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N° 2249

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 15 mars 2000.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,

FAMILIALES ET SOCIALES(1)

sur

la réforme de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975

relative aux institutions sociales et médico-sociales

et présenté

par M. Pascal TERRASSE

Député.

___

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Institutions sociales et médico-sociales.

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; MM. Jean-Michel Dubernard, Jean-Paul Durieux, Jean-Pierre Foucher, Maxime Gremetz, vice-présidents ; Mme Odette Grzegrzulka, MM. Denis Jacquat, Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; MM.  Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux, MM. Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, MM. Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Baeumler, Pierre-Christophe Baguet, Jean Bardet, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Mmes Huguette Bello, Yvette Benayoun-Nakache, MM. Serge Blisko, Patrick Bloche, Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. Jean-Claude Boulard, Bruno Bourg-Broc, Mme Christine Boutin, MM. Jean-Paul Bret, Victor Brial,  Yves Bur, Alain Calmat, Pierre Carassus, Pierre Cardo, Mme Odette Casanova, MM. Laurent Cathala, Jean-Charles Cavaillé, Bernard Charles, Michel Charzat, Jean-Marc Chavanne, Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Georges Colombier, François Cornut-Gentille, René Couanau, Mme Martine David, MM. Bernard Davoine, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Marcel Dehoux, Jean Delobel, Laurent Dominati, Jean-Jacques Denis, Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, MM. Julien Dray, Guy Drut, Nicolas Dupont-Aignan, Yves Durand, René Dutin, Christian Estrosi, Claude Evin, Jean Falala, Jean-Louis Fousseret, Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, MM. Germain Gengenwin, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Giran, Michel Giraud, Gaëtan Gorce, Jean-Claude Guibal, Jean-Jacques Guillet, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M. Francis Hammel, Mme Cécile Helle, MM. Pierre Hellier, Michel Herbillon, Guy Hermier, Mmes Françoise Imbert, Muguette Jacquaint, MM. Jacky Jaulneau, Serge Janquin, Armand Jung, Bertrand Kern, Christian Kert, Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, MM. Jacques Lafleur, Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lasbordes, Mme Jacqueline Lazard, MM. Michel Lefait, Maurice Leroy, Patrick Leroy, Gérard Lindeperg, Patrick Malavieille, Mme Gilberte Marin-Moskovitz, MM. Noël Mamère, Alfred Marie-Jeanne, Mme Jacqueline Mathieu-Obadia, M. Didier Mathus, Mme Hélène Mignon, MM. Jean-Claude Mignon, Pierre Morange, Hervé Morin, Renaud Muselier, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Yves Nicolin, Bernard Outin, Dominique Paillé, Michel Pajon, Jean-Pierre Pernot, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Bernard Perrut, Pierre Petit, Mme Catherine Picard, MM. Jean Pontier, Jean-Luc Préel, Alfred Recours, Gilles de Robien, Mme Chantal Robin-Rodrigo, MM. François Rochebloine, Marcel Rogemont, Yves Rome, Jean Rouger, Rudy Salles, André Schneider, Bernard Schreiner, Patrick Sève, Michel Tamaya, Pascal Terrasse, Gérard Terrier, André Thien Ah Koon, Mme Marisol Touraine, MM. Anicet Turinay, Jean Ueberschlag, Jean Valleix, Alain Veyret, Philippe Vuilque, Jean-Jacques Weber, Mme Marie-Jo Zimmermann.

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : LE CHAMP SOCIAL ET MÉDICO-SOCIAL 7

A. LES ÉTABLISSEMENTS ET SERVICES RELEVANT DE LA LOI OU CLASSÉS "INNOVANTS OU EXPÉRIMENTAUX" 7

B. LE CADRE LÉGISLATIF ACTUEL 10

1. Les orientations et principes fondateurs de la loi 10

2. Les évolutions majeures : les lois de 1983 et de 1986 12

3. Les évolutions résultant d'autres textes que les lois de décentralisation 20

DEUXIÈME PARTIE : LES MOTIFS DE LA RÉFORME 21

A. AFFIRMER LE CARACTÈRE DE SERVICE PUBLIC DE L'ACTION SOCIALE ET MÉDICO-SOCIALE 21

B. PLACER L'USAGER AU C_UR DU DISPOSITIF 22

C. ADAPTER LES ACTIONS AUX RÉALITÉS NOUVELLES AINSI QU'AUX NOUVEAUX MODES DE PRISE EN CHARGE 23

D. METTRE EN PLACE LES OUTILS DE COORDINATION ET DE COOPÉRATION ENTRE LES DIVERS ACTEURS CONCERNÉS 23

TROISIÈME PARTIE : LES ATTENTES DES ACTEURS DU SECTEUR SOCIAL ET MÉDICO-SOCIAL 25

A. AMÉLIORER LA CONNAISSANCE STATISTIQUE DU SECTEUR MÉDICO-SOCIAL 25

B. RÉPONDRE À LA QUESTION DE LA LONGÉVITÉ 26

C. ORGANISER LA SOLVABILISATION DES PERSONNES ÂGÉES. 27

D. LA PRISE EN COMPTE PAR LA LOI DES STRUCTURES NON TRADITIONNELLES OU EXPÉRIMENTALES. 30

1. La diversification des modes de prise en charge 30

2. L'accueil séquentiel et l'accueil temporaire 31

3. Les foyers à double tarification (FDT) 32

E. LA RECONNAISSANCE PAR LA LOI DE L'AIDE À DOMICILE. 33

1. Un secteur désormais partagé entre l'aide sociale et le service à but lucratif 33

2. Une intégration dans la loi devrait clarifier les situations respectives des deux champs 33

F. L'INTÉGRATION EN MILIEU ORDINAIRE DES PERSONNES HANDICAPÉES. 34

1. L'intégration scolaire des jeunes handicapés 35

2. L'intégration en milieu ordinaire 36

3. La réinsertion professionnelle des personnes handicapées psychiques 37

G. LA QUESTION DES PERSONNELS 38

H. LA FRONTIÈRE ENTRE LE SANITAIRE ET LE SOCIAL 40

I. LA PRISE EN COMPTE PAR LA LOI DU HANDICAP SOCIAL 42

CONCLUSION : LES ORIENTATIONS SUGGÉRÉES PAR LA MISSION D'INFORMATION 45

EXAMEN EN COMMISSION 57

ANNEXE : AUDITIONS EFFECTUÉES PAR LA MISSION. 61

INTRODUCTION

Depuis 1995, le principe d'une réforme de la loi n° 1975-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales est acquis. Malgré vingt et une modifications en vingt-cinq ans, ce texte nécessite, à l'évidence une réorganisation de fond à laquelle s'est attelée la direction de l'action sociale (DAS) du ministère de l'emploi et de la solidarité.

La commission des affaires culturelles, familiales et sociale ne s'est pas résignée à attendre passivement le dépôt souvent annoncé mais toujours retardé du projet de loi opérant cette refonte. Sur l'initiative de son président, Jean Le Garrec, elle a décidé le 22 juin 1999 de créer en son sein une mission d'information ayant pour but de préparer très en amont l'examen de ce projet.

Il s'agissait pour la mission, composée de neuf députés de tous les groupes politiques (M. Pascal Terrasse, président et rapporteur, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, M. Yves Bur, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M. Francis Hammel, Mme Gilberte Marin-Moskovitz, Mme Hélène Mignon, M. Bernard Outin, M. Bernard Perrut) de procéder à sa propre évaluation des objectifs et du contenu d'une réforme de la loi de 1975.

La mission a procédé, en l'espace de neuf mois, à plus de quarante auditions (cf. annexe en fin de volume). Elle a donc pu entendre toutes les sensibilités sur la question de la réforme de la loi du 30 juin 1975. L'hétérogénéité du secteur social et médico-social justifie pleinement cette démarche.

La mission s'est largement appuyée sur le rapport de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) de décembre 1995, intitulé : Bilan d'application de la loi du 30 juin 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales, présenté par Marie-Françoise Guerrin, Marie-Thérèse Join-Lambert, Suzanne Morla et Daniel Vilain. La mission n'a au demeurant pas la prétention d'égaler ce travail qui est proche de l'exhaustivité. Elle s'en différencie par une actualisation ainsi que part le nombre des organismes et personnes entendues.

La mission a pu également travailler à partir de documents préparatoires établis par la DAS. Elle approuve globalement les propositions contenues dans ces documents et cela d'autant plus que la loi en vigueur y est entièrement repensée. Elle n'en fait pas moins des suggestions qui lui ont paru de nature à améliorer le texte proposé.

PREMIÈRE PARTIE : LE CHAMP SOCIAL ET MÉDICO-SOCIAL

Il paraît nécessaire de présenter le champ social et médico-social et son cadre législatif

A. LES ÉTABLISSEMENTS ET SERVICES RELEVANT DE LA LOI OU CLASSÉS "INNOVANTS OU EXPÉRIMENTAUX"

Au sens de la loi du 30 juin 1975, sont des institutions sociales et médico-sociales tous les organismes publics ou privés qui, à titre principal et d'une manière permanente :

- mènent, avec le concours de travailleurs sociaux, d'équipes pluridisciplinaires, des actions à caractère social ou médico-social, notamment des actes d'information, de prévention, de dépistage, d'orientation, de soutien, de maintien à domicile ;

- accueillent, hébergent ou placent dans des familles des mineurs ou des adultes qui requièrent une protection particulière ;

- reçoivent des jeunes travailleurs ;

- hébergent des personnes âgées.

Par ailleurs, plusieurs catégories de structures ou services se sont créées ou développées qui ne sont pas actuellement prises en compte par la loi qui font l'objet d'un développement plus loin.

Quelques chiffres sont indispensables pour donner la mesure des capacités d'accueil du secteur. Le chiffrage dans le secteur médico-social est parfois laborieux, aussi, les données présentées ici n'ont aucune prétention à l'exhaustivité.

Le domaine médico-social peut être, de façon quelque peu artificielle il est vrai, divisé en quatre grands « secteurs » :

- l'enfance ;

- le handicap physique et/ou mental ;

- le handicap social ;

- le vieillissement.

Protection de l'enfance

 

Lits, places installés au 1.01.1998 par catégorie d'établissement - Taux d'équipement

 

Source : DRASS - Enquête ES - FINESS - Ministère justice

 
   

Catégorie d'établissement

FRANCE

   

Établissements aide sociale à l'enfance

 

Etablissement d'accueil mère-enfant

3 795

Pouponnière à caractère social

626

Foyer de l'enfance

9 643

Maison d'enfants à caractère social

41 702

Centre de placement familial social

10 848

Autres

147

Etab. d'hébergement du Ministère de la Justice pour mineurs

1 726

   

Autres et expérimentaux

3 062

   

Taux équipement lits étab. aide sociale enfance / 1 000 jeunes de - de 20 ans

4,41

   

France au 1.01.1997 : taux d'équipement en lits dans les établissements d'aide sociale à l'enfance pour 1000 jeunes de moins de 20 ans : 4,46

 

Accueil enfance et jeunesse handicapées

 

lits, places installés au 1.01.1998 par catégorie d'établissement éducation spéciale-Taux d'équipement

 

Source : DRASS - Enquête ES - FINESS

 
   

Établissements pour :

FRANCE

   
   

Déficients mentaux nb étab.

1 169

nb lits

69 600

Polyhandicapés nb étab.

175

nb lits

5 396

Troubles comport. nb étab.

345

nb lits

16 275

Handicapés moteurs nb étab.

121

nb lits

7 347

Déficients sensoriels nb étab.

134

nb lits

9 645

SESSD* nb places

15 806

Autres et expériment. nb places

2 082

Taux d'équipement global en lits-places d'enfants handicapés/

 

1000 jeunes de - de 20 ans

0 08

France au 1.01.1997 : taux d'équipement global en lits, places d'enfants

 

d'enfants handicapés pour 1 000 jeunes de moins de 20 ans : 8,38

18

* Service d'éducation spéciale et de soins à domicile

Accueil des adultes handicapés

 

Lits ou places installés au 1.01.1998 par catégorie d'établissement

 

Source : DRASS - Enquête ES - FINESS

 
   

Catégorie d'établissement

FRANCE

   
   

Établissements d'hébergement

 

Foyer d'hébergement nb étab.

1 233

nb lits

37 117

Maison accueil spécialisée nb étab.

309

nb lits

13 295

Foyer occupationnel nb lits

29 512

Foyer à double tarification nb lits

6 286

Établissements de travail protégé

 

Centre aide par le travail nb étab.

1 299

nb places

87 965

Atelier protégé nb étab.

435

nb places

14 065

Établissements et services de réinsertion professionnelle

 

nb étab.

104

nb places

10 133

Autres et expérimentaux nb places

2 321

Accueil des personnes âgées

 

Taux d'équipement au 1.01.1998 pour 1 000 habitants de 75 ans et plus

 

Source : DRASS - Enquête EHPA - FINESS

 

Équipement

FRANCE

   

Taux d'équipement en structures d'hébergement pour personnes âgées

144,82

(lits maison de retraite, logements de logements-foyers, lits hébergement temporaire)

 
   

Taux d'équipement en places de services de soins à domicile

14,95

   

Taux d'équipement en lits médicalisés

58,22

(lits en section de cure médic. En maison de retraite et logements-foyers, lits de soins de longue durée

 
   

France au 1.01.1997 : taux d'équipement en structures d'hébergement : 146,38 lits

 

taux d'équipement en services de soins à domicile : 14,72 places

 

taux d'équipement en lits médicalisés : 56,99 lits

 

Sources : INSEE STATISS.

Le tableau présenté ci-dessous permet de comparer les différents postes de dépenses d'assurance maladie.

Objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM)

au sens de la loi de financement de la sécurité sociale

(en milliards de francs ; évolution n/n-1 en %)

 

LFSS 1997

Exécution 1997

LFSS

1998

Exécution 1998

LFSS

1999

Exécution 99 (prévision)

LFSS

2000

Métropole

586,8

(1,6 %)

585,9

(1,5 %)

598,8
(2,2 %)

608,7

(3,9 %)

613,9

(2,5 %)

627,5

(3,1 %)

641,4
(2,5 %)

Dont

- Soins de ville

261,8

(2,0 %)

261,3

(1,8 %)

267,5
(2,2 %)

276,2

(5,7 %)

274,7

(2,4 %)

287,7

(4,2 %)

292,1
(2,0 %)

- Hôpitaux publics

242,8

(-0,1 %)

243,5

(0,2 %)

248,4
(2,2 %)

247,5

(1,6 %)

254,0

(2,5 %)

253,5

(2,4 %)

260,1
(2,4 %)

- Cliniques privées

41,9

(9,2 %)

40,6

(5,9 %)

41,4
(1,5 %)

42,0

(3,4 %)

41,3

(1,9 %)

41,6

(-0,9 %)

42,3
(2,2 %)

- Médico-social

40,2

(2,3 %)

40,4

(2,8 %)

41,5
(3,2 %)

43,0

(6,4 %)

43,9

(3,7 %)

44,7

(4,0 %)

46,9

(4,9 %)

Français à l'étranger

0,8

0,9

0,9

1,2

0,9

1,2

1,2

DOM

12,4

12,7

13,3

13,6

13,9

14,3

14,9

Marge résiduelle

0,2

0

0,9

0

1,2

0

0,8

ONDAM total

600,2

(1,7 %)

599,5

(1,5 %)

613,8

(2,3 %)

623,6

(4,0 %)

629,9

(2,6 %)

643,0

(3,1 %)

658,3

(2,5 %)

B. LE CADRE LÉGISLATIF ACTUEL

La loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales a fait l'objet de vingt et une modifications. Ne seront évoquées ici que la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat et la loi n° 86-17 du 6 janvier 1986 adaptant la législation sanitaire et sociale aux transferts de compétences en matière d'aide sociale et de santé, couramment nommée « loi particulière ».

1. Les orientations et principes fondateurs de la loi

Il convient de rappeler que la loi du 30 juin 1975, communément dénommée « loi sociale », voulait être le corollaire social d'une loi, sanitaire celle-ci : la loi n° 70-1318 du 31 décembre 1970 portant réforme hospitalière.

La loi sanitaire établissait une séparation entre les établissements à caractère strictement sanitaire chargés de l'exécution du service public hospitalier et les établissements à caractère strictement social. Cependant, les circonstances avaient conduit les hôpitaux à créer des hospices pour personnes âgées ou pour adultes handicapés ainsi que des services d'accueil d'enfants inadaptés ou confiés par l'aide sociale. La loi de 1970 se bornait à permettre aux hôpitaux l'exercice de ces activités à titre transitoire, en principe jusqu'en 1972. Cette situation ayant été reconduite par deux fois, la voie législative a été retenue pour déterminer un cadre stable.

La loi sociale consacre l'existence d'un secteur participant à la fois du sanitaire et du social : le secteur médico-social. Ainsi, la séparation des deux domaines demeurait respectée. Ceci trouve une illustration dans le fait que la médicalisation des maisons de retraite ne concerne qu'une part limitée de leur capacité par exemple.

La note ministérielle du 20 mars 1974 présentant le projet de loi relatif aux établissements sociaux et médico-sociaux, assignait au texte :

- la coordination des institutions ;

- leur statut et plus particulièrement celui des institutions à caractère public ;

- les moyens financiers mis à leur disposition.

Les deux axes principaux de cette loi concernent la coordination des interventions et la régulation du dispositif (les éléments propres à la définition du statut des institutions font l'objet d'un développement infra).

La nécessité de la coordination des interventions résulte de l'hétérogénéité même du domaine médico-social ainsi que de la diversité des intervenants et des publics concernés, diversité que montre bien l'énumération des structures figurant à l'article 1er de la loi.

L'article 2 distingue deux instruments de coordination :

- la constitution de groupements des organismes gestionnaires d'institutions sociales et médico-sociales ;

- la conclusion de conventions entre l'Etat et les groupements ou organismes gestionnaires.

L'article 6 (supprimé par une loi de 1991) portait création de deux commissions consultatives, nationale et régionale, saisies de tout projet visé à l'article 3.

La loi n'emportant pas d'obligation, fort peu de groupements ont été constitués.

L'instrument principal de régulation de la loi de 1975 est la soumission de la création ou de l'extension importante de certains établissements au régime de l'autorisation. Les établissements et services mentionnés à l'article 3 de la loi sont concernés par ce régime. L'autorisation constitue l'outil unique de la régulation qui, au demeurant, conserve une certaine souplesse.

2. Les évolutions majeures : les lois de 1983 et de 1986

C'est dans le domaine de la répartition des compétences que la loi n° 86-17 du 6 janvier 1986 adaptant la législation sanitaire et sociale aux transferts de compétences en matière d'aide sociale et de santé a le plus modifié le dispositif mis en place par la loi du 30 juin 1975.

A ce stade, quelques définitions peuvent faciliter la compréhension de ce qui va suivre :

- Autorisation de création

C'est l'acte unilatéral par lequel l'autorité compétente donne son accord pour la création d'un établissement.

- Autorisation de donner des soins

C'est l'acte unilatéral par lequel le préfet autorise un établissement ou un service à dispenser des soins remboursables aux assurés sociaux.

- Habilitation

C'est l'acte unilatéral par lequel l'autorité compétente décide que l'établissement social ou médico-social pourra recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale.

· Le pouvoir d'autorisation est désormais partagé

La tutelle exercée par une collectivité publique sur une autre se trouve supprimée. La création d'établissements publics locaux ou de services non personnalisés relève de la décision de la collectivité territoriale intéressée. L'article 18 de la loi prévoit cependant l'autorisation de l'Etat pour la création d'établissements : « Lorsque les prestations qu'ils fournissent sont de nature à être prises en charge par l'Etat au titre de l'aide sociale ou par des organismes de sécurité sociale, les décisions de création, de transformation ou d'extension sont soumises à autorisation délivrée par l'autorité compétente de l'Etat dans les conditions prévues à l'article 9 ».

Par ailleurs, l'article 9 dispose que les structures de droit privé sont autorisées par le président du conseil général s'il s'agit d'établissements visés aux 1° et 5° de l'article 3 ( établissements recevant des mineurs de l'aide sociale à l'enfance, centres de placements familiaux, établissements maternels, d'établissements recevant des personnes âgées, des adultes handicapés ou inadaptés). Lorsqu'il s'agit d'établissements médico-éducatifs pour jeunes handicapés ou inadaptés, d'établissements d'éducation spéciale, d'établissements d'aide par le travail ou de foyers pour jeunes travailleurs, la compétence est exclusivement celle de l'Etat. Enfin, les services auxquels l'autorité judiciaire confie directement et habituellement des mineurs relèvent d'une autorisation délivrée conjointement par le président du conseil général et le préfet.

En d'autres termes, les projets concernant des personnes âgées et des adultes handicapés relèvent de l'autorité du président du conseil général pour le seul domaine de l'hébergement. Les projets concernant des soins ou des prestations relevant d'un financement de la sécurité sociale relèvent de l'autorité préfectorale.

A cet égard, dans son rapport publié en décembre 1995 intitulé " La décentralisation en matière d'aide sociale ", la Cour des comptes constate : "Dans le domaine de l'aide sociale à l'enfance, la décision de placement en établissement ou en famille d'accueil continue d'appartenir concurremment au président du conseil général et à l'autorité judiciaire. Cette compétence concurrente maintient une situation traditionnelle dans ce domaine, même si le financement des établissements d'accueil n'appartient qu'au département.

Dans d'autres cas, la prise en charge d'un même bénéficiaire suppose la mise en place d'un ensemble de prestations relevant pour les unes de l'Etat ou de l'assurance maladie, pour les autres des départements. Tel est le cas de l'aide sociale aux personnes âgées et aux personnes handicapées. Le découpage opéré par la décentralisation a abouti, à ce que l'Etat et les départements soient conduits à intervenir de manière complémentaire, voire superposée ".

· Cette situation complexe met en évidence le besoin d'une instance de concertation

La loi du 6 janvier 1986 avait prévu la création d'un conseil départemental de développement social, mais la loi du 19 août 1986 a supprimé l'obligation de le créer. Elle lui a substitué une commission présidée par le président du conseil général, dont la mission consiste principalement à élaborer le schéma départemental des établissements médico-sociaux. Cette commission comprend notamment des représentants des institutions sanitaires et sociales, de leurs usagers, des professions de santé et des travailleurs sociaux. Elle peut être consultée par le préfet pour les parties du schéma relevant de sa compétence. Le rapport de l'IGAS ( décembre 1995) : Le bilan de l'application de la loi du 30 juin 1975 estime que : « l'inflexion par rapport aux options de la loi particulière est nette et ne favorise guère l'élaboration d'un schéma conjoint, ou au moins concerté, par les deux autorités, en dépit des exhortations de la loi particulière ».

· Les carences du schéma départemental

L'article 42 de loi du 22 juillet 1983 a imposé l'élaboration d'un schéma départemental. L'article 2-2 de la loi de 1975, introduit par la loi particulière et modifié par la loi du 11 décembre 1996 relative aux institutions sociales et médico-sociale et tendant à assurer une prise en charge adaptée de l'autisme, définit son contenu et la procédure de son élaboration.

Il s'agit, comme l'écrit M. Amédée Thévenet1, de préciser « la nature des besoins sociaux et notamment de ceux nécessitant des interventions sous forme de création d'établissements ou de services sociaux ou médico-sociaux, ou par une autre voie ».

Cependant, bien que son élaboration soit obligatoire, aucune sanction n'est prévue si le département ne s'exécute pas ; d'autre part, si le principe de la révision du schéma est posé, aucune périodicité n'est fixée ; enfin, le schéma départemental n'est opposable ni à l'autorité qui l'arrête, ni aux tiers. Dans ces conditions, il y a lieu de s'interroger sur l'absence d'effet normatif du schéma.

Dans un arrêt du 29 juillet 1994, le Conseil d'Etat a cependant « ouvert la brèche ». Il a, en effet, confirmé le bien-fondé d'une décision de refus de création d'une maison de retraite par le président du conseil général en considérant que celui-ci se fondait sur le fait que le schéma départemental ne faisait pas apparaître de déficit en lits pour personnes âgées dans le secteur géographique concerné et sur ce que le projet de la société ne répondait pas à un besoin dudit secteur.

· Les ambiguïtés de l'habilitation

Cette notion a été introduite par la loi du 22 juillet 1983.

Pour les établissements publics, non soumis à autorisation, l'habilitation à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale est délivrée soit par le président du conseil général, pour les établissements d'hébergement des enfants, des personnes âgées et des personnes handicapées, soit par le préfet pour les autres établissements. Pour mémoire, il faut rappeler que l'autorisation à dispenser des soins qui engagent des dépenses de sécurité sociale est toujours le fait du préfet. Ainsi, pour ces établissements, l'habilitation à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale et l'autorisation à dispenser des soins sont distinctes de l'autorisation de fonctionnement.

Pour les établissements privés, l'autorisation donnée emporte l'autorisation de fonctionner et vaut, sauf mention contraire, habilitation à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale et autorisation à dispenser des soins.

La loi a fixé le contenu de l'habilitation qui énumère limitativement les motifs possibles de refus et de retrait de celle-ci ; ce contenu peut être complété par une convention passée entre la collectivité locale de tutelle et l'établissement privé.

La disjonction de l'autorisation de l'habilitation constitue donc pour les collectivités appelées à financer des prestations un élément de maîtrise de l'équilibre budgétaire. Par ailleurs, les possibilités de retrait d'autorisation étant limitées à des motifs de police dans le cadre d'une procédure relevant du seul représentant de l'Etat, l'autorité publique compétente pour autoriser peut retirer l'habilitation notamment pour des motifs d'évolutions des besoins constatés.

· Les difficultés de la tarification

La question de la tarification des équipements médico-sociaux révèle une relative complexité. Seront exposées, la question de la répartition des compétences puis celle des modalités de tarification.

Avant l'entrée en vigueur des dispositions de la loi du 22 juillet 1983, le préfet détenait toute l'autorité de tarification. La décentralisation a modifié cet état de fait par transfert d'une partie des compétences de l'Etat vers les collectivités territoriales.

a) Le partage des compétences

En application de l'article 32 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983, le département prend en charge l'ensemble des prestations légales d'aide sociale, à l'exception de quelques prestations limitativement énumérées à l'article 35 qui demeurent à la charge de l'Etat.

Le président du conseil général est devenu l'autorité compétente au regard des institutions sociales et médico-sociales des domaines suivants :

- aide sociale à l'enfance (maisons d'enfants à caractère social - MECS) ;

- aide sociale aux personnes âgées (aide à domicile et placement en institutions) ;

- hébergement et entretien de la personne handicapée dans les établissements de rééducation professionnelle et d'aide par le travail ainsi que dans les foyers et foyers-logement au titre de l'aide sociale aux personnes handicapées.

L'Etat demeure compétent au regard des institutions dispensant des prestations remboursables aux assurés sociaux, ainsi qu'envers les institutions dispensant des prestations maintenues à sa charge par l'article 35 précité. Pour mémoire, il est possible de citer les centres d'hébergement et de réadaptation sociale (CHRS), les centres d'aide par le travail pour les frais de fonctionnement (CAT), les maisons d'accueil spécialisées (MAS), les instituts médico-éducatifs (IME), les centres d'action médico-sociale précoce (CAMPS), les établissements financés par le seul ministère de la justice, les services de consultation et d'orientation éducative (COE), les services de l'éducation surveillée.

b) Des autorités tarifaires séparées

Si les règle de partage des compétences entre l'Etat et le conseil général ainsi exposées paraissent simples, leur application pratique et juridique se heurte à de sérieuses difficultés.

De fait, deux autorités coexistent en matière de tarification. S'agissant de l'Etat, son pouvoir dans ce domaine préexistait aux lois de décentralisation. En revanche, une disposition particulière fut nécessaire au regard du conseil général. Aussi, l'article 26 de la loi sociale, modifié par la loi du 6 janvier 1986, dispose : "la tarification des prestations fournies par les établissements et services sociaux habilités à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale du département est arrêtée chaque année par le président du conseil général". Dans ce contexte, chaque responsable d'un domaine de compétence voit son autorité établie en matière de tarification.

Cependant, la question se pose aussitôt de l'harmonisation entre la logique apparemment simple de ce dispositif et les conséquences du choix effectué antérieurement d'une tarification différente dans le domaine des personnes âgées et dans celui des handicapés adultes.

Dans le domaine des personnes âgées, le prix de journée unique est remplacé par :

1  un prix de journée hébergement applicable à l'ensemble des pensionnaires ;

2  un forfait journalier de soins applicable aux pensionnaires qui ne sont pas pris en charge par un régime d'assurance maladie ;

3  un forfait annuel global destiné à couvrir les dépenses exposées par l'établissement en vue d'assurer aux pensionnaires pris en charge par un régime d'assurance maladie les soins entrant dans la vocation de ces établissements, soit au titre des soins courants, soit au titre des soins dispensés aux personnes admises dans la section de cure médicale.

De même, l'insertion en 1978 des unités de long séjour dans les activités hospitalières a eu pour conséquence que la tarification des services qui y sont rendus comporte deux éléments respectivement relatifs aux prestations de soins et aux prestations d'hébergement.

L'éclatement de la tarification entre un tarif "hébergement" et un tarif "soins" fut donc consacré avant la décentralisation par les textes applicables aux établissements et services accueillant des personnes âgées.

Par ailleurs, la tarification des soins remboursables aux assurés sociaux dans les établissements habilités à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale est arrêtée par le préfet du département après avis du président du conseil général. C'est au vu de cette décision que ce dernier fixe l'élément de tarification relatif aux prestations d'hébergement. Il apparaît donc que la détermination des prestations fournies à une même population est le fait d'une autorité double.

Dans le domaine des personnes handicapées, le même dédoublement est constaté. Dès 1975, en application des dispositions de la loi d'orientation en faveur des handicapés, les prix de journée ou autres modalités de financement comprennent les frais relatifs à l'hébergement et l'entretien de la personne et les frais relatifs à la formation professionnelle ou le fonctionnement de l'atelier. Ainsi, l'article 26 de la loi sociale confie-t-il respectivement l'autorité tarifaire dans le domaine de l'hébergement au présidant du conseil général et, dans le domaine du soutien éducatif et médico-social de la personne dans son activité de caractère professionnel, au représentant de l'Etat dans le département.

En conclusion, s'il est vrai que cet éclatement, dû aux divers tarifs et autorités de financements pouvant intervenir au sujet d'une même personne au sein d'un même établissement, était déjà "organisé" par la loi de 1975 elle-même, force est de constater que la décentralisation, comme quelques mesures postérieures à celle-ci, n'ont pas peu contribué à maintenir cette situation, aggravant ainsi l'état de schizophrénie tarifaire caractéristique du secteur médico-social.

c) La tarification a une forte incidence sur le pouvoir d'autorisation

En effet, depuis l'entrée en vigueur des dispositions de la loi particulière, le refus ou le retrait de l'autorisation ou de l'habilitation peuvent être décidés lorsque les coûts de fonctionnement risquent, aux termes de l'article 11-1 de la loi de 1975 : "d'entraîner pour les budgets des collectivités publiques ou des organismes de sécurité sociale des charges injustifiées ou excessives compte tenu, d'une part, des conditions de satisfaction des besoins de la population, d'autre part, du taux moyen d'évolution des dépenses compatible avec la politique sanitaire et sociale et les perspectives économiques et budgétaires de la collectivité concernée, telles qu'elles résultent notamment des prévisions d'évolution des prix et des salaires".

Ainsi, un promoteur proposant la création d'un établissement répondant à un besoin concret de la population peut se trouver en situation d'obtenir l'autorisation de créer une structure sans pour autant pouvoir dispenser des soins remboursables aux assurés sociaux ni accueillir des bénéficiaires de l'aide sociale. Ce régime "d'autorisation sans financement" est tout à la fois chaotique et préjudiciable aux publics concernés.

d) La régulation des dépenses du secteur médico-social

La loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a modifié l'article 27-5 de la loi sociale en instaurant des enveloppes régionales et départementales limitatives au titre du financement de l'Etat et du financement de l'assurance maladie. De plus, la loi CMU du 27 juillet 1999 a déterminé l'opposabilité des enveloppes des conseils généraux en définissant un objectif annuel ou pluriannuel au titre du financement de la collectivité départementale.

Ces enveloppes sont opposables aux établissements et services du secteur social et médico-social.

En effet, l'article 27-5 de la loi du 30 juin 1975, tel qu'il résulte de l'article 33-III de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, prévoit que : « Le financement de celles des prestations des établissements et services sociaux et médico-sociaux publics et privés qui sont à la charge des organismes de sécurité sociale est soumis à un objectif de dépenses ».

Le deuxième alinéa de cet article dispose que cet objectif de dépenses est fixé chaque année par le Gouvernement en fonction de l'ONDAM fixé par la loi de financement de la sécurité sociale.

L'objectif de dépenses est constitué en dotations limitatives régionales. Celles-ci sont réparties en dotations départementales par les préfets de région, après avis des préfets de département et du directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation. Ces enveloppes s'inscrivent dans les différents modes de régulation budgétaires pratiqués par les établissements et services médico-sociaux énumérés au deuxième alinéa de l'article 27-5 : la dotation globale, le prix de journée et les forfaits de soins.

Le système de l'enveloppe limitative applicable dans les établissements de santé est donc étendu aux établissements médico-sociaux mais il ne leur est pas imposé le mode de régulation de l'hôpital public, à savoir la dotation globale. Ce dispositif permet au représentant de l'Etat d'appuyer sa décision sur ces objectifs de dépenses et les enveloppes régionales et départementales dans le cadre de la procédure budgétaire et de la procédure d'autorisation ainsi définies.

Le préfet notifie, en approuvant le budget des établissements, le prix de journée ou le forfait dont le remboursement peut être demandé à l'assurance maladie. Il peut modifier les prévisions de recettes et de dépenses des établissements médico-sociaux dans trois cas :

- l'insuffisance des dépenses ou des recettes ;

- l'inadéquation entre les prévisions de dépenses ou de recettes et les dotations régionales ou départementales ;

- l'incompatibilité entre les prévisions des dépenses et les besoins de la population ou l'évolution de l'activité et des coûts.

Le préfet peut donc se fonder sur les enveloppes régionales et départementales pour refuser aux établissements privés l'habilitation à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale ou l'autorisation de dispenser des soins remboursables aux assurés lorsque lui est soumis un projet de création ou d'extension.

De la même façon, le deuxième alinéa de l'article 11-1, tel qu'il résulte de la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création de la couverture maladie universelle, ouvre cette possibilité au président du conseil général. Cet article dispose qu'il peut refuser l'habilitation à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale et l'autorisation de dispenser des soins remboursables aux assurés sociaux (lorsqu'elle est délivrée conjointement avec le préfet) lorsque les coûts "sont susceptibles d'entraîner pour les budgets des collectivités territoriales des charges injustifiées ou excessives compte tenu d'un objectif annuel ou pluriannuel d'évolution des dépenses délibérées par la collectivité concernée en fonction de ses obligations légales, de ses priorités en matière d'action sociale et des orientations des schémas visés à l'article 2-2 de la présente loi".

3. Les évolutions résultant d'autres textes que les lois de décentralisation

Seront seuls évoqués sous cette rubrique trois textes dont la particularité est de concerner a priori les établissements de santé tout en ayant de sérieuses répercutions sur le secteur médico-social :

- la loi n° 91-748 du 31 juillet 1991, portant réforme hospitalière ;

- la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994, relative à la santé publique et à la protection sociale ;

- l'ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996, portant réforme de l'hospitalisation publique et privée.

En résumé, les évolutions successives apportées par ces textes ont abouti à une remise en cause du principe de la séparation des champs sanitaire et social et médico-social.

La loi particulière avait introduit dans la loi sociale un article 6 prévoyant la création d'une commission nationale (CNESS) et de commissions régionales des équipements sanitaires et sociaux (CRESS). Le décret d'application de cette mesure n'ayant jamais été publié, les commissions prévues n'ont jamais vu le jour.

La loi du 31 juillet 1991 a porté création du comité national de l'organisation sanitaire et sociale (CNOSS) et des comités régionaux de l'organisation sanitaire et sociale (CROSS) dont les structures ont été calquées sur les CNESS et CRESS. Chacune de ces commissions est dotée d'une section sociale compétente dans le domaine social et médico-social ; elle est consultée avant toute décision de l'autorité compétente relative à la création, la transformation ou l'extension importante d'un établissement notamment.

Par ailleurs, l'article L. 711-2-1 du code de la santé publique dispose : "Les établissements de santé publics et privés peuvent créer et gérer des services et établissements sociaux et médico-sociaux visés à l'article 3 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales et à l'article 46 de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées".

Ainsi, outre la création ex nihilo d'établissements, la loi prévoit, avec la transformation des hospices, la possibilité pour des structures sanitaires fermées par les agences régionales d'hospitalisation de se transformer en établissements sociaux et médico-sociaux.

DEUXIÈME PARTIE : LES MOTIFS DE LA RÉFORME

La loi du 30 juin 1975 a, par delà ses imperfections, permis un développement considérable du secteur social. En l'espace de deux décennies a émergé un nouveau secteur de l'économie sociale qui a entraîné des créations d'emploi et de structures diverses sur tout le territoire. Il n'est pas faux d'affirmer que la solidarité en France a pris un nouveau visage à la faveur de ce mouvement. Par ailleurs, elle a permis uns action concertée des collectivités publiques et du mouvement associatif sans précédent.

Il faut maintenant s'atteler à sa réforme qui doit répondre à quatre impératifs.

A. AFFIRMER LE CARACTÈRE DE SERVICE PUBLIC DE L'ACTION SOCIALE ET MÉDICO-SOCIALE

Le projet de réforme présenté par le Gouvernement dispose que "l'organisation de l'action sociale et médico-sociale, au sens du présent titre, vise à répondre dans l'intérêt général de la population aux besoins sociaux, médico-sociaux et de protection des personnes en situation de vulnérabilité, de fragilité ou d'exclusion sociale".

On ne peut que se réjouir de voir le Gouvernement placer l'action sociale et médico-sociale sous l'égide de l'intérêt général. Au demeurant, la loi n° 70-1318 du 31 décembre 1975 portant réforme hospitalière mentionne le "service public hospitalier".

Dans ces conditions, il ne paraît pas absurde de souhaiter voir l'action sociale et médico-sociale insérée dans ce même cadre de service public. Il ne s'agit pas ici d'une simple fantaisie lexicale, en effet, la notion de service public est d'une plus grande extension que la seule notion d'intérêt général. Les critères du service public sont de trois ordres : finaliste, organique et matériel. Le premier, est rempli par la mission d'intérêt général qu'acquitte le secteur. Le deuxième est satisfait par la qualité des intervenants, organismes de droits publics et privés chargés d'une mission de service public. Le troisième découle, en quelque sorte, des deux autres puisque les organismes gestionnaires concernés, qu'ils relèvent du droit public ou du droit privé, accomplissent leur mission de service public sous le contrôle de l'administration.

Enfin, les actuelles évolutions des relations qu'entretiennent les deux secteurs du sanitaire et du social justifient qu'ils soient situés sur le même plan.

B. PLACER L'USAGER AU C_UR DU DISPOSITIF

La loi sociale procédait principalement d'une logique propre à la création et à la gestion des structures et des établissements. Cette logique d'institution n'a pas été sans générer des rigidités en termes d'adaptation aux besoins des usagers. Il est vrai que la mauvaise connaissance parfois des besoins réels a pu conduire à la création de structures ne répondant pas aux besoins constatés sur le terrain.

En outre, la plus grande longévité des populations a abouti à des situations auxquels les équipements existants n'étaient pas nécessairement préparés, le célèbre "amendement Creton" en est la preuve si besoin était.

Aussi, est-il temps d'inverser cette perspective et de passer à une logique fondée sur la personne et sur l'évolution de ses besoins à travers les divers âges de la vie. C'est cette réalité que recouvre l'expression "mettre l'usager au c_ur du dispositif", d'autant que l'usager d'une structure médico-sociale, comme le malade hospitalisé, est avant tout un citoyen.

Chaque individu doit donc se voir garantir un projet individualisé et global (projet de vie). Il s'agit tout d'abord de toujours rechercher des solutions propres à éviter la séparation avec la famille. Cette exigence est inscrite dans la loi d'orientation de lutte contre les exclusions. Il faut donc l'étendre à l'ensemble du secteur social et médico-social. Par ailleurs, le libre choix entre le maintien à domicile et l'accueil en établissement doit être sauvegardé.

S'agissant des droits des usagers et de leur entourage, il convient de respecter la dignité et la vie privée des personnes et de garantir, le cas échéant, le recours à un médiateur ainsi qu'une information sur les droits fondamentaux, y compris d'ordre patrimonial.

Pour ce faire, chaque usager devra se voir remettre une charte de la personne accueillie ainsi qu'un livret d'accueil. Un contrat de séjour sera conclu entre la personne ou son représentant légal et l'établissement.

Tout équipement devrait être tenu d'élaborer un projet d'établissement ou de service, établi en concertation avec les représentants des usagers, de leurs familles, de leurs associations représentatives et des personnels pour une durée maximum de cinq ans.

Enfin, la loi du 24 janvier 1997 sur la prestation spécifique dépendance (PSD) a institué dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées un règlement intérieur garantissant notamment les droits du résident et le respect de son intimité. Il y a lieu d'étendre à l'ensemble du secteur médico-social cette disposition.

Ce document, comme le contrat de séjour, devront se voir conférer une valeur juridique afin notamment qu'ils soient opposables en cas de manquement.

C. ADAPTER LES ACTIONS AUX RÉALITÉS NOUVELLES AINSI QU'AUX NOUVEAUX MODES DE PRISE EN CHARGE

Trois points seront ici mentionnés qui font l'objet de développements ultérieurs :

- le vieillissement de la population comme l'allongement de la vie posent notamment les questions de l'augmentation du nombre des personnes âgées en perte d'autonomie ainsi que celle de la plus grande longévité des personnes handicapées, particulièrement des personnes atteintes d'un handicap mental ou polyhandicapées ;

- il est nécessaire à la fois de développer un accompagnement au long de toute la vie de la personne et, par conséquent, l'émergence de nouveaux modes de prise en charge ainsi que de reconnaître par voie législative des structures déjà existantes et non encore prises en compte par la loi ;

- étant donné que le nombre des personnes en grande difficulté sociale a singulièrement crû au cours des vingt-cinq dernières années, dans la mesure où beaucoup d'entre elles sont hébergées ou accueillies dans des structures et par des services relevant du secteur médico-social et/ou sont bénéficiaire du RMI, la question de l'intégration du "handicap social" dans le champ de la loi est posée.

D. METTRE EN PLACE LES OUTILS DE COORDINATION ET DE COOPÉRATION ENTRE LES DIVERS ACTEURS CONCERNÉS

Point central de la réforme, la coordination des actions et des moyens doit être repensée à la lumière de l'expérience acquise. Les mots clef de cette démarche sont : la coordination des actions des divers intervenants, Etat/CNAM/collectivités ; les structures de coordination à l'échelon régional ; les schémas ; la planification.

L'évolution du champ couvert par la loi sociale nécessite un réexamen et une diversification des mécanismes de régulation ; la mission formulera donc des propositions dans les domaines suivants :

- autorisation

- déclaration

- accréditation

- tarification

- évaluation

TROISIÈME PARTIE : LES ATTENTES DES ACTEURS DU SECTEUR SOCIAL ET MÉDICO-SOCIAL

A. AMÉLIORER LA CONNAISSANCE STATISTIQUE DU SECTEUR MÉDICO-SOCIAL

Parmi les interlocuteurs de la mission, nombreux sont ceux qui ont fait part des difficultés rencontrées du fait du manque de statistiques fiables.

Dans ce domaine, le fichier FINESS, créé en 1979 avait commencé le travail de recensement des structures et des populations. La rénovation totale du système d'enquête auprès des établissements sociaux à partir de 1984, rend impossible toute comparaison des données avant et après cette date. Diverses enquêtes ont par la suite été conduites, enquête EPHA, testée en 1984, enquête SESI, considérée comme fiable depuis 1986. Il faut souligner la publication, dans le tableau récapitulatif STATISS, de données concernant les taux d'équipement par département et par régions notamment dans le domaine de l'accueil des personnes âgées, de l'enfance et de la jeunesse handicapée, des adultes handicapés et de la protection de l'enfance. Les chiffres sont exprimés en taux, fonction des données démographiques. Si cet outil ne peut être complètement pertinent dans le domaine de la planification pour la création de places en MAS, FDT et CAT, il n'en permet pas moins de mettre en évidence les disparités régionales et départementales en termes d'équipements.

Crée par décret du 30 novembre 1990, la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) du ministère de l'emploi et de la solidarité, a été chargée de concevoir l'appareil statistique et d'assurer la collecte, l'exploitation et la diffusion des statistiques. Elle publie des synthèses et contribue à promouvoir des travaux d'évaluation. La DREES a entamé la publication de données fiables dans divers domaines du secteur médico-social, fournissant de précieux renseignements sur les établissements et services, et les populations ainsi prises en charge.

De nombreuses associations font valoir les difficultés rencontrées dans l'élaboration des schémas directeurs par les départements par exemple. La question est celle de la connaissance des populations concernées. Ainsi, les COTOREP et les CDES, qui devraient pouvoir diffuser des données à travers les dossiers qu'elles traitent, sont dans la plupart des cas sous-équipées pour fournir ce type de services. Le risque est, évidemment, de ne pas pouvoir asseoir de nouveaux projets sur des besoins certains et durables. En effet, pour sortir de la seule logique de structures développées à priori, il faut connaître les besoins en amont de la prise de décision.

Au demeurant, le respect des libertés publiques, comme celui de la personne humaine, prohibent le recensement des handicaps, que ceux-ci soient acquis ou innés. Ainsi, des associations voient désormais venir des personnes inconnues des COTOREP, non signalées, nées après-guerre donc à une époque où le médico-social était embryonnaire. D'autres familles ont gardé sans aide externe un enfant handicapé devenu adulte dont les parent, devenus âgés ne peuvent plus assumer la garde. La prise en charge de ces personnes handicapées âgées de plus de soixante ans est rendue plus difficile par ce "manque de visibilité statistique".

B. RÉPONDRE À LA QUESTION DE LA LONGÉVITÉ

Les projections statistiques sur l'allongement de la durée de la vie sont connues, le rapport de M. Charpin1 comme celui de Mme Guinchard-Kunstler2 ayant largement éclairé les esprits sur le vieillissement de la population.

Si ce vieillissement est dû à l'évolution du taux de fécondité, il l'est aussi à l'allongement de la durée de la vie qui résulte des progrès de la médecine comme de l'amélioration globale du niveau et des conditions de vie.

Pour le secteur médico-social le problème est donc le suivant : vivant plus longtemps, les personnes concernées, atteintes ou non par un handicap inné ou acquis voient leur état évoluer vers une moindre autonomie qui nécessite des soins accrus. Quel que soit le nom qu'on lui donne, c'est à cette situation que doit répondre le secteur.

Le nombre approximatif de personnes âgées de plus de 65 ans souffrant de dépendance lourde est estimé à 700 000 soit environ 270 000 hébergées en établissement et 430 000 vivant à domicile.

On évalue à près de 500 000 le nombre des personnes âgées de plus de 60 ans atteintes de démence sénile. Un rapport du Conseil économique et social (1998) estime que le nombre des personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer sera porté à deux millions dans deux décennies. Mme Guinchard-Kunstler souligne que « l'amélioration de la prise en charge médicale de ces maladies est urgente (par de meilleures prises en charge des interventions paramédicales, aujourd'hui trop soumises à la bonne volonté de certaines caisses d'assurance maladie), de même qu'une distribution plus large des prestations et des aides financières apportées à la personne; et enfin des aménagements réels des dispositifs d'hébergement ».

S'agissant du vieillissement des personnes handicapées mentales il faut rappeler qu'en 1930 l'âge moyen de décès de ces personnes était de 30 ans et qu'il est aujourd'hui de 50 ans. 60 000 personnes handicapées mentales auraient plus de 40 ans. Ce vieillissement s'apprécie différemment de celui de la personne ordinaire dans la mesure où le moment à partir duquel la personne handicapée mentale peut être considérée comme vieillissante se situe aux alentours de 40 ans.

Il convient de préserver une grande souplesse pour répondre à la diversité des situations liées au handicap. L'âge ne doit pas être le critère d'accueil ou d'interruption de la prise en charge. Ainsi, par exemple, contraindre une personne handicapée à quitter un foyer d'hébergement parce que son activité au CAT s'achève est traumatisant.

Une autre difficulté réside en ce que certaines habilitations accordées par les départements limitent à l'âge de 60 ans l'accès aux institutions pour adultes handicapés mentaux. En outre, il convient de poursuivre l'effort financier dans le domaine du réseau d'accueil pour mettre un terme au maintien d'adultes handicapés dans les structures destinées aux enfants et adolescents (amendement Creton).

Par ailleurs, une approche globale des problèmes fait défaut, le cadre existant n'offre que des solutions ponctuelles : temps aménagé ou temps partiel dans les CAT, foyers logement, maisons d'accueil pour personnes âgées dépendantes (MAPAD), accueil de jour, foyers de vie, centres et unités de long séjour.

Il est nécessaire de développer des structures et services adaptés destinés à recevoir des personnes âgées handicapées mentales dont le maintien en institution pour adulte devient difficile, ainsi que pour celles qui ne peuvent plus rester à domicile lorsque les parents ont disparu ou qu'ils ne peuvent plus assumer cette charge.

C. ORGANISER LA SOLVABILISATION DES PERSONNES ÂGÉES

Dans la perspective d'une individualisation de l'aide, il convient de: "bâtir un dispositif financier qui prenne en compte l'ensemble des possibilités d'aide et de services" (Rapport de Mme Guinchard-Kunstler). Selon ce document, cette nouvelle prestation pourrait présenter les caractéristiques suivantes :

- s'appuyer sur un plan d'aide ;

- financer l'ensemble des besoins médicaux sociaux et médico-sociaux ;

- se fonder sur des critères de ressources suffisantes et tenant compte du niveau de dépendance ;

- inclure une participation financière progressive de la personne âgée.

Dans l'attente de cette réforme, il convient d'apporter des aménagements au fonctionnement de la prestation spécifique dépendance (PSD). M. Jean-Pierre Sueur s'étant récemment vu confier une mission de concertation sur la réforme des dispositifs de prise en charge de la dépendance, on ne s'attardera pas sur ce sujet.

Pour mémoire, il est rappelé que depuis la création de cette prestation (janvier 1997) 170 000 dossiers ont été acceptés; on compte à ce jour 112 000 bénéficiaires.

La situation actuelle issue des dispositions législatives de 1997 est absurde et ne doit pas être prolongée. En effet, la PSD, proportionnelle à l'état de dépendance déterminé en application de la grille AGGIR, est versée aux résidents qui y ont droit alors que le prix qu'ils payent est indépendant de cet état. Une modification profonde de la PSD, dans la perspective de lui conférer un caractère véritablement solvabilisateur, est souhaitée par la mission.

Définition des groupes iso-ressources de la grille AGGIR

La grille AGGIR classe les personnes âgées en six groupes

· Le premier (GIR I) comprend les personnes confinées au lit ou au fauteuil ayant perdu leur autonomie mentale, corporelle, locomotrice et sociale, qui nécessitent une présence indispensable et continue d'intervenants.

· Le GIR II est composé de deux sous groupes : d'une part, les personnes confinées au lit dont les fonctions mentales ne sont pas complètement altérées et qui nécessitent une prise en charge pour la plupart des activités de la vie courante ; d'autre part, celles dont les fonctions mentales sont altérées mais qui ont conservé leurs capacités motrices. Le déplacement à l'intérieur est possible mais la toilette et l'habillage ne sont pas faits ou partiellement.

· Le GIR III regroupe les personnes ayant conservé leur autonomie mentale, partiellement leur autonomie locomotrice, mais qui nécessitent quotidiennement et plusieurs fois par jour des aides pour leur autonomie corporelle. De plus, l'hygiène de l'élimination nécessite l'aide d'une tierce personne.

· Le GIR IV comprend les personnes qui n'assument pas seules leur transfert mais qui, une fois levées, peuvent se déplacer à l'intérieur du logement. Elles doivent être aidées pour la toilette et l'habillage. La plupart s'alimentent seules ; ce groupe comprend aussi des personnes sans problème de locomotion mais qu'il faut aider pour les activités corporelles et les repas.

· Le GIR V est composé des personnes autonomes dans leurs déplacements chez elles qui s'alimentent et s'habillent seules. Elles peuvent nécessiter une aide ponctuelle pour la toilette, la préparation des repas et le ménage.

· Le GIR VI regroupe les personnes qui n'ont pas perdu leur autonomie pour les actes discriminants de la vie quotidienne.

Sources : DREES

D. LA PRISE EN COMPTE PAR LA LOI DES STRUCTURES NON TRADITIONNELLES OU EXPÉRIMENTALES

La réponse à cette question appelle un élargissement du champ de la loi.

1. La diversification des modes de prise en charge

La loi sociale n'a pas empêché les initiatives et innovations. Cependant, si la notion d'hébergement prévalait en 1975 pour répondre aux besoins des personnes âgées et des adultes handicapées, il a été nécessaire, sous la pression de la demande, de diversifier les modes de prise en charge sans que la loi ait pu accompagner ces évolutions. Par ailleurs, les difficultés de délimitation avec la loi sanitaire se sont trouvées accrues, notamment du fait de l'évolution des besoins en termes de soins médicaux au sein d'établissements dévolus au départ à l'accueil.

Au plan juridique, l'absence dans la loi de définition de la notion d'établissement n'a pas été sans générer des situations juridiquement obscures. En effet, par ignorance ou par calcul, certains promoteurs tentent de se soustraire au régime de l'autorisation. Sur un autre plan, il est parfois difficile pour l'autorité compétente de faire la preuve qu'une structure projetée ressortit bien du champ de la loi.

Il est possible de citer pour exemple la création constatée dans la plupart des départements de structures d'accueil de jour. Celles-ci constituent une avancée comparativement à une logique du "tout établissement" ; elles répondent à des besoins précis notamment pour les personnes âgées (cas de dégénérescence intellectuelle type Alzheimer) ou pour les adultes handicapés.

Dans ce domaine, le maître mot de l'accompagnement est bien celui de "souplesse". Aussi, la mission rappelle-t-elle son attachement à la création d'une grille d'évaluation individuelle des besoins strictement centrée sur la personne et sachant évoluer avec celle-ci.

Les lieux de vie/lieux d'accueil équipent aujourd'hui la plupart des départements. Ces structures accueillent des mineurs ou de jeunes majeurs qui nécessitent une protection particulière. Il s'agit en général de personnes en situation de délinquance, présentant de graves troubles du comportement et de la personnalité (violence, toxicomanie ...), parfois même souffrant de désordres psychiques relevant de la psychiatrie sans pour autant pouvoir être raisonnablement hébergées en hôpital psychiatrique. La mission souligne à cette occasion que cette dernière difficulté est aussi rencontrée dans le domaine de l'autisme comme dans celui de certaines dégénérescences intellectuelles dues à l'âge ou à l'Alzheimer par exemple.

Pour ce qui concerne les mineurs et jeunes majeurs, les services de la protection judiciaire de la jeunesse rencontrent des difficultés pour délivrer l'habilitation justice à des lieux n'ayant pas reçu d'autorisation. En effet, il s'agit souvent de collectivités recevant un nombre très réduit de personnes. Il convient, pour ce type de structures, de mener une réflexion sur le mode d'autorisation ou de déclaration, mais aussi, de l'évaluation/accréditation.

L'accueil de jour pour personnes âgées atteintes de démence sénile (terme générique recouvrant diverses maladies) ainsi que des adultes handicapés s'est largement développé dans les départements.

2. L'accueil séquentiel et l'accueil temporaire

L'accueil séquentiel concerne des personnes ayant besoins de soins de façon ponctuelle et dont la situation ne justifie pas un hébergement permanent dans ces structures et en général déjà prises en charge par ailleurs. Le secteur sanitaire connaît la pratique du "moyen séjour" et les établissements concernés parviennent en général à établir une rotation satisfaisante des patients permettant un taux d'occupation des lits optimun. A l'évidence, la question ne se pose pas dans des termes équivalents pour le secteur médico-social et les modes de financement "globaux" ne peuvent pas prendre en compte le fait que certaines places soient susceptibles de demeurer temporairement vides. Aussi, pour ces établissements, il conviendrait de prévoir une autorisation visant un nombre de jours à l'année ou au mois.

Le problème est posé de la même façon dans le domaine de l'accueil temporaire. Il s'agit bien souvent d'organiser le "répit des familles". En effet, chacun sait que la vie à domicile avec une personne handicapée ou âgée et frappée de démence sénile réclame un investissement physique et psychologique considérable. Il est donc sain que les personnes concernées puissent, pour une soirée, le temps d'une fin de semaine ou pour quelques jours, placer la personne en difficulté dont ils ont la charge. Ceci n'a rien de choquant lorsque l'on songe que dans "la vie ordinaire", les parents peuvent faire garder leurs enfants une soirée ou les confier à des proches.

Dans le cas de ces dernières structures, il convient de trouver une formule de financement dont le simple bon sens commande qu'elle soit attachée à la personne.

Les trois situations évoquées ci-dessus illustrent à la perfection les trois séries de problèmes rencontrés : celui de la base juridique ; celui du financement ; celui de la concomitance de la délivrance de prestations d'hébergement et de prestations de sécurité sanitaires.

3. Les foyers à double tarification (FDT)

La situation des foyers à double tarification est différente. Créés dans un cadre expérimental résultant d'une circulaire ministérielle du 14 février 1986, leur existence se trouve privée de base légale du fait de la décision du Conseil d'Etat du 30 juin 1999. En effet, le Conseil, relevant qu'un texte réglementaire ne pouvait porter création d'un établissement relevant de la loi de 1975, a annulé les textes concernés.

Les FDT sont des établissements destinés à accueillir des personnes lourdement handicapées dont la dépendance totale ou partielle, constatée par la COTOREP, les rend inaptes à toute activité à caractère professionnel, leur fait obligation de recourir à l'aide d'une tierce personne pour la plupart des actes essentiels de l'existence, et nécessite une surveillance médicale et des soins constants.

S'agissant de foyers d'hébergement pour personnes handicapées, le président du conseil général est a priori compétent pour les autoriser. Cependant, le financement partagé avec l'assurance maladie a rendu nécessaire une application spécifique de la procédure d'autorisation prévue par la loi de 1975. Ainsi, préalablement à la saisine du CROSS, les dossiers doivent recevoir :

- l'accord du président du conseil général sur l'opportunité du projet qui l'engage financièrement ;

- l'avis circonstancié du contrôle médical et l'accord de la CRAM, au vu d'un dossier leur apportant notamment toutes précisions quant à l'évaluation et la composition du forfait soins.

Au terme de cette procédure, la création de ce type de foyer est autorisée par arrêté conjoint du préfet et du président du conseil général.

Les FDT ont été confrontés aux réticences de certains départements, du fait de la relative ambiguïté de leur mission au regard de celle des MAS d'une part, d'autre part, parce que certains ont pensé que les FDT avaient été créés pour engager financièrement les départements alors que les MAS sont entièrement financés par la sécurité sociale.

En tout état de cause, la loi rénovée devra donner une base légale à la création des FDT.

Enfin, la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation contre les exclusions a créé de nouvelles structures dont la base légale devra être intégrée dans la loi.

E. LA RECONNAISSANCE PAR LA LOI DE L'AIDE À DOMICILE

A l'heure actuelle, les services d'aide à domicile n'entrent pas dans le champ de la loi sociale et les personnels ne sont pas visés par les dispositions de l'article 16.

1. Un secteur désormais partagé entre l'aide sociale et le service à but lucratif

Il convient en premier lieu de répondre à la question de la compatibilité de cette intégration au champ du social avec l'agrément de services aux personnes désormais ouvert aux opérateurs du secteur lucratif. En effet, il ne faut pas confondre la prestation d'aide, qui concerne les personnes âgées de plus de soixante-dix ans, les personnes handicapées malades ou dépendantes et les familles avec enfants de moins de trois ans, avec la prestation de service à destination de ménages "ordinaires" (garde d'enfants, etc.) ressortissant du secteur marchand. La mission estime que l'intégration du secteur non lucratif de l'aide à domicile dans le champ de la loi sociale constitue l'unique moyen de préserver celui-ci d'une absorption par le secteur à but lucratif. Ainsi, la prestation spécifique dépendance (PSD) n'a pas peu contribué à cette évolution vers la "marchandisation". Cette prestation implique une part contributive du bénéficiaire et un statut d'employeur de services. L'addition de la solvabilisation et de la responsabilisation marque un nouveau régime de protection sociale, contaminé par le marché et qui s'éloigne des solidarités classiques.

La procédure d'autorisation elle-même appelle la question de la désignation de l'autorité compétente au regard de l'agrément qualité délivré par le préfet. Du point de vue des populations défavorisées, il ne serait pas illégitime que ce soit le président du conseil général qui délivre l'autorisation et, s'agissant de la population "ordinaire", que cette compétence soit dévolue au préfet.

En d'autres termes, les prestations de service (garde d'enfants par exemple) pourraient relever de l'autorité du préfet alors que les prestations d'aide sociale relèveraient du président du conseil général.

2. Une intégration dans la loi devrait clarifier les situations respectives des deux champs

La dimension de la planification doit, elle aussi, interroger. Comment intégrer dans les schémas départementaux l'appréciation des besoins et forger les indicateurs nécessaires à la programmation des réponses aux besoins surtout en référence aux populations qui ne relèvent pas de la loi de 1975 sur lesquelles il n'existe pas de données précises ?

La tarification des services, dès lors qu'ils interviennent auprès de ces dernières populations, doit intégrer les procédures prévues par la loi sociale. Si l'habilitation aide sociale et l'autorisation à dispenser des soins remboursables aux assurés sociaux permettent de bien appréhender le cas des prestations servies au titre de l'aide sociale et de l'assurance maladie, il en va autrement pour celles financées par les crédits d'action sociale des caisses de sécurité sociale qui dépendent de délibérations des conseils d'administration simplement homologuées à posteriori par le ministère. Dans ces conditions, de quel type d'habilitation pourrait relever la tarification des services et, le cas échéant, quelles seraient les modalités de fixation du tarif ? La prise en charge des organismes en fonction d'un taux horaire arrêté annuellement et uniforme pour l'ensemble des services quels que soient leurs coûts effectifs de fonctionnement devra être remise en cause au profit d'une négociation budgétaire individualisée rompant avec l'habitude du taux horaire unique. A cet égard, l'atomisation du secteur en plus de cinq cents services pose la question d'une homogénéisation.

Par contre, l'application des procédures de tarification prévues par la loi de 1975 serait susceptible de régler le contentieux qui oppose aujourd'hui les services aux régimes de retraite relativement à la question des modalités de fixation du taux horaire de la prestation d'aide ménagère qui manquent précisément d'un cadre législatif.

Les modalités de rémunération des personnels doivent aussi faire l'objet d'un examen. A cet égard, la prise en compte par l'article 16 de la loi (opposabilité des conventions aux financeurs) des conventions collectives existantes pour les services prestataires ne devrait pas poser de problème.

C'est donc assez naturellement que les services d'aide à domicile aux personnes doivent trouver leur place dans le champ de la loi de 1975.

F. L'INTÉGRATION EN MILIEU ORDINAIRE DES PERSONNES HANDICAPÉES

Deux aspects de cette question seront étudiés ici : l'intégration scolaire des jeunes et l'intégration en milieu ordinaire. Dans les deux cas, l'expérience montre que l'intégration en milieu ordinaire des personnes handicapées physiques ou sensorielles est presque toujours possible, alors que celle des personnes handicapées psychiques se révèle souvent plus complexe.

1. L'intégration scolaire des jeunes handicapés

Cette préoccupation se situe à la croisée des chemins entre l'action médico-sociale et l'application des dispositions de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées. Par ailleurs, elle met en lumière l'aspect interministériel de ce type d'action.

Il faut rappeler l'existence du plan en vingt mesures pour améliorer la scolarisation des enfants et des adolescents handicapés (conseil des ministres du 3 février 1999) ainsi que le Plan en faveur des personnes handicapées annoncé par le Premier ministre le 25 janvier 2000.

La capacité actuelle du système éducatif, à tous les niveaux de la scolarité est loin de répondre à toutes les attentes. On estime que seul un enfant ou adolescent handicapé sur trois est actuellement scolarisé en établissement scolaire, une majorité d'entre eux l'étant dans le secteur médico-éducatif et hospitalier.

Le Gouvernement a relancé une politique volontaire d'intégration scolaire. Elle suppose le soutien aux modes de scolarisation adaptés dans les établissements (classes d'intégration scolaire, sections d'enseignement adapté), le soutien aux dispositifs d'accompagnement (unités pédagogiques d'intégration), le développement des services de suivi médico-social et une meilleure accessibilité des locaux.

Elle suppose encore une évolution des mentalités mais surtout une réelle formation des personnels tant il est inconcevable d'exiger d'enseignants non formés à cet exercice de recevoir dans leurs classes des enfants handicapés.

L'intégration de ces enfants en milieu scolaire ordinaire ne se fera pas sans une volonté politique claire1.

· Intégrations individuelles dans les écoles

A temps partiel : 6 000 élèves - Évolution : +16%
A plein temps : 18 000 élèves - Évolution : + 13%

· Intégrations individuelles dans les collèges et les lycées

A temps partiel : 1 200 élèves - Évolution : non disponible (*)
A plein temps : 15 000 élèves - Évolution : non disponible
(*)

· Intégrations collectives dans les CLIS (classes d'intégration scolaire)

Handicap mental : environ 20 000 élèves - Évolution : non disponible (**)
Handicap moteur : 1 200 élèves - Évolution : + 1%
Handicaps sensoriels : 2 000 élèves - Évolution : + 6%

· Intégrations collectives en UPI (unité pédagogique d'intégration)

Handicap mental : 800 élèves - Évolution : + 75%

* Les données relatives à l'intégration individuelle dans le second degré ne seront disponibles qu'au printemps.

** Les données relatives à la scolarisation des enfants handicapés mentaux en CLIS 1 ne sont pas encore disponibles, les données actuelles sur les CLIS 1 globalisant selon les départements des publics scolaires différents, élèves handicapés mentaux et élèves en grande difficulté scolaire.

Sources : Secrétariat d'Etat à la santé et aux affaires sociales.

2. L'intégration en milieu ordinaire

Cette obligation, inscrite dans la loi du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées, est loin d'être satisfaite, cela particulièrement dans sa dimension d'intégration sociale trop longtemps négligée.

Le Gouvernement a affirmé sa volonté de rééquilibrer l'offre de soins médico-sociale par un développement des aides techniques et humaines, ceci afin de répondre à la demande croissante des personnes handicapées de pouvoir vivre à leur domicile.

Toute personne handicapée devrait se voir offrir la possibilité de définir puis de réaliser son choix de vie. Les progrès technologiques récents dans le domaine de la domotique par exemple ouvrent des perspectives nouvelles.

Ceci suppose que des solutions d'accompagnement existent et qu'elles soient offertes de façon cohérente, flexible et souple.

Dans tous les cas, il importe que soient mises en place des passerelles préservant la possibilité d'un retour dans le cas où les difficultés de l'intégration se seraient révélées trop lourdes.

Les éléments de cette intégration mis en place par le Gouvernement concernent :

- l'expérimentation en matière d'aides technique ;

- les services d'auxiliaires de vie ;

- les services de soins infirmiers à domicile.

Enfin, il convient de mentionner les mesures annoncées dans le cadre du plan en faveur des personnes handicapées :

2. un nouveau plan pluriannuel 2001-2003 pour l'accès des personnes handicapées en milieu de vie ordinaire

· accompagnement (CAMSP et SESSAD) + 300 MF (Assurance-maladie)

· aides techniques et humaines + 185 MF (Etat)

· matériel pédagogique + 170MF (Etat)

· interprétariat pour les sourds +10MF (Etat)

· services de soins infirmiers à domicile + 45 MF (Assurance-Maladie)

· CDES/COTOREP (Etat) + 45 MF (Etat)

· auxiliaires de vie + 200MF (Etat)

Coût supplémentaire sur trois ans : + 955MF

3. Modernisation des ateliers protégés : coût supplémentaire sur trois ans +100MF (Etat)

Total du plan du gouvernement en faveur des handicapés 2001-2003 :
2,520 Milliards

3. La réinsertion professionnelle des personnes handicapées psychiques

Dans les structures de travail protégé, la proportion de malades mentaux est faible : 12,2 % dans les CAT et 3,4 % dans les ateliers protégés. 1 % à peine des travailleurs de CAT entrent en milieu ordinaire de travail. L'objectif affirmé de la loi sociale de faire accéder les personnes handicapées au milieu ordinaire de travail n'a pas vraiment abouti.

Les questions posées dans ce domaine sont les suivantes :

- Le statut juridique de l'entreprise de transition. Les établissements de travail susceptibles d'accueillir les personnes handicapées psychiques sont les CAT, les AP et les entreprises d'insertion. Beaucoup d'établissements de transition adoptent les deux statuts de CAT et d'AP permettant ainsi une meilleure promotion des personnes concernées au sein de l'établissement. L'entreprise d'insertion est semblable à l'atelier protégé avec toutefois une limitation du parcours d'insertion à deux ans. Dans ces conditions, la question de la création d'un statut unique pour la réinsertion des handicapés psychiques doit être posée.

- L'opportunité de développer une méthodologie de la réadaptation. L'immersion brutale des personnes concernées dans l'établissement de travail provoque un choc chez des personnes restées longtemps inactives et nombreux sont les cas où l'échec est constaté.

- La nécessité du passage par la COTOREP, dont les instruments d'appréciation du handicap psychique semblent limités et qui n'est pas nécessairement l'organisme le mieux placé pour décider de l'orientation des personnes considérées. La participation du secteur psychiatrique pourrait être envisagée.

- L'élargissement du champ d'action de l'entreprise de transition à d'autres populations (déficients intellectuels formés dans les IMPRO, personnes ayant été durablement marginalisées ou détenues).

- La création d'une véritable « ingénierie de l'insertion » qui réunirait tous les acteurs susceptibles d'intervenir dans le secteur (CREAI par exemple, dont l'expérience serait profitable).

G. LA QUESTION DES PERSONNELS

Le rapport précité de l'IGAS, estimait à 349 409 le nombre des personnels employés à temps plein dans le secteur médico-social.

La réforme de la loi doit prendre en compte le rôle accru que pourront jouer les personnels dans l'élaboration des projets d'établissement et les démarches d'évaluation et qualité. Les travailleurs sociaux devront être associés à ces travaux.

Par ailleurs, en ce qui concerne la déontologie, la mission, dans ses orientations pour la réforme développées à la fin du présent rapport, prend position pour un renforcement par voie législative de la protection des salariés signalant les dysfonctionnements et mauvais traitements dont ils peuvent avoir connaissance. Il n'est en effet pas acceptable que ces personnes puissent faire l'objet de brimades ou de licenciement à cette occasion.

S'agissant de la formation des travailleurs sociaux des progrès significatifs ont été accomplis.

En effet, la loi du 29 juillet 1998 d'orientation de lutte contre les exclusions a clarifié, modernisé et consolidé les fondements financiers, pédagogiques et administratifs du dispositif de formation de ces personnels.

La loi du 30 juin 1975 fait désormais explicitement référence aux trois types de formations sociales dispensées : initiale, permanente et supérieure. Elle définit la mission des établissements publics et privés. Ceux-ci contribuent à la qualification et à la promotion des professionnels et des personnels salariés et non salariés engagés dans la lutte contre les exclusions, la prévention ou la réparation des handicaps ou inadaptations, la promotion du développement social. Le législateur reconnaît aux établissements un rôle de participation au service public de la formation.

La loi contre les exclusions a également déconcentré la procédure d'agrément des établissements de formation au niveau de la région ou de l'académie. Pour l'obtenir, ceux-ci s'engagent notamment à recruter des personnels directeurs et formateurs inscrits sur une liste d'aptitude nationale ainsi que le schéma national des formations sociales.

Formation des travailleurs sociaux
nombre d'étudiants (1997-1998)

Assistants de service social

6.044

Conseillers en économie sociale et familiale

937

Éducateurs spécialisés

7.604

Éducateurs de jeunes enfants

3.197

Éducateurs techniques spécialisés

924

Moniteurs éducateurs

3.647

Aide médico-psychologique

5.156

Travailleuses familiales

275

Aide à domicile (CAFAD)

3.062

Total

30.846

Source : ministère de l'emploi et de la solidarité.

Par ailleurs, la mission n'est pas sans connaître des difficultés d'application de la réduction du temps de travail dans le secteur médico-social. Elle formule le souhait de voir les négociations en cours aboutir dans les meilleures conditions et notamment de voir les pouvoirs publics donner satisfaction aux demandes de créations d'emploi qui sont le corollaire de la réduction du temps de travail.

L'implication des travailleurs sociaux dans les progrès du secteur médico-social n'est plus à démontrer, à cet égard, la mission veut citer ce propos tenu par l'un de ses interlocuteurs : "Partout où cela est possible, il faut remplacer les murs par des emplois".

H. LA FRONTIÈRE ENTRE LE SANITAIRE ET LE SOCIAL

La loi sociale de 1975 avait un sens précis sur le registre "sanitaire-social". La réforme peut-elle, pour tenir compte des réalités nouvelles, donner au texte une nouvelle portée sur ce registre ? En d'autres termes, est-il possible d'initier une dynamique rassemblant en une synergie nouvelle tous les acteurs concernés afin de pérenniser, en les positivant, les acquis les plus significatifs ?

Pour l'exposition des données de base de cette question, on peut s'appuyer sur le rapport précité de l'IGAS (1995).

"La loi de 1975 ne prend pleinement son sens qu'à la lumière de plusieurs dispositions de la loi hospitalière de 1970. En effet, celle-ci posait comme principe que les établissements hospitaliers devaient se consacrer aux seules activités sanitaires... Toutefois, le Législateur prenait acte de la situation qui avait conduit nombre d'hôpitaux à gréer des hospices pour accueillir des personnes âgées ou des adultes handicapés, ou des sections pour mineurs confiés par l'aide sociale à l'enfance ou des enfants inadaptés.

Pour ces hospices et foyers, une période de transition a été prévue : en attendant un décret qui leur donnerait un cadre spécifique, la loi hospitalière leur était applicable jusqu'en 1972. Le délai a été reporté à deux reprises, il n'y a pas eu de décret, mais il y eu la loi de 1975.

Elle est, en quelque sorte issue de la loi hospitalière qui rendait indispensable un dispositif juridique particulier et sa gestation ne fut pas aisée puisque plus de quatre années furent nécessaires pour aboutir à sa promulgation. Par ailleurs, alors que cette loi consacre la séparation entre le sanitaire et le social, voulue par le Législateur de 1970, elle introduit une notion nouvelle : le médico-social... Il serait erroné de penser qu'à cause de sa filiation avec la loi hospitalière, la loi sociale ne serait qu'un texte mineur. Il s'agit au contraire d'un texte ambitieux, qui définit un ensemble large et varié d'institutions dont le point commun est de s'adresser à des publics fragilisés.

Les évolutions démographiques, sociales, médicales contribuent à rendre beaucoup moins claire la distinction qui s'est imposée à l'origine entre les institutions sanitaires et les institutions sociales et médico-sociales".

La question posée est bien celle de l'allongement de la vie et donc de la capacité du mouvement médico-social à l'accompagner. Aussi, on assiste à un "glissement" du sanitaire vers le médico-social de la prise en charge de certaines maladies mentales stabilisées, certaines maladies neurologiques dégénératives, certains comas végétatifs.

De fait, dans le contexte résultant de l'application des ordonnances de 1996 (création des agences régionales de l'hospitalisation -ARH- et possibilité de création d'établissements médico-sociaux par les établissements de santé), il convient de préserver l'identité du médico-social en amenant le secteur sanitaire à s'y adapter et non l'inverse.

Le secteur sanitaire dispose de moyens et d'infrastructures quantitativement très supérieurs au secteur médico-social. L'humanisation des hospices comme la reconversion de structures (hôpitaux locaux ou psychiatriques en voie de reconversion dans le cadre des SROS) illustre cet état de fait.

A l'avenir, la possible transformation des ARH en agences régionales de santé (ARS) doit être l'occasion d'une bonne représentation du secteur médico-social au sein de ces structures. De fait, la crainte exprimée par de nombreuses associations est-elle celle de voir le sanitaire phagocyter le médico-social.

Les établissements et services sociaux et médico-sociaux représentaient, en 1996, environ 88 milliards pour les collectivités dont 40 en dépenses médico-sociales, soit un peu moins de 8 % des dépenses d'assurance maladie, 40 milliards pour les départements, soit moins de 20 % de leurs dépenses annuelles et 8 milliards pour l'Etat soit 0,5 % de son budget annuel.

La mission estime que, la séparation stricte des deux secteurs n'étant plus possible, c'est dans la coopération et la juste répartition du pouvoir de décision que réside la solution.

Les restructurations du sanitaire vers le social doivent être encadrées par ce dernier de façon à conjuguer harmonieusement les capacités matérielles du sanitaire avec le savoir-faire du médico-social. Au plan pratique la fongibilité des enveloppes doit être utilisée.

En ce qui concerne la reconversion de lits sanitaires en places sociales par exemple, cette démarche doit se situer dans une réponse à des besoins, donc dans le cadre des schémas et de la planification. Par ailleurs, les places ainsi créées doivent répondre aux normes en vigueur dans le secteur. Ceci signifie que :

- un vrai projet social et médico-social doit présider à la transformation ;

- la transformation doit être réelle tant pour le personnel que pour le fonctionnement et l'architecture ;

- le personnel doit être formé ou reconverti afin d'être apte à répondre aux nécessités de l'accompagnement social, ceci doit aussi s'appliquer aux dirigeants de ces structures ;

- les usagers et leurs représentants légaux puissent participer à l'élaboration du plan de reconversion, être associés au conseil d'administration et y avoir des représentants.

I. LA PRISE EN COMPTE PAR LA LOI DU HANDICAP SOCIAL

Nombreuses sont les associations qui ont soulevé devant la mission la question de l'intégration du "handicap social" dans le champ de la loi de 1975.

Cette question est légitime même si le « handicap social » peut sembler éloigné du handicap physique ou mental ou du vieillissement.

Cependant, force est de constater que certaines structures impliquées dans l'effort de lutte contre l'exclusion livré par l'Etat ou des collectivités territoriales ressortissent des dispositions de la loi de 1975. C'est notamment le cas des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS).

Par ailleurs, l'intégration des structures ou services créés par la loi du 29 juillet 1998 d'orientation de lutte contre les exclusions a déjà été évoquée dans le présent rapport. L'article 157 de ce texte prévoit la mise en place, dans chaque département, sur l'initiative du préfet, d'un dispositif de veille sociale chargé d'informer et d'orienter les personnes en difficulté.

La même loi a prévu un renforcement significatif du financement de l'appui social individualisé (ASI). Les moyens disponibles en 1999, soit 130 millions de francs, ont permis d'assurer le suivi de 27 083 personnes. Avec l'apport d'une mesure de 100 millions de francs, la dotation pour 2000 est portée à 230 millions de francs conformément au programme de lutte contre les exclusions. Ce nouveau niveau de dotation budgétaire a pour objectif de permettre le suivi de près de 50 000 personnes.

Enfin, la loi du 28 juillet 1998 a aussi prévu la mise en place d'un observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion qui a été doté à hauteur de 5 millions de francs dans le cadre du budget pour 2000, reconduisant ainsi la dotation pour 1999.

Les CHRS relèvent de la loi du 30 juin 1975, ils sont financés et contrôlés par l'Etat au titre de l'aide sociale obligatoire bien que gérés pour la plupart par des associations. Au 1er janvier 1998, 745 centres sont en activité. Ils ont vocation à accueillir, à leur demande au titre de l'aide sociale, les personnes et les familles qui connaissent de grandes difficultés en vue de leur faire recouvrer leur autonomie sociale et personnelle. Au 31 décembre 1999, le nombre des places financées par les crédits d'aide sociale obligatoire de l'Etat s'élevaient à 29 860 en prévision.

Cependant, si l'on considère l'ensemble des places installées, y compris celles financées par certaines collectivités locales, le nombre est évalué à 31 000. A cela il y a lieu d'ajouter la possibilité pour les CHRS de suivre près de 3 000 personnes en milieu de vie ordinaire sans les héberger.1

Type d'établissements

CHRS

Établissement d'accueil mère-enfant

Établissements d'accueil non conventionnes au titre de l'aide sociale

Total

 

Établissements assurant uniquement de l'hébergement de réinsertion sociale

365

130

24

519

Établissements assurant uniquement de l'hébergement simple

   

16

16

Établissements assurant uniquement de l'hébergement d'urgence

45

 

39

84

Établissements assurant de l'hébergement de réinsertion sociale et de l'hébergement d'urgence

133

 

5

138

Établissements assurant de l'hébergement de réinsertion sociale et du suivi social

36

8

 

44

Établissements assurant de l'hébergement de réinsertion sociale et des activités professionnelles en atelier

27

   

27

Établissements assurant de l'hébergement de réinsertion sociale, de l'hébergement d'urgence et du suivi social

28

 

1

29

Autres établissements

111

 

26

137

TOTAL

745

138

111

994

Sources : ministère de l'emploi et de la solidarité - DREES

 

D'après la DREES, la plupart des adultes hébergés vivent seuls et sans enfants (67 %), les adultes en hébergement de réinsertion ont moins de 35 ans (60 %), 40 % des personnes hébergées viennent d'un établissement social, médical ou pénitentiaire, 6 adultes sur 10 accueillis sont au chômage ou inactifs et 1 hébergé sur 5 est sans ressources en 1998.

Pour mémoire il faut encore évoquer 138 établissements d'accueil mère-enfant financés par les conseils généraux au titre de l'aide sociale à l'enfance ainsi que 111 établissements non conventionnés au titre de l'aide sociale. Ces derniers sont inclus dans le champ de la loi sociale. Leur financement peut être le fait d'une commune, de financements privés, de l'Etat (au titre par exemple des crédits d'intervention du ministère de l'emploi et de la solidarité), du conseil général (à un autre titre que celui de l'aide à l'enfance.

Il faut donc avoir présent à l'esprit l'hétérogénéité des populations concernées par ces dispositifs. Certains services prennent la forme d'une laverie avec, éventuellement, un accueil ou d'un lieu de désintoxication pour toxicomanes alcooliques ou héroïnomanes.

Dans la mesure où des services et structures relevant des dispositions de la loi du 30 juin 1975 traitent le "handicap social", la question de l'intégration explicite de cette notion dans le champ de la loi demeure posée.

CONCLUSION : LES ORIENTATIONS SUGGÉRÉES PAR LA MISSION D'INFORMATION

La mission rappelle son attachement à voir aboutir certaines des propositions de réforme qui lui ont été soumises au cours des auditions auxquelles elle a procédé :

- placer l'usager au c_ur du dispositif afin d'adapter les structures à l'usager et non le contraire ;

- organiser une réelle coordination des actions menées dans le secteur social et médico-social ;

- intégrer le travail à domicile dans le champ de la loi ;

- donner une valeur juridique concrète au contrat de séjour ;

- créer une synergie positive entre le secteur sanitaire et le secteur social et médico-social.

Par ailleurs, la mission suggère les orientations suivantes :

1-. affirmation du caractère de service public de l'action médico-sociale ;

2-. renforcement du rôle des CROSS ;

3-. mise en place de schémas opposables ;

4-. réforme de la chaîne autorisation-habilitation-tarification ;

5-. création d'un véritable régime d'évaluation et d'accréditation ;

6-. tarification des établissements pour personnes âgées ;

7-. reconnaissance par la loi des structures d'accueil non traditionnelles "lieux de vie et lieu d'accueil" comme du statut des FDT ;

8-. protection des salariés ;

9-. création d'un conseil national de l'action et de l'évaluation sociale.

1. Affirmation du caractère de service public de l'action médico-sociale

La mission réaffirme solennellement son attachement à la notion de service public du secteur social et médico-social.

Elle reprend à cet effet la proposition d'une des associations entendues qui adapte au secteur l'article L. 711-4 du code de la santé publique :

"Le service public social est assuré : 1-par les établissements publics sociaux 2-par les services publics sociaux 3-par ceux des établissements privés sociaux qui répondent à des conditions fixées par décret.

Ces établissements garantissent l'égal accès de tous à l'accompagnement social et médico-social qu'ils dispensent et pour lequel ils sont autorisés. Ils sont ouverts à toutes les personnes dont l'état requiert leurs services. Ils doivent être en mesure de les accueillir dans le cadre prévu par les projets institutionnels et de service pour lesquels ils ont été autorisés en urgence ou d'assurer leur admission dans un autre établissement mentionné au premier alinéa.

Ils dispensent aux usagers les actions sociales et médico-sociales préventives, curatives ou palliatives que requiert leur état et veillent à la continuité de ces actions jusqu'à la fin de leur prise en charge.

Ils ne peuvent établir aucune discrimination entre les usagers en ce qui concerne les actions sociales et médico-sociales. Ils ne peuvent organiser de régime d'hébergement différent selon la volonté exprimée par les usagers que dans la limite et selon les modalités prévues par les textes législatifs et réglementaires en vigueur".

2. Renforcement du rôle des CROSS

Le rôle des CROSS est d'émettre un avis sur l'autorisation de création de nouvelles institutions. Cet avis est primordial puisque le comité doit s'assurer de l'utilité du projet au plan social, de sa pertinence et de sa qualité ainsi que de sa faisabilité au regard des nécessaires garanties que doit apporter le promoteur.

Aujourd'hui, les CROSS ne font que délivrer cet avis sans participer à la décision. Cette situation débouche sur une accumulation d'avis favorables restés sans suite ou qui, parfois, donnent lieu à des arrêtés d'agrément qui précisent que l'établissement agréé ne pourra recevoir d'assurés sociaux (pas d'autorisation) ou ne pourra recevoir de bénéficiaires de l'aide sociale (pas d'habilitation).

Par ailleurs, cette situation est préjudiciable aux établissements placés sous compétence tarifaire de l'Etat (MAS et FDT notamment) puisque l'avis du CROSS, même favorable, ne présage pas de la concrétisation du projet, en raison de l'indépendance du rapporteur local de la DDASS locale.

Il faut donc redéfinir le rôle et le fonctionnement des CROSS :

- en leur donnant éventuellement plus de poids dans les mécanismes de décision et de constitution des SROSS ;

- en redéfinissant, par voie réglementaire notamment leur fonctionnement ainsi que leurs relations avec le DDASS.

3. Mise en place de schémas opposables

Les schémas régionaux (SROSS) et départementaux d'action sociale et médico-sociale doivent être opposables aux collectivités publiques ainsi qu'aux promoteurs.

Dans ces conditions, ils devront tenir compte des priorités sociales et des orientations définies par le conseil national de l'action et de l'évaluation sociale comme par le CROSS. Ils devront être adoptés, après avis de ce dernier conjointement par le représentant de l'Etat et des conseils régionaux, avec des procédures communes de concertations définies à l'échelon national.

Ils devront encore laisser la possibilité de répondre à des besoins nouveaux et urgents par des structures expérimentales et innovantes.

En revanche, il convient de ne pas rendre les annexes opposables car celles-ci développent des schémas de collaboration et de rapprochement structurel qui font peu de cas des projets des établissements et des décisions de leur instance.

Il y a lieu de respecter le caractère propre de chaque établissement, de ses projets, de ses façons de travailler, de son organisation comme de son esprit. Cette liberté, bien sûr, ne se conçoit que dans le respect des normes déterminées pour le secteur ; l'accréditation et la démarche "qualité" constituant là l'indispensable garde-fou.

C'est dans ce cadre que les établissements sociaux et médico-sociaux pourront harmonieusement être amenés à travailler ensemble et à s'inscrire dans diverses structures de coopération et dans des communautés d'établissements.

4. Réforme de la chaîne autorisation-habilitation-tarification

S'agissant de l'autorisation et de l'habilitation, il a lieu d'adapter le mode de reconnaissance par les pouvoirs publics au rôle que doit jouer l'équipement en termes de protection, d'aide ou d'action sociale.

Pour ce faire, il faut précisément redéfinir les notions d'autorisation préalable et d'habilitation financière. En effet, aujourd'hui l'autorisation préalable des établissements et services recouvre plusieurs prérogatives qui pourraient être éclaircies et modernisées dans la direction suivante :

- Contrôle des créations effectuées soit a priori (autorisation préalable après avis du CNOSS) ou a posteriori (déclaration) selon le degré de protection requis ainsi que selon les garanties attendues en matière d'aménagement du territoire ;

- Habilitation financière explicite et distincte de l'acte d'autorisation pour les établissements et services relevant de l'aide sociale obligatoire ou de la sécurité sociale ;

- Contrôle de fonctionnement exercé a posteriori indifféremment sur les équipements relevant de l'autorisation préalable ou de la déclaration.

S'agissant de la tarification

La référence aux besoins et aux moyens apparaît indispensable pour que les nouvelles dispositions financières ne se trouvent pas en contradiction avec la culture professionnelle qui a émergé au cours de deux décennies d'action sociale et médico-sociale.

Si la tarification réclame une modernisation appelée par l'évolution des pratiques et des techniques de gestion, ses principes fondateurs doivent être préservés car elle encadre le financement de prestations légales opposables aux collectivités publiques ou aux organismes de protection sociale. Deux tendances se dégagent aujourd'hui : d'une part la globalisation renforcée des financements dans une approche macro-économique ; d'autre part l'introduction de nouveau critères d'allocation et d'évaluation.

Sur le plan des principes, il faut donc réaffirmer la référence indissociable aux besoins et aux moyens en même temps que l'on introduit la mesure de l'activité.

Le Gouvernement a décidé d'encadrer les dépenses au sein du secteur médico-social en instituant des enveloppes opposables. Il s'agit en fait d'appliquer à ce secteur les règles en vigueur aux autres dépenses de l'assurance maladie.

Il justifiait cette mesure en estimant qu'elle permettrait d'établir un véritable objectif prévisionnel des dépenses annuelles fixant des enveloppes budgétaires limitatives et opposables aux établissements.

Il soulignait ensuite que le mécanisme d'opposabilité des enveloppes ainsi mis en place n'était pas exclusif des ajustements des budgets prévisionnels dès lors qu'ils apparaitraient dûment justifiés, ni de la possibilité pour les gestionnaires de saisir le juge de la tarification.

Les conséquences de cette décision sont évidemment importantes. Les rapports entre les autorités tarifaires et les établissements sont modifiés. Ainsi, la procédure contradictoire n'a plus le même sens et la négociation budgétaire habituelle risque d'en pâtir.

Plusieurs associations ont fait part à la mission de leur crainte de voir chaque établissement recevoir une dotation de fonctionnement et de devoir adapter sa structure en fonction des moyens qui lui seront attribués. Elles ont exprimé le souhait que toute tarification se fasse en référence aux besoins et aux moyens à mettre en place.

Enfin, le dispositif des enveloppes opposables paraît devoir entrer en contradiction avec le maintien de l'article 16 de la loi du 30 juin 1975. En effet, cet article prévoit la soumission des conventions collectives de travail, des conventions d'entreprises ou d'établissements et les accords de retraite applicables aux salariés des établissements ou services à caractère social ou sanitaire à but non lucratif dont les dépenses de fonctionnement sont supportées par des personnes publiques ou des organismes de sécurité sociale à une procédure d'agrément préalable. Cet agrément est délivré par le ministre compétent. Une fois cet agrément obtenu, la convention collective devient opposable au financeur public.

Il conviendra donc d'être vigilant et de garantir que la négociation salariale aménagée par l'article 16 est maintenue et, lorsqu'elle a été agrée, qu'elle est respectée.

La question de la mise en harmonie des enveloppes opposables avec les dispositions de l'article 16 demeure donc posée.

5. Création d'un véritable régime d'évaluation et d'accréditation

Dans l'ouvrage précité "L'équipement médico-social de la France", publié en 1994, M. Amédée Thévenet plaidait pour une "culture de l'évaluation" dans le secteur. Il déplorait alors que l'évaluation ait du mal à s'adapter dans ce domaine. Il est vrai que la démarche de l'évaluation vient de l'hôpital où, jusqu'à un certain point, la quantification est de mise et se prête plus aisément à l'évaluation.

Cependant, il suffit de se pencher sur la littérature récente dans ce domaine pour constater que l'évaluation a gagné droit de cité dans le secteur médico-social. Ainsi, dans son bulletin spécial d'avril 1997 consacré à la réforme de la loi sociale le Groupe national des établissements et services publics sociaux (GEPSO) consacre une fiche à l'évaluation, un dossier fait par le CREAI Rhône-Alpes, propose, sur la base de son expérience, un "guide pour les interventions de qualité". Enfin, et sans prétendre à l'exhaustivité, on trouve sur le site de l'Association nationale des communautés éducatives (ANCE) une page web consacrée à cette démarche1.

La notion d'évaluation dans le secteur social et médico-social est issue du secteur sanitaire (comme l'accréditation) et fait référence à l'ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée. Ce texte a notamment créé l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES).

Pour élaborer une évaluation au bénéfice de l'usager, les spécificités du secteur médico-social imposent la recherche de pratiques évaluatrices adaptées.

En effet, la nature des trois grands groupes de populations concernées (personnes handicapées, personnes exclues, personnes âgées) oriente différemment les activités des établissements et services selon qu'il s'agit de pratiques de rééducation, de réinsertion ou d'aide à la fin de vie.

Ainsi, l'Association nationale des centres régionaux pour l'enfance inadaptée estime que : "la question de l'évaluation dans le domaine médico-social est indissociable d'une définition des missions et modalités d'intervention des établissements et services médicaux-sociaux et médico-sociaux, en fonction des caractéristiques des populations accueillies, relativement aux critères de déficience, d'incapacité, de désavantage social".

La DASS décrivait en 1997 la démarche de l'évaluation/accréditation comme une maison à trois étages. On peut reprendre ici ce schéma pédagogique.

- Les normes techniques de fonctionnement définies par la loi et permettant autorisation de fonctionnement et de financement et retrait éventuel d'autorisation.

- Le tableau de bord : outil descriptif, physique, financier et institutionnel, avec des modalités de traitement statistique : ratios, indicateurs, populations accueillies, prestations, services, etc. (ce tableau fait référence à ceux mis en place pour les CAT et les CHRS qui se limitent à la constitution de ratios physiques et financiers). La DASS conçoit cet instrument comme une aide à la discussion mais non opposable : un système d'information obligatoire et commun à tous les financeurs Etat, caisses d'assurance maladie, conseils généraux.

- L'évaluation qualité interne ou externe. Elle analyse les écarts entre le fonctionnement optimal et le fonctionnement constaté. Cela repose sur des référentiels consensuels de bonne gestion et de bonne pratique, qui seront définis par le Conseil national de l'action et de l'évaluation sociale et médico-sociale. Chaque indicateur sera assorti d'une valeur optimale.

L'accréditation : ce sera une démarche volontaire et non obligatoire, vers un label de qualité conféré par une instance indépendante, plus proche de l'actuel modèle québécois que de la procédure française1. Cette démarche n'est donc pas susceptible de sanction. L'accréditation est temporaire, révisable régulièrement.

Les CREAI, possédant une large expérience dans ce domaine, pourraient utilement jouer un rôle de relais entre la Commission nationale et les établissements et services impliqués dans une démarche d'évaluation.

Enfin, et pour ne pas sombrer dans l'angélisme, il convient de signaler, sans en contester les mérites, que la démarche de l'évaluation/accréditation s'inscrit dans un contexte dont ANCE écrit :

"Nous sommes confrontés à une évaluation de nos actions en faveur des personnes en difficulté qui devront être accréditées dans une démarche de qualité. Des normes mondiales ISO, standardisées vont nous être imposées dans le médico-social comme dans le secteur marchand".

6. Tarification des établissements pour personnes âgées

La question de la réforme de la tarification des établissements pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) n'est pas réglée à ce jour.

Les décrets n° 99-316 du 26 avril 1999 relatifs aux modalités de tarification des EHPAD et n° 99-317 du 26 avril 1999 ainsi que l'arrêté pris le même jour relatifs à la gestion budgétaire et comptable des EHPAD, n'ont pas fait l'objet d'un accueil enthousiaste. En effet, quatre organisations représentant 90 % des structures d'accueil pour personnes âgées ont déféré ces textes devant le Conseil d'Etat pour excès de pouvoir au mois de juin 1999. Dans une décision du 21 février 2000, le Conseil a rejeté ces recours. Il a, en revanche, annulé, comme le demandaient les requérants, les dispositions du point 1.1 de la circulaire ministérielle du 15 juin 1999 qui prévoyait que la réforme de la tarification s'applique aux soins de longue durée, "quel que soit l'âge des personnes hébergées". Pour aboutir à cette solution, le Conseil d'Etat a relevé que le législateur avait entendu faire appliquer une tarification spécifique qu'aux seules personnes satisfaisant à la condition d'âge prévue par la loi du 24 janvier 1997 et susceptibles de bénéficier de la PSD et non à l'ensemble des personnes hébergées.

Aujourd'hui, le statu quo est maintenu dans l'attente notamment des résultats des concertations devant avoir lieu autour du document technique préparé par M. Brunetière à partir des travaux de la mission Marthe.

Ce document présentes les constatations suivantes :

Les coûts effectifs de chaque EHPAD sont mal connus dans leurs trois composantes que sont l'hébergement, l'assistance à la vie quotidienne (dépendance), les soins rendus nécessaires par l'état de la personne.

Il s'agit donc de clarifier ces financements :

L'assurance maladie paie les soins selon leur coût réel et non plus selon des forfais arbitraires;

La personne paie son hôtellerie au prix qu'elle coûte, aidée, comme avant par l'aide sociale si elle ne peut y faire face.

La solidarité vers les plus dépendants s'élargit. C'est l'instauration simultanée d'un "tarif dépendance" proportionnel à la charge de dépendance et d'une prestation nouvelle, la PSD, elle aussi modulée selon le même critère. Le dispositif adopté est en outre cohérent avec ceux de l'aide à domicile.

La réforme inclut les préoccupations de la démarche qualité.

Le document évoque la notion "d'équité distributive". Ce vocable barbare semble recouvrer les éléments suivants :

· L'évaluation de la charge de la dépendance au moyen de la grille AGIRC

· L'évaluation des niveaux de qualité atteints ou visés et la prise en compte des contraintes particulières de l'établissement

La prise en compte de l'ensemble de ces éléments doit permettre, à terme, une meilleure adéquation des moyens aux besoins.

Le principe retenu serait celui de la négociation locale entre les partenaires concernés. Le document précise : "C'est par une convention signée entre l'établissement, le représentant de l'Etat (agissant en qualité d'autorité tarificatrice de l'assurance maladie) et le département que l'établissement entre dans le nouveau régime".

Les perspectives ainsi présentées, moins abruptes que les décrets d'avril 1999, semblent devoir constituer une base de négociation acceptable pour les associations concernées.

La mission observe par ailleurs que les orientations retenues résultent de la nécessité de centrer les tarifications sur les personnes et non plus sur les structures.

7. Reconnaissance par la loi des structures d'accueil non traditionnelles "lieux de vie et lieu d'accueil" comme du statut des FDT

Déjà évoquée plus haut, la question des structures "expérimentales" ou "non traditionnelles", ainsi que les (FDT), qui ne trouvent être hors du champ de la loi doit trouver une solution à l'occasion de la réforme.

L'histoire de l'ensemble de ces établissements et services n'est autre que celle de l'évolution des pratiques et des besoins. Qu'il s'agisse de très petites structures accueillant un nombre restreint de personnes ressortissant auparavant du secteur psychiatrique, des lieux de vie, des foyers de vie ou occupationnels ou encore des MAS et des FDT toutes ces structures sont nées en réponses à des besoins peu ou pas satisfaits.

Les difficultés rencontrées par ces structures sont dues au fait qu'elles dérogent souvent aux normes habituelles et qu'elles rencontrent par là une relative hostilité des instances de décision.

Le cas des FDT est particulier en ce sens que leur création résulte d'un programme expérimental déterminé par les circulaires du 14 février 1986 et la circulaire du 3 juillet 1987. Dans un arrêt du 30 juin 1999, le Conseil d'Etat a estimé que, de caractère réglementaire, ces textes étaient entachés d'incompétence. Les FDT se sont donc vus privés de base légale par cette décision.

Ces faits illustrent parfaitement la situation des établissements et services visés, à qui la loi devra simplement donner une base légale.

Enfin, il lui reviendra de clarifier le statut des structures expérimentales nouvelles, en prévoyant une plus grande souplesse dans la possibilité de déroger aux normes habituelles en ce qui concerne la mise en _uvre de techniques nouvelles de prise en charge, la nature des populations accueillies et les modalités de tarification.

8. Protection des salariés

Fréquemment, des travailleurs sociaux ou éducatifs se disent objets de brimades et parfois de licenciement pour avoir dénoncé des mauvais traitements au sein de l'institution qui les emploie. Ces mauvais traitements peuvent concerner toutes les populations ressortissant des dispositions de la loi de 1975.

La loi n° 89-487 du 10 juillet 1989, relative à la prévention des mauvais traitements à l'égard des mineurs et à la protection des mineurs maltraités, insérée dans le code de la famille et de l'aide sociale (Art. 66 à 72) a voulu faciliter le recueil des informations relatives aux mineurs maltraités.

Par ailleurs, l'article L. 223-14 du code pénal relève des obligations de secret professionnel celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de sévices ou de privations dont il a eu connaissance et qui ont été infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n'est pas en état de se protéger en raison de son état physique ou psychique. Ces personnes tenues au secret professionnel sont donc autorisées à parler dans cette circonstance. Ce signalement est même obligatoire dans certains cas : lorsque les personnes concernées interviennent dans le cadre de l'assistance éducative où elles ont obligation de rendre compte au juge des enfants (Cass. Crim. 8 oct. 1997) ; lorsqu'elles participent aux missions de l'aide sociale à l'enfance. Un certain nombre d'articles du code pénal emportent obligation d'assistance (Art. 226-6), obligation de signalement (Art. 434-1, 434-3). S'agissant des fonctionnaires, cette obligation résulte des dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale.

Il peut se produire que, prévenue, la hiérarchie tente d'étouffer l'affaire ou ne saisisse pas les autorités compétentes. Il en résulte que trop de violences demeurent tues et non prises en compte ou ne sont révélées que bien après la date d'occurrence des faits.

Des salariés se sont trouvés en difficulté, voire licenciés pour avoir directement informé le président du conseil général, le préfet ou le procureur de la République comme la loi le prescrit.

La pratique démontre que la tentation est courante de créer de nouvelles normes alors que la bonne application des textes existants serait suffisante. La mission souhaite néanmoins présenter des "pistes" susceptibles de renforcer la protection des salariés placés dans ces situations.

Dans le domaine de la prévention, l'article 93 du code de la famille et de l'aide sociale prévoit que tout mineur accueilli collectivement ou isolément hors du domicile du tuteur légal est placé sous la protection de l'autorité publique. Il peut s'agir ici du président du conseil général ou du préfet. Le premier, aux termes de l'article 94 du code suscité, doit exercer une surveillance sur les conditions morales et matérielles de l'hébergement. Le second peut adresser des injonctions, voire prononcer la fermeture de l'établissement s'il constate que la santé, la moralité ou l'éducation des mineurs sont menacées. Malheureusement, si les contrôles sont effectifs dans le domaine financier ou immobilier, les appuis pédagogiques et les contrôle des conditions de vie des personnes sont timorés ou inexistants.

Dans le domaine de la régulation, une instance de conseil et de régulation pourrait être instituée à l'échelon régional. A l'instar des comités d'éthique, ces comités pourraient être consultés pour avis par les travailleurs sociaux comme par leurs employeurs. Les CROSS pourraient voir leurs compétences complétées dans ce sens.

Pour les situations où ni la prévention, ni la régulation n'auront été opérantes, une protection particulière devrait être envisagée.

Une disposition inspirée de celle existant pour les salariés titulaires d'un mandat électif de représentant syndical, délégué du personnel ou représentant du personnel au comité d'entreprise (articles L 412-18, L 425-1 et L 436-1 du code du travail) pourrait être retenue : tout projet de licenciement doit être soumis à l'avis du comité d'entreprise puis à l'accord de l'inspecteur du travail.

Les voies de recours seraient les mêmes que pour ces salariés protégés.

Ces dispositions viseraient :

- toutes les catégories de personnel, travailleurs sociaux et les salariés des services généraux ou administratifs ;

- toutes les institutions sociales mentionnées à l'article 3 de la loi du 30 juin 1975.

9. Création d'un conseil national de l'action et de l'évaluation sociale

Il ne s'agit pas là de créer un énième organe dans un secteur qui n'est pas sans en comporter d'ores et déjà un nombre conséquent. Bien au contraire, l'effort de planification régional et départemental doit s'insérer dans un cadre national.

En effet, si bien des collectivités territoriales ne ménagent pas leurs efforts dans le domaine de la concertation afin de répondre aux besoins, une perspective à l'échelon nationale paraît indispensable.

En effet, le premier argument militant en la faveur de la création de cette instance réside en ce qu'un recentrage des besoins connus est nécessaire au plan national par le biais d'une évaluation menée à cet échelon.

En second lieu et tout en respectant à la fois la liberté des établissements et services comme l'autonomie des collectivités territoriales, le conseil national définira les référentiels consensuels de bonne gestion et de bonne pratique du domaine social et médico-social. Ceci sera de nature à limiter les disparités constatées dans le pays ainsi qu'à mettre en valeur la part que prennent les établissements et services sociaux et médico-sociaux à l'aménagement du territoire.

Un autre avantage enfin serait que cette institution, différente du CNOSS et des CROSS, permettrait une conférence sociale élargie susceptible de coordonner les actions et évolutions des secteurs sanitaire et social et médico-social.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le rapport d'information sur la réforme de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales, au cours de sa séance du mercredi 15 mars 2000.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Le président Jean Le Garrec a relevé la grande complexité du secteur médico-social. Il a estimé que l'état d'avancement du texte du Gouvernement permettait d'envisager un dépôt avant la fin de l'année pour un examen au cours de l'année prochaine. Par ailleurs, le projet de loi de modernisation sociale devant être examiné à la fin du mois de juin permettra de répondre à des urgences telle la PSD.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin a rappelé que le chantier de la réforme de la loi de 1975 a été entamé par M. Jacques Barrot et que récemment Mme Dominique Gillot a confirmé que ce texte ferait l'objet d'un projet autonome, ce qui est une bonne chose, car il s'agit d'un texte à discuter en dehors de toute polémique et pouvant faire l'objet d'un consensus.

Dès lors, on comprend mal que cette réforme soit constamment renvoyée à une date ultérieure, certains de ces éléments essentiels ayant été cependant intégrés, sans cohérence d'ensemble, à divers textes législatifs.

Sur le fond, le rapport de la mission appelle les observations suivantes :

- Il est essentiel de préserver la spécificité du secteur social et médico-social face à la menace que constitue pour cette spécificité la transformation d'établissements hospitaliers en établissements médico-sociaux.

- La volonté affirmée de « placer l'usager au c_ur du dispositif » ressortit de la pétition de principe et n'est pas sans avoir un aspect désobligeant à l'encontre du travail déjà accompli.

- Il n'y a pas lieu de faire croire qu'une simple réforme de la loi sociale résoudra tous les problèmes, comme le montre par exemple la situation des personnes handicapées vieillissantes ; c'est en effet en termes quantitatifs que beaucoup de ces problèmes se posent.

- Les collectivités territoriales craignent de devenir les financeurs du droit à l'innovation. Il conviendrait que l'Etat dégage des crédits orientés vers l'innovation.

- Il est regrettable que l'avant-projet du Gouvernement ne contienne pas de chapitre consacré à la clarification des compétences. Par ailleurs, un flou demeure sur la qualification juridique des schémas, sur leur coordination à l'échelon départemental et régional ainsi que sur leur coordination avec les schémas sanitaires.

- On peut se demander si la réforme de la loi sociale peut se faire sans modification parallèle de la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées, par exemple pour assurer l'articulation de l'hébergement en établissement et du maintien à domicile.

- Il ne faut pas oublier que la PSD était à l'origine une expérimentation et que les clauses de rendez-vous prévues n'ont pas été appliquées.

- Il faut donner un statut aux FDT.

- La maltraitance est un sujet qui mériterait d'être approfondi.

M. Francis Hammel a fait les remarques suivantes :

- Au titre des éléments positifs contenus dans l'avant-projet, il y a lieu de relever la place réservée aux droits des usagers.

- Le texte doit pouvoir gommer les disparités constatées en terme d'équipement aux niveaux régional et départemental.

- La place réservée à l'évaluation dans le domaine médico-social constitue un progrès positif de nature à garantir la qualité des prestations fournies aux usagers.

- En ce qui concerne les propositions de la mission, elles répondent à des attentes fortes dans des domaines tels le travail social à domicile, la question des handicapés vieillissants et de la PSD, la clarification des relations entre les secteurs sanitaire et social, ainsi que l'hébergement temporaire. Fait cependant défaut dans le rapport comme dans l'avant-projet, l'évocation de la nécessaire articulation entre le secteur médico-social et le ministère de l'éducation nationale.

- Dans le domaine de la tarification, deux points doivent être étudiés : les modalités de tarification des prestations en fonction de l'état de la personne et la compatibilité du dispositif des enveloppes opposables avec les questions de sécurité des biens et des personnes au sein des établissements.

M. Yves Bur a, à son tour, déploré le retard pris dans la réforme de la loi et a fait les observations suivantes :

- S'il est important de renforcer les droits des usagers, cela ne peut se faire qu'à la condition de leur donner un contenu précis.

- Il est légitime d'affirmer le droit à l'innovation et à l'expérimentation, mais, il faut rappeler l'action déjà menée par les départements dans ce domaine.

- De nombreuses associations s'inquiètent des conséquences prévisibles du redéploiement du secteur sanitaire vers les secteur social et médico-social.

- La future loi devra être accompagnée de moyens financiers supplémentaires.

- La maltraitance est rarement volontaire et elle résulte plus souvent de la négligence ou de l'inadaptation des structures.

M. Bernard Perrut a souligné les points suivants :

- La réforme est très attendue, notamment par le mouvement associatif.

- Un progrès est nécessaire dans la lisibilité des financements.

- Le rôle des familles accueillant des personnes âgées ou handicapées et encore trop ignoré.

Mme Hélène Mignon a estimé que la notion de maltraitance devait être définie avec soin, car elle pouvait résulter de différents facteurs tels que l'état des lieux d'accueil ou les moyens en personnel.

En réponse aux intervenants, M. Pascal Terrasse, rapporteur, a apporté les précisions suivantes :

- La loi sociale est un texte d'organisation du secteur, à la différence de la loi du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées qui est une loi d'orientation. Il faut avoir conscience de ses limites.

- La spécificité du secteur social et médico-social, notamment au regard du secteur sanitaire, doit en effet être défendue.

- S'agissant des questions de planification et d'élaboration de schémas, une des difficultés majeures réside dans la mauvaise connaissance statistique de la démographie du handicap.

- L'opposabilité des schémas est une nécessité.

- La nécessité d'une évolution de la PSD vers une prestation d'autonomie est indéniable. En effet, on peut considérer la PSD comme constituant un relatif échec.

- L'action de l'éducation nationale dans la réinsertion est évoquée dans le rapport et pose davantage une question de financement que de création d'une norme supplémentaire dans la loi.

- La modulation de la tarification en fonction du handicap est une solution d'avenir. La question de la compatibilité de cette réforme avec le maintien de la grille AGGIR doit être étudiée.

Le président Jean Le Garrec a indiqué que le projet de modernisation sociale pourrait apporter des modifications urgentes dans le domaine médico-social : PSD, accueil à domicile de personnes handicapées ou âgées notamment.

L'articulation entre le rôle des CROSS, les schémas et la tarification se situe au c_ur du problème. S'agissant des schémas opposables, un rapprochement doit être fait avec les travaux menés au sein de la commission sur la régionalisation du système de santé. En effet, des schémas régionaux de santé ne pourront être élaborés en dehors d'une coordination entre les secteurs sanitaire et social et médico-social.

La commission a décidé, en application de l'article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication.

ANNEXE

Auditions effectuées par la mission.

-  Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la solidarité et à la santé

- AMFD (Fédération nationale des aides aux mères de famille à domicile)

- AMF (Association des maires de France)

- ANCE (Association nationale des communautés éducatives)

- ADEHPA (Association des établissements d'hébergement pour personnes âgées)

- ADF (Assemblée des départements de France)

- APF (Association des paralysés de France)

- Association DS3 (Association des directeurs d'établissements sanitaires et sociaux et des directeurs d'établissements sociaux et médicaux sociaux et médico-sociaux stagiaires et anciens élèves de la filière DS3)

- APAJH (Association pour adultes et jeunes handicapés)

- APCGF (Association des présidents de conseils généraux)

- CFDT (Confédération française démocratique du travail)

- CGT (Confédération générale du travail)

- Collectif polyhandicap

- Conférence nationale des directeurs d'établissements publics hébergeant des personnes âgées dépendantes

- CREAI Lyon (Centre régional pour l'enfance et l'adolescence inadaptée)

- FASSAD (Fédération des associations de soins et services à domicile)

- FEHAP (Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privée à but lucratif)

- FFAIMC (Fédération française des associations d'infirmes moteurs cérébraux)

- FFESCPE (Union intersyndicale des secteurs sanitaires et sociaux)

- FHF (Fédération hospitalière de France)

- FNACPPA (Fédération nationale accueil confort pour les personnes âgées)

- FNADEPA (Fédération nationale des associations de directeurs d'établissements et services pour personnes âgées)

- Fédération nationale des instituts de sourds et d'aveugles de France

- FMF (Fédération des mutuelles de France)

- FNMF (Fédération nationale des mutuelles françaises)

- GEPSO (Groupe national des établissements et services sociaux)

- Groupe handicap moteur

- Messidor (Association gestionnaire d'établissements de travail protégé en région Rhône-Alpes)

- Perce-neige

- SNAPEI (Syndicat national des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales gestionnaires d'établissements et de services spécialisés)

- SNASEA (Syndicat national des associations pour la sauvegarde de l'enfant à l'adulte)

- UNAPEI (Union des associations de parents et amis d'enfants handicapés)

- UNASSAD (Union Nationale des Associations de Soins et Services à Domicile)

- UNEPPA (Union nationale des établissements privés pour personnes âgées)

- UNIOPS (Union nationale interfédérale des _uvres et organismes privés sanitaires et sociaux)

- UNPF (Union nationale des polios de France)

- UNIFED (Union des fédérations et syndicats nationaux d'employeurs sans but lucratif du secteur sanitaire, médico-social et social)