tandis que, à l'autre extrême, l'ensemble des pays nordiques (Suède, Norvège, Finlande, Danemark) comptent plus de 33 % (40,4 % pour la Suède) d'élues.

3. Une « accélération historique »

Une évolution positive de la représentation des femmes est cependant perceptible ces dernières années, ce que Mme Geneviève Fraisse a qualifié, au cours de son audition par la Délégation, d'« accélération historique ». Certains partis ont ainsi fait de notables efforts en faveur de la parité de candidatures.

Aux élections européennes de 1994, 6 listes sur 20 ont été des listes paritaires ou quasiment paritaires : celles du parti socialiste, du parti communiste, du Mouvement des Citoyens, des Verts, de Lutte ouvrière ainsi que la « petite liste » conduite par M. C. Cotten. Il en est résulté une augmentation de 23,4 % à 29,9 % du nombre de femmes élues.

Aux élections législatives de 1997, la décision de M. Lionel Jospin, alors premier secrétaire du parti socialiste, de présenter au moins 30 % de candidates a été suivie par le reste des formations de gauche ainsi que par les écologistes. Le pourcentage des candidates a été ainsi de 28,7 % pour le PS, 32,3 % pour l'extrême gauche, 26,8 % pour le PC et 27,7 % pour les écologistes. En ce qui concerne les élues, il y a eu 17,1 % d'élues au PS, 13,1 % au PC, 37,5 % chez les écologistes, 6,4 % à l'UDF et 3,6 % au RPR.

Enfin, aux élections européennes de juin 1999, les listes ayant obtenu des élues au Parlement de Strasbourg (pour la plupart émanant des grands partis) ont proposé 43,7 % de candidates au suffrage des électeurs, la palme revenant à la liste RPR-DL qui a présenté 55,2 % de femmes, suivie de la liste UDF, de celle du PC et de celle de LO-LCR qui en ont présenté 51,7 %. S'agissant des élues, c'est la liste LO-LCR qui a la plus forte proportion (4 femmes sur 5), suivie de celle du PC (3 femmes sur 6), du PS-PRG-MDC (10 femmes sur 22), et des Verts (4 femmes sur 9), les partis de droite faisant de moins bons scores car ils n'ont pas respecté l'alternance homme/femme (5 femmes sur 12 élues RPR-DL, 5 femmes sur 13 pour la liste RPF et 3 femmes sur 9 pour la liste UDF).

B. LA RÉFORME ENVISAGÉE POUR UNE VÉRITABLE PARITÉ DES HOMMES ET DES FEMMES DANS LA VIE POLITIQUE

1. Les antécédents de la réforme

C'est en 1993, au Congrès du parti socialiste du Bourget, que M. Michel Rocard, premier secrétaire du parti, a annoncé sa décision de ne figurer en tête de la liste socialiste aux élections européennes de 1994 qu'à la condition « qu'elle soit composée à stricte égalité de femmes et d'hommes, qu'un candidat sur deux soit une candidate et ce du début à la fin de la liste » (ce qui fut, alors, appelé liste chabada).

De fait, l'année 1994 marque véritablement l'irruption du problème de la parité dans le débat politique, avec la décision prise par de nombreux états-majors politiques de présenter des listes paritaires aux élections européennes (cf. supra).

Par ailleurs, de nombreuses propositions de loi sont déposées à partir de 1994 et présentent un éventail de suggestions de nature à assurer la parité dans les modes de scrutin (cf. liste en annexe).

Parmi celles-ci, on peut noter celle de M. Jean-Pierre Chevènement du 24 mars 1994 qui propose l'alternance homme/femme pour les élections au scrutin de liste, et la parité de candidatures par département pour les élections au scrutin uninominal majoritaire à deux tours ainsi que celle de Mme Muguette Jacquaint du 13 avril 1994 qui propose d'instaurer la représentation proportionnelle pour toutes les élections et de créer un véritable statut de l'élu.

Un rapport est élaboré le 11 décembre 1996 par Mme Gisèle Halimi, au nom de l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, organisme créé par décret du 18 octobre 1995. Il fait état des points de vue des nombreuses personnes auditionnées, se termine par un certain nombre de propositions sur lesquelles il ne tranche pas et se prononce pour une modification de la Constitution. Celle-ci, qui intervient le 8 juillet 1999, constitue le fondement de la réforme présentée aujourd'hui par le Gouvernement.

Par ailleurs, un nouveau rapport de l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, présenté en septembre 1999 par Mme Dominique Gillot, fait un certain nombre de propositions très intéressantes parmi lesquelles :

- pour les élections municipales :

· l'obligation de présenter 40 % de femmes sur les listes aux prochaines échéances (2001),

· l'obligation de présenter 50 % de femmes en 2007, avec alternance femme/homme.

- pour les élections régionales :

· l'obligation de présenter 50 % de femmes dès les prochaines échéances (2004), avec alternance femme/homme.

- pour les élections européennes :

· l'obligation de présenter 50 % de femmes dès les prochaines échéances (2004), avec alternance femme/homme.

- pour les élections législatives :

· l'instauration d'une sanction financière pour les partis qui n'auront pas présenté 40 % de candidats.

· l'institution d'un fonds de la mixité ou de la parité (constitué de sommes retirées à la deuxième fraction de l'aide publique aux partis) qui serait réparti entre les formations politiques respectueuses de l'objectif de parité (40 % de candidats) et au prorata des suffrages obtenus par leurs candidats.

Madame Catherine Génisson, nouvelle rapporteuse de l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, a présenté devant la Délégation les travaux actuels de l'Observatoire sur les deux projets de loi.

2. Ce que prévoit la réforme

· Les deux projets de loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives optent pour l'instauration de la parité dans les candidatures et non pour un système de quotas. Ils énoncent donc le principe que l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe est au plus égal à 1 et le déclinent pour chacune des élections suivantes :

- élections au Parlement européen,

- élections sénatoriales (pour ce qui concerne les sénateurs élus à la représentation proportionnelle),

- élections régionales,

- élections à l'Assemblée de Corse,

- élections municipales (communes de plus de 3.500 habitants),

- élections au Conseil de Paris et aux conseils d'arrondissement de Paris, Lyon, Marseille,

- élections aux assemblées territoriales de Polynésie française et de Wallis et Futuna,

- élections aux assemblées de province et au congrès de Nouvelle-Calédonie.

- élections des conseillers généraux à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Toutes ces élections se déroulent au scrutin de liste. La plupart de ces scrutins ont lieu à la représentation proportionnelle. En revanche, le mode de scrutin des élections municipales dans les communes de plus de 3.500 habitants et celui qui sera appliqué aux prochaines élections régionales est un système mixte qui introduit une forte prime majoritaire dans le système de représentation proportionnelle.

Le respect de l'obligation du principe de parité sera contrôlé au moment de l'enregistrement des candidatures en préfecture (ou au ministère de l'Intérieur pour les élections au Parlement européen). Le préfet ou le ministre de l'Intérieur sera donc tenu de refuser le dépôt d'une liste qui ne respecterait pas le principe paritaire.

Pour les élections législatives qui se déroulent au scrutin majoritaire uninominal, le projet de loi prévoit une sanction financière qui sera applicable de la manière suivante : diminution de l'aide publique accordée à un parti ou à un groupement politique lorsque l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe qui lui sont rattachés dépasse 2 % du nombre total de candidats (ou est supérieur à un pour les partis ou groupements politiques qui ne présentent des candidats que dans les départements d'outre-mer).

Cette sanction portera sur le montant de la première fraction de l'aide versée en application de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique (il s'agit de l'aide qui est fonction du nombre de voix obtenues par les partis présentant au moins cinquante candidats aux élections législatives).

Le taux de diminution de l'aide publique étant égal à 50 % de l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe rapporté au nombre de candidats, cette diminution ne pourra donc être supérieure à 50 % du montant de la première fraction des aides.

Elle sera ainsi de :

- 10 % pour un écart de 20 % (par exemple, 6 hommes et 4 femmes sur une liste de 10),

- 20 % pour un écart de 40 % (par exemple, 7 hommes et 3 femmes sur une liste de 10),

- et ainsi de suite jusqu'à 50 % pour un écart de 100 % (aucune femme ou aucun homme !).

· La réforme s'appliquera :

- en 2001 pour les élections municipales dans les communes de plus de 3.500 habitants et pour les élections sénatoriales à la proportionnelle,

- en 2002 (si elles ont lieu à la date normale) pour les élections législatives,

- en 2004 pour les élections régionales et européennes.

· Resteraient à l'écart de la réforme :

- les élections municipales dans les communes de moins de 3.500 habitants, en raison de leur mode de scrutin particulier (scrutin plurinominal majoritaire à deux tours).

- les élections cantonales, qui ont lieu au scrutin uninominal majoritaire tous les 6 ans avec un renouvellement des conseillers généraux par moitié tous les 3 ans.

- les élections sénatoriales qui ont lieu au scrutin majoritaire.

· Enfin, deux adaptations mineures sont prévues pour l'outre-mer :

- exemption des communes de moins de 3.500 habitants, en Nouvelle-Calédonie, ce qui revient à les placer dans la même situation que celles de la métropole,

- dispositif transitoire pour Mayotte, le principe paritaire n'étant pleinement applicable qu'en 2007.

II.- LES CORRECTIFS A APPORTER AUX DISPOSITIONS DES PROJETS DE LOI

La réforme proposée prévoit, pour les scrutins de liste, un principe strict de parité de candidatures avec une forte sanction, celle de l'irrecevabilité de la liste. En revanche, elle n'impose qu'une sanction financière aux partis ne respectant pas l'obligation de parité de candidatures aux élections législatives.

Mme Mariette Sineau a évoqué devant la Délégation le risque que cette réforme n'aggrave les écarts entre les taux de féminisation des différentes assemblées, entre, d'une part, les assemblées élues à la représentation proportionnelle - relativement féminisées - et, d'autre part, les assemblées au scrutin uninominal, qui resteront des bastions masculins.

Des correctifs sont donc à envisager pour parvenir à une meilleure application du principe de parité et donc à une plus grande féminisation de la vie politique. Ils concernent aussi bien les scrutins de liste que les élections législatives.

A. LES CORRECTIFS POUR LES SCRUTINS DE LISTE

Pour ces scrutins, les dispositions du projet laissent une grande souplesse aux partis politiques puisqu'elles ne leur imposent aucun ordre de présentation des candidats.

La parité de candidatures ne se traduira donc pas nécessairement par une parité d'élues. Or, pour la Délégation, le principe de parité entre les femmes et les hommes dans la vie politique ne peut se comprendre comme une seule parité de candidatures. Il doit aboutir à une véritable parité d'élues. Seul le résultat final des élections doit être pris en compte. Une plus grande contrainte est donc nécessaire.

1. Les éléments de réflexion

a) L'absence de mouvement naturel vers l'égalité

L'évolution, dont les résultats ont été analysés précédemment, révèle que, la représentation des femmes dans la vie politique n'a guère progressé depuis 50 ans et que, spontanément, les états-majors politiques n'ont pas eu tendance à faire élire un grand nombre de femmes. Par ailleurs, même lorsque les partis ont présenté un grand nombre de candidates (cf. les élections européennes), la place qui leur était attribuée sur la liste n'a pas toujours favorisé leur élection.

Mme Geneviève Fraisse a donc développé, lors de son audition par la Délégation, la nécessité d'imposer une contrainte. Citant l'exemple de l'instauration de l'école obligatoire, elle a souligné que l'égalité ne se produisait pas naturellement et qu'il fallait contraindre les institutions à la produire.

b) Le contre-exemple belge

L'exemple belge (seul pays où existe une loi fixant des quotas), illustre le fait qu'une parité de candidats ne serait pas suffisante pour assurer une véritable parité d'élus.

La loi belge du 24 mai 1994 impose en effet, pour tous les scrutins, non pas une stricte parité entre les femmes et les hommes, mais plutôt des quotas. Sur chaque liste, sous peine d'irrecevabilité de la liste, le nombre de candidats d'un même sexe ne peut excéder les deux tiers d'un total constitué par la somme de deux chiffres : d'une part, le nombre de sièges à pourvoir dans la circonscription, d'autre part, le nombre maximum de candidats suppléants dans cette même circonscription. Cette particularité du système belge permet de remplacer l'élu qui renonce à son siège par le suppléant qui a obtenu le plus grand nombre de voix. Mais elle a pour conséquence de faire en sorte que le quota des deux tiers est calculé par rapport au nombre de candidats qui peuvent être présentés sur la liste et non par rapport au nombre réel des candidats qui se présentent effectivement sur cette liste. En conséquence, une liste incomplète à concurrence d'un tiers peut être « unisexuée ». Surtout, la loi ne contient aucune prescription quant à la place respective des hommes et des femmes sur les listes.

La loi a reçu une première application aux élections provinciales et aux élections communales du 9 octobre 1994 ; mais une disposition transitoire insérée dans la loi avait ramené le quota de deux tiers à celui de trois quarts pour ces premières élections. A la suite de ces élections, le nombre de conseillères communales est passé de 14 à 20 %, celui des échevines de 11 à 14 % et celui des femmes bourgmestres de 4 à 5 %. Sans être nulle, la progression de la représentation féminine n'est donc pas considérable et peut être jugée décevante, comme l'a indiqué Mme Mariette Sineau devant la Délégation.

Les conséquences de ce système de quotas pour les élections législatives de juin 1999 n'ont pas encore été analysées de manière détaillée.

2. La nécessité d'une plus grande contrainte

La dynamique qui s'est créée aussi bien dans la société française (80 % de Français favorables à la parité, selon les sondages) que dans les états-majors politiques (imposition d'un pourcentage conséquent de femmes candidates lors des dernières élections par certains partis) conduit à penser qu'il est peu probable que les partis politiques ne prennent le risque de se déconsidérer en plaçant les femmes en fin de liste. C'est le pari pris par le Gouvernement qui a préféré le système simple et souple de la parité de candidatures.

Néanmoins, après études des différentes solutions envisageables, la Délégation estime nécessaire d'instaurer un système plus contraignant.

a) Les solutions possibles

Selon une simulation effectuée par le Ministère de l'Intérieur, dans la pire des hypothèses, c'est-à-dire en supposant une totale misogynie des états-majors politiques qui rejetteraient toutes les femmes en fin de liste, l'application du projet de loi aurait pour résultat, aux prochaines élections municipales, de permettre l'élection d'environ 26 % de femmes (contre 21,7 % aujourd'hui).

Un tel résultat ne serait pas acceptable. C'est pourquoi d'autres solutions doivent être envisagées : soit l'alternance femme/homme, soit une égalité de femmes et d'hommes par tranches de candidats.

· l'alternance femme/homme :

Ce principe a déjà été mis en application par un grand nombre de partis aux élections européennes. Toute solution qui ne serait donc pas fondée sur l'alternance entraînerait une régression, ce qui conduit Mmes Geneviève Fraisse et Marie-Cécile Moreau à exprimer un point de vue selon lequel seule l'alternance est envisageable. Pour Mme Mossuz-Lavau, en revanche, si l'idéal est bien a parité, elle pourrait admettre une règle un peu moins contraignante pour les élections municipales.

Au cours des auditions conduites par la Délégation, de nombreuses objections ont en effet été élevées à l'encontre du principe d'alternance, notamment, pour les élections à deux tours, en raison du problème posé par les fusions de listes qui interviennent entre les deux tours.

En revanche, il faut souligner que l'objection soulevée par certains et relative au « manque » de femmes, a perdu de sa pertinence : il apparaît en effet qu'il existe un « vivier » important de femmes - ayant des responsabilités dans les associations - qui peuvent venir à la politique, et surtout que les femmes sont de plus en plus volontaires pour participer à la vie politique.

· les tranches de candidatures :

C'est un système moins contraignant que celui de l'alternance : il impose une parité de femmes et d'hommes pour chaque tranche de candidatures.

Les simulations effectuées pour les élections municipales montrent qu'une parité par tranche de 10 candidats n'a pas de résultats tangibles, mais qu'une parité par tranche de 6 candidats a un effet presque paritaire.

Il faut cependant être conscient que les résultats obtenus par l'application de ce système pourront être très différents selon le type d'élection. Lors de son audition par la Délégation, M. Guy Carcassonne a ainsi soulevé le problème des élections sénatoriales à la représentation proportionnelle, pour lesquelles chaque parti, sauf dans les grands départements, n'a qu'un ou deux élus, ce qui rend sans effet le système de tranches de candidatures.

b) La solution proposée

La seule manière d'obtenir une véritable parité conduit votre Délégation à proposer l'obligation de respecter le principe de l'alternance femme/homme pour les scrutins de liste.

Consciente des difficultés d'application de ce principe dès les prochaines élections, votre rapporteure a proposé à la Délégation d'admettre dans un souci de pragmatisme, mais à titre tout à fait transitoire, que ce principe puisse ne pas être appliqué, dès lors qu'un principe de parité par tranches de candidatures le plus proche possible de celui de l'alternance était retenu.

Elle considérait que le système de l'alternance devait s'appliquer dès les prochaines élections européennes et sénatoriales à la représentation proportionnelle, qui sont des élections à un seul tour de scrutin.

Elle admettait, en revanche, pour les prochaines élections régionales et municipales, que soit imposé un système de parité de candidatures par tranches de six candidats au plus.

Ces différents points ont donné lieu à un large débat au terme duquel la Délégation, en accord avec la rapporteure, a estimé préférable que le principe de l'alternance femme/homme soit imposé dès maintenant, non seulement aux élections européennes et aux élections sénatoriales ayant lieu à la représentation proportionnelle, mais aussi aux élections régionales. Elle a accepté également, en raison de la proximité de la date des prochaines élections municipales, qu'à titre transitoire et pour ces seules élections, le principe d'alternance ne soit pas appliqué en 2001, dès lors que serait respectée une parité par tranches de six candidats au plus.

B. LES CORRECTIFS POUR LE SEUL SCRUTIN UNINOMINAL CONCERNÉ PAR LE PROJET DE LOI : CELUI DES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES

Quelques correctifs sont à apporter aux dispositions du projet de loi concernant le mécanisme de sanction financière pour les élections législatives.

Mais il est un oubli qu'il convient de réparer, celui de rendre obligatoire l'indication du sexe du candidat, lors du dépôt de sa déclaration de candidature. La disposition existe pour les élections au scrutin de liste. Comme l'a indiqué Mme Marie-Cécile Moreau devant la Délégation, il faut l'étendre aux scrutins uninominaux pour permettre la compilation de statistiques qui puisse conduire à des évaluations détaillées de la féminisation de la vie politique.

1. Le principe de la sanction

Le projet de loi prévoit une sanction financière lorsque les partis politiques ne respecteront pas la parité de candidatures.

Le principe même d'une sanction n'est cependant pas sans inconvénient car il peut conduire à certaines dérives. En effet, le dispositif actuel de financement de la vie politique scinde en deux fractions le montant de l'aide publique accordée aux partis politiques. La première est fonction des résultats des partis aux élections à l'Assemblée nationale. La seconde est proportionnelle au nombre de députés ou de sénateurs inscrits ou rattachés aux partis. Des dérives telles que marchandage, voire chasse aux élus pour obtenir un apparentement, auraient pu être observées et il serait regrettable qu'elles soient transposées à d'autres élections et puissent aboutir à une sorte de « chasse aux femmes ».

D'autres solutions ont été avancées pour les scrutins uninominaux, telles que :

· le « ticket » homme-femme proposé dans le rapport de Mme Gisèle Halimi : il consisterait à regrouper deux circonscriptions en une qui élirait deux députés de sexe différent. Ce scénario impliquerait cependant un trop grand bouleversement de la vie politique, de l'avis des experts.

· une autre solution, celle de la transformation des élections législatives en « élections binominales » (qui équivaudrait à doubler le nombre de circonscriptions) n'est guère envisageable, ne serait-ce qu'en raison de son coût financier.

· le remplacement du député ou du sénateur par une personne de sexe opposé. Ce système est proposé par Mme Marie-Jo Zimmermann pour les élections législatives, pour les élections sénatoriales au scrutin majoritaire, et pour les élections cantonales. Ce point de vue a également été défendu par Mmes Laure Ortiz et Catherine Génisson devant la Délégation. Cette solution n'est cependant pas sans inconvénients car elle risquerait de cantonner les femmes dans le rôle de suppléantes.

2. Les conditions de la sanction

Au cours de ses auditions, la Délégation s'est inquiétée du fait que la sanction prévue par le projet de loi ne concernera que l'obligation de parité de candidatures. Certains de ses membres auraient souhaité que la sanction soit fonction du nombre de voix obtenues par les candidates au premier tour ou même du nombre d'élues, de manière à éviter que les partis n'envoient les femmes dans des circonscriptions de témoignage.

A cet égard, le projet actuel est en retrait par rapport aux propositions de Mme Dominique Gillot qui prévoyait en outre un mécanisme assez complexe de malus et de bonus : une diminution de la deuxième fraction de l'aide publique (celle qui est distribuée en fonction du nombre de parlementaires) dont le montant serait réparti entre les partis ayant respecté l'objectif de parité (40 % de candidats dans le « rapport Gillot ») au prorata des suffrages obtenus par les candidates.

Beaucoup des personnes auditionnées par la Délégation ont estimé trop pénalisante une sanction reposant sur le nombre de voix recueillies au premier tour ou sur le nombre d'élues, une telle solution conduisant à sanctionner les partis politiques pour une faute qu'ils n'ont pas commise : il relève, en effet, du seul choix des électeurs de décider combien de femmes et d'hommes seront élus.

3. L'affectation du montant de la sanction

L'exposé des motifs du projet de loi précise que la diminution du montant de l'aide publique ne sera pas redistribuée aux partis et formations politiques « méritants » car il n'est pas question d'instituer une récompense pour ceux qui respectent la loi.

En conséquence, le projet prévoit que les crédits issus des diminutions éventuelles recevront une nouvelle affectation dans la loi de finances. Cette disposition est nécessaire puisque seule la loi de finances peut décider de l'affectation des crédits.

Néanmoins, cette imprécision est difficilement acceptable. Il convient, en effet, que le Gouvernement s'engage dès à présent sur l'affection de ces crédits qui sera opérée dans le projet de loi de finances suivant les élections législatives (en principe, le projet de loi de finances pour 2003).

A cet égard, la Délégation souhaite que les crédits ainsi dégagés soient utilisés à des actions favorisant la parité entre les femmes et les hommes dans la vie politique.

4. Le complément de la sanction

Si le texte du projet de loi est adopté en l'état, il sera relativement aisé pour les partis politiques de présenter aux prochaines élections législatives 577 candidats dont la moitié de femmes. Il leur sera également facile de les cantonner dans les circonscriptions réputées perdues d'avance. Il s'agirait là d'un procédé moins « voyant » que celui de les reléguer en fin de liste dans les scrutins de liste.

La sanction financière n'a donc pas paru suffisante à votre rapporteure qui propose une obligation supplémentaire pour les élections législatives : celle de la parité de candidatures au niveau du département dont le principe avait été retenu par M. Jean-Pierre Chevènement dans sa proposition de loi du 24 mars 1994 (n° 1056). Cette disposition a été adoptée par la Délégation.

III.- LES PROLONGEMENTS DE LA RÉFORME

Certaines dispositions sont absentes du projet de loi actuel : elles seraient cependant indispensables à la réalisation d'une véritable parité en matière politique. Il convient en effet de rechercher les moyens de réaliser une extension de la parité à toutes les élections et son application effective aux exécutifs locaux et aux structures intercommunales.

1. L'extension du principe de parité à d'autres élections

Les élections sénatoriales au scrutin majoritaire, les élections cantonales et les élections municipales dans les communes de moins de 3.500 habitants sont tenues à l'écart de la réforme du fait de leur mode de scrutin.

Cela n'est pas acceptable mais les problèmes soulevés, sur lesquels la Délégation a concentré une grande partie de ses auditions, sont considérables.

Est-il cependant possible d'intégrer ces élections dans la réforme ?

a) Les élections cantonales

Ce sont des élections au scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour lesquelles tout candidat doit déposer, pour chaque tour de scrutin, une déclaration à la préfecture.

Pour ces élections, l'Etat prend à sa charge les dépenses de propagande (envoi des documents électoraux, coût du papier, impression des bulletins, des circulaires et des affiches, frais d'affichage) des candidats ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés.

Les autres dépenses de campagne ne sont pas plafonnées et ne sont pas remboursées dans les cantons de moins de 9.000 habitants (dont les candidats n'ont pas l'obligation de faire appel à un mandataire financier ni d'établir de compte de campagne). Dans les autres cantons, elles sont plafonnées et remboursées par l'Etat dans la limite de 50 % du plafond autorisé, le remboursement ne pouvant pas excéder le montant des dépenses des candidats retracées dans leur compte de campagne.

Le principe de parité de candidatures est difficilement applicable à ce scrutin puisqu'il s'agit d'un scrutin uninominal. Le principe d'une sanction financière est rendu difficile par l'absence de remboursement des dépenses électorales dans certains cantons.

La Délégation s'est cependant longuement interrogée sur l'opportunité d'une autre solution qui consisterait à modifier la loi du 11 mars 1988 de manière à créer une nouvelle fraction de l'aide publique aux partis, qui serait versée en fonction de leurs résultats aux élections cantonales. Mme Danielle de Valence a soutenu, au cours de son audition devant la Délégation, une telle proposition ; mais un grand nombre d'objections ont été soulevées par de nombreuses personnes auditionnées tenant au fait que de nombreux candidats se présentent à ces élections sans étiquette politique et que l'on risque de voir se produire un phénomène de chasse aux apparentements et aux affiliations ou la constitution de groupements politiques éphémères dans le seul but d'échapper aux contraintes de parité.

Votre rapporteure souhaite cependant que des études soient menées pour déterminer les possibilités de mettre en place une telle solution, qui lui paraît la seule permettant d'apporter une réponse au problème posé, dans le cadre du mode de scrutin actuel.

b) Les élections sénatoriales

Actuellement, l'élection des sénateurs a lieu selon deux types de scrutin :

- un scrutin majoritaire à deux tours dans les départements ayant droit à quatre sièges ou moins ;

- un scrutin proportionnel à un seul tour, sans panachage ni vote préférentiel, dans les départements ayant droit à cinq sièges ou plus (y compris le département du Val-d'Oise qui élit quatre sénateurs).

Selon le système actuel, un tiers des sénateurs est élu à la représentation proportionnelle. Mais un projet de loi sur l'élection des sénateurs (n° 1742), en cours d'examen à l'Assemblée nationale, prévoit d'instaurer la représentation proportionnelle dans tous les départements désignant au moins trois sénateurs, ce qui aurait pour effet d'étendre ce mode de scrutin à deux tiers des sénateurs. Par ailleurs, le Gouvernement a annoncé le dépôt d'un projet de loi créant 18 sièges de sénateurs supplémentaires pour tenir compte des résultats du recensement.

Le principe de parité retenu par le présent projet de loi ne s'appliquera pas au tiers de sénateurs élus au scrutin majoritaire et, comme nous l'avons vu, s'appliquera difficilement aux sénateurs élus à la représentation proportionnelle.

En conséquence, la Délégation a estimé qu'une des manières d'augmenter la représentation féminine au Sénat serait d'agir sur l'élection des délégués sénatoriaux (élus par les conseils municipaux) qui représentent plus de 95 % de l'ensemble du collège électoral.

Les sénateurs sont en effet élus par un collège composé dans chaque département par les députés, les conseillers régionaux, les conseillers généraux ainsi que de délégués des conseils municipaux.

Dans le système actuel, dans les communes de moins de 9.000 habitants, ces délégués (un à quinze au plus) sont élus au scrutin majoritaire. Dans les communes de plus de 9.000 habitants, tous les conseillers municipaux sont délégués de droit. Mais dans les communes de plus de 31.000 habitants, des délégués supplémentaires sont élus (un pour 1.000 habitants en sus de 30.000) suivant le système de la représentation proportionnelle.

Le nombre et le mode d'élection de ces délégués devraient être prochainement modifiés. Le projet de loi sur l'élection des sénateurs prévoit en effet la désignation d'un délégué pour 500 habitants. L'élection de ces délégués aura lieu au scrutin majoritaire uninominal dans les communes désignant un ou deux délégués (c'est-à-dire celles de moins de 1.000 habitants) et au scrutin proportionnel dans les autres communes.

En conséquence, la Délégation souhaite que soit imposé dans ces dernières communes (comme pour les autres scrutins de liste) le principe de parité des listes, avec alternance femme/homme.

On pourra alors espérer qu'un collège de délégués sénatoriaux plus féminisé aura à c_ur de voter pour des candidatures féminines et donc d'inciter les états-majors politiques à présenter un plus grand nombre de celles-ci.

c) Les élections municipales dans les communes de moins de 3.500 habitants.

La Délégation s'est interrogée sur les possibilités d'application de l'objectif de parité aux communes de moins de 3.500 habitants. Celles-ci représentent environ 34.000 des 36.000 communes françaises. Elles sont quantitativement importantes même si le nombre d'habitants concerné est proportionnellement beaucoup plus faible (un peu inférieur à 20 millions d'habitants).

Dans ces communes, le mode de scrutin est le scrutin plurinominal majoritaire à deux tours. Il diffère cependant dans les communes de moins de 2.500 habitants et dans les communes de 2.500 à 3.500 habitants. Dans les deux cas, le système est très souple : le panachage est autorisé et les électeurs peuvent déposer dans l'urne des bulletins dont la liste est incomplète. Les différences portent sur les déclarations de candidature, sur la possibilité de candidatures isolées et sur la présentation des bulletins, les conditions étant beaucoup plus souples dans les communes de moins de 2.500 habitants.

Votre rapporteure considère qu'il n'est pas opportun de modifier le mode de scrutin très particulier et très souple des petites communes de moins de 2.500 habitants (absence de déclaration de candidatures, possibilité de candidatures isolées notamment).

Au cours des auditions auxquelles elle a procédé, la Délégation s'est, en revanche, longuement interrogée sur la possibilité d'appliquer le principe de parité aux élections dans les communes de 2.500 à 3.500 habitants qui représentent environ 1.000 communes et 3 millions d'habitants.

Deux solutions ont été envisagées :

- prévoir que le projet de loi s'appliquera aux communes de plus de 2.500 habitants et modifier en conséquence le code électoral (prévoir ainsi que l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un sur chaque bulletin, obliger à une déclaration de candidature à la préfecture ou à la sous-préfecture, prévoir une possibilité de saisine du juge administratif en cas de contestation du refus de délivrance du récépissé) ;

- modifier le mode de scrutin des communes de 2.500 à 3.500 habitants pour le rendre identique à celles de plus de 3.500 habitants.

La Délégation a retenu cette dernière solution.

2. L'application de la parité aux exécutifs locaux et aux structures intercommunales

a) La parité dans les exécutifs locaux

Peu de femmes sont maires : 2.970 sur 36.496 (soit 8,1 %) ; elles le sont surtout dans les communes de moins de 3.500 habitants ; elles ne sont que deux à être maires de villes de 50.000 à 100.000 habitants ; aucune femme n'est maire d'une ville de plus de 100.000 habitants.

Plus alarmant encore, peu de femmes sont adjointes, et surtout peu de femmes sont adjointes dans les secteurs-clés que constituent les finances, l'urbanisme, les travaux ; elles se retrouvent le plus souvent cantonnées dans les domaines scolaire ou social, comme l'a souligné Mme Catherine Guy-Quint devant la Délégation.

Les adjoints aux maires étant élus au scrutin uninominal majoritaire, l'un après l'autre, par le conseil municipal, il est cependant difficilement envisageable d'imposer la parité.

Modifier l'élection des adjoints pour imposer un scrutin de liste bloqué pour l'ensemble des adjoints reviendrait à renforcer les pouvoirs du maire et à diminuer ceux du conseil municipal ; cela ne pourrait qu'accentuer le déséquilibre actuel des pouvoirs en faveur du maire en lui donnant le pouvoir supplémentaire de choisir son équipe.

Votre rapporteure ne voit donc pas de solution immédiate à ce problème ; seule, l'évolution paritaire à venir des conseils municipaux, après l'adoption du projet de loi, pourrait modifier cette tendance.

b) La parité dans les organes délibérants des structures intercommunales

La loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 sur le renforcement et la simplification de la coopération intercommunale a donné une impulsion nouvelle à l'intercommunalité qui représente l'espace du futur. Il est dès lors essentiel de s'assurer de son évolution vers la parité.

Mais comment obtenir cette parité dans les organes délibérants des structures intercommunales qui, pour l'heure, sont dans leur très grande majorité, à composition presqu'exclusivement masculine ?

Au cours de son audition par la Délégation, M. Jacques Pélissard a ainsi évoqué le problème posé par les petites communes, membres d'une communauté de communes, auxquelles ne s'appliqueront pas le principe de parité aux élections municipales, et pour lesquelles il sera donc difficile d'obtenir une parité pour l'élection de délégués intercommunaux.

Au cours des nombreuses auditions auxquelles elle a procédé, la Délégation n'a pu trouver la « recette miracle » tant il est vrai qu'il est difficile d'allier représentation politique et représentation des sexes dans les intercommunalités.

Un des problèmes essentiels réside dans l'absence d'élection au suffrage universel direct de ces délégués. Il a donc paru nécessaire à la Délégation de se pencher, après les prochaines élections municipales, sur une modification de leur mode de scrutin, premier pas nécessaire à l'instauration ultérieure de la parité.

*

* *

Lors de l'examen du présent rapport par la Délégation, plusieurs membres de la Délégation sont intervenus après l'exposé de la rapporteure :

Mme Yvette Roudy s'est prononcée contre l'instauration d'un système transitoire pour les élections municipales et régionales et a souhaité que le principe de l'alternance entre les femmes et les hommes sur les listes de candidats s'applique sans exception à toutes les élections dès les prochains scrutins. Après avoir contesté l'argument selon lequel il serait difficile de trouver des femmes qui acceptent d'être candidates, elle a estimé que la présence de femmes en grand nombre sur des listes ne serait pas un handicap vis-à-vis des électeurs mais qu'elle constituerait au contraire un atout pour ces listes. Elle a enfin jugé choquant que des formations politiques qui se contenteraient d'appliquer la loi, puissent en tirer un bénéfice financier ; en conséquence, elle s'est prononcée en faveur de la sanction plutôt que d'une incitation financière.

M. Patrice Martin-Lalande a regretté que le rappel historique présenté par la rapporteure n'ait pas évoqué la création de l'Observatoire de la parité. Il a souligné que, si un plus grand nombre de femmes ont pu être élues en 1997, c'est qu'elles appartenaient principalement à des partis qui avaient peu de députés sortants. Il a souhaité que l'on parle de « liste de candidats» plutôt que de « liste électorale », afin d'éviter tout risque de confusion. En ce qui concerne les exécutifs municipaux, il a rappelé que si les conseils municipaux élisent les adjoints, ce sont les maires qui accordent discrétionnairement les délégations. Il a enfin proposé de faire confiance aux conseils municipaux pour que le principe de parité soit appliqué dans les faits aux organes délibérants des structures intercommunales.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente, a observé sur ce point que la rapporteure avait seulement envisagé pour l'avenir une éventuelle réforme du mode de désignation des membres des organes délibérants des structures intercommunales.

M. Patrice Martin-Lalande s'est déclaré réservé sur la constitution de listes paritaires pour l'élection des délégués sénatoriaux et a regretté que le texte ne prévoie pas l'application du principe de parité pour l'élection des délégués syndicaux et des représentants du personnel.

Mme Marie-Thérèse Boisseau a considéré que la parité ne doit pas être un but mais un moyen d'approfondir la démocratie, et que la démocratie suppose également que soit respecté le principe de l'élection au scrutin uninominal et majoritaire dans la plupart des cas, afin que les électeurs puissent avoir la liberté de choisir leurs élus. Elle s'est, en conséquence, inquiétée de certaines recommandations qui semblent suggérer l'extension de la représentation proportionnelle. Elle s'est également déclarée favorable à l'application d'un système transitoire de parité par tranches de candidatures aux prochaines élections municipales et s'est prononcée en faveur de l'égalité des candidatures entre les femmes et les hommes, à une unité près, pour toutes les autres élections.

Elle a estimé enfin que l'obligation d'indiquer le sexe des candidats lors du dépôt des candidatures ne paraissait pas indispensable, dans la mesure où les candidats mentionnent d'ores et déjà leurs différents prénoms.

Mme Muguette Jacquaint a regretté les restrictions que la rapporteure souhaitait apporter au principe de l'alternance pour les élections municipales. Elle a estimé qu'il n'était pas possible d'isoler ce débat de la discussion d'autres textes, qui lui paraissent indispensables, comme la limitation du cumul des mandats, la réforme du statut des élus ou la modification de certains modes de scrutin.

Elle a souhaité que les sommes résultant des sanctions financières prévues dans le projet de loi, au détriment des formations politiques qui ne présenteraient pas assez de femmes aux élections législatives, ne soient pas affectées à la seule formation des femmes aux responsabilités politiques. Elle a revendiqué au contraire un véritable statut pour tous les élus, femmes ou hommes.

M. Michel Herbillon a considéré qu'il serait injurieux pour les femmes que les sommes dégagées par les sanctions financières soient consacrées à leur formation, car cela laisserait supposer qu'elles sont moins bien formées que les hommes. Ces moyens budgétaires lui paraissent devoir être utilisés à l'information civique de l'ensemble des citoyens. Il a craint également que le système de parité par tranches de six candidats pour les élections municipales soit complexe et peu lisible pour les électeurs. Il a désapprouvé la recommandation proposée par la rapporteure concernant les délégués sénatoriaux, puisqu'elle vise à appliquer le principe de parité au corps électoral et non plus seulement aux listes de candidats. Enfin, il a souhaité que l'on évite de profiter de l'application du principe de parité pour procéder à une réforme des modes de scrutin, en étendant la représentation proportionnelle dont les dernières élections régionales lui ont confirmé les dangers.

Mme Danielle Bousquet a estimé que des dispositions transitoires ne se justifieraient que pour les prochaines municipales, en raison de leur proximité, et non pas pour les élections régionales, qui auront lieu en 2004. Elle a donc demandé à la Délégation, qui l'a suivie, de modifier en ce sens les recommandations.

Mme Marie-Jo Zimmermann a exprimé son accord avec cette proposition et a souhaité savoir si la formation spécifique des femmes candidates incomberait à l'Etat, par exemple à l'Education nationale, ou aux formations politiques.

M. Bernard Roman a fait part de son accord global avec les propositions de recommandations de la Délégation, sous quelques réserves portant sur des points particuliers. Rappelant que l'objectif de parité entre les élus, qui est celui du projet de loi, est partagé par tous, il a considéré que, plutôt que le système de l'alternance, celui de parité par tranches de six candidats était la moins mauvaise solution pour y parvenir. Il a cité, à ce propos, l'exemple de la ville de Lille où les trois premiers candidats de liste qu'il soutiendra pourraient être des femmes. Il s'est également déclaré favorable à la proposition de sanctions financières pour les partis qui ne respecteraient pas l'objectif de parité à l'occasion des élections législatives. En revanche, certaines recommandations lui ont paru inutiles : la sanction financière prévue dans le projet de loi suffisant à ses yeux, pour inciter les partis politiques à respecter le principe de parité dans les élections législatives, sans qu'il soit nécessaire d'aller plus loin et de recommander une parité de candidatures par département ; et la recommandation sur les délégués sénatoriaux lui paraissant introduire une complication majeure pour un résultat aléatoire.

Mme Nicole Bricq a rappelé qu'en vertu de la Constitution, les députés représentent la nation - et non pas un département - et s'est donc prononcée contre la recommandation sur la parité de candidatures par département.

M. André Vallini a annoncé qu'il déposerait des amendements sur le projet de loi, afin d'appliquer le principe de parité aux structures intercommunales et aux exécutifs locaux.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente, a suggéré que soit ajoutée une recommandation relative à l'utilisation des sommes dégagées par les sanctions financières. Elle a demandé des précisions sur les difficultés d'application du principe de parité dans les DOM-TOM. Elle a déclaré partager l'avis de Mme Danielle Bousquet selon lequel le système transitoire de parité par tranches de six candidats ne devrait pas s'appliquer aux élections régionales, mais seulement aux prochaines élections municipales.

En réponse aux intervenants, la rapporteure s'est réjouie à titre personnel des avancées souhaitées par certains membres de la Délégation, en ce qui concerne l'obligation de l'alternance femme/homme aux élections régionales. Elle a également considéré qu'une modification du mode d'élection des structures intercommunales sera nécessaire, dans la mesure où peu de femmes siègent actuellement dans leurs assemblées délibérantes, alors que leurs compétences sont de plus en plus larges. Elle a souligné, comme plusieurs membres de la Délégation, que la parité n'est pas un but mais un levier qui doit permettre, à terme, d'assurer, dans tous les domaines, une véritable égalité de chances entre les femmes et les hommes.

Elle a contesté l'affirmation selon laquelle les électeurs seraient aujourd'hui entièrement libres de choisir leurs représentants, dans la mesure où les candidats des partis sont sélectionnés et reçoivent l'investiture de ces derniers. Elle a souligné que si le statut de l'élu et le cumul des mandats ne font pas l'objet de recommandations, c'est que ces dispositions n'entrent pas dans l'objet du projet de loi. Elle a rappelé que la parité des candidatures par département aux élections législatives avait fait l'objet d'une proposition de loi présentée il y a quelques années par M. Jean-Pierre Chevènement. Elle s'est déclarée favorable au financement d'une formation destinée aux femmes comme aux hommes et a regretté la faible part de l'instruction civique dans les programmes scolaires. Elle a expliqué la présence de dispositions transitoires relatives aux territoires d'outre-mer par le souci du Gouvernement de respecter le droit coutumier.

La Délégation a ensuite procédé à l'examen des recommandations proposées par la rapporteure. Elle a adopté les première et deuxième recommandations (principe de parité, alternance des candidatures), sous réserve d'une modification rédactionnelle de cette dernière proposée par M. Patrice Martin-Lalande.

Les trois recommandations suivantes relatives à l'alternance dans les listes de candidats aux élections européennes et sénatoriales et visant à admettre, à titre provisoire, la parité par tranches de candidatures aux élections municipales et régionales ont été modifiées oralement pour prendre en compte des observations de Mmes Yvette Roudy, Muguette Jacquaint, Danielle Bousquet et de la présidente. Ces modifications tendaient à demander également l'alternance femme/homme pour les élections régionales, et, à fixer, à titre provisoire, une parité par tranches de six candidats au plus pour les seules élections municipales. Mme Yvette Roudy a notamment déclaré qu'elle voterait contre l'application, à titre transitoire, d'un système de parité par tranches de candidatures pour les élections municipales. Ces trois recommandations ainsi modifiées ont toutefois été réservées par la présidente, certains membres de la Délégation ayant souhaité qu'une version corrigée leur soit présentée.

Mmes Marie-Thérèse Boisseau, Marie-Jo Zimmermann, MM. Michel Herbillon et Patrice Martin-Lalande, considérant que les modifications apportées oralement étaient trop substantielles, ont alors décidé de ne plus prendre part au vote.

Les recommandations suivantes ont été ensuite adoptées sous réserve de modifications rédactionnelles pour deux d'entre elles et de l'opposition de Mme Nicole Bricq à la recommandation souhaitant l'organisation de la parité de candidatures à l'échelle du département. Puis, compte tenu du souhait exprimé par certains de ses membres d'obtenir un nouveau document de travail, la Délégation, sur proposition de la présidente, a décidé de suspendre ses travaux.

Après la reprise, la Délégation a examiné successivement les recommandations de la rapporteure sur la base d'une nouvelle rédaction tenant compte des différentes positions qui s'étaient exprimées au cours du débat et modifiant leur ordre de présentation.

La Délégation a alors adopté les recommandations précédemment réservées et confirmé l'adoption des autres recommandations, sous réserve de modifications rédactionnelles aux recommandations n° 4 (régime applicable aux élections municipales de 2001), n° 5 (parité des candidatures à l'échelle du département) et n° 8 (structures intercommunales).

Au cours de cet examen, Mme Marie-Thérèse Boisseau a déclaré qu'elle votait contre les recommandations n°1 (principe de parité), n° 7 (mode de scrutin des communes de 2500 à 3500 habitants) et n° 9 (délégués sénatoriaux). Elle a également considéré qu'il serait difficile d'organiser la parité des candidatures au niveau départemental. Mme Yvette Roudy a, pour sa part, indiqué qu'elle votait contre la recommandation n° 4 (régime applicable aux élections municipales de 2001) et a déclaré, à propos de la recommandation n° 8 (structures intercommunales), qu'elle n'aurait pas souhaité que soit abordée la question d'une modification des modes de scrutin.

RECOMMANDATIONS ADOPTEES
PAR LA DÉLÉGATION

1. Une véritable parité entre les femmes et les hommes dans la vie politique doit se comprendre non pas comme une égalité de candidatures de femmes et d'hommes mais comme une égalité d'élus ;

2. En conséquence, l'application de ce principe doit se traduire, pour toutes les élections au scrutin de liste, par l'obligation de respecter le principe de l'alternance femme/homme sur chaque liste de candidats ;

3. Le principe de l'alternance femme/homme doit donc être imposé dès maintenant aux élections européennes, aux élections régionales et aux élections sénatoriales ayant lieu à la représentation proportionnelle ;

4. La proximité de la date des prochaines élections municipales conduit à admettre, à titre transitoire et pour ces seules élections, que le principe de l'alternance ne soit pas appliquée en 2001, dès lors que serait respectée une parité par tranches de six candidats au plus ;

5. Pour les élections législatives, la parité de candidatures à l'échelle du département doit être organisée ;

6. Les crédits issus des diminutions éventuelles de l'aide publique accordée aux partis politiques, en application de la nouvelle législation, seront affectés à des actions favorisant la parité entre les femmes et les hommes dans la vie politique ;

7. Afin de permettre l'application du principe de parité dans les communes de plus de 2.500 habitants, il est souhaitable de modifier le mode de scrutin des élections municipales dans les communes de 2 500 à 3 500 habitants pour le rendre identique à celui des communes de plus de 3 500 habitants ;

8. Il y a lieu d'envisager, après les prochaines élections municipales, l'élection au suffrage universel des membres des structures intercommunales afin d'assurer également le respect du principe de parité dans ces élections ;

9. Les principes de parité et d'alternance femme/homme doivent être retenus pour les délégués sénatoriaux élus à la représentation proportionnelle ;

10. Le sexe des candidats doit être indiqué lors du dépôt de la déclaration de candidature, non seulement pour les élections au scrutin de liste, comme le prévoit le projet de loi, mais également pour les scrutins majoritaires uninominaux ou plurinominaux ;

11. Un rapport d'évaluation de la nouvelle législation doit être présenté au Parlement en 2002 puis tous les trois ans ; il comprendra également une étude détaillée de l'évolution de la féminisation des élections cantonales, des élections sénatoriales et municipales non concernées par la loi, des organes délibérants des structures intercommunales et des exécutifs locaux.

ANNEXES

- Annexe 1 : Liste chronologique des propositions de loi relatives à la parité dans les modes de scrutin déposées depuis 1994

- Annexe 2 : Compte rendu des auditions de la Délégation

- Annexe 3 : Observations écrites communiquées par quelques associa-tions

Annexe 1 :

Liste chronologique des propositions de loi relatives
à la parité dans les modes de scrutin déposées depuis 1994

Liste chronologique des propositions de loi relatives à la parité

dans les modes de scrutin déposées depuis 1994

Assemblée nationale - Proposition de loi constitutionnelle (n° 1048) présentée par M. Jean-Pierre Chevènement et plusieurs de ses collègues le 23 mars 1994 :

_ modification de l'article 3 de la Constitution : « L'égal accès des femmes et des hommes aux mandats politiques est assuré par la parité ».

Assemblée nationale - Proposition de loi (n° 1056) présentée par M. Jean-Pierre Chevènement et plusieurs de ses collègues le 24 mars 1994 :

_ affirmation de l'objectif de parité pour les élections législatives, sénatoriales, régionales, cantonales, municipales (villes de plus de 3.500 habitants) et européennes ;

_ pour les élections au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, présentation dans chaque département d'un nombre égal de candidats et de candidates ;

_ pour les élections au scrutin de liste, nombre égal de femmes et d'hommes sur chaque liste en respectant le principe de l'alternance.

Sénat - Proposition de loi (n° 305) présentée par M. Paul Loridant le 2 avril 1994 :

_ proposition identique à celle de M. Jean-Pierre Chevènement du 24 mars 1994.

Assemblée nationale - Proposition de loi (n° 1118) présentée par Mme Muguette Jacquaint et plusieurs de ses collègues le 13 avril 1994 :

_ représentation proportionnelle pour toutes les élections ;

_ statut de l'élu précisant notamment les obligations des employeurs (autorisations d'absence, congé de formation, absence de licenciement ou de sanction...) ;

_ présentation chaque année devant le Parlement d'un rapport permettant d'évaluer les efforts et progrès vers la parité.

Sénat - Proposition de loi (n° 372) présentée par Mme Hélène Luc et plusieurs de ses collègues le 26 avril 1994 :

_ proposition identique à celle de Mme Muguette Jacquaint du 13 avril 1994.

Sénat - Proposition de loi (n° 216) présentée par Mme Hélène Luc et plusieurs de ses collègues le 18 janvier 1995 :

_ proposition reprenant pour l'essentiel la proposition du 26 avril 1994, mais en remplaçant les termes « répartition équilibrée entre les hommes et les femmes » par les termes « parité entre les hommes et les femmes ».

Assemblée nationale - Proposition de loi constitutionnelle (n° 2061) présentée par M. Jean-Pierre Brard le 17 mai 1995 :

_ pour les élections au scrutin de listes, nombre égal de candidats et de candidates sur chaque liste.

Assemblée nationale - Proposition de loi (n° 2328) présentée par M. Jean-Louis Masson le 6 novembre 1995 :

_ remboursement par l'Etat de la moitié des dépenses électorales des candidats uniquement s'il y a au moins 30 % de candidats de chaque sexe sur l'ensemble de la liste ainsi que sur le premier quart de celle-ci.

Assemblée nationale - Proposition de loi (n° 2543) présentée par Mme Muguette Jacquaint et plusieurs de ses collègues le 7 février 1996 :

_ proposition presque identique à celle présentée par Mme Hélène Luc le 18 janvier 1995.

Sénat - Proposition de loi (n° 450) présentée par Mme Hélène Luc et plusieurs de ses collègues le 19 juin 1996 :

_ proposition identique à celle du 18 janvier 1995.

Assemblée nationale - Proposition de loi constitutionnelle (n° 2911) présentée par Mme Nicole Ameline et M. Gilles de Robien le 24 juin 1996 :

_ modification de l'article 3 de la Constitution : « La loi peut limiter la proportion de candidats d'un même sexe figurant sur les listes des candidats à une élection. ».

Assemblée nationale - Proposition de loi (n° 2926) présentée par Mme Nicole Ameline et M. Gilles de Robien le 26 juin 1996 :

_ pas plus de 2/3 de personnes du même sexe sur les listes de candidats pour les élections municipales (communes de plus de 3.500 habitants), pour les élections régionales, pour les élections des conseillers à l'Assemblée de Corse et pour les élections européennes.

Assemblée nationale - Proposition de loi constitutionnelle (n° 3111) présentée par Mme Janine Jambu et plusieurs de ses collègues le 7 novembre 1996 :

_ modification de l'article 3 de la Constitution : « La parité des femmes et des hommes dans la vie politique est une des conditions de l'approfondissement de la démocratie ».

Assemblée nationale - Proposition de loi (n° 3314) présentée par M. Alain Ferry le 23 janvier 1997 :

_ modification de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique : prime accordée aux partis ayant présenté un nombre de candidates supérieur ou égal à 10 % du nombre de sièges à pourvoir et prime accordée aux partis par tranches de dix femmes élues ;

_ application de ce mécanisme uniquement aux onzième et douzième législatures.

Sénat - Proposition de loi organique (n° 271) présentée par M. Nicolas About le 19 mars 1997 :

_ mise en place d'un système de remplaçants provisoires en cas de vacance de siège d'un député ou d'un sénateur ;

_ instauration d'un système de parité homme/femme entre les candidats et leurs remplaçants.

Assemblée nationale - Proposition de loi constitutionnelle (n° 768) présentée par M. Jean-Pierre Brard le 6 mars 1998 :

_ proposition identique à celle du 17 mai 1995.

Sénat - Proposition de loi (n° 120) présentée par Mme Hélène Luc et plusieurs de ses collègues le 14 décembre 1998 :

_ proposition identique à celles des 18 janvier 1995 et 19 juin 1996.

Assemblée nationale - Proposition de loi (n° 1268) présentée par M. Pierre Albertini et plusieurs de ses collègues le 14 décembre 1998 :

_ modification de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique : création d'une troisième fraction dans le montant des crédits affectés au financement des partis politiques qui serait accordée aux partis qui présentent au moins 30 % de femmes dans cinquante circonscriptions au moins ;

_ application de ce mécanisme aux deux élections législatives suivant la promulgation de la loi.

Assemblée nationale - Proposition de loi (n° 1761) présentée par M. Michel Hunault le 30 juin 1999 :

_ instauration du principe de parité dans les scrutins de liste des élections municipales et exigence d'une égalité des candidats des deux sexes sur les listes.

Assemblée nationale - Proposition de loi organique (n° 1837) présentée par Mme Marie-Jo Zimmermann le 6 octobre 1999 :

_ élection d'un suppléant de sexe opposé en même temps que les députés et les sénateurs.

Assemblée nationale - Proposition de loi (n° 1850) présentée par Mme Marie-Jo Zimmermann le 13 octobre 1999 :

_ présentation de listes en alternance homme/femme pour les élections sénatoriales à la proportionnelle, les élections européennes, les élections régionales et les élections municipales ;

_ élection d'un suppléant de sexe opposé aux élections cantonales ;

_ sanction financière pour les partis politiques qui n'ont pas au moins 20 % d'élus de chaque sexe aux élections législatives (réduction d'un quart de leur dotation financière).

Assemblée nationale - Proposition de loi (n° 1895) présentée par M. Léonce Deprez et plusieurs de ses collègues le 9 novembre 1999 :

_ extension aux communes de plus de 2.000 habitants du mode de scrutin applicable aux communes de plus de 3.500 habitants ;

Sénat - Proposition de loi organique (n° 99) présentée par M. Nicolas About le 29 novembre 1999 :

_ proposition de loi identique à celle du 19 mars 1997.

Sénat - Proposition de loi (n° 100) présentée par M. Nicolas About le 29 novembre 1999 :

_ mise en place d'un système de remplaçants provisoires en cas de vacance de siège de conseillers régionaux ou de conseillers généraux ;

_ système de parité homme/femme entre les candidats et leurs remplaçants aux élections régionales et cantonales.

Annexe 2

Comptes rendus des auditions de la Délégation

Audition de Mme Mariette SINEAU,

directrice de recherche au CNRS

et au Centre d'étude de la vie politique française

Réunion du mardi 23 novembre 1999

Présidence de Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, Présidente

Mme la Présidente : Mes chers collègues, nous accueillons aujourd'hui Mme Mariette Sineau, directrice de recherche au CNRS et au Centre d'étude de la vie politique française.

Madame Sineau, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation. Vous êtes politologue et vos domaines privilégiés de recherche sont les femmes en politique et le comportement électoral des Françaises, ainsi que les politiques d'égalité professionnelle et les politiques européennes de garde des enfants en relation avec le travail des mères.

Aujourd'hui notre Délégation, qui se met en place, s'intéresse plus particulièrement à l'application de la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 qui prévoit que la loi favorise l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Un projet de loi sur la parité dans les modes de scrutin est actuellement en cours de préparation et notre Délégation devrait prochainement être saisie de ce texte.

Sur le sujet passionnant des mesures à prendre pour accélérer le mouvement de féminisation de la vie politique et pour parvenir à la parité, nous souhaiterions connaître vos réflexions de politologue.

Mme Mariette SINEAU : Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, au vu de ce que je peux connaître du projet de loi, c'est-à-dire les extraits qui ont été publiés dans Le Monde du 9 novembre 1999, je voudrais tout d'abord souligner le paradoxe de la réforme qui va être mise en oeuvre. En effet, ce projet de loi, qui fixe un seuil obligatoire de 50 % de candidates pour les seuls scrutins de liste, va favoriser la féminisation des assemblées qui sont déjà les plus féminisées.

Se trouvent en effet concernées par la parité de candidature femme/homme : l'assemblée européenne, où l'on compte plus de 40 % de femmes dans la délégation française depuis les élections de juin 1999, les assemblées régionales où 25 % de femmes siègent depuis les élections de 1998, et, enfin, les assemblées municipales des communes de plus de 3 500 habitants, où les femmes détiennent également 25 % des sièges.

Bien sûr, le projet vise également le Sénat où les femmes sont moins de 6 %, mais il ne concerne la Chambre haute que de façon tout à fait partielle puisqu'il ne touche qu'un peu plus d'un tiers des sénateurs, ceux qui sont élus dans les départements de plus de cinq sièges.

En revanche, le projet de loi ne semble imposer aucune obligation de parité numérique là où le besoin s'en fait le plus sentir, c'est-à-dire là où le barrage à l'entrée des femmes est le plus fort, dans les assemblées ou les fractions d'assemblées élues au scrutin uninominal, à savoir : l'Assemblée nationale, 10,5 % d'élues ; les assemblées départementales, 6,6 % d'élues ; le Sénat, pour près des deux tiers des sénateurs qui sont élus dans les départements de moins de cinq sièges ; et les assemblées municipales, pour les communes de moins de 3 500 habitants, c'est-à-dire 90 % d'entre elles.

Pour toutes ces élections, ou bien le projet est muet, ou bien il n'est qu'incitatif : ainsi, dans le cas des législatives, il prévoit une pénalisation financière pour les partis qui ne présenteraient pas 50 % de candidates.

Le vote de la réforme constitutionnelle a, me semble-t-il, résulté d'un consensus politique autour de l'idée qu'il n'y aurait pas d'égalité politique sans recours à la contrainte, comme l'a d'ailleurs rappelé le Premier ministre lui-même devant le Congrès en juin 1999. Or, on s'aperçoit, à la lecture des éléments du projet de loi rendus publics, que la contrainte, c'est-à-dire l'obligation pour les partis de présenter 50 % de femmes sur la liste sous peine d'irrecevabilité de celle-ci, épargne totalement deux assemblées, deux tiers de la Chambre haute et plus de 90 % des élus municipaux.

La contrainte s'avérant si peu généralisée dans le projet, il est à craindre que l'égalité politique entre les femmes et les hommes ne soit pas réalisée avant longtemps. Je dirai même que la réforme comporte le risque d'aggraver les écarts entre les taux de féminisation des différentes assemblées et de creuser les contrastes qui existent déjà entre, d'un côté, les assemblées élues à la représentation proportionnelle - relativement féminisées - et, de l'autre, les assemblées élues au scrutin uninominal qui resteront des bastions masculins, tant il est vrai que ce système électoral donne la prime aux sortants et aux notables locaux ; en ce sens, ce scrutin est très dur pour les femmes, car elles sont très mal loties sous ce double registre.

J'émettrai ensuite un second regret : ce projet ne respecte pas une exigence qui avait pourtant été mentionnée dans le « rapport Gillot », à savoir la réalisation d'une parité effective. En effet, le seuil de parité imposé pour les scrutins de liste s'applique non pas aux élus, mais aux candidats, le projet n'imposant aucune alternance femme/homme dans l'ordre de la liste - ni même la parité par tranche de dix. En outre, la pénalisation financière prévue pour sanctionner les partis qui, aux législatives, ne présenteraient pas autant de femmes que d'hommes, ne s'appliquera qu'à la proportion de candidates. Le score de celles-ci n'entre pas en ligne de compte.

Sur ce point, le projet paraît être en recul par rapport au « rapport Gillot » qui liait l'aide financière aux suffrages recueillis par les candidates au premier tour des législatives. On pouvait en effet lire dans le « rapport Gillot », page 20 : "De la parité en termes de candidat à la parité en termes d'élu, il y a un pas décisif à franchir pour garantir aux femmes les investitures qui leur permettront d'accéder aux responsabilités politiques."

Ainsi, en fonction de ce que je peux connaître du contenu de ce projet de loi, je dirai que les mailles du filet me paraissent assez lâches, ce qu'exprimait de façon humoristique le dessin du Monde : c'est un texte équilibré, beaucoup de femmes au départ et peu à l'arrivée !

Certes, sur certains points, le projet va au-delà des propositions du « rapport Gillot » : le seuil de parité a été fixé non pas à 40 %, mais à 50 %, et les sénateurs élus à la proportionnelle sont concernés par l'obligation de parité.

Sur d'autres points, en revanche, il est en retrait. La déception risque d'être d'autant plus vive auprès des femmes en général et des militantes en particulier, qu'aucune autre mesure ne semble envisagée. La mise en oeuvre d'un statut de l'élu a semble-t-il été repoussée comme mesure trop coûteuse, alors qu'elle aurait pu être une mesure très utile, notamment en comportant des mesures d'aides aux élus des deux sexes ayant de jeunes enfants, afin qu'ils n'aient plus à résoudre seuls, empiriquement, les difficultés de conciliation entre vie politique et vie familiale.

Pour conclure, je dirai que le projet présente deux inconvénients majeurs. D'une part, il n'est pas assez contraignant dans son champ d'application, puisque, pour les scrutins de liste, il n'assure pas la parité des élus, mais seulement la parité des candidats. D'autre part, il est lacunaire, puisque son champ d'application est très étroit, ne prévoyant aucune obligation de parité de candidature pour les élections se déroulant au scrutin uninominal.

Si l'on essaie de comprendre pourquoi le projet n'est pas plus exigeant, deux séries de raisons sont souvent évoquées, mais elles ne sont pas forcément de bonnes raisons.

Tout d'abord, des raisons de réalisme politique semblent avoir joué. C'est ce qui paraît expliquer pourquoi le principe de l'alternance homme/femme sur les listes n'a pas été retenu, alors qu'il s'agissait d'une mesure extrêmement simple et facile à mettre en oeuvre.

Le souci auquel ont obéi les rédacteurs du texte semble avoir été celui de laisser aux partis leur liberté d'action dans la confection des listes, sachant qu'ils ont déjà des contraintes à respecter - contraintes de courant, de sensibilité politique. Pour être compréhensible, cette raison n'en est pas moins contestable. Une loi n'est-elle pas faite, après tout, pour être contraignante ; sinon, est-il besoin de loi ?

Des raisons de faisabilité politique ont joué également. Il est évidemment plus facile de mettre en oeuvre la parité dans les scrutins de liste que dans les scrutins uninominaux ; mais il est utile de rappeler qu'un certain nombre de solutions pratiques avaient été envisagées pour ces derniers. Je n'en rappellerai que deux. La première avait été proposée par M. Jean-Pierre Chevènement dans une proposition de loi ; elle visait à obliger les partis à présenter dans chaque département un nombre égal de candidates et de candidats. La seconde avait été envisagée pour les législatives et visait à regrouper deux circonscriptions en une seule qui élirait deux députés : une femme et un homme. Cette solution impliquerait une refonte des circonscriptions, mais on l'a déjà fait en d'autres occasions.

Le texte adopté au Congrès de Versailles édicte dans son article 3 : "La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux". La formule sous-entend que cela concerne tous les mandats et pas seulement certains d'entre eux ; or le projet de loi ne l'entend pas ainsi et ouvre une brèche énorme dans l'application du principe de parité de représentation à toutes les assemblées élues.

Mme la Présidente : Je vous remercie de cet exposé qui a le mérite d'être extrêmement clair et de poser un certain nombre de questions.

M. Michel HERBILLON : Ma question concerne le problème des scrutins uninominaux qui n'est pas simple à résoudre. On peut critiquer le projet de loi tel qu'il va être présenté, mais il existe une réelle difficulté s'agissant des scrutins uninominaux au regard de la parité. Quelles sont vos propositions à ce sujet ?

Mme Nicole BRICQ : Vous avez parlé du statut de l'élu. Nous sommes en effet nombreux à être convaincus que ce statut pourrait aider les femmes et les hommes politiques. Malheureusement, cette question n'est pas à l'ordre du jour bien que, lors de la première lecture de la loi relative au non-cumul des mandats, nous ayons introduit des dispositions en ce sens. Ne pensez-vous pas que la réforme du non-cumul des mandats est une partie de la réponse ?

Par ailleurs, la conclusion que l'on peut tirer de votre exposé est que le scrutin majoritaire est un frein à l'égalité des chances homme/femme dans une élection. Je suis opposée à la proportionnelle, considérant que le seul scrutin populaire est le scrutin majoritaire. La réforme parfaite ne devrait-elle pas être axée sur le non-cumul des mandats et le statut de l'élu ?

Mme Muguette JACQUAINT : Je partage votre opinion lorsque vous regrettez que dans ce projet de loi, la question du statut de l'élu ne soit pas évoquée. Je suis en effet persuadée que ce statut permettrait aux femmes de se lancer davantage dans la politique.

Si la plupart de mes collègues sont favorables au scrutin majoritaire, je tiens à dire ici, qu'il ne s'agit pas de l'unanimité de cette Délégation. Je suis favorable à la proportionnelle, et j'ai d'ailleurs cru comprendre qu'elle favorisait l'élection des femmes dans les assemblées.

J'aimerais connaître votre sentiment sur la question du non-cumul des mandats qui me paraît importante dans la mesure où l'on souhaite favoriser l'entrée des femmes dans la vie politique.

Nous avions eu, au sein de l'Observatoire de la parité, une discussion sur les différentes élections. Or j'avais remarqué que l'on ne parlait ni des élections cantonales, ni du Sénat. Dans notre volonté de tendre vers la parité, il ne faudrait pas aboutir à une ségrégation des femmes en fonction des mandats électifs qu'elles occupent.

M. Patrice MARTIN-LALANDE : Je suis maire depuis 1982 d'une commune de 4 300 habitants, et je puis vous affirmer qu'à chaque campagne électorale, je passe l'essentiel de mon temps à rechercher des femmes pouvant à la fois représenter l'ensemble des catégories socioprofessionnelles et être capables de se libérer pour devenir adjointes. En effet, si l'on arrive à trouver des conseillères municipales, il est difficile de trouver des adjointes. Le problème du statut des élus est donc essentiel et il est la cause première de la sous-représentation des femmes dans les collectivités territoriales - collectivités qui sont un vivier pour obtenir ensuite d'autres mandats.

Je crois, malheureusement, que la situation française n'est pas exceptionnelle, même si elle est plus grave qu'ailleurs. Pouvez-vous nous dire, à la fois sur le statut des élus - notamment des femmes - et sur les modalités des scrutins, s'il existe dans les pays étrangers des recettes qui pourraient être intéressantes pour notre pays ?

M. Bernard ROMAN : Il s'agit d'une question passionnante qui a déjà été évoquée à travers différents débats, notamment au cours du débat sur le non-cumul des mandats. Mais je m'en tiendrais à trois problèmes.

Le premier est le problème de la proportionnelle. Vous nous avez bien démontré que la ligne de clivage entre les possibilités d'intervention du politique et son impossibilité à faire avancer une idée décidée de concert, c'était le mode de scrutin. Bien évidemment, je ne dis pas cela pour que l'on décide de changer le mode de scrutin législatif ; en France, nous ne l'envisageons même pas et le Premier ministre l'a confirmé.

Cependant, le Parlement est en ce moment même saisi d'un certain nombre de textes sur lesquels nous pouvons intervenir pour faire évoluer les choses. Par exemple, le mode de désignation des sénateurs. Pourquoi s'en tiendrait-on à la proportionnelle dans les départements où il y a plus de cinq sénateurs ? Le Gouvernement propose de baisser un peu ce seuil, le Sénat le refuse catégoriquement. Je pense que l'Assemblée peut légitimement s'interroger, en dehors de tout clivage politique, au sein de cette Délégation, sur l'intérêt qu'il y a, pour faire vivre cette idée, à baisser ce seuil. Et pourquoi pas, de faire en sorte que l'élection des sénateurs se fasse partout à la proportionnelle.

Deuxièmement, s'agissant du texte sur lequel nous travaillons - l'égal accès dans les différentes collectivités - pourquoi s'en tenir au seuil de 3 500 habitants pour les communes ? Je suis très heureux qu'une proposition de loi, déposée par des députés de l'opposition, vise à abaisser ce seuil à 2 000 habitants. Cela peut poser un problème. Mais le fixer à 2 500, ce serait ajouter quelques milliers de communes en France au scrutin proportionnel qui pourront ainsi promouvoir des candidatures féminines.

Nous ne devons pas nous interdire, au sein de la Délégation, d'avoir une réflexion sur les modes de scrutin lors de la discussion des textes soumis à l'examen de l'Assemblée.

Troisièmement, en ce qui concerne le non-cumul des mandats, Mme Muguette Jacquaint vient de dire que l'on n'ira pas aussi loin que ce que nous avions prévu. Mais on avancera quand même. Car si le Sénat refuse d'avancer sur la coupure du lien entre les fonctions exécutives locales et les mandats parlementaires et s'il nous faut pour cela une loi organique, nous limiterons le nombre de mandats à deux. Cela ne dépend que de l'Assemblée.

Est-il envisageable d'obliger par la loi tout élu démissionnant d'une de ses fonctions pour cause de cumul, à être remplacé par une femme ? Je ne le crois pas. Mais en tout cas, à l'intérieur des partis, une telle décision peut être prise. Et certains partis l'ont déjà fait. Cela pourrait permettre de rattraper le retard qui existe au niveau de la représentation féminine au sein des assemblées élues au scrutin uninominal.

Je pourrais vous raconter une anecdote à cet égard, puisque j'ai été moi-même concerné par une telle décision lorsque je suis devenu député. Nous étions deux députés conseillers généraux. J'ai alors fait acter par le bureau national du parti socialiste qu'il fallait que les candidats qui démissionnent d'une fonction pour cause de cumul soient remplacés par des candidates féminines. Que n'ai-je pas entendu ! Qu'il n'y avait pas de candidates possibles, que l'on imposait des choses aux militants, qu'elles risquaient de perdre des situations bien conquises, etc. Eh bien je puis vous affirmer que les deux femmes qui nous ont remplacés ont eu de bien meilleurs résultats que nous ! Cet exemple prouve que l'on peut avancer de cette façon.

Mme la Présidente : On constate que les scrutins uninominaux sont plus durs pour les femmes que les scrutins de liste. Malgré tout, vous avez rappelé quelques chiffres, selon lesquels, même avec la proportionnelle, nous sommes loin de la parité homme/femme. Avez-vous perçu une évolution positive en ce qui concerne le scrutin de liste ces dernières années, et si oui, dans quelles proportions ?

Par ailleurs, en ce qui concerne les communes de moins de 3 500 habitants, on voit bien que plus de 90 % des communes ne seront pas concernées par ce texte. Avez-vous déjà réfléchi à une proposition concernant les communes de moins de 3 500 habitants ?

Mme Yvette ROUDY : Le projet de loi, dont tout le monde a entendu parler mais que personne n'a lu - et qui en gros, parle d'une parité de candidatures et de sanctions financières -, est tout à fait insatisfaisant. C'est pourquoi il est amendable et les parlementaires disposent d'un peu d'espace pour faire des propositions. Ce qui est important, c'est que nous puissions nous mettre d'accord sur ces propositions.

Nous savons qu'une question ne pourra pas être abordée, celle de la modification du mode de scrutin, le Premier ministre ayant donné des assurances à ce sujet. Cependant, je suis assez favorable au scrutin des municipales qui consiste en un mélange de scrutin majoritaire et d'un peu de proportionnelle. Ce n'est pas la proportionnelle des élections européennes, qui n'est pas une formule satisfaisante ; ce n'est pas non plus la formule retenue pour les élections régionales.

La proposition visant à abaisser le taux de 3 500 à 2 000 habitants peut être étudiée. On peut également modifier l'élection des sénateurs. Je ne vois pas pourquoi on s'interdirait de penser au statut de l'élu, au non-cumul des mandats et à la proposition visant à imposer un certain ordre sur les listes. Sur ce dernier point, toutes les possibilités sont imaginables, même celle de l'alternance un homme, une femme. Ma ville de 25 000 habitants n'est pas spécialement progressiste, le vivier des femmes n'y est pas important, et pourtant nous obtenons déjà la parité. Il est vrai qu'il faut aller les chercher, mais c'est un problème culturel. Elles se demandent s'il existe un endroit pour se former, question que les hommes ne se posent jamais !

Ma proposition serait donc d'imposer un homme, une femme, ou la possibilité de tranches - de dix, huit, ou six - cela se discute.

Mme Danièle BOUSQUET : Un grand nombre de propositions ont déjà été formulées - notamment en ce qui concerne les élections sénatoriales - sur lesquelles je ne reviendrai pas.

S'agissant des conseils généraux, je ne vois pas quelle sanction pourrait être appliquée, dans la mesure où il n'y a pas de rémunération des partis selon le nombre d'élus ou de candidats dans ces conseils. Au-delà du voeu pieu, comment pourrait être pris en compte le problème des conseillers généraux ?

Ma seconde question concerne les communes de plus de 2 500 et de moins de 3 500 habitants pour lesquelles le problème de la parité se pose dans les mêmes termes que dans les communes de plus de 3 500 habitants. Les bulletins de vote sont présentés aux électeurs sous forme de liste, même s'ils ont la possibilité de panacher ; exiger la parité dans ces communes est donc tout à fait envisageable, l'électeur faisant ensuite ce qu'il veut. Dans les communes de moins de 2 500 habitants, les candidatures sont individuelles ; donc les femmes se présentent ou ne se présentent pas. Je ne vois pas comment l'on peut agir.

M. Bernard ROMAN : Je suis tout à fait d'accord avec vous : si une loi impose à la fois d'abaisser le seuil à 2 500 habitants et la parité des élus, et non pas des candidats, on fera avancer les choses.

M. Danièle BOUSQUET : Il faut en effet exiger non pas la parité des candidats, mais des élus, sinon les choses n'ont pas de sens.

Mme Mariette SINEAU : Avant de répondre à chacune de ces questions, je voudrais dire que je suis tout à fait d'accord avec M. Bernard Roman s'agissant des modes de scrutin. Je n'ai pas abordé cette question, le débat semblant tout à fait figé par le Premier ministre. Mais comme l'a évoqué Mme Yvette Roudy, un scrutin mixte me semblerait approprié. Si nous prenons l'exemple de l'Allemagne, qui pratique un scrutin mixte pour l'élection du Bundestag, une partie des députés étant élus au scrutin uninominal, l'autre partie à la proportionnelle de liste, l'on s'aperçoit qu'il y a beaucoup plus de femmes élues à la proportionnelle qu'au scrutin uninominal.

En ce qui concerne la modification du scrutin sénatorial, je suis tout à fait d'accord pour abaisser le seuil, voire imposer la proportionnelle partout. Ce sujet a déjà été évoqué à plusieurs reprises.

Par ailleurs, j'avais également pensé, pour les élections municipales, à abaisser le seuil à 2 500 habitants et à proposer une légère modification de la loi électorale pour faire en sorte que le dépôt de la liste soit obligatoire dans ces communes. Dans cette catégorie de communes, il me semble assez facile de constituer des listes, ce qui élargirait la portée de la loi.

En ce qui concerne les évolutions en fonction des modes de scrutin, j'ai réalisé une étude sur des élections concomitantes se déroulant avec des modes de scrutin différents : les élections régionales et les élections cantonales du printemps 1998. Pour les élections régionales - qui se déroulent à la proportionnelle - il y a eu un effet de contagion avec une explosion du nombre de candidatures féminines qui tournait autour de 37 %, tous partis confondus, et 25 % d'élues. Au contraire, aux élections cantonales, les candidatures féminines n'ont augmenté que de deux points, passant de 13 % à 15 %, ce qui n'a donné, à l'arrivée, que très peu de femmes élues : 6,6 %.

Au vu de cette étude, il est évident qu'il convient de faire quelque chose pour le scrutin départemental. Si l'on ne peut pas agir par le moyen du financement, puisqu'il n'y en a pas, ne peut-on pas contraindre les partis à présenter par cantons ou par départements, un nombre égal de candidates et de candidats sous peine d'irrecevabilité des candidatures ?

M. Patrice MARTIN-LALANDE : Les candidats ne sont pas obligés d'appartenir à un parti politique pour poser leur candidature, ni même de revendiquer l'étiquette du parti auquel ils ont adhéré.

Mme Mariette SINEAU : Vous savez tout de même que plus des trois quarts des élus ont une étiquette.

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU : Il y a cependant un certain nombre de personnes qui se présentent sans étiquette, c'est une réalité.

Mme Mariette SINEAU : On en revient au débat évoqué tout à l'heure par M. Bernard Roman.

Personnellement, je trouve que le Gouvernement, en présentant ce projet de loi, a mis la « charrue avant les b_ufs ». Il a voulu présenter un projet de loi de mise en oeuvre de la parité pour faciliter l'égal accès des hommes et des femmes à tous les mandats, sans se donner les moyens de l'obtenir, c'est-à-dire sans agir par un certain nombre de modifications des lois électorales. C'est là, véritablement, que le projet est critiquable.

Mme la Présidente : Le Gouvernement souhaite que cette loi soit applicable pour les prochaines élections municipales. Il ne peut pas présenter un texte concernant les seules élections municipales pour ensuite proposer d'autres textes.

Mme Mariette SINEAU : Il aurait été préférable de présenter un texte qui ne concerne que les scrutins de liste, à charge pour le Gouvernement de dire qu'un autre projet de loi serait présenté pour les scrutins uninominaux et de peaufiner un texte qui tienne compte de toute la « cuisine électorale » qui n'est pas simple. Nous avons l'impression que le Gouvernement s'est précipité et que, de ce fait, les trois quarts des élus vont passer au travers d'une loi qui devrait concerner tout le monde. Or, il est regrettable qu'une loi perde son caractère de généralité.

S'agissant de la question "comment toucher les communes de moins de 3 500 habitants", vous y avez répondu. En ce qui concerne les exemples étrangers, je ne peux malheureusement pas vous éclairer sur le statut de l'élu à l'étranger.

En revanche, je puis vous parler du contre-exemple belge, de la loi votée en 1994. Elle précisait que, pour toutes les élections, les listes ne pourraient pas comporter plus de deux tiers de candidats du même sexe, avec une application progressive. La première étape s'appliquait pour les élections provinciales et communales pour lesquelles les listes ne devaient pas comporter plus de trois quarts de candidats du même sexe.

L'expérience a été jugée décevante dans la mesure où, comme il n'y avait aucune contrainte sur la place des femmes dans les listes, il y a bien eu une augmentation des candidatures féminines (32 %), mais moins de 20 % d'élues. Le résultat n'est cependant pas totalement nul puisqu'il y a eu une augmentation des élues au niveau national - un gain de six points -, et des résultats spectaculaires à Bruxelles, les élues femmes passant de 13 % à 25 %.

Voilà donc un exemple de loi insuffisamment contraignante, où les partis ont fait ce qu'ils ont voulu. C'est la seule loi qui, pour l'instant, a été appliquée, puisque la loi italienne a été déclarée inconstitutionnelle. Si le projet de loi est voté, nous serons donc un des seuls à avoir légiféré sur ce sujet et nous serons donc un exemple ou un contre-exemple !

Je suis tout à fait d'accord avec ce qui a été dit sur le non-cumul des mandats et sur le statut de l'élu, que je n'ai fait qu'évoquer. Mais j'ai voulu centrer mon propos sur le contenu même du projet de loi sachant que ces questions sont considérées comme des mesures d'accompagnement et non pas de mise en oeuvre de la parité. Il est clair que je ne saurais qu'applaudir à une limitation du cumul des mandats qui est favorisé par le scrutin uninominal, et qui entraîne la constitution de fiefs et le verrouillage des territoires.

Mme Marie-Jo ZIMMERMANN : Le non-cumul des mandats ne va pas favoriser les femmes !

Mme la Présidente : Non, mais cela va libérer des places !

Mme Mariette SINEAU : Si l'on prend tous les exemples étrangers, on s'aperçoit que là où la représentation féminine est forte dans les parlements, et notamment dans les chambres basses, il y a un scrutin proportionnel. Dans les pays où le scrutin est uninominal, il a freiné l'accès des femmes aux postes représentatifs, que ce soit aux Etats-Unis, au Royaume-Uni ou en France. Les élections cantonales sont un exemple sans précédent de blocage ; la progression n'est que de un point ou d'un demi point à chaque scrutin.

Nous savons pertinemment que c'est là qu'il faut agir, sinon il y aura, à la fin du troisième millénaire, encore moins de 10 % de femmes dans les conseils généraux !

M André VALLINI : Madame la présidente, les propos de Mme Mariette Sineau confirment l'intérêt de la proportionnelle dans ce débat, conviction que je partage avec Mme Muguette Jacquaint. Je voudrais soumettre à Mme Mariette Sineau et à la Délégation trois suggestions pour répondre à l'invitation de Mme Yvette Roudy d'enrichir le texte sous forme d'amendements.

On pourrait tout d'abord présenter un amendement prévoyant la parité dans les postes d'adjoints au maire.

Mme la Présidente : Le rôle de la Délégation est non pas d'élaborer des amendements - ce qui est le rôle de la commission des lois - mais de présenter des recommandations.

M. André VALLINI : Au sein de la commission des lois, j'envisagerai donc d'élaborer des amendements que je soumets aujourd'hui sous forme de recommandations à la Délégation afin que l'on puisse en discuter !

Proposer tout d'abord la parité dans les postes d'adjoints au maire, ensuite dans les postes des délégués communautaires que les conseils municipaux envoient dans les intercommunalités, enfin, dans les postes de délégués des conseils municipaux en vue de l'élection des sénateurs.

Mme Nicole BRICQ : Je voudrais revenir sur le problème des sanctions financières : elles pourraient être positives ou négatives.

Mme la Présidente : Incitation ou sanction !

Mme Nicole BRICQ : Pensez-vous, que cela pourrait avoir une vertu dissuasive ou incitative, et à quel niveau doit-elle être fixée ? Personnellement, j'y crois.

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU : Je m'exprimerai également sous forme de questions, car je considère que le problème est extrêmement complexe, et je ne détiens malheureusement pas la solution.

Je suis favorable à la mixité, à tous les niveaux : une société faite d'hommes et de femmes est toujours plus féconde - et j'emploie ce terme à dessein - qu'une société d'hommes ou une société de femmes. Je suis donc tout à fait favorable à la promotion des femmes en politique. Je pense simplement que cette promotion doit être replacée dans un contexte, un ensemble ; nous ne sommes pas là pour défendre la promotion des femmes pour la promotion des femmes.

En ce qui me concerne, cet ensemble est le fonctionnement démocratique de notre pays, dont la première démarche est le scrutin uninominal et non pas le scrutin de liste. Je souhaiterais que tous les scrutins soient uninominaux, car il me paraît très important qu'il y ait un élu - un territoire, et que l'élu puisse rendre compte en fonction de son territoire et des attributions qui lui ont été données. Je trouve le scrutin de liste malsain pour la démocratie, même si, il est vrai, il favorise la promotion des femmes.

Manifestement, l'on a dérivé, depuis le départ, et l'on va plutôt vers une extension que ce soit au niveau municipal ou sénatorial, de la proportionnelle, ce qui ne me paraît pas être la bonne formule.

Autre réflexion à propos de la parité entre les candidats et de la parité entre les élus : ce que nous devons exiger, c'est la parité entre les candidats ; les élus sont l'affaire des électeurs. Que l'on travaille en amont afin de proposer un plus grand nombre de femmes aux électeurs, d'accord ; mais nous ne pouvons pas leur forcer la main au niveau de l'urne.

Si, tout à l'heure, j'ai réagi aux propos de Mme Mariette Sineau qui associait trop les candidatures à l'investiture des partis politiques, c'est qu'il faut, au nom de la démocratie, que n'importe quel citoyen puisse se présenter à titre personnel, sans être investi par un parti. Cela me paraît important. J'y tiens beaucoup au niveau du principe, et il arrive que cela marche.

Cela dit, les partis ont une fonction importante, et je pense que nous devons proposer des incitations pour faire en sorte qu'il y ait de plus en plus de candidatures féminines. J'aimerais que notre Délégation réfléchisse en amont, sur l'éducation, l'information, la formation, pour faire en sorte que davantage de femmes veuillent s'engager politiquement. En effet, on manque parfois de candidatures féminines, il faut aller les solliciter, voire les arracher.

Comment, envisagez-vous le statut de l'élu et quelle incidence peut-il avoir sur la promotion des femmes en politique ? Je ne suis pas sûre que le non-cumul des mandats facilite l'accès des femmes en politique.

M. Patrice MARTIN-LALANDE : Disposez-vous d'études relatives aux motivations des femmes face à l'engagement politique ? Ou des études qui montrent les raisons pour lesquelles elles ne s'engagent pas plus - même si on les imagine ?

Mme Mariette SINEAU : Monsieur André Vallini, en ce qui concerne la parité dans les postes d'adjoints aux maires, je suis tout à fait d'accord avec vous, je ne pense pas qu'il convient d'épargner ce type de fonctions. Bien au contraire.

S'agissant des sanctions financières, je crois aussi que cela peut faire avancer les choses, mais tout dépendra du stade définitif du texte. Si les incitations sont fortes, cela peut marcher. Mais si la somme allouée est peu importante, il est clair que les partis qui ont beaucoup d'argent pourront négliger cette incitation. Or jusqu'à présent, nous ne disposons que de très peu d'éléments ; le ministère de l'Intérieur devait réaliser des études sur le fonds de mixité proposé par Dominique Gillot, mais je n'en ai pas eu personnellement connaissance.

Je trouve dommageable que toutes les études préparatoires qui auraient dû être effectuées pour déterminer la pertinence d'un certain nombre de mesures ne l'aient pas été. Cela nous aurait permis d'être à même de juger ce texte qui traite de points extrêmement techniques.

Mme Marie-Thérèse Boisseau n'exige pas la parité des élus au motif qu'il appartient aux électeurs de décider. Je ferai quand même remarquer que pour la confection des listes à la proportionnelle, les états-majors sont maîtres de la composition de ces listes et que les électeurs n'ont plus qu'à voter pour les personnes proposées par les partis ! C'est à ce niveau-là que je déplore le fait que l'on n'ait pas exigé l'alternance homme/femme, car il s'agissait d'une mesure extrêmement facile à prendre.

En ce qui concerne le statut de l'élu, deux points me paraissent importants pour faciliter la vie de tous les élus, et pas simplement des femmes. Premièrement, faire en sorte que les jeunes parents ne soient pas forcément coupés de la possibilité d'occuper un mandat électif, sauf à bricoler eux-mêmes des solutions individuelles insatisfaisantes. Tous les partis sont les premiers à mettre en vitrine des femmes ou des hommes jeunes avec des jeunes enfants, mais ils n'ont jamais proposé des solutions politiques à ce problème.

En général les femmes se débrouillent, mais les solutions proposées - les crèches - sont chères, et il me semble qu'il s'agit d'un problème suffisamment important pour que l'on ne regarde pas à la dépense quand il s'agit de l'éducation des jeunes enfants.

Second point, il serait fortement utile qu'un certain nombre de professions ne soient pas coupées de la possibilité d'occuper des mandats électifs et que ce ne soit pas seulement les fonctionnaires qui s'engagent dans la vie politique, parce que leur statut les protège et qu'ils peuvent retrouver leur poste à l'issue de leur mandat. Les autres prennent des risques, et il est clair que lorsqu'on débute dans une carrière, si l'on n'a pas un conjoint pour assurer un revenu fixe, il est difficile de se lancer. La démocratie voudrait que l'on facilite à tout le monde l'accès aux mandats politiques même si, il est vrai, là encore, cela coûte cher.

En ce qui concerne le non-cumul, je pense qu'il ne faut pas s'en tenir là, mais que cela pourrait libérer des places. Dans le cadre du scrutin uninominal pour l'élection des députés, on sait très bien que le cumul favorise la réélection ; en ce sens, il désavantage les femmes qui cumulent moins de mandats et qui ont donc moins de chance d'être élues.

M. Patrice Martin-Lalande, les sondages d'opinion ne sont pas très pertinents car le nombre de Français - hommes et femmes - désirant faire de la politique à plein temps est extrêmement marginal : environ 5 %. Il est donc difficile de connaître la motivation des femmes ; il conviendrait d'employer des moyens qualitatifs au niveau de l'interview.

En revanche, des études ont été réalisées sur les candidates et les élues ; elles font toutes état, quels que soient leurs orientations politiques et leur parti d'appartenance, de l'extrême difficulté quand on est une femme à faire sa place, et de l'espèce de tir de barrage des états-majors politiques qui ont un effet d'autocensure sur les femmes, car les élus sont nombreux à dire que l'on ne trouve pas de femmes, qu'elles ont peur de n'être pas compétentes, etc. Il est donc clair que, lorsque les partis fonctionnent comme de véritables machines à exclure, les femmes préfèrent peut-être s'investir et s'épanouir ailleurs que dans des lieux où on leur fait comprendre qu'elles sont totalement déplacées et même illégitimes.

D'où la nécessité d'agir, car cela renvoie à une culture politique, à l'histoire, à la loi salique, à la Révolution française, qui font que seuls les hommes se sentent légitimes en politique, à l'exception de quelques-uns qui sont peut-être plus ouverts.

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU : Je partage assez votre analyse. Dans le contexte actuel, où les Français décrochent de plus en plus de la politique, les femmes ne décrochent-elles pas encore plus que les hommes en se disant qu'il y a beaucoup plus sérieux à faire dans la vie que de la politique ?

Mme Mariette SINEAU : Je ne peux malheureusement pas répondre à votre question, mais un sondage récent réalisé par la SOFRES pour un groupe de journaux de province démontre la réticence qu'ont les Français face aux hommes politiques - corruption, etc. - et il serait intéressant d'avoir la ventilation par sexe pour savoir si, effectivement, les femmes se démarquent encore plus de l'image de la politique telle qu'elle est perçue.

Mme la Présidente : Madame, au terme de votre audition, je vous remercie pour la clarté de vos propos.

Audition de Mme Geneviève FRAISSE,

députée au Parlement européen

Réunion du mardi 30 novembre 1999

Présidence de Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, Présidente.

Mme la Présidente : Mes chers collègues, nous accueillons aujourd'hui Mme Geneviève Fraisse, directrice de recherche au CNRS, philosophe, historienne, déléguée interministérielle aux droits des femmes de novembre 1997 à novembre 1998 et députée au Parlement européen depuis juin 1999.

Madame, vos travaux philosophiques portent sur l'histoire de la représentation de la différence des sexes et la question politique de leur égalité ; vous avez publié de nombreux ouvrages parmi lesquels Muse de la raison, démocratie et exclusion des femmes en France, La différence des sexes, Les femmes et leur histoire, ainsi que, en collaboration avec Roselyne Bachelot, au printemps dernier, Deux femmes au royaume des hommes.

Aujourd'hui, notre Délégation s'intéresse plus particulièrement à la parité dans les modes de scrutin. Nous souhaiterions connaître vos réflexions de philosophe et d'historienne sur les mesures à prendre pour accélérer le mouvement de féminisation de la vie politique et parvenir à la parité.

Mme Geneviève FRAISSE : Madame la présidente, Mesdames, Messieurs les députés, je reconnais parmi vous certaines des personnes qui se sont battues pour la création de cette Délégation, voilà deux ans. C'est donc un plaisir pour moi d'être avec vous ce soir, d'être accueillie par cette Délégation dont la représentation est, dès sa naissance même, paritaire.

Ne connaissant pas l'intégralité du projet de loi sur la parité - je n'en ai lu que quelques éléments dans un article du Monde -, je vous présenterai un certain nombre de réflexions qui tiennent à la fois de mon engagement en faveur de la parité, de mon expérience de la pratique gouvernementale lorsque j'étais déléguée interministérielle aux droits des femmes, et de ce qui me paraît devoir être exigé aujourd'hui.

Peu de temps s'est écoulé entre le « rapport Halimi » et le « rapport Gillot » mais, dans ce laps de temps, je dois relever un fait important pour le sujet qui nous réunit aujourd'hui : l'inscription à l'article 3 de la Constitution du principe de parité (défini comme un « égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives », c'est-à-dire au moins comme un équilibre). Nous pouvons discuter sur la nécessité d'un équilibre égal à 50 % ; mais je préfère dire que la parité est, pour moi, un outil visant à fabriquer plus d'égalité dans la société.

Le choix de l'article de la Constitution au sein duquel devait s'inscrire le principe de « l'égal accès » a fait l'objet de divers débats, dont ceux que j'ai eu le plaisir de suivre au Conseil d'Etat. J'ai été très sensible au fait que cet « égal accès » ait été inscrit à l'article 3 de la Constitution, c'est-à-dire dans le titre relatif à la souveraineté : cela démontre que nous ne sommes pas seulement dans une logique comptable -même s'il faut l'être- mais que le débat sur la parité dans la vie politique ouvre celui de la définition du souverain et de la souveraineté.

Il ne suffit pas de dire que la souveraineté appartient à un ensemble d'individus physiquement sexués, hommes et femmes. Il est important de souligner qu'il ne peut pas y avoir d'exercice de la souveraineté sans la participation des deux sexes. C'est ce qui m'a paru fondamental dans le fait que « l'égal accès » soit inscrit à l'article 3 de la Constitution et c'est ce qui permet d'atténuer l'importance du recul constitué par le choix des mots « égal accès » par rapport à celui de « parité ».

Certes, l'égalité est déjà affirmée dans le Préambule de la Constitution, mais cela est totalement insuffisant. Le fait de l'inscrire de nouveau dans l'article 3 signifie que l'on reconnaît qu'il y a des obstacles à sa réalisation. Cela sous-entend également qu'il n'y a pas de mouvement naturel vers l'universel ou vers l'égalité des sexes. A tous ceux qui disent "laissez faire la nature", c'est-à-dire laissez faire les moeurs, je dis non !

Il n'y a pas de mouvement naturel. Il n'y a pas production d'égalité sans contrainte.

Mon exemple préféré est le suivant : il y a cent ans nous avons instauré l'école obligatoire ; certains parents ne voulaient pas envoyer leurs enfants à l'école ; nous avons donc forcé les enfants de la République à aller à l'école. L'égalité ne se produisant pas naturellement, il faut contraindre les institutions à la produire, qu'il s'agisse d'égalité d'accès ou d'égalité dans l'exercice de la souveraineté. Dans les deux cas, nous n'avons pas le choix, nous devons contraindre.

Pour en venir au projet de loi sur la parité, je note, entre la position du Gouvernement et le « rapport Gillot », autant d'avancées que de déceptions. La parité doit être établie dans le fonctionnement de la vie politique -à tous les niveaux- mais il est hors de question que la politique soit son unique domaine d'application. Je me suis engagée dans le combat en faveur de la parité, car j'estime qu'il s'agit d'un instrument pour obtenir plus d'égalité. Mais, nous ne pouvons pas transformer l'exercice du pouvoir souverain sans transformer les autres lieux de pouvoir. Pour moi, la parité, c'est l'égalité dans les lieux de pouvoir. Je vous rappelle que le Premier Ministre l'a affirmé dans son discours du 8 mars 1998. La parité doit donc se décliner dans d'autres espaces que l'espace politique.

J'en viens maintenant à la première partie de mon exposé : la parité dans la vie politique.

Pour évaluer les avancées constatées dans ce domaine, il convient de se reporter au livre de Françoise Gaspard et de Philippe Bataille qui vient de paraître et qui analyse les élections de 1997, dont les femmes, présentes ici aujourd'hui, ont été les actrices. Il y a eu une accélération de l'histoire. Le problème n'est pas de savoir d'où l'on partait (de trois fois rien) ni où l'on arrive (la France est toujours l'avant-dernier pays européen en termes de représentation nationale) mais de constater que le nombre des Françaises élues au Parlement européen a augmenté de 34 % ; avec 40 % d'élues (alors que la représentation moyenne des femmes au Parlement européen atteint 30 %), nous sommes donc passés au troisième rang des pays d'Europe - après la Suède et la Finlande.

C'est ce que l'on peut appeler une accélération historique. Je ne fais pas de triomphalisme, mais ce sont des chiffres intéressants. La mise en place de cette pratique d'alternance hommes-femmes dans la plupart des listes que présentaient les différents partis pour les élections européennes, a donné un résultat remarquable.

Un autre phénomène intéresse l'historienne que je suis : on assiste à un équilibre entre les moeurs et la loi. Vous savez que les moeurs piétinent souvent en attendant qu'une loi les consacre ; cela a été le cas pour l'IVG il y a 25 ans. En ce qui concerne la parité, nous avons certes piétiné ; mais, là, la loi a correspondu à une évolution dans les moeurs, dans les mentalités, dans l'opinion : il y a eu une accélération réciproque. En 1997 et 1999, nous avons prouvé que les choses pouvaient changer lorsqu'on les imposait.

Je dois à ce propos vous citer un extrait du livre de Françoise Gaspard et de Philippe Bataille. A la question : « Auriez-vous été candidate si la circonscription n'avait pas été réservée à une femme ? », 50 % des femmes ont répondu « oui », 29 % « non » et 20 % « peut-être ». La décision d'imposer une proportion de 30 % de candidates représente donc bien une force. Dès lors, on s'aperçoit que l'argument présenté pendant des années « Il n'y a pas de femmes candidates » est sans valeur. Il suffit en effet de prendre une décision pour qu'un certain nombre d'obstacles dans la représentation imaginaire, et que l'on appelle des obstacles réels, s'effondrent.

Si j'analyse maintenant le projet de loi sur la parité, je note, de la part du Gouvernement, des affirmations extrêmement vagues, générales, et qui pourraient ressembler à des effets d'annonce. En revanche, dans le « rapport Gillot », déposé après les élections de 1999, est posé l'intéressant problème de l'incitation ou de la sanction.

Je passe rapidement sur les scrutins de liste ; en effet, je ne vois pas pourquoi nous continuerions à en discuter alors que les partis politiques, au cours des dernières élections européennes, ont pratiquement tous présenté des listes paritaires. Il n'y a qu'à continuer !

Mme la Présidente : Cela dépend des scrutins de listes !

Mme Geneviève FRAISSE : Un certain nombre de ces listes présentaient une véritable alternance ; elles ne présentaient pas "autant de femmes que d'hommes, mais sans trop savoir où ni comment", ce qui est le projet actuel du Gouvernement. Moi, je n'envisage pas d'autres possibilités que l'alternance "un homme, une femme,...". Je ne vois pas pourquoi les partis politiques dont certains ont réussi à constituer des listes paritaires pour les élections européennes, ne pourraient pas constituer des listes paritaires pour les élections nationales.

Le projet du Gouvernement est très vague sur ce point. Il me donne l'impression de ne proposer qu'un service minimum. Le « rapport Gillot » présentait des éléments beaucoup plus concrets, comme je le disais tout à l'heure, sur l'incitation et sur la sanction. Il proposait diverses mesures incitatives que théoriquement je désapprouve, car elles s'inscrivent dans une logique de commerce. L'incitatif transforme les femmes en une monnaie d'échange et se révèle donc extrêmement gênant.

La sanction me paraît constituer une pratique plus intéressante. Cela étant dit, la sanction définie par le Gouvernement me semble complètement générale et abstraite, alors que la proposition de Dominique Gillot était beaucoup plus complexe et subtile. Elle prenait en effet en considération le nombre de voix obtenu par les femmes au premier tour, ce qui permettait de vérifier que ces dernières n'avaient pas été envoyées dans des circonscriptions perdues d'avance.

Peut-être devrions-nous envisager un système fondé non pas sur l'incitation ou la sanction, mais sur un ensemble de garanties, liées, bien entendu, au financement des partis : ce dernier serait alors notamment fonction du nombre de femmes restant en lice au second tour. Nous nous situons là dans l'hypothèse du scrutin majoritaire, soit le scrutin le plus difficile pour les femmes. Cette forme de scrutin constitue d'ailleurs un problème français, car on constate que les pays nordiques, qui ont une avance certaine en matière de parité, sont dotés de systèmes électoraux à la proportionnelle. La France a donc là une tâche particulièrement difficile à remplir.

Lorsqu'on se déplace à l'étranger, notamment en Italie, les parlementaires trouvent extraordinaire la réforme constitutionnelle française sur la parité ! Le Gouvernement a donc le devoir de trouver une solution pour les élections législatives, afin que la réforme soit également exemplaire au niveau du scrutin majoritaire.

En réalité, le projet du Gouvernement ne nous satisfait pas, non seulement parce qu'il est vague et abstrait mais aussi parce que l'action en faveur de la parité semble devoir se faire maintenant ou jamais. Nous ne repoussons pas l'idée d'étaler les mesures -et notamment les pourcentages- dans le temps. Mais en tout état de cause, il convient d'agir maintenant sinon nous risquons de ne rien obtenir par la suite.

Par ailleurs, toujours dans le champ politique, je voudrais souligner l'extrême importance de deux lieux dans lesquels il conviendrait de multiplier les propositions. Après l'idée d'alternance dans les scrutins de liste sur laquelle je suis rapidement passée -mais j'y tiens : c'est cela ou rien- après le scrutin majoritaire, sur lequel la France, pour être exemplaire, doit donner des garanties précises de présence des femmes, je voudrais évoquer les structures intercommunales et les communautés de communes.

Quelle est la situation de l'exécutif dans ces lieux-là ? Sur 1 672 districts, communautés de communes, communautés de villes et communautés urbaines, seules 54 structures (dont 40 de moins de 15 000 habitants) sont présidées par des femmes, soit 3,2 %. Or il me semble que l'intercommunalité représente -avec l'Europe- l'espace du futur et que nous devrions donc réclamer un autre mode de fonctionnement.

Nous devons également exiger la parité dans les exécutifs municipaux. Si, en effet, je prends l'exemple de Chatillon (la ville où je réside), sur neuf adjoints, seulement trois sont des femmes. Les femmes ne doivent pas être simplement conseillères municipales, elles doivent participer à l'exécutif. Il s'agit d'un thème que le Gouvernement doit pouvoir mettre en avant.

Tels sont les quatre lieux politiques dans lesquels il convient d'avoir des exigences, exigences tout à fait réalisables si le Gouvernement en a la volonté.

J'arrive à la seconde partie de mon exposé relative aux autres lieux de pouvoir dans lesquels la parité doit être exigée. Il s'agit de la fonction publique, de la vie sociale, de l'entreprise, et de la vie associative.

Il convient d'agir sur les nominations dans la fonction publique, les négociations collectives et les organismes paritaires, les entreprises publiques et la vie associative. On peut se demander comment produire plus de parité dans ces lieux, et notamment au niveau des cadres. A titre d'exemple, je vous informe qu'au CNRS -que je connais bien- seules 12 % de femmes sont de rang A, ce qui ne veut d'ailleurs pas dire qu'elles font partie des instances dirigeantes.

S'agissant de la fonction publique, ce ne sont pas seulement l'encadrement et les nominations qui comptent (même si cela est important : je vous renvoie sur ce point au rapport d'Anne-Marie Colmou) mais aussi la composition des jurys : il faut absolument que les jurys soient mixtes. Il est essentiel qu'il y ait des femmes dans les jurys, beaucoup plus de femmes.

Je voudrais encore souligner que la parité a déjà fait l'objet des rapports d'Anne-Marie Colmou, de Dominique Gillot et de Catherine Génisson, d'un rapport du Conseil d'analyse économique dont j'ai été l'initiatrice (qui porte non pas sur les instances de pouvoir, mais sur l'égalité professionnelle en général) et d'une réforme constitutionnelle. De nombreuses propositions ont donc déjà été formulées ; le temps des actes est maintenant venu.

En outre, il faut tenir compte des principes fondamentaux posés par le Premier Ministre dans son discours du 8 mars 1998 et lors de la Conférence de Paris le 17 avril 1999 avec les "Propositions françaises pour un plan d'action". Nous devons prendre le Premier ministre au mot ! Que peut-on lire dans ces propositions : "Les Etats sont invités à inciter les partenaires sociaux à proposer pour chaque nomination à une instance consultative ou paritaire nationale ou communautaire deux candidatures une femme, un homme, etc." Vous pouvez puiser là des choses tout à fait intéressantes. Je vous précise que ces propositions françaises n'ont pas été signées par tous les pays, mais elles ont été retenues comme "bonnes pratiques" par un conseil informel tenu à Berlin sous présidence allemande, il y a quelques mois.

Je vous rappelle que la France doit présider l'Union européenne au deuxième semestre 2000 ; si le Gouvernement veut faire de la parité une priorité de la Présidence française, si nous ne voulons pas passer pour des gens qui parlent beaucoup mais qui n'agissent pas, il faut trouver dès aujourd'hui, dans les discours du Premier ministre et dans les rapports précités, matière à introduire la parité dans les lieux extérieurs au domaine politique. Et, je crois que la parité politique se portera d'autant mieux qu'elle entraînera une transformation de la structure de pouvoir dans les autres instances.

Mme la Présidente : Madame Fraisse, je vous remercie. Nous allons maintenant vous poser une série de questions.

Mme Odette CASANOVA : Etes-vous certaine qu'il ne faut pas revenir en arrière au sujet de l'alternance dans les scrutins de liste ?

Mme Geneviève FRAISSE : Je pense en effet qu'il ne faut absolument pas revenir sur ce principe.

Mme Odette CASANOVA : Quelles sont vos propositions pour les autres scrutins ?

Mme Marie-Jo ZIMMERMANN : Comment faire en sorte de ne pas revenir en arrière s'agissant des scrutins de liste ? En effet, nous avons tous conscience que, pour les élections européennes, les partis politiques ont fait un peu de surenchère ; j'ose espérer qu'ils joueront le même jeu dans les autres scrutins, mais s'ils ne le font pas, comment les y obliger ?

M. Michel HERBILLON : Que proposez-vous pour les scrutins uninominaux ?

Mme Muguette JACQUAINT : Je pose à peu près la même question, en soulignant que le scrutin majoritaire est en outre le plus difficile pour les femmes. Et, ce, alors que tout le monde sait qu'une dose de proportionnelle pourrait conduire à une parité plus importante, comme l'ont largement démontré les dernières élections européennes.

Je suis donc tout à fait d'accord avec Mme Fraisse pour permettre aux femmes d'accéder plus facilement à l'exécutif et pour rappeler que l'alternance est indispensable pour y arriver.

Mme Danièle BOUSQUET : Ma première question concerne les élections cantonales : comment établir une parité dans ces élections uninominales dont certains candidats ne sont pas présentés par les partis politiques et pour lesquelles aucun financement n'est prévu ?

Ma seconde question est relative aux structures intercommunales qui ne sont pas soumises directement au vote des électeurs. Avez-vous réfléchi à la manière dont on pourrait y installer la parité ?

Mme Geneviève FRAISSE : Il est vrai que l'alternance est plus facile à mettre en place pour les élections européennes que pour les élections nationales ; surtout lorsqu'on sait que les enjeux européens ne sont pas très importants pour la France. J'en profite d'ailleurs pour vous dire que notre pays est en train de prendre un vrai retard dans ce domaine. Contrairement à nous, les autres pays s'investissent vraiment dans l'Europe, et la France est en décalage par rapport à la dynamique européenne.

Pour en revenir aux dernières élections, les partis politiques ont pu facilement faire de la surenchère. Cependant, je crois aux faits. L'alternance a déjà été pratiquée deux fois pour les élections européennes : la première fois à l'initiative du parti socialiste, la seconde fois à l'initiative de Robert Hue et les autres partis l'ont suivi. Par conséquent, même si l'on a parfois le sentiment de revenir en arrière, une fois que les choses ont été réalisées, elles deviennent des points de non-retour.

Mme Marie-Jo ZIMMERMANN : Je n'en suis pas aussi convaincue !

Mme la Présidente : Moi non plus !

Mme Geneviève FRAISSE : Je ne suis pas un être optimiste de nature, simplement ces faits existent et l'on peut désormais s'appuyer sur eux.

En ce qui concerne la question essentielle des scrutins uninominaux -qui suscitent de multiples interrogations- le « rapport Gillot » apporte des éléments de réponse très intéressants en affinant les notions d'incitation et de sanction d'une façon beaucoup moins vague que ne l'a fait le Gouvernement.

Mme la Présidente : Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous ; dans le projet de loi, la sanction n'est pas vague : elle porte sur la première part du financement des partis, c'est-à-dire sur les candidatures, contrairement à la proposition de Dominique Gillot qui la faisait porter sur le pourcentage d'élues.

Mme Geneviève FRAISSE : C'est vrai, mais la proposition de Dominique Gillot porte sur le pourcentage d'élues à partir des résultats du premier tour. Au lieu de rester dans les domaines de la sanction et de l'incitation, elle introduit une garantie : le financement d'un parti dépendra de ses résultats, eux-mêmes analysés candidature par candidature et circonscription par circonscription. Et il me paraît très constructif de travailler dans cette direction, de s'interroger sur les garanties qui peuvent être données.

M. Michel HERBILLON : Sur ce point précis, pourriez-vous être plus explicite : que proposez-vous du fait de votre expérience ?

Mme Geneviève FRAISSE : J'ai pourtant l'impression d'être explicite !

Mme la Présidente : C'est aussi ce qu'il me semble ; Mme Geneviève Fraisse, en se référant au « rapport Gillot », nous a expliqué que le financement des partis devrait être évalué non pas en fonction du nombre de candidates, mais du nombre d'élues.

Mme Geneviève FRAISSE : Cette évaluation devra se faire en distinguant les résultats du premier et du second tour. Car, si le financement ne tient compte que du nombre de candidates, il est facile de faire des listes un peu "bidons".

Pour en revenir aux élections cantonales, je n'ai absolument aucune solution. Quant aux communautés de communes, s'agissant de nommer...

Mme Chantal ROBIN-RODRIGO : Ce ne sont pas vraiment des nominations, ce sont des élections au sein des conseils municipaux.

M. Bernard ROMAN : Je voudrais revenir sur le problème du financement qui demeure une interrogation pour nous tous. Il est vrai que le « rapport Gillot » va plus loin que le texte du Gouvernement. Cela étant dit, je vous rappelle que ce sujet a fait l'objet d'un débat préalable et quasi public au cours duquel certains ont à juste titre soutenu qu'il fallait non pas surfinancer la représentation des femmes, mais sanctionner leur sous-représentation.

Mme Geneviève Fraisse : C'est cela, il faut éviter l'incitation, la mise des femmes sur le marché.

M. Bernard Roman : J'appellerai cependant votre attention sur un problème qui n'a pas été résolu. Si le financement des partis politiques se fait sur le nombre de parlementaires élues et si l'on considère le marchandage auquel donne lieu aujourd'hui la recherche de signatures d'élus -notamment au Sénat- ce financement va poser le problème de la « traite des blanches », non pas l'année de l'élection, mais les années suivantes.

Je ne parle pas ici des grandes formations politiques qui sont structurées et au sein desquelles (à quelques exceptions près) les candidats, une fois élus, demeurent. Mais, dans des assemblées telles que le Sénat, on achète aujourd'hui des signatures pour bénéficier du financement légal. Demain, on achètera des candidatures de femmes plus chères que les candidatures d'hommes. Il convient donc, dans nos travaux d'examen du projet de loi, de veiller à ce que cela ne soit pas possible.

Mme Geneviève FRAISSE : Je pense qu'effectivement cette question se pose dès que l'on est dans un processus de contrainte ; elle est structurelle à la démarche dans laquelle nous sommes. Notre marge de manoeuvre peut en être limitée, mais cette limite ne constitue ni une raison pour interdire toute man_uvre, ni un argument pour ne rien faire. Je sais bien que ce n'est pas du tout l'objet de votre question, mais il faut savoir que ce type de limite existe.

Ce même type de limite peut exister quand on prétend que nous sommes en train de faire du catégoriel (c'est-à-dire d'avoir une démarche qui concerne la catégorie "femme") et que d'autres catégories pourraient tout autant réclamer une meilleure représentation. Nous penserons alors que cet argument est lié au débat sur la parité. Or cela n'a rien à voir ! Mais, il est évident qu'un tel problème est inhérent à notre démarche.

En conclusion de cet exposé, je voudrais affirmer de nouveau que nous sommes dans une logique d'entraînement, et qu'il nous faut avoir de l'imagination. C'est par cette logique d'entraînement que nous trouverons des solutions pour organiser la parité même dans des scrutins plus difficiles, tels que le scrutin majoritaire.

Enfin, le Gouvernement ne peut pas réaliser ce projet aujourd'hui sans qu'il soit accompagné de tout un ensemble.

Mme la Présidente : Madame Fraisse, je vous remercie infiniment.

Audition de Mme Janine MOSSUZ-LAVAU,

directrice de recherche au Centre d'étude de la vie politique française

Réunion du mardi 30 novembre 1999

Présidence de Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, Présidente.

Mme la Présidente : Mes chers collègues, nous accueillons ce soir, Mme Mossuz-Lavau, directrice de recherche au Centre d'étude de la vie politique française - le CEVIPOF - et membre de l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes.

Mme Mossuz-Lavau, vous étiez également jusqu'en 1998 co-responsable, avec Mme Françoise Gaspard, d'un séminaire de recherche, à la Maison des sciences de l'homme, portant sur les femmes dans la prise de décision politique, économique et culturelle. Vous avez publié de nombreux ouvrages parmi lesquels Femmes, hommes/pour la parité, Les femmes et la politique, ce dernier en collaboration avec Armelle Lebras-Chopard.

Aujourd'hui, notre Délégation s'intéresse plus particulièrement à la parité dans les modes de scrutin, thème sur lequel nous aimerions connaître vos réflexions de politologue.

Mme Janine MOSSUZ-LAVAU : Madame la présidente, Mesdames, Messieurs les députés, en ce qui concerne la parité, je voudrais tout d'abord exprimer ma satisfaction que les promesses aient été tenues et que, quelques mois à peine après la révision constitutionnelle, un projet de loi ait été si rapidement proposé. J'insisterai sur l'importance du « rapport Gillot », qui a été remis au Premier ministre au début du mois de septembre. Ce texte a suscité de nombreuses réactions négatives de la part de certaines associations féminines et féministes qui lui reprochent un manque d'ambition, notamment sur les deux points suivants :

- la proposition de parvenir à l'objectif de parité (40 % de femmes élues) non pas aux élections municipales de 2001 mais en 2007 ;

- la proposition d'apporter une aide financière aux partis présentant 40 % de femmes aux élections législatives.

Lorsque le Premier ministre a annoncé à Strasbourg qu'il souhaitait une parité parfaite (donc 50/50), nous avons eu l'impression qu'il tournait Dominique Gillot sur sa gauche, en faisant des propositions plus avancées que celles contenues dans le rapport. Et il est vrai que proposer la parité, et ce dès les prochains scrutins, marque une avancée tout à fait remarquable. La France va être le premier pays au monde à inscrire la parité dans ses lois électorales.

Mais, le projet de loi marque aussi un retrait sur deux points. D'une part, Dominique Gillot, d'une façon assez révolutionnaire, proposait que, pour les élections régionales, européennes, municipales, les listes ne soient recevables que si elles respectaient la parité alternée (un homme, une femme...). D'autre part, sur une idée de Guy Carcassonne, Dominique Gillot proposait que, pour les élections législatives, l'aide financière soit modulée en fonction du nombre de voix obtenues par les candidates, afin que ces dernières ne soient pas envoyées dans des circonscriptions perdues d'avance, ce qui est le réflexe d'un certain nombre de partis politiques. De ce fait, ceux-ci, pour obtenir un financement important seraient obligés de présenter leurs candidates dans des circonscriptions gagnables où elles pourraient récolter un grand nombre de voix.

Le projet de loi actuel n'a pas retenu l'idée de parité alternée, ce qui veut dire que, mis à part le sens du ridicule, rien n'empêche les partis politiques de présenter une liste comportant 50 % de femmes placées en dernier rang. Ces derniers toutefois devraient êtres attentifs aux desiderata des électeurs dont tous les sondages montrent qu'ils sont favorables à 80 % à la parité et qu'ils souhaitent l'élection d'un plus grand nombre de femmes.

Cela dit, il conviendrait d'éviter que les partis politiques puissent effectivement inscrire sur leur liste, tous les hommes en premier, puis les femmes en dernier. C'est la raison pour laquelle je compte beaucoup sur les initiatives parlementaires pour amender ce projet.

Pour ce qui concerne les élections européennes et les élections régionales, il conviendrait d'établir la parité alternée. On y était presque parvenu lors des élections européennes de juin 1999. Il ne faudrait pas revenir en arrière. Pour ce qui concerne les élections municipales, les parlementaires pourraient définir les modalités pratiques de la parité en s'inspirant :

- premièrement de la proposition de Dominique Gillot, d'une parité alternée. Mais, de l'avis même d'un grand nombre de maires et notamment de députés-maires -qui ne se cachent pas pour affirmer, dans les couloirs, tout le mal qu'ils pensent du projet- celle-ci ne serait pas réalisable.

- deuxièmement de la proposition de Catherine Tasca, d'une parité par tranches de dix personnes. Toutefois, aucune règle n'exigeant un ordre de parité de ces dix personnes, les simulations, réalisées pour le compte de l'Observatoire de la parité, montrent clairement que cette solution, même si elle améliore un peu la situation, ne changerait pas profondément la disproportion qui existe entre le nombre d'hommes et le nombre de femmes élus.

Dans l'hypothèse où l'on ne puisse pas retenir l'idée de parité alternée, je vous propose cependant d'observer au moins la parité par tranche de six personnes, car cela serait déjà une amélioration considérable. Sur ce point précis, les parlementaires devront absolument déposer des amendements au cours de l'examen et de la discussion du projet de loi.

Le deuxième point sur lequel des propositions devront être présentées concerne le seuil de 3 500 habitants retenu par le projet de loi pour l'application de la parité aux élections municipales. L'adoption d'un tel seuil impliquerait que près de 34 000 -sur les 36 000- communes de France ne seraient pas concernées par ce projet. Il faut envisager de remédier à cet état de fait mais en l'état actuel de la législation électorale cela apparaît assez difficile.

Nous avons entendu, à l'Observatoire de la parité, Jean Auroux, en sa qualité de maire et de responsable des maires des villes moyennes. Il nous a proposé de faire entrer la parité dans l'ensemble des communes françaises en imposant aux petites communes (c'est-à-dire à celles qui comptent moins de 3 500 habitants) une présentation paritaire des candidats dès lors que, pour les élections, on se trouve en présence soit de listes, soit de groupements de personnes. Bien entendu, cette exigence ne pourra pas s'appliquer aux personnes se présentant individuellement ou à celles qui n'ont pas posé leur candidature -vous savez tous que l'on peut voter pour une personne qui ne s'est pas présentée- mais elle concernerait les communes où se présentent des listes ou des groupements de personnes. Cela étant, comme dans les communes de moins de 3 500 habitants, le dépôt des candidatures n'est pas obligatoire, on voit mal comment, sans changer les règles en vigueur, on pourrait imposer la parité. Une solution consisterait à abaisser jusqu'aux communes de 2 500 à 3 499 habitants le mode de scrutin en vigueur dans les communes de plus de 3 500 habitants.

Nous devons donc réfléchir à ce qui peut être fait de raisonnable, de constitutionnel, pour les communes de moins de 3 500 habitants. Mais il s'agirait d'un autre projet de loi que celui sur lequel nous raisonnons à l'heure actuelle.

Le troisième point concerne les élections sénatoriales. Le projet du Gouvernement y prévoit la parité pour les sénateurs élus à la proportionnelle. Faut-il considérer que tous les sénateurs devront être élus en respectant un principe de parité, ou devons-nous maintenir une différence entre ceux qui sont élus à la proportionnelle et ceux qui sont élus au scrutin uninominal ?

Pour ma part, je considère que la parité doit être appliquée à tous, ce qui implique l'instauration du scrutin à la proportionnelle pour tous. Mais je vous rappelle que le Premier ministre s'est engagé à ne pas modifier le mode de scrutin pour les élections législatives et qu'il paraît difficile qu'il accepte de modifier le mode de scrutin des élections sénatoriales. On peut avancer d'ailleurs le même argument pour une éventuelle modification du mode de scrutin municipal dans les communes de 2 500 à 3 499 habitants.

M. Bernard ROMAN : Le projet de loi sur l'élection des sénateurs propose d'abaisser le seuil de la proportionnelle de cinq à trois sièges ; c'est donc l'occasion rêvée d'aller plus loin !

Mme Janine MOSSUZ-LAVAU : Tout à fait ! Personnellement, j'irai dans ce sens. Mais c'est maintenant à vous de faire des propositions à ce sujet ! Le projet va venir en discussion devant l'Assemblée, et l'on ne peut plus compter que sur les députés pour l'amender afin que la parité devienne cette réalité souhaitée par un grand nombre d'électeurs.

Mme la Présidente : Après votre présentation de points importants relatifs aux tranches paritaires de six personnes, au seuil des communes et aux élections sénatoriales, je suis persuadée que l'un de mes collègues va vous interroger sur les élections cantonales !

M. Bernard ROMAN : Très en phase avec l'analyse que vous venez de nous présenter, je vous poserai directement la question du scrutin majoritaire, car elle est de facto posée à tous les intervenants que nous avons la chance de recevoir : quelles propositions pouvez-vous faire sur ce point en dehors de celles qui sont proposées par le projet de loi ?

J'évoquerai également le problème de la proportionnelle et des tranches. Le scrutin à la proportionnelle qui comprend une parité de candidatures peut être complètement détourné. Il peut l'être par des hommes politiques, quelle que soit leur couleur politique, sûrs d'eux-mêmes et dominateurs qui peuvent prendre ce risque de tout détourner parce qu'ils se soucient peu des réactions de leur électorat.

Peut-on éviter ce détournement par la constitution de listes « chabada » (un homme, une femme...) ? Je crois qu'il convient d'entendre les arguments de ceux qui avancent des difficultés de constitution de listes ou de fusion de listes. Régler ce problème par l'imposition de tranches paritaires est une solution qui me paraissait bonne au premier abord, mais qui ne règle le problème que pour un seul type de scrutin : les scrutins municipaux ou les scrutins pour lesquels les candidatures sont nombreuses.

Le problème demeure entier pour les autres scrutins. Par exemple, s'agissant du scrutin européen, l'imposition de tranches peut conduire à un recul spectaculaire par rapport à la situation existante. Et, comment procéder pour les élections sénatoriales, dans un département comme le mien, où elles ont lieu à la proportionnelle ; dans la mesure où sont élus onze ou douze sénateurs, aucune formation ne peut avoir plus de six élus ; il est donc tout à fait possible de présenter des listes paritaires et de n'avoir aucune femme élue.

J'ai réfléchi à une règle qui pourrait s'appliquer à tous les scrutins proportionnels et qui permettrait de contourner cet obstacle. A l'intérieur de listes de candidatures paritaires, il serait spécifié que les tranches de candidats du même sexe qui se suivent ne peuvent pas être supérieures à 10 %. Prenons l'exemple d'une liste municipale de 50 personnes pour laquelle il faudrait 25 hommes et autant de femmes ; supposons que tout soit fait pour avoir un minimum de femmes en début de liste. Pour ce faire, il faudrait commencer par placer 5 femmes (10 % de 50 personnes) en fin de liste. Les 20 femmes restantes devraient ensuite être panachées avec les 25 hommes, ce qui signifie que, dans les 45 premiers de liste, il y aurait une quasi parité d'élus.

Cette pratique est applicable à tous les scrutins aussi bien pour les élections des communes de moins de 3 500 habitants que pour les élections sénatoriales.

M. Michel HERBILLON : Pourquoi ne pas proposer tout simplement l'alternance ? Pourquoi ce qui est possible pour les élections européennes ne le serait pas pour les élections municipales ?

Mme la Présidente : Parce qu'il n'y a pas de problème de fusion de listes entre les deux tours.

M. Bernard ROMAN : La liste européenne est en effet homogène.

M. Michel HERBILLON : Nous pourrions parfaitement proposer la parité alternée, mais en précisant que cette règle doit également s'appliquer quand les listes fusionnent.

M. Bernard ROMAN : Cela peut être un handicap pour les électeurs. Par exemple, quand deux listes telles les listes de l'UDF et du RPR fusionnent, il convient, pour les électeurs, d'afficher, en tête de liste, un candidat de chaque parti. Et si par hasard (mais ce serait vraiment un hasard !), ce sont deux hommes qui conduisent ces listes, l'alternance serait d'emblée faussée.

Mme Danièle BOUSQUET : On peut établir l'alternance à une unité près.

M. Michel HERBILLON : Je pense sincèrement qu'il faut proposer l'alternance. Car ce qui, autrefois, n'apparaissait pas possible s'est réalisé et paraît naturel. Avant 1997, qui aurait imaginé qu'aux élections législatives, dans un scrutin uninominal, il y aurait autant de candidates et d'élues ? Pour les prochaines élections municipales, nous devons un peu forcer le destin.

M. Bernard ROMAN : Je voudrais revenir sur la règle des tranches de 10 %. Sur une liste municipale de 30 personnes, pas plus de 3 personnes du même sexe ne pourraient se suivre. Mais aux élections sénatoriales, avec une liste de 11 personnes, il y aurait forcément alternance des candidatures. Il s'agit donc d'une règle qui peut s'appliquer à tous les scrutins proportionnels.

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU : Madame la présidente, je constate que nous glissons toujours du problème de la représentation des femmes en politique au problème du scrutin proportionnel. Je redis, au nom de la démocratie, mon attachement très fort au scrutin uninominal.

Pour résoudre le problème de la sous-représentation des femmes dans les élections sénatoriales, l'idée est d'abaisser le seuil des élections à la proportionnelle de cinq à trois sièges. Cela me paraît être une mauvaise approche du problème. Je préférerais, pour les élections sénatoriales comme pour tous les scrutins, qu'il y ait une incitation financière aux partis politiques en fonction, par exemple, du nombre de voix obtenues par les candidates. Ce qui permettrait de considérer le problème de la parité en lui-même et non pas en fonction d'un mode de scrutin.

M. Bernard ROMAN : Le principe d'un abaissement du seuil de cinq à trois sièges pour les élections sénatoriales n'est pas une décision liée à la parité, puisqu'il s'inscrit dans un projet de loi bien antérieur à celui qui nous occupe. Les sénateurs ont d'ailleurs accepté d'abaisser ce seuil de cinq à quatre.

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU : J'entends bien monsieur Roman, mais vous comprenez bien le sens de ma remarque...

M. Michel HERBILLON : ...remarque à laquelle je m'associe.

Mme la Présidente : Madame Mossuz-Lavau, avez-vous commencé une réflexion sur les intercommunalités ?

Mme Janine MOSSUZ-LAVAU : Non, je n'en suis pas encore là.

Mme la Présidente : Et sur le scrutin cantonal ?

Mme Janine MOSSUZ-LAVAU : Je voudrais tout d'abord réagir sur la règle proposée par M. Bernard Roman. L'idéal, pour moi, ce serait la parité alternée pour tous les scrutins de liste - et je rejoins là les réflexions de M. Michel Herbillon. Il s'agit d'une mesure simple qui ne demande pas de traitement différent pour les différentes élections. Je reconnais toutefois qu'en ce qui concerne les élections municipales, les réactions des maires sur ce sujet sont assez négatives. Ils affirment qu'une telle mesure est impossible et trop compliquée, notamment ce qui concerne les fusions de listes, le second tour, les répartitions des places selon les tendances politiques...

S'agissant des élections municipales, je suis donc tout à fait intéressée par cette règle interdisant que plus de 10 % des candidats d'un même sexe se suivent sur une même liste. En revanche, pour les élections régionales et européennes, il convient de garder l'idée de la parité alternée. Cela a déjà été fait pour les élections européennes ; si l'on revient en arrière, il y aurait une régression. Et cela pourrait tout à fait se faire pour les élections régionales.

En ce qui concerne les élections sénatoriales...

M. Bernard ROMAN : Elles se font déjà à la proportionnelle dans les circonscriptions comptant plus de cinq sièges, et ce mode de scrutin va bientôt être étendu aux circonscriptions comptant plus de trois ou de quatre sièges selon que l'on retient la proposition de l'Assemblée ou celle du Sénat ; ce qui concernera tout de même 30 % des sénateurs.

Mme Janine MOSSUZ-LAVAU : C'est peut-être une manière de passer au principe paritaire de façon assez douce. Mais, je voudrais maintenant examiner le point suivant :

Pour conforter la parité, faut-il imaginer des sanctions ou des incitations financières ? L'idée de l'incitation financière a été évoquée dans le « rapport Gillot » ; elle a été mal reçue par les associations et par un certain nombre de politiques. Leur argument, tout à fait recevable, consiste en ce que les partis politiques n'ont pas à être payés pour appliquer la loi.

Il est donc préférable de prendre des sanctions envers ceux qui n'appliquent pas la parité. Mais l'idée originale du « rapport Gillot » résidait dans le fait qu'un bonus financier était accordé aux partis qui présentaient leurs candidates dans les circonscriptions gagnables, pour qu'elles y obtiennent le plus grand nombre de voix possible.

Mme la Présidente : Je souhaiterais préciser que le montage de la proposition de Mme Gillot était plus complexe car il comportait un aspect « malus », c'est-à-dire une réduction de la deuxième fraction de l'aide au financement des partis, qui a été gommé par l'aspect « bonus », c'est-à-dire la création d'un fonds de la mixité dont les sommes seraient distribuées aux partis respectueux de l'objectif de parité. Pourriez-vous nous donner votre sentiment sur les intercommunalités et sur les élections cantonales ?

Mme Janine MOSSUZ-LAVAU : Je n'ai pas travaillé sur les intercommunalités, je ne peux donc pas vous apporter d'éléments nouveaux.

S'agissant des élections cantonales, nous avons abandonné leur étude car il nous avait été expliqué qu'il était quasiment impossible d'y appliquer des sanctions financières. Mais il est vrai qu'il n'est pas satisfaisant d'appliquer la parité à tous les scrutins sauf à celui des cantonales. En ce domaine, il va donc vous falloir imaginer des mesures nouvelles.

Mme la Présidente : Il conviendrait peut-être de lier le financement des partis non seulement aux résultats des élections législatives, mais également à celui des élections cantonales.

Mme Janine MOSSUZ-LAVAU : Dès lors qu'il n'y a pas de financement public des élections cantonales (dans les cantons de moins de 9 000 habitants), il faut rechercher une incitation autre que financière pour forcer les partis politiques à présenter des femmes.

Mme la Présidente : Il faut pourtant trouver une solution, car l'on comprendrait mal que la loi traite de tous les scrutins sauf des élections cantonales.

Mme Janine MOSSUZ-LAVAU : Certes, mais à l'Observatoire de la parité, nous n'avons trouvé aucune solution à ce problème.

M. Bernard ROMAN : Il me semble que l'institution d'un financement public pour les élections cantonales aggraverait le problème des candidatures féminines. En effet, les assemblées des conseils généraux sont celles qui sont le moins féminisées, et celles qui comptent le plus grand nombre d'élus non inscrits, selon les statistiques officielles du ministère de l'intérieur. Un tel financement conduirait dès lors les partis à amplifier d'une manière considérable leur chasse aux conseillères générales.

Par ailleurs, dès lors que pour obtenir un financement, un parti n'a que la seule obligation de se déclarer, il est évident que certaines personnes chercheront à fédérer des conseillers généraux dans le seul but d'obtenir une manne financière. Il y a donc de vrais effets pervers à ce système, mais nous ne pouvons pas faire l'impasse d'une élection aussi importante que celle des cantonales.

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU : Quand on se présente en candidat libre, a-t-on le droit d'être un homme ou une femme ?

Mme la Présidente : Bien sûr ! Mais les hommes sont plus nombreux à se présenter en candidats libres ; en général, ils se rattachent très vite à un parti politique, notamment pour l'élection du président.

Mme Odette CASANOVA : J'aimerais savoir si, pour les élections législatives, il est préférable d'imposer la parité au niveau des candidates ou à celui des élues du premier tour.

Mme Janine MOSSUZ-LAVAU : Le projet de loi parle de 50 % de candidates. Mais personnellement, je suis favorable à une obligation de résultat, car il est trop facile d'envoyer les femmes dans des circonscriptions de témoignage.

La proposition de Dominique Gillot de tenir compte du nombre de voix me paraissait sur ce point astucieuse, car elle freinait cette tendance de certains partis politiques d'envoyer les femmes dans des circonscriptions où elles ont peu de chance d'être élues.

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU : Mais alors, vous forcez la main des électeurs en les obligeant à élire autant de femmes que d'hommes. Je plaide pour la liberté du citoyen de voter pour qui il veut.

Mme Janine MOSSUZ-LAVAU : Mais le citoyen ne vote pas pour qui il veut ! Il a simplement le droit de choisir parmi les candidats qui lui sont imposés par les partis politiques ! Tant que les partis leur imposent des hommes, il choisit des hommes ! Lorsque les partis proposeront des femmes, il continuera de voter pour qui il veut, rien ne lui sera imposé ; à l'heure actuelle, on lui impose d'élire des hommes.

M. Bernard ROMAN : Il en résulte que notre monde politique est plus vieux, plus masculin - et donc plus macho - et plus fonctionnaire que la société française.

Mme Janine MOSSUZ-LAVAU : La liberté de l'électeur, dans tous les cas de figure, n'est pas remise en question.

Mme Muguette JACQUAINT : Dès lors que 80 % des Français sont favorables à une plus grande féminisation de la vie politique, nous devons tenir compte de cette volonté. Il est donc de la responsabilité des partis politiques de proposer davantage de femmes.

M. Bernard ROMAN : Que pensez-vous de l'idée de contraindre les formations politiques dans les candidatures qu'ils proposent, de les obliger, par exemple, à présenter, dans les départements, autant de femmes que d'hommes à certaines élections, et notamment aux législatives ? Pensez-vous que ce soit réaliste, conforme à la Constitution, ou que cela poserait des problèmes particuliers ?

Mme Janine MOSSUZ-LAVAU : Que la parité soit observée par département serait la solution idéale, mais les partis politiques la trouvent irréalisable et trop compliquée. Bien entendu, il serait intéressant que les électeurs voient aussi se réaliser la parité chez leurs élus, dans leur département. Mais je crois que c'est très difficile. Si l'on veut rester raisonnable, il faut que le taux de 50 % de femmes se calcule sur l'ensemble des élus.

Mme Hélène MIGNON : Je voudrais ajouter que la méthode des circonscriptions réservées aux femmes, comme en 1997, me paraît gênante à terme. Je ne pense pas que le fait de réserver éternellement les mêmes circonscriptions aux femmes soit une bonne chose.

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU : Je souhaiterais savoir comment calculer les pourcentages quand il y a sept circonscriptions législatives dans un département.

Mme Janine MOSSUZ-LAVAU : La règle qu'il convient de retenir dans la rédaction de tous les textes, est celle de la parité à une unité près.

Mme Muguette JACQUAINT : Deux textes importants doivent également être incitatifs s'agissant de la représentation des femmes dans la vie politique et les lieux de décision : celui qui est relatif au statut de l'élu et celui portant sur le cumul des mandats.

Mme Janine MOSSUZ-LAVAU : Je n'ai effectivement pas abordé ces sujets, car cela allait de soi. Je conclurai sur l'idée que nous tentons d'imposer actuellement une parité dans le monde politique, mais que l'objectif est de l'imposer dans tous les domaines : économique, culturel, etc.

Mme la Présidente : Mme Mossuz-Lavau, je vous remercie infiniment.

Audition de Mme Catherine GUY-QUINT,

députée au Parlement européen

et de M. Jacques PÉLISSARD, député,

représentants de l'Association des Maires de France

Réunion du mardi 7 décembre 1999

Présidence de Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, Présidente.

Mme la Présidente : Mes chers collègues, nous accueillons ce soir Mme Catherine Guy-Quint, députée au Parlement européen, et M. Jacques Pélissard, député, tous deux représentants de l'Association des maires de France (AMF).

Madame Catherine Guy-Quint, vous êtes maire de Cournon d'Auvergne et députée au Parlement européen depuis juin 1999. M. Jacques Pélissard, vous êtes député-maire de Lons-le-Saunier. Aujourd'hui, notre Délégation s'intéresse plus particulièrement au problème de la parité dans les modes de scrutin, bien qu'elle ne soit pas officiellement saisie du projet de loi qui sera présenté demain au conseil des ministres. C'est donc dans le cadre de notre mission de suivi de l'application des lois, en l'espèce le suivi de l'application de la loi constitutionnelle de juin 1999, que nous travaillons actuellement.

Nous souhaitons connaître vos réflexions sur le projet de loi en cours d'élaboration et sur les mesures à prendre pour accélérer le mouvement de féminisation dans la vie politique et parvenir à la parité.

M. Jacques PÉLISSARD : Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, le Bureau de l'AMF, organisation pluraliste et paritaire dans sa composition politique, s'est réuni sur ce sujet le 16 novembre 1999 et a rédigé un texte présentant les positions de l'AMF. Il n'a pas pu dégager une position univoque sur la question de la parité entre hommes et femmes, en raison notamment de la diversité communale extrêmement forte de notre pays.

En revanche, la réflexion du Bureau a fait apparaître un certain nombre de points d'accord qui sont les suivants. Nous sommes favorables à une démarche volontariste permettant d'atteindre une nécessaire parité entre hommes et femmes. Nous considérons, mais je m'exprime ici à titre personnel, que la loi doit inciter les femmes à s'impliquer davantage dans la vie politique, en faisant sauter quelques blocages : le blocage psychologique des élus qui, souvent, ne sont pas très favorables à la présence de femmes, mais également le blocage psychologique desfemmes qui considèrent parfois qu'elles ne peuvent pas ou qu'elles n'ont pas vocation à être élues, et qui donc se cantonnent à des structures du type "conseil d'école", alors qu'elles pourraient très bien franchir le pas et faire partie d'un conseil municipal.

L'AMF considère donc qu'il faut aller dans le sens d'une meilleure représentation féminine au sein des conseils municipaux. Nous sommes d'accord sur ce principe, avec cependant des nuances sur les modalités à mettre en oeuvre pour y parvenir. En revanche, nous sommes réservés sur l'opportunité d'instituer un quelconque lien entre le financement de la vie politique et la mise en place de quotas dans le cadre d'élections législatives.

Mme Catherine GUY-QUINT : Madame la présidente, parvenir à la parité dans la vie politique est devenu une exigence de modernité et de représentation de notre société. Il me semble essentiel que la loi rende obligatoire la présence d'un certain pourcentage de femmes dans les listes lors des scrutins à la proportionnelle ; il faut pour cela, comme le dit l'AMF, une démarche volontariste.

Nous sommes d'accord sur le principe. Je ferai cependant quelques remarques sur ses modalités d'application.

· Tout d'abord, sans obligation légale, nous ne parviendrons pas à la parité. Je le croyais possible, il y a encore quelques années, mais après 20 ans de vie politique, j'ai pu constater qu'il faut des conditions absolument exceptionnelles et hors du commun pour qu'une femme puisse s'en sortir. Une loi est donc nécessaire.

· Ensuite, s'agissant de la parité, il convient de réfléchir à la proposition arithmétique de "50 % de femmes élues". Elle ne me semble pas très réaliste. Une assemblée élue comportant une fourchette de 45 % à 55 % de femmes peut déjà être considérée comme une assemblée de type paritaire ; mais aucune assemblée de ce type n'existe actuellement. Il ne faut donc pas être trop rigoriste sur cette notion de parité, et admettre une marge de 2, 3 ou 4 %, plus conforme à la réalité.

· Par ailleurs, si ce système de parité peut être imposé, il nous faut cependant tenir compte de la taille des collectivités locales et de la crise démocratique que connaissent les toutes petites communes. On sait que lorsque les communes sont très petites, il est difficile, aujourd'hui, de trouver des conseillers municipaux pour former une liste ; c'est une réalité. Je vous rappellerai que j'ai été trois fois tête de liste, deux fois aux élections municipales et une fois aux élections régionales et que j'ai été une quatrième fois deuxième de liste ; d'une liste à l'autre, le pourcentage des femmes a augmenté, passant de 20 %, en 1983, à 38 %, la dernière fois. Je pense donc qu'indépendamment d'une obligation légale, ce pourcentage pourrait atteindre, aux prochaines élections, 40 ou 45 %, sans aucun problème. Il s'agit d'une démarche naturelle, et je suis persuadée que l'exemple compte.

La première fois que j'ai conduit une liste, les femmes ne voulaient pas s'inscrire : elles ne s'estimaient pas dignes, se considéraient incompétentes. Aux dernières élections municipales, elles étaient toutes volontaires, ce qui change considérablement la démarche.

Dans les toutes petites communes, celles de moins de 1 000 habitants, en revanche, alors qu'il est déjà difficile d'établir une liste municipale, l'obligation de parité va accroître cette difficulté. Cela ne veut pas dire que nous devons renoncer, mais c'est une question qu'il convient de se poser.

· Par ailleurs, il faut absolument que la loi permette la constitution de conseils municipaux et de conseils régionaux réellement paritaires. Elle doit donc être suffisamment précise pour éviter que les femmes figurent en fin de listes et de ce fait ne soient pas élues. Sinon, l'adoption d'un tel texte n'aurait aucun intérêt et ne serait qu'un coup d'épée dans l'eau.

· En outre, il faut également que la parité soit réalisée au sein des bureaux municipaux et dans les délégations intercommunales. Sinon, on en reviendra au système du général de Gaulle pour le tricot... et nos générations ne se sont pas battues pour cela ! A ce sujet, je souhaiterais qu'une enquête soit menée pour déterminer combien de femmes sont adjointes aux finances, à l'urbanisme, aux travaux et à l'économie. C'est en effet là qu'il faut apprécier la réelle parité car tout le monde sait que les décisions les plus importantes pour l'avenir des communes se prennent le plus souvent dans ces secteurs. Or, en général, les femmes sont cantonnées aux affaires scolaires et sociales.

La loi doit donc absolument permettre aux femmes de participer à tous les domaines de compétences d'un conseil municipal, et d'être présentes dans les délégations intercommunales, d'autant plus que la nouvelle loi sur l'intercommunalité transfère les compétences d'aménagement du territoire aux structures intercommunales.

· Enfin, cette loi doit s'accompagner d'une modification du statut de l'élu local car ce problème ne peut être dissocié de ceux relatifs à la modernisation de la vie politique.

M. Jacques PÉLISSARD : Je vous ai dit, au début de mon propos, que l'AMF n'avait pas, sur cette question, une position univoque, et je vais vous le démontrer immédiatement.

Si nous sommes d'accord sur un objectif de parité des élus de 50/50, je ne suis pas d'accord sur l'exigence de parité concernant les exécutifs et les intercommunalités.

En ce qui concerne les exécutifs, il convient de retrouver la finalité de la loi, c'est-à-dire passer outre le blocage des hommes à l'égard des femmes et des femmes à l'égard d'elles-mêmes, de manière à permettre leur implication dans la vie politique. La finalité du texte, c'est de permettre que, dans un conseil municipal, il y ait 50 % de femmes et 50 % d'hommes conseillers municipaux. Une fois que ce résultat est acquis, c'est à chacun, selon ses compétences, ses talents, son expérience, son implication et sa volonté, qu'il revient d'occuper un poste dans l'exécutif. On ne peut pas réserver un quota de postes pour les femmes ; pourquoi pas un quota pour les jeunes par rapport aux vieux !

S'agissant de l'intercommunalité, le voeu de ma collègue est sympathique, mais pieux, pour les raisons suivantes : en l'état actuel de la loi du 12 juillet 1999, une ville de plus de 20 000 habitants, ce qui est le cas de Lons-le-Saunier, peut former une communauté de communes avec des petites communes de moins de 3 500 habitants. Or, dans ces communes, les listes ne sont pas obligatoires, les candidats non plus d'ailleurs !

Mme la Présidente : Les listes sont possibles à partir de 2 500 habitants, et le scrutin de liste à la proportionnelle est applicable à partir de 3 500 habitants.

M. Jacques PÉLISSARD : Certes, mais en dessous de 2 500, on peut être élu sans être candidat et les listes ne sont pas obligatoires. Je prendrai l'exemple de Lons-le-Saunier : en dehors de ma ville et de deux autres communes de plus de 3 500 habitants, il y a une myriade de petites communes au sein desquelles on ne pourra pas imposer la parité. Ces dernières délégueront à la structure intercommunale, à l'assemblée de la communauté de communes, les personnes qu'elles voudront ; la parité est donc ingérable au niveau de l'intercommunalité.

A partir du moment où nous avons des petites communes de moins de 2 000 habitants, au sein desquelles on ne peut assurer la parité en ce qui concerne les délégués intercommunaux, on ne pourra pas obtenir cette parité au sein de la structure fédérative qu'est la communauté de communes.

Je dois cependant dire que le problème se pose moins pour les toutes petites communes, car dans mon département qui compte 545 communes, c'est dans celles de moins de 500 habitants que l'on trouve la plus forte densité de femmes maires !

Notre position n'est donc pas univoque. Si nous partageons la même vision sur les conseils municipaux, il n'en est pas de même pour les exécutifs et les intercommunalités.

Mme la Présidente : J'aimerais que l'on revienne sur deux points. Tout d'abord, la taille des communes. Comme vous le savez, le texte prévoit la parité de candidatures pour les communes de plus de 3 500 habitants, soit pour 8 % d'entre elles ; or la présentation de listes est possible, et de fait la règle, à partir de 2 500 habitants. L'AMF a-t-elle menée une réflexion par rapport à la notion de seuil ou de liste ?

Par ailleurs, je reconnais que, dans les intercommunalités, les petites communes sont souvent représentées par leurs maires qui sont des hommes. J'appartiens à une intercommunalité plus importante que la vôtre, qui comporte des communes de plus de 3 500 habitants, mais où l'on vit exactement la même situation. Le problème se pose-t-il donc en taille de communes ou en mode de représentation ?

Il ressort des auditions précédentes que l'intercommunalité est la structure locale d'avenir, et nous nous interrogeons sur le fait que le projet de loi ne comporte aucune disposition sur ce point, même s'il est vrai que ce sont encore aujourd'hui des élections au second degré. C'est d'ailleurs là, me semble-t-il, que réside la difficulté pour traduire juridiquement un certain nombre d'orientations.

Mme Danièle BOUSQUET : Mme Guy-Quint et M. Jacques Pélissard ont envisagé la parité non pas de candidats, mais d'élus. Quelles modalités envisage l'AMF pour arriver à cette parité d'élus ? Envisage-t-elle des listes en alternance ou un système par tranches, compte tenu du fait que des fusions de listes sont toujours possibles au second tour ?

Mme Catherine GUY-QUINT : La parité des élus est en effet une question complexe, car la fusion des listes au second tour des élections municipales va poser des problèmes. Par ailleurs, les listes étant souvent composées de plusieurs partis ou de plusieurs groupes, allons-nous accepter que les partis qui n'ont pas de femmes puissent faire partie d'une liste ? De toute façon, ce sera un argument de négociation pour l'établissement de la liste.

A priori, je serai assez favorable au système des tranches : par six ou dix, je ne sais pas, je pense que cela dépendra aussi de la taille de la liste. C'est aux parlementaires de faire preuve de bon sens sur l'importance des tranches. Je trouve le principe de l'alternance systématique beaucoup trop figé pour être intéressant. En effet, lorsqu'on présente une liste aux élections municipales, c'est pour gagner ; il convient donc de laisser une certaine marge dans la composition des listes qui soit compatible avec la politique que l'on veut représenter. Le système des tranches me paraît donc plus intéressant. Néanmoins, il ne faut pas oublier que si l'on perd, seuls les premiers de liste sont élus ; il serait donc dommageable que l'on oublie de mettre des femmes en début de liste, car elles sont en général d'excellentes opposantes !

Je voudrais maintenant revenir sur l'intercommunalité qui est un sujet très important. Il n'est pas rare, dans les structures intercommunales, de trouver une femme maire pour 30 ou 40 hommes ! Je suis, par exemple, la seule femme de l'Agence d'urbanisme de l'agglomération clermontoise et du Syndicat mixte de transports en commun !

On peut tout à fait comprendre que, dans les intercommunalités, les toutes petites communes, qui ne disposent que d'un seul délégué, ne puissent pas respecter le principe de parité. C'est une évidence. En revanche, il n'y aurait rien de choquant à rendre obligatoire qu'il y ait une femme déléguée lorsque la délégation se compose de trois personnes. Sinon, dans le cadre de la nouvelle intercommunalité, en matière d'aménagement et de développement, le problème se posera de manière identique.

Je pense réellement qu'il existe des solutions, non pas pour parvenir à une parité absolue de 50/50 dans ces représentations au second degré, mais pour imposer un quota minimum quand cela est possible. Il est vrai que cela va être très dur à mettre en _uvre pour le prochain mandat. Mais il est vrai également que, après avoir attendu 20, 30 ou 40 ans, on se dit qu'il n'y a plus d'autres solutions. Et je peux témoigner qu'avec 35 % d'élues, les choses fonctionnent bien ; il n'y a donc pas de raisons qu'il en soit autrement avec 45 à 50 % d'élues.

Mme Muguette JACQUAINT : Madame Guy-Quint, vous avez dit dans votre propos liminaire que le statut de l'élu était indissociable de la loi relative à la parité. Dans le statut de l'élu, quelles sont les dispositions qui vous sembleraient primordiales pour la réalisation de la parité ?

Mme Catherine GUY-QUINT : Sincèrement, je ne suis pas capable de vous répondre aujourd'hui. Il s'agit d'une réflexion que nous n'avons pas encore menée et qui devrait porter sur la possibilité d'aider les élus à assister aux différentes réunions.

Actuellement, le statut de l'élu est totalement dépassé car il n'autorise légalement que l'absence de l'élu pour les séances du conseil municipal et pour celles des commissions. Or, ce n'est pas là que se fait le travail politique : en tant que maire, j'ai besoin d'élus, hommes ou femmes, disponibles, pour aller me représenter à telle réunion, à tel endroit, dans la journée, le soir... Il faudrait donc déjà que la loi reconnaisse ce type de représentation.

Par ailleurs, je suis favorable au versement d'indemnités lorsque les élus doivent prendre sur leur temps de travail, en entreprise ou à la maison. Il existe un problème financier, et s'il n'y a pas de solidarité municipale pour les indemnités des adjoints et des maires, les élus qui travaillent sont pénalisés. Nous devons donc les aider matériellement et leur donner un droit d'absence élargi pour participer non seulement aux instances de décisions mais également au processus d'élaboration de ces décisions.

M. Jacques PÉLISSARD : Je pense que dès lors qu'un conseil municipal sera composé de 50 % d'hommes et de 50 % de femmes, la mentalité changera naturellement et l'organisation du travail de l'assemblée aussi. Les réunions tenues à 19 heures, qui arrangent souvent plus les hommes que les femmes, ne seront plus la règle.

En ce qui concerne la parité des élus, je voudrais revenir sur ce qui a été dit. Je pense que le système des tranches n'est pas réalisable. En effet, avec un tel système dans le cadre d'une élection à la proportionnelle, alors qu'on ne sait pas combien de candidats seront élus, la parité peut être mise à mal en fonction de ce qui aura été décidé par le corps électoral. La parité implique donc, me semble-t-il, l'alternance sur l'ensemble de la liste.

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU : Tranches ou mille feuilles, mais laissez faire ! Les électeurs jugeront ! Que l'on parte d'un principe de parité, d'accord, mais il appartient ensuite aux électeurs de choisir.

Mme la Présidente : L'électeur n'a pas le choix !

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU : Il a le choix entre plusieurs listes. Il appréciera s'il veut une authentique parité avec un mille feuilles ou s'il est attiré par telle ou telle personnalité féminine ou masculine qui se trouve en tête de liste. Il y a la dimension féminine, mais il y a également la qualité de la personne. Laissez un peu d'air aux électeurs afin qu'ils puissent faire des choix sans que ceux-ci leur soient imposés.

Je sens actuellement, dans la société, un tel courant pour une authentique mixité, terme qui me paraît plus riche que celui de parité, que je suis persuadée que la liste qui sera un authentique mille feuilles aura une longueur d'avance par rapport aux autres. Il me paraît plus positif que le choix vienne des électeurs plutôt qu'il leur soit imposé.

M. Kofi YAMGNANE : Je ne vois pas de quoi vous voulez parler, madame Boisseau, lorsque vous parlez du choix des électeurs, sauf pour les petites communes. Dans les grandes communes, si l'on ne présente pas une liste alternée, un homme, une femme, je ne vois pas quel choix a l'électeur ; il n'en a aucun.

Mme Catherine GUY-QUINT : Il y a 30 ans, j'aurais certainement tenu le même discours que Mme Boisseau ; seulement rien n'a changé, à part quelques exceptions. Si l'on doit faire ce que vous proposez, madame, il n'y a pas lieu d'adopter une nouvelle loi ! Car l'on en revient au système du libre choix : nous l'avons vécu, et rien n'a changé. Bien entendu, cela marche de temps en temps ; je suis toujours vivante après 30 ans de vie politique !

Ce que vous dites est tout à fait séduisant dans l'absolu, mais ce n'est pas la réalité. Les élections se font essentiellement, dans les villes, sur des critères politiques ; les électeurs votent pour un parti, une opinion politique ; le rôle des élus n'influe sur leur vote, selon la taille de la ville, que pour 2 ou 5 %. L'utilité de cette loi sera d'obliger, non seulement les partis et toutes les institutions politiques à reconnaître que notre société est paritaire, mais aussi le monde économique à reconnaître l'utilité du travail des femmes ; il est indispensable que les femmes s'expriment et que les lois tiennent compte de la façon dont nous vivons.

La loi sur la parité me semble être un outil indispensable, si l'on veut que les femmes aient une place en politique. Le critère de choix des électeurs, notamment en milieu urbain (qui représente 80 % de la population), est, je le répète, non pas la personnalité de l'élu, mais la politique d'un parti.

Mme Raymonde LE TEXIER : Monsieur Pélissard, lorsque nous parlions du statut de l'élu, vous avez dit qu'à partir du moment où l'on arriverait à la parité au sein d'une assemblée municipale, les règles changeraient d'elles-mêmes. Pouvez-vous être un peu plus explicite ?

M. Jacques PÉLISSARD : Je pense par exemple au contenu du règlement intérieur d'un conseil municipal qui est voté en début de mandature. Ainsi, avec un conseil municipal paritaire, les horaires des réunions, qui sont votés, pourront changer afin d'être rendus compatibles avec la vie de mère des femmes élues, ou de leur travail.

Mme Raymonde LE TEXIER : Ma question était en fait une question piège, car nous sommes un certain nombre ici à penser que les femmes peuvent à la fois exercer une activité professionnelle, être élues et élever des enfants. Donc si nous sommes, comme vous, messieurs, chez nos employeurs jusqu'à 18 heures, il faut bien que les réunions aient lieu plus tard. Ma question était donc un peu perverse, car je me demandais si, pour vous, les femmes élues sont nécessairement des femmes au foyer qui préféreraient que les réunions se tiennent l'après-midi pendant que les enfants sont à l'école !

M. Jacques PÉLISSARD : Non, pas du tout. J'ai cité tout à l'heure la nécessité de faire face à leurs contraintes familiales ou professionnelles. Et il en va de même pour les hommes. Or, avec un règlement intérieur adapté, on peut répondre aux nécessités de 50 %, et même au-delà, des composantes de la structure.

En ce qui concerne la parité dans les structures intercommunales, je pensais, en écoutant Catherine Guy-Quint rappeler son passé, qu'à partir du moment où l'on arrivera à la parité, le fonctionnement des conseils municipaux va changer. Les hommes ne pourront plus s'ériger en seuls représentants de l'intercommunalité alors qu'ils ne seront que 50 % du corps électoral qui désigne, au second degré, les délégués intercommunaux.

Il ne faut pas oublier la finalité de la loi : il s'agit d'une loi d'impulsion visant à faire sauter le barrage psychologique des femmes et des hommes par rapport aux prises de responsabilités. Restons-en à cette loi d'impulsion ! Je vais même être provocateur, je me demande s'il ne faudrait pas la cantonner dans le temps ! L'échelonner sur deux ou trois mandatures ; dans 12 ou 18 ans, on devrait être passé à un régime normal dans lequel les hommes et les femmes seraient accueillis naturellement en tant que candidats.

La jeune génération n'a pas du tout les mêmes conceptions que celles que ma génération avait au même âge. Les jeunes d'aujourd'hui sont beaucoup plus ouverts à cette mixité. Cette loi d'impulsion aura un effet d'entraînement et la pratique ouvrira les portes.

Mme la Présidente : Monsieur Pélissard, étant donné que je suis volontiers provocatrice, je dirai même que nous assisterons au cours du prochain siècle à un tel changement culturel, qu'à terme cette loi servira à protéger les hommes !

M. Jacques PÉLISSARD : J'ai dit la même chose en arrivant, car j'étais seul avec trois femmes !

Mme la Présidente : Je voudrais tout de même revenir sur cette question de l'intercommunalité, car je suis frappée de voir des bureaux des organismes intercommunaux composés exclusivement d'hommes ! Si l'on arrive à imposer un certain pourcentage de femmes parmi les conseillers des structures intercommunales, il n'en va absolument pas de même pour les bureaux des intercommunalités ! J'appartiens à une intercommunalité qui compte 130 000 habitants, et il n'y a pas une seule femme au bureau ! Et dans une communauté d'agglomération nous sommes deux présidentes de commission sur neuf !

Il me semble donc que l'on ne peut pas balayer ce problème d'un revers de main, en mettant tous nos espoirs sur l'évolution naturelle et la nouvelle génération. Le problème est double : d'une part, la place des femmes dans le conseil des structures intercommunales, et, d'autre part, la place des femmes dans les structures de décision, y compris celles de l'intercommunalité.

Mme Catherine GUY-QUINT : Tout cela est lié à la notion de compétence ; on désigne des délégués hommes au motif qu'ils sont compétents. Et cela me rend malade ! Car le nouveau conseiller municipal ou le nouvel adjoint n'a pas plus de compétence pour exercer une nouvelle fonction, qu'il soit homme ou femme !

Par ailleurs, il faut combattre ce vieux réflexe selon lequel l'homme est compétent pour la route, l'aménagement du territoire, les transports en commun, le traitement des ordures ménagères, etc. et la femme pour les questions scolaires et les affaires sociales. J'ai pu constater, lors de mes mandats successifs, que la compétence d'une adjointe, notamment dans un domaine technique, pouvait être meilleure que celle d'un adjoint.

Je rejoins M. Pélissard lorsqu'il dit que dans 12 ou 18 ans, les choses auront changé. Je le souhaite vraiment. Malheureusement, je ne suis pas très optimiste car même si nos filles poursuivent des études extraordinaires, bien supérieures aux nôtres, les véritables postes de direction dans le monde économique sont occupés par les hommes. Les femmes sont exclues des grandes directions, malgré leurs compétences qui sont largement équivalentes. C'est la raison pour laquelle nous devons nous donner les moyens, par des outils coercitifs, d'avancer. Sinon, même dans 18 ou 20 ans, je crains que le naturel revienne très vite au galop !

M. Jacques PÉLISSARD : Ce que vous dites est vrai, madame Guy-Quint : il y a dix ans, les femmes adjointes étaient souvent cantonnées aux affaires sociales, culturelles ou scolaires. Mais la formation et le cursus professionnel de ces femmes n'étaient pas ceux des jeunes d'aujourd'hui. Maintenant, il y a des femmes architectes qui peuvent s'occuper des travaux, et des femmes gestionnaires qui peuvent s'occuper du développement économique. La féminisation des professions est une réalité nouvelle.

Vous ne pouvez donc pas prétendre que lorsqu'on aura 50 % de femmes conseillères municipales, elles n'occuperont pas des postes de ce type. C'est faux. Quantitativement, elles auront beaucoup plus de poids, et qualitativement, il y aura une évolution, née de l'évolution de la société elle-même ; ce ne sera pas la loi qui l'aura permise, mais le fait que les femmes sont de plus en plus impliquées dans des disciplines nouvelles pour elles, ou dans des responsabilités qui, autrefois, étaient effectivement et malheureusement, le domaine réservé des hommes.

Mme Chantal ROBIN-RODRIGO : Je voudrais reprendre la question de Mme la présidente concernant la taille des communes. Le projet de loi propose le seuil de 3 500 habitants ; avez-vous réfléchi à la pertinence de ce seuil ?

M. Jacques PÉLISSARD : Pour le Bureau de l'Association des maires de France, c'est la taille idéale. C'est un seuil qui correspond à un mode de scrutin particulier : le scrutin de liste à la proportionnelle. Seule la liste, par hypothèse, permet la parité. Un choix individuel, sans candidature obligée, avec une possibilité de panachage, c'est l'antidote à la parité. Ou bien il faut changer le mode de scrutin dans les petites communes, alors que le problème de la parité se pose moins dans ces communes. Ainsi les 50 femmes maires de mon département le sont dans des petites communes.

Mme la Présidente : Monsieur Pélissard, je rappelle les chiffres : c'est en effet dans les communes de moins de 3 500 habitants que l'on trouve la plus grande proportion de femmes maires (de l'ordre de 8 %). En revanche, la proportion de conseillères municipales est légèrement plus forte dans les communes de plus de 3 500 habitants (26 %) que dans celles de moins de 3 500 habitants (21 %).

Quelle est votre position sur ce sujet ?

M. Jacques PÉLISSARD : Nous souhaitons que la loi s'applique aux communes de plus de 3 500 habitants.

Mme Catherine GUY-QUINT : Je m'associe à cette solution, et je suis persuadée que le phénomène de contagion jouera pour ceux qui présenteront des listes dans les communes de 2 500 à 3 500 habitants ; ils ne voudront pas "faire moins bien" que les grandes villes.

En revanche, il convient d'être extrêmement attentifs aux autres scrutins. Les élections sénatoriales ne doivent pas être oubliées. Les élections régionales me semblent tout à fait vitales, et la solution me paraît moins compliquée. J'ai été conseillère générale dans le Puy-de-Dôme : nous étions 3 femmes sur 61 conseillers généraux. Il serait donc intéressant de trouver une solution pour faire évoluer les conseils généraux.

Mme Raymonde LE TEXIER : S'agissant des modalités qu'il conviendrait d'inscrire dans le texte pour parvenir à la parité dans les structures intercommunales, qui actuellement sont essentiellement masculines, j'ai le sentiment qu'elles doivent être liées à la nécessité de donner aux femmes adjointes des responsabilités différentes de celles qui sont traditionnellement les leurs : le scolaire et le social.

Mme la Présidente : D'autant qu'il ne s'agit pas de compétences des structures intercommunales.

Mme Raymonde LE TEXIER : Tant que l'on cantonnera les femmes au scolaire, à l'enfance, à la culture, tout naturellement les hommes se retrouveront dans les structures intercommunales car ce sont les questions d'économie et de transport qui y sont discutées.

Monsieur Pélissard, vous avez fait une comparaison entre les diplômes qu'obtenaient les femmes il y a 40 ans, et ceux qu'elles obtiennent aujourd'hui. Je ne peux pas croire un quart de seconde que vous n'avez, dans votre équipe, que des hommes talentueux et diplômés !

M. Jacques PÉLISSARD : Il y a un micro climat jurassien !

Mme Raymonde LE TEXIER : Le macro climat parisien est différent, car j'ai été maire pendant un certain temps, et si j'ai eu des adjoints remarquables, j'en ai également eu de très mauvais. Et ils sont toujours là !

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU : Je voudrais revenir sur le fait qu'il ne faut pas cantonner les femmes aux affaires sociales, culturelles ou scolaires. Que l'on joue le jeu de la parité, d'accord. Que l'on donne aux femmes le maximum de chances pour être à égalité avec les hommes, d'accord. Mais après, il leur appartient de revendiquer et de prendre. Il s'agit d'un combat politique, et il n'est pas question, au nom de la parité, de leur réserver certains postes. Je revendique le droit, pour les femmes, de lutter : qu'elles demandent et qu'elles prennent les postes qui les intéressent.

Mme la Présidente : Madame Catherine Guy-Quint, monsieur Jacques Pélissard, je vous remercie.

Document remis à l'occasion de l'audition de l'AMF devant la Délégation

Compte tenu de l'extrême diversité, tant sur le plan démographique que sur le plan politique, des 34.000 communes qu'elle représente, l'AMF ne saurait avoir de position univoque sur le problème de la parité entre les hommes et les femmes dans la vie politique.

Consciente de la nécessité d'accroître la participation des femmes dans les instances élues dans le cadre d'une modernisation de la démocratie, l'AMF mesure parfaitement l'enjeu représenté par cet objectif notamment à l'échelon communal.

La réflexion menée sur ce sujet par le Bureau le 16 novembre 1999 a fait apparaître un certain nombre de divergences quant aux modalités susceptibles de contribuer à une meilleure représentation féminine dans la vie politique.

Certains sont favorables à la mise en place de moyens coercitifs pour atteindre l'objectif de parité et estiment que c'est dans le cadre d'une démarche volontariste qu'il convient d'appréhender cet objectif. D'autres en revanche souhaitent préserver une liberté de choix au profit des institutions politiques et préfèrent par conséquent étudier les conditions de la mise en place de mesures incitatives.

Plusieurs estiment en outre qu'il serait opportun de contribuer à une meilleure représentation féminine par le biais de l'étude des modalités pratiques d'accès aux fonctions électives et notamment sous l'angle des conditions d'exercice de ces fonctions.

Même si ce sujet ne concerne pas directement l'AMF, plusieurs de ses représentants se montrent toutefois très réservés quant à l'opportunité d'instituer un quelconque lien entre le financement de la vie publique et la mise en place de quotas dans le cadre des élections législatives.

En tout état de cause, l'AMF considère que l'objectif de parité entre les hommes et les femmes ainsi que les moyens d'y parvenir constituent des questions qu'il appartient essentiellement aux institutions politiques de régler, et que ce n'est que sur la sagesse des parlementaires que reposera le choix des mesures à mettre en _uvre pour favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.

Audition de Mme Danielle de VALENCE,

conseillère générale,

représentante de l'Assemblée des Départements de France

Réunion du mardi 7 décembre 1999

Présidence de Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, Présidente

Mme la Présidente : Mes chers collègues, nous accueillons ce soir Mme Danielle de Valence, conseillère générale du Val-de-Marne et conseillère municipale de Sucy-en-Brie. M. Etienne Chaufour, conseiller général de l'Essonne et conseiller municipal de Juvisy-sur-Orge, se joindra à nous un peu plus tard.

Madame de Valence, notre Délégation s'intéresse au projet de loi sur la parité qui doit être présenté demain en conseil des ministres, et nous aimerions connaître les réflexions de l'Assemblée des départements de France (ADF) sur ce projet et sur les mesures à prendre pour accélérer le mouvement de féminisation dans la vie politique et parvenir à la parité.

Mme Danielle de VALENCE : Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je suis très honorée de venir ce soir m'exprimer devant vous sur un sujet qui me tient à coeur depuis très longtemps.

En effet, je suis conseillère municipale, première adjointe à Sucy-en-Brie, et conseillère générale du Val-de-Marne. Je suis entrée en politique en 1974, quand Françoise Giroud, secrétaire d'Etat, m'a nommée déléguée régionale en Champagne-Ardenne. De 1974 à 1976, je me rappelle avoir, entre autres, organisé avec la mutualité agricole de la Marne des stages destinés aux femmes agricultrices, afin de les mobiliser et de les préparer aux élections municipales de 1977 ; toutes ces femmes déclaraient alors : "Je n'en serai jamais capable !"

Je me suis installée à Sucy-en-Brie, fin 1976, et j'ai immédiatement été élue sur la liste municipale, tout d'abord adjointe, puis première adjointe. Je suis devenue conseillère générale à la suite d'une élection partielle, le maire de Sucy-en-Brie ayant dû abandonner son mandat après son élection comme sénateur du Val-de-Marne. Par ailleurs, j'ai enseigné le droit constitutionnel à Paris XII jusqu'à mon élection au conseil général et aujourd'hui dans plusieurs écoles supérieures privées.

Je ferai deux remarques liminaires, avant de vous donner mon opinion sur le projet de loi.

Tout d'abord, ce sujet m'intéresse depuis 1974. Et depuis 25 ans, malgré tous les grands discours et les efforts déployés par les femmes, les résultats ne sont pas à la hauteur de ce que nous souhaitons. Je suis donc favorable à la parité, et je souhaite des mesures contraignantes pour assurer cette parité.

Je voudrais également vous parler des réactions de mes étudiants. Je suis très frappée de constater qu'il existe chez eux un désintérêt considérable pour la chose publique. Ce constat est corroboré par le sondage publié la semaine dernière par la Sofres relatif à l'intérêt des étudiants pour la chose publique : les jeunes de 17 à 25 ans n'éprouvent aucun intérêt pour la vie politique.

Mme la Présidente : D'après ce sondage, 60 % des Français pensent que les élus sont corrompus.

Mme Danielle de VALENCE : Je pense que l'arrivée des femmes en politique fera évoluer les choses. Les femmes font de la politique autrement, et j'espère que cela permettra à ces jeunes de se réconcilier avec la vie politique. Mes étudiants m'ont tous dit, par exemple, que l'élection de Michèle Alliot-Marie allait donner une autre image du RPR. Effectivement, les femmes peuvent faire changer l'image de la politique. C'est enfin positif d'être une femme !

J'ai relevé, dans le projet de loi qui va vous être soumis, des problèmes pour chacun des deux modes de scrutin, majoritaire et de liste. Personnellement, je trouve globalement que le projet ne va pas assez loin.

En ce qui concerne les scrutins de liste, je trouve normal de ne pas obliger les partis à appliquer l'alternance, un homme une femme, lors de la constitution de la liste : cela manque de souplesse. Cependant je sais que de nombreux maires ont compris l'intérêt de l'alternance. Samedi, à l'occasion d'une élection cantonale dans mon département, nous avons organisé une réunion publique ; j'étais bien entendu la seule femme à la tribune ; la préparation des listes municipales a été évoquée, et trois ou quatre maires m'ont assurée qu'ils joueraient le jeu de l'alternance.

Je suis donc persuadée que lors des élections municipales, nous assisterons à un changement, mais je ne pense pas que l'on puisse obliger les partis à procéder à l'alternance ou à imposer des tranches.

Mme Anne-Marie IDRAC : Lorsque vous dites "je", parlez-vous en votre nom propre ou au nom de l'ADF ?

Mme Danielle de VALENCE : Veuillez m'excuser, je n'ai effectivement pas précisé que l'Assemblée des départements de France n'a pas pris position sur ce sujet ; je m'exprime donc à titre personnel.

Je vous rappelle à ce propos qu'en terme de parité, les conseillers généraux sont la lanterne rouge puisque vous savez que nous ne sommes que 335 femmes sur 4 214 conseillers généraux !

Je ferme cette parenthèse pour en finir avec les scrutins de liste autres que municipaux, c'est à dire pour les élections régionales, les élections européennes et les élections sénatoriales dans les départements où ce système s'applique. Le problème est le même : l'alternance ou le système des tranches me paraît difficile à mettre en _uvre. J'estime préférable de faire appel à des incitations - ou sanctions - financières calculées non en fonction du pourcentage de candidates mais du pourcentage d'élues. Sinon vous vous doutez bien que, surtout pour les élections sénatoriales, les femmes figureront en fin de liste !

J'en viens à présent aux scrutins majoritaires.

Pour les élections législatives, le projet de loi prévoit des sanctions financières en fonction du nombre des candidates. Les partis auront donc intérêt à présenter des femmes dans un grand nombre de circonscriptions... mais seront-elles des circonscriptions gagnables ?

De plus, le projet ne comportant aucune disposition relative aux élections cantonales, la situation que je dénonçais il y a un instant n'évoluera pas.

Je suis donc favorable à ce que soient appliquées les sanctions financières prévues pour les élections législatives à tous les scrutins, mais en prenant en compte le pourcentage d'élues et non pas le pourcentage de candidates.

C'est pourquoi j'estime que le projet n'est pas assez contraignant. Il est bon d'avoir conféré au principe de parité une valeur constitutionnelle, mais il appartient au législateur d'aller plus loin.

Je préciserai cependant que les choses évolueront plus vite lorsque le principe du non-cumul sera appliqué ; il est certain qu'une réglementation plus contraignante du cumul des mandats favorisera également l'accès des femmes. Je connais bien l'opinion de mon parti, et de tous les partis de droite sur le problème du cumul, et je ne le partage pas. Le fait que la France soit le seul pays de l'Union européenne à permettre le cumul de mandats nationaux et du mandat de député européen est inadmissible.

Enfin, je voudrais attirer votre attention de parlementaires sur le fait qu'aucun de mes étudiants ne sait ce que recouvre la dénomination de conseiller général ! Je sais qu'une proposition de loi a été déposée pour que l'on parle enfin des assemblées départementales, des conseillers départementaux et des élections départementales ; il y a urgence sur ce point ! Je ne comprends pas ce que l'on attend pour changer ces termes qui datent de 1790 ! Je n'ai pas l'impression que vous en ayez vraiment conscience.

Mme la Présidente : Nous en sommes tout à fait conscients, mais je ne sais pas si cela suffirait à changer l'image des conseillers généraux.

Mme Danielle de VALENCE : Au moins, on saurait de quoi l'on parle !

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU : Vous parlez de sanctions financières au niveau des élections cantonales, mais celles-ci ne peuvent être infligées qu'aux partis politiques. Or le défaut de parité peut venir aussi bien des électeurs, puisqu'il s'agit d'un scrutin majoritaire, que des candidats.

En effet, les partis seront alors sanctionnés s'il n'y a pas parité au niveau des élus, mais ce sont les électeurs qui élisent les candidats, et les partis qui les investissent.

Il ne faut pas oublier, de plus, notamment au niveau des élections cantonales, que des candidats libres, sans aucune attache avec un parti, peuvent se présenter.

Mme la Présidente : Votre avis nous intéresse à double titre : en tant que conseillère générale et en tant que constitutionnaliste. On entend souvent dire que, d'un point de vue constitutionnel, la sanction ne peut pas porter sur les élus, puisque ce sont les électeurs qui décident, mais qu'elle doit porter sur les partis politiques, puisque ce sont eux qui présentent les candidats. Quel est votre sentiment à ce sujet ?

Par ailleurs, vous dites que si l'on veut que le système soit efficace pour l'ensemble des scrutins, et notamment pour le scrutin uninominal, il conviendrait d'étendre le principe de la sanction financière à tous les scrutins, et notamment aux élections cantonales qui sont absentes de ce texte. Avez-vous réfléchi sur les modalités d'application de ce principe ?

Mme Danielle de VALENCE : Non, je n'ai pas du tout réfléchi aux modalités.

Madame Boisseau, il est vrai qu'en milieu rural, il arrive que des candidats libres se présentent. Mais vous savez comme moi que si les partis politiques ne donnent pas d'investiture, une femme a peu de chance de pouvoir se présenter. Vous êtes certainement une exception en ce domaine.

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU : Il s'agit peut-être d'une exception au niveau des législatives, mais aux élections cantonales, de nombreuses personnes n'ont pas d'étiquette politique.

Mme la Présidente : Il semblerait qu'il en aille de même pour les sénateurs. Un article, paru récemment dans un journal du soir, décrivait la chasse aux apparentements politiques qui se pratique au Sénat pour permettre aux partis de bénéficier de la loi sur le financement des partis. Si l'on prenait en compte les élections cantonales dans le système de financement des partis, cela pourrait peut-être favoriser une plus grande affiliation des candidats, car l'on sait pertinemment que ceux qui se présentent sans étiquette bénéficient, en réalité, d'un soutien politique.

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU : Non, je ne suis pas d'accord.

M. Kofi YAMGNANE : Les candidats sans étiquette, cela n'existe pas !

M. Bernard ROMAN : Madame de Valence, je n'ai pas bien compris votre position sur les élections municipales : vous nous dites que le projet de loi ne va pas assez loin. Or, ce projet propose pour ces élections la parité au niveau des candidatures.

Très franchement, même si l'on peut penser qu'il n'y aura pas de listes caricaturales présentant d'abord 50 % d'hommes, puis 50 % de femmes, il y a un risque, si un certain nombre de « taquets » ne sont pas posés, que certains maires sortants maintiennent en début de liste des hommes qui ont fait leurs preuves, considérant que les femmes peuvent attendre les élections suivantes et placent donc 50 % de femmes sur leur liste, mais en position non éligible. Il s'agit d'un raisonnement que l'on peut comprendre, mais qui est incompatible avec la démarche de féminisation que l'on souhaite mettre en route dans le monde politique.

A partir du moment où vous nous dites que le projet de loi ne va pas assez loin, mais que vous n'êtes pas favorable à l'alternance et à la parité par tranches, comment ce projet parviendra-t-il à imposer la parité ?

Mme Danielle de VALENCE : En incitant financièrement les partis qui présenteront un grand nombre de femmes, notamment aux municipales.

M. Bernard ROMAN : Cela signifie que l'on devra prendre en compte tous les élus municipaux et cantonaux dans les critères d'attribution de la part de financement versée aux partis, et qui ne concerne aujourd'hui que les élus nationaux. Objectivement, il s'agit là d'un très beau projet, mais qui, me semble-t-il, se heurte à des difficultés aujourd'hui insurmontables. En effet, l'on compte actuellement 540 000 élus municipaux, c'est-à-dire beaucoup plus que tous les adhérents de tous les partis réunis !

Par ailleurs, on ne peut pas obliger les candidats libres qui ne se reconnaissent dans aucun groupe politique à s'affilier à un parti afin de bénéficier du financement.

En ce qui concerne les cantons, vous êtes mieux placée que quiconque pour savoir qu'ils sont traités différemment par la loi selon leur nombre d'habitants, en termes de financement et de remboursement de frais de campagne. En effet, il existe un financement de l'Etat pour les candidats qui obtiennent plus de 5 % des suffrages dans les cantons de plus de 9 000 habitants. En revanche, il n'y a aucune aide financière de l'Etat dans les cantons de moins de 9 000 habitants. Tout cela me paraît donc très compliqué à mettre en oeuvre. Il serait préférable de trouver une solution qui évite les abus que j'évoquais au début de mon propos et qui seront commis si aucun « taquet » n'est prévu.

Mme Danielle de VALENCE : Ce sera le cas des adjoints au maire. Certains maires pourront présenter une liste alternée, un homme, une femme, mais ne pas respecter la parité au niveau des adjoints.

M. Bernard ROMAN : Je voudrais également attirer votre attention sur un autre effet pervers. Un conseiller général, de droite ou de gauche, bien installé dans son canton, sera réélu même s'il n'affiche pas le sigle de son parti. Je pense réellement que cela va être difficile à mettre en oeuvre si une attitude volontariste n'est pas adoptée au départ.

Mme la Présidente : Madame de Valence, l'Association des départements de France n'a donc pris à cet égard aucune position ?

Mme Danielle de VALENCE : Non, il n'y a aucune position officielle. Cela est regrettable puisque les présidents des conseils généraux seront certainement sollicités sur cette question.

Mme Chantal ROBIN-RODRIGO : Il n'y a qu'une seule femme présidente de conseil général !

Mme Anne-Marie IDRAC : Pensez-vous que la loi, par des mécanismes qu'il reste à déterminer, puisse faire évoluer la situation des élections cantonales ?

Mme Danielle de VALENCE : Je comprends les observations de M. Bernard Roman quant à la difficulté de sanctionner financièrement les partis en fonction de leurs résultats aux élections municipales, étant donné le nombre de candidats élus sans étiquette, mais je pense qu'il faut prendre des mesures pour les élections cantonales, sinon rien ne changera.

Et ne parlons pas des élections sénatoriales où les femmes seront systématiquement placées en fin de liste ; rappelons qu'il n'y a que quatorze femmes élues au Sénat.

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU : Je ne vois pas quelle solution nous pourrions trouver pour les élections cantonales.

Mme Danielle de VALENCE : L'aspect financier ne vous semble pas une bonne solution ?

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU : Non, pas du tout, notamment en milieu rural.

M. Patrice MARTIN-LALANDE : On ne peut pas obliger les candidates à adhérer à un parti politique.

Mme Danielle de VALENCE : Certes, mais cela obligera les partis, qui décident des investitures dans pratiquement tous les cantons, à présenter des femmes.

M. Kofi YAMGNANE : Au départ, je pensais également qu'il était possible d'appliquer cette sanction financière au niveau des conseils généraux. Je ne sais pas ce qu'il en est dans les autres départements, mais dans le Finistère, où je suis conseiller général, je ne connais pas de conseillers généraux sans étiquette ; ils appartiennent tous à des groupes politiques et votent toujours comme leur groupe !

Mme la Présidente : La question se pose au moment des candidatures. A ce moment-là, un certain nombre de candidats se déclarent indépendants. Mais dès l'élection du président du conseil, on sait à quel groupe ils appartiennent réellement !

Il en va exactement de même pour les sénateurs, et pourtant la loi prend en compte les parlementaires que sont les sénateurs. Il paraît qu'il existe une véritable "course aux sénateurs" dans un certain nombre de partis puisqu'un parlementaire "rapporte" à un parti entre 250 000 et 300 000 F. Or, la loi intègre bien ces sénateurs "sans étiquette" dans le calcul de la deuxième part de financement.

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU : Je ne partage pas ces propos. En Ille-et-Vilaine, des personnes se présentent sans étiquette et le restent ! Elles se situent dans la majorité ou dans l'opposition départementale, mais l'on ne peut pas dire si elles sont affiliées au RPR ou à l'UDF, par exemple.

Mme Danielle de VALENCE : Parce qu'elles estiment qu'elles seront plus facilement élues de cette façon !

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU : Mais c'est tout à fait leur droit ! Ce n'est pas un jugement de valeur de ma part, mais la réalité.

Mme la Présidente : Il en est de même pour les sénateurs, et la loi s'applique quand même !

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU : Ce n'est pas comparable !

Mme la Présidente : Je ne vois pas pourquoi !

M. Bernard ROMAN : En clair, Madame de Valence, vous proposez qu'une part du financement des partis dépende du nombre d'élus départementaux et municipaux, exactement comme pour les élus nationaux. C'est tout à fait jouable ; car les non inscrits ne seront pas pris en compte. Ils ne rapportent rien et ne coûtent rien à personne.

Si cette solution est retenue, il faudra cependant trouver une manière d'éviter que les partis puissent « acheter » des élus pour obtenir un financement ; cela se fait et c'est scandaleux ! Ce ne sont d'ailleurs pas les grands partis qui agissent de la sorte.

M. André VALLINI : Je voudrais revenir sur le système qui fonctionne au Sénat. Cela pourrait fonctionner de la même façon au niveau des conseils généraux, car je suppose que les sénateurs élus sans étiquette et qui s'inscrivent à des groupes qui ne sont pas affiliés à des partis politiques au niveau national, doivent tout de même accepter de signer un document attestant qu'ils sont affiliés, au plan national, à telle association de financement.

Un système identique pourrait être appliqué aux conseils généraux. En Isère, quatre groupes prétendent n'appartenir à aucun parti national : les « non inscrits », les « sans étiquette », les « 3 I » (Isère, Initiative, Innovation), et les « Solidarité nouvelle gauche ». Chacun de ces quatre groupes a deux ou trois élus. Je suis persuadé que si l'on envisage une solution telle que celle que vous proposez, madame de Valence, les partis politiques inciteront ces élus à s'affilier.

Mme la Présidente : Madame de Valence, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation.

M. Etienne Chaufour n'ayant pu se joindre à temps à cette audition a néanmoins eu un entretien avec la Présidente et quelques membres de la Délégation, à l'issue de cette réunion.

Audition de Mmes Marie-Cécile MOREAU, juriste,

Laure ORTIZ, professeur à l'Institut d'Etudes Politiques de Toulouse,

Catherine GÉNISSON, rapporteuse générale de l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes et

de M. Guy CARCASSONNE, professeur à l'Université de Paris X Nanterre.

Réunion du mardi 14 décembre 1999

Présidence de Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, Présidente.

Mme la Présidente : Mes chers collègues, nous accueillons aujourd'hui Mmes Catherine Génisson, Marie-Cécile Moreau, Laure Ortiz et M. Guy Carcassonne.

Madame Génisson, vous êtes médecin anesthésiste réanimatrice et, depuis juin 1997, députée du Pas-de-Calais. Vous avez remis, en septembre 1999, un rapport au Premier ministre sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, et vous êtes depuis octobre 1999 rapporteuse générale de l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes.

Madame Marie-Cécile Moreau, vous êtes juriste dans un office ministériel d'avoués à la cour d'appel de Paris. Vous avez plus particulièrement étudié la mise en oeuvre en France et dans l'Union européenne du principe d'égalité entre les hommes et les femmes dans les domaines de la vie privée, de la vie professionnelle et de la vie politique.

Mme Laure Ortiz, vous êtes professeur de droit public à la faculté de droit et de sciences économiques de Toulouse ainsi qu'à l'IEP de Toulouse. Vous êtes directrice du centre de préparation à la haute fonction publique. Vous avez beaucoup écrit sur les problèmes de fonction publique territoriale et d'organisation territoriale. Vous vous intéressez à la place des femmes dans la vie politique et vous venez de publier un article intitulé "Représentation politique et parité".

M. Guy Carcassonne, vous êtes professeur de droit public à l'Université de Paris X Nanterre. Vous avez fait partie de plusieurs cabinets ministériels avant de devenir, en 1988, conseiller du Premier ministre Michel Rocard. Vous avez présenté, au printemps dernier, devant l'Observatoire de la parité, des propositions remarquées et discutées sur l'incitation financière des partis politiques à présenter des candidates aux élections.

Mesdames, monsieur, nous souhaiterions connaître vos réflexions sur les projets gouvernementaux tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. La Délégation a été saisie de ce texte par la commission des lois et élaborera prochainement un rapport assorti de recommandations.

Mme Catherine GÉNISSON : Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, en tant que rapporteuse générale de l'Observatoire de la parité, j'indiquerai tout d'abord que les membres de l'Observatoire se sont réjouis du projet de loi qui leur a été présenté. En effet, ce projet affirme avec clarté et simplicité le principe de la parité politique pour les élections se déroulant au scrutin de liste et au scrutin uninominal.

En ce qui concerne les scrutins de liste, nous sommes tout à fait favorables à la sanction très importante appliquée en cas de non-respect de la parité, c'est-à-dire le non-enregistrement des listes ne respectant pas ce principe. Cependant, l'Observatoire a noté que, pour les élections municipales, les communes de moins de 3 500 habitants sont exclues du projet ; ce qui représente plus de 34 000 communes et un tiers des élus. Cela est d'autant plus regrettable que l'on sait que c'est dans les petites communes que l'on compte le plus grand nombre de femmes maires.

En revanche, les élections sénatoriales sont concernées par le projet de loi.

Par ailleurs, le projet reste muet sur la place respective des hommes et des femmes sur les listes et il ne comporte aucune proposition sur la place des femmes dans les exécutifs et les structures intercommunales.

Actuellement, l'Observatoire étudie des propositions tendant à préciser la place des hommes et des femmes sur les listes. Sans préjuger des travaux de l'Observatoire qui tient sa séance plénière jeudi, on peut penser que ce dernier proposera sans doute de préciser ce point et d'appliquer la parité par tranches de six candidats. En effet, si des femmes sont obligatoirement placées dans les têtes des listes, il leur sera plus facile d'accéder aux exécutifs communaux et aux structures intercommunales. En outre, lorsque les femmes figureront sur des listes minoritaires, il leur sera ainsi possible de poursuivre le combat en vue d'une victoire électorale ultérieure. L'Observatoire proposera le principe d'alternance stricte pour les élections européennes et sénatoriales.

Nous proposerons également des mesures d'accompagnement comportant des campagnes de médiatisation de la loi et incitant les femmes à s'investir dans la vie politique. Nous veillerons, toutefois, à ne pas utiliser le terme de "formation", car, semble-t-il, la forte demande de formation des femmes est due au fait qu'elles se sous-estiment. Les problèmes de formation concernent en fait tous les élus et non pas simplement les femmes.

Nous nous sommes rendu compte que les femmes s'investissaient moins dans la vie politique que dans la vie associative, où elles occupent des postes de responsabilité. Il convient donc de sensibiliser ces femmes qui militent déjà activement dans la vie citoyenne afin qu'elles participent aussi à la vie politique.

En ce qui concerne les scrutins uninominaux, l'Observatoire se réjouit de l'application de la parité et des sanctions financières prévues par le projet de loi à l'égard des partis politiques qui ne respecteraient pas ce principe.

Le projet de loi dispose que la parité s'applique aux candidats et non aux élus. Les expertises que nous avons menées démontrent en effet qu'il serait difficile de faire des propositions sanctionnant les partis en fonction du nombre d'élus, dans la mesure où l'on interviendrait sur le choix des électeurs et non sur celui des partis politiques.

L'Observatoire regrette toutefois que les élections cantonales ne soient pas intégrées dans le dispositif du projet de loi. Ces élections sont le parent pauvre de l'application de la parité ; elles me semblent être la "fenêtre thérapeutique masculine" destinée à maintenir la représentativité des hommes dans une élection !

Les résultats des dernières élections cantonales de 1998 ont été assez négatifs par rapport aux élections régionales, où le principe de parité a été largement appliqué, et par rapport aux élections européennes, où le principe de de l'alternance a été mis en _uvre par la quasi-majorité des partis politiques.

Par ailleurs, l'Observatoire fera des propositions afin que la parité soit respectée lors de la désignation des candidats titulaires, mais aussi de leurs suppléants, sans reprendre les dispositions de la proposition de loi de Mme Marie-Jo Zimmermann, mais en donnant une portée générale au principe de parité pour les suppléants. Ce serait un très bon moyen de renouveler le personnel politique.

Nous estimons également que d'autres projets de loi concernant notamment le non-cumul des mandats et le statut de l'élu doivent accompagner le projet relatif à la parité politique.

Au cours de nos auditions, nous avons constaté une divergence de vues des présidents de groupes politiques des deux assemblées et des présidents d'associations d'élus. Les présidents de ces associations, dans les grandes villes, les banlieues, les petites communes ou les communes rurales, sont en effet favorables à une application large de la parité approchant 50 % de femmes élues. Ils sont toutefois très attachés au mode de scrutin propre aux communes de moins de 3 500 habitants ; ce qui pose un problème législatif majeur pour étendre la loi à ces communes.

Telles sont, brièvement, les remarques que je souhaitais présenter, en indiquant qu'il sera sans doute nécessaire de réfléchir à l'extension de l'actuel projet de loi par le biais notamment de la baisse du seuil de 3 500 habitants.

Mme Marie-Cécile MOREAU : Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je vais me livrer à une critique, brève mais que je souhaite constructive, du projet de loi.

Tout d'abord, il ressort de l'exposé des motifs, que le projet de loi ne s'applique ni aux communes de moins de 3 500 habitants, ni aux élections sénatoriales, dans les départements qui ont quatre sénateurs ou moins, ni aux élections cantonales.

Cela est surprenant compte tenu de la finalité du projet qui tend à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Aussi, conviendrait-il, afin de ne pas heurter les femmes et leurs associations qui ont souhaité une intervention législative, de ne pas, dès l'exposé des motifs, poser de telles limites.

Un projet de loi organique a été également déposé, mais je ne commenterai que le projet de loi ordinaire.

Ce projet comporte trois titres. Je constate tout d'abord une discordance entre les intitulés des deux premiers titres ; le titre premier portant sur les scrutins de listes, on aurait pu penser que le deuxième mentionnerait les scrutins majoritaires uninominaux. Or ce n'est pas le cas et cela inquiète les femmes. Seule la lecture des dispositions du titre II permet de comprendre qu'il est relatif aux élections au scrutin majoritaire uninominal. Aussi conviendrait-il de modifier l'intitulé de ce titre afin de le rendre plus clair.

S'agissant du scrutin de liste, je me réjouis, comme Catherine Génisson, que la parité 50/50 soit proposée. Néanmoins, notre réflexion doit progresser et aborder un point important : celui de l'alternance. Une telle disposition sera probablement proposée sous forme d'amendements, mais selon quelles modalités sera-t-elle mise en oeuvre ?

Des tranches de dix ou de six candidats (chacune comportant 50 % de femmes) ont été proposées. Ces solutions sont un peu trop sophistiquées ; l'alternance, une femme, un homme, me semble la solution la plus claire et la plus justifiée du fait qu'elle a déjà été pratiquée ; pourquoi revenir en arrière alors que la réforme constitutionnelle permet d'aller de l'avant ?

Ma critique est aussi constructive. C'est pourquoi je suggère de compléter la phrase qui figure aux articles premier à sept du projet de loi et qui est ainsi rédigée : "Sur chacune des listes, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un" par la phrase suivante : "Chaque liste devra respecter, du début à la fin, le principe de l'alternance". Je précise que cette proposition avait été présentée par Jean-Pierre Chevènement en 1994. Cette proposition ne devrait donc pas rencontrer de difficultés.

Par ailleurs, le projet prévoit pour les élections au scrutin de liste, l'obligation d'indiquer, dans l'état civil, le sexe du candidat. Je suis tout à fait favorable à cette proposition, mais pourquoi la limiter aux scrutins de listes ? Je crois que tout candidat, dès lors qu'il a l'obligation, d'après le code électoral, de déposer une candidature, doit indiquer son sexe. Cela me paraît tout à fait justifié et permettra de recueillir des statistiques qui constituent un outil indispensable. Aussi, conviendrait-il de prévoir une disposition pour toutes les élections, y compris législatives, selon laquelle l'état civil du candidat doit comporter, outre les mentions déjà exigées, l'indication du sexe auquel il appartient.

Dans le cadre du titre premier relatif au scrutin de liste, je relève également une lacune qui me préoccupe : en effet, le projet de loi ne concerne ni les élections dans les communes de moins de 3 500 habitants, ni les élections sénatoriales, lorsqu'il y a quatre sénateurs ou moins par département, ni les élections cantonales.

En ce qui concerne le titre II, je reviens sur son intitulé qui me semble contestable. Comme je l'ai déjà dit, seule la lecture de l'intégralité de l'article 12 du projet permet de comprendre qu'il crée une sanction dans le cadre des élections législatives. Cela est gênant et très ambigu, car le texte ne comporte aucune disposition sur les modalités de présentation des candidats par les partis, si ce n'est sous cette forme indirecte. La Constitution a été modifiée le 28 juin 1999 dans un sens précis ; en conséquence, ne pourrait-on pas insérer dans ce titre, avant l'article 12, un article additionnel reprenant la proposition de M. Jean-Pierre Chevènement aux termes de laquelle : "Pour les élections organisées selon le mode de scrutin uninominal, majoritaire à deux tours, toute formation politique, groupement ou association, devra présenter dans chaque département un nombre égal de candidats et de candidats" ?

Je n'ignore pas les objections susceptibles d'être formulées, d'ordre juridique et constitutionnel. Je n'ignore pas non plus qu'elles relèvent du réalisme politique. Mais je pense qu'il conviendrait tout de même d'envisager cette possibilité, afin d'améliorer ce projet de manière décisive.

Enfin, je voudrais vous faire part de mon inquiétude. Il me semblait, récemment encore, que le projet de loi serait adopté et promulgué sans difficultés. Or, les oppositions se font de plus en plus vives et ne portent pas toutes sur les mêmes points. De sorte que plusieurs oppositions peuvent se rencontrer, se croiser, se conjuguer. C'est la raison pour laquelle la saisine du Conseil constitutionnel me paraît maintenant probable.

Nous sommes donc à une sorte de croisée des chemins entre un réalisme politique et une éventuelle censure du Conseil constitutionnel. En effet, le Conseil constitutionnel a le devoir de vérifier si ce texte respecte les principes constitutionnels et s'il répond à sa finalité, celle de favoriser l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux foncions électives.

Ce projet de loi tend à permettre aux femmes d'être, dans le domaine politique, les égales des hommes, à favoriser leur éligibilité. Or l'on constate que les élections cantonales et une partie des élections municipales et sénatoriales sont oubliées ! Le Conseil constitutionnel peut-il alors considérer que ce texte répond aux exigences constitutionnelles ? Telle est la question que l'on doit se poser et sur laquelle nos débats peuvent être fructueux.

Mme Laure ORTIZ : Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je vais tenir compte de ce que vient de dire Mme Moreau mais pour défendre un point de vue qui est sensiblement différent.

Je ne suis pas ici pour débattre, dans un premier temps, des mérites comparés de telle ou telle solution, mais plutôt pour examiner dans quelle mesure ces textes peuvent se heurter à une censure du Conseil constitutionnel et, au-delà du Conseil, à la censure éventuelle d'un juge de l'élection qui, enserré dans des contraintes de hiérarchie des normes, peut aujourd'hui, en effet, écarter la loi.

En ce qui concerne la marge de liberté du législateur, je pense que le projet de loi, en favorisant l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives, introduit une donnée de progressivité. La censure du juge constitutionnel ne pourrait donc pas se fonder sur le fait que le texte n'atteint pas son objectif.

D'ailleurs, le Conseil considère qu'il ne lui appartient pas de porter une appréciation sur la manière dont la loi entend réaliser un objectif à valeur constitutionnelle. Je redoute, au contraire, que le Conseil constitutionnel considère que la loi dépasse, sur certains points, un tel objectif.

La loi peut et doit accomplir des objectifs à valeur constitutionnelle, mais cela ne saurait en aucun cas justifier que les droits fondamentaux, en étant éventuellement limités par la loi, soient dénaturés. La loi constitutionnelle de 1999 ne permet pas d'instituer de telles dérogations. Le juge constitutionnel tentera, au contraire, de concilier le principe d'égalité, et non pas de parité, avec d'autres principes fondamentaux sur lesquels se fonde la conception républicaine de la souveraineté de la représentation.

Il convient de rechercher si, malgré la révision de la Constitution, il n'existe pas d'autres obstacles à l'encontre de cette loi. Le Conseil constitutionnel ne risque-t-il pas de présenter une argumentation du même ordre que celle opposée au projet de 1982 ? On peut, en effet, s'interroger sur la conciliation du principe d'égal accès avec d'autres principes constitutionnels tels que l'universalité du corps des citoyens, l'égalité du suffrage, la liberté de candidature et la liberté des partis.

La réponse à cette question devrait permettre d'éclairer le débat relatif aux amendements.

S'agissant de l'universalité, il n'y a pas lieu de s'interroger sur la conciliation entre "égal accès" et "universalité du corps des citoyens" dans la mesure où l'universalité s'apprécie au niveau de la représentation et non selon les modalités d'investiture des organes de la représentation. Le caractère unitaire de la représentation est institué depuis 1789, lorsque s'est opérée la distinction entre les représentants et ceux qui, bien que formant le corps électoral, ne peuvent pas avoir la prétention d'incarner le représenté.

Il est curieux d'invoquer l'universalité, dans la mesure où, depuis 1789, au contraire, le souci d'affirmer le caractère unitaire de la représentation et l'autonomie des représentants a contribué à traiter les questions relatives au mode d'investiture aux élections, sur un mode très technique. Certes, le peuple est sans doute une figure unitaire, mais le corps électoral et les citoyens sont répartis en catégories depuis longtemps.

On peut ainsi distinguer les citoyens qui sont titulaires du droit de vote et ceux qui ne le sont pas, et au sein de ceux qui sont titulaires du droit de vote, ceux qui sont éligibles, ceux qui sont inéligibles et ceux qui sont partiellement éligibles. On assiste donc à un déplacement du problème de l'universalité de la représentation vers le corps électoral, ce qui est étonnant.

Quoi qu'il en soit, l'universalité est censée se réaliser à travers l'égalité du suffrage. A cet égard, les propositions et projets qui nous sont présentés affirment une identité totale de traitement entre hommes et femmes, au regard du droit de vote, qui n'est pas en cause ici, mais aussi au regard de l'éligibilité. En effet, les mêmes conditions d'âge s'imposent à l'homme comme à la femme. Aucune condition spécifique n'est ajoutée. Il n'y a donc pas « catégorisation » ici des éligibles, contrairement à l'article 88-3 de la Constitution, qui crée des catégories d'éligibles.

Le nombre de places auxquelles chaque sexe peut prétendre sur une liste - argument que j'ai également entendu - à une unité près, est rigoureusement le même. L'égalité des suffrages est donc respectée, et de ce point de vue la loi me semble même inattaquable en raison de son caractère très arithmétique.

Il convient ensuite de s'interroger sur l'articulation du principe d'égal accès avec celui de la liberté de candidature. Malgré des arguments avancés notamment par des juridictions à l'étranger, la perte de chances de figurer sur une liste ne porte pas atteinte à la liberté de candidature. On ne saurait mesurer la liberté de candidature au nombre de sièges que la loi attribue à telle ou telle circonscription.

En revanche, l'obligation même de constituer des listes paritaires peut constituer une atteinte à la liberté de candidature. Ce serait le cas des listes qui ne parviendraient pas à réaliser la parité, mais surtout celui des listes qui n'entendraient absolument pas, notamment pour des raisons idéologiques, réaliser la parité. Cela écarterait, par exemple, la liste d'un parti de femmes ou de formations politiques qui privilégieraient d'autres critères.

La sanction est alors l'irrecevabilité de la liste. L'obligation de la parité peut donc avoir un effet sur l'activité politique du groupement qui requiert le suffrage. Au regard de l'attitude qui pourrait être celle du juge constitutionnel -c'est-à-dire tenter de concilier les principes et ne pas accepter d'emblée une dérogation- on peut se demander s'il n'y a pas un risque qu'à l'instar du Conseil d'Etat belge, la sanction d'irrecevabilité soit considérée comme manifestement disproportionnée par rapport à l'objectif à valeur constitutionnelle qui n'est pas d'« imposer » mais de « favoriser » l'égal accès.

Enfin, en ce qui concerne la liberté des partis, la parité peut apparaître comme une sorte d'immixion dans l'activité de certains groupements politiques. On peut d'ailleurs noter que la parité serait le meilleur rempart à l'émergence de listes communautaristes ! Le seul risque encouru pourrait donc être celui de porter atteinte à l'activité idéologique des partis dont la liberté est garantie par la Constitution.

En revanche, le mécanisme de sanction financière ne peut encourir en soi la censure du juge constitutionnel. La loi de 1988 n'a pas créé pour les partis un droit subjectif à un financement public. Par conséquent, il est logique que le législateur module un tel financement en fonction de l'application de principes et d'objectifs à valeur constitutionnelle. La réforme de 1999 tendant à lier le montant des financements publics à l'égalité d'accès est parfaitement justifiée. D'un point de vue juridique, il n'y a pas à faire de distinction entre sanction et incitation. Il n'y a donc pas de censure possible du juge.

En résumé, la jurisprudence du Conseil constitutionnel garde son autorité et il convient d'en tenir compte dans notre réflexion.

En ce qui concerne les communes de moins de 3 500 habitants, il est difficile de leur appliquer l'obligation de parité sans modifier leur mode de scrutin, notamment en réduisant le seuil d'application. Dans la mesure où, dans ces communes, l'électeur a une liberté de panachage, de radiation, une telle intervention sur le choix de l'électeur risquerait de se heurter à une réticence du juge.

Enfin, je partage les observations de Mme Marie-Cécile Moreau sur l'ambiguïté du titre II ; son intitulé ne cite pas l'objet des dispositions qu'il comporte et il crée la sanction d'une obligation qu'il ne pose pas.

M. Guy CARCASSONNE : Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, enfin, nous avons un projet de loi ordinaire et un projet de loi organique ! La tonalité des propos que je viens d'entendre m'a un peu surpris : c'est tout de même une incroyable victoire ! Or on semble se désoler d'une épouvantable défaite. La révision constitutionnelle a été adoptée ; voilà un texte qui, selon toute vraisemblance, va être voté et nous avons d'ores et déjà la certitude absolue qu'environ 75 % des Français vivront dans des communes qui, dans un an, auront des conseils municipaux composés à parité d'hommes et de femmes ; 100 % des Français vivront dans des régions dont le conseil sera paritaire.

Revenons trois ou quatre ans en arrière : si l'on nous avait promis ce résultat pour l'an 2000, nous aurions tous signé ! Certes, il y a les problèmes posés par les élections cantonales, par les élections municipales dans les communes de moins de 3 500 habitants et par les élections sénatoriales. Mais, la France ne sera plus la même demain ! Et grâce à ce texte, sans en changer une virgule ! Cela mérite d'être souligné.

Bien entendu, ce texte, comme tout texte, est perfectible. Au titre des perfectionnements aisés, je ne reviendrai pas sur l'idée d'introduire une parité alternée. Je n'ai aucune réserve sur l'alternance pure et simple. Cependant, je constate que lorsqu'il s'agit d'établir une liste, des difficultés de caractère politique peuvent surgir, qu'un minimum de souplesse permet parfois de résoudre. Si le législateur consent ce minimum de souplesse, si la parité est imposée par tranches de quatre, six ou dix candidats, cela conviendra. Il n'est pas absolument indispensable que ce soit une alternance complète.

Je ne doute pas qu'en ce domaine, des amendements seront présentés et que l'un d'eux sera adopté. Plus il se rapprochera de l'alternance pure et simple, mieux ce sera, mais je ne crois pas qu'il faille en faire un dogme absolu.

Un autre aspect mérite d'être amélioré : le dernier alinéa de l'article 12 du projet de loi dispose que : "Les crédits issus de cette diminution reçoivent une nouvelle affectation dans la loi de finances." Cela signifie que lorsque des partis auront été sanctionnés pour n'avoir pas respecté l'objectif de parité, le budget de l'Etat utilisera ces crédits à d'autres fins. Il existe un moyen simple de « faire d'une pierre deux coups » : en prévoyant que les sommes ainsi dégagées seront réparties entre les formations politiques qui n'auront pas dérogé à la règle, au prorata du nombre de femmes élues au Parlement.

Ainsi, les mauvais "paritaristes" enrichiront les bons, et je trouve cela très sain.

Sous ces deux réserves qui devraient pouvoir être résolues sans difficultés par amendements, je suis très satisfait de voir ce texte aboutir. Je suis plus favorable aux incitations qu'aux sanctions, mais la mise en _uvre de ces incitations risque d'être plus longue ; il convient donc de retenir les sanctions.

C'est avec sérénité que j'envisage un contrôle du Conseil constitutionnel sur le texte tel qu'il nous est présenté et tel qu'il pourrait être amendé. La révision constitutionnelle de 1999 a modifié les conditions qui avaient conduit le Conseil à sa décision de 1982. En l'état, le risque constitutionnel me semble nul, mais il convient de rester vigilant.

Sagissant des communes de moins de 3 500 habitants, je partage le point de vue de Mme Laure Ortiz : sauf à abaisser le seuil, je ne vois pas comment régler la difficulté. Mais cette difficulté n'est pas considérable, car c'est justement dans ces petites communes que l'on compte, sans le secours de la loi, le plus de maires-femmes. Nous pouvons supposer que ce mouvement spontané ne fera que s'accentuer, dès lors que le mouvement, qui lui n'est pas spontané, aura été brutalement imposé dans toutes les autres assemblées.

Sinon, ce problème pourrait être traité ultérieurement. De plus, si ces communes sont numériquement importantes, elles ne représentent pas un très grand nombre de Français.

S'agissant des élections sénatoriales, même dans la quinzaine de départements qui ont un mode de scrutin proportionnel, cela ne provoquera pas de grand changement. Chaque parti, dans un département proportionnel a, sauf pour les grands départements tels que le Nord, un ou deux élus. Arithmétiquement, dans un grand nombre de ces départements, dès lors que la tête de liste serait un homme, par hypothèse, la loi, même avec une alternance absolue, ne changerait rien. Prenons en conscience et n'en faisons pas un enjeu fondamental.

Dans un département où il y a six sénateurs et quatre grandes listes en présence, trois d'entre elles n'ont qu'un seul élu. La parité n'est donc pas possible, la tête de liste étant seule élue. Tout en reconnaissant que cette question ne doit pas être négligée, ne serait-ce sur le plan symbolique, elle ne doit pas constituer un obstacle. Mais je ne crois pas que la question des élections sénatoriales doive obnubiler.

Si donc l'on exclut de nos préoccupations majeures les élections sénatoriales et les élections municipales dans les communes de moins de 3 500 habitants, restent les élections cantonales. Il s'agit là d'un véritable problème d'autant plus taraudant que je n'ai pas de réponse sauf à mettre en oeuvre le vieux fantasme de tous les rationalistes qui consiste à supprimer le département !

Mme la Présidente : Mais cela n'est pas à l'ordre du jour !

Mme Chantal ROBIN-RODRIGO : Monsieur Carcassonne, vous n'avez pas apporté de réponse à la question des élections cantonales et sénatoriales et vous n'avez pas abordé le problème de l'intercommunalité. Que reste-t-il alors ?

M. Bernard ROMAN : Mes questions s'adressent aux constitutionnalistes qui nous font l'honneur d'être ici ce soir.

Ma première question concerne les élections municipales : est-il oui ou non envisageable, d'un point de vue juridique, d'abaisser à 2 500 habitants, à l'occasion de ce texte, le seuil des communes votant à la proportionnelle ?

Ma deuxième question concerne les élections sénatoriales. Le texte s'applique aux départements dans lesquels il y a quatre sénateurs. Un projet de loi, actuellement en navette, modifie ce texte en proposant de ramener ce chiffre à trois. Je partage le point de vue de M. Guy Carcassonne lorsqu'il parle de symbole puisque, dans bien des départements, de nombreuses listes n'ont qu'un seul représentant.

Mais, il peut être aussi très symbolique de laisser dévoyer la loi. Il est certain qu'une liste de cinq candidats, parce que la structure machiste du monde politique est aussi forte au Sénat que dans les conseils généraux, présentera systématiquement trois hommes et deux femmes. C'est une caricature de la volonté politique affirmée par le législateur et par le Gouvernement. Je ne suis donc pas certain que le symbole ne joue que dans un sens ; il peut également jouer dans l'autre sens.

Par ailleurs, toujours en ce qui concerne le Sénat, est-il envisageable de faire encore évoluer le seuil des départements où l'on vote à la proportionnelle ? Le juge constitutionnel n'a jamais été saisi du mode de scrutin des sénateurs ; or il y a deux modes de scrutin : l'un majoritaire, l'autre proportionnel. Le projet de loi aura pour conséquence de greffer une obligation sur un mode de scrutin, et pas sur l'autre. N'y a-t-il pas là un problème constitutionnel ?

Enfin, troisième question : vous semble-t-il possible d'appliquer aux élections cantonales les clés de calcul du financement des partis politiques ?

M. Michel HERBILLON : Monsieur Carcassonne, votre absence de réponse à la question portant sur les élections cantonales ne peut nous satisfaire ! Nous ne pouvons pas faire l'impasse sur un secteur où la représentation des femmes est très minoritaire. Nous devons donc, ce soir, les uns et les autres, faire un effort de créativité juridique et politique pour lancer quelques pistes en ce qui concerne les cantonales.

S'agissant des élections municipales, je voudrais, tout comme mon collègue Bernard Roman, vous interroger sur le seuil applicable. Certes, en traitant le problème des communes de plus de 3 500 habitants, on traite le problème de plus de 90 % de la population française. Cependant, en termes d'affichage, on dira que sur 36 000 communes, spécialité française bien connue, 34 000 ne sont pas concernées.

Par ailleurs, je souhaiterais connaître votre avis sur la parité des candidatures au niveau du département pour les élections législatives. Enfin, quel est votre sentiment sur la parité entre le titulaire et le suppléant ? Peut-être notre collègue Catherine Génisson pourrait-elle préciser son point de vue sur cette question ? Même si je comprends qu'il convient de ne pas peser sur le choix de l'électeur.

Mme la Présidente : J'ai moi-même une question concernant l'article 13 du projet de loi relatif à Mayotte. Quel est votre sentiment à ce sujet ?

Ma seconde question rejoint celle de M. Michel Herbillon, puisqu'elle concerne les « tickets » de sexes opposés, titulaire/suppléant.

Mme Catherine GÉNISSON : Je souhaiterais également poser deux questions à nos juristes, la première concernant les communes de moins de 3 500 habitants. Est-il possible d'appliquer le texte de loi qui nous est présenté sans modifier le mode de scrutin, sachant, d'une part, que les électeurs de ces communes sont fortement attachés au mode de scrutin qui existe actuellement, et, d'autre part, que le Premier ministre s'est engagé à ne pas modifier les modes de scrutin pour l'application de la parité.

Deuxièmement, j'aurai les mêmes interrogations concernant les élections cantonales que MM. Bernard Roman et Michel Herbillon.

Par ailleurs, en réponse à une question de M. Michel Herbillon, je pense qu'il serait tout à fait intéressant d'appliquer la parité aux titulaires et aux suppléants, sans imposer une relation absolue entre titulaires et suppléants dans une même circonscription, ce qui serait trop restrictif.

Mme Danièle BOUSQUET : Madame la présidente, j'aurai deux questions à poser.

La première porte sur le scrutin municipal et le seuil de 3 500 habitants. Les listes, même incomplètes, peuvent exister en dessous de 3 500 habitants ; pourquoi ne peut-on pas dire que la parité est de règle dans tous les scrutins de listes municipaux ? Pourquoi ne pourrait-on pas élargir le texte en abaissant le seuil à 2 500 habitants ?

Ma seconde question concerne les élections législatives et la prise en compte des femmes élues plutôt que des femmes candidates. La sanction financière envisagée à l'égard des partis, lorsque la parité des candidatures n'est pas atteinte, ne pourrait-elle être appliquée également à la deuxième fraction du financement public, celle qui est versée en fonction du nombre de femmes élues ? Ce serait une double sanction qui permettrait de prendre en compte à la fois les candidates et les élues.

Mme la Présidente : Pour compléter cette question, je rappellerai que Dominique Gillot proposait dans son rapport une sanction sur la première fraction, à partir des suffrages recueillis au premier tour.

M. Bernard ROMAN : J'ai suivi avec beaucoup d'attention le débat sur la parité et j'ai le souvenir très précis des déclarations du ministre de l'intérieur et du Premier ministre en ce qui concerne les modifications des modes de scrutin. Elles répondaient à des craintes exprimées à propos des élections législatives, mais à aucun moment, le problème des élections municipales n'a été posé.

Dans la mesure où des propositions émanant aujourd'hui de tous les bancs de l'Assemblée nationale réclament l'évolution du seuil, nous aurions tort de nous limiter alors que nous avons la possibilité de faire avancer nos idées.

M. Guy CARCASSONNE : Que nous reste-t-il, madame Robin-Rodrigo ? Eh bien tout ce que j'ai évoqué ! L'intercommunalité n'existait pas il y a dix ans ; aujourd'hui, elle n'existe toujours pas pour les Français qui ne l'élisent pas au suffrage universel direct. Et vous voulez, avant même que la parité ne soit introduite dans les conseils municipaux, qui eux existent depuis toujours, qu'elle soit introduite partout simultanément ! Si vous trouvez le moyen d'y parvenir, bravo ! J'applaudirai à deux mains.

Mais pourquoi bouder son plaisir et considérer que, sous prétexte que la parité n'est pas présente partout, il n'y aura de parité nulle part ? Je trouve que ce texte de loi est une avancée.

Ensuite, vous me demandez, monsieur Bernard Roman, si l'on peut abaisser le seuil du mode de scrutin à l'occasion de ce texte : sur le plan juridique, c'est évidemment possible. Il s'agit d'un projet de loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives : si l'abaissement du seuil de 3 500 habitants est un moyen pertinent de favoriser cet égal accès, je ne vois aucune objection de caractère constitutionnel. Il en va de même pour les élections sénatoriales.

Evidemment, il peut paraître incongru, ou pour le moins surprenant, de modifier un mode de scrutin à l'occasion de ce texte, mais il existe une logique que toute la discussion a démontrée. Si vous le faites, c'est non pas par malignité à l'égard des petites communes ou à l'égard du Sénat, mais pour donner sa pleine mesure à l'objectif constitutionnel que la loi a pour vocation de traduire. Il s'agit donc d'un instrument pertinent.

S'agissant des élections cantonales, je disais tout à l'heure qu'il n'y avait rien d'envisageable. Mais, si vous souhaitez réellement que je vous réponde sur la question de savoir ce qu'il convient de faire des départements, je peux vous répondre tout de suite. Et cela permettra de régler tous les problèmes à la fois.

Voilà des décennies que l'on nous affirme que la France rurale est très attachée aux élections cantonales. Or si je ne connais pas la France rurale, car je suis un véritable urbain, je connais les chiffres. Et les chiffres démontrent que les pourcentages de participation aux élections cantonales, même au fin fond de la France rurale, sont très faibles ! Les élections cantonales intéressent donc peu la France rurale !

Je ne suis hostile ni aux départements, ni aux élections cantonales ; je constate simplement qu'il est faux de prétendre qu'il s'agit d'un enjeu si important pour la France rurale qu'il ne peut être question de modifier les modes de scrutin. Les cantons sont désormais le dernier lieu en France de démocratie non moderne, c'est-à-dire le dernier endroit où les électeurs ne choisissent pas ceux qui les dirigent.

Vous avez réformé le mode de scrutin des élections régionales afin que désormais les électeurs choisissent eux-mêmes le président de la région ; ils le feront. Vous avez réformé les élections municipales pour que les électeurs choisissent eux-mêmes le maire ; ils le font. Il faut parfaire le système et réformer les conseils généraux pour introduire soit le mode de scrutin régional, soit le mode de scrutin municipal. De sorte que, enfin, les Français choisissent eux-mêmes leur président de conseil général et la majorité qui va les diriger.

En agissant ainsi, que vous optiez pour la version municipale ou pour la version régionale, vous aurez un scrutin de liste qui, de surcroît, se prêtera parfaitement à l'application de la parité dans la totalité des départements français !

Quant aux questions relatives au « ticket » de suppléance ou à la parité appréciée par département, de grâce, n'en faisons pas trop ! Il convient tout de même de maintenir un peu de souplesse, de liberté. Il serait paradoxal qu'au moment où l'on adopte le Pacs qui reconnaît la cohabitation homosexuelle, on soit amené à découvrir l'absolue obligation de « tickets » hétérosexuels aux élections législatives !

Fatalement, le simple vote de la loi va faire émerger dans toute la France, dans toutes les communes de plus de 3 500 habitants, un nombre considérable de femmes qui jusqu'à présent ne participaient pas à la vie politique. A partir du moment où elles auront été conduites à y prendre leur place, faites leur confiance, elles y prendront rapidement toute leur place et c'est très bien. Il n'y a pas lieu d'imaginer qu'elles auront éternellement besoin d'attelles ou de béquilles, telles qu'une exigence de parité au niveau du département ou entre titulaires et suppléants.

Je reviendrai sur les intitulés des titres, qui vous ont étonnés. Il se trouve que le titre I porte sur le code électoral et le titre II sur la loi du 11 mars 1988 ; il ne s'agit donc pas de la même législation. De fait, dans la loi du 11 mars 1988, il n'est pas nécessaire d'énoncer un principe pour sanctionner l'interdit, tout comme il n'est dit nulle part que les partis doivent gérer leur trésorerie de façon honnête ; mais s'ils ne le font pas, il y a sanction.

S'agissant de la logique qu'il y aurait, apparemment, à appliquer le même mécanisme de sanction financière à la seconde partie de l'aide publique aux partis, cette logique disparaît si l'on considère qu'entre la première et la seconde partie, il y a des électeurs. Le parti choisit de présenter à peu près autant de femmes que d'hommes, mais ce n'est pas lui qui choisit d'avoir autant d'hommes et de femmes élus.

Je crois qu'il est indispensable d'inciter financièrement les partis à présenter des femmes dans de bonnes circonscriptions, mais je ne crois pas que l'on puisse les sanctionner si elles ne sont pas élues.

M. Yvette ROUDY : Mais si, on sait bien comment cela fonctionne !

M. Guy CARCASSONNE : Je trouverais quand même extrêmement singulier qu'un parti qui a déployé des efforts sincères de parité sur l'ensemble du territoire et qui a cherché à équilibrer les chances de ses candidats dans les circonscriptions, soit pénalisé ! Selon qu'une candidate ait obtenu 49,9 % ou 51,1 % des voix, un parti pourrait alors voir ses finances durablement sanctionnées. Il s'agit d'un élément beaucoup trop aléatoire.

Une fois encore, pourquoi ne pas rechercher le même résultat de manière moins aléatoire, par un mécanisme puissamment incitatif plutôt que par un mécanisme de sanction ? Une sanction doit être méritée, on ne doit jamais penser qu'elle puisse être fortuite.

Mme Danièle BOUSQUET : Mais cette sanction pourrait-elle être déclarée anticonstitutionnelle ?

M. Guy CARCASSONNE : Je ne le sais pas. Est-il nécessaire d'instituer une peine contre des personnes qui n'ont pas commis de faute ? Constitutionnellement, peut-être serait-ce admis, mais je persiste à penser qu'il s'agit d'une très mauvaise idée.

M. Bernard ROMAN : Quid des partis minoritaires ? Prenons l'exemple des Verts qui présentent des candidats dans 500 circonscriptions sans accord et n'obtiennent donc aucun élu.

M. Guy CARCASSONNE : De toute manière, ils n'ont alors pas accès à la seconde fraction de l'aide.

M. Bernard ROMAN : Donc pour les partis minoritaires, cet argument ne peut pas être opposé, puisqu'ils ne reçoivent rien actuellement.

M. Guy CARCASSONNE : Certes, mais ceux des partis minoritaires qui obtiennent quelques élus grâce à des accords passés avec un autre parti, devraient, avec le système que vous proposez, non seulement présenter le même nombre de candidats, négocier des accords avec leur partenaire, mais également leur garantir le même nombre de femmes et d'hommes élus sur leur demi-douzaine de députés, sinon ils en pâtiront financièrement.

Mme Laure ORTIZ : Je suis d'accord avec la quasi-totalité des propos de M. Guy Carcassonne. Cependant, je pense qu'il peut y avoir des problèmes de constitutionnalité car ces textes prêtent à des interprétations multiples qui sont tout à fait recevables. J'aurais pour ma part une interprétation de féministe. Je crois, qu'au lieu de nous satisfaire ce qui nous est présenté, nous avons intérêt à explorer le maximum de pistes possibles. Le meilleur moyen de ne pas encourir la censure, c'est d'aller très loin dans la mise en place des dispositifs, car je n'imagine pas qu'un juge constitutionnel sanctionne l'ensemble des dispositifs. J'en profiterais donc pour faire adopter un maximum de mesures.

En ce qui concerne les questions de seuil, je suis tout à fait d'accord sur le fait que la loi puisse, sans encourir de risque de censure, abaisser le seuil. Au demeurant, sans apporter de modifications, pourquoi ne pas prendre comme seul critère le scrutin de liste, ce qui concernerait les communes de 2 500 habitants et au-delà. En l'état actuel du projet, dans la mesure où il n'y a pas d'ordre sur la liste et où les électeurs peuvent rayer des noms, panacher, etc., il peut n'en résulter aucun changement. Cela ne contribuera donc pas à réaliser la parité, mais pourquoi pas ? Ce qui changerait les choses, ce serait d'adopter l'alternance, ce que je souhaite.

Après tout, l'on peut établir des distinctions objectives selon les modes de scrutins. Tout cela me paraît totalement recevable et possible juridiquement, même si la liberté laissée à l'électeur de modifier la liste ne permet pas en fin de compte d'atteindre la parité.

Quant aux élections cantonales, je ne partage pas le point de vue de M. Guy Carcassonne, car j'ai une affection toute particulière pour les scrutins uninominaux. A défaut de pouvoir instituer un binôme - tant pis pour le Pacs -, j'ai trouvé la proposition de loi de Mme Marie-Jo Zimmermann - l'institution de suppléances - extrêmement intéressante. Cela relève de votre appréciation politique, mais je regretterais en effet que les élections cantonales ne figurent pas dans le texte, et il me semble que l'instauration d'une suppléance serait une bonne chose.

Mme la Présidente : S'il n'y a pas de sanction, on risque de cantonner les femmes dans les suppléances.

Mme Catherine GÉNISSON : Monsieur Carcassonne, les élections cantonales peuvent-elles actuellement constituer un critère à prendre en compte pour le financement des partis politiques ? Dans l'affirmative, est-il possible d'introduire cette disposition dans ce projet de loi ?

Quant à la "récupération" de l'argent que les "mauvais" partis politiques rendraient à l'Etat, je suis tout à fait favorable au "fléchage" de cette somme. Mais cette réaffectation devra-t-elle s'effectuer sur la seconde partie du financement des partis politiques ?

M. Guy CARCASSONNE : Le « fléchage » se ferait effectivement sur la seconde fraction de l'aide publique, c'est-à-dire que les sommes récupérées ainsi seraient versées aux partis représentés au Parlement au prorata du nombre de femmes élues.

En ce qui concerne les élections cantonales, la manière simple de les réintroduire dans le dispositif consisterait à ajouter, dans la loi du 11 mars 1988, une condition supplémentaire pour être bénéficiaire du financement public. Mais cela n'est pas commode. Techniquement, le risque serait très fort de voir se multiplier dans les départements un grand nombre de groupements politiques éphémères qui seraient le "faux nez" de partis politiques et qui se seraient constitués uniquement pour pouvoir échapper à certaines contraintes. Et comme j'imagine mal que la sanction puisse être la suppression pure et simple du financement public des partis, je redoute que cette réponse, techniquement possible, ne crée des effets politiquement pervers.

Mme la Présidente : Je ne vois pas pourquoi l'on ne pourrait pas sanctionner les partis nationaux.

M. Guy CARCASSONNE : Le principe serait que les partis qui présentent des candidats aux élections cantonales devraient respecter la parité 50/50. Le parti socialiste, par exemple, s'il ne peut ou ne veut se plier à cette règle, ne présentera pas de candidat dans un ou plusieurs départements

M. Bernard ROMAN : Ou les candidats se présenteront sous l'étiquette du "mouvement des socialistes des Pyrénées-Atlantiques". Toutes les femmes candidates socialistes dans les Pyrénées-Atlantiques se présenteront sous l'étiquette du parti socialiste, et les hommes sous celle du "mouvement des socialistes des Pyrénées-Atlantiques".

M. Guy CARCASSONNE : Et comme la loi ne pourra pas obliger le parti socialiste à présenter des candidats dans les Pyrénées-Atlantiques, la loi sera détournée.

Mme Laure ORTIZ : Et si l'on prévoit un mécanisme d'incitation lié aux résultats des élections cantonales ?

Mme la Présidente : La sanction aux élections législatives étant forte sur la première fraction de l'aide publique, on peut imaginer que cette « cagnotte » soit redistribuée sous forme incitative aux élections cantonales. Si les partis veulent récupérer une partie de la « cagnotte », ils ont intérêt, non seulement à présenter des candidats affiliés à leur parti, mais également à présenter des femmes.

M. Guy CARCASSONNE : Et non ! Justement, avec ce système, ils n'ont pas intérêt à présenter de femmes. En effet, si la sanction est trop forte, plus personne ne s'y exposera, ce qui est d'ailleurs une excellente chose. Les grands partis ne prendront pas le risque de se faire retirer de l'argent aux élections législatives pour ensuite le récupérer à l'occasion des élections cantonales.

Ils appliqueront donc la loi pour les élections législatives, au moins en termes de candidature, ce qui ne sera pas difficile, et les élections cantonales ne seront plus leur problème ; il n'y aura donc pas un centime pour abonder les élections cantonales.

Mme Laure ORTIZ : Toutes les objections que nous formulons tendent à exclure totalement les élections cantonales. Et la remarque qui vient d'être faite en ce qui concerne l'incitation est justifiée.

Je persiste cependant à soutenir la proposition du « ticket », car en désespoir de cause, c'est la seule solution. J'étais favorable à l'idée d'un binôme, mais l'on nous dit qu'il ne faut pas toucher à la délimitation des circonscriptions ; or il faudrait les réduire pour instaurer un binôme.

Il y a un risque réel de confiner les femmes dans la suppléance. Mais il y a aussi un aspect positif : cela créera des fonctions nouvelles pour les femmes qui, en tant que suppléantes, vont rentrer dans la vie politique locale et se retrouver ainsi dans une position beaucoup plus favorable pour les élections suivantes.

Mme Marie-Jo ZIMMERMANN : On constate, au niveau des élections cantonales, un renouvellement régulier ; s'il y a une suppléance, cela évite, d'une part, une élection, et, d'autre part, cela permet de renouveler le personnel politique. A l'heure actuelle, il y a régulièrement des élections cantonales partielles ; ma proposition est née de mon expérience de parlementaire ; j'ai en effet observé qu'il ne se passait pas une semaine sans que se déroule une élection cantonale partielle. Or si les suppléants étaient des femmes, cela permettrait de féminiser les conseils généraux.

Le second avantage de cette proposition, c'est de faire agir ces femmes suppléantes sur le terrain. Etre suppléante d'un conseiller général dépasse le statut de membre d'une association ; or les femmes savent s'investir dans les associations. Pourquoi ne le feraient-elles pas en politique ?

Mme Laure ORTIZ : Pour en revenir aux élections municipales, l'abaissement du seuil ne pose aucune problème juridique.

M. Michel HERBILLON : Cela modifie le mode de scrutin.

Mme Laure ORTIZ : Il y a deux possibilités pour élargir l'obligation de parité aux élections municipales. Soit abaisser le seuil de 3 500 à 2 500 habitants ou 2 001 - ce qui modifie le mode de scrutin-, soit...

M. Bernard ROMAN : Au-dessus de 2 500 habitants, ce sont des listes complètes, en dessous il existe une possibilité de listes incomplètes avec panachage. Ce que l'on propose, c'est la proportionnelle pour les communes de plus de 2 500 habitants.

Mme Catherine GÉNISSON : Je voudrais préciser qu'entre 2 500 et 3 500 habitants, la liste doit être complète mais qu'un panachage est possible.

Mme Laure ORTIZ : ...la seconde possibilité, qui ne modifie pas cette fois-ci le mode de scrutin, consiste tout simplement à imposer l'obligation de parité pour les communes de plus de 2 500 habitants, c'est-à-dire pour les communes qui ont un mode de scrutin de liste. Alors l'électeur panache s'il le souhaite ; il peut même enlever toutes les femmes si cela lui fait plaisir : ça ne fait rien -c'est le risque- et vous savez très bien qu'il ne le fera pas.

Concernant les élections municipales, des améliorations peuvent être apportées sans modifier le mode de scrutin.

Enfin, je partage le point de vue de M. Guy Carcassonne sur la pénalisation des parts. Je pense qu'une pénalisation portant sur la première fraction de l'aide serait la moins aléatoire. Je regrette que l'on ne puisse pas ponctionner la seconde fraction puisqu'elle tient compte des élus au Parlement, c'est-à-dire également des sénateurs. Il y avait, par ce biais, un moyen d'influer sur les élections sénatoriales. Trouver un cocktail et ponctionner à la fois la première et la seconde fraction pourrait donc être intéressant, car ce serait le seul moyen d'atteindre les élections sénatoriales.

M. Bernard ROMAN : Mme Laure Ortiz n'a pas répondu sur le risque d'inconstitutionnalité tenant à la situation différente des deux collèges de sénateurs en raison de l'obligation imposée à un seul de ces collèges d'appliquer la parité.

Le Conseil constitutionnel, semble-t-il, n'a jamais été saisi de ce qui peut apparaître comme une anomalie : une assemblée élue suivant deux modes de scrutin. S'il y avait une saisine du Conseil constitutionnel sur cette obligation de parité pour les élections sénatoriales à la proportionnelle, y aurait-il un risque d'inconstitutionnalité ?

Mme Laure ORTIZ : J'aurai tendance à penser qu'il n'y a pas de risque. Je ne suis pas M. Guy Carcassonne et je ne peux pas décerner un label de constitutionnalité sur la base d'un optimisme fondamental ! Je pense vraiment que si des juges sont heurtés par la parité, ils trouveront sans aucun problème l'argumentaire juridique ; je me sentirais même tout à fait capable de le construire !

Mme Catherine GÉNISSON : Pour les communes entre 2 500 et 3 500 habitants, apparemment la loi pourrait s'appliquer en tant que telle. On sait qu'il n'y a pas de dépôt de listes obligatoire : n'est-il pas possible de détourner la loi dans ces communes en ne déposant quasiment plus de listes ?

Mme Laure ORTIZ : J'ai là un problème de mémoire. Mais il me semble bien qu'à partir de 2 500 habitants, la liste est obligatoire.

Mme Catherine GÉNISSON : Non, il y a juste une obligation de liste complète.

Mme Marie-Cécile MOREAU : Personnellement, je crois que c'est la conviction intime qui, finalement l'emporte chez le juriste. Or ma conviction intime, c'est que nous revenons quelque peu en arrière ; on mélange le débat antérieur à la révision constitutionnelle avec celui d'aujourd'hui, qui est tout de même limité. Si l'on ne se resitue pas uniquement dans le cadre des articles 3 et 4 de la Constitution, il est certain que l'on risque de déraper.

Je ne méconnais pas que l'application des principes constitutionnels doive être respectée par la nouvelle loi. Mais le législateur a également inscrit de nouveaux principes lors de la réforme constitutionnelle, à l'article 3, celui de l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Le principe inscrit à l'article 4, relatif à la libre formation et à la libre activité des partis politiques, a subi, quant à lui, une entorse lors de la réforme constitutionnelle par l'insertion de l'alinéa 2, selon lequel les partis politiques doivent contribuer à la mise en _uvre du principe d'égal accès.

Dans ce contexte général, je souhaite que les dispositifs fonctionnent mais j'examine les difficultés possibles, et je pense qu'elles sont tout de même d'ordre constitutionnel.

Mais revenons aux deux questions précises qui ont retenu mon attention. En ce qui concerne les communes de 100 à 2 500 habitants, il n'y a aucun problème ; en effet, les candidatures isolées sont autorisées. Le problème se pose donc pour les communes de plus de 2 500 et de moins de 3 500 habitants. La césure à 2 500 habitants figure dans le code électoral qui prévoit des dispositions différentes selon le nombre d'habitants des communes ; il n'est donc pas totalement impossible d'abaisser le seuil de 3 500 habitants envisagé dans le projet de loi à celui de 2 500 habitants. Mais est-ce nécessaire ? Voilà la question.

Le code électoral ne dit pas qu'il faut une liste dans les communes de plus de 2 500 et de moins de 3 500 habitants. Il est seulement précisé que les électeurs doivent trouver à leur disposition un bulletin dans les bureaux de vote.

Mme la Présidente : Je vous lis le texte exact de l'article L-256 du code électoral : "Pour toutes les communes de 2 500 habitants et au-dessus les candidatures isolées sont interdites. Et les bulletins distribués aux électeurs doivent comporter autant de noms qu'il y a de sièges à pourvoir."

A partir de cette précision, notre question est la suivante : peut-on compléter le premier alinéa de l'article L-256 du code électoral par les mots suivants : "et autant de femmes que d'hommes."

Mme Marie-Cécile MOREAU : La réponse n'est pas aussi simple que cela parce que le mot "bulletin" n'est pas le synonyme du mot "liste". Il faudrait donc tout d'abord changer le mot "bulletin" par celui de "liste".

Je crois qu'en effet il conviendrait d'abaisser le seuil à 2 500 habitants.

M. Bernard ROMAN : Soit l'on oblige les listes de 2 500 à 3 500 habitants à être paritaires, soit l'on modifie la loi électorale en disant "le mode de scrutin de listes à la proportionnelle s'applique à compter du seuil de 2 500 habitants."

Mme Marie-Cécile MOREAU : Monsieur Roman, si votre interprétation du mot "liste" était bonne, il n'y aurait aucun problème, puisque la loi s'appliquerait automatiquement comme pour les communes de plus de 3 500 habitants. Le problème est qu'un "bulletin" n'est pas une "liste" ; il n'a pas la même signification juridique.

Mme la Présidente : Je vous cite le 2ème alinéa de l'article L-256 : "Les électeurs conservent le droit de déposer dans l'urne des bulletins dont la liste est incomplète."

Mme Marie-Cécile MOREAU : Tout à fait, l'électeur a le droit de barrer, sur le bulletin, des noms faisant partie d'une liste de noms.

M. Bernard ROMAN : L'on peut donc rajouter l'obligation, pour les communes de plus de 2 500 habitants, de présenter des listes paritaires.

Mme Marie-Cécile MOREAU : Non, car si vous rajoutez cela, ipso facto vous faites sauter la césure qui, selon la loi, est à 3 500 habitants et non pas à 2 500 habitants.

Mme Laure ORTIZ : Est-ce bien certain au vu de l'article L-254 du code électoral qui concerne les scrutins de listes ?

Mme Marie-Cécile MOREAU : Il ne s'agit pas de la même chose : ce texte est relatif à l'élection des membres du conseil municipal.

M. Michel HERBILLON : Madame Moreau, que préconisez-vous pour que la parité s'applique à partir de 2 500 habitants ?

Mme Marie-Cécile MOREAU : Tout d'abord, il convient de ne pas tordre les textes ; dans les communes entre 2 500 et 3 500 habitants, ce n'est pas le scrutin de liste qui s'applique.

Je préconiserai d'abaisser le seuil de 3 500 à 2 500 habitants. Bien entendu, cela change le mode d'élection, mais, à mon avis, ce n'est pas très coûteux. Et je ne vois pas quelle objection le Premier ministre pourrait émettre, même s'il a précisé qu'il ne changerait pas le mode de scrutin ; il s'agit en effet d'un changement à l'intérieur d'un même mode de scrutin, celui des élections municipales.

Or l'on veut un résultat. La volonté politique ne doit pas se cantonner au symbole ; il convient d'aboutir et de manière pragmatique ; faisons une évaluation de ce que coûterait cette modification.

M. Michel HERBILLON : Sur le plan juridique, si l'on procède à la modification du chiffre de la césure pour les élections municipales, cela signifie-t-il que c'est le scrutin, aujourd'hui applicable aux communes de plus de 3 500 habitants, qui s'appliquera ?

M. Marie-Cécile MOREAU : Absolument.

J'ajouterai, pour être complète sur ce sujet, qu'en revanche, abaisser le seuil à 2 001 habitants poserait un problème, puisque cette césure ne figure pas dans le code électoral.

Je voudrais maintenant revenir sur la question du financement des partis. Je suis favorable à la pénalisation. Pourquoi ? Parce que nous avons procédé à une réforme constitutionnelle qui a introduit à l'article 4 une obligation pour les partis. Je ne vois pas pourquoi nous devrions redistribuer la "cagnotte" entre les partis qui respecteraient la loi ; nous mélangerions alors pénalisation et récompense. Pourquoi donner une sorte de prime aux partis qui appliquent la loi ? Aucun principe constitutionnel ne prévoit de récompenser un citoyen ou un parti qui respecte la loi !

En revanche, je suis favorable à la réaffectation de ces crédits pour des actions en faveur de la parité, pour mener des campagnes de sensibilisation ou effectuer des missions d'évaluation, par exemple.

M. Michel HERBILLON : Quelles sont vos préconisations en ce qui concerne les élections cantonales ?

Mme Marie-Cécile MOREAU : Il s'agit d'une question que je suis actuellement en train d'approfondir, tout simplement parce que la loi passe sous silence les élections cantonales. Contrairement à l'optimisme de Mme Laure Ortiz, je ne suis pas du tout sûre que nous ne craignions rien du point de vue constitutionnel.

Ce qui me paraît délicat, c'est que ces dispositions nouvelles sont prises sans limitation dans le temps ; il s'agit là d'un point qui peut poser problème au juge constitutionnel, car cela consacre une inégalité entre les femmes elles-mêmes.

Chaque fois que la jurisprudence du Conseil constitutionnel a eu à s'exprimer sur des questions d'égalité, elle a pris en considération leur caractère provisoire ou définitif. L'égalité était respectée si elles étaient provisoires. Quand, en 1994, l'on a changé la date des élections municipales, pour qu'elle ne corresponde pas avec la date des élections présidentielles, le Conseil constitutionnel a retenu le caractère exceptionnel de cette disposition et l'a donc déclarée valable. Mais si une loi modifie définitivement un principe, il n'est pas sûr que le Conseil constitutionnel réagisse de la même manière.

Monsieur Herbillon, je n'ai pas de réponse à vous faire pour les élections cantonales. Je serais assez d'accord avec les propositions de M. Guy Carcassonne, mais il n'était pas très sûr de lui non plus !

Mme la Présidente : Mesdames, monsieur, nous vous remercions infiniment d'avoir accepté notre invitation.

Annexe 3

Associations ayant communiqué leurs observations écrites

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Paris, le 9 décembre 1999

Madame Martine LIGNERES CASSOU

Présidente de la délégation aux Droits

des femmes et à l'égalité des chances entre les

hommes et les femmes à l'Assemblée

nationale

SU/MC

Madame la Présidente,

Nous vous félicitons pour votre élection à la présidence de la délégation aux Droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes à l'Assemblée nationale, et vous adressons tous nos voeux pour accomplir avec succès la mission qui vous a été confiée.

Nous vous adressons le communiqué de presse remis à l'AFP ce jour, sur le projet de loi sur l'égalité entre les femmes et les hommes en politique.

Nous comptons beaucoup sur le débat parlementaire pour amender ce projet de loi important mais insuffisant à nos yeux dans sa rédaction actuelle et nous sommes prêtes à vous rencontrer pour développer notre position si vous le souhaitez.

L'UFCS, qui a une expérience de terrain, a mobilisé tout son réseau pour participer à la préparation des candidates aux élections municipales de 2001 et souhaite que soit rapidement votée une loi permettant les résultats positifs que nous attendons.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, toute notre considération.

Sylvie ULRICH

Présidente

Paris, le 8 décembre 1999

COMMUNIQUE DE PRESSE

LOI SUR L'EGALITE FEMMES/HOMMES EN POLITIQUE

Depuis le premier vote des femmes en 1946, alors que de nombreuses lois ont été votées pour réparer des injustices flagrantes concernant les droits propres et civils des femmes, aucune proposition de loi qui annule l'injustice concernant l'absence des femmes en politique n'avait pu aboutir.

Aussi l'UFCS se réjouit-elle qu'un projet de loi pour la parité soit proposé au débat au Parlement dans les semaines qui viennent.

L'UFCS, qui s'est battue pour la modification de la Constitution, réaffirme que seule une loi exigeante peut véritablement transformer la composition des assemblées élues.

_ Elle affirme que le principe de parité 50/50 s'applique à toutes les élections, et approuve l'irrécevabilité des listes qui ne respecteront pas la parité.

_ Elle approuve également les sanctions financières pour les scrutins uninominaux

_ à condition que le nombre d'élues soit également pris en compte

_ à condition que la loi sur le financement des partis soit révisée pour prendre en compte les conseils généraux absents de la loi alors qu'ils ne comportent que 5,1 % de femmes.

_ Elle demande l'application du principe de l'alternance entre les femmes et les hommes pour l'ensemble des scrutins de liste.

_ Elle demande une révision du code électoral également pour les communes de moins de 3500 habitants (34.000 communes sur 36 600 ne sont pas actuellement concernées par le projet).

_ Elle insiste pour que la réforme concerne également le cumul des mandats et le statut de l'élu, toujours repoussés, alors qu'ils sont indispensables pour rendre la loi efficace.

En conclusion, cette loi est un progrès mais elle peut et doit être améliorée lors du débat.

Les critiques concernant « l'impossibilité de trouver des femmes », le risque « d'avoir des femmes potiches, incompétentes » sont réversibles : les hommes potiches, incompétents existent aussi...

Nous encourageons les femmes (qui sont beaucoup plus compétentes qu'on le laisse entendre) à refuser les places en fin de listes car sans les femmes, les listes seront irrecevables. Les partis politiques devront le prendre en compte.

Sylvie ULRICH

Présidente

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1 Le compte rendu intégral de ces auditions figure en annexe.

2 Les éléments chiffrés reproduits ici (sauf celui concernant le Parlement européen) sont tirés d'un document du Parlement européen : « Incidences variables des systèmes électoraux sur la représentation politique des femmes - mars 1997 ».

3 Ce chiffre prend en compte les élections de1999.