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N° 2543

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 juillet 2000.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN (1) en conclusion des travaux d'une mission d'évaluation et de contrôle constituée le 22 décembre 1999 (2),

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Didier MIGAUD,

Rapporteur général,

Député.

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MM. Augustin BONREPAUX et Jean-Pierre DELALANDE,
Présidents

sur LE RECOUVREMENT DE L'IMPÔT

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

(2) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

Impôts et taxes.

La Commission des finances, de l'économie générale et du plan est composée de :

M. Henri Emmanuelli, président ; M. Didier Migaud, rapporteur général ; MM. Michel Bouvard, Jean-Pierre Brard, Yves Tavernier, vice-présidents, MM. Pierre Bourguignon, Jean-Jacques Jégou, Michel Suchod, secrétaires ; MM.  Maurice Adevah-Poeuf, Philippe Auberger, François d'Aubert, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, François Baroin, Alain Barrau, Jacques Barrot, Christian Bergelin, Eric Besson, Alain Bocquet, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Mme Nicole Bricq, MM. Christian Cabal, Jérôme Cahuzac, Thierry Carcenac, Gilles Carrez, Henry Chabert, Didier Chouat, Alain Claeys, Yves Cochet, Charles de Courson, Christian Cuvilliez, Arthur Dehaine, Jean-Pierre Delalande, Francis Delattre, Yves Deniaud, Michel Destot, Patrick Devedjian, Laurent Dominati, Tony Dreyfus, Jean-Louis Dumont, Daniel Feurtet, Pierre Forgues, Gérard Fuchs, Gilbert Gantier, Jean de Gaulle, Hervé Gaymard, Jacques Guyard, Pierre Hériaud, Edmond Hervé, Jacques Heuclin, Jean-Louis Idiart, Mme Anne-Marie Idrac, MM. Michel Inchauspé, Jean-Pierre Kucheida, Marc Laffineur, Jean-Marie Le Guen, Maurice Ligot, François Loos, Alain Madelin, Mme Béatrice Marre, MM. Pierre Méhaignerie, Louis Mexandeau, Gilbert Mitterrand, Jean Rigal, Alain Rodet, José Rossi, Nicolas Sarkozy, Gérard Saumade, Philippe Séguin, Georges Tron, Jean Vila.

*

* *

La Mission d'évalution et de contrôle est composée de : MM. Augustin Bonrepaux, Jean-Pierre Delalande, présidents ; M. Henri Emmanuelli, président de la Commission des finances ; M. Didier Migaud, rapporteur général ; Mme Nicole Bricq, MM. Michel Bouvard, Jean-Pierre Brard, Jérôme Cahuzac, Francis Delattre, Yves Deniaud, Daniel Feurtet, Jean-Jacques Jegou, Marc Laffineur, Jean Rigal, Michel Suchod, membres titulaires ; MM. Jacques Barrot, Gilles Carrez, Yves Cochet, Christian Cuvilliez, Gilbert Gantier, Jacques Guyard, Pierre Hériaud, Gilbert Mitterrand, membres suppléants.

M. Jean-Marie Le Guen, rapporteur spécial de la Commission des finances pour la communication a également participé à ses travaux.

SOMMAIRE

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Pages

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INTRODUCTION 5

I.- LA NÉCESSAIRE RÉFORME DU RECOUVREMENT DE L'IMPÔT 7

A.- UN PILOTAGE STRATÉGIQUE DE LA RÉFORME EST NÉCESSAIRE 7

1.- Les administrations fiscales connaissent des problèmes réels et profonds 8

2.- Le pilotage stratégique de la réforme des administrations fiscales 13

B.- LE CHAMP DES RÉFORMES 17

1.- Les orientations du Gouvernement et les expérimentations mises en oeuvre 17

2.- L'informatique constitue un champ d'investissement prioritaire 20

3.- Favoriser une meilleure rédaction et une simplification de la loi fiscale 23

II.- LA REDEVANCE AUDIOVISUELLE, EXEMPLE D'IMPÔT ARCHAÏQUE, INJUSTE ET COÛTEUX À GÉRER 27

A.- UN IMPÔT ARCHAÏQUE 27

1.- Un impôt ancien assis sur la détention de la radio puis de la télévision 27

2.- Un impôt sur un produit courant qui ne dépend plus d'un monopole public 30

B.- UN IMPÔT INJUSTE 32

1.- Un impôt non progressif et d'une grande complexité 32

2.- Un impôt fraudé 35

C.- UN IMPÔT COÛTEUX À GÉRER 39

1.- Un coût de gestion élevé malgré les progrès réalisés par le service spécialisé 39

2.- Le remplacement possible de la redevance par le produit des jeux 43

3.- La question de la conformité au droit communautaire 46

4.- Une gestion sociale de la reconversion des services 47

OBSERVATIONS ET PROPOSITIONS DE LA MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE 49

I.- OBSERVATIONS ET PROPOSITIONS GÉNÉRALES 49

II.- OBSERVATIONS ET PROPOSITIONS SUR LA REDEVANCE AUDIOVISUELLE 51

EXAMEN EN COMMISSION 55

AUDITIONS 59

1.- MM. Jean-Luc Lépine, inspecteur général des finances, Julien Carmona,

inspecteur des finances, et Pierre-François Gouiffès, inspecteur des finances 61

2.- MM. Thierry Bert, chef du service de l'inspection générale des finances, et Paul Champsaur, directeur général de l'INSEE 79

3.- MM. Jean-Luc Runfola, responsable du centre des impôts de Châtillon-sur-Seine, Gérard Cournault, receveur principal de Semur-en-Auxois, et Yves Courtot, trésorier de Pouilly-en-Auxois 103

4.- MM. Jean-Christophe Royer, responsable du centre des impôts de Dijon-Sud, Alain Gaiffe, receveur principal de Dijon-Sud, et Roland Pontiroli, trésorier de Chenôve 125

5.- M. Michel Gobbo, trésorier-payeur général, chef du service de la redevance

de l'audiovisuel 139

6.- M. François Villeroy de Galhau, directeur général des impôts 153

7.- M. Jean Bassères, directeur général de la comptabilité publique 195

8.- M. Bernard Pêcheur, secrétaire général du ministère de l'économie, des finances

et de l'industrie 223

9.- M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie 241

ANNEXE 273

Liste des auditions d'organisations syndicales auxquelles a procédé votre Rapporteur général 275

Mesdames, Messieurs,

Sur le thème du recouvrement de l'impôt, la mission d'évaluation et de contrôle a mené ses travaux dans un environnement particulier.

Le 10 mars 2000, elle a, en effet, entendu les auteurs des rapports qui avaient inspiré le projet de réforme des administrations fiscales présenté en comité technique paritaire ministériel le 27 janvier 2000 et qui, par la suite, fut abandonné (1).

Les auditions des responsables de centres et de recettes des impôts et de trésoreries, le 2 mars 2000, se sont déroulées durant la période de contestation de cette réforme par les personnels des administrations financières.

Votre Rapporteur général a ensuite reçu chacun des syndicats du ministère, le 11 avril 2000, alors qu'un autre mouvement de réforme était engagé. Il fut concrétisé par les orientations définies lors du comité technique paritaire ministériel du 28 avril 2000.

L'audition de M. François Villeroy de Galhau, directeur général des impôts, le 22 juin 2000, et celles de MM. Jean Bassères, directeur général de la comptabilité publique, et Bernard Pêcheur, qui avait inauguré quelques semaines auparavant les fonctions, nouvellement créées, de secrétaire général du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, le 29 juin 2000, ont eu lieu dans un tout autre climat que celui qui prévalait au début des travaux de notre mission. Il en fut de même juste avant la conclusion de nos travaux, le 6 juillet 2000, pour l'audition de M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Le présent rapport tient, bien sûr, compte de l'évolution du contexte. Il s'agit aujourd'hui de regarder devant nous, dans le cadre de la nouvelle stratégie de réforme mise en _uvre par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et la secrétaire d'Etat au budget.

La Mission d'évaluation et de contrôle ne peut cependant faire abstraction des constats présentés dans les rapports précédemment évoqués et des projets initiaux de réforme rendus publics au début de l'année 2000. Une telle attitude aurait pour effet de priver la représentation nationale d'importants éléments de réflexion. Concrètement, si le présent rapport se situe clairement dans la perspective de la réforme-modernisation du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie présentée en avril dernier, il ne s'interdit pas de faire référence à ces travaux et aux éléments que leurs auteurs ont livrés devant notre mission.

On observera que les travaux menés par le sénateur Bernard Angels au sein de la Commission des finances du Sénat (1) ont permis d'établir un bilan montrant clairement les difficultés et les insuffisances qu'il convient de surmonter.

En tout état de cause, il apparaît que la volonté de réforme est partagée par tous les acteurs, sans exception. Aucune des personnes que la Mission ou que votre Rapporteur général a entendues ne s'est déclarée satisfaite de la situation actuelle des administrations chargées du recouvrement de l'impôt. Ce relatif consensus sur le diagnostic s'accompagne cependant de divergences parfois profondes sur les solutions à mettre en _uvre.

Dans un premier temps, le présent rapport s'attachera à définir les orientations que pourrait prendre la nécessaire réforme du recouvrement de l'impôt ainsi que les conditions indispensables à sa réussite. Dans un deuxième temps, et à titre d'exemple, le rapport s'intéressera plus particulièrement à la redevance de l'audiovisuel, impôt qui paraît à la fois archaïque, injuste et coûteux à gérer.

*

* *

I.- LA NÉCESSAIRE RÉFORME DU RECOUVREMENT DE L'IMPÔT

Dans ce cadre, votre Rapporteur général souhaite placer sa contribution au niveau de la méthode et du champ de la nécessaire réforme du recouvrement de l'impôt :

- s'agissant de la méthode, il est nécessaire de mettre en _uvre un pilotage stratégique de la réforme des administrations financières, afin de la conduire de façon cohérente, continue, et en étant à l'écoute de tous. L'annonce d'expérimentations permettant de favoriser la discussion et le dialogue, afin d'aboutir à une « réforme partagée », représente, du point de vue la méthode, un progrès important. De même, l'institution d'un secrétaire général du ministère constitue une avancée substantielle, dans la ligne des propositions formulées par votre Rapporteur général dans le rapport présenté en janvier 1999 au nom du groupe de travail sur le contrôle parlementaire et l'efficacité de la dépense publique (2). Le Parlement doit pouvoir apporter sa contribution à ce pilotage ;

- concernant le champ des réformes, votre Rapporteur général a choisi, après une étude liminaire consacrée aux éléments de réforme d'ores et déjà engagés, de traiter de deux éléments récurrents dans les appréciations de toutes les personnes que la mission a entendues. D'une part, la mise au point d'une informatique performante est apparue comme une nécessité absolue, dans la perspective de l'établissement, indispensable, du compte fiscal unique du contribuable. D'autre part, les conditions d'élaboration de la loi fiscale doivent être améliorées, afin, à tout le moins, que les simplifications fiscales puissent dès leur entrée en vigueur, être effectivement éprouvées comme telles.

A.- UN PILOTAGE STRATÉGIQUE DE LA RÉFORME
EST NÉCESSAIRE

Les problèmes des administrations françaises chargées du recouvrement de l'impôt semblent se concentrer autour de trois thèmes : le coût du recouvrement apparaît élevé, plus élevé que dans d'autres pays développés comparables à la France ; les systèmes informatiques utilisés par les administrations financières ne sont pas performants ; l'accueil du public et le service rendu au contribuable et à l'usager ne sont pas suffisamment pris en compte.

Si les constats récemment établis peuvent, certes, être quelque peu nuancés, la réforme qu'ils appellent, en tout état de cause, doit être menée avec méthode et constance. Elle doit s'appuyer sur des diagnostics clairs et promouvoir des changements faisant l'objet d'une concertation préalable et d'une évaluation précise. Elle a donc besoin d'un pilotage stratégique que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a d'ailleurs évoqué lors de son audition par la mission le 6 juillet dernier.

1.- Les administrations fiscales connaissent des problèmes réels

et profonds

a) Le coût du recouvrement de l'impôt est relativement plus élevé en France que dans des pays comparables. Certaines spécificités l'expliquent en grande partie

Le débat concernant les administrations fiscales s'est parfois focalisé sur le chiffre du taux d'intervention du recouvrement de l'impôt. Il s'agit du rapport entre le coût net du recouvrement et son rendement net. Le rapport élaboré sous la direction de M. Jean-Luc Lépine estime ce ratio, en première analyse, à 1,6 en France contre 0,49 et 0,52 respectivement aux Etats-Unis et en Suède. La moyenne de l'ensemble de l'échantillon choisi(1) se situe à 1,1 (2).

Ce chiffre a été contesté par une grande partie des syndicats entendus par votre Rapporteur général. Il convient, en effet, de le nuancer, exercice auquel invite d'ailleurs le rapport de M. Jean-Luc Lépine.

En effet, si les cotisations sociales étaient intégrées dans le calcul du taux d'intervention français, celui-ci s'élèverait à 1,13 et non plus à 1,6. Or, dans l'échantillon des pays étudiés, il n'est pas rare que l'administration fiscale recouvre les cotisations sociales. C'est notamment le cas aux Etats-Unis, en Suède, en Irlande, au Canada et aux Pays-Bas.

Ce ratio ainsi rectifié rapproche donc la France de ce que le rapport de M. Jean-Luc Lépine appelle « la population médiane de l'échantillon », à un niveau un peu supérieur à 1, qualifié de « normal » par le rapport lui-même. Ce taux plus modéré pour la France a pour origine le coût du recouvrement peu élevé des cotisations sociales par les URSSAF. Il est vrai que le coût de ce recouvrement pèse en grande partie sur les entreprises, qui s'acquittent notamment de la part salariale des cotisations sociales, en lieu et place des salariés. Le fait que ces prélèvements soient recouvrés selon un système de retenue à la source explique aussi ce faible coût.

Au-delà de la correction technique relative au recouvrement des cotisations sociales, la performance mitigée des administrations financières françaises s'explique aussi par des caractéristiques propres à leur organisation et aux missions qui leur incombent. Ainsi le choix d'un maillage territorial serré, notamment au sein de la direction générale de la comptabilité publique (DGCP), a certes un coût, mais il est aussi la concrétisation de la volonté d'une proximité des services rendus aux usagers et aux contribuables sur l'ensemble du territoire. Par ailleurs, le souci de justice fiscale, qui se traduit notamment par la personnalisation des impôts, aboutit souvent à une législation fiscale complexe, dont le coût de gestion est élevé.

Ces éléments spécifiques, issus de choix politiques légitimes, ne sauraient pourtant tenir lieu d'explications suffisantes et définitives aux résultats évoqués. Ainsi, il semble évident qu'une baisse du coût de recouvrement de l'impôt est nécessaire et possible. Nécessaire, car l'existence d'un service public de qualité à un moindre coût est une exigence légitime du citoyen-contribuable. Possible, car les administrations financières françaises peuvent encore accroître leur productivité par des moyens tels que la mise au point d'une informatique performante ou une automatisation plus poussée du traitement des moyens de paiement.

S'il faut encore prouver que les performances des administrations fiscales françaises ne sont pas si mauvaises qu'on a pu le dire, mais que leur amélioration est une nécessité, on peut se référer au tableau suivant qui compare les taux d'intervention de différents groupes d'impôts en France et au Royaume-Uni.

COMPARAISON DES TAUX D'INTERVENTION PAR IMPÔT

(en pourcentage)

 

France

Grande-Bretagne

Ecart de coûts France/
Royaume-Uni

Impôts directs

1,90

1,41

+ 35

TVA

1,05

0,48

+119

Cotisations sociales

0,49

0,28

+ 79

Impôts directs + TVA

1,60

1,12

+ 43

Tous prélèvements

1,13

0,84

+ 35

Source : rapport de l'inspection générale des finances sur l'analyse comparative des administrations fiscales.

Si l'écart global, réel, reste circonscrit, on note cependant que le taux d'intervention spécifique à la TVA est, pour la France, supérieur au double de celui observé au Royaume-Uni, alors qu'il s'agit d'un impôt dont la réglementation est assez largement similaire dans les deux pays, puisqu'elle est d'origine communautaire (3). On note cependant que le législateur français a tenu à personnaliser cet impôt selon le chiffre d'affaires ou la nature de l'assujetti. Il est certain que la gestion des assiettes de chacun de ces régimes spéciaux de TVA renchérit le coût de son recouvrement. Par ailleurs, le rapport de l'inspection générale des finances sur l'analyse comparative des administrations fiscales souligne « l'excellence » du contrôle fiscal relatif à la TVA au Royaume-Uni, ce qui tend à minorer le coût global du recouvrement des créances de TVA.

b) L'informatique : un constat incontestable de carence

Le constat d'une informatique désuète, mal développée, cloisonnée géographiquement, par impôt et par direction, est admis par tous. Le rapport Lépine souligne que la part des dépenses relatives à l'informatique représente en France 10% des dépenses du ministère des finances, contre plus de 20% des dépenses des administrations fiscales aux Etats-Unis, aux Pays-Bas et en Espagne.

Le rapport de la mission 2003 met en lumière le cloisonnement des systèmes informatiques qui assistent les agents dans leur travail quotidien. Les applications des trésoreries et des recettes et centres des impôts ne sont pas compatibles. Les schémas informatiques respectifs des deux directions n'ont jamais été fusionnés ni même harmonisés. La gestion de l'informatique devient parfois un véritable handicap pour les administrations fiscales. Ainsi, à la direction générale de la comptabilité publique, il s'écoule une semaine entre un paiement et sa prise en compte effective. Durant ce laps de temps, le contribuable est considéré, par le système informatique, comme n'ayant pas payé sa dette. Un tel système ne rend pas un service de qualité au contribuable, qui est en droit d'attendre une gestion en temps réel de ses obligations fiscales. Généralement, le système informatique semble être, avec l'éclatement de l'organisation des administrations fiscales, un élément qui pénalise les contribuables de bonne foi et peut offrir des échappatoires aux contribuables récalcitrants.

Les cadres « de terrain » de la direction générale des impôts (DGI) et de la direction générale de la comptabilité publique (DGCP), lors de leur audition par la mission le 2 mars 2000, ont confirmé que l'informatique utilisée était peu maniable, malgré de récents progrès. Un receveur des impôts (DGI) est ainsi obligé de téléphoner au percepteur (DGCP) pour connaître l'état d'une créance d'impôt sur les sociétés d'un contribuable qui relève de lui pour le paiement de la TVA. La démarche est inverse quand il s'agit d'une créance de TVA.

La distinction entre services d'assiette et de recouvrement en matière de taxes recouvrées par la DGI, n'est d'ailleurs pas sans poser des problèmes. Il semble cependant que l'interconnexion informatique entre les services d'assiette et de recouvrement au sein des services de la direction générale des impôts soit maintenant devenue plus efficace. Pour en revenir aux relations informatiques entre les deux directions, M. Roland Pontiroli, trésorier à Chenôve (Côte d'Or), a précisé, lors de son audition, le 2 mars dernier par la mission, que l'expérience d'interconnexion informatique entre un centre des impôts et sa trésorerie avait donné toute satisfaction.

Les sept fédérations syndicales reçues le 11 avril par votre Rapporteur général ont dénoncé sans appel la situation de l'informatique au sein du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Alors que chacune d'entre elles a combattu avec plus ou moins de virulence le projet d'une administration fiscale unique, toutes demandent la mise au point d'une informatique commune aux deux grandes directions fiscales du ministère. A titre d'exemple, la CFDT a dénoncé l'absence de projet commun informatique aux deux directions depuis plus de quinze ans, ainsi que le développement parallèle de deux systèmes incompatibles. La fédération FO regrette que l'informatique actuelle soit inadéquate pour une utilisation, même simple, d'un identifiant unique du contribuable. La FDSU, qui regroupe le SNUI pour la DGI et son équivalent pour la DGCP, estime que les progrès de l'informatique doivent être les premiers à être réalisés. La CGT propose la création d'un dossier informatique fiscal unique accessible dans tous les centres et recettes des impôts, ainsi que dans toutes les trésoreries. Ces doléances reflètent certainement une réalité quotidienne particulièrement désagréable, mal vécue par les agents des administrations financières.

c) Une qualité d'accueil et de service au public difficile à évaluer

Contrairement à la question de l'informatique, les sujets relatifs à la qualité de l'accueil du public et du service rendu aboutissent à des constats très divergents.

Lors de son audition, le 10 février dernier, M. Jean-Luc Lépine a attiré l'attention de la mission sur l'importance que les administrations étrangères attachaient à ces questions. Dans son rapport, il décrit les démarches étrangères de programme et de planification des services offerts aux usagers, ainsi que l'intégration des enquêtes sur la satisfaction des usagers dans les résultats globaux des administrations fiscales. Il constate que les administrations françaises n'ont pas cette démarche programmatique et, par exemple, ne forment pas leur personnel aux tâches d'accueil du public. Certaines administrations étrangères appréhendent, en revanche, le contact avec le public comme un métier à part entière.

L'inexistence d'indice de satisfaction ne signifie cependant nullement l'absence de satisfaction. Elle ne signifie même pas nécessairement un niveau de satisfaction plus faible qu'ailleurs.

On observera cependant que les administrations fiscales françaises n'élaborent pas de programme global d'aide à la déclaration des revenus. Elles n'évaluent pas non plus le nombre et l'opportunité des échéanciers accordés pour le paiement des dettes fiscales aux personnes ayant subi une brusque chute de revenu. Ces services rendus à l'usager n'en sont pas moins quotidiens. Cette réflexion est révélatrice d'une faiblesse dans le travail, fort utile par ailleurs, de l'inspection générale des finances sur l'analyse comparative des administrations fiscales. Selon ce rapport, toute tâche non programmée, décomptée, évaluée et comparée semblerait, par-là même, ne pas exister.

Cependant, le service du public ne peut pas se limiter à une pétition de principe. Il doit prouver son existence et sa valeur. Cette démarche fut entreprise par la mission 2003, notamment à l'aide de sondages de satisfaction auprès des usagers. Elle a abouti à des résultats mitigés. La difficulté d'utilisation du téléphone est particulièrement critiquée par les usagers. France Telecom estime le taux d'appels non décrochés à 40%. Ce taux moyen connaît des pointes plus élevées en zone urbaine et durant les périodes de l'année pendant lesquelles le travail de recouvrement est lourd. Les usagers se plaignent souvent de ne pas trouver au bout du fil une personne immédiatement compétente.

Ces résultats ont été vivement critiqués devant votre Rapporteur général par toutes les organisations syndicales. Elles estiment que les agents sont particulièrement dévoués dans l'exercice des tâches qui leur incombent. La vérité est peut-être dans cette remarque faite par M. Gérard Cournault, receveur principal des impôts à Semur-en-Auxois (Côte d'Or), lors de son audition par la mission, le 2 mars dernier: « nous accomplissons nos missions au maximum de nos possibilités avec les moyens qui nous sont donnés et qui ne sont pas forcément optimums ».

Pourtant, en matière de service aux usagers, faire de son mieux est éminemment louable, mais ne signifie pas offrir le meilleur service. Personne ne met en doute la conscience professionnelle et le dévouement des agents des administrations fiscales et de leur encadrement. Pour autant, il serait illusoire de croire que le service rendu est parfait. Il peut et doit être encore amélioré. Il appartient également aux responsables, y compris à la représentation nationale, de définir les critères pertinents. Il est tout aussi pénalisant pour l'usager de faire plus d'une heure « de queue » devant le guichet d'une administration urbaine ou suburbaine surchargée que de faire vingt minutes de trajet en zone rurale, pour accomplir une même démarche.

Le débat relatif à l'organisation et aux performances des administrations fiscales est donc particulièrement vif. Cependant, si les avis divergent sur le diagnostic et les solutions à mettre en _uvre, la nécessité d'une réforme est admise par toutes les parties. Votre Rapporteur général estime qu'elle doit être menée dans un cadre stratégique où chacun assume pleinement son rôle.

2.- Le pilotage stratégique de la réforme des administrations fiscales

a) La réforme doit s'appuyer sur une connaissance précise de l'activité des administrations fiscales

Les administrations fiscales françaises ne sont pas en mesure d'évaluer précisément l'ensemble de leurs activités. Une connaissance interne précise de l'ensemble des tâches assumées par elles est un préalable indispensable à la réforme. Le rapport de la mission 2003 le souligne avec force. Il n'est pas possible de savoir combien de visites sur place, d'appels téléphoniques ou de contacts écrits, les administrations gèrent chaque année. Il n'est pas possible de savoir combien d'échéanciers pour le paiement des dettes fiscales sont accordés et selon quels critères.

Ne pas savoir ce qui est fait signifie prêter le flanc au soupçon. Cela signifie aussi ne pas pouvoir prendre conscience de ses forces et de ses faiblesses. La première des réformes à mettre en _uvre consiste donc à permettre aux administrations fiscales de mesurer ce qu'elles font de façon précise pour chaque tâche, pour chaque impôt, pour chaque unité locale. Le croisement et l'agrégation de ces informations aboutiront à une connaissance synthétique et globale des administrations fiscales. Conscientes d'elles-mêmes, elles pourront présenter un bilan objectif et plus consensuel de leurs activités. C'est une condition nécessaire pour engager une réforme qui s'accomplisse dans les meilleures conditions.

Il est donc temps pour les administrations fiscales de systématiser la démarche de connaissance de soi. Cette démarche doit d'abord être interne. Chaque unité locale doit dresser un bilan chiffré pour chaque tâche qu'elle mène à bien. Combien de lettres sont reçues chaque année dans telle trésorerie ? Quels sont les sujets qui ont motivé leur envoi ? En combien de temps chacun des courriers est-il traité par les agents ? Par quels moyens, réponse écrite, appel téléphonique, contact direct, transmission à une autre unité, chacun de ces courriers reçus est-il géré ? Quelles sont les périodes de l'année durant lesquelles l'activité relative au courrier est la plus lourde ? Quelles sont les périodes creuses ?

Toutes ces questions, auxquelles les unités locales répondent déjà pour partie, doivent être traitées avec précision par chacune d'elles pour toutes les tâches qu'elles accomplissent. Ce regard systématique sur soi-même est responsabilisant. Il ne peut qu'être un stimulant, dès le niveau local, pour une meilleure organisation du travail. Savoir évaluer de façon précise ce que l'on fait, c'est déjà pouvoir envisager une progression.

Cette démarche doit, ensuite être externe. On ne peut nier, sur ce point, l'apport du rapport de la mission 2003. Dire que la qualité d'un service se mesure à la satisfaction de ses usagers relève de la tautologie. Il semble pourtant que cette démarche nécessaire ne soit pas encore intégrée à la culture des administrations fiscales et financières. Il faut pourtant l'amplifier par des sondages qui relèveront le sentiment général des usagers des administrations fiscales, et leur avis sur la qualité du traitement des tâches par les agents. Les administrations fiscales n'ont rien à y perdre. Comme le soulignent MM. Thierry Bert et Paul Champsaur dans leur rapport, « la compétence, le dévouement, la disponibilité, les qualités déontologiques des agents sont reconnues par tous les sondages effectués ». A terme, il y a tout à gagner à connaître l'image que l'on donne pour instaurer des relations de confiance avec les usagers, qui, par ailleurs, n'en restent pas moins des contribuables, soumis à l'autorité de la loi fiscale dont les agents sont les garants.

Les indices locaux d'activité et de satisfaction doivent faire l'objet de sommations systématiques au niveau national. Les administrations fiscales doivent connaître le poids et le coût de chacune des tâches qui leur incombent. Une comptabilité analytique pour le recouvrement de chaque impôt doit être tenue. Les taux d'intervention et les indices de satisfaction doivent faire l'objet d'une appréciation et d'une publicité nationale.

Les auditions menées par la mission d'évaluation et de contrôle ont parfois donné l'impression d'administrations fiscales ne disposant pas de toutes l'information nécessaire sur leurs tâches, leurs compétences et leurs performances. Leur prise en compte, si elle constitue déjà en soi une réforme, est une condition nécessaire pour la mise en _uvre d'un pilotage stratégique de la réforme de ces administrations.

b) Une gestion performante de la réforme

Dès lors que les administrations fiscales seront conscientes de leurs forces et de leurs faiblesses, les décisions à prendre devront s'inscrire dans un cadre permettant une mise en _uvre efficace. Votre Rapporteur général estime que l'efficacité est garantie dès lors que chacun exerce la mission qui lui revient. La puissance publique prend les décisions après avoir mené les concertations nécessaires avec les agents et leurs représentants, les usagers et les élus. Les partenaires sociaux négocient ensuite leur mise en _uvre, au niveau approprié. Le Parlement contrôle et évalue l'utilisation des crédits qu'il a accordés.

Les nouvelles orientations présentées par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie le 28 avril dernier, lors d'un important comité technique paritaire ministériel paraissent susceptibles de contribuer à une mise en _uvre efficace des réformes. Elles ont d'ailleurs été saluées par l'ensemble des partenaires sociaux, permettant ainsi de renouer un dialogue qui était alors dans l'impasse.

Il faut noter tout particulièrement l'annonce de l'institution d'un secrétaire général du ministère. Un décret du 26 mai 2000 a attribué cette fonction à M. Bernard Pêcheur. A l'article premier du décret du 23 mai 2000 qui prévoit ses attributions, il est précisé qu'« il est chargé de coordonner l'administration et d'assurer le suivi des projets de réforme et de modernisation du ministère ». Par ailleurs, il « préside le comité des directeurs qui réunit périodiquement les directeurs généraux et les directeurs du ministère ». La création d'un secrétariat général du ministère, mesure préconisée en janvier 1999 par le groupe de travail sur l'efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire, constitue donc la garantie qu'une instance spécifique se consacrera aux projets de réforme et le gage d'une action cohérente car commune à l'ensemble du ministère. La qualité des décisions et des expérimentations à venir devraient en bénéficier.

Les décisions de l'autorité publique trouveront d'ailleurs d'utiles points d'appui parmi les informations issues des pratiques initiées par certains agents sur le terrain. Celles-ci sont d'ores et déjà diffusées au sein des services de la DGI par l'intermédiaire d'une banque de données des initiatives locales, accessible sur l'intranet de la direction. M. Jean Bassères a précisé le 29 juin dernier devant la mission que cette initiative serait bientôt mise en _uvre au sein de la DGCP.

Dès lors que l'information sera recueillie et analysée, que les décisions seront prises par l'autorité politique au vu des observations des usagers, des agents et de leurs représentants, et des élus, les partenaires sociaux, auront pour rôle de négocier leur mise en _uvre. Ainsi MM. Bernard Pêcheur et Jean Bassères ont pu évoquer devant la mission les négociations actuelles menées dans les instances paritaires du ministère, qui portent, entre autre, sur les modalités concrètes de l'expérimentation relative à l'accueil commun DGCP-DGI dans dix sites en France.

Le bilan de l'application des réformes devra être soigneusement étudié par le Parlement, qui doit pleinement assumer sa mission de contrôle de l'opportunité de l'utilisation des crédits dont il autorise l'utilisation. L'existence de la mission d'évaluation et de contrôle constitue un pas significatif dans cette voie. Il faut amplifier ce mouvement, afin que le Parlement acquière une véritable culture du contrôle et de l'évaluation de la gestion des fonds publics, assisté en cela par la Cour des comptes. La réforme de l'ordonnance du 2 janvier 1959, proposée par votre Rapporteur général dans le cadre de la mission qui lui a été confiée par la Conférence des présidents, devrait être l'occasion pour le Parlement de passer plus nettement, en ce domaine, des intentions aux actes.

On peut ainsi imaginer qu'à terme, dans le cadre de relations rénovées entre le Parlement et le Gouvernement, celui-ci demande l'autorisation d'utiliser des crédits pour un programme spécifique « recouvrement de l'impôt ». Ce programme serait accompagné d'une présentation des objectifs quantitatifs et qualitatifs que le ministre se propose d'atteindre dans les domaines du recouvrement spontané, du recouvrement forcé, de l'accueil du public et de l'investissement dans le domaine de l'informatique. Il appartiendrait au Gouvernement, dans le cadre du débat budgétaire d'expliciter ses intentions, et, ensuite, de tenir compte des contributions du Parlement sur le contenu des objectifs, sur les indices pour les évaluer et sur les domaines à privilégier.

L'examen du projet de loi de règlement offrirait au Parlement l'occasion de prendre connaissance du rapport de performance du Gouvernement sur le programme « recouvrement de l'impôt », présentant l'utilisation des crédits autorisés, les actions menées et permettant ainsi d'apprécier la capacité du ministère et de son administration à atteindre les objectifs fixés. Toutes les évaluations et les indices évoqués seront utiles au Parlement pour juger de l'efficacité de l'action administrative et pour guider ses choix relatifs aux autorisations budgétaires à venir.

Nécessité admise par tous, la réforme des administrations fiscales devra ainsi être conduite selon un schéma qui permette à tous les acteurs de jouer pleinement leur rôle.

B.- LE CHAMP DES RÉFORMES

Dès lors que le diagnostic est établi sur des critères précis, dès lors que le Gouvernement, les partenaires sociaux et le Parlement jouent pleinement leur rôle dans le processus de décision et d'évaluation, il est nécessaire de s'interroger sur le fond et, ainsi, de dessiner le champ des réformes souhaitables et possibles.

Lors du comité technique paritaire ministériel du 28 avril 2000, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a annoncé des orientations et des expérimentations précises qu'il convient, dans un premier temps, d'examiner. Votre Rapporteur général abordera ensuite les perspectives relatives à l'informatique et à la préparation des lois fiscales, deux éléments constamment évoqués au cours des auditions que la mission et votre Rapporteur général ont menées.

1.- Les orientations du Gouvernement et les expérimentations mises en _uvre

a) Les orientations du Gouvernement sur la réforme-modernisation du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

A la suite d'un mouvement social particulièrement intense au sein des administrations des impôts et du trésor durant les deux premiers mois de l'année, le dialogue social a pu être renoué autour d'orientations nouvelles pour la réforme-modernisation du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie :

la simplification doit aboutir à la création rapide d'un dossier fiscal unique pour chaque particulier et à la mise en place d'un interlocuteur économique unique pour les entreprises. La création, à compter du 1er janvier 2002, de la direction des grandes entreprises, implantée à Pantin en Seine-Saint-Denis, qui prendra en charge les dossiers des 17.000 plus grandes entreprises françaises, s'inscrit dans ce processus de simplification. Enfin, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a souhaité que le projet de « déclaration express » et préimprimée des revenus soit mis en _uvre rapidement. Il a d'ailleurs précisé devant notre mission le 7 juillet dernier que cette réforme, qui concernera cinq millions de foyers fiscaux, deviendrait effective dès la déclaration des revenus de l'année 2000 si les tests actuellement menés s'avéraient concluants ;

la transparence doit notamment permettre d'améliorer la qualité du contrôle fiscal. Cette orientation a été confirmée avec force par M. François Villeroy de Galhau, directeur général des impôts, lors de son audition par la mission le 22 juin dernier. Elle fera par ailleurs l'objet d'une expérimentation spécifique. En effet, le ministre de l'économie des finances et de l'industrie a annoncé à la mission le 7 juillet dernier la réorganisation des pôles de recouvrement contentieux du trésor dans cinq départements dès le mois d'octobre 2000 ;

l'adaptation-formation aux nouvelles technologies doit aboutir à l'utilisation efficace par les agents des outils qui en sont issus. Les syndicats ont été invités à relayer les besoins et les propositions des agents relatifs à la formation ;

le dialogue doit être constant et réunir les agents et leurs représentants, les élus et les usagers. Il doit être organisé au niveau le plus adéquat au regard du sujet dont il est l'objet. Le regard extérieur d'une entreprise d'audit enrichira ponctuellement ce dialogue ;

l'expérimentation doit devenir un mode en soi de gestion de la réforme. « le protocole d'expérimentation doit être clair, la réversibilité possible et l'évaluation transparente », a précisé le ministre le 28 avril dernier.

Avec l'institution d'un secrétaire général du ministère, chargé d'une mission d'impulsion de la réforme, il apparaît qu'un dispositif cohérent est mis en _uvre. Il appartiendra au Parlement de suivre avec attention comment ces orientations se matérialisent concrètement « sur le terrain ».

b) Les expérimentations en cours

Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a déjà lancé quelques expérimentations.

Depuis février 2000, un centre d'encaissement de toutes les recettes fonctionne de façon expérimentale à partir du département informatique du trésor de Créteil. Le centre d'encaissement permet un traitement de masse automatisé des chèques de règlement des dettes fiscales. Les avantages que les administrations fiscales peuvent espérer de cette innovation sont importants. A terme, les tâches fastidieuses et peu valorisantes de traitement des chèques seront éliminées. Le traitement accéléré des moyens de paiement permettra une imputation plus rapide des recettes collectées par l'Etat.

La mise en place de centres d'encaissement constitue un moyen peu coûteux et efficace d'accélérer les opérations de recouvrement. La capacité industrielle de tels centres permet d'en limiter le nombre. Ainsi, il n'en existe que trois pour l'ensemble du Royaume-Uni, huit au Canada et dix aux Etats-Unis.

Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a, par ailleurs, annoncé la mise en place expérimentale de « maisons des services publics économiques et financiers ». Ces maisons réuniront en un même lieu des agents des services d'assiette et de recouvrement des impôts, ainsi que des agents de recouvrement du trésor.

Comme l'a précisé le ministre, cette expérimentation n'implique ni la modification des structures existantes, ni le rapprochement des statuts de chacun. Le contribuable pourra néanmoins en un seul déplacement prendre contact avec l'ensemble des services compétents sur tous les impôts qui le concernent. Le réseau du trésor sera utilisé comme lieu de regroupement des services concernés. Cette expérimentation débutera à l'automne 2000 et sera poursuivie jusqu'à l'été 2001, avant son éventuelle généralisation.

Un centre téléphonique de renseignements des usagers devrait être mis en place dans une région au mois de décembre 2000. Il devrait permettre aux contribuables d'obtenir des renseignements simples dans un délai rapide, sans se déplacer. Le ministère de l'économie des finances et de l'industrie a précisé le 7 juillet dernier à la mission que les négociations paritaires relatives à cette expérimentation étaient menées avec une particulière minutie s'agissant de la formation et des conditions de travail des agents.

Ces expériences vont dans la bonne direction. Il est cependant nécessaire que le Gouvernement publie régulièrement des éléments sur le fonctionnement, l'efficacité et les perspectives de généralisation de ces expérimentations.

On peut noter que leur mise en _uvre ne semble pas heurter les convictions des organisations syndicales. Aucune d'entre elles n'a remis en cause la perspective de ces expérimentations, au cours de leur audition par votre Rapporteur général le 11 avril dernier. On pourrait s'en étonner, puisque la généralisation des centres d'encaissement était une des propositions du rapport de la mission 2003 et qu'il existe un lien de parenté entre l'hôtel des impôts des particuliers ou des entreprises et la maison des services publics financiers et économiques.

On peut tirer au moins deux leçons de cet heureux constat. D'une part, l'expérimentation est la bonne méthode. Elle permet notamment de ne pas être contraint, dès l'engagement des réformes, à une négociation toujours difficile dès lors que la mise en _uvre d'une innovation est globale et générale. L'évaluation de l'expérimentation permet de considérer dans la sérénité des résultats visibles par toutes les parties. Elle permet aussi d'éviter que des idées fausses se développent sur des projets innovants. D'autre part, le rapport de la mission 2003 aura été utile et, finalement, il contient des éléments sur lesquels un consensus apparaît possible, à tout le moins pour une expérimentation.

2.- L'informatique constitue un champ d'investissement prioritaire

a) La définition de l'objectif

Le retard consternant des administrations financières françaises en matière informatique a été évoqué. Son traitement doit constituer, pour votre Rapporteur général une priorité absolue.

La mise en place, pour chaque contribuable, d'un dossier fiscal informatique unique est un objectif qu'il faut atteindre le plus rapidement possible. Ce dossier devra contenir les situations du contribuable au regard de chaque impôt qui le concerne. Le contribuable devra pouvoir le consulter dans toutes les administrations fiscales, en tout point du territoire.

Cette vision synthétique de la situation fiscale de chacun devrait permettre la compensation entre impôts. Un dégrèvement de taxe d'habitation pourrait ainsi s'imputer sur le paiement à venir d'une mensualité d'impôt sur le revenu. S'agissant du recouvrement forcé, le dossier fiscal unique permettrait d'éviter que les agents des impôts qui tentent de recouvrer une créance de TVA ne sachent pas a priori quelle est la situation de l'entreprise poursuivie au regard de l'impôt sur les sociétés. Par la connaissance immédiate et précise de l'attitude passée d'un contribuable, un agent aurait la faculté de gérer finement le choix de ses outils face à une situation précise. Le dossier fiscal unique est un élément nécessaire pour que l'administration ait l'attitude adéquate face aux contribuables. Sévère et tenace avec les contribuables récalcitrants, elle doit savoir rendre service aux contribuables de bonne foi.

La transformation de l'informatique des administrations fiscales semble être enfin engagée. Le « nouveau système d'information », commun à la DGI et à la DGCP connaît ses premiers développements. Soixante techniciens des deux directions, sous la responsabilité d'un responsable de projet unique, travaillent à son développement, qui, à terme, devrait aboutir à la mise en _uvre d'un dossier fiscal informatique unique. Le premier objectif est l'élaboration au plus tard pour le début de l'année 2001 d'un avant-projet détaillé, qui permettra d'évaluer le coût des investissements futurs. Le développement sera suffisamment souple, afin d'intégrer au système les innovations informatiques les plus récentes. Les premières utilisations opérationnelles du nouveau système d'information pourraient avoir lieu en 2003.

Le développement des schémas informatiques de chacune des deux directions sera poursuivi au moins jusqu'à cette date, afin de maintenir les services rendus par l'informatique actuelle et de lui adjoindre progressivement des éléments du nouveau système d'information avant sa mise en _uvre complète et définitive. Il est, en effet, important que les usagers puissent constater rapidement les progrès de l'informatique des administrations fiscales, par une intégration graduelle du nouveau système aux outils des agents. Ainsi, des outils de télépaiement pourraient être établis à la DGCP dès la fin de l'année 2000. La télédéclaration et le télépaiement de la TVA devraient être proposés aux contribuables au cours du printemps 2001.

Par ailleurs, un schéma directeur informatique commun à toutes les directions du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie sera élaboré dans un proche avenir. Ce schéma permettra l'installation de passerelles entre chacun des schémas directeurs des directions du ministère. Le nouveau système d'information précédemment évoqué sera intégré dans le schéma directeur commun.

b) La mobilisation des moyens

Les moyens humains ont déjà été évoqués. Ainsi des spécialistes des deux directions travaillent d'ores et déjà sur l'avant-projet du nouveau système d'information. Il est important que ces équipes s`appuient sur des expertises extérieures. Le travail fourni pour la mission 2003 par la société Cap Gemini consulting montre l'utilité de cette démarche. Elle permet notamment de rester en contact constant avec les évolutions les plus récentes des technologies informatiques.

L'élaboration et la mise en _uvre du nouveau système d'information nécessitent un investissement financier substantiel. Cap Gemini Consulting avait évalué le coût du projet informatique proposé par la mission 2003 à huit milliards de francs sur sept à huit ans. Même si le cadre des réformes n'est plus aujourd'hui le même, cette évaluation établit certainement un ordre de grandeur réaliste. Il s'agit donc d'un investissement particulièrement coûteux. L'exigence du succès n'en est que renforcée.

Par ailleurs, les agents des administrations concernées devront être formés, afin d'utiliser de façon optimale l'entier potentiel du nouveau système d'information. Sa mise en place doit donc s'accompagner d'un plan de formation suffisamment précoce et ambitieux. Il sera utile de consulter les agents au sujet de leur futur outil de travail. Il serait contre-productif de ne pas s'appuyer sur leur expérience et leurs demandes pour concevoir ne serait-ce que l'ergonomie des nouveaux outils informatiques. Les progrès seront d'autant plus visibles par les usagers que les agents maîtriseront bien ces outils. Dans le cadre du contrôle budgétaire du Parlement sur le recouvrement de l'impôt, une attention particulière devra être réservée aux plans de formation professionnelle des agents, notamment à son volet informatique.

Enfin, il serait regrettable que l'élaboration et la mise en place opérationnelle du nouveau système d'information soient freinées par des obstacles juridiques. Si le Parlement, sur l'initiative d'un de ses membres, a permis aux administrations fiscales d'utiliser le répertoire national d'identification des personnes physiques, la mise en _uvre de cette faculté pourrait se révéler problématique. La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a, en effet, tenu à ce que le numéro d'identification (NIR) ne soit pas utilisé directement par les administrations fiscales. L'INSEE demeure la seule institution habilitée à accéder à ce numéro. Les informations sur l'identité des contribuables sont transmises à la DGI ou à la DGCP par l'INSEE, sans le numéro d'identification, au moyen de tables de conversion.

L'utilisation du NIR par les administrations fiscales constitue un progrès significatif aux yeux de toutes les personnes entendues par la mission d'évaluation et de contrôle. Certaines d'entre elles regrettent le manque de souplesse des conditions d'utilisation évoquées. S'il s'avérait que celles-ci ne sont pas suffisamment efficaces, une modification de la réglementation pourrait être envisagée, dans le cadre, bien sûr, du respect des libertés individuelles, mais aussi en tenant compte du fait que la lutte contre la fraude fiscale est reconnue comme un objectif de valeur constitutionnelle.

3.- Favoriser une meilleure rédaction et une simplification de la loi fiscale

a) La rédaction de la loi fiscale doit être améliorée

La rédaction et l'application de la loi fiscale sont nécessairement difficiles. Même bien préparés en amont par les services de la direction de la législation fiscale, les textes fiscaux ne deviennent parfois définitifs que quelques jours avant leur entrée en vigueur. Comme le précisaient les cadres des centres et recettes des impôts et des trésoreries que la mission a entendus, les agents sont souvent soumis à des questions auxquelles ils ne peuvent pas répondre, parfois avant même les débats du Parlement sur les mesures correspondantes, parce que les usagers en ont pris connaissance par la presse.

Si ces situations sont inévitables, les mêmes chefs de poste ont également évoqué l'application parfois difficile de mesures fiscales pourtant présentées comme des simplifications.

Ainsi, la réforme du régime simplifié d'imposition (RSI), qui figure à l'article 9 de la loi de finances initiale pour 1999, a été critiquée par M. Alain Gaiffe, receveur des impôts : selon lui, la modification du régime simplifié d'imposition s'est avérée « extrêmement lourde, parce que très mal comprise par les entreprises, et à la limite par les agents. Les problèmes vont perdurer, notamment lorsque les entreprises seront amenées à déposer leur déclaration annuelle de régularisation ». Il a ajouté : « l'année 1999, qui devait générer des gains de productivité, s'est révélée plutôt négative. Nous avons ressenti, à ce sujet, un surcroît de travail ».

La création du régime spécial des micro-entreprises a également été critiquée. D'après M. Jean-Christophe Royer, responsable du centre des impôts de Dijon-Sud, les conseillers financiers ou fiscaux des entreprises éligibles à ce régime leur ont conseillé d'opter pour un régime réel, compte tenu du peu d'intérêt de l'application du régime spécial modifié.

Les modalités de la réforme, puis de la suppression du droit de bail ont, de même, posé de nombreuses difficultés aux contribuables et aux agents.

Il faut donc s'efforcer de rationaliser la procédure d'élaboration et d'application de la loi fiscale, afin que les contribuables bénéficient promptement et réellement des simplifications fiscales adoptées par le Parlement. Deux pistes sont envisageables. D'une part, le rapport de la mission 2003, qui se fait très largement l'écho des problèmes posés par les simplifications qui ne sont pas vécues comme telles, propose que chaque mesure fiscale fasse l'objet, le plus en amont possible, d'une étude d'impact très concrète. Celle-ci s'accompagnerait d'une communication interne et externe sur les mesures adoptées en Conseil des ministres. Il n'est pas impensable qu'une information préalable sur une éventuelle mesure fiscale soit élaborée et diffusée avant même son adoption par le Parlement, à destination des agents et des contribuables, qui, respectivement, l'appliqueront et l'utiliseront. La seconde piste consiste en une amplification des travaux du comité de stratégie fiscale, présidé par le directeur général des impôts. Ce comité doit proposer les simplifications qu'il estime opportunes et étudier les effets pratiques des simplifications envisagées par le Gouvernement. Une réflexion pourrait être menée afin de mieux associer des praticiens « de terrain » aux travaux du comité de stratégie fiscale.

Il serait souhaitable qu'un bilan du paysage fiscal français soit réalisé, notamment de l'ensemble des petites taxes existantes à faible rendement. Le comité de stratégie fiscale pourrait alors étudier l'opportunité de leur maintien, de leur réforme ou de leur suppression. Ce bilan pourrait être utilement réalisé dans un avenir proche et présenté au Parlement, avec un calendrier des réformes à entreprendre.

b) L'impôt sur le revenu et la taxe d'habitation

Le rapport de l'inspection générale des finances, élaboré sous l'autorité de M. Jean-Luc Lépine, impute une partie du coût relativement élevé du recouvrement de l'impôt en France à l'absence d'un système de retenue à la source, notamment pour le recouvrement de l'impôt sur le revenu. Le rapport de la mission 2003 prend parti pour un tel système. Il s'agit de la plus importante de ses propositions dans le domaine des simplifications fiscales. Il faut admettre que la démonstration est intéressante. Au-delà des problèmes techniques, et, sans doute, politiques et psychologiques, que poserait un tel système, il semble que la mise en place d'un mécanisme de retenue à la source pourrait améliorer la gestion de cet impôt.

Le paiement des tiers provisionnels demeure, en effet, un problème pour la trésorerie des ménages, notamment quand ceux-ci connaissent subitement un recul important de leur revenu. La mensualisation n'atténue qu'en partie ce dernier effet, puisque le montant des acomptes reste déconnecté du revenu sur lequel il est concrètement perçu. De plus, la mensualisation fonctionne mal, s'agissant notamment de la réglementation relative à l'adressage et aux divorces.

La proposition de la mission 2003, qui pourrait d'ailleurs être mise en _uvre sans passer au système de retenue à la source, consiste à établir le montant total de l'imposition due en l'année N, par rapport à des revenus perçus sur l'année N-1, afin de calculer le taux de prélèvement correspondant à l'année N-1. Chaque mensualité serait calculée en appliquant ce taux aux revenus perçus par le contribuable chaque mois de l'année N. Une régularisation serait opérée en fin d'année, en comparant les sommes versées et le montant de l'impôt initialement dû. L'impôt payé serait donc toujours en rapport avec les revenus perçus au moment où il est acquitté. Les ménages qui subissent de fortes baisses de revenus auraient plus de temps, concrètement jusqu'à la régularisation annuelle, pour faire face à leurs obligations fiscales.

M. Christian Sautter, alors ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, avait exprimé son désaccord avec une telle évolution. Il était nécessaire, selon lui, de ne pas « externaliser » le recouvrement de l'impôt sur le revenu en direction des entreprises et du système bancaire. M. Thierry Bert, après un plaidoyer en faveur du système de la retenue à la source, avait admis la légitimité de cet argument politique. La réflexion doit se poursuivre. Il s'agit d'un système assez largement généralisé dans les pays développés. Le service rendu par les banques y est rémunéré par des facilités de trésorerie, dont le coût pour la collectivité est faible, selon le rapport sur l'analyse comparative des administrations fiscales élaborée l'inspection générale des finances.

S'agissant de la taxe d'habitation, sa complexité, tout autant que son caractère injuste, ont été dénoncées par toutes les personnes entendues par la mission. Votre Rapporteur général partage cette appréciation. En premier lieu, cette taxe est difficile à calculer, et ce, pour des éléments qui in fine n'ont que peu d'importance. On peut notamment faire référence aux propos de M. Jean-Luc Lépine sur les modalités de calcul de la taxe d'habitation selon qu'une chambre d'étudiant est gérée par le CROUS ou non, selon qu'un garage est éloigné de plus ou moins un kilomètre de la résidence du propriétaire de la voiture qu'il abrite, ou selon que ce garage se ferme ou pas. Cet impôt, son calcul et son montant ne sont pas toujours compris par ceux qui l'acquittent.

Il est nécessaire de retrouver, pour la taxe d'habitation, un juste équilibre entre la simplicité d'un impôt, qui a pour avantage de le rendre lisible et compréhensible, et sa personnalisation, qui permet de le rendre plus juste. A terme, et au-delà de la judicieuse suppression de sa part régionale par la loi de finances rectificative pour 2000, il ne semble pas concevable de faire l'économie d'une réflexion sur l'avenir de la taxe d'habitation, sans méconnaître le lien avec la citoyenneté de cet impôt qui assure la participation des administrés aux prestations offertes par les collectivités territoriales.

*

* *

Pour conclure, votre Rapporteur général souhaite, à ce stade, revenir sur les événements qui ont marqué le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie durant les deux premiers mois de l'année 2000. Il serait regrettable que la volonté de réforme, répétons-le, partagée par tous, se trouve tétanisée et altérée par des réflexes ou des ressentiments datant de cette période. La volonté du nouveau ministre de renouer immédiatement le dialogue social, ainsi que la mise en _uvre d'une nouvelle stratégie pour la réforme, constituaient des étapes essentielles pour effacer les malentendus initiaux. Il est temps d'amplifier ce mouvement pour aboutir à un service rendu plus efficace.

Quand les chantiers du dossier fiscal informatique unique, des maisons des services publics et financiers seront suffisamment avancés, il ne faudra pas s'interdire de reprendre dans la sérénité les questions qui furent à l'origine notamment des travaux de la mission 2003. Quand deux administrations issues de deux directions distinctes, travaillent dans les mêmes locaux, par exemple une maison des services publics économiques et financiers, et gèrent les mêmes dossiers, les dossiers fiscaux informatiques uniques, quelle est, sous réserve d'une solution satisfaisante à la question -importante- de la séparation des ordonnateurs et des comptables, la légitimité de leur séparation structurelle ? Les syndicats eux-mêmes ont souvent « tourné autour » de cette question. Pourtant leur refus, dès lors que la question était explicitement posée, fut catégorique. Il est certainement le reflet d'un sentiment profondément ancré aujourd'hui dans l'esprit des agents des deux directions. Gageons que le rapprochement géographique des agents de la DGI et de DGCP et le partage des outils de travail feront utilement mûrir cette question.

II.- LA REDEVANCE AUDIOVISUELLE, EXEMPLE D'IMPÔT ARCHAÏQUE, INJUSTE ET COÛTEUX À GÉRER

Le coût du recouvrement s'explique, on l'a vu, par des éléments qui tiennent à certaines spécificités françaises.

Pour autant, certaines impositions sont particulièrement complexes et coûteuses à recouvrer. C'est le cas de la redevance audiovisuelle, taxe parafiscale qui alimente le compte d'affectation spéciale n° 902-15 dédié au financement des organismes du secteur public de la radiodiffusion sonore et de la télévision. Elle est d'un rendement certain, estimé à 13,60 milliards de francs pour 2000 (4), et c'est sa principale qualité. Pourtant, cet impôt archaïque, injuste et coûteux à gérer, dont le fondement devient obsolète, fait incontestablement mentir l'adage selon lequel un vieil impôt est nécessairement un bon impôt.

A.- UN IMPÔT ARCHAÏQUE

1.- Un impôt ancien assis sur la détention de la radio
puis de la télévision

Les articles 109 à 115 de la loi du 31 mai 1933 portant fixation du budget général de l'exercice 1933 ont établi une redevance pour droit d'usage assise sur les postes radio « en vue d'en consacrer le produit aux dépenses de la radiodiffusion » et fixé les règles essentielles permettant sa perception.

Ensuite, la loi n° 49-1032 du 30 juillet 1949 portant répartition des abattements globaux opérés sur le budget annexe de la radiodiffusion française par la loi n° 48-1992 du 31 décembre 1948, a mis en place une redevance pour droit d'usage des postes récepteurs de télévision, celle concernant les postes récepteurs de radiodiffusion étant maintenue jusqu'à l'intervention du décret n° 80-201 du 10 mars 1980 qui l'a supprimée, prenant ainsi en compte, avec une vingtaine d'années de retard, l'irruption des transistors dans le paysage radiophonique français qui avait rendu obsolète l'assiette de la redevance radiophonique. Par la suite, la redevance pour droit d'usage a été étendue aux magnétoscopes, à compter du 1er janvier 1983 par le décret n° 82-971 du 17 novembre 1982.

Cette incorporation des magnétoscopes dans l'assiette de la redevance, qui avait fait débat à l'époque, était davantage motivée par des préoccupations commerciales, la plus grande part des magnétoscopes étant importée, que par des motifs financiers.

L'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et l'article 2 du décret n° 86-1365 du 31 décembre 1986 ont supprimé la taxe sur les magnétoscopes, à compter du 1er janvier 1987.

Depuis cette date, la redevance de l'audiovisuel ne concerne donc que les appareils de télévision. Son régime est fixé à titre principal par le décret n° 92-304 du 30 mars 1992 (JO du 1er avril 1992). Les taux de base sont fixés chaque année par décret.

Ce dispositif réglementaire est complété, en quelque sorte, par un dispositif législatif avec la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 modifiée sur la communication audiovisuelle (articles 94 à 96) et avec l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée.

Le Conseil constitutionnel, par une décision n° 60-8 DC du 11 août 1960, a jugé que la redevance audiovisuelle « qui, en raison tant de l'affectation qui lui est donnée que du statut même de l'établissement en cause (5), ne saurait être assimilée à un impôt, et qui, eu égard aux conditions selon lesquelles elle est établie et aux modalités prévues pour son contrôle et son recouvrement, ne peut davantage être définie comme une rémunération pour services rendus, a le caractère d'une taxe parafiscale de la nature de celles visées à l'article 4 de l'ordonnance organique précitée du 2 janvier 1959 ».

Par une autre décision n° 80-126 DC du 30 décembre 1980, le Conseil a constaté que les règles relatives à la redevance de l'audiovisuel, notamment le principe de l'approbation par le Parlement de la répartition de son produit, avaient été édictées « par le législateur lui-même dans des dispositions de caractère permanent dont la conformité à la Constitution ne peut plus être contestée » ; il n'était donc plus temps de revenir sur une disposition à laquelle le Conseil reconnaissait une valeur suffisante pour déroger aux prescriptions de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

L'article 19 de la loi n° 74-696 du 7 août 1974 relative à la radiodiffusion et à la télévision, confirmé par les législations ultérieures et notamment l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, prévoit en effet l'approbation annuelle par le Parlement de la répartition du produit de la « redevance pour droit d'usage des appareils récepteurs de télévision ». Sur ce fondement, le projet de loi de finances annuel comporte toujours un article déterminant cette répartition.

Taxe parafiscale de nature donc un peu particulière, la redevance est recouvrée, depuis 1974, par le réseau comptable du trésor. Elle l'était auparavant par l'ORTF. Elle est perçue « au profit d'une personne morale de droit public ou privé autre que l'Etat », comme le prévoit le second alinéa de l'article 4 de l'ordonnance organique précitée, mais elle transite par le compte d'affectation spéciale n° 902-15, ce qui constitue une originalité dans le domaine de la parafiscalité.

Son produit est assujetti à la TVA au taux de 2,1%, afin de permettre aux bénéficiaires d'imputer la TVA qu'ils ont acquittée sur leurs achats. L'imposition porte sur le montant des versements faits à ce titre par l'Etat aux sociétés de production, de diffusion ou de programmes.

Compte tenu de son rendement, de son mode de recouvrement et de sa gestion dans le cadre du budget de l'Etat, la redevance a davantage le caractère d'un impôt affecté selon une procédure particulière, d'ailleurs critiquée par la doctrine, que d'une taxe parafiscale ordinaire, qui n'est pas soluble dans la catégorie des impositions de toutes natures.

Le caractère archaïque de la redevance audiovisuelle est également évident si l'on considère l'élément principal de son assiette, c'est-à-dire la détention d'un appareil récepteur de télévision (6). Comme l'observe très justement un rapport récent de l'inspection générale des finances sur le service de la redevance audiovisuelle (7) « l'appareil permettant de recevoir la télévision n'est pas l'écran lui-même mais le démodulateur ou tuner présent dans le récepteur. Sans celui-ci, l'écran n'est qu'un simple moniteur non taxable puisqu'il ne permet pas la réception de la télévision. En revanche, les tuners ne sont pas seulement présents dans les télévisions, mais aussi dans les magnétoscopes, dans les ensembles de réception satellite, dans les tuners indépendants ou encore dans certains ordinateurs. Il suffit donc de détenir un simple moniteur (ou un vidéo-projecteur) associé à un de ces appareils pour capter des émissions de télévision.

Ces appareils vendus ensemble doivent normalement être déclarés. Mais vendus séparément, ces matériels n'ont pas à être déclarés par les radioélectriciens. »

La redevance audiovisuelle est donc d'une nature juridique peu claire, assise sur une assiette très proche, dans sa conception, de celle prévue par l'article 109 de la loi du 10 mai 1933 précitée pour les postes de radio, et qui peut être remise en cause par le progrès technique. L'archaïsme de cet impôt indiciaire, de même nature que la mémorable contribution sur les portes et fenêtres, réside également dans sa nature même : pourquoi taxer un produit depuis longtemps d'usage courant et qui n'a plus aucun lien avec un monopole public, depuis longtemps disparu ?

2.- Un impôt sur un produit courant qui ne dépend plus d'un monopole public

La perception annuelle d'une taxe sur l'utilisation d'un appareil pourrait se concevoir quand cet appareil est rare, relativement onéreux, et que son usage témoigne d'un niveau de vie élevé. Elle est également admissible lorsque la prestation à laquelle cet appareil donne accès dépend d'un monopole public. La radiodiffusion, à ses débuts, puis la télévision, ont pu présenter ces deux caractéristiques. En termes de monopole public ou de rareté de l'utilisation, on admettra volontiers que la télévision est maintenant un produit d'usage courant, les prestations des opérateurs privés étant en plein développement, à côté de celles des opérateurs publics.

Ainsi, le parc installé en France est de 36 millions d'appareils. La quasi totalité des foyers possède un téléviseur. Le taux d'équipement se situe certainement au-dessus des 95% mentionnés, pour le premier équipement, par le service de la redevance (un taux de 94,6% donné par l'INSEE, date de 1993). Au Royaume-Uni, à titre de comparaison, le taux de détention est de 99%.

De même, le prix des téléviseurs a considérablement diminué, et le taux annuel de la redevance est ainsi égal au prix d'un téléviseur couleur de bas de gamme. Près d'un téléviseur sur cinq est, en effet, vendu à un prix à peine supérieur au montant annuel de la redevance, ce qui met en évidence le caractère difficilement supportable de celle-ci pour des budgets modestes.

Prix du téléviseur

Inférieur à 1.000 F

1.000 F
à 2.000 F

2.000 F
à 4.000 F

4.000 F
à 6.000 F

6.000 F
à 8.000 F

Supérieur à 8.000 F

% du nombre

21,5

35,5

26

11

3

3

% du chiffre d'affaires

7,5

21

30

20

8

13,5

Source : Rapport de l'inspection générale des finances, déjà cité.

La redevance repose sur la détention d'un appareil d'usage courant, qui sert d'ailleurs de moins en moins à la réception des émissions de l'audiovisuel public. Le monopole public a disparu en application de la loi du 29 juillet 1982 précitée et, aujourd'hui, de libre accès par diffusion hertzienne, coexistent quatre chaînes publiques (France 2, France 3, la SEPT-ARTE, la Cinquième) et trois chaînes privées (TF1, Canal plus, M6).

Toutefois, le phénomène nouveau de ces dernières années réside dans le très fort développement des chaînes thématiques diffusées sur le câble et sur les bouquets satellites hexagonaux. Selon le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) (8) la croissance du chiffre d'affaires de ce secteur a été de 45% en 1998 par rapport à 1997, et elle s'est poursuivie en 1999. Ainsi, sur 57 chaînes distribuées sur le câble, 9 ont plus d'un million de foyers abonnés. La diffusion par satellite concerne un nombre encore plus important d'abonnés. La redevance audiovisuelle finance donc un secteur public dont les émissions ne sont plus nécessairement regardées assidûment par les détenteurs de téléviseurs.

Dès lors, pourquoi maintenir une taxation sur cette base, si l'audiovisuel public peut trouver d'autres sources de financement ? Pourquoi faudrait-il maintenir une taxation « au téléviseur » alors que des objets d'usage aussi courant (appareil radio ou ordinateur) ne sont pas taxés ?

Sans avoir, au plan juridique, le caractère de redevance pour service rendu, la redevance de l'audiovisuel a, par son assiette, un lien avec la réception des émissions télévisées. Pourtant, s'il s'agit de financer un service public, quelle logique peut justifier le maintien d'un tel lien ? Peut-on imaginer que le financement du service public de l'enseignement soit réservé aux parents d'enfants scolarisés ou que celui de la justice soit à la charge exclusive des plaignants ? La logique même qui justifie le financement public de l'audiovisuel public plaide pour une généralisation de ce financement.

Archaïque dans son fondement même, la redevance audiovisuelle est, de surcroît, un impôt injuste et complexe.

B.- UN IMPÔT INJUSTE

La redevance est un impôt injuste parce qu'il n'est pas progressif, alors qu'il porte sur un produit d'usage courant, et que, pour remédier à ses défauts, le foisonnement de la réglementation a rendu son régime d'une rare complexité. Son recouvrement insatisfaisant et l'importance de la fraude pénalisent les redevables honnêtes qui, en quelque sorte, sont amenés à compenser un moins perçu dont ils ne sont en rien responsables.

1.- Un impôt non progressif et d'une grande complexité

L'absence de progressivité réside dans le fait que tout détenteur d'un appareil récepteur de télévision est assujetti à la redevance de l'audiovisuel. Pour éviter les conséquences les plus dommageables d'une règle aussi stricte, le pouvoir réglementaire a institué une série d'exonérations selon des critères dont la définition précise doit souvent être apportée par le juge administratif ou par des réponses aux questions parlementaires.

Sont exonérés de la redevance, sous certaines conditions, les personnes âgées, les mutilés et invalides et certains établissements sociaux et hospitaliers.

De plus, certains appareils sont placés hors du champ d'application de la redevance de l'audiovisuel.

S'agissant des personnes âgées de soixante-cinq ans au 1er janvier de l'année d'exigibilité de la redevance, celles-ci sont exonérées lorsque sont remplies simultanément les conditions suivantes :

- être titulaire de l'allocation supplémentaire du fonds de solidarité vieillesse ;

- vivre seul ou avec son conjoint et, le cas échéant, avec des personnes à charge ou avec des personnes bénéficiant, l'année précédente, d'un montant de revenus n'excédant pas la limite prévue à l'article 1417-I du code général des impôts, en matière de dégrèvement de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe d'habitation.

Les mutilés et invalides civils ou militaires atteints d'une infirmité ou d'une invalidité au taux maximum de 80% sont exonérées lorsque sont remplies simultanément les conditions suivantes :

- bénéficier, l'année précédente, d'un montant de revenus n'excédant pas la limite prévue à l'article 1417-I du code général des impôts, précité ;

- ne pas être passible de l'impôt de solidarité sur la fortune ;

- vivre seul ou avec son conjoint et, le cas échéant, avec des personnes à charge, ou avec des personnes bénéficiant, l'année précédente, d'un montant de revenus n'excédant pas la limite prévue à l'article 1417-I du code général des impôts, avec une tierce personne chargée d'une assistance permanente, ou avec ses parents en ligne directe si ceux-ci bénéficient, eux-mêmes, l'année précédente, d'un montent de revenus n'excédant pas la limite prévue à l'article 1417-I du code général des impôts.

Sont également exonérés de la redevance, sous réserve qu'ils ne soient pas assujettis à la TVA, « les établissements habilités à recevoir les bénéficiaires de l'aide sociale et les établissements hospitaliers ou de soins, à l'exception des appareils destinés à l'usage privatif des personnels de ces établissements » (sic).

S'ajoutent à ces catégories les associations caritatives qui reçoivent à titre d'hébergement des personnes en situation d'exclusion (9).

A l'inverse, des réponses à des questions parlementaires ont précisé que les organismes ou associations tels les clubs du troisième âge qui n'accueillent pas exclusivement des personnes dont la situation financière est la plus difficile, comme les foyers socio-éducatifs, ne sont pas admis au bénéfice des exonérations de la redevance de l'audiovisuel, alors même que certains de leurs membres pourraient à titre individuel en être exonérés en raison de leur âge.

En même temps, le décret n° 92-304 du 30 mars 1992, comme certaines réponses ministérielles à des questions parlementaires, ont permis de préciser que sont placés hors du champ d'application de la redevance les appareils de télévision utilisés par les organismes publics de l'audiovisuel, ceux détenus en vue de la recherche, de la production et de la commercialisation de ce type d'appareils, les appareils de télévision détenus par certains établissements d'enseignement, ceux hors d'état de capter les signaux de télévision, ainsi que les appareils détériorés.

Le régime d'exonération est donc d'une grande complexité, mais il ne s'étend pas à certains redevables qui pourraient mériter une telle extension. Cette complexité est source d'incompréhension pour les personnes âgées dont le seuil d'exonération a été porté progressivement de 60 ans à 65 ans. De même, les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI) ne sont pas exonérés de redevance ; cependant, les demandes de remises gracieuses présentées par ces contribuables sont souvent satisfaites.

La complexité de la redevance réside également dans les modalités de calcul de la taxe, qui varient selon la situation des appareils.

Pour le calcul de la redevance, le décret n° 92-304 précité prévoit :

- de distinguer deux catégories d'appareils ;

- d'appliquer à chaque type d'appareil des taux de base fixés par décret en Conseil d'Etat ;

- puis de déterminer le montant de la redevance applicable à partir des taux de base ainsi fixés.

Les appareils récepteurs de télévision sont classés en deux catégories : la première catégorie comprend tous les appareils récepteurs autres que ceux installés dans les débits de boissons à consommer sur place (sauf ceux qui ne vendent que des boissons sans alcool), qui relèvent de la deuxième catégorie.

Les taux de base varient selon qu'il s'agit d'un appareil récepteur « noir et blanc » ou « couleur » (respectivement 479 francs et 751 francs en 2000).

Le montant de la redevance applicable aux appareils de première catégorie est égal à une fois le taux de base.

Le montant de la redevance applicable aux appareils de deuxième catégorie est égal à quatre fois le taux de base fixé pour les appareils de première catégorie de même nature.

Il est perçu, pour un ou plusieurs appareils de télévision fixes ou mobiles, une seule redevance, à condition que ces appareils soient classés dans la première catégorie et qu'ils soient détenus dans un même foyer, et que ces appareils ne soient pas détenus de façon permanente dans des résidences différentes. Dans ce dernier cas, le nombre de redevances dues est égal à celui des résidences équipées, de façon permanente, d'un ou plusieurs appareils récepteurs de télévision.

La détention simultanée, dans une même résidence, de plusieurs appareils récepteurs de télévision « noir et blanc » et « couleur » donne lieu à la réception d'une redevance au taux « couleur ».

L'article 3 du décret du 30 mars 1992 précité prévoit un système d'abattement applicable aux établissements détenant plus de 10 récepteurs, comme les hôtels. Ainsi, il est perçu une redevance par poste jusqu'au dixième. L'abattement par récepteur est de 25% du onzième an trentième et de 50% à partir du trente et unième.

Les hôtels de tourisme dont la période d'activité annuelle n'excède pas neuf mois bénéficient en outre d'une minoration de 25% sur la redevance due, conformément à l'article 1er du décret n° 94-1223 du 30 décembre 1994.

2.- Un impôt fraudé

La belle architecture réglementaire qui vient d'être (succinctement) décrite s'applique difficilement dans la mesure où la redevance audiovisuelle est un des impôts (probablement) les plus fraudés, ce qui accroît son caractère injuste, les contribuables honnêtes étant, en quelque sorte, pénalisés d'autant.

A titre anecdotique, le centre de la redevance de Lille a établi une liste de « noms sensibles » utilisés comme pseudonymes par des acheteurs malicieux de téléviseurs : les hommes politiques, principalement, y côtoient des... trésoriers-payeurs généraux.

Selon l'inspection générale des finances, « le service de la redevance évalue le taux d'évasion à la redevance de l'audiovisuel à 7,6%. Mais l'évaluation de ce taux, dont dépend la fixation des objectifs assignés au service, ne fait pas l'objet d'une analyse approfondie de la part du service.

En effet, les éléments permettant d'effectuer ce suivi ne sont pas disponibles, bien que le rapport réalisé suite à la précédente étude ait déjà relevé ce point. Les fichiers informatiques de gestion des comptes ne distinguent en effet pas ceux-ci en fonction de leur nature (résidences principales et résidences secondaires). Il est donc très difficile de pouvoir apprécier la situation d'ensemble du service par rapport au gisement potentiel à taxer.

Cependant, une estimation a pu être faite, en examinant la situation région par région. Il ressort de cette étude menée sur la base des résultats du recensement d'une part, et des données relatives aux comptes gérés figurant dans le tableau de bord du service d'autre part, que l'écart total s'établit à 16,7%, correspondant à une évasion de 10,9% pour les résidences principales et à un écart de 65,9% pour les résidences secondaires.

L'estimation de cet écart est cohérente avec les données recueillies dans les circonscriptions de contrôle étudiées au cours de la mission. La moyenne des régularisations rapportées au nombre de comptes y dépasse 9%. Une évaluation faite à partir du nombre d'articles de rôles de la taxe d'habitation conduit également à avancer une proportion de comptes échappant à la redevance voisine de 15% par rapport au total potentiel des résidences équipées ».

La situation particulièrement dégradée du recouvrement de la redevance au titre des résidences secondaires a plusieurs explications. En application de l'article 5 du décret n° 92-304 du 30 mars 1992, l'utilisation d'un poste de télévision portatif dans une résidence secondaire doit être regardée comme présentant un caractère habituel et comme donnant lieu à la perception d'une redevance distincte de celle afférente à un autre appareil détenu de façon permanente dans une résidence principale, dès lors que le poste utilisé est installé à demeure dans cette résidence secondaire même s'il n'est utilisé que de façon occasionnelle.

Cette interprétation résulte d'un arrêt Le Scao du Conseil d'Etat du 9 janvier 1985. En conséquence, il suffit que le détenteur d'un appareil récepteur de télévision précise que le récepteur est installé de façon intermittente dans sa résidence secondaire pour que le service soit tenu de ne pas le taxer.

L'inspection générale des finances observe, par ailleurs, qu'en pratique, un contrôle efficace devrait se dérouler en dehors des jours ouvrables ou au cours des mois de juillet et d'août, pour maximiser les chances de rencontrer les redevables concernés, alors que les opérations de recherche des postes non déclarés sont, pour l'essentiel, suspendues pendant ces périodes.

Des explications plus précises ont été obtenues à l'occasion de la visite de votre Rapporteur général au centre de la redevance de Lille : la campagne de recherche des postes non déclarés s'étend sur six mois, car les fichiers doivent être utilisés, avant destruction, dans ce délai. Les services concentrent donc leur activité en début d'année, afin que les ouvertures de comptes au titre de ces postes puissent intervenir avant la fin de l'année civile.

Pour ces motifs juridiques et pratiques, la taxation des résidences secondaires est encore moins assurée que celle des résidences principales.

Sur ce dernier point, la situation juridique et pratique n'est pas non plus satisfaisante.

Sur le plan juridique, les fonctionnaires de la comptabilité publique chargés du recouvrement de la redevance peuvent exercer des prérogatives limitées.

Selon l'inspection générale des finances, le droit de communication des services de la redevance est limité tant par la qualité des personnes auprès desquels il s'exerce que par l'étendue des informations auxquelles il donne accès.

« En effet, le service ne peut invoquer d'autre droit de communication que celui dont disposent les comptables publics en matière de recouvrement. Or, les enquêtes effectuées par les agents du service portent essentiellement sur l'assiette. Dans cette activité, la portée du droit de communication des services de la redevance est nulle. En particulier, l'accès par certains agents à des sources alternatives de renseignement peut être considéré comme étant d'une légalité douteuse.

Ainsi, la communication d'informations par les centres des impôts serait, dans une conception stricte de la portée et des limites du droit de communication reconnu aux comptables du trésor, illégale. La consultation des fichiers de la direction générale des impôts par les agents enquêteurs du service de la redevance est en effet destinée à la recherche d'adresses et donc au maintien de la qualité de l'assiette.

De même, les agents du service de la redevance ne disposent d'aucun droit de communication susceptible de permettre un accès aux documents détenus par les organismes tiers publics et privés et l'ensemble des professionnels participant à la communication audiovisuelle (cablo-opérateurs, mairies, sociétés d'HLM, etc...).

Les pouvoirs d'investigation au cours des contrôles sur place sont quant à eux dépourvus de fondement juridique. L'article 13 du décret n° 92-304 du 30 mars 1992 énonce simplement que les agents du service de la redevance sont chargés du contrôle des déclarations. L'article 14 prévoit les sanctions en cas de défaut de déclaration. Les pouvoirs d'investigation nécessaires pour mettre en pratique ces dispositions ne sont pas précisés.

Faute de pouvoir procéder à des perquisitions en l'absence de disposition législative, l'accès des agents du service au domicile des particuliers est impossible sans l'accord de ces derniers. On peut même s'interroger sur la légalité des investigations entreprises dans les parties communes des immeubles d'habitation (enquêtes auprès des gardiens, relevés de boîtes à lettres, questionnements des voisins du redevable par exemple) ».

Sur le plan pratique, lors des opérations de recherche des postes non déclarés examinées par la mission de l'inspection générale des finances, le contrôle à domicile s'est avéré infructueux dans 75% des cas en raison de l'absence du redevable au moment du passage de l'agent enquêteur. Le rendement des contrôles est rendu difficile en ville par la multiplication des dispositifs de sécurité qui interdisent l'accès à de nombreux immeubles. Dans les zones rurales, l'allongement des distances et les imprécisions d'adresse constituent une difficulté spécifique.

Ces remarques de l'IGF ont été corroborées par la visite du centre de la redevance de Lille. Dans une large mesure, les services de contrôle opèrent par persuasion, faute de moyens juridiques solides. Aucune ouverture de nouveau compte intervenue après un contrôle ne donne lieu à sanction : le téléspectateur récalcitrant voit son appel de contribution limité à l'année en cours et aux années suivantes.

De surcroît, les comptes ouverts après contrôle le restent en moyenne peu de temps. Au plan national, selon l'inspection générale des finances, seuls 60% des comptes ouverts suite à un contrôle à domicile en 1996 étaient encore payants en 1998. Pour trois opérations identifiées dans une division (contrôles à domicile effectués dans deux quartiers difficiles et dans une cité d'hébergement d'étudiants), ce pourcentage tombe à 25% en année N+1.

Comme sa nature même facilite une fraude contre laquelle il est difficile de lutter, on ne peut s'étonner que, pour des montants unitaires infiniment faibles (751 francs), la redevance audiovisuelle soit un impôt particulièrement coûteux à gérer.

C.- UN IMPÔT CÔUTEUX A GÉRER

En dernier lieu, la redevance audiovisuelle est un impôt coûteux à gérer, ce qui n'est pas étonnant si l'on considère le montant unitaire, très bas, à recouvrer, et les difficultés juridiques et pratiques du recouvrement. Sa suppression peut donc être envisagée, à condition de garantir son remplacement par des ressources équivalentes et d'assurer une gestion sociale adaptée des incidences de cette suppression sur l'organisation administrative.

1.- Un coût de gestion élevé malgré les progrès réalisés
par le service spécialisé

L'inspection générale des finances (IGF) s'est penchée, une nouvelle fois, par le rapport de novembre 1999 déjà cité, sur le coût, l'efficacité et les perspectives d'évolution du service de la redevance de l'audiovisuel. Ce rapport met en évidence l'écart entre le budget affiché et le coût complet du service. Inscrits en charge du compte d'affectation spéciale n° 902-15, les « frais de gestion du service chargé de la perception de la redevance » étaient fixés, pour 1998, à 488,4 millions de francs. La dotation budgétaire de 1999 était de même montant et celle de 2000 s'élève à 482,4 millions de francs. Les deux postes principaux sont constitués par les dépenses de personnel (57,30%) et les frais d'affranchissement (25,19%).

L'IGF observe que « de nombreuses dépenses ne sont pas directement supportées par le budget du service mais par celui de l'Etat.

Il s'agit d'abord du recouvrement contentieux de la redevance que la DGCP supporte sans le refacturer au service. Mais il existe d'autres charges de personnel ou de structure qui ne sont pas intégrées dans le budget du service de la redevance : rémunérations accessoires des agents d'encadrement ; occupation domaniale des locaux ; quote-part des services de l'administration centrale : cotisations « maladie » financées sur le budget des charges communes ; équivalent des charges patronales retraite pour les agents du service de la redevance. »

La mission IGF a donc cherché à déterminer le coût complet de gestion de la redevance en réintégrant les charges propres au service et non budgétées (comme les rémunérations accessoires, les charges de l'Etat-employeur et la valeur des locaux utilisés) et les charges extérieures au service (coût du recouvrement contentieux, quote-part des frais de structure de l'administration centrale) .

Le total des frais à réintégrer au coût du service, selon cette étude, est le suivant :

Coûts à réintégrer

Millions de francs

Dépenses de personnel du service de la redevance

94,472

Coût de l'immobilier du service de la redevance

4,051

Coût de recouvrement contentieux

303,763

Coût de l'administration centrale hors contentieux

5,592

TOTAL

407,878

Le coût global du service s'élèverait donc, en 1998, selon le rapport de l'IGF, à 896,278 millions de francs (488,4 + 407,878).

Le coût corrigé, supérieur de 84% à celui indiqué par le service de la redevance dans son rapport d'activité, est caractérisé par l'importance des frais de personnel et d'affranchissement et le caractère onéreux de la gestion du recouvrement contentieux.

Le taux d'intervention, c'est-à-dire le pourcentage coûts de gestion/rendement, rapporté aux encaissements nets s'élève à 7,06%, compte tenu des dépenses réintégrées par la mission. Le coût de gestion du service est très supérieur à celui des autres impôts, puisque le taux d'intervention moyen en France est estimé par le rapport de la mission d'analyse comparative des administrations fiscales de mai 1999, supervisée par M. Jean-Luc Lépine, à 1,6%. Toutefois, le coût de gestion par contribuable est très bas, ce qui met en évidence la productivité du service en même temps que la difficulté d'obtenir un taux d'intervention satisfaisant pour un impôt au montant unitaire peu élevé.

Le service a d'ailleurs réalisé des progrès de gestion substantiels, notamment avec le recours généralisé à la procédure de rapprochement automatique des fichiers « taxe d'habitation » et « redevance ». Une diminution progressive des effectifs (de 1.771 agents à 1.471 agents en dix ans) est intervenue. Elle résulte de la généralisation de l'emploi du TIP, qui représentait en 1998 près de la moitié des moyens de paiement, et du développement du télétraitement.

La meilleure preuve de la productivité du service est fournie par l'augmentation du rendement de la redevance, alors que l'équipement télévisuel des foyers ne peut plus augmenter, associée à la diminution des effectifs du service. De 1988 à 1998, l'encaissement a progressé de 75% et le nombre de comptes gérés de 2,35 millions. Votre Rapporteur général a constaté, à Lille, l'efficience des agents du service. Mais, il n'est pas interdit de s'interroger sur un produit qui génère 4,4 millions de lettres par an pour environ 18 millions de comptes payants. C'est le paradoxe de la redevance évoqué par M. Bassères, directeur général de la comptabilité publique, lors de son audition du 29 juin 2000 par la Mission d'évaluation et de contrôle.

Pour autant, l'IGF ne préconise pas la suppression de la redevance, dont on observe que le taux en France est l'un des plus bas d'Europe (avec un taux noir et blanc qui n'existe plus qu'en Irlande), mais une réforme qui vise à augmenter le nombre de comptes payants, à défaut de pouvoir augmenter le taux et compte tenu d'une assiette non extensible puisque presque tous les foyers sont équipés de récepteurs de télévision.

La mission de l'IGF considère que la suppression de la redevance est une perspective à écarter, tout en reconnaissant que « les avantages à attendre d'une telle mesure sont multiples ». Les objections de l'IGF sont les suivantes :

« - la suppression de la redevance n'aurait aucun effet sur le niveau des prélèvements obligatoires puisque la redevance n'est aujourd'hui pas incluse dans leur champ ;

- la levée de nouvelles recettes fiscales ou l'affectation d'économies pour 13 milliards de francs au profit de l'audiovisuel public seraient indispensables. Si cette budgétisation s'accompagne d'une majoration d'impôts, le taux des prélèvements obligatoires augmenterait de 0,15 point. »

Cette argumentation ne peut être convaincante si, dans une perpective de baisse des prélèvements obligatoires ou même en l'absence de cette perspective, les ressources actuellement assurées par la redevance étaient procurées par l'affectation de recettes non fiscales de montant équivalent, par exemple le produit des jeux. En tout état de cause, il y a lieu surtout de s'attacher à la façon dont la taxe est ressentie par les citoyens : pour n'être pas un prélèvement obligatoire, elle n'en est pas moins, à leurs yeux, un impôt.

« - le fait que l'histoire du service public français de la télévision est allé vers l'octroi d'une plus grande autonomie financière et décisionnelle des chaînes, alors qu'une fiscalisation des ressources irait plutôt à l'encontre des objectifs poursuivis depuis 20 ans. »

Cet argument ne tient pas en cas d'affectation de recettes équivalentes à la redevance au compte d'affectation spéciale n° 902-15 qui serait neutre au regard de l'autonomie du service public.

« De plus deux problèmes induits devraient être réglés qui interdiraient sur le court terme les économies que l'on serait en droit d'attendre d'une telle réforme :

- le reclassement total des agents concentrés sur 5 centres (particulièrement à Rennes) risquerait d'être socialement et juridiquement difficile,

les sociétés de l'audiovisuel public bénéficiant actuellement d'une trésorerie régulière par des versements bihebdomadaires du service, un dispositif devrait être adapté pour permettre un financement relais au démarrage du niveau dispositif. »

Les états de recettes mettent en évidence le fait que les recettes du C.A.S. sont actuellement irrégulières, guère moins que le produit des jeux, voir tableau infra.

L'IGF préconise, à titre principal, l'adossement de la redevance à l'assiette de la taxe d'habitation, en maintenant son régime juridique. Cette proposition présente un certain nombre d'inconvénients : au plan politique, il serait paradoxal d'asseoir la redevance sur le fait de disposer de locaux d'habitation (et non plus d'un téléviseur), alors que la majorité plurielle a souhaité diminuer le poids de la taxe d'habitation en supprimant sa part régionale. Serait-il logique d'accroître le rendement d'une redevance injuste dans le cadre d'un autre impôt injuste dont on vient précisément de diminuer le poids ? Il serait plus simple, faute de supprimer la redevance de l'audiovisuel, d'inscrire, en vue de son recouvrement, une obligation déclarative dans le cadre de l'impôt sur le revenu. Par ailleurs, on peut s'interroger sur la conformité du financement, dans le cadre de la taxe d'habitation, de l'audiovisuel public, au droit communautaire.

L'IGF estime que la nouvelle définition de l'assiette permettrait l'ouverture de 3 millions de comptes payants supplémentaires, le nombre de comptes (selon les données disponibles en 1999) passerait de 17,3 millions à 20,3 millions, essentiellement du fait des résidences secondaires. Le gain financier serait, selon la même source, de 4 milliards de francs. L'IGF n'évalue cependant pas le coût généré par un tel choc fiscal : l'extension d'un impôt déjà mal accepté et la gestion du courrier supplémentaire résultant de la mesure.

Le rapport de l'IGF affirme que la mesure préconisée améliorerait « la position de la France en minimisant l'argument d'atteinte à la concurrence ». On peut en douter, puisqu'elle supprimerait de fait le lien de la redevance avec l'usage du téléviseur en rattachant la redevance à l'assiette d'un incontestable prélèvement fiscal, la taxe d'habitation.

2.- Le remplacement possible de la redevance
par le produit des jeux

Le produit des jeux affecté du budget général est retracé par trois lignes de recettes, la ligne 114 « Produits des jeux exploités par la Française des jeux », d'un rapport de 6.123,06 millions de francs en 1999, la ligne 314 « Prélèvement sur le produit des jeux dans les casinos régis par la loi du 15 juin 1907 », d'un rapport de 4.277,69 millions de francs en 1999 et la ligne 315 « Prélèvements sur le pari mutuel » d'un rapport de 2.017,02 millions de francs en 1999. Au total, le rendement des trois lignes a atteint 12.417,77 millions de francs en 1999, la progression du produit étant continue depuis 1993 (+ 27% en six ans). Le rendement pour 2000 des jeux pour le budget général a été estimé, en loi de finances initiale, non modifiée par le projet de loi de finances rectificative pour 2000 sur ce point, à 14.600 millions de francs.

On constate, certes, un ralentissement de la progression, voire une stagnation des prélèvements sur la Française des jeux et le PMU. En revanche, les prélèvements sur les casinos sont en forte augmentation. Le rendement estimé du produit des jeux en 2000 est donc supérieur d'un milliard au rendement de la redevance audiovisuelle. Il n'est donc pas interdit d'envisager à l'horizon de 2001 la suppression de la redevance audiovisuelle et l'affectation du produit des prélèvements sur les jeux effectués au profit du budget général au compte d'affectation spéciale n° 902-15.

Cette proposition ne concerne naturellement que les seules recettes alimentant le budget général et, en aucune manière, celles qui sont actuellement affectées à divers comptes d'affectation spéciale, notamment divers prélèvements sur le PMU qui viennent en ressources des comptes n° 902-00 « Fonds national de l'eau », n° 902-17 « Fonds national pour le développement du sport », n° 902-19 « Fonds national des haras et des activités hippiques », et n° 902-20 « Fonds national pour le développement de la vie associative ».

PRÉLÈVEMENTS SUR LES JEUX AU PROFIT DU BUDGET GÉNÉRAL

Année

Française des jeux

PMU

Casinos

Total

Evolution en %

1986

3.527,7

2.626,1

264,8

6.418,6

- 3,5

1987

4.004,3

2.238,0

266,3

6.508,6

+ 1,4

1988

3.915,7

2.592,1

356,4

6.864,2

+5,5

1989

4.366,7

2.813,2

746,1

7.926,0

+ 15,5

1990

4.021,5

2.841,6

885,3

7.748,4

- 2,2

1991

4.102,4

2.803,5

941,5

7.847,4

+ 1,3

1992

5.536,4

3.410,9

1.174,8

10.122,1

+ 29,0

1993

5.637,0

2.581,4

1.545,3

9.763,7

- 3,5

1994

5.424,9

2.523,6

1.970,6

9.919,1

+ 1,6

1995

6.703,4

2.356,9

2.398,8

11.459,1

+ 1,5

1996

6.602,6

2.127,9

2.862,0

11.592,5

+ 1,2

1997

6.626,1

2.036,8

3.263,3

11.926,2

+ 2,9

1998

6.431,2

2.066,5

3.876,1

12.373,8

+ 3,7

1999

6.123,1

2.017,0

4.277,7

12.417,8

+ 0,4

2000 (PLF et LFR)

7.200,0

2.200,0

5.200,0

14.600,0

+ 17,6 (a)

a) L'augmentation de 17,6% peut sembler importante. Elle s'explique par le fait que les prévisions de la LFI pour 2000 sont restées inchangées, alors que les recettes constatées en exécution 1999 ont été inférieures aux prévisions. Sur les cinq premiers mois de l'année 2000, la croissance du produit des jeux est de 12,14% par rapport à 1999.

On peut s'interroger sur l'adéquation du financement du service public audiovisuel par le produit des jeux aux impératifs de fonctionnement de l'audiovisuel public. En effet, actuellement, l'audiovisuel public est financé par des dotations versées par quinzaine et qui sont supposées correspondre à une alimentation réputée régulière du compte par le produit de la redevance. Le tableau ci-après met en évidence, pour la période courant depuis janvier 1999, le rendement comparé du produit des jeux et celui de la redevance audiovisuelle.

On constate la relative irrégularité des rattachements du produit de la redevance. Sur ce terrain, les produits des jeux ne sont guère plus irréguliers que la redevance. L'écart de recettes en 1999 s'est élevé à 850 millions de francs, l'écart cumulé atteignant au maximum 1.058 millions de francs en avril 1999. Dans la perspective d'une augmentation tendancielle du produit des jeux, cette difficulté pourrait s'estomper : on peut envisager un mécanisme permettant d'assurer l'équilibre de trésorerie du compte.

RENDEMENT COMPARÉ DU PRODUIT DES JEUX ET DE LA REDEVANCE AUDIOVISUELLE

(en milliers de francs)

 

Ligne 114 Produits des jeux exploités par la Française des jeux

Ligne 314 Prélèvement sur le produit des jeux dans les casinos régis par la loi du 15 juin 1907

Ligne 315 Prélèvements sur le pari mutuel

Total mensuel

En % du total annuel

1999


Recettes du compte 902-15

Redevance audiovisuelle

Ecart cumulé recettes des jeux/produit de la redevance

Dépenses

Recettes

janv-99

308.165

316.717

183.275

808.157

6,51%

1.170.000

1.203.000

- 394.843

fév-99

535.688

339.652

140.629

1.015.969

8,18%

1.620.000

1.621.000

- 999.874

mars-99

737.323

336.513

214.358

1.288.194

10,37%

1.211.000

1.177.000

- 888.680

avr-99

574.032

350.965

178.581

1.103.578

8,89%

1.273.000

1.273.000

- 1.058.102

mai-99

499.789

379.708

176.954

1.056.451

8,51%

880.000

880.000

- 881.651

juin-99

618.590

403.019

164.586

1.186.195

9,55%

887.000

887.000

- 582.456

juil-99

480.303

395.051

154.864

1.030.218

8,30%

1.144.000

1.144.000

- 696.238

août-99

567.076

414.862

153.482

1.135.420

9,14%

817.000

817.000

- 377.818

sept-99

488.492

485.343

143.920

1.117.755

9,00%

740.000

897.000

- 157.063

oct-99

508.563

389.370

174.674

1.072.607

8,64%

1.046.000

889.000

+ 26.544

nov-99

272.136

421.821

174.688

868.645

7,00%

1.134.000

1.134.000

- 238.811

déc-99

532.900

44.667

157.012

734.579

5,92%

1.287.000

1.346.000

- 850.232

Total 1999

6.123.057

4.277.688

2.017.023

12.417.768

 

13.209.000

13.268.000 (a)

 

janv-00

680.830

410.881

166.250

1.257.961

 

1.022.000

1.022.000

+ 235.961

févr-00

703.811

359.903

103.320

1.167.034

 

1.612.000

1.612.000

- 209.005

mars-00

583.017

383.265

205.426

1.171.708

 

1.457.000

1.315.000

- 352.297

avril-00

603.444

388.748

111.211

1.103.403

 

1.297.000

1.297.000

- 545.894

mai-00

550.233

427.300

234.545

1.212.078

 

1.051.000

1.259.000

- 592.816

a) La situation résumée des opérations du trésor affiche les comptes arrondis au million de francs. En 1999, les recettes du compte ont atteint 13.268,324 millions de francs et les dépenses 13.208,574 millions de francs.

Source : Situation résumée des opérations du trésor et Agence comptable centrale du trésor.

La loi de finances pour 2000 ne s'est-elle pas traduite par une rupture dans le financement de l'audiovisuel public, notamment avec « l'abondement sans précédent des crédits budgétaires » (10), à hauteur de 777 millions de francs par rapport au budget 1999 ? En tout état de cause, une dotation budgétaire d'équilibre devrait être calculée en fonction de la trésorerie du compte qui s'élevait, au 31 décembre 1999, à 342,04 millions de francs (11).

Dans ce contexte, la loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, relative à la liberté de communication, a modifié, par son article 15, deux éléments relatifs au financement de l'audiovisuel public. Elle prévoit, en premier lieu que « les exonérations de redevance audiovisuelle décidées pour des motifs sociaux donnent lieu à remboursement intégral du budget général de l'Etat au compte d'emploi de la redevance audiovisuelle ». L'impact financier est estimé à 1,6 milliard de francs en plus des 900 millions de francs de crédits inscrits en loi de finances pour 2000.

La même loi prévoit qu'« à compter du 1er janvier 2001, tout redevable peut, à sa demande, effectuer le paiement fractionné de la taxe dénommée redevance mentionnée au premier alinéa du présent paragraphe dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat et sans que puisse en résulter une perte de ressources pour les organismes affectataires. »

Cette mesure, socialement justifiée, ne va pas manquer d'entraîner deux effets négatifs :

- sur le coût de la gestion de la redevance ;

- sur la trésorerie du compte d'affectation spéciale, puisque, la redevance étant une taxe annuelle, les redevables l'acquittant en début d'année auront évidemment un intérêt certain à l'étalement, contrairement à ceux qui paient la redevance en fin d'année.

Le financement, à titre principal, de l'audiovisuel public par le produit des jeux présenterait un autre avantage : il s'agit de recettes clairement non fiscales, à la différence de la redevance audiovisuelle qui est une taxe parafiscale. Les crédits budgétaires inscrits en loi de finances, de 900 millions de francs en 2000, sont réputés correspondre au remboursement des exonérations de redevance. On ne voit pas selon quelle logique on ne pourrait considérer les dotations futures, qui devraient croître compte tenu de l'adoption de la règle de remboursement intégral des exonérations, dans l'hypothèse de la suppression de la redevance, comme un remboursement (partiel) du manque à gagner résultant de cette suppression. Le débat est évidemment important car la question de la conformité des aides publiques au droit communautaire est posée.

3.- La question de la conformité au droit communautaire

Le 3 juin 1999, le Tribunal de première instance des Communautés européennes a condamné la Commission européenne pour carence dans l'instruction d'une plainte déposée par TF1 en 1993 contre les modes de financement et d'exploitation des chaînes de France-Télévision. La Commission a engagé une procédure qui porte sur les subventions publiques et les augmentations de capital, mais non sur la redevance car elle « n'est pas en mesure, au stade actuel, de déterminer s'il s'agit ou non d'un régime d'aides existant, au sens de l'article 88, paragraphe 1. L'aide accordée à France 2 et à France 3 sous forme de redevance sera examinée dans une décision distincte de la Commission. »

Sur ce point, la Commission a engagé effectivement une procédure distincte de recueil d'informations sur la redevance, antérieure aux traités de 1957, mais tellement modifiée depuis que sa nature pose question. Sur le fond, elle considère que le financement des missions de service public assurées par des organismes de l'audiovisuel public ne doit pas reposer sur des recettes publicitaires, mais sur des fonds d'Etat. A contrario, les autres activités des organismes de l'audiovisuel public, dans le domaine concurrentiel, ne doivent pas bénéficier d'aides publiques de nature à fausser la concurrence.

Concrètement, les autorités communautaires sont fort embarrassées par le caractère sensible du financement de l'audiovisuel public dans chacun des Etats membres. Cet embarras est d'autant plus grand que la plupart de ces Etats s'orientent vers un accroissement des ressources publiques pour ce secteur.

La différence de nature entre le produit des jeux, recette non fiscale, et la redevance telle qu'elle a évoluée en quarante ans n'est pas telle que la substitution de l'un à l'autre doive être considérée comme se heurtant au droit communautaire.

4.- Une gestion sociale de la reconversion des services

Pour les quelque 1.400 agents du service de la redevance, la suppression de la taxe devrait se traduire par une reconversion au sein du réseau de la comptabilité publique. Le problème se pose particulièrement à Rennes où le centre régional occupait 332 agents équivalent-temps-plein au premier semestre de 1999. Cependant, il convient de constater que les 410 agents (effectif théorique) des services de contrôle sont disséminés (12), le problème de reconversion devant se poser pour les 944 agents en équivalent-temps-plein des centres régionaux. La reconversion des centres régionaux peut être envisagée avec l'encaissement par leurs outils informatiques des titres de paiement correspondant aux recouvrements assurés par le réseau du trésor public. Comme l'âge moyen des agents est élevé, entre 42 ans à Strasbourg et près de 48 ans à Rennes, il n'est pas interdit de penser que l'accroissement prochain du nombre des départs à la retraite pourrait faciliter une telle reconversion.

En fait, la question de la reconversion des agents se pose différemment selon la nature des tâches qu'ils effectuent. Ainsi, pour les divisions de contrôle, il n'est pas interdit d'envisager l'intégration directe des agents dans des trésoreries peu éloignées de leur poste actuel. Les quelque 200 agents affectés à l'encaissement dans les centres régionaux utilisent actuellement des machines d'encaissement dont l'usage peut intervenir également pour le recouvrement d'autres recettes dans le réseau de la comptabilité publique, surtout dans le contexte d'expérimentations de centres d'encaissement (comme à Créteil) par la Comptabilité publique.

La question du reclassement se pose de façon sensible pour les 800 agents occupés à la gestion de l'assiette, c'est-à-dire, dans une grande mesure, des plaintes des redevables. Ces agents sont ceux qui assurent les tâches les plus délicates dans le service.

La proposition de suppression en deux années de la redevance devrait permettre à l'administration de disposer du temps nécessaire pour préparer la reconversion des personnels.

OBSERVATIONS ET PROPOSITIONS DE LA MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE

I.- OBSERVATIONS ET PROPOSITIONS GÉNÉRALES

1.- La mission constate que le coût du recouvrement de l'impôt est, en France, relativement élevé par rapport aux performances de certaines administrations étrangères comparables. Si cette constatation s'explique en partie par un système de recouvrement respectueux de choix assumés en matière d'aménagement du territoire et de justice fiscale, il n'en demeure pas moins que des efforts de productivité doivent être accomplis, afin de parvenir à l'objectif d'un service public de meilleure qualité au moindre coût.

2.- Dans ce cadre, la mission estime que les principes de la réforme-modernisation du ministère annoncée le 28 avril dernier par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie vont dans la bonne direction. Elle considère que les décisions annoncées ne représentent qu'un premier pas d'une réforme indispensable. Ce projet traduit l'ambition d'une amélioration profonde de la gestion et de la qualité du service rendu à l'usager-contribuable. Pour la mission, toute décision doit faire l'objet d'une concertation avec les agents et leurs représentants, les élus et les usagers. Enfin, l'expérimentation doit constituer le fil conducteur des réformes, permettant de se donner le temps de la réflexion pour une « réforme partagée ».

3.- La mission estime que l'institution d'un compte fiscal unique doit constituer l'objectif premier de la réforme. Il permettra à l'usager-contribuable de connaître en temps réel sa situation fiscale et d'opérer, le cas échéant, des compensations entre impôts. Outil de référence des administrations financières, il leur permettra de gérer finement chaque dossier, en faisant preuve de bienveillance à l'égard des contribuables de bonne foi et de sévérité à l'encontre des contribuables récalcitrants. La mission regrette le cloisonnement existant, y compris dans les systèmes informatiques, et estime par ailleurs utile que l'avant-projet détaillé relatif au nouveau système d'information commun à la direction générale des impôts et à la direction générale de la comptabilité publique soit transmis à la Commission des finances. Il devra présenter l'évaluation du coût de sa réalisation ainsi qu'un échéancier précis.

4.- Des bilans détaillés des expérimentations en cours ou à venir (maisons des services publics économiques et financiers, centre téléphonique de renseignements, centres de recouvrement) devront être établis et transmis à la Commission des finances.

5.- La mission recommande que des progrès rapides soient accomplis dans les domaines suivants :

a) l'activité des services : elle doit être mieux mesurée. Il est nécessaire d'élaborer des indicateurs simples et fonctionnels permettant d'apprécier quantitativement et qualitativement la charge résultant du traitement de chacune des tâches assurées par les administrations financières. Des indicateurs seront établis pour chaque unité locale et feront l'objet d'une agrégation aux niveaux départemental et national ;

b) le processus d'élaboration de la loi fiscale : il doit être amélioré. Une étude d'impact transmise à la Commission des finances devra accompagner chaque mesure fiscale. Elle contiendra des éléments généraux sur le nombre de contribuables concernés et l'effet de la mesure sur les recettes de l'Etat, ainsi qu'une étude relative aux conditions de son application concrète par les services. Par ailleurs, des cadres des unités locales de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique devront être associés aux travaux du comité de stratégie fiscale.

6.- Un rapport relatif à chacune des impositions de toutes natures dont le rendement est inférieur à 10 milliards de francs sera réalisé et transmis à la Commission des finances. Il présentera l'objet, le rendement et le coût du recouvrement de chacune d'elles. Il présentera des éléments relatifs à l'opportunité de leur maintien, de leur modification ou de leur suppression.

7.- Il sera suggéré à la Commission des finances de recevoir de façon régulière le secrétaire général du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, afin d'évaluer l'avancement de la réforme-modernisation de ce ministère, d'examiner les perspectives de généralisation éventuelle des expérimentations entreprises et d'exercer le droit de suite nécessaire.

II.- OBSERVATIONS ET PROPOSITIONS SUR LA REDEVANCE DE L'AUDIOVISUEL

1.- La mission considère que la redevance de l'audiovisuel est un impôt archaïque, injuste et coûteux à gérer, malgré les progrès indéniables et les résultats obtenus par les agents du service chargé de son recouvrement, dont les qualités professionnelles mériteraient d'être mieux utilisées au service de l'Etat. Il est donc proposé de la supprimer en deux ans, tout en garantissant le maintien du mécanisme du compte d'affectation spéciale et des ressources au moins équivalentes au service public de l'audiovisuel.

Les modalités de cette réforme pourraient être les suivantes :

- suppression de la redevance, en 2001, pour les contribuables non imposés à l'impôt sur le revenu en 2000 au titre des revenus de 1999 et disparition complète de la redevance en 2002 ;

- maintien du financement de l'audiovisuel public prévu par la loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication adoptée définitivement le 28 juin 2000, c'est-à-dire d'un volume de recettes équivalent au produit de la redevance augmenté du montant estimé des exonérations accordées pour des motifs sociaux, dans le cadre du compte d'affectation spéciale n° 902-15 ;

- gestion sociale adaptée de la reconversion sur deux ans des agents du service de la redevance.

2.- La mission propose donc pour 2001 les mesures suivantes :

a) Un financement équivalent au rendement net prévisible de la redevance serait assuré à l'audiovisuel public : 13.120 millions de francs en 2000 (soit 13.602 millions de francs de produit brut minorés de 482 millions de francs de dotation budgétaire au service), auxquels s'ajoutent les compensations d'exonérations estimées généralement à 2,5 milliards de francs. La base de calcul s'élève donc à environ 15,6 milliards de francs. Ces montants sont augmentés de l'évolution prévisible du rendement de la redevance.

Le financement de l'audiovisuel public en 2001 pourrait être assuré par trois recettes :

- le produit de la redevance sur les seuls contribuables imposés à l'impôt sur le revenu. Ce produit pourrait représenter environ un peu plus de la moitié du rendement brut actuel de la redevance puisque, sur les revenus de 1998, 17 millions de foyers fiscaux étaient imposés pour 31,95 millions de foyers fiscaux imposables et qu'une fraction probablement significative de non-imposés à l'impôt sur le revenu sont également exonérés de la redevance. Il s'y ajoute l'évolution prévisible du rendement de la redevance. Le produit peut donc être supérieur à 6.700 millions de francs (13.602 MF/31,95 x 17 - 482 MF), soit le rendement brut prévisible minoré de la dotation budgétaire du service, et probablement dépasser 7.000 millions de francs ;

- l'affectation des produits des jeux exploités par la Française des jeux alimentant actuellement le budget général, d'un montant estimé à 7.200 millions de francs pour 2000 et vraisemblablement supérieur en 2001 ;

- une subvention budgétaire d'équilibre, destinée à assurer le complément de compensation des exonérations.

b) Ces recettes alimenteraient le compte d'affectation spéciale n° 902-15; afin de préserver la sécurité du financement de l'audiovisuel public, la subvention budgétaire pourrait être, pour sa plus grande part, versée en début d'année, et en tous cas de façon à assurer un équilibre de trésorerie constant. Le fonctionnement du compte serait inchangé, avec les versements par quinzaine aux organismes bénéficiaires.

c) La gestion de la reconversion des agents du service de la redevance serait entreprise dans le sens indiqué par le rapport pour ceux des services de contrôle et d'encaissement (rattachement à des trésoreries proches pour les premiers et expérimentations d 'encaissements d'autres produits fiscaux pour les autres). Pour les agents des services d'assiette, on peut espérer une diminution significative des demandes postales ou téléphoniques des redevables, ainsi que celle des comptes payants, qui devraient réduire leur charge de travail et permettre l'amorce de redéploiements.

3.- La mission propose pour 2002 les mesures suivantes :

a) La redevance serait totalement supprimée.

b) Le financement de l'audiovisuel public en 2002 pourrait être assuré par quatre recettes relevant de deux catégories :

- l'affectation des produits des jeux exploités par la Française des jeux, déjà réalisée en 2001, à laquelle s'ajouterait celle du prélèvement sur le produit des jeux dans les casinos et sur le pari mutuel alimentant actuellement le budget général. Le rendement de ces trois recettes non fiscales a été estimé à 14.600 millions de francs en 2000 par les lois de finances initiale et rectificative pour 2000 ;

- une subvention budgétaire d'équilibre tenant compte des besoins de l'audiovisuel public et du rendement prévisible des ressources affectées dont il vient d'être question (probablement croissant) compte tenu des résultats constatés en 2000 et estimés pour 2001. Cette subvention pourrait être complétée ou remplacée par une partie des recettes que procurera à l'Etat l'attribution des licences de télécommunications dites UMTS qui pourraient ainsi contribuer à soutenir les investissements importants que le service public de l'audiovisuel sera amené à réaliser dans les prochaines années.

c) Le régime du compte d'affectation spéciale resterait inchangé.

d) La reconversion des agents du service de la redevance serait poursuivie.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent rapport d'information au cours de sa séance du mardi 11 juillet 2000.

Votre Rapporteur général, a présenté les observations et les propositions relatives au recouvrement de l'impôt et à la redevance audiovisuelle, qui ont été adoptées le même jour par la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC), en conclusion du rapport établi sur ces questions.

S'agissant des observations et des propositions générales, le Rapporteur général a indiqué que le coût du recouvrement de l'impôt en France est élevé par rapport aux performances d'administrations étrangères. Cela résulte de certaines spécificités : forte individualisation des impôts, maintien d'un réseau dense de trésoreries sur l'ensemble du territoire et absence de retenue à la source.

Pour la MEC, la réforme du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, telle qu'elle a été définie en avril dernier, va dans la bonne direction, même si les décisions annoncées n'en constituent qu'une première étape, la méthode des expérimentations devant être largement développée. L'objectif premier de la réforme doit être l'institution d'un compte fiscal unique pour les redevables, dans l'intérêt de ces derniers mais également de l'administration fiscale. Le décloisonnement, au moyen, notamment, de la mise en place d'un nouveau système informatique commun aux directions générales des impôts et de la comptabilité publique, est également prioritaire. Un suivi de ces dossiers devra être réalisé au moyen de bilans détaillés des expérimentations entreprises, bilans qui devront être transmis à la Commission des finances. Ce suivi devra également permettre de s'assurer du progrès de l'efficacité des services et de l'amélioration du processus d'élaboration de la loi fiscale. Sur ce dernier point, une étude d'impact accompagnant chaque mesure fiscale devra être soumise à la Commission des finances, les agents eux-mêmes devant être mieux associés aux réformes et aux mesures de simplification.

Il est également demandé que soit soumis à la Commission des finances un rapport portant sur chacune des impositions dont le rendement est inférieur à 10 milliards de francs, rapport faisant apparaître le coût du recouvrement et l'opportunité du maintien de l'impôt.

Enfin, il serait souhaitable que la Commission des finances puisse recevoir de façon régulière le secrétaire général du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, afin de faire le point sur l'avancement de la modernisation du ministère.

S'agissant des propositions relatives à la redevance de l'audiovisuel, votre Rapporteur général a considéré, comme la MEC, que cet impôt est archaïque, injuste, coûteux et, de surcroît, très contesté. Il ne s'agit nullement d'une mise en cause des qualités professionnelles des agents chargés du recouvrement, mais le produit n'est, lui, ni efficace, ni pertinent, surtout face aux évolutions technologiques.

La proposition de la MEC consiste donc à supprimer la redevance sur une période de deux ans, de façon à prendre en compte les difficultés liées notamment au reclassement des agents concernés. La première année verrait la suppression de la redevance pour les contribuables non imposés à l'impôt sur le revenu et la seconde année, la disparition complète de ce prélèvement.

Parallèlement, il faut garantir le financement du service public audiovisuel et l'autonomie de ce financement. Il est proposé, à cette fin, le maintien d'un compte d'affectation spéciale auquel seraient affectées les recettes des jeux, dont le produit annuel est de 14,5 milliards de francs, alors que le produit actuel de la redevance audiovisuelle est de 13,6 milliards de francs.

Votre Rapporteur général a précisé que l'ensemble de ces propositions devront évidemment tenir compte des marges de man_uvre budgétaires du Gouvernement, avec lequel il faudra continuer à suivre ce dossier.

Le Président Henri Emmanuelli s'est étonné de cette proposition de la MEC concernant la suppression de la redevance audiovisuelle, dans la mesure où, si la mission est compétente pour identifier les problèmes, elle ne l'est peut-être pas pour anticiper des arbitrages fiscaux qui doivent être effectués au sein des instances adéquates.

M. Augustin Bonrepaux a précisé que c'est dans le cadre de ses investigations, conduites sur le coût et les modalités du recouvrement des impôts, que la mission s'est particulièrement intéressée à la redevance audiovisuelle et a été amenée à faire des propositions spécifiques. Il a indiqué que la proposition de suppression de cette redevance était une solution soumise à la réflexion.

M. Jean-Marie Le Guen a indiqué qu'un récent rapport de l'inspection générale des finances avait montré que le coût effectif du recouvrement de la redevance de l'audiovisuel était deux fois supérieur à ce qui était auparavant indiqué au Parlement. Par exemple, les dépenses retracées au titre des charges de personnel ne comprenaient que les salaires et excluaient les charges sociales. Ces pratiques contestables ont abouti à dissimuler près de 400 millions de francs de dépenses.

Les critiques relatives à la redevance sont peut-être fondées, notamment son caractère injuste et archaïque et sa faible efficacité. Néanmoins, elles reflètent peut-être des défaillances qui se situent plus dans le fonctionnement général de l'État que dans les mécanismes de la seule redevance. Celle-ci constitue une ressource sûre - ce qui est une qualité - mais son rendement moyen (14 milliards de francs environ) est également un élément important des arbitrages qui devront être rendus, s'il apparaît nécessaire de lui trouver une ressource de substitution.

M. Jean-Marie Le Guen a rappelé qu'en se plaçant dans cette dernière hypothèse, il avait proposé une troisième piste, consistant à instaurer une redevance sur les flux de communication. Même si le rendement d'une telle redevance semble pouvoir difficilement atteindre le montant collecté par le biais de l'actuelle redevance, il possède l'avantage de peser plus sur les entreprises que sur les ménages.

M. Thierry Carcenac a déclaré apprécier les éléments d'information contenus dans le rapport relatif au recouvrement de l'impôt, qui contribuent à clarifier les enjeux, notamment ceux liés au retard informatique de l'administration. Les dépenses informatiques du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie représentent environ 10% de son budget, alors que la proportion s'élève à 20% dans de nombreux autres pays. La « mission 2003 » prévoyait d'ailleurs 8 milliards de francs de dépenses supplémentaires nécessaires dans les prochaines années.

Pour autant, la modernisation technique de l'administration remettra sur le devant de la scène les questions de personnel, qui ne pourront pas être éludées.

Votre Rapporteur général a rappelé que la Mission d'évaluation et de contrôle avait vocation à faire des propositions, mais pas à décider elle-même. Des arbitrages devront être faits à partir des propositions associées au rapport. Cependant, le travail de la Mission d'évaluation et de contrôle a mis en évidence plusieurs points importants :

- le mécanisme même de la redevance audiovisuelle est de plus en plus dépassé par la technique ;

- le coût de recouvrement de cette redevance est parmi les plus lourds ;

- l'impôt lui-même est fortement contesté. Ainsi, au centre de Lille, chaque année, un compte sur trois fait l'objet d'une réclamation.

En tout état de cause, les progrès enregistrés en matière de recouvrement de la redevance ne doivent pas conduire à éluder la question du maintien ou de la suppression de la redevance.

Le Président Henri Emmanuelli a réaffirmé que les propositions de la MEC lui paraissaient sortir du cadre des compétences de cette mission.

M. Pierre Forgues s'est étonné de la démarche suivie par l'administration. Les centres de recouvrement sont les lieux d'accueil des usagers. Or, les usagers auxquels la redevance audiovisuelle pose des problèmes sont, en règle générale, des personnes confrontées à des difficultés sociales. Ce sont celles qui ont le plus besoin d'avoir un contact direct, et non épistolaire, avec un agent du service. Il y a un paradoxe évident à reconnaître que cet impôt pose des problèmes et, parallèlement, à supprimer les centres de recouvrement. A tout prendre, mieux vaut supprimer la taxe.

La Commission a ensuite autorisé, en application de l'article 145 du Règlement, la publication du présent rapport d'information.

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AUDITIONS

1.- Audition de MM. Jean-Luc Lépine, inspecteur général des finances ; Julien Carmona, inspecteur des finances ;
Pierre-François Gouiffès, inspecteur des finances.

(Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 10 février 2000)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

A l'invitation du Président, MM. Jean-Luc Lépine, Julien Carmona et Pierre-François Gouiffès sont introduits. Le Président leur rappelle les règles définies par la Mission d'évaluation et de contrôle pour la conduite des auditions : pas d'exposé introductif, échange rapide des questions et des réponses.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Le rapport que vous avez présenté, dit « rapport Lépine », met en évidence le mauvais résultat de la France en termes de taux d'intervention, qui est le rapport entre le coût de gestion net des missions fiscales et les recettes fiscales nettes. Le taux français, écrivez-vous, est de 1,6% ; il est de 0,49% aux Etats-Unis, de 0,52% en Suède, de 0,83% en Irlande. S'agissant des ratios de productivité présentés dans le même rapport, et des coûts de gestion par habitant et par agent, la France présente avec l'Allemagne les plus mauvaises performances des dix pays que vous avez étudiés dans votre rapport.

Pouvez-vous nous apporter quelque éclairage sur les explications de ces mauvais résultats ? Nous pouvons penser à quelques facteurs : le cloisonnement des réseaux, le cloisonnement informatique, la complexité de la fiscalité, l'absence de spécialisation du recouvrement forcé. J'aimerais que vous reveniez sur ces points. Comment situez-vous notre administration fiscale par rapport aux autres ?

De toutes les perspectives tracées par le rapport Bert-Champsaur et des mesures annoncées par le Gouvernement le 27 janvier, quelle vous semble être la principale priorité, le domaine dans lequel l'effort doit être concentré pour avoir un meilleur rapport coût/efficacité au niveau de notre administration fiscale ?

M. Jean-Luc Lépine : Monsieur le Président, monsieur le Rapporteur général, merci pour votre accueil. Mes collègues et moi-même sommes très honorés d'être entendus par votre mission. Vous nous posez d'emblée une question très large et je ferai quelques commentaires liminaires.

Premièrement, ce rapport, diffusé il y a pratiquement un an, a été, par facilité, intitulé « rapport Lépine ». Il s'agit en fait d'un rapport de l'inspection générale des finances qui, certes, a été réalisé sous ma direction, mais avec la participation de mes deux collègues présents ainsi que de deux autres collègues qui, en raison de leurs compétences linguistiques,
- Mme Mateos Y Lago pour l'espagnol et M. Fehrenbach pour l'allemand - ont apporté des contributions importantes.

Deuxième aspect : dès la diffusion de ce rapport, les commentaires médiatiques se sont concentrés sur les ratios quantitatifs que vous avez signalés, ce qui a fait passer au second plan toute une partie de ce rapport qui n'a pas un objet seulement quantitatif, mais aussi qualitatif, et qui décrit, de manière approfondie et, je le crois, intéressante, les dynamismes et les ressorts profonds d'évolution des neuf administrations fiscales que nous avons analysées. C'est une vision extrêmement réductrice que de résumer ce travail à ce qui n'en est qu'un aspect : les fameux ratios que vous avez cités.

Troisième remarque : nous avons effectué ce travail il y a un peu plus d'un an. Il a certes servi en partie de point de départ à ce que l'on a appelé ultérieurement la Mission 2003, pour laquelle vous allez être amenés à entendre les deux rapporteurs, MM. Thierry Bert et Paul Champsaur. A mon avis, c'est à eux de vous dire dans quelle mesure le travail d'analyse que nous avons pu effectuer, a servi dans le processus dont ils ont été chargé. A ce stade donc, nous n'avons aucune légitimité pour porter des appréciations sur la suite du travail qui a été effectuée sous d'autres responsabilités.

M. Didier MigaudRapporteur général : Malgré tout, cela ne vous empêche pas d'avoir un point de vue.

M. Jean-Luc Lépine : Tout à fait. Après ces quelques commen-taires, la réponse à votre question est pratiquement contenue dans le rapport. Quand nous avons comparé les différentes administrations fiscales entre elles, nous n'avons pas pu manquer d'être frappés de la présence de facteurs de productivité communs aux administrations qui présentent les meilleures caractéristiques. Ces principaux facteurs de productivité, sans être exhaustif, résident d'abord dans l'emploi de techniques qui n'étaient pas disponibles en France au moment de la rédaction du rapport.

Je citerai notamment l'identifiant unique des contribuables, qui a été, grâce à votre assemblée, autorisé l'année dernière. La France était à l'époque le seul pays à ne pas disposer d'un système d'identification unique des contribuables.

Le deuxième facteur est l'industrialisation de l'encaissement des paiements d'impôt. Le rapport détaille les différentes techniques d'industrialisation qui ont été adoptées par les divers pays. En résumé, il y a deux systèmes : d'une part, le recours au réseau bancaire et, d'autre part, la concentration de l'encaissement, traité de manière industrielle, sur un nombre de points limités.

Le troisième facteur de productivité généralement rencontré tient aux systèmes d'information et à leur modernisation. Chaque fois que j'ai eu l'occasion, après le rapport, de rencontrer différentes audiences, j'ai toujours dit que ce qui faisait in fine la différence, c'était les bonnes décisions prises en matière de systèmes d'information, il y a quatre ou cinq ans, délai nécessaire pour que les investissements informatiques produisent leurs effets. Nous avons constaté que la plupart des administrations ayant de bons résultats ont su prendre, il y a quatre ou cinq ans, les virages informatiques en adoptant schématiquement deux techniques de base de systèmes d'information modernes : la gestion des bases de données et ce que l'on appelle, de manière courante, l'informatique on line. Ces virages n'ont été qu'à peine amorcés chez nous et constituent, à mon avis, l'un des grands chantiers des années à venir.

Au-delà de ces quelques facteurs, on en trouve d'autres qui concernent l'organisation, à savoir principalement mais non exclusivement, la structure des réseaux. Nous avons en France un réseau très capillaire, alors que la tendance à l'étranger a plutôt été vers la concentration et la spécialisation des réseaux par type de clientèle. C'est une évolution qui n'a pas eu lieu chez nous au cours des années récentes.

M. Pierre-François Gouiffès : Un éclairage complémentaire : l'importance des investissements informatiques, parfois très lourds, qui ont transformé les systèmes d'information et ont permis de générer des gains de productivité en conséquence. Nous avions calculé que le budget informatique des administrations fiscales étrangères s'établissait autour de 15 à 20%, contre environ la moitié pour l'ensemble constitué par les missions fiscales de la DGCP et de la DGI. L'informatique apporte une souplesse complémentaire en matière de réorganisation, de rationalisation de certains processus, comme l'identification des processus à forte valeur ajoutée sur lesquels on peut consacrer des moyens humains importants et les processus que l'on peut totalement industrialiser.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Dans les pays européens que vous étudiez, la France est celui où la part des dépenses de personnel dans les dépenses totales des administrations fiscales est la plus élevée : 81,2% selon votre rapport au lieu de 67,9% en moyenne. Cela fait une grosse différence. Quelle est votre opinion sur les coûts de personnel des administrations financières ? Selon vous, quelles orientations doivent être données dans ce domaine ?

Le rapport de la Cour des comptes sur la fonction publique indique que la politique de rémunérations et la répartition des emplois obéissent à d'autres critères que l'amélioration du service et la récompense des agents. Pourriez-vous apporter votre propre commentaire sur ce commentaire ?

M. Jean-Luc Lépine : Je m'en tiendrai, M. le Rapporteur général, au constat que nous avons fait. Effectivement, nous avons constaté que les dépenses de personnel prenaient une part nettement plus importante en France qu'ailleurs, ce qui laisse moins de place aux dépenses relatives à l'élément de modernisation que constitue l'investissement dans les systèmes d'information. En la matière, globalement, les deux principales différences entre la France et les pays étrangers résident dans le fait qu'il y a plus de dépenses de personnel et moins de dépenses d'investissement, et, à l'intérieur des dépenses de personnel, une part plus grande de personnel moyennement qualifié contre une part plus importante de cadres et de personnes plus qualifiés à l'étranger. Ce sont deux constatations que nous avons faites.

Fondamentalement, les administrations fiscales sont des organismes qui traitent de l'information. L'évolution de leurs coûts de structure, de leurs modes de fonctionnement et de leurs modes de management - c'est une constatation que de nombreux dirigeants étrangers ont faite devant nous - est inévitablement parallèle à celles des autres organismes qui traitent de l'information, c'est-à-dire les organismes financiers, les assurances, les organismes de retraites, les organismes sociaux. Les administrations fiscales évoluent vers une plus grande qualification du personnel et vers une automatisation des traitements administratifs génératrice de gains de productivité. Voilà le constat qui a été fait.

Pour répondre à votre question, globalement, nous avons le sentiment, mais nous sortons de notre fonction, qu'il y a eu une différence qui s'est accrue entre notre pays et la moyenne des pays européens et que le sens de l'évolution devrait plutôt être d'aller vers le rapprochement.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Vous êtes particulière-ment « langue de bois » dans vos réponses ! Vous avez écrit un rapport, mais cela ne vous empêche pas de dire ce que vous en pensez et de donner des commentaires.

M. Jean-Luc Lépine : A chacun ses responsabilités. Nous avons fait _uvre de consultants. Nous avons livré ce produit. A partir de ce constat et d'autres constats qui ont été effectués et dont ils parleront ultérieurement, d'autres ont pris le relais pour produire leurs analyses et en déduire une ligne d'action. Nous faisons partie d'une organisation et nous n'avons pas de légitimité...

M. Jean-Jacques Jégou : On l'avait compris !

M. Jean-Luc Lépine : Voilà ! Les choses sont claires.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Les choses sont claires, mais la conception que nous avons du rôle de l'inspection générale des finances est qu'elle est capable de penser, pas seulement d'écrire, et d'avoir une opinion sur certains sujets.

M. Jean-Luc Lépine : Le travail est retracé dans notre rapport, et la perception de celui-ci par l'environnement a été positive puisque cela a été l'un des éléments du point de départ du processus d'analyse de nos propres forces et faiblesses. Si vous souhaitez que je vous dise qu'il y a matière à modernisation en matière de systèmes d'information, je suis tout à fait d'accord...

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Nous allons essayer d'avancer dans les questions. Vous faites une distinction qui est reprise dans le rapport Bert-Champsaur entre le métier de recouvrement banalisé et celui de recouvrement des cas difficiles.

Pourriez-vous nous en dire plus sur la pertinence de cette séparation et sur les problèmes de frontière qui pourraient exister ? Il est vrai que c'est un schéma séduisant, qui peut paraître idéal : d'un côté, il y a les bons contribuables et de l'autre, ceux qui trichent. Mais la réalité n'est-elle pas plus complexe que cela ?

M. Jean-Luc Lépine : Ces distinctions recouvrent principalement la distinction entre la fonction d'encaissement des recettes spontanées et la fonction de recouvrement actif.

D'ores et déjà, une partie importante du recouvrement des recettes payées spontanément suit chez nous des circuits directs : 50% de la TVA est payée par virements directs à la Banque de France. De même, une partie importante des impôts recouvrés par le réseau de la comptabilité publique est payée par des moyens dits modernes : mensualisation, prélèvement à l'échéance et titre interbancaire de paiement (TIP). Par conséquent, d'ores et déjà, une partie de la fonction d'encaissement de recettes ne passe plus par les postes de base des réseaux tels qu'ils existent.

Nous avons vu à l'étranger, de manière générale, que tous les pays vont beaucoup plus loin dans l'industrialisation de l'encaissement des recettes spontanées. Par exemple, des pays utilisent pour cela le réseau bancaire, comme l'Espagne, l'Italie, les Etats-Unis ; d'autres pays utilisent des organismes administratifs dédiés à la fonction d'encaissement des recettes spontanées. C'est le cas de la Grande-Bretagne où toute la TVA payée par chèque est concentrée sur un seul poste et où l'impôt sur le revenu est concentré sur deux postes.

On voit là une première différence de conception et d'architecture des systèmes qui, selon nous, est responsable d'une grande partie des différences de coûts. Dans l'analyse du coût global de gestion de l'impôt, le recouvrement représente 0,20% à l'étranger contre 0,50% en France du total des recettes fiscales nettes. La différence de 0,30% est liée au fait que le processus d'encaissement est, en France, très largement éclaté. C'est l'un des grands messages du rapport : on voit là un des facteurs importants des différences de coûts.

D'autre part, on constate que dans le total des coûts de recouvrement, les pays étrangers consacrent les trois-quarts de leurs coûts au recouvrement à valeur ajoutée, le recouvrement forcé, celui qui nécessite une faculté d'appréciation de la personne chargée du recouvrement, et la mise en place de liaisons et de procédures. A l'étranger, la plus grande partie des moyens sont consacrés pour l'essentiel à cette fonction de recouvrement à valeur ajoutée, alors qu'en France le rapport est de 50/50.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Ces comparaisons sont intéressantes. Parmi les systèmes fiscaux que vous avez étudiés, lequel avant sa réforme s'apparentait, selon vous, le plus à la situation française ? Pensez-vous que les réformes qui y ont été appliquées seraient transposables en toute ou partie à la France ?

M. Jean-Luc Lépine : Chaque pays a son génie propre, et son histoire. Il y a un grand facteur qui nous sépare de tous les autres pays : tous les autres pays rencontrés appliquent un système de retenue à la source. Nous sommes le seul pays à ne pas la pratiquer. C'est une première différence.

La deuxième différence est que, dans la plupart des pays, l'administration fiscale, de par sa technicité et sa place dans le processus lié notamment à l'encaissement des acomptes d'impôt sur le revenu prélevé à la source, est également compétente pour le recouvrement des cotisations sociales. Nous sommes donc dans une situation spécifique. L'Allemagne aussi est en décalage par rapport aux autres pays, mais elle est en train de lancer un programme de modernisation très important en matière d'informatique. La plupart des pays ont beaucoup évolué ces cinq dernières années. Des réformes de structure ont abouti à la concentration des administrations qui s'occupent des impôts directs et des cotisations sociales, notamment en Grande-Bretagne. La concentration est totale au Canada, et la modernisation interne s'opère par le développement des systèmes d'information.

Une autre différence conceptuelle nous sépare tout à fait des autres pays : nous sommes encore le seul pays, - et le dernier, l'Italie, qui pratiquait cette technique l'a abandonnée au début des années 1990 -, à avoir la conception d'une séparation des fonctions d'assiette et de recouvrement. Nous sommes absolument les seuls ; tous les autres pays pratiquent une gestion intégrée, au sein d'une même unité, de la gestion des obligations déclaratives et de la surveillance de la régularité des paiements.

Cette constatation a été reprise par la Mission 2003.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : S'agissant de la taxe d'habitation, si l'on exploite le tableau de la mission Mercadié, en annexe I de votre rapport, on constate que cet impôt est caractérisé par un taux d'intervention particulièrement élevé.

M. Jean-Luc Lépine : De l'ordre de 4%, si mes souvenirs sont bons.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Pouvez-vous préciser si ce chiffre tient compte de toutes les charges supportées dans le cadre de la perception de cet impôt et si le produit considéré est celui qui est effectivement versé aux collectivités territoriales ?

M. Julien Carmona : Je lis le document annexé à notre rapport. Le montant indiqué pour 1997 est bien le montant de la taxe d'habitation effectivement recouvrée, indépendamment des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.

M. Jean-Luc Lépine : Non, ce montant chiffre plutôt la taxe d'habitation émise.

M. Julien Carmona : Il s'agit des émissions nettes des dégrèvements, mais cela est quelque peu technique. Essentiellement, l'approche que nous avons retenue est de prendre ce qui rentre effectivement dans les caisses de l'Etat en faisant abstraction de ce qui peut être compensé, dans un sens ou dans l'autre, entre l'Etat et les collectivités territoriales.

M. Jean-Luc Lépine : C'est cela.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : A travers les études que vous avez faites sur les administrations fiscales étrangères, y a-t-il ces mêmes flux financiers pour service rendu entre l'Etat et les collectivités territoriales qu'en France ?

M. Jean-Luc Lépine : L'une des spécificités de notre pays est que l'administration fiscale de l'Etat est aussi en charge des finances des collectivités locales. C'est une situation que l'on retrouve dans peu de pays. Je crois que les pays dans lesquels des situations présentant des analogies ont été constatées étaient l'Espagne, la Suède et le Canada. Dans tous les autres pays, ce ne sont pas les mêmes administrations.

Comme vous avez pu le constater, dans l'un des paragraphes du rapport, nous avons essayé de quantifier l'impact de la charge que représente pour l'administration fiscale in globo la fonction de service aux collectivités locales, en retranchant du numérateur la part des dépenses consacrées aux impositions locales et en retranchant du dénominateur le montant des émissions d'impôts allant aux collectivités locales. La prise en compte de ce facteur a pour effet de diminuer de 0,08 point le taux d'intervention global (1,6%) et de le faire passer à 1,52%. Le fait que l'administration fiscale soit compétente à la fois pour les impôts d'Etat et pour les impôts des collectivités locales n'est donc pas, du seul point de vue du taux d'intervention, un facteur spécialement aggravant.

M. Julien Carmona : Je voudrais ajouter un mot sur l'adminis-tration fiscale en tant que prestataire de services aux collectivités locales pour les impôts qui leur reviennent. Dans ce que l'on voit au Canada, où l'administration fiscale fédérale recouvre certains impôts pour le compte des provinces canadiennes, on constate qu'il y a facturation précise du service rendu. Celle-ci se fonde sur la comptabilité analytique de l'administration fiscale fédérale, qui est en mesure d'identifier les moyens en frais de personnel, en frais de fonctionnement pour recouvrer les impôts des provinces, de l'Ontario par exemple. Cela permet de clarifier les relations entre l'Etat et les collectivités. Il est vrai que nous n'avons pas en France une comptabilité analytique de ce niveau. C'est aussi un de nos constats.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Le service rendu par l'Etat fédéral est-il toujours facturé aux collectivités ?

M. Julien Carmona : Oui absolument.

M. Pierre-François Gouiffès : C'est vraiment la gestion pour compte de tiers. Cela existe pour des communautés autonomes en Espagne, comme pour certaines des provinces au Canada.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : De l'analyse que vous avez faite des systèmes étrangers, avez-vous retiré l'impression que nous avons en France une législation fiscale très complexe et qui peut expliquer en partie ce surcoût ?

M. Jean-Luc Lépine : C'est une question fréquemment posée et dont l'appréciation est assez difficile. On peut l'approcher de manière empirique sous deux angles. D'abord, on peut essayer de comparer les coûts de gestion pour des impôts très similaires. C'est le cas de la TVA en Europe. Nous avons pris le coût de gestion de la TVA en Grande-Bretagne parce que ce pays dispose d'une comptabilité analytique. Il est de 0,50% contre 1% en France alors qu'il s'agit d'un impôt façonné en grande partie par la législation européenne. Dans un cadre similaire, on a des coûts de gestion différents.

Ensuite, on peut se demander, pour les pays qui ont les meilleures performances apparentes en matière de taux d'intervention, comme les Etats-Unis, si pour l'impôt sur le revenu, la législation est véritablement plus simple qu'en France. Mes enfants vivent aux Etats-Unis et je m'amuse parfois à faire fictivement ma déclaration selon le système américain. Je peux vous assurer, et tous les gens qui connaissent les Etats-Unis vous le confirmeront, que le système d'impôt sur le revenu y est plutôt plus compliqué qu'en France.

Nous avons certains facteurs de complexité, et je dirai que ces facteurs tiennent globalement à la recherche manifestée en France, d'une personnalisation de l'impôt. Ce type de préoccupation se constate notamment pour un impôt comme la taxe d'habitation. Dans la plupart des pays étrangers, les impôts locaux sont beaucoup plus frustes.

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* *

Je laisse ma casquette d'animateur de l'équipe qui a rédigé le rapport d'analyse comparative pour reprendre un instant celle que j'ai portée pendant plusieurs années en tant qu'inspecteur général chargé de la division Nord-Pas-de-Calais. Quand j'allais rencontrer les responsables des services fiscaux de cette région, ils me disaient tous qu'une grande partie des coûts de gestion de la taxe d'habitation était liée à la complication que représente la prise en compte de situations particulières qui avaient peu d'enjeux en termes de recettes. Je cite deux exemples : les garages et les chambres d'étudiants. Notre législation a voulu personnaliser à l'excès ces deux sujets. Vous savez que pour une chambre d'étudiant, la situation est différente selon qu'elle est gérée par le CROUS ou par un autre organisme. Par ailleurs, pour les garages, les situations sont différentes selon qu'ils sont à moins ou à plus d'un kilomètre du domicile, selon qu'ils sont fermés ou non.

On recherche, au nom de la justice sociale, un tel perfectionnisme pour apprécier des situations qui, finalement, ne sont pas véritablement déterminantes au regard de l'appréciation de la capacité contributive des individus. Dans ce domaine, je dirai qu'on est allé très loin dans la complexité.

M. Pierre-François Gouiffès : Concernant le coût de la fonction d'encaissement, c'est un processus sur lequel, on l'a vu, la France connaît un écart de 0,3 point de pourcentage sur une moyenne de 0,5% dans les pays analysés. La gestion des obligations déclaratives et la gestion des paiements relèvent d'un processus relativement étranger à la complexité fiscale. C'est un élément de plus qui montre le caractère non totalement explicatif de la complexité fiscale pour expliquer les différences de coût.

Les administrations fiscales étrangères, alors qu'elles ont séparé clairement la gestion de l'impôt de la définition de la politique fiscale, se réapproprient la politique fiscale par la problématique de la simplification. Maintenant, elles réfléchissent, elles donnent à l'autorité politique des idées pour que les modalités de perception des impôts et l'organisation du système fiscal soient compatibles avec une bonne gestion de cet impôt. L'exemple typique est la déclaration présaisie qui existe dans les pays nordiques. C'est une idée issue de l'administration fiscale, qui a connu une traduction législative et a eu des conséquences de rationalisation de la gestion de l'impôt sur le revenu.

M. Jean-Jacques Jégou : Permettez-moi de vous dire que nous sommes frustrés, pour avoir lu le rapport, du décalage entre la réalité de ce que vous avez écrit et ce que vous dites ou non dans les réponses aux questions posées par le Rapporteur général. Pour un esprit simple comme peuvent l'être beaucoup de parlementaires, dont je suis, il ressort de votre rapport que notre système est coûteux et inefficace. Ce n'est pas rien !

M. Jean-Luc Lépine : Nous n'avons absolument pas dit « inefficace ». C'est un rapport d'analyse comparative. Nous disons seulement qu'il est comparativement plus coûteux.

M. Jean-Jacques Jégou : Il est inefficace parce que les recettes recouvrées par agent sont nettement inférieures, même si vous ne l'avez pas écrit. Je ne connais pas assez votre rapport pour savoir si le mot inefficace est prononcé une fois, admettons qu'il ne le soit pas.

M. Jean-Luc Lépine : Non. Nous n'avons jamais dit qu'il était inefficace, mais comparativement plus coûteux.

M. Jean-Jacques Jégou : Admettons donc l'expression « plus coûteux » et voyons l'utilisation que nous pourrions faire ici du rapport. Concernant la structure des administrations fiscales, on a vu qu'elle était plus éclatée chez nous, qu'elle était même cloisonnée. Sur la qualité du service, nous avons abordé, dans d'autres lieux, la répartition du personnel dans la fonction publique entre les catégories A, B et C en constatant une sur-représentation des personnels de la catégorie C dont le coût représente une charge supplémentaire puisque le personnel y est soit trop nombreux, soit mal utilisé, soit peu compétent.

Le Président Augustin Bonrepaux : Faites-nous des réponses précises et simples. La question posée est de savoir si le système français est plus coûteux. Il faut que nous le sachions. Il faut que l'on nous réponde simplement. Notre objectif est de réduire les coûts. S'il est moins efficace, il faut aussi nous le dire. Notre objectif ici est de rendre les services plus efficaces. Si nous ne recevons pas de réponses précises, nous ne pouvons pas bien faire notre travail. Je souhaiterais que vous répondiez précisément à la question de M. Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou : J'ai une deuxième question sur la taxe d'habitation. Je suis maire aussi, comme beaucoup de mes collègues à l'Assemblée nationale. J'ai bien constaté, ce qui échappe parfois au contribuable moyen, que les services de l'Etat nous réclament déjà plus de 7%, prélevés pour le seul établissement de la feuille d'impôt. Par rapport à ce que M. Lépine vient de dire sur les problèmes d'assiette que rencontre l'administration pour expliquer le régime des garages ou des chambres d'étudiants, ces 7% vous paraissent-ils justifiés ?

Le Président Augustin Bonrepaux : Je demande aussi aux membres de la mission, s'ils veulent avoir des réponses précises, de poser des questions courtes et précises.

M. Jean-Luc Lépine : Le rapport constate qu'il y a dans la répartition du personnel, proportionnellement plus d'agents de catégorie C en France qu'à l'étranger. L'évolution générale va véritablement vers l'augmentation de la qualification du personnel, la substitution de dépenses de systèmes d'information à des dépenses de personnels peu qualifiés. C'est une tendance lourde commune à toute organisation qui gère des systèmes d'information.

Deuxièmement, le coût complet de la taxe d'habitation, tel qu'il ressort de la comptabilité analytique, est de l'ordre de 4 à 5%.

M. Jean-Jacques Jégou : L'Etat prélève donc plus que ce que cela ne lui coûte.

M. Jean-Luc Lépine : Je n'ai pas de commentaire. La formulation est un peu simpliste.

M. Jean-Jacques Jégou : Nous sommes très simples.

M. Jean-Luc Lépine : Absolument. Nous n'avons pas étudié le problème sous cet angle. Il faudrait prendre en compte l'ensemble des coûts. Je ne peux pas vous répondre.

M. Jérôme Cahuzac : Je voudrais revenir sur la TVA, définie en partie par la législation européenne. Il me semble que les raisons que vous avez invoquées pour expliquer le coût de la collecte de l'impôt dans notre pays s'appliquent assez mal à la TVA, qu'il s'agisse de la séparation entre l'assiette ou le recouvrement, ou des retenues à la source qui existent dans certains pays et pas dans le nôtre, etc. Dès lors que ces raisons peuvent difficilement être avancées pour la collecte de la TVA, comment expliquez-vous le fait qu'elle coûte deux fois plus cher en France qu'en Grande-Bretagne ?

Vous avez probablement des homologues dans les administrations étrangères ; j'ignore s'il existe un corps d'inspection aussi structuré mais j'imagine que c'est le cas. Quand c'est le cas, quel a été le rôle de ce corps d'inspection dans la réforme que ces pays ont pu connaître il y a cinq ou six ans ? Quand ce n'est pas le cas, qui s'est substitué à ce corps d'inspection pour mettre en avant un certain nombre de besoins ?

M. Jean-Luc Lépine : Le problème spécifique de la TVA n'est pas celui de la législation, parce qu'elle est très largement commune, mais celui de l'organisation. Il y a deux différences entre la TVA française et la TVA britannique. Au sein de la direction générale des impôts, nous avons deux unités différentes chargées de gérer les obligations déclaratives et les paiements : le centre des impôts pour la gestion des obligations déclaratives et la recette pour l'encaissement ; donc, deux unités contre une seule unité intégrée à l'étranger.

Deuxième aspect, s'agissant de l'encaissement, en France 50% de la TVA est virée à un point unique, par virement direct à la Banque de France ; les autres 50% sont recouvrés par les 847 recettes des impôts qui couvrent le territoire français. A contrario, il existe un point d'entrée unique en Grande-Bretagne. On trouve là l'essentiel de l'explication.

Pour la seconde question, sur les aiguillons en matière de réforme : chaque pays a des structures différentes. De manière générale, ce que nous avons trouvé dans beaucoup de pays, c'est qu'à travers l'existence de comptabilités analytiques et les échanges entre les administrations, il y a un désir et une pratique de comparaisons. Il y a donc diffusion des meilleures pratiques, essentiellement dans le monde anglophone, qui s'étend aux pays connexes que sont les pays nordiques et les Pays-Bas. Les administrations de ces pays se rencontrent. Quand l'une d'entre elles fait une innovation, elle est étudiée par d'autres pays. De manière générale, nous avons trouvé que dans les administrations fiscales anglophones et assimilées, il y a un processus permanent d'évaluation et de programmation des techniques d'amélioration de la productivité.

Dans certains pays, il y a des facteurs exogènes à l'origine de réformes importantes. C'est notamment le cas du Canada où, non pas un corps interne, mais la Cour des comptes canadienne a été à l'origine d'une refonte complète du système de recouvrement.

M. Julien Carmona : C'est un cas assez typique où c'est le duo formé par la Cour des comptes et le Parlement qui, de l'extérieur, a poussé l'administration fiscale à se réformer, ce qu'elle a fait assez vite. Le système de recouvrement au Canada, qui auparavant était dans une configuration un peu comparable au système français, a été changé de bout en bout à la suite d'une comparaison objective avec ce que faisaient les organisations privées comparables à Revenu Canada. C'est un mode de changement assez fréquent, mais on en trouve d'autres.

En Angleterre, les changements très profonds qu'a subis l'administration fiscale britannique, avec une forte baisse d'effectifs à la clef, sont des changements imposés d'en haut par le Gouvernement, correspondant à une demande politique sous le Gouvernement de Madame Thatcher. Cela a résulté d'une demande politique relayée par les corps d'inspection, dans le cadre des procédures britanniques d'examen de la légitimité de la dépense.

Il y a aussi des cas très intéressants de réformes qui sont allées assez loin aux Pays-Bas et en Suède. Il s'agit de réformes initiées pratiquement de l'intérieur. L'administration fiscale néerlandaise s'est analysée au regard de l'extérieur, a vu que son environnement évoluait et qu'elle commençait à décrocher par rapport aux banques ou aux sociétés de services financiers. Il y a eu internalisation du processus de réforme.

Ces réformes ont retenu notre attention dans la mesure où elles ont été beaucoup plus incrémentales, en quelque sorte, mais aussi dans la mesure où elles ont recueilli l'assentiment de la structure. Il s'agit véritablement de processus de réforme très différents.

M. Pierre-François Gouiffès : Il y a deux couples-clefs, en dehors de l'administration fiscale, qui l'ont fait bouger dans des configurations politiques assez différentes. C'est, d'une part, le couple formé par le Parlement et l'institution suprême d'audit. Dans la plupart des pays que nous avons visités, l'institution suprême d'audit est rattachée hiérarchiquement au Parlement. Elle certifie les comptes ; l'équivalent du directeur général des impôts et du directeur général de la comptabilité publique est auditionné par les commissions parlementaires spécifiques en la matière. C'est le couple législatif/Cour des comptes.

A côté, on trouve le couple formé par le Gouvernement et la direction du budget qui suit les coûts et impulse des changements.

Il convient de préciser que ces deux couples ne s'intéressent pas seulement à l'administration fiscale, mais agissent dans un contexte un peu transversal sur l'ensemble des administrations publiques.

Mme Nicole Bricq : Vous avez travaillé à un instant t qui était le début d'un continuum. Nous, nous travaillons à t + 3. Il y a eu votre rapport, puis le rapport Bert-Champsaur et ensuite les annonces faites par le Gouvernement après la Mission 2003. Nous sommes bien obligés d'aller plus loin que ce que vous avez vu à un moment donné.

Sur le coût du recouvrement, vous avez dit que l'impact du recouvrement pour le compte des collectivités locales était assez marginal. Vous nous avez dit que la complexité n'était pas forcément une source de surcoût, compte tenu d'autres expériences. J'ai noté dans votre rapport un aspect plus culturel. Vous avez bien vu ce qui se passait aux Etats-Unis où il y a une très forte pédagogie de l'impôt. Elle commence à l'école et continue de manière permanente à l'aide de moyens modernes comme Internet pour que les gens comprennent bien pourquoi ils paient et ce à quoi cela sert. On ne parle jamais de cela en France, alors que tous les débats récents ont montré qu'il y avait une perspective intéressante d'exploitation de ce créneau. Cette pédagogie vous paraît-elle être un élément qui facilite le recouvrement de l'impôt et donc le rend moins coûteux ? Ce mode d'action ne s'inscrit pas dans le court terme, mais c'est justement parce qu'il est lourd qu'il faut l'engager le plus tôt possible.

Prenant des exemples précis sur la réforme de l'administration fiscale, vous avez noté que, dans certains pays, des modifications fiscales de fond ont accéléré la réforme fiscale. Vous citez les modalités de déclaration en Irlande et en Grande-Bretagne. Ma question est très simple ; peut-être n'y répondrez-vous pas, mais c'est une question que nous nous posons, bien qu'elle n'ait pas été abordée par le ministre : en France, l'instauration de la retenue à la source est-elle de nature à accélérer la réforme de fond de l'administration fiscale ? Y a-t-il d'autres réformes fiscales profondes qui accéléreraient la réforme de l'administration ?

M. Jean-Luc Lépine : Je vous remercie pour votre première question, car vous abordez les aspects qualitatifs qui ont été un peu perdus de vue dans les commentaires sur le rapport alors qu'ils sont tout à fait importants. De manière générale, nous avons observé, qu'à l'étranger, on porte une attention beaucoup plus grande à ce que l'on peut appeler le service à l'usager. La qualité des services, telle que nous la présentons dans le rapport, est l'un des programmes majeurs de la plupart des administrations fiscales.

Au sein de ce programme de qualité, il y a une composante pédagogique ; vous avez raison d'y faire allusion. Je suis très sensible à ce que vous dites. Mes enfants vivant aux Etats-Unis, j'ai eu l'occasion de montrer à mes collègues les questions fiscales posées à un enfant lors de tests passés à la fin de l'équivalent de la classe de quatrième. Je dois dire que le niveau est tel que beaucoup de nos enfants de classe terminale, voire même d'université, seraient incapables chez nous de répondre à des questions équivalentes.

De même que dans les bonnes classes des Etats-Unis, on fait venir au moins une fois pendant l'année des policiers pour expliquer leur rôle vis-à-vis de l'environnement, les « friendly cops », de même il y a des programmes pour envoyer dans les écoles des agents de l'Internal Revenue Service (IRS) qui exposent aux élèves quelles seront leurs obligations en matière fiscale et comment ils auront à traiter cet élément essentiel de la citoyenneté. Je pense que dans l'acceptation de l'impôt, l'aspect culturel et pédagogique est très important. M. Gouiffès vous le confirmera, les résultats spécifiques constatés en Suède, pays très différent des Etats-Unis par les dimensions et le niveau de pression fiscale, sont liés à une culture civique de l'impôt développée dès le plus jeune âge.

M. Pierre-François Gouiffès : Nous avons rencontré à Washington l'ancien numéro 2 de l'équivalent de la Cour des comptes des Etats-Unis qui nous a dit que l'une des forces-clefs de l'administration fiscale américaine était la qualité de sa base de contribuables. L'américain est civique, proteste l'impôt avant de le payer, mais le paye bien ensuite.

Les pays scandinaves sont aussi marqués par un civisme général, et en particulier fiscal, qui est un avantage décisif par rapport aux pays où ces questions de civisme sont moins importantes.

C'est dans ces deux pays, notamment aux Etats-Unis, que nous avons vu les approches les plus anciennes en matière de service aux contribuables et dans les aspects les plus amont, c'est-à-dire les aspects pédagogiques, éducation civique en la matière. Quand nous avons commencé la mission, les deux points dont nous ne mesurions pas l'importance étaient l'importance de l'informatique - nous l'avons largement évoqué précédemment - mais aussi la fonction du service au contribuable, qui est beaucoup moins bien isolée, « rationalisée » dans notre pays que dans la plupart des pays étrangers, avec les aspects situés en amont que vous mentionniez.

M. Jean-Luc Lépine : En ce qui concerne votre autre question, on ne peut pas manquer de faire la constatation que la retenue à la source est une technique généralisée. C'est un facteur de simplification de l'encaissement spontané. Il est absolument évident que le recours à cette technique, qui constitue une décision politique majeure, ne manquerait pas d'avoir un impact sur la structure de l'administration.

M. Julien Carmona : Dans les pays où la retenue à la source fonctionne vraiment bien, celle-ci est souvent conjointe : retenues des cotisations sociales et de l'impôt sur le revenu. On peut se demander, c'est un commentaire personnel, si s'agissant de son acceptabilité par les entreprises, la retenue à la source n'implique pas peu ou prou un transfert de charges vers les entreprises, qui peuvent être compensées par exemple par des avantages en trésorerie, mais il faut que cela leur soit expliqué. Pourquoi ne pas gérer un seul système de retenue à la source ? En gérer deux, trois ou quatre pour le compte d'administrations différentes, poserait un problème d'acceptabilité par les principales intéressées que sont les entreprises.

M. Francis Delattre : Pensez-vous que le système de rémunération de l'ensemble des agents, notamment de la Comptabilité publique, est organisé dans l'objectif d'améliorer leur productivité ?

Par ailleurs, votre rapport comporte une fiche intéressante sur l'économie souterraine en Italie où, selon les régions, il y a de 13% d'économie souterraine par rapport à la PIB à 83% dans le sud. Existe-t-il une étude similaire concernant la France ?

M. Jean-Luc Lépine : S'agissant de l'Italie, je ferai juste un commentaire. On a pu se gausser à un moment de la situation des administrations fiscales italiennes qui étaient au bord de l'effondrement. C'est un pays qui a su s'arrêter au bord de gouffre et qui a fait un effort absolument considérable de modernisation et entrepris des réformes de structure de grande ampleur. C'est le premier pays où l'ensemble des contribuables, en juin dernier, a transmis de façon électronique sa déclaration d'impôt. Tous les contribuables ne sont pas équipés de moyens électroniques : ils sont allés chez des intermédiaires, banques ou comptables, qui ont transmis électroniquement leurs déclarations. L'Italie en est au zéro papier en matière de déclaration fiscale. L'Italie s'est donc arrêtée au bord du gouffre et a été capable d'analyser ses faiblesses et de se remettre en cause.

Si l'économie souterraine fait partie du paysage italien, elle fait beaucoup moins partie du paysage français, en tous cas sûrement pas dans les mêmes proportions. On n'a pas, à ma connaissance, d'étude analogue permettant de faire des comparaisons.

M. Francis Delattre : On est donc en retard par rapport aux italiens.

M. Jean-Luc Lépine : Pour les rémunérations des agents, je crois que c'est plutôt aux rapporteurs de la Mission 2003 de vous apporter leurs appréciations.

Le Président Augustin Bonrepaux : Je vous propose de terminer cette audition. Je remercie MM. Lépine, Carmona et Gouiffès de leurs réponses. Elles ne nous donnent pas entièrement satisfaction. Peut-être en aurons-nous de plus précises tout à l'heure, qui nous permettront de faire des propositions par la suite.

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2.- Audition de MM. Thierry Bert, chef du service de l'inspection générale des finances, et Paul Champsaur, directeur général de l'INSEE.

(Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 10 février 2000)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

A l'invitation du Président, MM. Thierry Bert et Paul Champsaur sont introduits. Le Président leur rappelle les règles définies par la mission pour la conduite des auditions : pas d'exposé introductif, échange rapide des questions et des réponses.

Le Président Augustin Bonrepaux : Nous allons poursuivre nos auditions en entendant MM. Thierry Bert, chef du service de l'Inspection générale des finances et Paul Champsaur, directeur général de l'INSEE, qui ont produit un rapport sur la base duquel est engagée la réforme actuelle. Je rappelle que ces auditions associent toujours la Cour des comptes à nos travaux. Celle d'aujourd'hui a été préparée ce matin par une première réunion. Nous souhaitons le plus d'informations possible sur vos travaux et je vous demande de bien vouloir apporter des réponses courtes et précises aux questions.

Je demande au Rapporteur général, ainsi qu'aux membres de la mission, d'avoir, pour leur part, des questions qui soient, elles aussi, courtes et précises.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Je voudrais dire à nos invités que nous avons trouvé très « langue de bois » M. Jean-Luc Lépine, inspecteur général. Nous souhaitons que leurs réponses soient plus incisives et toniques. Nous avons pu constater un grand décalage entre le rapport écrit et l'expression orale des hauts fonctionnaires que nous avions invités, même s'ils ont un peu mieux répondu à nos attentes en fin d'audition.

Merci d'avoir répondu à notre invitation. Votre rapport appuie son diagnostic sur une consultation du personnel et des redevables. Pouvez-vous préciser l'ampleur de cette consultation des agents et des élus locaux, notamment au regard du réaménagement du rôle des trésoreries. Les élus locaux consultés ont-ils exprimé des souhaits relatifs aux nouvelles missions d'appui juridique aux collectivités locales que le Gouvernement envisage ?

M. Thierry Bert : Je vais vous répondre sur trois points :

En ce qui concerne la consultation des agents, l'ensemble de la procédure est décrite dans les deux dernières pages de couverture de la synthèse de 10 pages du rapport que nous vous avons fait parvenir.

Paul Champsaur et moi-même avons rencontré à dix reprises l'ensemble des chefs de services départementaux, et leurs adjoints, de la direction générale des impôts, de la comptabilité publique et des douanes aux mois de juin et juillet 1999. Nous avons ensuite lancé une campagne d'information, par les chefs de service et leurs adjoints, de l'ensemble des personnels qu'ils avaient sous leur autorité de fin juin jusqu'à septembre.

A la fin du mois de septembre, pendant tout le mois d'octobre et la première quinzaine du mois de novembre, nous avons demandé à ce que se réunissent pendant un mois des agents de la DGI, de la comptabilité publique et des douanes sous la forme particulière d'ateliers locaux. Ils y ont discuté des principaux problèmes liés aux orientations ministérielles, c'est-à-dire l'interlocuteur fiscal unique et la simplification maximale des déclarations et des paiements.

Enfin, nous avons présidé nous-mêmes des conventions interrégionales à dix reprises sur l'ensemble du territoire. La liste de ces conventions figure au rapport. Ces conventions étaient organisées de la manière suivante : Paul Champsaur et moi-même étions sur un podium avec des rapporteurs de divers ateliers locaux sélectionnés sur la base de leurs contributions écrites. Dans la salle, il y avait 250 à 300 délégués des ateliers, personnellement présents, qui discutaient directement avec nous pendant deux fois quatre heures.

Entre temps, les syndicats s'invitaient généralement entre midi et 13 heures et étaient reçus ensuite de façon plus officielle entre 17 heures et 20 heures ou 21 heures, quelquefois même 22 heures. Les syndicats nationaux ont été reçus à Paris à dix-huit reprises, par moi. Voilà l'ampleur de la concertation.

L'ensemble se trouve sur Internet avec le verbatim des conventions interrégionales reprenant l'intégralité des interventions et des réponses que nous avons pu formuler. Nous avons joué la transparence totale ; quand on vous dit que la concertation n'a pas été faite, c'est un mensonge.

La franchise de l'expression vous paraît-elle adéquate ? (assentiment de l'assemblée)

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Cela tranche avec le style précédent.

M. Thierry Bert : En ce qui concerne les usagers, nous les avons consultés par le biais des entreprises SOFRES, IFOP, IPSOS à partir de techniques de sondage. Nous avons fait aussi une enquête téléphonique au ministère sur la qualité de l'accueil téléphonique. Nous avons ainsi constaté que le taux de « non décroché » s'élevait à 40% ! De plus, quand un agent décroche, il n'est pas certain qu'il s'agisse de la bonne personne. Mais cela, on ne peut pas l'évaluer.

C'est la première enquête de ce type, au sein du ministère, demandée à France Télécom. Nous avons les résultats par département, que nous ne vous communiquerons pas, parce que je me suis engagé face aux agents et aux syndicats à ce qu'il n'y ait pas de cotation des postes. Cela créerait plus de désordre que d'amélioration dans l'ensemble du dispositif, sachant que le réaménagement doit être global. C'est, en effet, l'ensemble de l'outil et de l'organisation qui ne va pas.

Pourquoi avons-nous fait faire des sondages externes ? Parce que tout le monde est très content de soi, ce qui est parfaitement normal. Mais quand nous écoutons les gens, ils nous disent que l'organisation est incompréhensible, qu'ils confondent les trésoreries et les centres des impôts, que tout le monde parle d'ailleurs « des impôts ».

On nous dit que le rapport est technocratique. Je veux bien. Je passe mes vacances dans le Gers. A Bassoues, où il y a une bastide extraordinaire, quand j'ai interrogé le cabaretier du village, parce qu'il y a quand même un cabaret, pour savoir s'il avait des problèmes avec « les impôts », il m'a répondu qu'il apportait son chèque de TVA « à Mirande au percepteur ». Je lui ai expliqué que la TVA était encaissée par la recette des impôts et non pas par le percepteur ; il m'a répondu « tout cela, c'est la même chose, c'est les impôts ». Qui ne l'a pas entendu ?

Alors, que l'on arrête de dire que ce rapport est technocratique ! Quand on parlera aménagement du territoire, je donnerai également des références concrètes qui vous permettront d'appréhender le problème tel qu'il est, et non pas tel qu'on le rêve ou tel que l'on souhaiterait qu'il soit. Voilà pour les usagers.

Autre raison pour laquelle nous sommes passés par des agences pour les usagers : les types qui sont au bout du fil, les agents, sont effectivement courtois et compétents quand on les trouve ! Mais quand on ne les trouve pas, ils ne peuvent pas le savoir, par construction. Eux, ils estiment qu'ils rendent un excellent service ; c'est parfaitement normal de leur point de vue. Le problème est que jamais une entreprise, jamais une organisation, jamais un Etat ne doit procéder ainsi. Il devrait demander aux utilisateurs, et pas seulement aux agents, ce qu'ils pensent du service.

Et naturellement, les utilisateurs nous disent qu'ils ne comprennent rien et que les services sont injoignables. Nous écrivons cela dans le rapport et on nous répond que nous sommes méprisants. Non, nous ne sommes pas méprisants, nous rapportons seulement ce que les enquêtes nous ont dit.

S'agissant des élus, comme le rapport porte sur le recouvrement de l'impôt, nous avons pris le parti de ne pas organiser, nous le précisons dans le rapport, de consultation formelle avec les élus locaux.

C'est une décision que j'assume parfaitement. Pourquoi l'avons-nous prise ? Parce que le problème est celui d'une organisation générale du recouvrement de l'impôt d'Etat ou de l'impôt perçu par l'Etat, quelquefois au profit des collectivités locales, mais par l'Etat et par une administration d'Etat.

Les élus locaux sont intéressés par deux points : les problèmes d'implantation et les problèmes de perception de leurs recettes. La question de la perception des recettes n'existe pas pour la bonne raison que s'il y a des non-valeurs sur la taxe d'habitation par exemple, ces non-valeurs sont couvertes par l'Etat. Ce genre de choses n'intéresse donc pas les élus locaux ; ce qui les intéresse, c'est d'avoir des informations sur l'assiette et sur l'évolution des produits fiscaux. Quant à la taxe professionnelle, l'ensemble des exonérations est pris en charge par le budget de l'Etat. Il n'y a pas d'intérêt financier des élus locaux sur ce point.

Sur les implantations et sur ce que l'on appelle la proximité, je souhaite que l'on en reparle beaucoup plus avant.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Nous aurons l'occasion d'y revenir. Je vous remercie pour vos réponses directes.

Vous proposez la mise en place d'un interlocuteur fiscal unique, ce qui apparaît effectivement tout à fait séduisant du point de vue de l'usager, du contribuable. Ce que vous avez dit à partir de votre expérience dans le Gers, nous sommes nombreux, ici, comme élus, à le vivre aussi. Il y a souvent incompréhension de l'organisation fiscale.

Pourriez-vous nous apporter des précisions quant au système d'interlocuteur fiscal unique, sur la façon dont serait organisée et assumée la fonction comptable ? Cela peut susciter quelques inquiétudes ou quelques préoccupations. Vous faites la distinction entre deux types de contribuables : le contribuable de bonne foi et le contribuable récalcitrant. Où placez-vous la frontière ? Comment pourrons-nous faire pour que les garanties qui existent aujourd'hui dans le statut du comptable public, qui lui permettent de résister aux pressions, puissent perdurer dans le système que vous proposez ?

M. Thierry Bert : Mesdames et Messieurs, je crois qu'il convient de commencer par apporter une précision : le recouvrement n'est plus effectué par les perceptions ; à 95%, il est effectué par les centres régionaux informatiques et par les départements informatiques du trésor. Ce sont des paiements spontanés.

Je vais vous donner un exemple extrêmement concret et très peu technocratique, qui est le mien : j'ai reçu mon tiers provisionnel, mais comme je n'ai pas encore reçu mes primes, je suis incapable de le payer. Mes primes sont parfaitement officielles et déclarées. Je peux même vous dire le montant de mes revenus annuels : 721 000 francs par an.

J'envoie hier une adhésion à la mensualisation, j'ai jusqu'au 15 mai pour le faire, à la trésorerie principale de Paris, 11ème arrondissement, où j'habite. Que va faire la trésorerie ? Elle va l'envoyer sous enveloppe au centre régional informatique. C'est le système du « sapeur Camembert » : on creuse un trou, puis on le remplit.

Il faut être raisonnable : 95% en moyenne des paiements sont spontanés. Il s'agit d'encaissement, et il faut distinguer encaissement et recouvrement. Ces paiements sont encaissés de façon automatique par le biais de centres de traitement des titres interbancaires de paiement (TIP) ou de perceptions dotées de lecteurs optiques qui trient les chèques et alimentent le compte du trésor. Les 5% restant résultent des gens en retard. Il y a donc des lettres de rappel, qui sont également éditées par les départements informatiques du trésor. Ensuite, il y a les commandements, les papiers verts, également édités de façon automatique, par les départements informatiques du trésor, et c'est automatique. Il reste 2,5% des paiements à recouvrer.

Après, on peut effectivement accorder des délais. Combien y en a-t-il ? On ne sait pas. C'est tenu à la main. Je l'ai demandé aux percepteurs, à chaque fois quand je suis arrivé en province : on m'a répondu une trentaine par an dans un poste de la Meuse ; ailleurs une vingtaine ; dans les Yvelines, on m'a dit qu'il y en avait beaucoup, « comme ça » (montrant une épaisseur) ; on jugeait ainsi à l'épaisseur. Les suivis ne sont pas faits, les calendriers ne sont pas enregistrés, tout cela n'est pas informatisé.

Après, il y a les poursuites. Cela devient intéressant, car c'est là que le rapport propose de spécialiser le recouvrement. C'est là qu'il ne s'agit plus d'encaissement, mais bien du vrai recouvrement. Il faut là des professionnels qui soient en lien direct avec les gens qui font de l'assiette, c'est-à-dire qui déterminent le montant imposable. En effet, s'il y a divergence ou cloisonnement entre les gens qui déterminent les montants à recouvrer et les gens qui les recouvrent, et encore plus, ce qui est la situation actuelle, s'il y a incohérence entre celui qui détermine le montant à recouvrer et deux réseaux comptables qui se courent après, on perd de l'argent. C'est le cas par exemple quand, pour une même entreprise, l'un intervient pour recouvrer un retard d'impôt sur les sociétés - c'est le réseau de la comptabilité publique - et l'autre, pour un défaut de paiement de la TVA - c'est le réseau des impôts -, et c'est notre système actuel.

Le résultat est que le taux de recouvrement sur les contrôles fiscaux est de 30 à 50%, pas plus. Plutôt 30%, en fait. Chaque réseau fait monter sa mayonnaise ! D'un côté, vous avez des gens qui affichent des statistiques extraordinaires de contrôle fiscal, mais sans aucun recouvrement derrière. C'est la situation d'un département. En raison du secret professionnel, je ne peux pas préciser lequel, mais notre dernière enquête a montré que la cellule d'un poste territorial de la DGI qui affichait les plus forts résultats de contrôle fiscal avait abouti à des recouvrements zéro. Zéro, rien ; pas un sou en trois ans !

D'un autre côté, nous avons des règles antédiluviennes qui font que lorsque le réseau de la DGI et le réseau de la DGCP poursuivent le même contribuable, une entreprise par exemple, l'un pour l'impôt sur les sociétés, dont il est chargé, et l'autre pour la TVA, et qu'ils arrivent par hasard à faire leur commandement de payer ou leur avis à tiers détenteur en même temps, ils se font le partage entre les deux réseaux au pourcentage, « au marc le franc ». Cela crée des emplois puisque cela permet de travailler à ces pourcentages. Tout cela ne tient absolument pas la route.

Voilà ce que je voulais dire sur la fonction comptable.

Que proposons-nous ? Quelque chose de très simple, d'autant plus simple que c'est le cas dans tous les pays du monde, à part le nôtre : à savoir une administration des impôts où le calcul de l'impôt, son encaissement et le cas échéant son recouvrement forcé s'intègrent dans un dispositif fluide et continu. C'est-à-dire qu'un dossier doit être géré, non pas par deux ou trois réseaux, par deux informatiques à partir de deux bases de données différentes, avec deux langages différents qui ne communiquent pas, mais tout simplement en continu.

Cela remet-il en question la responsabilité du comptable public ? Pas du tout. A l'intérieur de la DGI, il y a un réseau comptable avec un comptable responsable et un réseau d'assiette. Il y a peut-être trop de monde dans le réseau comptable et pas assez dans le réseau d'assiette. C'est mon avis personnel, mais cela se discute. En tout cas, le rapport ne bouleverse pas ces règles. Je vous remets un document écrit sur ce point dont vous aurez la primeur. C'est une deuxième colonne intitulée « IGF » faite par moi-même ce matin sur les documents de F.O.-trésor qui sont partis vers l'ensemble des maires ruraux et dont je fais la contestation en marge. Je vous les remets officiellement et sans aucun aval de personne, puisque c'est mon devoir (13).

Nous ne tolérons pas que l'on dise que nous remettons en cause les principes fondamentaux de l'ordre public financier. C'est absurde. Nous disons simplement qu'il y a effectivement une responsabilité de celui qui recouvre, de la même manière qu'il y a une responsabilité de celui qui contrôle, mais que l'isolement des deux fonctions en deux réseaux qui ne se parlent pas est une absurdité au plan de l'organisation. Nous maintenons purement et simplement ce diagnostic.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Je vous remercie encore pour vos réponses. Vous indiquez dans votre rapport que certaines simplifications fiscales entraînent parfois davantage de complexité pour les agents chargés de les mettre en _uvre.

Quelles leçons pouvez-vous en tirer pour d'éventuelles simplifications à venir ? Et selon vous, quelle mesure de simplification de la loi fiscale serait la plus bénéfique en France ?

Ma deuxième question porte sur le réseau fiscal : si le réseau des trésoreries a vocation à se recentrer sur certaines activités, des questions se posent quant à l'avenir et à la portée de ses missions. A côté du contrôle de la comptabilité publique, le Gouvernement a annoncé que la DGCP devait amplifier son rôle de conseil aux collectivités locales. Quelles pourraient être concrètement ces activités de conseil et quelles sont les grands domaines dans lesquels les collectivités locales seront ainsi assistées par les agents du trésor ?

Troisième question : afin d'assurer l'assistance au contribuable, le Gouvernement a décidé la mise en place, d'ici à 2003, de centres de renseignement téléphonique accessibles 24 heures sur 24. Compte tenu de ce que vous avez dit sur le fait que le système de renseignement par téléphone est déficient, comment peut-on envisager l'application concrète de cette réforme ?

Ma dernière question porte sur la redevance audiovisuelle, que vous proposez de réformer, sans que le Gouvernement ait retenu cette option. Les données relatives à la redevance diffèrent, en effet, dans les réponses au questionnaire budgétaire que nous adressons au ministère et dans votre rapport : Les premières relèvent un coût du service de 487 millions de francs en 1997, avec un taux d'évasion de 7,2%. Selon vous, ces chiffres sont respectivement de 900 millions de francs et de 10%.

Comment expliquez-vous ces différences ? Pouvez-vous nous décrire l'implantation territoriale et les compétences des quelque 1.400 agents du service de la redevance ? Pouvez-vous quantifier le volume d'activité du service de la redevance réservé à la gestion des 3,7 millions de cas d'exonérations et des fraudeurs par rapport à la gestion des comptes des bons payeurs ?

Nous constatons, et vous le dites dans votre rapport, que l'Espagne et le Portugal financent leur audiovisuel public par dotation budgétaire. Pouvez-vous décrire ce système, en faire le bilan en termes de volume et de stabilité des dotations et en termes de résultats qualitatifs ? En clair, cette redevance vous paraît-elle bien recouvrée et efficace ?

M. Paul Champsaur : La simplification comporte deux aspects : la façon dont elle est ressentie par les agents qui vont la mettre en _uvre et le fond, c'est-à-dire le débat sur les simplifications futures. Quand nous avons fait notre tour de France, nous avons recueilli un sentiment unanime de tous les agents, quel que soit leur niveau ; il existe un très mauvais souvenir de la façon dont les simplifications ont été gérées par le passé.

D'une façon générale, les agents ont le sentiment qu'ils ne sont pas préparés à mettre en _uvre ces simplifications. Ils apprennent l'annonce des simplifications dans la presse ; ils sont submergés d'appels téléphoniques, alors qu'ils ne sont pas en mesure de répondre aux questions qui leur sont posées. Chaque simplification de ces dernières années correspond donc à un très mauvais souvenir, pour les agents qui ont à les mettre en _uvre.

Je reconnais que ce problème n'est pas simple. Vous savez comme moi que, dans la préparation d'un projet de loi de finances, on termine souvent par les aspects fiscaux. Pour des raisons évidentes, ces mesures sont préparées avec une grande confidentialité. Il est normal que le monde politique, tant le Gouvernement que le Parlement, se réserve la primeur de l'annonce de ce genre de mesure. En conséquence, l'administration chargée de la mise en _uvre, n'y est pas préparée ; on la met dans de très mauvaises conditions vis-à-vis des usagers et des contribuables, et ce, y compris au niveau des instruments, car les outils informatiques ne sont souvent pas prêts. Je n'ai pas de recette toute prête pour remédier à cette situation, mais il est clair que, pour le bon fonctionnement de l'administration et surtout pour la qualité du service qu'elle doit rendre au contribuable, il serait souhaitable que les agents à tous les niveaux soient mieux préparés et consultés au moment de l'instruction des dossiers de simplification.

Je reconnais que, dans le cas spécifique de l'impôt, ce n'est pas facile à faire compte tenu des impératifs que j'ai évoqués.

Dans d'autres domaines que l'impôt, l'administration a appris à se préparer au changement ; quand on envisage une simplification de procédure, par exemple, on est capable d'associer les agents à la préparation de la mesure. Cela permet souvent d'ailleurs d'améliorer les dispositifs. On est ainsi capable de former les agents et de leur donner des instruments : au moment où les mesures sont annoncées, ils sont capables de les mettre en _uvre dans les meilleures conditions possibles.

Je n'en dis pas plus, mais il y a un très grand mécontentement de l'ensemble des agents et notamment des catégories B et C à l'égard de ce qu'ils appellent « Bercy ». Cela comprend l'administration centrale de la direction à laquelle ils appartiennent, le reste de l'administration centrale de Bercy, le cabinet des ministres, et vous-mêmes. Pour cela, ils ont le sentiment que cet ensemble ne tient absolument pas compte, quand on parle de simplification, de leur travail et des conditions pratiques dans lesquelles ils sont en relation avec les contribuables.

Ce sentiment est remonté de façon parfois même violente. De leur point de vue, ils préfèrent qu'il n'y ait pas de simplifications plutôt que de subir les conditions dans lesquelles elles se sont réalisées.

M. Thierry Bert : Sur les pistes de simplifications, il y a un certain nombre de choses que l'on a étudiées. L'ensemble de ces points relève du domaine législatif. Pour aller du plus complexe au plus simple, la première des mesures de simplifications qui seraient possibles est la retenue à la source. Nous l'avons proposée ; cela n'a pas été, à ce stade, retenu par le Gouvernement qui a parfaitement le droit de se donner un délai de réflexion ou d'écarter telle ou telle hypothèse. Il n'empêche que nous l'avons proposée et que nous pouvons expliquer le sens de cette proposition.

Quelle est la situation actuelle ? On paie l'impôt sur l'année précédente, soit par tiers, soit par acompte mensualisé égal à un dixième de l'impôt de l'année précédente. Si vous payez 100.000 francs d'impôt annuel sur le revenu, et que vous partez à la retraite, bien que votre revenu baisse immédiatement, vous avez de toutes façons soit à payer 10.000 francs par mois si vous êtes mensualisé, soit un premier acompte au 15 février d'un montant de 30.000 francs. Voilà pour l'aspect concret. Simplement, vous n'avez plus les ressources nécessaires pour payer. Idem quand on passe d'une situation d'emploi à une situation de chômage et que les allocations n'ont pas été versées. D'où des démarches pour obtenir des délais de paiements, des négociations extrêmement longues avec les perceptions, des problèmes de poursuites, d'avis à tiers détenteur et de garanties.

La retenue à la source est beaucoup plus simple : quand vous avez à payer 100.000 francs d'impôts, cela veut dire que vous avez à payer X % de votre revenu mensuel. Dès lors, on vous prélève ce X % du revenu mensuel. On pourrait imaginer cela comme une mensualisation sous forme de pourcentage du revenu mensuel ; cela permet de payer plus, les mois où l'on reçoit des primes, dans le privé ou dans le public, et moins les mois où il n'y en a pas.

La retenue à la source permet de traiter deux problèmes :

- d'une part, l'indexation de l'impôt sur le revenu de l'année précédente qui crée des problèmes aux pauvres gens ou à ceux qui partent à la retraite en cas de baisse de revenus ;

- d'autre part, le problème de la périodicité de versements fixes, alors que la retenue à la source permet de caler le prélèvement sous forme d'un pourcentage du revenu effectivement encaissé un mois donné.

C'est la raison pour laquelle, dans un souci de simplification générale, les autres pays l'ont adoptée sans aucun problème. C'est le système qui prévaut d'ailleurs pour les URSSAF. L'ensemble des pays de l'Union européenne fonctionnent sur ce schéma.

Le ministre a dit que son opinion politique est que l'Etat doit continuer à assurer le recouvrement de l'impôt, et que cela n'est pas le rôle des entreprises. Les entreprises ne seraient pas les auteurs ou les garants d'une sorte de versement automatique, comme pour les cotisations sociales.

Peut-être y a-t-il une autre solution consistant en l'obligation de mensualisation sous forme d'un prélèvement d'un pourcentage du salaire effectué par les banques. En tout cas, il y a certainement une manière de résoudre le problème des gens qui partent à la retraite.

Notre préoccupation est celle d'une simplification pour l'usager, car ce problème nous a été exposé souvent. Il est à la source de beaucoup de déplacements ou de courriers auprès des agents qui doivent utiliser des « bouts de ficelles » : accorder des délais, établir des échéanciers, reporter des paiements, abolir des majorations de 10% appliquées sur un public largement composé de gens parfaitement honnêtes et qui veulent payer leur impôt, mais qui ne le peuvent pas en raison du système actuel.

D'autres simplifications sont envisageables. Pour le timbre fiscal, je citerai le maintien du timbre à 1 franc, ou le maintien du timbre supplémentaire de 11,50 francs à acquérir pour la visite médicale obligatoire pour le permis de conduire, je crois. Cela pourrait être simplifié. Les trésoreries et les recettes des impôts en ont franchement assez de faire des arrêtés de caisse où il faut compter des planches de timbres et de vignettes. Ce dispositif est archaïque.

Certains pensent que l'on veut supprimer le timbre et la vignette. Non ! Nous ne proposons pas de supprimer les montants en question, mais de se passer des supports papier ou autocollant qui sont encombrants. Quelquefois, ils mobilisent des coffres entiers; ils causent de vrais difficultés en cas d'arrêtés de caisse mensuel.

Sur la vignette, même chose : il serait si simple de la coupler à la déclaration d'assurance ! Cela nous permettrait d'avoir des fichiers d'adresses parfaitement à jour puisque ces fichiers seraient couplés à ceux des cartes grises.

Ces suggestions relèvent toujours du domaine législatif, mais nous avons cru pouvoir les proposer compte tenu de ce qu'elles ont été citées en permanence sur le terrain.

Sur le réseau des trésoreries, on confond deux choses : la question de la perception des impôts et la question de l'existence de la trésorerie qui gère les comptes et aide les collectivités locales.

Actuellement, les charges font l'objet d'un chronométrage et donc d'une évaluation chronométrée tous les cinq ans par la comptabilité publique. Nous contestons ce barème complètement inflationniste ; il bloque ainsi la possibilité de tout gain de productivité sur une période de cinq ans.

Pour prendre la situation de 1995, on constate que dans les trésoreries rurales (dans 2000 des 3 200 postes), la part de recouvrement et de traitement de l'impôt en général est égale ou inférieure à 20% de la charge de travail. J'estime personnellement, en tant qu'inspecteur des finances et vérificateur, ce chiffre largement surévalué.

Pourquoi ? Cette estimation repose sur des mensonges. On nous dit que le trésorier prend en charge tant de cotes, or, j'ai expliqué tout à l'heure que cette prise en charge est fictive puisqu'il ne verra jamais 95% de ces impôts ; ils passeront par quelqu'un d'autre. Les lettres de rappel, il ne les verra pas davantage, ni les commandements. Les poursuites, il les verra, mais il y en a très peu. Restent les encaissements en liquides et les délais. Pour les délais, on a vu ci-dessus. Pour les paiements en espèces, on m'a dit que c'était très important et on m'a fait un couplet, une ritournelle qui a toujours obtenu un grand succès comique dans les conventions régionales, sur la « pauvre vieille dame » qui vient payer en liquide ! Elle n'existe plus !

Qui vient payer en liquide ? Soit des gens qui ont des sous à dissimuler, soit des gens pauvres qui ont des problèmes pour payer leur taxe d'habitation et qui viennent donner cent francs à la fois. Cette seconde réalité, très rare dans les campagnes, est importante dans les banlieues et cette possibilité de paiement doit donc être maintenue. Nous proposons de la maintenir. C'est cela le gros problème et nous le traitons. Il y a aussi les frontaliers qui n'ont pas de compte en France. Mais les frontaliers qui ont une résidence secondaire en France ne peuvent pas dire qu'ils n'ont pas de voiture. Voilà les problèmes des gens qui viennent payer en liquide.

Quelle est la vérité ? Les postes ruraux exercent la plus grande part de leur activité comme comptables des collectivités locales. Le reste, ils ne le voient presque pas et, pratiquement, ne le font presque pas. Nous sommes sur ce point, clairs et nets.

Le dimensionnement du réseau des trésoreries est donc quelque chose dont nous ne parlons pas, parce que l'essentiel du problème n'est pas là.

Le vrai problème est de savoir où seront les trésoreries qui aideront à gérer les collectivités locales. Les placera-t-on au chef-lieu de canton ? Pourquoi sont-elles aujourd'hui dans les chefs-lieux de canton, alors qu'elles étaient auparavant dans les municipalités ? On les a placées dans celles-ci en 1804 ; et puis, en 1831, dans un esprit d'économies, pour ne pas créer trop de fonctionnaires, on a dit aux maires ruraux de l'époque que cela suffisait et que dorénavant, les trésoreries seraient installées au chef-lieu de canton et que chacun pouvait bien faire 10 kilomètres en calèche. Depuis, rien n'a bougé.

Qu'a fait le Baron Louis ? Il s'est dit que si l'on avait mis les postes comptables au chef-lieu de canton, on pouvait y mettre aussi les perceptions puisque tout se payait en liquide. Je vous ai apporté là, monsieur le Rapporteur général - je fais collection d'ouvrages d'histoire financière - le Compte de l'administration des finances de l'an XII (1805). En introduction, vous pouvez y lire : « Toutes les créances de ces diverses années et toutes les recettes sans aucune exception vous seront présentées, Sire, en numéraire, la seule valeur qui puisse avec justice pour les créanciers de l'Etat et convenance pour l'intérêt de l'Etat et du Gouvernement lui-même, être admise dans le paiement, le règlement et l'encaissement des dépenses publiques. »

Tout se faisait en liquide. Depuis, on a inventé le chèque, la roue, le goudron, les routes. On en est au téléphone et il y a des progrès à faire. D'autres sont à l'internet mais il ne faut pas en parler, c'est très dangereux, d'ailleurs il y a des bugs, on l'a entendu ce matin aux informations. Mais, le réseau date de 1831. Nous en sommes restés là depuis ! Une petite réforme tous les deux siècles peut se défendre.

Quel est le problème qui se cache derrière ? En fait, il y a là un problème d'emplois de débouchés des chefs de postes du trésor public.

Prenons une carte concrète. Habitant le Gers, je vous donne l'exemple de la carte du Gers. Ma maison de campagne est à 10 kilomètres de Lectoure où un panneau affiche que le supermarché Champion, de Fleurance, n'est qu'à 10 minutes. La route étant complètement en ligne droite, personne ne respecte les limitations de vitesse ; ce lieu est plutôt à 6 minutes, qu'à 10 comme indiqué par le publicitaire.

Or, il y a une trésorerie à Lectoure et une autre à Fleurance. J'achète aussi mes pâtisseries, absolument fabuleuses, à Saint Clar, à 7 kilomètres, où l'on trouve aussi une perception. Toutes ces vieilles dames qui viennent payer en liquide vont faire leur marché au Champion à Fleurance, distant de 7 kilomètres. Si elles en étaient incapables, elles seraient en résidence hospitalière et régleraient leurs impôts par chèque ou par l'intermédiaire de leur banque.

Tout ceci est fait simplement pour justifier un certain nombre de postes, et notamment de chefs de postes. On me rétorque que, disant cela, je suis méprisant. Non, je suis pour la transparence. Si l'on veut la transparence des salaires, appliquons-la. Je gagne 721.000 francs. Sachez que le percepteur de Saint-Aubin-d'Aubigné gagne 248.000 francs ; que le percepteur de Liffré, encadrant cinq agents, reçoit 296.000 francs ; que le percepteur de Châteaugiron qui a six agents sous ses ordres, reçoit 363.000 francs et que le chef du centre des impôts de Fougères, qui lui, a trente-deux agents sous ses ordres et toute la complexité sur le dos gagne 278.000 francs. Je donnerai ces chiffres à votre commission sur trois départements (14).

Pourquoi cette situation ? Soyons clairs et nets. Parce que le chef de poste, comme le trésorier payeur général, vous le savez depuis le rapport de la Cour des comptes, combine quatre éléments de rémunération :

- le premier élément provient de son salaire indiciaire ;

- le deuxième élément provient de la rémunération qu'il touche sur les fonds déposés par les notaires et de la rémunération qu'il touche sur les fonds particuliers qu'il gère, c'est-à-dire les comptes bancaires, même si cette dernière ressource est marginale en raison du faible nombre de comptes ;

- le troisième élément est la partie défiscalisée, c'est-à-dire les frais de gestion, de représentation qui lui sont versés par la Caisse des Dépôts et qui n'étaient pas fiscalisés jusqu'à présent, mais qui le seront désormais puisque le ministre l'a décidé ;

- à ceci s'ajoutent, quand il y a des collectivités locales, des indemnités qui sont versées par les collectivités locales au titre de ce que l'on appelle les « indemnités de conseil ».

Et puis il y a le logement de fonction.

Tout cela fait qu'un chef de poste ayant la responsabilité de deux ou trois agents peut toucher deux fois plus que quelqu'un qui, en centre ville, assume la responsabilité de soixante agents dans un centre des impôts ou de vingt-cinq agents dans une trésorerie spécialisée au sein du trésor public, en centre-ville ; ces deux grosses structures, spécialisées dans les impôts, ne donnent lieu à aucune indemnité de conseil et à peu de ressources sur l'épargne.

Soyons clairs et nets : je n'en veux pas au réseau comptable, je n'en veux pas au trésor public, pas plus d'ailleurs qu'au réseau de recouvrement de la DGI qui, lui aussi, a des modalités de rémunération quelque peu bizarres. Je dis simplement que, quand le percepteur d'un endroit est d'autant mieux payé qu'il y a moins de contribuables, mais plus de résidences secondaires, plus de constructions, plus de collectivités locales riches, je trouve cela anormal. Je dis que quand un nombre, faible, Dieu merci, grâce à la déontologie de la fonction publique, des fonctionnaires, peuvent faire leur carrière, et toute leur carrière, en visant des postes où l'on trouve des collectivités locales riches, des casinos, des résidences secondaires, de nombreux notaires, pour avoir le plus d'argent possible, je trouve cela anormal. Il faut remettre à l'endroit ce système qui marche sur la tête !

Cela dit, si l'on veut aller plus loin, le problème n'est pas de « cogner » comme je viens de le faire. Pourquoi ne faut-il pas « cogner » ? Parce que l'immense majorité des cadres du trésor public, les syndicats et l'association professionnelle des cadres du trésor public me l'ont dit officiellement, souffre de cette situation et du fait qu'un certain nombre de règles sont maintenant inadaptées. Ils sont d'accord pour remettre de l'ordre rapidement par une meilleure cohérence entre les responsabilités effectives, les rémunérations et les affectations.

Pour en revenir à mon triangle du Gers, quel est le problème ? Les perceptions sont à 7 ou 10 kilomètres l'une de l'autre.

Ma position, que je n'ai pas explicitée dans le rapport puisque là n'était pas son objet, est de mettre de côté cette question du recouvrement de l'impôt, qui est extrêmement marginale, et de voir calmement avec les élus locaux ce dont ils ont besoin dans les domaines du conseil financier, de la prospective, de la prévision des recettes, de l'analyse financière, de l'analyse de l'endettement, de la rapidité de traitement de leurs mandats et de leurs recettes. Passons alors avec eux un contrat de service et traitons parallèlement la question suivante : à partir de quelle taille une structure est-elle viable ou non ?

Le chiffre de six agents qui figure dans la lettre type envoyée à tous les maires de France par F.O.-trésor est faux. C'est un mensonge ; il n'est pas dans le rapport. Je l'ai effectivement évoqué verbalement, mais il ne figure pas au rapport, n'a pas été repris par le ministre et n'a fait l'objet d'aucune décision.

Mais dans tous les cas, réforme ou pas, vous voyez bien les problèmes posés par les postes qui ont un ou deux agents. Comment envisager une formation professionnelle ? Cela veut dire que si un agent s'absente pour une formation ou un congé maladie, le service se voit privé de 20%, 30%, voire 50% de sa force de travail du jour au lendemain. Que fait-on dans le cas d'une formation et d'un congé maladie simultanés ? On ferme le poste ? Il faut donc savoir à un moment que les toutes petites structures sont plus difficiles à gérer que les grosses. Cela paraît être de l'ordre du bon sens.

M. Paul Champsaur : Sur le téléphone, monsieur le Rapporteur général, vous avez évoqué les centres d'appel téléphonique. Ce n'est qu'un aspect du problème beaucoup plus large de l'accueil téléphonique. Ce qui est en jeu, c'est l'organisation d'un accueil téléphonique de qualité pour les usagers. L'expérience étrangère ou celles d'autres services publics montrent que c'est possible. Il existe des organisations et des instruments qui permettent de le faire.

Actuellement, les agents qui travaillent au sein du trésor public ou aux impôts ne sont pas en situation de fournir un accueil téléphonique satisfaisant. Ils n'ont ni les instruments informatiques, ni les instruments téléphoniques, ni l'organisation qui leur permettent de résoudre quoi que ce soit par téléphone.

D'autres administrations de l'Etat le font déjà beaucoup mieux. J'ai été très surpris de découvrir, notamment au trésor public, que les agents travaillent dans des conditions anormales en matière de téléphonie. Il faut savoir que l'accueil téléphonique ne peut pas se séparer d'une organisation et d'investissements informatiques. Mais finalement, l'objectif à atteindre est simple.

Je voudrais relater ici une anecdote personnelle. J'ai des difficultés à me déplacer aux horaires d'ouverture de l'administration. J'ai reçu un avis de taxe d'habitation bizarre d'un montant de 500 francs, beaucoup plus faible que la taxe principale, à payer par TIP. J'ai cru envoyer mon TIP. Plus tard, je reçois un avis m'informant que, n'ayant pas payé dans les délais, il m'était demandé le paiement de 500 francs plus 10%. Mon épouse s'est rendue directement à la perception, car je sais par expérience qu'il est vain d'obtenir quelque information que ce soit au téléphone ni même par courrier en région parisienne. On lui a demandé si elle avait payé ou non ! Le fonctionnaire ne pouvait pas le savoir et lui a donc suggéré de vérifier auprès de sa banque qui, elle, a pu donner les renseignements immédiatement, en ligne, et a pu signaler qu'aucun paiement de cet ordre n'avait été effectué.

Ma femme est donc repassée à la perception pour déposer le chèque du montant majoré. Six mois plus tard, j'ai reçu d'un quelconque service du trésor une lettre très courtoise me renvoyant le TIP, que j'avais donc envoyé, m'informant que le délai était dépassé et me suggérant de passer à la trésorerie de mon secteur aux fins de régularisation. Cela me paraissait bizarre. J'ai finalement pu constater que cette taxe additionnelle correspondait à une adresse différente de mon adresse principale. J'habite au n°98 et ce courrier était adressé au n° 96 bis. Il n'y a pas de 96 bis dans ma rue ! Depuis la mission 2003, je sais que ce n'est pas la peine d'aller à mon centre des impôts car ils ne sauront pas. Ils me renverront à Nanterre au centre foncier. Je continue donc à payer mes 500 francs annuels par TIP en attendant de trouver le temps de régler ce problème. Tout cela pour dire que ce système est insupportable.

Or, il est parfaitement possible d'imaginer un système dans lequel, recevant cela, j'aurais pu appeler un numéro où quelqu'un pouvait visualiser en ligne mon dossier, avec tous les paiements effectués, comme le font les banques, et aurait pu régler l'intégralité de mes problèmes, en tout cas pour ce qui concerne les paiements.

Cela demande donc un mélange d'organisation, d'investissements informatiques et d'accueil téléphonique aux heures de bureau, avec renvoi automatique sur un centre d'appel en dehors de ces horaires ouvrés.

Quand l'INSEE fait le recensement, il n'a pas la capacité normale de répondre aux appels. Il passe contrat avec une entreprise qui forme du personnel. On a un numéro auquel on peut appeler à tout moment. Aux heures de bureau, on peut tomber sur le service compétent, à la suite d'un aiguillage informatisé. En cas de saturation, la communication est renvoyée sur un centre d'appel. Pour les relations des services d'enquêteurs auprès des entreprises, l'INSEE a fait, en matière d'accueil téléphonique, ce que nous proposons de faire dans l'administration fiscale.

J'insiste sur le fait que ce n'est pas simplement une affaire de centre d'appel ; il faut au préalable prévoir une organisation informatique qui permettra à l'administration d'acquérir cette capacité.

Le Président Augustin Bonrepaux : Pourriez-vous nous répondre rapidement sur la redevance ?

M. Thierry Bert : Sur la redevance, j'ai fait faire une enquête par une équipe d'inspecteurs des finances. C'est donc un rapport de l'inspection générale des finances qui peut vous être transmis après autorisation préalable du ministre (15).

Le coût de 7% des produits constitue la somme du coût du service de la redevance avec celui des prestations recomposées que la direction de la comptabilité publique effectue pour le compte du service de la redevance. Cela explique la différence entre 3,6% qui représente le coût du service de la redevance lui-même, et le 7% qui est le coût du service plus le coût des prestations de temps/agent dans le cadre des poursuites et des recherches d'adresses, par le réseau de la direction générale de la comptabilité publique.

Pourquoi dit-on que cela ne va pas ? Parce qu'il y a de nombreux doubles emplois. 400 personnes d'un côté et 1.200 personnes d'un autre côté font de l'adressage sans se coordonner. Tout cela n'est pas mis en ligne avec le fichier de la Poste. Le système fonctionne mal. Le rapport le décrit dans le détail.

Je ne connais pas le système espagnol, je n'ai pas eu le temps d'examiner cette question.

Quant aux propositions, le mieux serait de mettre en commun le système d'adressage et de repérage, ce que l'annuaire téléphonique fait de façon normale sans se heurter à des rébellions de la CNIL. Il faudrait avoir un identifiant, même s'il n'est pas signifiant, comme l'identifiant SPI pour les impôts, et avoir les adresses des contribuables de façon à pouvoir traiter les problèmes de redevance en même temps que les autres.

Par ailleurs, les règles d'exonération de la redevance ne sont pas les mêmes que pour la taxe d'habitation. Tout se passe comme si l'on avait compliqué à l'excès le régime de la redevance. Pourquoi ne pas faire de dotation budgétaire ? Pour le coup, ce n'est vraiment pas le sujet du rapport, mais j'attire votre attention sur le fait, que je connais bien pour avoir été pendant dix ans dans le contexte communautaire, qu'il faut faire très attention à bien identifier les coûts du service public audiovisuel, dans cette hypothèse.

C'est d'ailleurs un exercice assez enthousiasmant car cela nous force à identifier le véritable coût du service public imposé aux chaînes publiques et à lui donner une contrepartie réellement évaluée. Cela implique une comptabilité analytique que nous n'avons pas pour l'instant.

C'est là, réellement, un projet stimulant. Autant il peut paraître désespérant pour des agents de perdre leur temps à faire du recouvrement sur la « vieille payant en liquide », on ne peut pas demander cela à des agents de 30 ans, qui ont Bac + 3, qui s'engagent dans la fonction publique pour de très nombreuses années, autant le fait de bâtir une comptabilité analytique de l'Etat, une comptabilité patrimoniale de l'Etat, une comptabilité analytique des grandes entreprises publiques ou des grands services publics, constitue un chantier enthousiasmant, pour la direction de la comptabilité publique. De plus, cela servira l'Etat et la transparence.

M. Jérôme Cahuzac : Monsieur le Président, un mot pour confirmer le ressentiment des agents en matière de simplification : je prendrai l'exemple du droit de bail. Les différents allers-retours ont montré que ce qui était apparemment une simplification s'est avéré dans l'immédiat une forte complication. Mais une fois la vitesse de croisière atteinte, la simplification sera effective.

J'ai bien retenu qu'il s'agit de faire quelque chose de global et non pas une réforme ici ou là ; il s'agit d'envisager le mouvement dans son ensemble et dans la continuité. Pour autant, quel serait votre avis sur une réforme conçue pour rendre plus rentable la collecte de la TVA ? On fusionnerait par exemple les deux unités de la DGI qui s'en occupent, on ne laisserait qu'un centre unique de collecte des chèques ou des TIP dans le centre existant au niveau national et on supprimerait les centres de collecte qui existent encore en province. Cela vous paraît-il envisageable, à titre de bon exemple de la réforme à mettre en _uvre ?

M. Thierry Bert : Non, je suis complètement contre. Ce serait une nouvelle modalité de l'organisation actuelle. Le vrai changement est inscrit dans les décisions du ministre, c'est la mise en ligne des fonctions d'assiette et de recouvrement et la réorganisation de quelque chose d'incohérent en quelque chose de cohérent.

La recherche obstinée de gains de productivité physique par concentration vient dans un second temps. C'est même, à mes yeux, anecdotique ; certes, cela peut se faire en profitant des départs à la retraite. Mais la grande crainte des agents est là : que l'on ne change pas un système qui reste compliqué, opaque et cloisonné et que l'on pratique ce genre de gain de productivité en transformant les systèmes actuels en systèmes qui fonctionnent sous forme de « bagne » de plus en plus dur sur le plan de la productivité physique.

Ce n'est pas du tout l'optique que l'on a prise ; on a pris une optique beaucoup plus conviviale en disant qu'il y a des cloisonnements et des allers-retours dans tous les sens. C'est là qu'il convient de porter notre attention.

Quant au reste, c'est-à-dire les gains de productivité physique par concentration d'unités actuellement distinctes, pour tenir compte du fait qu'à une époque, les machines pouvaient traiter tant d'informations et qu'aujourd'hui, elles peuvent faire plus, il ne faut pas en faire un drame. Quand, au sujet de la redevance, on nous parle du centre de Rennes, on peut envisager que la machine de traitement de chèques du service de la redevance puisse traiter également des chèques de la comptabilité publique ou même des collectivités locales qui étaient encore par-ci par-là dans des boîtes à chaussures. Après on pourrait mettre beaucoup plus en convivialité les agents de la comptabilité publique et ceux de la redevance qui traitent les mêmes contribuables avec les mêmes adresses, et là, on pourrait faire des gains, mais dans un second temps.

Dans un premier temps, il faut se préoccuper de l'efficacité de l'organisation globale ; sinon, on n'en sortira jamais.

M. Daniel Feurtet : Je vous remercie d'exposer les choses avec conviction. Cela dit, attention aussi aux trop grandes certitudes dans ce domaine comme dans d'autres.

Dans la mesure où nous sommes dans une mission d'évaluation et de contrôle de la dépense publique, il s'agit d'évaluer et de contrôler tous les coûts d'une réforme nécessaire. Si l'on se place du point de vue de la dépense publique comme facteur de développement, quel type de développement souhaitons-nous sur notre territoire ?

Ma question est simple : ce que vous proposez rendra-t-il le travail plus humain parce que plus intéressant et le service rendu plus humain parce que plus efficace ?

M. Paul Champsaur : La réponse est oui.

M. Daniel Feurtet : En êtes-vous aussi sûr ? J'aimerais en être convaincu.

M. Paul Champsaur : J'en suis totalement persuadé, car le fond de cette réforme est que les agents de base auront à traiter des dossiers beaucoup plus complets et auront une responsabilité beaucoup plus grande dans leurs relations avec les usagers. Fondamentalement, ils auront donc un travail plus intéressant. Pouvant traiter l'intégralité ou une grande partie des problèmes de l'usager, je pense que les relations qu'ils seront en mesure d'établir ainsi avec les usagers seront de bien meilleure qualité.

M. Thierry Bert : En tant que contrôleur, je veux apporter un témoignage. Je connais bien ces agents, et contrairement à l'impression qui peut se dégager de certains de mes propos, je les aime vraiment beaucoup. C'est pourquoi je suis resté dans le service public, contrairement à un certain nombre de mes collègues qui sont partis vers le privé. C'est le cas de la plupart d'entre eux, d'ailleurs.

Que vivent actuellement les agents ? Tout d'abord, un cloisonnement des renseignements. Ils sont obligés d'aller se procurer des renseignements que d'autres agents du même ministère possèdent, sur les mêmes dossiers ; c'est insupportable !

Ensuite, ils vivent des situations où les contribuables viennent leur poser des questions auxquelles ils ne peuvent pas répondre, soit que ces contribuables se trompent de guichet, soit que le dossier soit traité ailleurs dans le même service. Ils sont donc obligés de jouer avec le contribuable comme avec une balle de ping-pong.

Troisièmement, ils souffrent de la difficulté inhérente au système des rémunérations que j'évoquais tout à l'heure. Comprenez bien qu'il n'y a pas de récompense, mais une pénalité à travailler dans une trésorerie spécialisée, comme à Aulnay-sous-Bois, de vingt-et-un agents en banlieue parisienne, alors que d'autres sont récompensés avec quatre agents sous leur responsabilité ! Cela marche sur la tête, car ceux qui ont vingt-et-un agents sont moins bien payés et ont tous les ennuis de la terre avec des gens qui ne parlent parfois pas français, qui doivent, cependant, payer leur taxe d'habitation, leur redevance et autres.

Ils souffrent également de leur informatique qui n'est pas bonne. Ce n'est pas la faute des informaticiens qui sont des héros, qui mériteraient d'être décorés pour réussir à faire marcher de tels systèmes ; c'est parce que la gestion pluriannuelle est strictement impossible ou qu'elle n'a pas été faite, et que non seulement, l'informatique a été coupée en deux entre la DGI et la DGCP, mais qu'en outre, chaque informatique s'est petit à petit enrichie de quantités de petites excroissances, de petits programmes, dont personne ne comprend la logique globale. Les postes de travail ne se parlent donc pas ; il n'y a aucune uniformisation et aucune norme.

Enfin, ils se plaignent de leurs développements de carrière.

Que demandent ces agents ? J'ai dîné avec eux très souvent lors des conventions régionales ; ils demandent qu'on leur parle vrai, qu'on les comprenne, qu'on leur donne des outils qui fonctionnent, qu'on leur donne un fichier fournisseurs pour signaler au maire le franchissement du seuil de risque lorsque telle entreprise obtient trop de marchés publics. Mais ils n'ont pas les fichiers parce qu'ils n'ont pas d'informatique et qu'ils n'utilisent pas le numéro SIREN/SIRET que les mairies refusent de leur communiquer.

Il faut le savoir. J'ai vu des gens qui traitaient ce genre de problème sur des cahiers à spirales, en l'an 2000 ! Il faut aller le voir, sur le terrain !

M. Daniel Feurtet : Je sais ce que c'est parce que je suis maire et que mon épouse est contrôleuse des impôts. Je connais donc la maison de l'intérieur et de l'extérieur.

M. Thierry Bert : Ai-je dit faux ?

M. Daniel Feurtet :  Non. Dans ma question, il s'agissait pour moi d'être plus convaincu de l'intérêt du rapport que vous avez fourni.

M. Thierry Bert : J'aime beaucoup ces gens-là ; je sais qu'ils travaillent dans de mauvaises conditions et que ce n'est pas leur faute. Je sais aussi qu'ils travaillent quelquefois dans des endroits où ils ne veulent pas aller. Je sais enfin qu'il y a un certain nombre d'« ayatollah » de la ruralité, dont un sénateur bouillonnant qui m'a téléphoné personnellement. Il m'a expliqué que pour donner du travail à sa trésorerie, il n'avait rien trouvé de mieux que de faire en sorte que le système informatique de la mairie soit incompatible avec celui de la trésorerie. Celle-ci, étant obligée de tout faire sur papier, était assurée d'avoir du travail. Je dis non.

M. Francis Delattre : On n'a pas le droit de faire cela. On est obligé d'avoir des systèmes informatiques adaptables.

Le Président Augustin Bonrepaux : Vous n'avez pas la parole, monsieur Delattre. Si vous avez des questions à poser, demandez la parole.

M. Francis Delattre : On ne répond pas à mes questions !

M. Jégou : C'était passionnant et je remercie nos interlocuteurs. Nous avons appris des choses et obtenu des confirmations. Tout cela m'amène à poser une question très simple : et la formation, dans tout cela ?

On a fait une erreur de « casting » dans l'embauche d'agents de catégorie C. On voit bien qu'ils ne sont pas en état, dès le départ, de répondre à l'évolution des choses. Dans ma circonscription, en banlieue Est, je connais ce que vous avez décrit ; je n'applaudis pas parce que c'est triste, mais vous devriez le dire surtout aux élus qui n'en ont pas toujours connaissance.

Beaucoup de gens de bonne foi - il y a beaucoup plus de contribuables de bonne foi qu'on ne le pense - soulignent qu'ils ne veulent plus lâcher celui qui répond correctement et qu'ils sont déprimés s'il a été changé de service car il leur faudra alors recommencer leur quête de l'interlocuteur compétent.

La formation n'est pas tellement abordée dans le rapport, mais peut-être est-ce sous-jacent ? Il faut un système de formation permanente. Il faut aussi savoir recruter la bonne personne pour le bon poste. On a l'impression d'être dans un paysage surréaliste et de ne pas bien savoir où l'on va.

M. Thierry Bert : Il y a incontestablement un énorme chantier, en formation initiale, et en formation continue. Mais vous voyez bien que ce problème ne pouvait pas être traité si des décisions de principe n'étaient pas prises.

Sur la formation, les agents m'ont dit en convention, tout le monde est d'accord, qu'il fallait privilégier la formation technique sur site. C'est important. On ne forme pas à des logiciels qu'on n'a pas. C'est du bon sens, encore faut-il le dire. Ça coûte un petit peu plus cher, mais c'est mieux.

Troisième point : la formation nécessaire, notamment continue, viendra justement aussi du fait que les services d'assiette et les services de recouvrement seront en continuité physique. Ces services manipuleront le dossier fiscal unique du contribuable, ils s'entraideront.

Regardez dans le rapport : il est significatif que les gens les plus appréciés, qui répondent le mieux au téléphone, qui sont le mieux « notés » par les usagers, sont dans les secteurs d'assiette des impôts directs (SAID). Pourquoi ? Parce qu'ils savent répondre car ce sont eux qui manipulent les dossiers.

De nombreuses formations seront ainsi rendues efficaces. Plus on « saucissonnera » les choses, plus il sera difficile de former ; moins on les « saucissonnera » plus la formation sera intégrée par les agents. A ce moment-là, on y arrivera.

M. Francis Delattre : Pour ne pas être frustré, je ne poserai pas de question mais je ferai une observation. Je partage le constat, l'avis, le diagnostic sur l'ensemble et l'idée d'un guichet unique qui implique, compte tenu des structures ancestrales, des modifications internes profondes pour votre ministère. Je le conçois fort bien.

Cela dit, je conteste totalement l'aspect relations avec les collectivités locales, car nous travaillons tout à fait on line avec nos perceptions. L'association des maires de mon département s'est engagée formellement à ce que nous ayons des systèmes informatiques adaptés. Tous les maires de mon département ont suivi et cela marche relativement bien.

Dès lors, qu'il y ait un exemple aussi caricatural dans le pays, peut-être ? Mais ce n'est pas du tout cela, la gestion des collectivités locales.

Le Président Augustin Bonrepaux : Je remercie MM. Bert et Champsaur de leurs réponses précises qui nous ont éclairés et apporté une explication sur la réforme engagée. Chers collègues, je vous remercie.

*

* *

3.- Audition de MM. Jean-Luc Runfola, responsable du centre des impôts de Châtillon-sur-Seine, Gérard Cournault,
receveur principal de Semur-en-Auxois,

et Yves Courtot, trésorier de Pouilly-en-Auxois

(Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 2 mars 2000)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

A l'invitation du Président, MM. Jean-Luc Runfola, Gérard Cournault et Yves Courtot sont introduits. Le Président leur rappelle les règles définies par la mission pour la conduite des auditions : pas d'exposé introductif, échange rapide des questions et des réponses.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Nous avons souhaité pouvoir entendre, non seulement les hauts fonctionnaires qui sont à l'origine des rapports sur le recouvrement de l'impôt, mais également des hommes de terrain pour nous dire comment ils vivent la situation d'aujourd'hui et également nous donner leur vision de la réforme en cours et de ses modalités d'application sur le terrain.

La formule de la Mission d'évaluation et de contrôle la conduit à entrer immédiatement dans le vif du sujet. Je demande à chacun de nos invités de bien vouloir nous présenter, brièvement, ses fonctions de façon précise, de nous expliquer les différentes tâches qui sont assumées par leur centre, recette ou trésorerie, et quelle est la proportion de l'activité totale qu'occupe chacune de ces tâches.

Quelle est leur journée type, quel est le nombre d'entreprises, de contribuables, de communes dont ils ont la charge ?

Dans cette rapide présentation peuvent-ils également nous préciser leurs moyens en personnel, en matériel, la répartition du personnel entre les catégories A, B et C ? Comment analysent-ils les moyens humains et matériels dont ils disposent face à leur charge de travail ?

M. Gérard Cournault : Je suis receveur principal des impôts à Semur-en-Auxois, petite ville de 5.000 habitants, située au nord de la Côte d'Or.

Je m'occupe du recouvrement d'impôts d'Etat, en particulier de la TVA, de droits d'enregistrement, de tout ce qui vient devant le receveur pour recevoir date certaine, sur les actes des sociétés, sur les donations et les successions. Ma tâche concerne également le recouvrement de certains impôts comme la vignette au profit des collectivités.

Pour ce faire, je dispose de quatre personnes : un contrôleur cadre B, ainsi que trois agents d'assiette qui sont des cadres C. Je n'ai pas de cadre A, hormis moi-même. 4.000 entreprises se trouvent sur mon secteur. La situation est particulière parce que nous sommes en zone rurale. Nous travaillons principalement avec des agriculteurs, des petites et moyennes entreprises situées dans plusieurs villes de moyenne importance, puisque nous avons cinq cantons avec cinq trésoreries et des bassins d'emplois différents.

A Semur, le principal employeur est l'hôpital, il s'y trouve également des entreprises du secondaire et du tertiaire. Dans les autres communes, comme Pouilly-en-Auxois où se trouve mon collègue trésorier, également auditionné, les entreprises sont relativement plus importantes, notamment dans la métallurgie et la fabrication de piscines. L'activité est très diversifiée.

Nous recevons des personnes de la campagne, des agriculteurs essentiellement, qui trouvent auprès de nous la disponibilité nécessaire pour les aider, de janvier à mai, à remplir leurs demandes de remboursements de crédits de TVA. C'est important pour la gestion de leur trésorerie, puisqu'ils attendent le reversement du différentiel de TVA.

Je suis installé dans un hôtel des impôts où j'ai un collègue, responsable de centre, qui gère un centre des impôts. Un autre, conservateur des hypothèques, est spécialiste de la publicité foncière et enfin un troisième, du grade d'inspecteur, gère le service du cadastre intitulé maintenant le « centre des impôts fonciers ».

Depuis quelques années, nous avons vu monter en puissance les moyens informatiques. Je dispose du système MEDOC. Il nous sert à suivre la comptabilité en matière de TVA. Nous venons d'être dotés d'un nouveau système MALTE qui n'est pas encore en _uvre. Il va nous permettre le traitement de texte des actes d'enregistrement.

Nous avons à notre disposition des ordinateurs pour faire du traitement de texte et assurer un suivi un peu plus approprié des dossiers.

M. Jean-Luc Runfola : Je suis responsable du centre des impôts de Châtillon-sur-Seine, commune à peu près identique en taille à celle de Semur-en-Auxois.

Ce centre des impôts gère une population de 23.000 habitants environ, très dispersée géographiquement. Le bourg-centre, Châtillon-sur-Seine, comprend une agglomération de 7.000 à 8.000 habitants ; s'y ajoutent cinq autres cantons très ruraux, avec chacun un petit chef-lieu et des communes parfois très petites.

Nous gérons, selon les données de 1998, environ 12.700 dossiers d'impôt sur le revenu des particuliers, dont 6.014 imposables et 6.751 non-imposables, qui représentent une part importante des dossiers.

Une recette dite « de centre », plus petite que celle de Semur-en-Auxois, est associée au centre des impôts de Châtillon-sur-Seine. Elle est dirigée par un receveur, cadre B, accompagné d'un adjoint cadre B et de trois agents, mais il n'en restera que deux au 1er septembre 2000, un poste étant supprimé.

Au centre des impôts dont je m'occupe se trouvent :

- le responsable de centre, responsable de l'ensemble du personnel ;

- un contrôleur et cinq agents pour un secteur d'assiette, gérant la fiscalité personnelle ;

- un contrôleur et deux agents pour la partie commune, l'ORDOC, le secteur d'ordre et de documentation ;

- un inspecteur, cadre A, et un contrôleur et demi pour la fiscalité des entreprises.

- un contrôleur à 50% sur la fiscalité immobilière.

Cet hôtel des impôts compte dix-huit personnes en tout et pour tout, dont treize au centre et cinq à la recette.

On retrouve en grande partie les types de contribuables de Semur-en-Auxois avec des salariés ayant de petits revenus et 2.300 dossiers d'entreprises. Elles sont pour la plupart petites ou très petites : des petits artisans, commerçants individuels ou en société et un grand nombre d'agriculteurs, dont la plupart sont au régime du bénéfice réel et, par conséquent, dépendent de la fiscalité des entreprises. Contrairement à ce qui se passe à Semur-en-Auxois, ils sont moins nombreux au forfait. Leur effectif a tendance à diminuer.

Voilà ce qui caractérise notre centre des impôts.

Sa proximité est très fortement appréciée par la population. Compte tenu de la petite taille des entreprises gérées, les contribuables ont tendance à venir nous demander des renseignements et surtout des conseils en matière de gestion. Beaucoup n'ont pas de comptable, ni de conseiller fiscal. Nous sommes donc obligés de tenir en partie ce rôle.

M. Yves Courtot : Je suis trésorier de Pouilly-en-Auxois et de Bligny-sur-Ouche, deux cantons ruraux situés en Côte d'Or. L'ensemble de la population de ces deux cantons est d'environ 8.500 habitants. Nous gérons 57 communes.

Le travail de la trésorerie est divisé en trois parties :

- le recouvrement de l'impôt qui mobilise un tiers environ des moyens mis à notre disposition ;

- la gestion de l'épargne, qui doit disparaître au 31 décembre 2001, et utilise un quart de notre personnel ;

- la gestion des trésoreries des collectivités territoriales, qui utilise le reste du personnel et représente les trois quarts de mes fonctions personnelles.

Nous sommes le dernier maillon pour le paiement de l'impôt : après que le centre des impôts de Semur-en-Auxois eut émis l'imposition, et après l'envoi des documents au contribuable, celui-ci paye chez nous.

Depuis plusieurs années, le système mécanisé de mensualisation et de paiement rapide de l'impôt assure les trois quarts du recouvrement amiable. Il nous en reste un quart et bien sûr l'ensemble du recouvrement contentieux.

Là, notre intervention est importante parce que le recouvrement contentieux consiste en une négociation. Celle-ci, en zone rurale, se situe à l'échelon du canton ou de son chef-lieu.

Beaucoup de contribuables viennent nous voir dans ce cadre. Il s'agit généralement de situations particulières, délicates ou nouvelles. L'ensemble de la procédure se déroule à peu près bien, puisque le taux de recouvrement de l'impôt sur le revenu et des impôts locaux est de plus de 99% pour le département de la Côte-d'Or, et en milieu rural supérieur encore.

Cette fonction de recouvrement utilise, dans les deux trésoreries, six personnes, dont trois cadres C et trois cadres B. Un tiers du personnel environ est occupé au recouvrement de l'impôt et surtout à la réception et au contact avec les personnes qui souhaitent des conseils.

Le recouvrement normal de l'imposition a lieu de façon très rapide et mécanique. Le reste du recouvrement à l'amiable et le recouvrement contentieux occupent l'essentiel de nos activités, rôle de conseil et d'intervention.

Je n'évoquerai pas les deux autres fonctions du trésorier en milieu rural, c'est-à-dire la gestion de l'épargne et surtout le conseil aux élus locaux, aux maires, aux conseillers généraux de notre circonscription. Elles représentent plus des deux tiers de mes missions et de mon temps. Aujourd'hui, nous ne parlerons que du recouvrement.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Pourriez-vous, concernant le recouvrement de l'impôt, nous préciser (vous avez déjà commencé à y répondre) quels sont les moyens humains et le temps consacré respectivement à l'encaissement spontané des dettes fiscales et au recouvrement forcé ?

Le rapport Lépine fait apparaître un coût de recouvrement de l'impôt élevé en France. Il insiste aussi sur le fait que les charges liées au recouvrement spontané de l'impôt sont plus élevées que celles afférentes au recouvrement forcé, à la différence de ce qui est constaté dans tous les autres pays, ayant fait l'objet d'études comparatives.

Quelle analyse tirez-vous de ces observations ?

Quelles sont les relations entre la DGI et la DGCP ? Les enquêtes et études font apparaître un système extrêmement complexe et nous contribuons à cette complexité en tant que parlementaires, en votant des dispositions chaque année. Comment la vivez-vous ?

Comment pourriez-vous qualifier les relations entre les services de la DGCP et ceux de la DGI à l'échelon territorial ?

Faut-il regretter un cloisonnement excessif ?

Quelles sont les relations quotidiennes à votre niveau entre les agents des deux réseaux ?

Comment vivez-vous le plan d'action Comptabilité publique et Direction générale des impôts, puisque, depuis quelques années, il semble qu'il y ait eu une certaine volonté de regroupement sur le terrain ?

Dernière question : MM. Bert et Champsaur, que nous avons également auditionnés, ont beaucoup insisté sur le décalage très important entre les résultats du contrôle fiscal et ceux du recouvrement des droits rappelés.

Le rapport fait état d'une augmentation de 350%, pour les admissions en non-valeur de la DGI depuis 1989 et de 207% pour celles de la DGCP, ce qui relativise les statistiques sur les résultats du contrôle fiscal et l'amélioration des taux de recouvrement. Qu'en est-il dans votre département ?

M. Bert a insisté sur les difficultés des relations entre les contribuables et les services, en particulier une accessibilité extrêmement difficile par téléphone. Il a parlé d'un taux de non décrochés de 40%. Nous avons nous-mêmes vécu cette expérience en essayant de vous contacter et nous avons parfois rencontré un fort délai d'attente.

Pouvez-vous nous apporter quelques précisions et éventuellement nous suggérer des solutions susceptibles d'améliorer ce type de situation ?

M. Gérard Cournault : Vous souhaitez connaître la répartition de notre temps entre les différentes tâches, en particulier dans une recette principale des impôts qui dépend, je le rappelle, du réseau de la direction générale des impôts, et qui est chargée entre autres de recouvrer la TVA.

Le travail se répartit grosso modo en trois tiers de temps sur toute l'année. Il faut savoir que nous sommes au bout d'une chaîne : le contribuable dépose une déclaration qui est accompagnée ou non d'un paiement. Cette déclaration est traitée dans le service à des moments bien particuliers du mois ou du trimestre, selon les échéances légales. Elle est directement prise en compte, à la recette, par les agents qui sont obligés de la saisir par un traitement informatique. Le traitement porte aussi bien sur la déclaration que sur le moyen de paiement.

Si la déclaration n'est pas accompagnée d'un moyen de paiement, on arrive à un autre stade de la procédure, qui est amiable. On se renseigne auprès du contribuable pour savoir pourquoi il n'a pas payé. Eventuellement, il nous indique qu'il a peut-être oublié, qu'il va nous envoyer son chèque. Ensuite, on arrive à une activité essentielle de la recette, qui y consacre un tiers de son temps, ce que l'on appelle le travail sur les restes à recouvrer. Nous prenons des mesures légales pour inciter les redevables à bien vouloir verser leur contribution aux finances de l'Etat.

Ce travail est assuré par quelques personnes, avec moi-même. Nous sommes 5,2 personnes dans ma recette. Ca paraît bizarre de dire « ,2 ». Des agents sont mis à ma disposition à temps partiel. Vous disposez de 60% d'une personne, de 40% d'une autre, et avec ces moyens vous essayez de réaliser votre travail sur l'année. Cette deuxième mission, concernant le travail sur les restes à recouvrer, revêt des aspects juridiques plus importants. Elle est menée par le chef de poste, en l'occurrence moi-même, ainsi qu'un adjoint.

Les autres missions concernent la réception des redevables, la délivrance des vignettes, même en dehors de la campagne annuelle, tous les travaux d'enregistrement, toutes les tâches de renseignement. Egalement, dans le cadre d'un petit hôtel des impôts, où nous sommes 40 personnes réparties entre quatre services, nous devons assurer une partie des tâches communes à tour de rôle, puisque nous n'avons pas de gardien, ni de personne préposée à l'accueil.

Vous avez fait mention du coût élevé des services du recouvrement. C'est un domaine dans lequel j'ai quelques idées, mais je ne suis pas un spécialiste pour déterminer le prix d'un agent de recouvrement du réseau comptable de la DGI.

La France serait parmi les pays les plus mauvais d'Europe dans ce domaine, selon le rapport ; je crois qu'elle est battue par la République Fédérale d'Allemagne. L'explication réside dans la globalisation, par les auteurs du rapport, du coût du recouvrement, en tenant compte à la fois du réseau comptable de la DGI, dans lequel il doit y avoir 800 recettes des impôts et du coût de recouvrement par la DGCP et ses quelque 4.000 postes.

Ce n'est pas pour défendre le réseau de la DGI, mais il est cinq fois moins important que celui de la DGCP.

Je ne peux pas me prononcer sur le coût du recouvrement, mais j'observe que nous accomplissons nos missions au maximum de nos possibilités avec les moyens qui nous sont donnés et qui ne sont pas forcément optimum.

A la différence de grandes structures fiscales, dans les centres ruraux, nous avons très peu de personnel, mais avec les mêmes contraintes qu'ailleurs. Les agents sont amenés à prendre des congés, peuvent rencontrer des difficultés familiales. Il faut assurer nos missions, au jour le jour, avec un effectif très restreint, et des possibilités de « prêt de personnel » à l'intérieur d'une même structure, qui sont limitées.

Quelles sont ces relations entre la DGI et DGCP ? Certaines sont purement informelles, de bon voisinage, presque d'amitié, parce que nous nous connaissons tous. Dans le ressort d'un centre ou d'une recette principale des impôts en milieu rural, il y a cinq trésoreries. J'ai donc des relations privilégiées avec mes collègues des cinq trésoreries. Nous nous réunissons chaque année, et nous évoquons un problème particulier. Cela permet d'entretenir des relations humaines et une approche du travail plus conviviale et efficace.

Ces derniers temps, ces relations ont été formalisées, pour des créances importantes par leur montant et complexes par leur nature. Les dossiers de ces créances sont réglés au niveau départemental par des liaisons établies entre la DGCP, en la personne du trésorier payeur général et la DGI, avec le directeur des services fiscaux. Les créances complexes portent sur de la TVA à récupérer pour des sommes importantes, de l'impôt sur les sociétés ou de la taxe professionnelle. Par conséquent, des liaisons existent et fonctionnent bien déjà, elles tiennent à la nature des personnes et aux mécanismes mis en place.

M. Jean-Luc Runfola : Dans un centre des impôts, nous n'avons pas à faire de recouvrement, mais de la collecte de documents, de l'assiette et du contrôle de l'impôt. Je pense que vous avez fait allusion au recouvrement au sens large, en pensant à l'intégralité de la collecte de l'impôt. C'est en cela que la comparaison entre plusieurs pays est défavorable à la France.

Nous ne recouvrons pas l'impôt, en centre des impôts. En revanche, nous participons en amont au recouvrement par le biais de l'assiette.

L'assiette de l'impôt sur les revenus personnels est une de nos missions importantes : le circuit démarre en ce moment, lors du dépôt des déclarations, avec 15 jours de travail très intensif, et la réception du public, très importante en milieu rural. Beaucoup de gens viennent demander des renseignements, n'osent pas déposer leur déclaration sans nous consulter, craignent de se tromper. Des personnes âgées viennent nous voir, il faut les recevoir et les aider à remplir leurs déclarations ; parfois elles demandent des renseignements très simples.

Les déclarations doivent ensuite être saisies. Depuis quelques années, la saisie informatique des déclarations a lieu localement, directement au centre des impôts, par les agents, alors qu'autrefois, elle était assurée par de gros centres informatiques. Cela les occupe jusqu'en juin ou juillet.

Ensuite, nous passons à une phase de contrôle sur pièces des déclarations qui se poursuit tout au long de l'année, associée à la gestion des contentieux, au traitement de toutes les réclamations contentieuses et de plus en plus souvent gracieuses, parce que les personnes rencontrent de plus en plus de difficultés à payer leurs impôts, même pour des sommes modiques.

En ce qui concerne la fiscalité des professionnels, la tâche de gestion des dossiers est très importante et prend souvent le pas sur le contrôle, les agents déplorent d'ailleurs de ne pas avoir suffisamment de temps pour effectuer les contrôles des dossiers, parce qu'ils sont absorbés par les tâches de gestion.

Concernant les relations entre la DGI et la Comptabilité publique, je rejoins ce qu'a dit Gérard Cournault, dans les centres ruraux des liens privilégiés s'établissent entre les agents des impôts et ceux de la Comptabilité publique. Nous nous connaissons, nous résidons au même endroit. Nous tenons des réunions de travail en commun, d'autres conviviales. Par exemple, chaque année, nous organisons une sortie commune. Cela permet de tisser des liens, de nous connaître personnellement, ce qui facilite nos relations professionnelles. Beaucoup plus facilement que dans les villes, nous arrivons à traiter des dossiers et à avoir des communications rapides entre nous.

Il est vrai qu'il existe une tradition de séparation assez forte entre les deux directions qui, pour nous, ne pose pas de gros problème. A notre niveau, nous essayons d'y remédier un peu, mais un certain formalisme pourrait déjà, dans un premier temps, être allégé, pour que les relations soient plus rapides.

Vous avez cité le décalage entre le résultat du contrôle et le recouvrement qui suit les contrôles. Dans nos centres ruraux, nous ne sommes pas tellement confrontés à ce type de problème. Le recouvrement intervient souvent à la suite d'une taxation d'office, quand une personne n'a pas déposé sa déclaration professionnelle de revenus ou sa déclaration de TVA, malgré les mises en demeure qui lui ont été envoyées.

La taxation d'office doit rester dans une limite raisonnable et la plus proche possible de la situation réelle de l'entreprise. Ce n'est pas toujours facile. Il peut se poser des problèmes de compréhension entre le service qui doit asseoir l'impôt et celui qui doit le recouvrer. Là encore, les contacts sont tellement faciles et rapprochés qu'il est possible d'arriver à des positions communes et de faciliter le recouvrement.

Les admissions en non-valeur portent souvent sur de très petites sommes. Celles que nous adressent les trésoriers concernent des « bricoles », le jeu n'en vaut pas la chandelle. Il n'est pas utile de poursuivre à tout prix le recouvrement lorsque l'on a affaire à des personnes de milieu très modeste, qui n'arrivent pas à payer leur taxe d'habitation ou leur impôt sur le revenu, toujours pour des sommes très modiques.

Les relations entre les contribuables et le service sont faciles dans un petit centre des impôts. Les gens viennent nous voir facilement. C'est différent dans un grand hôtel des impôts avec le dédale des bureaux. Notre centre des impôts est petit, à taille humaine, à tel point que les gens prennent plaisir à venir chez nous, peut-être parce qu'ils savent qu'ils seront bien accueillis et bien renseignés. Beaucoup de gens viennent pendant la campagne de déclaration des revenus, sans en avoir vraiment besoin. Ils veulent être rassurés.

A propos du téléphone, jusqu'à une période récente, à Châtillon-sur-Seine, nous connaissions des problèmes : l'installation étant vétuste, les personnes avaient parfois du mal à nous joindre. Depuis quelques mois, l'installation téléphonique est toute nouvelle, je pense qu'il n'y a plus de problème pour nous joindre très rapidement : la personne au standard sait tout de suite à qui adresser les appels.

M. Yves Courtot : On nous appelle trésorier, mais nous restons surtout des percepteurs, en milieu rural : terme significatif, s'agissant du recouvrement de l'impôt.

Dans l'ensemble, on peut estimer à un tiers le temps destiné au recouvrement amiable, appelé dans un des derniers rapports « le recouvrement industrialisé », formule que je n'utiliserai pas, et à deux tiers la part du recouvrement contentieux, qui implique plus de négociations avec les contribuables. Cette proportion est valable aussi bien en milieu rural qu'en milieu urbain.

Le recouvrement amiable est souvent confié aux agents du cadre C. Quant au recouvrement contentieux, il l'est aux agents de catégories A et B.

Nous avons tous noté, avec stupéfaction, les coûts du recouvrement évalués par le rapport Lépine et constaté également que cette étude additionnait les coûts de l'assiette et du recouvrement de l'impôt et qu'elle omettait d'indiquer les taux de résultat. En France, les résultats du recouvrement sont relativement bons par rapport à ceux d'autres pays. Cette dernière mention ne me paraît pas portée dans le rapport.

Quant aux relations entre la DGI et la DGCP, à notre niveau, en milieu rural, elles sont quotidiennes. Le clivage, que l'on peut ressentir entre les deux administrations à l'échelon central, n'existe absolument pas en zone rurale. Au quotidien, nous pratiquons une étroite collaboration. Si vous avez eu du mal à me joindre au téléphone, M. le Rapporteur général, c'est certainement parce que j'étais en communication avec un collègue du centre des impôts.

Nous sommes en constante collaboration, parce que les contribuables se présentent aussi bien dans un centre des impôts que dans une perception, en cas de problème. Nous ne les renvoyons pas en disant : « Ce n'est pas notre service, mais c'est l'autre qui est concerné ». Nous prenons immédiatement contact avec le centre des impôts s'il s'agit d'un problème d'assiette et cette méthode permet immédiatement une meilleure compréhension de l'impôt.

A partir du moment où nous sommes directement en contact avec le contribuable, il faut lui faire comprendre l'impôt pour faciliter son recouvrement. Si nous n'expliquons pas à la base, la méthode par laquelle est assis l'impôt, il n'est pas possible d'avoir un bon contact avec le contribuable. Avec l'aide quotidienne des services d'assiette, il est très commode de répondre au contribuable.

Quand il se rend au centre des impôts de Semur-en-Auxois et demande un délai de paiement parce qu'il va au plus près, et non au service compétent, dans ce cas le receveur des impôts ou son agent appelle la perception et nous réglons sur le champ le problème. De la même façon, nous transmettons immédiatement le courrier destiné à l'autre réseau. Le clivage n'existe absolument pas entre nos deux administrations, à notre niveau.

L'essentiel pour nous est d'être au service des contribuables, en particulier des publics défavorisés. Ce sont surtout eux que nous rencontrons lors des contacts directs. Souvent, les contribuables ne savent pas forcément écrire ce qu'ils devraient.

En ce qui concerne le téléphone, il est assez peu utilisé en milieu rural en matière de recouvrement de l'impôt, les personnes se déplacent. Dans les cantons, la trésorerie est « un centre de vie », comme disent les maires.

M. Pierre Hériaud : M. Courtot a parlé de sa mission et de son espace géo-démographique de 57 communes.

Quelle aide apportez-vous aux collectivités locales ? Les situations sont diverses et variées.

Vous occupez-vous de gestion comptable et financière ?

Participez-vous avec le maire, le secrétaire général, la commission des finances à l'élaboration des budgets ?

Avez-vous des programmes pluriannuels de développement et d'investissement des collectivités locales ?

Selon vous, ce travail est-il suffisant ?

Existe-t-il des handicaps à surmonter et quelles sont vos propositions en ce domaine ?

M. Jérôme Cahuzac : Si je comprends bien, M. Cournault, l'effectif de votre recette est de cinq agents. Ne trouvez-vous pas que, quotidiennement à cinq, vous pouvez assurer le service au public et les missions que l'Etat vous a confiées, ce qui permettrait de faire litière du fameux seuil de six agents qui est évoqué ?

Quel est le pourcentage de votre activité, M. Runfola, entre l'élaboration de l'assiette et le conseil lui-même ?

M. Courtot, selon votre présentation des activités de votre trésorerie, le recouvrement représente un tiers du travail, l'épargne un quart, le reste, la gestion des collectivités correspond à moins de la moitié. Or, le conseil aux collectivités, vous l'avez dit, représente les deux tiers de votre mission. Comment tout cela s'agence-t-il ?

Si nous n'avons pas réussi à vous joindre facilement, parce que vous étiez en communication avec vos collègues chargés de l'élaboration de l'assiette, estimeriez-vous que l'accueil téléphonique serait simplifié si une seule personne s'occupait de l'assiette et du recouvrement ?

Mme Nicole Bricq : Disposez-vous d'objectifs par unité et les déclinez-vous par agent ? Si oui, pouvez-vous nous les décrire ?

Les résultats obtenus influent-ils la progression des carrières et des rémunérations ?

Ma seconde question s'adresse à M. Courtot, puisqu'il a évoqué le travail avec les collectivités locales. Sur les 57 communes que vous avez à gérer, avez-vous conclu, comme dans d'autres départements tel le mien, des chartes de partenariat définissant des missions, des services rendus, et, dans cette hypothèse, quel est leur contenu ?

M. Francis Delattre : D'abord, j'éprouve un étonnement extraordinaire devant la convivialité qu'inspirent les services des impôts en Bourgogne quant à leur travail de proximité. C'est la première fois que j'entends dire qu'on va à la recette des impôts pour se rassurer.

Remarque plus sérieuse : l'inspecteur général des finances, venu présenter la réforme, nous a expliqué que l'informatique, aussi bien dans les services d'assiette que pour la comptabilité publique, c'était l'âge de pierre. Comment le vivez-vous ?

J'ai été surpris qu'il ait mis en avant des problèmes de compatibilité de l'informatique de l'administration fiscale avec celle des communes. Vivez-vous ce type de situation ? Dans le secteur où je suis élu, la compatibilité des systèmes est assurée.

Vous avez justifié, assez largement, la mise en place du guichet unique. Il me paraît de bon sens que l'on paye l'impôt là où il est établi et la réforme, selon moi, sur ce plan, est positive.

En revanche, le conseil et le suivi des comptes des communes ne me semblent pas s'inscrire clairement dans la réforme. Comment voyez-vous le suivi des comptes des communes dans le cadre de la réforme ?

Le chef de l'inspection générale nous a expliqué que plus de 90% des paiements avaient lieu automatiquement et que n'intervenait là qu'un magnifique ordinateur central. Est-ce que, pour vous aussi, seulement 10% des dossiers exigent une intervention plus personnalisée ?

M. Yves Courtot : A propos des deux tiers et des cinq douzièmes qui sont mathématiques et me concernent directement, j'ai fait une assimilation de l'ensemble du travail des postes et de mon travail personnel. Je me consacre beaucoup plus au conseil aux collectivités, à raison des deux tiers de mon temps et le reste au recouvrement de l'impôt.

L'aide à l'élaboration des comptabilités des budgets municipaux représente, dans les trésoreries, une part de plus en plus importante du travail et elle est passionnante. Cette aide aux collectivités est-elle suffisante ? Nous ne pouvons pas assurer l'aide que l'on voudrait donner à l'ensemble des collectivités, à l'heure actuelle, notamment dans le cadre de la réforme des collectivités locales.

Les créations de communautés de communes, en particulier, sont intéressantes. Tous les maires des petites communes souhaitent faire le point sur l'incidence de l'intercommunalité sur les finances communales. Dans les deux cantons que je gère, au plan fiscal, une communauté de communes avait été créée avec François Patriat, la communauté de communes de Pouilly-en-Auxois. Une seconde, dans le deuxième canton de Bligny-sur-Ouche, a été constituée six ans après. La fiscalité locale des structures intercommunales est à mettre en place. Nous sommes absolument indispensables dans ce domaine, ainsi que les services des impôts, puisque les centres départementaux d'assiette (CDA) interviennent pour déterminer les bases d'imposition, ce qui explique une collaboration dans ce domaine des services des impôts avec ceux de la Comptabilité publique.

Nous voudrions pouvoir accentuer cette aide aux collectivités. Nous ne le pouvons pas car elle doit être apportée surtout par les chefs de poste. Nous ne revendiquons pas les 35 heures par jour, alors que, malheureusement, les réunions ont lieu le soir tard.

M. Francis Delattre : Vous percevez une indemnité des communes à ce titre.

M. Yves Courtot : Bien sûr, une indemnité qui est versée directement par les communes. Je peux vous en donner le montant : c'est 200 francs par an au titre de l'aide à l'élaboration des budgets, imposables bien sûr.

M. Francis Delattre : Dans ma commune, elle est supérieure.

M. Yves Courtot : Nous avons signé une charte de partenariat avec la communauté de communes de l'Auxois sud, présidée par M. François Patriat, récemment. Elle a l'avantage d'être comprise de l'ensemble des personnels des collectivités pour que soit bien assimilée la séparation de l'ordonnateur et du comptable mais également une très forte collaboration dans le conseil.

L'informatique a connu une mise en place balbutiante dans les petites communes, il y a trois ou quatre ans, avec de nombreux petits programmes locaux, mais elle est maintenant très au point. Si elle est bien gérée par le secrétaire local, elle ne doit pas poser de problèmes et elle n'en pose pas de sérieux dans son application. Depuis la mise en _uvre de la nouvelle comptabilité M14, des difficultés sont peut-être apparues aux plans informatique et humain, mais pas à cause de cette nouvelle comptabilité.

Quant au suivi des comptes des collectivités, il correspond à une tâche importante, puisque nous les présentons à la Cour des comptes, pour le dernier contrôle qu'elle effectue.

Cette mission intéressante permet, au fur et à mesure des années, d'aguerrir les gestionnaires locaux, que sont les maires, à la comptabilité, notamment en milieu rural, dans le respect de l'ensemble des décrets et des lois. Nous élaborons avec les maires des petites communes leurs budgets et ceux des établissements publics. C'est une tâche qui nous permet de jouer un rôle de conseil et de préparer la gestion financière des années à venir.

Les plus grosses agglomérations disposent de services financiers qui sont à même d'apporter cette aide. Ce n'est pas le cas à l'échelon local. Vous avez souligné, par le nombre de vos questions, que c'est l'un des rôles les plus importants des trésoreries.

Ne serait-il pas préférable qu'une seule personne s'occupe du recouvrement de l'impôt ? C'est ce que nous sollicitons comme réforme : au lieu de réduire les points d'ouverture aux contribuables, pourquoi ne pas multiplier aussi bien les services de trésorerie que ceux de la DGI ? Ne pourraient-ils pas apporter une aide au contentieux et au recouvrement ?

Quels sont nos objectifs annuels ? Nous avons des objectifs annuels de recouvrement. Les résultats n'influent absolument pas sur l'évolution de nos carrières, car suivant l'affectation d'un inspecteur...

Mme Nicole Bricq : Cela est pondéré en fonction de la situation locale.

M. Yves Courtot : Exactement. Les situations sont différentes selon les implantations.

L'informatique est-elle à l'âge de pierre ? Nous avons souvent souligné, auprès de nos services, qu'elle tardait trop à évoluer alors qu'elle représente la partie la plus importante du recouvrement amiable.

Vous avez cité le taux de 90% de paiements automatisés. Je ne pourrais pas le confirmer dans le milieu rural où les personnes viennent plus tardivement à des systèmes de mensualisation et de prélèvements ou virements automatiques. Elles continuent à se déplacer pour apporter leur chèque ou pour payer en numéraire. Cela existe encore dans une proportion certainement plus importante que 10% des montants à recouvrer.

L'informatique n'est pas à l'âge de pierre dans nos services. Je pense qu'elle évolue, certainement pas assez vite, parce qu'elle nécessite des moyens selon l'importance de l'assiette. Je pense également qu'elle n'est pas encore assez médiatique vis-à-vis des contribuables.

M. Jean-Luc Runfola : J'approuve tout à fait les réponses de mon collègue.

Vous avez demandé quelle est la répartition du temps entre l'élaboration de l'impôt et le conseil. Il y a quatre catégories de tâches dans un centre des impôts : l'assiette de l'impôt, le contrôle, le contentieux et puis le conseil.

Il faut distinguer dans une année, de mars à juillet, le temps consacré à l'assiette de l'impôt, suivi du contrôle avec, en même temps, le traitement du contentieux et enfin le conseil, qui correspond à la réception du public, une journée par semaine, et à la réponse aux courriers ou aux appels téléphoniques.

Nous travaillons par objectifs. C'est ce que nous appelons « la démarche diagnostic-plan d'action ». Chaque année, nous devons nous fixer des objectifs en collaboration avec les agents et avec notre direction. Par exemple, s'agissant du secteur d'assiette, nous avons un objectif de 350 articles à faire, si possible, par an, donc 350 impositions annuelles à redresser.

Ce n'est pas simplement une question de nombre, il faut essayer de rechercher les redressements sur les dossiers les plus intéressants et ne pas trop s'attarder sur les petites erreurs. Ce n'est pas toujours évident du fait des revenus modestes des contribuables.

Pour la fiscalité professionnelle, nous avons également des objectifs de contrôle à atteindre. Ils ne vont pas jusqu'à un chiffrage par agent, mais par cellule, par secteur d'assiette ou de fiscalité.

Vous avez demandé si les résultats avaient une influence sur l'évolution de nos carrières. Ce n'est pas le respect des objectifs qui détermine notre avancement. Bien sûr, il faut essayer de les atteindre, sinon expliquer pourquoi ce n'est pas le cas. Ils ne sont néanmoins pas déterminants à moins d'être au-dessous, plusieurs années de suite, des objectifs prescrits.

Quant au guichet unique où le contribuable pourrait voir traités à la fois des problèmes de contentieux et de modalités de paiement, je rejoins ce qu'a dit mon collègue Yves Courtot. Il faut que le contribuable trouve en un seul lieu, l'interlocuteur unique, pas forcément une personne, mais un service susceptible de traiter son problème. Cet aspect de la réforme doit absolument aboutir.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Pourriez-vous, d'ores et déjà, nous indiquer comment vous avez été informés, en tant que chefs de service, des réformes arrêtées par les ministres à la suite de la mission 2003 ?

Avez-vous déjà une vision de la déclinaison territoriale de ces mesures ?

Connaissez-vous les grandes lignes d'évolution de vos services ? Si oui, quelle opinion portez-vous sur elles ?

Quelles difficultés redoutez-vous le plus pour leur mise en _uvre, par exemple, en termes d'adaptation des compétences, d'affectation des personnels et de gestion des implantations ?

Les trésoriers-payeurs-généraux sont chargés, en association avec les directeurs départementaux des impôts, dans chaque département, de préparer des propositions de réorganisation des réseaux en vue de la création d'un réseau unique. Où en est cette étape de la réforme dans le département de la Côte d'Or ?

Quelles sont vos suggestions de réorganisation ?

Le Président Augustin Bonrepaux : Comment le personnel a-t-il été associé à la préparation de cette réforme ?

M. Gérard Cournault : Je réponds à la question de M. Cahuzac sur le seuil de six agents. Avec le personnel que j'ai, je remplis mes missions. Il m'en faudrait peut-être plus pour les remplir au mieux.

Sur la mission 2003, nous avons été abondamment informés. Par contre, je ne sais pas si la compréhension en a été très facile, au niveau aussi bien des chefs de service que des agents. Je vais parler pour l'ensemble du site de Semur-en-Auxois. Je rappelle que nous avons quatre services : une conservation des hypothèques, un centre des impôts fonciers, un centre des impôts et une recette principale des impôts. Les agents sont très inquiets, extrêmement inquiets. Ils ont l'impression non pas d'être « grugés », mais de ne pas être considérés, mal informés, de ne pas avoir assez d'éléments pour prévoir l'avenir et pour être rassurés.

Le problème est réel. Dans ma recette des impôts, malgré l'information reçue et celle que je leur ai donnée, depuis 1989, c'est la première année que tous mes agents ont fait grève. Il ne faut pas croire qu'ils le font avec le sourire, parce qu'ils ont une culture du service public, du redevable, du contribuable, du citoyen que nous impose encore plus la proximité et la connaissance des gens.

Nous avons obtenu l'information sur la mission 2003 en plusieurs étapes. J'ai eu l'occasion de participer pratiquement à toutes les étapes. J'ai fait partie d'un groupe local. J'ai assisté ensuite à une convention interrégionale à Saint-Etienne où nous avons vu MM. Champsaur et Bert. J'ai reçu comme tout le monde de la documentation. J'ai eu des réunions de chefs de service avec le directeur. Nous en avons organisé à destination du personnel sur le site, en essayant de faire passer le mieux possible les messages, de présenter de manière neutre les faits, propositions et des arguments. A présent, les personnels ont « digéré » ces informations, mais sont inquiets.

Je vais rapidement évoquer le réseau comptable de la recette principale des impôts. Nous sommes constamment en contact avec le public. Nous avons un système qui est à la fois déclaratif, par le biais des déclarations que nous recevons, et de paiements par virements directs à la Banque de France. Il faut après toute une gymnastique pour apparier les paiements avec les déclarations.

Ce système, nous disait-on, devait apporter des gains de productivité et de temps. Pour l'instant, il n'en est rien. Nous ne perdons pas de temps, mais nous n'en gagnons pas. Nous n'avons pas encore perçu les dividendes de l'informatique.

Par ailleurs, nous avons des déclarations normales, accompagnées de paiements ou non. En milieu rural, je le répète, les personnes viennent au guichet nous voir et nous interpellent, nous sommes constamment en contact avec elles. Elles tiennent à une implantation locale, de proximité, parce qu'elle est « de qualité ».

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Le ministre a répondu à ce sujet qu'il n'était pas question de remettre en cause le maillage, et chacun pense aux trésoreries. Pourquoi y a-t-il encore des inquiétudes, compte tenu des engagements pris ? Pouvez-vous les expliquer ?

M. Gérard Cournault : La peur de l'avenir peut se résumer en un chiffre. Pour le réseau de la direction générale des impôts, il y a actuellement 850 implantations. Il est prévu d'installer deux types d'implantations particulières : les hôtels des impôts des particuliers et les hôtels des impôts des entreprises.

Selon certains directeurs, les implantations passeraient de 850 à 250. Les hôtels des impôts des entreprises agrègeraient les recettes des impôts et les services spécialisés en matière de fiscalité professionnelle.

Dans les 850 centres des impôts, on trouve à la fois une recette et une ou plusieurs inspections de fiscalité des entreprises composées, la plupart du temps, d'un cadre A et d'un ou plusieurs cadres B.

Le projet est de ramener, dans 250 centres, les recettes et les services de fiscalité professionnelle des entreprises. Vous voyez bien qu'une perspective de réduction de 850 à 250 implantations interpelle. Est-ce la réalité ? Bien que notre ministre nous ait apporté toutes assurances sur nos possibilités de carrière comme de maintien sur les postes, la situation n'est pas claire et est mal ressentie.

M. Jean-Luc Runfola : J'adhère tout à fait à aux propos de Gérard Cournault sur l'inquiétude des personnels. Il est question de supprimer des hôtels des impôts des entreprises qui existent déjà, donc forcément sur certaines sites, le maillage ne variera pas, mais il ne restera qu'un hôtel des impôts des particuliers puisque la partie de fiscalité des entreprises sera regroupée sur un autre site du département. Ceci explique l'inquiétude des agents, car certains devront aller travailler ailleurs. Beaucoup d'agents habitent déjà à l'extérieur de Châtillon-sur-Seine, à des distances assez grandes. S'ils doivent aller travailler non plus à Châtillon, mais à Montbard, voire à Dijon, ils rencontreront des problèmes personnels importants.

Il restera quand même un hôtel des particuliers sur le site, dit-on. Même si certains agents actuellement dans le réseau de la comptabilité publique doivent intégrer les hôtels des impôts des particuliers pour la partie recouvrement, à terme cette cellule pourra-t-elle être viable avec cinq ou six personnes ?

Alors qu'en conservant un hôtel des impôts mixte, comme à ce jour, avec un pôle des particuliers et un des entreprises, ce dernier étant agrégé avec la recette actuelle, on pourra maintenir, sur les sites, des services avec un nombre suffisant de personnes pour les faire fonctionner de façon convenable. Cela nécessitera, c'est évident, une polyvalence accrue des agents en période de pointe, qu'ils soient aptes à changer de fonction, mais ils y sont prêts. Ils savent que c'est le prix à payer pour conserver des sites ruraux.

Mme Nicole Bricq : Je suppose, qu'actuellement, des agents sont spécialisés dans le traitement de la fiscalité des entreprises.

M. Jean-Luc Runfola : Bien sûr.

Mme Nicole Bricq : Pouvez-vous quantifier, chez vous, quels sont les agents spécialisés en fiscalité des entreprises ?

M. Jean-Luc Runfola : Les agents qui sont dans les secteurs d'assiette, qui s'occupent de l'impôt sur le revenu et des impôts locaux, des impôts personnels, ne devraient pas être touchés par la réforme.

Pour la fiscalité professionnelle, chez nous, un inspecteur et un contrôleur et demi sont employés. Là, il est possible que se pose un problème. S'il n'est pas créé effectivement d'hôtel des impôts des entreprises sur le site de Châtillon, les personnels de l'actuelle recette et ceux du centre spécialisés sur la fiscalité professionnelle n'auront plus leur place à Châtillon, ils devront intégrer un autre site.

Mme Nicole Bricq : Quel est leur principal souci : la mobilité ou le changement de fonction ?

M. Jean-Luc Runfola : La remise en question est constante avec chaque loi de finances et tous les changements qu'elle impose. Nous n'avons pas le temps de nous reposer sur nos lauriers. Les agents craignent d'avoir à aller travailler sur un autre site car ils habitent sur le site ou près du site.

Il faut prendre en compte aussi la population qui est très inquiète de voir partir un service public de plus. En termes d'aménagement du territoire, le leitmotiv chez nous est le déménagement du territoire. On est confronté de plus en plus au départ ou à la régression de certains services publics. La population le vit très mal, parce que beaucoup de personnes ont encore envie de vivre dans des zones rurales ou dans des petites villes offrant une certaine qualité de vie.

Le Président Augustin Bonrepaux : Vous avez dit que l'on pouvait continuer à gérer la fiscalité des entreprises tout en conservant un petit site, sous réserve que cette perspective fasse l'objet d'une étude. Vous posez, je crois, l'un des problèmes de la réforme.

M. Jean-Luc Runfola : Je pense que l'on peut maintenir des petites structures viables. Actuellement, nous arrivons bien à travailler dans un centre des impôts où existe une fiscalité professionnelle. En cas d'agrégation du centre des impôts avec la recette actuelle, le service serait viable aussi, au sein d'un hôtel des particuliers et des entreprises.

Le Président Augustin Bonrepaux : Quels services nouveaux pourront justifier le maintien des postes de la Comptabilité publique ?

M. Yves Courtot : La mission 2003 tend à retirer l'ensemble de la fonction recouvrement aux trésoreries. Dans le département de la Côte d'Or, selon un chiffre donné récemment, par la direction, 75 personnes passeraient à la direction générale des impôts et changeraient automatiquement de métier. C'est le premier sujet d'inquiétude. Dans le milieu rural, les personnes ne sont pas très mobiles. Le changement de métier est inquiétant, il implique une réforme et une formation alors que l'échéance est très proche, on nous dit 2003.

Hormis mon obligation de réserve que je connais très bien et que je respecte et malgré laquelle je vous donnerai un avis franc et objectif, je dirai que les services de formation existants au niveau de la DGCP ne sont pas capables d'accompagner une aussi forte transformation, la mutation d'autant d'agents, en obtenant le même degré de compétence qu'auparavant.

Les agents, qui sont inquiets, savent que pour le moment ils rendent un service aux contribuables. Ils veulent faire comprendre l'impôt ; si les Français n'aiment pas l'impôt, ils aiment quand même bien leurs percepteurs. Nos agents apprécient de se rendre utiles auprès des contribuables.

Dans un département, comme celui de la Côte d'Or, dans lequel existent environ une quarantaine de trésoreries, si l'on ramenait les effectifs à plus de six agents par poste, c'est le chiffre qui est quelquefois cité, il risquerait de ne rester que six trésoreries et elles disparaîtraient de l'ensemble du milieu rural.

Cela a une incidence sur l'aide aux élus. Si les trésoreries de Pouilly-en-Auxois et Bligny-sur-Ouche étaient supprimées physiquement, et si je demeure le trésorier de ces communes, j'aurai beaucoup plus de mal à assurer l'assistance aux élus qui sont nombreux, qu'en ce moment où je suis, sur place, au milieu d'eux. Je pense que cet aspect est important. Les élus sont également inquiets devant la perspective de disparition des trésoreries du milieu rural.

Quant au recouvrement de l'impôt des entreprises, tout le monde considère qu'il faut pouvoir, face aux entreprises, présenter des experts. Nous avons affaire à des experts-comptables, des professionnels, il faut donc que les services fiscaux disposent de personnels qualifiés.

Le recouvrement de l'impôt des entreprises se situe pratiquement au niveau départemental, il ne pose aucun problème et cela n'en pose aucun non plus que le recouvrement puisse être associé à l'assiette. La volonté de supprimer le nombre des permanences suscite par contre une inquiétude.

Le Président Augustin Bonrepaux : Nous avons eu des réponses assez précises à nos questions. Je tiens à vous remercier.

*

* *

4.- Audition de MM. Jean-Christophe Royer,
responsable du centre des impôts de Dijon-Sud,
Alain Gaiffe, receveur principal de Dijon-Sud,
et Roland Pontiroli, trésorier de Chenôve

(Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 2 mars 2000)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

A l'invitation du Président, MM. Jean-Christophe Royer, Alain Gaiffe et Roland Pontiroli sont introduits. Le Président leur rappelle les règles définies par la mission pour la conduite des auditions : pas d'exposé introductif, échange rapide des questions et des réponses.

Le Président Augustin Bonrepaux : Nous allons poursuivre les auditions. Je vous remercie d'avoir bien voulu répondre à notre invitation et de nous apporter toute votre expérience, aussi bien sur la situation actuelle que sur les difficultés que laisse entrevoir la réforme.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Vous avez assisté à la première audition, cela devrait faciliter la présentation de vos fonctions, je vous demande d'insister sur leurs spécificités, compte tenu de vos responsabilités en milieu urbain et périurbain.

M. Jean-Christophe Royer : Je suis responsable du centre des impôts de Dijon-Sud, qui est urbain. Il gère 65.000 articles, c'est-à-dire 65.000 contribuables et environ 9.000 entreprises. Une petite soixantaine d'agents y travaille, dont un cadre A divisionnaire qui est mon adjoint, quatre cadres A dont trois dirigent des inspections de fiscalité professionnelle et le dernier l'inspection de la fiscalité immobilière. Outre ces inspections spécialisées, les agents de catégorie B sont répartis sur cinq secteurs d'assiette et dans un service qui s'appelle l'ORDOC.

La spécificité de la Côte d'Or, c'est un axe qui va de Dijon à Beaune, où est concentrée à peu près 80% de la richesse fiscale du département. Les trois autres centres du nord (Châtillon-sur-Seine, Montbard et Semur-en-Auxois) représentent 20% de cette richesse. L'autre spécificité de Dijon est le site de la rue de la Boudronnée, où l'hôtel des impôts de Dijon rassemble, en plus des trois centres des impôts à peu près équivalents à celui que je viens de vous décrire, d'autres services (recettes, centres fonciers et conservation des hypothèques), soit au total plus de 300 personnes.

Le centre des impôts de Dijon-Sud couvre géographiquement 40% de cette commune, avec une partie rurale, agricole et viticole, allant jusqu'à Gevrey-Chambertin, et un secteur résidentiel à la périphérie de Dijon comprenant des contribuables très divers : certains à forts revenus et d'autres en grande difficulté sociale. Nous avons quelques zones urbaines sensibles dont une à Chenôve dont M. Pontiroli est le percepteur et une à Talant. Par conséquent, le public est très varié.

Mes collègues de Dijon-Nord et Dijon-Est se partagent le reste de la ville et couvrent également des communes rurales. Nous avons donc un double public, urbain et rural, qui doit se déplacer pour nous rencontrer.

M. Alain Gaiffe : Je suis receveur principal au centre des impôts de Dijon-Sud. Je gère un poste assez important comprenant quinze personnes. La répartition des tâches dans mon service est la suivante : un tiers du personnel est affecté au recouvrement spontané et au remboursement des crédits de taxes qui est aussi une partie importante de notre activité, un tiers se consacre au recouvrement contentieux, le dernier tiers à toutes les autres tâches actuellement assumées par la recette principale, c'est-à-dire les activités de caisse, de délivrance de vignettes ou de timbres, l'enregistrement et les autres perceptions.

Je voulais rappeler que nous avons, s'agissant du paiement spontané, un système déclaratif. La recette principale encaisse pour l'essentiel la TVA, partie importante des ressources fiscales. Le système déclaratif en matière de TVA conduit les entreprises à déposer, pour la plupart, des déclarations mensuelles. Les agents doivent nécessairement les exploiter avant qu'elles soient rapprochées des moyens de paiement, constitués de chèques ou de virements à la Banque de France, qui ont tendance à se développer. Les paiements spontanés regroupent toute une série d'opérations incontournables à l'heure actuelle. Elles seront contournables dans un avenir de trois à sept ans, quand les entreprises seront en mesure de faire des télé-déclarations, agrégées à des télé-paiements, supprimant ainsi l'intervention des personnels affectés au paiement spontané. Ce n'est pas le cas à l'heure actuelle. On en est loin.

M. Roland Pontiroli : Je suis chargé de l'encadrement d'une trésorerie qui couvre six collectivités, dont la principale est la commune de Chenôve, avec 18.000 habitants. La caractéristique essentielle de ce poste, comme l'a rappelé M. Royer, est d'intégrer, à l'intérieur de la commune de Chenôve, une zone sensible dont un quartier a d'ailleurs été classé en zone franche urbaine. Les trois aspects de mes fonctions sont le recouvrement, pour lequel je suis en charge de 40.000 articles de rôles, dont 37% de taxe d'habitation, la gestion des collectivités locales et l'épargne. Les douze agents de la trésorerie sont six cadres C, quatre cadres B et deux cadres A. La moitié du personnel est chargée de gérer les collectivités locales, l'autre le recouvrement et l'épargne.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Dans le cadre de l'application de la réforme aux trésoreries, puisque les activités d'épargne et de recouvrement devraient être supprimées, quelles pourraient être les nouvelles missions confiées aux trésoreries en direction des collectivités locales ? Cette question est aussi une préoccupation des agents. Selon vous, y a-t-il des missions auprès des collectivités locales que vous n'assumez pas et que vous pourriez assumer ?

M. Roland Pontiroli : Dans ma trésorerie, cinq postes, à terme, sont appelés à disparaître puisque les personnes concernées sont chargées du recouvrement et de la gestion de l'épargne. Quelles sont les nouvelles fonctions que nous pourrions exercer ? Les fonctions de conseil en matière d'analyse financière ou d'études prospectives, utiles aux maires, peuvent se développer et constituer un nouveau créneau. Cependant, les élus ne sont pas toujours demandeurs. Il ne faudrait pas que nos services se transforment en prestataires de conseils imposés. Beaucoup de maires conservent leurs services techniques propres, et ont une politique à appliquer dans laquelle il n'est pas toujours évident, ni même souhaitable, peut-être, de s'immiscer. Il nous a été proposé de jouer un rôle de contrôle étendu dans les procédures des marchés publics, en particulier lors des adjudications. Il faudrait nous y former, car il s'agit d'un métier pointu auquel nous ne sommes pas formés. Il nous serait alors possible d'intervenir dans les commissions d'adjudication, voire dans la phase de préparation du marché public.

Le Président Augustin Bonrepaux : Plutôt que le contrôle, c'est le conseil qui manque aux élus. Souvent ceux-ci sont démunis face à la réglementation des marchés publics. Si on leur annonce un renforcement du contrôle, alors qu'ils n'auront pas été conseillés, je ne pense pas que cela soit de nature à les rassurer.

M. Roland Pontiroli : Tout à fait.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Il faut effectivement entendre la fonction de contrôle comme une fonction de conseil préalable, sachant que le contrôle, c'est le contrôle de légalité, puis ensuite celui des chambres régionales des comptes. Il faut en effet se méfier des termes que l'on emploie. Ce ne peut être une fonction de contrôle a priori, puisqu'il y a eu la décentralisation.

Dans le rapport Lépine avant tout, mais aussi dans celui de MM. Bert et Champsaur, il est expliqué que les résultats des administrations fiscales étrangères sont meilleurs, du fait notamment d'une plus grande efficacité de l'outil informatique. Il semblerait qu'en France, les systèmes d'information ne donnent pas entière satisfaction. Les données sont compartimentées sur un plan territorial et individualisées par impôt. Dans la perspective de la mise en place du correspondant fiscal unique, alors que le rapport Bert et Champsaur préconise une refonte seulement progressive des applications, quelles mesures pourraient être prises, selon vous, en accompagnement du plan gouvernemental du 27 janvier ? Il ne semble pas qu'existe un programme précis de réorganisation informatique, mais peut-on envisager la création d'un système unifié reposant, au moins pour les particuliers, sur l'utilisation du NIR, à l'exemple de l'Espagne ?

Combien d'applications informatiques fonctionnent dans chacun de vos services ? Quel est leur objet ? Sont-elles compatibles entre elles ? Les applications que vous utilisez peuvent-elles être considérées comme un système unique, plus ou moins fluide ? Quelle opinion portez-vous sur la qualité des équipements informatiques mis à la disposition de vos services ?

M. Jean-Christophe Royer : J'ai entendu dire que notre informatique était à l'âge de pierre, cependant des efforts ont été accomplis depuis quelques années. Une grosse difficulté subsiste cependant, c'est l'absence d'interconnexion entre les différents services et encore plus, bien sûr, entre la direction générale des impôts et la comptabilité publique. Lorsque nous désirons un renseignement de notre collègue trésorier, nous ne pouvons que lui téléphoner. Il est certain que sur ce point, l'informatique pose des difficultés.

Je reviens aux outils informatiques utilisés. Nous avons une application pour la fiscalité personnelle qui gère l'impôt sur le revenu. Elle a apporté beaucoup de satisfaction et de confort aux agents dans l'exécution de leur travail. Encore une fois, elle ne va pas jusqu'au recouvrement. Cette application informatique nous sert à saisir les déclarations puisque désormais elles sont saisies localement. Elle nous permet de transférer nos fichiers dans les centres informatiques pour établir l'imposition, puisque ceux-ci établissent le montant de la taxation et adressent les avis d'imposition au contribuable. Cette application, qui s'appelle ILIAD, sert également à effectuer les contrôles sur pièces, ainsi qu'à gérer le contentieux, comme l'évoquait tout à l'heure mon collègue en mentionnant les 350 articles de contrôle à faire. Avec cet outil, nous effectuons les contrôles « montant sur montant » et relevons les discordances. Quand se pose un problème de recouvrement, une rupture apparaît, parce qu'une application informatique du trésor prend le relais.

L'inspection de fiscalité professionnelle travaille avec une application, qui s'appelle GEREP, qui nous sert à gérer les fichiers des redevables professionnels. Nous avons une application maîtresse, qui s'appelle le FRP (fichier des redevables professionnels). Toutes nos entreprises ont un code FRP et les inspections de fiscalité professionnelle gèrent les dossiers à partir de cette application. Depuis quelques années, nous avons la possibilité de consulter une autre application de fiscalité professionnelle, appelée MEDOC, qu'utilise mon collègue receveur des impôts. L'inspecteur de fiscalité professionnelle du centre des impôts, qui veut connaître la situation d'un recouvrement en matière de TVA, peut l'obtenir, en consultant le système MEDOC, de son bureau.

En revanche, s'il désire connaître la situation de l'impôt sur les sociétés, du domaine de mon collègue trésorier, la seule solution est de l'interroger par téléphone. La compensation n'est pas possible pour le moment entre l'impôt sur les sociétés et la TVA. Au sein de la DGI, un effort a été réalisé : il est possible de consulter, à partir de n'importe quel poste de travail, les différentes applications informatiques de la DGI, mais non celles de la CP.

M. Alain Gaiffe : Nous vivons un cloisonnement informatique important. Dans notre système applicatif, les différentes applications ne sont pas nécessairement en liaison. Si certaines liaisons sont possibles de l'amont vers l'aval, ce n'est pas nécessairement le cas de l'aval vers l'amont.

Pour nous, le coût élevé du recouvrement a pour origine la grande variété des encaissements. Nous passons le même temps à encaisser le prix d'une vignette ou le montant de 5 millions de francs d'une entreprise qui paie sa déclaration mensuelle. Il existe en France une variété d'encaissements sans équivalent, peut-être, dans d'autres pays de la communauté européenne. Un second élément explique certainement le coût élevé du recouvrement : la complexité de notre législation fiscale. Dans toutes les réunions organisées dans le cadre de la mission dirigée par MM. Bert et Champsaur, ce point a été relevé. Les agents ressentent l'extrême difficulté et l'extrême variété de notre législation fiscale. Cela contribue au coût élevé du recouvrement.

Le décalage entre le contrôle fiscal et le recouvrement a été évoqué. Il est vrai que certaines créances consécutives au contrôle fiscal se retrouvent finalement en non-valeur. Cette situation s'explique largement par l'utilisation du dépôt de bilan par les entreprises et par le recours aux procédures collectives d'apurement du passif. A partir du moment où des créances du trésor relèvent de ces procédures, nous devons nous borner à déclarer le montant des créances en cause et attendre la fin des procédures qui, en règle générale, s'avèrent impécunieuses. Cela explique, en grande partie à mon sens, le décalage entre une taxation et son encaissement. Si on excepte cet aspect, le taux de recouvrement du contrôle fiscal est tout à fait satisfaisant.

M. Roland Pontiroli : Quand nous avons commencé à réfléchir dans le cadre de la mission 2003 à la notion de guichet unique, il fallait, pour nous, d'abord permettre de réaliser la liaison, d'un intérêt évident, entre notre système informatique, dit RAR, et celui de la DGI, dit ILIAD. Avec nos collègues des services fiscaux, nous avons admis que si cette liaison était faite, nous pourrions résoudre une grande partie les problèmes des contribuables, à un guichet unique, dans les trésoreries. En particulier toutes les demandes gracieuses et contentieuses sur la taxe d'habitation, qui ne demandent pas une connaissance exhaustive du code général des impôts, pourraient être traitées dans nos trésoreries à moindre coût. A titre anecdotique, j'indique qu'une expérience a eu lieu sur le département de la Côte d'Or avec mon collègue Royer. Elle s'est révélée satisfaisante.

M. Jean-Jacques Jégou : Je veux revenir sur la question du Rapporteur général de la suppression éventuelle des services du recouvrement et de l'épargne et de la création de nouveaux services de prestations aux élus, au sein de la Comptabilité publique, qui est prévue par la Mission 2003. Considérez-vous que la fonction de conseil telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui au quotidien au profit des collectivités locales (paiements des mandats, suivi de trésorerie, etc.) est convenablement réalisée, à la satisfaction des élus ? Considérez-vous avoir les moyens de mettre en _uvre ces missions actuelles ?

M. Francis Delattre : Vous êtes dans un secteur intéressant, à la fois urbain et rural. On a coutume de dire, notamment pour les vérifications approfondies, qu'il vaut mieux être dans les Hauts-de-Seine ou en Seine-Saint-Denis qu'à Châtillon-sur-Seine, parce que la fréquence des contrôles y serait beaucoup plus faible. Avez-vous le sentiment que le « suivi fiscal » en milieu urbain est aussi efficace qu'en milieu rural ?

J'ai l'impression que tout le monde approuve un guichet unique qui avantage le citoyen contribuable et admet le bon sens de cet aspect de la réforme, mais nous allons buter sur la question du maillage. Nous sommes quelques-uns à considérer, quand j'entends vos chiffres, à Chenôve par exemple, vous êtes douze pour 60.000 habitants...

M. Roland Pontiroli : L'ensemble compte 45.000 habitants.

M. Francis Delattre : Je suis dans un secteur de 100.000 habitants où il n'y a que sept agents, parce qu'il est urbain et n'a connu son développement que ces vingt dernières années. Il est difficile d'avoir des moyens pour une gestion de proximité dans ces secteurs urbains récents. Il y a là un problème de carte, comme en matière judiciaire par exemple. Il faut être conscient qu'il y aura là des efforts à faire.

Selon vous, combien de temps faudra-t-il pour avoir un système informatique compatible entre la DGI et la Comptabilité publique ?

Mme Nicole Bricq : Ma question s'adresse à M. Pontiroli. Il est en zone sensible. Dans ma circonscription, j'ai un secteur rural ainsi qu'un secteur urbain.

D'après vos collègues que j'ai rencontrés à plusieurs reprises, le problème de la proximité se pose aujourd'hui de façon aiguë dans les quartiers très urbains et sensibles. « Nombre de personnes viennent payer leurs impôts par petites fractions », me disent-ils. C'est donc plutôt dans ces zones que devraient être accentuées les relations de proximité.

Quel est votre sentiment ? Cela me paraît être un élément important de la réforme de l'administration fiscale.

M. Roland Pontiroli : Je répondrai en premier lieu à la question de M. Jégou sur l'appréciation de notre rôle vis-à-vis des ordonnateurs des collectivités locales. Je crois qu'il faut affiner l'analyse. Oui nous avons des moyens pour le paiement des mandats, et pour un conseil ponctuel sur un marché, sur un dossier ou sur des pièces justificatives. Je serai beaucoup plus nuancé sur l'analyse financière, car nos programmes ne sont pas encore, malheureusement, totalement fiables. De plus, notre formation n'est pas ce qu'elle devrait être.

Quant aux besoins de proximité pour les personnes en difficulté évoqués par Mme Bricq, le trésorier a, là, un rôle important à jouer. Il n'est pas seulement encaisseur d'impôts, mais bien souvent assistant social. Pour la mise en place du guichet unique, il faudrait rappeler que les personnes en difficulté n'ont pas seulement des dettes fiscales, mais aussi des produits communaux à régler, de garderie, de crèche et des redevances de télévision. Quand elles viennent nous voir, il est nécessaire de connaître tous ces éléments pour leur répondre. Avec un guichet unique fiscal, on va davantage compliquer la tâche de ces citoyens. Ils iront au guichet du futur hôtel des impôts pour régler leurs problèmes fiscaux, mais continueront à venir nous voir tous les jours pour les autres produits.

Mme Nicole Bricq : La redevance audiovisuelle pourrait être supprimée.

M. Jean-Christophe Royer : J'ai cru lire dans le rapport de la mission 2003 l'existence d'un projet de rénovation totale de l'informatique, s'étalant sur sept ans. Je ne suis pas un spécialiste, je ne peux pas contester cette durée, mais elle me paraît suffisante pour installer des systèmes parfaitement compatibles.

Le NIR, pour nous, au quotidien, sera très important. Il va nous permettre de travailler de manière beaucoup plus efficace. Nous aurons un numéro d'identifiant unique. Nous avons commencé à préparer le terrain, puisque nous avons essayé de rapprocher les fichiers INSEE avec les nôtres, notamment notre fameux fichier FRP. Ce sera très intéressant pour nous sur le plan technique.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Nous avons eu un débat avec la CNIL au sujet du NIR. L'application, par un décret récent en Conseil d'Etat, vous paraît-elle efficiente ?

M. Jean-Christophe Royer : Sous réserve d'une observation sur la durée, c'est ce que nous attendions depuis très longtemps.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Cela correspond-il à votre attente ?

M. Jean-Christophe Royer : Oui.

Je reviens aux différences d'intensité des vérifications dans les régions urbaines et rurales ; cela rejoint la question du maillage. J'ai travaillé en tant que vérificateur en région parisienne. Quand je suis revenu en Bourgogne, comme chef de brigade, j'ai pu constater la différence. Pour être tout à fait honnête, le contrôle fiscal en Côte d'Or bénéficie de moyens nettement plus considérables qu'en région parisienne par rapport au nombre d'entreprises. En région parisienne ou dans les grandes concentrations urbaines, on assiste par ailleurs à un mouvement des entreprises quasi permanent, avec beaucoup de cessations, de transferts, de créations, de fusions-absorptions, etc, qui rendent difficile un suivi complet de la fiscalité professionnelle. Dans une région comme la nôtre, il existe une certaine stabilité des entreprises, mais aussi des agents. Ils connaissent bien le terrain. Ce terrain est maîtrisable, on arrive à l'appréhender, alors qu'en région parisienne, il est beaucoup plus difficile de maîtriser son secteur.

A propos de la question relative aux quartiers sensibles, nous avons hier commencé la campagne d'impôt sur le revenu. Nous recevons environ 15.000 personnes à Dijon, en dix ou onze jours ouvrés, ce qui est énorme. Nous mettons en place une structure assez lourde avec des renseignements téléphonés et des agents à la disposition du public. L'expérience d'accueil du public montre, qu'en grande partie, il s'agit de personnes en difficulté sociale, pour lesquelles l'illettrisme étant parfois présent, les agents doivent rédiger eux-mêmes les déclarations. A l'opposé, d'autres personnes, aussi, demandent à bénéficier d'avantages fiscaux, comme la loi Besson ou le dispositif Périssol auparavant, ou relatifs aux revenus fonciers.

Ce service de proximité est absolument indispensable. Actuellement, nous avons des problèmes avec la contribution représentative du droit de bail. Sur dix demandes de contribuables, sept ou huit questions sont aujourd'hui relatives aux revenus fonciers, du fait d'une mauvaise compréhension de la législation. Les personnes concernées possèdent un patrimoine et jouissent de revenus fonciers et ne sont donc pas en difficulté sociale. Ils sont pourtant demandeurs d'explications, ou d'une aide pour rédiger leur déclaration. En contrepartie, nous avons le besoin de former nos agents. La loi de finances paraît fin décembre, nous avons deux mois pour les former. Certains ont de réelles difficultés à assimiler les nouvelles mesures. L'accueil du public en milieu rural comme en milieu urbain constitue un besoin énorme de la part de la population.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : J'ai cinq petites questions qui peuvent appeler de votre part des réponses rapides.

La première à M. Pontiroli sur un sujet qui correspond à certaines préoccupations. Que représente la part de la collecte de l'épargne dans la rémunération des trésoriers, notamment dans les primes, alors que cette activité va être supprimée ?

Le rapport de MM. Bert et Champsaur indique que certaines simplifications fiscales entraînent parfois davantage de complexité pour les agents chargés de les mettre en _uvre. En avez-vous fait l'expérience ? Ainsi, comment avez-vous géré les récentes simplifications fiscales, comme celle relative au droit au bail, qui semble ne pas avoir été une réussite, tout au moins au début ? Etiez-vous préparés à cette évolution ? Dans vos services, quels impôts vous semblent les plus complexes à gérer et quelle mesure de simplification de la loi fiscale, serait, selon vous, la plus bénéfique en France ?

Le rapport de MM. Bert et Champsaur préconise la suppression du timbre comme moyen de paiement. Le Gouvernement n'a pas annoncé de décision à ce sujet, cette mesure vous semble-t-elle d'application rapide  et aisée ? Quelle est votre expérience du paiement par timbre ?

Nous allons avoir une audition à ce sujet, mais l'un d'entre vous a-t-il participé au recouvrement de la redevance audiovisuelle ? Quelles seraient vos suggestions, au regard du coût élevé de son recouvrement et de l'ampleur de la fraude, qui posent, pour certains d'entre nous, le problème de l'amélioration du recouvrement, voire de l'existence même de cet impôt ?

Nous avons adopté une disposition, dans la dernière loi de finances, tendant à imposer la motivation préalable de l'ensemble des pénalités fiscales. Il semble qu'il y ait une certaine réticence envers cette nouvelle règle. Pourriez-vous nous dire si cette disposition a fait l'objet d'une mesure d'organisation particulière en Côte d'Or et quelle méthode il convient d'employer ?

M. Roland Pontiroli : Quelle part représente, dans les revenus d'un trésorier, la collecte de l'épargne ? Il est difficile de répondre de façon générale, car, à chaque poste correspond une situation particulière. En moyenne, elle peut représenter de un à trois mois de salaire.

M. Alain Gaiffe : Techniquement, la suppression du paiement par timbre ne poserait pas de problèmes particuliers, mais soulève celui de la rémunération accessoire des débitants de tabac, fondée sur la vente de ces timbres. Hormis cet aspect, qui n'est pas sans importance, il ne devrait pas y avoir de difficultés majeures.

Quant à la complexification des simplifications administratives, l'année 1999 a été faste, dans la mesure où nous avons eu à faire face à la modification du régime simplifié en matière de TVA, qui s'est avérée extrêmement lourde, parce que très mal comprise par les entreprises, voire par les agents. Les problèmes vont perdurer, notamment lorsque les entreprises seront amenées à déposer leur déclaration annuelle de régularisation. Une boutade : pour vérifier les acomptes déclarés par l'entreprise, il faudra, en gros, cinq consultations successives pour être à peu près sûr du montant.

En ce qui concerne le virement direct à la Banque de France, la situation est un peu la même. L'idée est bonne puisque le paiement par virement direct fait gagner de trois à cinq jours à la trésorerie de l'Etat. En revanche, la gestion de ces virements s'avère assez complexe, dans la mesure où l'appariement automatique ne concerne environ que 70% des entreprises concernées. Pour le reste, il faut effectuer des recherches incessantes, pour les déclarations non déposées et les virements non correctement réalisés qu'il est impossible d'apparier. C'est un peu comme pour le paiement par carte bancaire qui est un plus apporté à l'usager mais implique un suivi particulièrement lourd, pour les réseaux comptables de la DGI.

L'année 1999, qui devait apporter des gains de productivité, s'est avérée plutôt négative. Nous avons ressenti un surcroît de travail. A l'avenir, il en ira peut-être différemment.

M. Jean-Christophe Royer : En ce qui concerne les simplifications fiscales, on peut évoquer la mise en place du nouveau régime des micro-entreprises en début d'année. Pour avoir eu des échanges avec les experts comptables, je peux témoigner que la plupart d'entre eux ont conseillé à leurs clients d'opter pour un régime réel d'imposition, car l'abattement proposé en régime micro n'est pas suffisamment attrayant. Des contribuables dans le champ du régime des micro-entreprises ont opté pour un régime réel d'imposition, ce qui induit des charges de gestion pour les services.

J'ai évoqué le droit de bail. L'année dernière, on a expliqué aux contribuables qu'il n'y avait pas de double taxation. Il a fallu faire preuve de persuasion, cela n'a pas été évident. Cette année, on leur dit qu'ils vont avoir droit au remboursement. L'explication risque d'être difficile à faire admettre, car le discours précédent était totalement inverse.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : La création du régime micro foncier a-t-elle été utile ?

M. Jean-Christophe Royer : Honnêtement, peu de personnes ont opté pour ce régime, l'année dernière. Je pense que cette année avec le relèvement de 30.000 francs à 60.000 francs des loyers servant à la limite du régime et celui de l'abattement porté de 33 1/3% à 40%, l'intérêt des contribuables sera plus grand. Là encore, il est important de former des agents, à la réponse à faire aux contribuables : « Si vous envisagez des travaux dans les 3 ans, le micro foncier n'est pas pour vous », puisque le micro-foncier est applicable sur une période de trois ans. Je crois que le régime micro-foncier sera plus utilisé cette année, car il y a eu mise en place, pour ce régime, de ce que les professionnels attendent toujours pour le régime des micro-entreprises, c'est-à-dire le relèvement des taux d'abattement.

S'agissant des impôts les plus complexes à gérer dans un centre des impôts comme celui de Dijon sud, je placerai au premier rang la taxe professionnelle. Je pense que cela n'est pas de nature à vous étonner. Cet impôt est très compliqué, malgré les importantes mesures intervenues au plan technique et qui vont dans le bon sens. Pour les établissements industriels, dont le mode de calcul particulier s'appelle modèle U, la difficulté demeure. Nous organisons des stages, nous sensibilisons nos agents, mais nous avons des difficultés à assurer complètement cette partie de notre mission.

L'impôt dont la simplification présenterait le plus d'intérêt est donc la taxe professionnelle. J'ajouterai aussi l'impôt sur le revenu. Certains de mes agents de catégorie C ont du mal à bien appréhender les subtilités des lois de finances. Actuellement, dans un secteur d'assiette, un agent de catégorie C, qui gère l'impôt sur le revenu, doit faire chaque année un investissement très important, alors qu'on lui a demandé déjà de s'impliquer pour le fonctionnement d'ILIAD, l'application informatique dont je vous parlais tout à l'heure. Je ressens, dans ce secteur, un phénomène de lassitude, voire de ras-le-bol. L'impôt sur le revenu pose d'énormes problèmes également au public. Les 15.000 visites que nous allons traiter, les 10.000 coups de téléphone en témoignent.

Enfin, concernant la motivation préalable des pénalités fiscales, nous avons déjà mis en place, depuis quelque temps, avec nos systèmes informatiques, même s'ils datent de l'âge de pierre selon certains, des motivations pré-imprimées dans des fichiers et systématiquement nous les adressons.

Mme Nicole Bricq : On nous a dit qu'il y avait eu énormément de recrutements ces dernières années, notamment d'agents de catégorie C, ce qui pose sans doute des problèmes en matière de formation. Ces recrutements ont-ils été réalisés par souci d'économie ou pour répondre à la demande ? Nous constatons en vous écoutant que la difficulté d'adaptation des agents devrait être aggravée par la réforme.

M. Jean-Christophe Royer : Il est vrai que beaucoup d'agents de catégorie C ont été recrutés ces dernières années. Le problème est aussi, et ceci n'est pas sans lien avec la crise économique et le chômage massif, qu'il y a de plus en plus d'agents de catégorie C surdiplômés. Il y a donc des agents qui sont présents depuis quelques années et qui peuvent avoir des problèmes de compréhension. D'autres sont sous-utilisés. Avec ces deux extrêmes, la gestion du personnel, dans un centre des impôts, n'est pas facile à mener tous les jours. Lors d'actions de formation, nous le constatons, une partie des agents va très bien suivre et réagir, et l'autre aurait presque besoin de cours particuliers. C'est une situation que l'on rencontre quotidiennement. J'ai actuellement des contrôleurs stagiaires, qui normalement doivent être recrutés au niveau du bac, et qui le sont tous avec un bac + 4 ou + 5.

M. Francis Delattre : C'est le cas aussi dans les administrations territoriales.

M. Jean-Jacques Jégou : Vos collègues nous ont fait part de leur crainte de ne pas voir l'administration bénéficier de moyens suffisants de formation. Le confirmez-vous ? La gestion du personnel n'est-elle pas non plus un frein à la mutation et à la modernisation des réseaux ?

M. Jean-Christophe Royer : Pour un centre des impôts comme le mien, le problème est un peu différent de ceux de la Comptabilité publique. Nous devrions récupérer, avec la réforme, le recouvrement de l'impôt actuellement assuré par le trésor. Nous avons un savoir-faire en la matière, puisque nous avons déjà un réseau comptable. Cela ne devrait donc pas poser trop de problèmes.

La nouvelle organisation, prévue avec un front office, c'est-à-dire des agents chargés d'accueillir le public et de régler les problèmes de premier niveau, ne nécessite pas non plus une formation d'expert. En revanche, le back office est totalement différent. Il nécessite une technicité très importante en matière de fiscalité professionnelle. Il faut être clair : un spécialiste de la fiscalité professionnelle doit être comptable, un peu juriste et fiscaliste bien sûr. C'est quelque chose de très, très pointu. Une des craintes des agents est là : ceux qui travailleront au front office se sentiront dévalorisés par rapport à ceux qui travailleront au back office pour assurer des missions beaucoup plus enrichissantes et valorisantes intellectuellement.

D'un autre côté, je suis persuadé, que pour bien répondre, il faut une bonne connaissance généraliste pour reprendre la terminologie du rapport qui associe front office au médecin généraliste et back office au spécialiste. Or un bon généraliste a des connaissances étendues. Certains agents craignent donc de se retrouver devant le public, ce qui n'est pas évident. C'est une mission difficile : on vous pose une question, il faut répondre.

Le Président Augustin Bonrepaux : Je vous remercie de vos réponses et de vos renseignements qui nous permettront de mieux comprendre la réforme en cours et d'envisager des améliorations. Je tiens à vous remercier d'avoir fait le déplacement.

5.- Audition de M. Michel Gobbo,
trésorier-payeur général,
chef du service de la redevance de l'audiovisuel

(Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 15 juin 2000)

Présidence de M. Jean-Pierre Delalande, Président

Le Président Jean-Pierre Delalande : Nous avons le plaisir d'accueillir M. Michel Gobbo, trésorier-payeur général, chef du service de la redevance de l'audiovisuel, qui est venu accompagné de son adjoint et de quatre de ses cinq chefs de centre, à savoir ceux de Toulouse, Rennes, Lille et Strasbourg. L'usage est qu'il n'y a pas d'exposé introductif - c'est-à-dire que nous passons immédiatement aux questions de notre Rapporteur général et des membres de la mission - et que l'échange s'efforcera d'être le plus concret et alerte possible.

Nous sommes aidés dans notre tâche par la Cour des comptes qui est ici représentée. Vous le saviez sans doute, mais je vous le confirme. Ces séances sont publiques et ouvertes à la presse et à qui veut y assister.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Monsieur le trésorier-payeur général, nous sommes heureux de vous rencontrer et que vous ayez effectivement jugé utile de vous faire accompagner. C'est une bonne chose. Cela pourra nous permettre éventuellement d'élargir un certain nombre de questions.

Nous aimerions tout d'abord que vous nous présentiez très rapidement votre service avec des éléments chiffrés, pour que nos collègues soient informés des réalités existantes.

M. Michel Gobbo : Le service de la redevance, intégré depuis 1975 au ministère des finances après l'éclatement de l'ORTF entre différentes sociétés, est géré par un service central à Paris dont l'effectif est de 50 personnes, et cinq centres répartis sur le territoire, ceux que vous avez cités tout à l'heure plus Lyon.

Nos emplois budgétaires s'élèvent actuellement à 1.433, ce qui représente sur le terrain un peu plus d'agents, étant donné que nous avons beaucoup de temps partiels, de rompus, de gens qui viennent de manière épisodique. Nous avons donc 1.470 à 1.480 agents sur le terrain.

Notre budget est de 482,4 millions de francs. Il est en diminution par rapport à l'année dernière et est stabilisé depuis trois ans.

Ce service gère actuellement un peu plus de 21 millions de comptes de redevance au plan national, qui se décomposent en 3,5 millions de comptes exonérés et un peu plus de 18 millions de comptes payants, la majorité d'entre eux étant bien entendu des comptes de télévision couleur. Le noir et blanc ne revêt donc plus qu'un caractère résiduel. Il doit en exister encore environ 160.000 payants.

Sur les 3,5 millions de comptes exonérés que je viens de citer, il y en a 2,9 millions au titre des personnes âgées. Les autres catégories d'exonération se répartissent entre les personnes handicapées et, dernière catégorie qui s'est créée, les personnes bénéficiant du Fonds national de solidarité vieillesse (FNSV).

L'activité du service est double, pour la résumer : d'une part, la gestion de cet important fichier de redevables qui s'effectue dans les centres, où sont affectées près de 1 050 personnes, le plus important étant Rennes où 350 agents travaillent encore.

C'est l'activité gestion de l'assiette et gestion des encaissements.

Nous avons équipé nos centres, en particulier les plus gros, de dispositifs performants de gestion des encaissements, de façon à alimenter le plus régulièrement possible la trésorerie des sociétés bénéficiaires.

La deuxième composante de notre activité, ce sont les activités des circonscriptions de contrôle réparties dans 16 divisions et 78 circonscriptions de contrôle, qui ont une double tâche : d'une part, lutter contre la fraude à travers des actions que nous appelons la recherche des postes non déclarés, qui se fait essentiellement par rapprochement de fichiers (fichier de la taxe d'habitation et fichier de la redevance), procédure qui a été autorisée par le Parlement à la fin de l'année 1996 et que nous mettons en _uvre depuis 1998. Ce sont les premiers volets de notre activité de lutte contre la fraude.

Le deuxième volet de ces circonscriptions de contrôle, indépendamment d'un accueil du public au plan départemental, c'est assurer le relais des centres pour la mise à niveau du fichier d'assiette à travers la réalisation d'enquêtes.

Le produit de tout ceci, ce sont des ressources annuelles procurées aux sociétés de l'audiovisuel. Notre objectif pour l'année est de 13,6 milliards de francs. Notons que nous avons eu des résultats en augmentation, sur les dernières années, par rapport aux périodes précédentes, puisque nous avons pratiquement ouvert un million de comptes supplémentaires sur les deux dernières années. Ainsi, lorsque le produit de la redevance sur la période récente augmente de 4,5%, 3,3% sont imputables à l'efficacité déployée par les agents du service, d'une part, dans la gestion des encaissements, dans le maintien à niveau du fichier d'assiette et, d'autre part, dans la lutte contre la fraude. Ceci a permis, jusqu'à maintenant, de limiter les augmentations annuelles du taux de la redevance.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : On aura peut-être l'occasion tout à l'heure de revenir sur quelques questions existentielles, même si cela ne relève pas obligatoirement de votre responsabilité, mais de la nôtre.

Vous venez de rappeler que vous avez un budget de l'ordre de 480 millions de francs en arrondissant - c'est le budget officiel -, ce qui permet de tirer un certain nombre de conclusions, et de ratios comme le taux d'intervention. Cependant, un récent rapport de l'inspection générale des finances indique que le coût réel de votre service est en fait plutôt de l'ordre de 900 millions de francs. Le ratio n'est, dans ces conditions, plus le même et passe donc du simple au double.

Pourriez-vous nous donner votre appréciation sur cette observation de l'Inspection générale des finances ?

M. Michel Gobbo : Sur la période récente, j'ai toujours pris la précaution d'analyser le coût du service. Je parlais toujours du coût du service étant donné que ce sont les charges qui sont effectivement dans le budget du service.

On a bien diminué ce ratio, puisqu'on était rendu aux alentours de 3,55% pour l'année 2000. Lorsque la mission d'enquête de l'inspection générale des finances, qui s'est déroulée l'année dernière, a analysé l'ensemble des données de gestion du service, elle a fait remarquer que deux éléments principaux échappaient à la prise en compte des coûts des services :

1. D'une part, la gestion du recouvrement contentieux de la redevance par le réseau du trésor public, puisque les activités de recouvrement de la redevance s'arrêtent au niveau de la notification du commandement. Le relais est ensuite pris par le réseau des postes comptables du trésor, à travers les perceptions, au moyen de ce qu'on appelle des états de poursuite extérieure, sur la plupart du territoire, sauf Paris et la Seine-Saint-Denis pour laquelle nous avons des huissiers de justice.

L'inspection générale des finances a conduit une étude avec la direction générale de la comptabilité publique cherchant à établir une estimation, non seulement du coût des personnels occupés à cette activité, mais également du montant des frais de poursuites exposés, puisqu'il y a des frais d'acte à l'occasion de ces poursuites. On a estimé ce montant à 300 millions de francs. C'est le premier volet principal.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Pour un retour sur investissement de combien ? Quelles recettes sont tirées de ces poursuites ? On retrouve combien de gens qui ne paient pas ?

Il y a 300 millions de francs qui consistent en personnels chargés du contentieux et en frais d'instance. Cela rapporte combien, si j'ose dire ?

M. Michel Gobbo : Je n'ai pas le chiffre en tête, mais je crois que c'est de l'ordre du milliard. C'est en fait tout ce que nous avons dans nos comptes sur le recouvrement sur exercices antérieurs.

2. Le deuxième volet qui est généralement laissé de côté pour le calcul des coûts, ce sont les charges sociales. L'inspection générale des finances a expliqué que, si le service avait son autonomie complète, ce serait à lui d'assumer les charges sociales, les cotisations de sécurité sociale, les cotisations patronales, etc., et a chiffré ces éléments à environ 100 millions de francs. Cela modifie effectivement la perspective : il s'agit non plus du coût du service, mais du coût de la redevance.

Et l'inspection générale des finances a fait une comparaison avec le taux d'intervention qu'elle avait relevé dans les études précédentes en matière de fiscalité générale, mais j'ai toujours eu tendance à considérer que la comparaison était un peu audacieuse, dans la mesure où nous avons un produit qui est à 751 F. On ne peut pas « lutter » en terme de coût et faire une comparaison avec une taxe d'habitation, dont on sait que le montant moyen est largement supérieur à 2.000 ou 2.500 F. Le coût de la redevance sera donc forcément toujours très défavorable en valeur relative par rapport aux autres impositions.

Il y a un deuxième volet dans cet aspect que j'ajoute toujours, c'est combien coûte un compte de redevances, aussi bien à partir du coût budgétaire du service que du coût déterminé, en intégrant les données de l'inspection générale des finances. Le coût est actuellement de 23,50 F. Même si on rajoute les 300 millions de francs évoqués tout à l'heure et les 100 millions de francs, même si on doublait à la limite ce coût, ce qui pourrait le faire passer à 40 F, il serait intéressant de le rapprocher de ce que coûte effectivement le total « assiette plus recouvrement » des impôts comparables ou des recettes d'Etat comparables. Je pense que le dispositif serait, à ce moment-là, à peu près équilibré pour la redevance.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Deux questions complémentaires sur le coût de gestion du service de la redevance : vous venez de nous dire que vous aviez une double activité, la première étant la gestion d'un fichier important. La question pourrait se poser de l'intérêt d'avoir un fichier des personnes qui ont un poste de télévision parce que cela représente à peu près 95% des foyers.

M. Michel Gobbo : Absolument.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Quelle est la part du temps que vous consacrez à la gestion de ce fichier, qui est effectivement important dans le cadre du travail qui est fait au niveau de votre service ?

M. Michel Gobbo : Je ne suis pas certain de pouvoir répondre exactement sur la part du temps. Sur le volume de moyens que nous mettons en ligne pour gérer ce fichier, sur les 1.433 emplois de la redevance, 410 sont dans les circonscriptions de contrôle et un peu plus de 1.000 sont dans les centres. Environ 200 à 210 situés dans les centres de la redevance sont affectés à des tâches d'encaissement, les autres étant pour l'essentiel affectés à ce que vous venez d'indiquer, les tâches d'assiette, avec un double volet dans ces tâches d'assiette, la gestion de tous ceux qui ont déménagé, les déclarations des radioélectriciens intégrés...

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Cela voudrait dire de l'ordre de 800 personnes qui s'occupent de cela ?

M. Michel Gobbo : Oui, tout à fait, et qui s'occupent aussi des exonérations, qui s'occupent de ce fichier. 800 personnes. Il est surprenant de constater que nous recevons bon an mal an, tous les ans - c'est un sujet qui fait beaucoup écrire nos concitoyens -, 4,4 millions de lettres à traiter dans le service.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : C'est La Poste qui doit être contente !

M. Michel Gobbo : Il est vrai que nous avons beaucoup d'opérations qui sont liées au problème de détention : j'ai un poste de télévision, je ne l'ai plus, il ne marche plus, je ne reçois pas, etc.

Et nous avons tout le courrier qui est lié aux exonérations. Vous savez qu'il y a un régime de droit acquis et un nouveau régime qui nous a valu beaucoup d'ennuis avec les personnes âgées qui disent : je ne comprends pas, Madame Untel y a droit, moi-même je n'y ai pas droit... Tout cela constitue beaucoup de littérature et beaucoup de travail pour les services de gestion, les 800 personnes que je vous ai indiquées, et ces personnes travaillent à temps complet sur le sujet.

Mme Nicole Bricq : C'est vraiment du temps perdu.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Oui, on peut effectivement s'interroger sur l'utilité de cette tâche. Cela dit, c'est une autre question.

Je reviens au même rapport de l'inspection générale des finances sur le coût, l'efficacité et les perspectives d'évolution du service de la redevance audiovisuelle. Ce rapport considère que, si les résultats bruts du service au plan de l'assiette et du recouvrement sont globalement satisfaisants, l'organisation et le fonctionnement des centres régionaux ne dégage pas encore les gains de productivité attendus, et le rapport insiste sur un déséquilibre entre les effectifs des centres et le nombre de comptes gérés. Il insiste aussi sur des écarts significatifs de ratios d'activité. Comment pouvez-vous expliquer ces observations ? Quel est votre sentiment là-dessus ?

M. Michel Gobbo : Sur le fonctionnement des centres, en premier lieu : nous avons réduit les effectifs de 25% sur les dix dernières années. Il y avait 2.000 agents dans les services de la redevance il y a environ dix ans, et nous sommes maintenant à 1.433. Les réductions ont jusqu'à maintenant plutôt porté mécaniquement sur les centres, puisque c'est là que nous avions eu les gains de productivité les plus importants avec l'introduction du télétraitement. L'inspection générale des finances a constaté que nous avons sans doute eu une approche trop mécanique dans les suppressions d'emplois passées, n'ayant pas suffisamment pris en compte l'évolution du fichier de base à travers tous les comptes que nous avons ouverts.

Ceci dit, on a un ratio « nombre de comptes gérés par agent » qui présente des écarts en fonction des différents centres, la moyenne nationale étant de l'ordre de 36.000 comptes.

La prochaine étape, telle que je la vois pour corriger ce qui a été relevé par l'inspection générale des finances, c'est une modernisation de l'outil de gestion informatique de la redevance. Nous fonctionnons actuellement avec des dispositifs de fichiers séquentiels de type BATCH, ce qui correspond à une informatique qui date des conceptions de la fin des années 1970. Il nous faut passer dans un système de base de données qui va nous permettre de faire disparaître les courriers et de moderniser les différents aspects de tous ces courriers que nous avons à traiter. C'est à ce moment-là que nous allons retrouver de nouvelles marges de man_uvre pour pouvoir repositionner de manière plus rationnelle les effectifs qui sont en place.

Mais, dans la phase actuelle, nous ne sommes pas en mesure de dégager des moyens importants sur les centres. Nous avons eu, ces dernières années, 30 suppressions d'emplois tous les ans. Nous en avons encore eu 8 cette année. Compte tenu des charges liées au nouveau régime d'exonération, nous avons fait porter l'effort de suppression d'emplois sur les circonscriptions de contrôle plus que sur les centres. Je confirme le diagnostic de l'inspection générale des finances sur les centres en le nuançant dans la mise en _uvre parce qu'il nous faut moderniser nos outils informatiques pour passer à l'étape suivante, un peu à l'image des outils informatiques du ministère des finances tels qu'on en a entendu parler dernièrement.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Pour terminer sur l'informatique, quel serait le budget prévisionnel de telles mesures ?

M. Michel Gobbo : Cela n'aurait qu'un impact tout à fait limité sur le budget. C'est à moyens constants qu'il faut développer cette affaire.

Le Président Jean-Pierre Delalande : J'ai deux questions : quelle est la pyramide des âges ?...

M. Michel Gobbo : 20% des agents ont plus de 55 ans et 40% ont plus de 50 ans. Lorsque je rencontre les personnels, je leur dis toujours qu'ils sont expérimentés.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Et comment se répartissent-ils entre les catégories A, B et C ?

M. Michel Gobbo : Il y a 15% dans la catégorie A, 20% dans la catégorie B et le reste de l'ensemble en catégorie C. Nous avons un surencadrement. Je pense que vous l'avez vu.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Pour compléter la question du président, l'inspection générale des finances a relevé que le service lui apparaissait manifestement surencadré.

M. Michel Gobbo : C'est le cas au niveau des circonscriptions de contrôle parce que l'évolution du métier dans les 78 circonscriptions de contrôle a quand même été considérable. On est passé d'un métier où la recherche des postes non déclarés se faisait essentiellement par des relevés de noms sur des boîtes à lettres, à un croisement de fichiers informatiques. Donc, nous y avons supprimé des emplois. Nous avons maintenant des outils modernes et nous avons des petites structures dans lesquelles il y a deux ou trois personnes.

On retrouve la problématique, certes un peu différente, du réseau rural des postes comptables du trésor public. On retrouve des petites unités avec deux ou trois agents pour lesquels je suis convaincu qu'on peut s'organiser et travailler différemment, non pas en supprimant forcément des circonscriptions, parce que je crois qu'il faut garder la proximité de l'usager, mais plutôt en redistribuant les tâches entre les agents de catégories A et les agents de catégories B, et en valorisant mieux les agents de catégorie A.

J'ai en chantier - je l'avais avant l'arrivée de l'inspection générale des finances et je suis en train de la mener à bien - une opération de réorganisation des divisions et circonscriptions de contrôle de la redevance, de façon, premièrement, à rétablir un ratio d'encadrement qui soit plus conforme à ce qu'on rencontre dans les services du trésor et, deuxièmement, à faire en sorte que les cadres A aient des travaux plus intéressants et plus valorisants que d'encadrer une petite équipe de deux ou trois personnes. Nous avons là encore des marges de progression.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Votre fichier, qui regroupe 95% des Français - c'est quand même une grosse affaire -, n'est utilisé que pour la redevance ?

M. Michel Gobbo : Oui.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Il n'y a aucun pont avec quelque chose d'autre ?

M. Michel Gobbo : Non.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Et quelles sont vos relations avec la Commission nationale de l'informatique et des libertés ?

M. Michel Gobbo : Tout ce qui a été fait se fait en relation avec la CNIL. Toute l'opération de croisement de fichiers de taxe d'habitation a été extrêmement encadrée et réglementée par la CNIL, avec un mode opératoire tout à fait précis sur le ciblage et l'exécution des opérations. Il n'y a aucune ambiguïté là-dessus. Les opérations se déroulent sur six mois, les fichiers doivent être détruits au bout de six mois. Tout a été vu avec la CNIL.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Toutes les procédures sont habilitées au préalable par la CNIL ?

M. Michel Gobbo : Tout à fait.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Je voudrais revenir sur le contrôle et la fraude. L'inspection générale des finances évalue là aussi la fraude à 16,7% : 10,9% pour les résidences principales et plus de 65% pour les résidences secondaires. Vous dites que vous renforcez le contrôle, mais l'inspection générale des finances observe dans le même temps que les résidences secondaires ne sont pratiquement pas contrôlées pour des raisons juridiques - il y a toute une jurisprudence du Conseil d'Etat -, parce qu'il suffit que le détenteur d'un appareil récepteur de télévision précise que le récepteur est utilisé de façon intermittente dans sa résidence secondaire pour que le service soit tenu de ne pas taxer.

M. Michel Gobbo : Absolument !

M. Migaud, Rapporteur général : Cela nous permet d'avoir là aussi des interrogations sur le contrôle proprement dit.

De plus, l'inspection générale des finances observe qu'un contrôle efficace devrait en pratique se dérouler en dehors des jours ouvrables ou au cours des mois de juillet et d'août pour maximiser les chances de rencontrer les redevables concernés, sinon vous êtes devant des portes closes. Or les opérations de recherche des postes non déclarés sont suspendues, semble-t-il, d'après le rapport de l'inspection générale des finances, pendant ces périodes.

Cela explique pourquoi il peut y avoir près de 66% de fraude pour les résidences secondaires puisque, pour des motifs à la fois juridiques et pratiques, comme l'a relevé l'inspection générale des finances, vous ne pouvez pas faire les contrôles nécessaires. Avez-vous là aussi des propositions de réorganisation à faire ou des suggestions à formuler ?

M. Michel Gobbo : Deux éléments sur les résidences secondaires : premièrement, il est vrai qu'on est actuellement incapable, dans les fichiers actuels de la redevance tels qu'ils ont été conçus, de distinguer un compte ouvert au titre d'une résidence secondaire d'un compte ouvert au titre d'une résidence principale. Nous avons une première difficulté : le chiffrage exact du nombre de comptes dans les résistances secondaires.

On avait fait dans les années passées des simulations, des recherches et des tests pour essayer de déterminer combien on avait de comptes de résidences secondaires. C'est un sujet dont on a beaucoup débattu avec l'inspection générale des finances. On avait estimé qu'on en avait entre 150.000 et 200.000 et l'inspection générale des finances a estimé qu'il y en avait beaucoup plus. La vérité doit se situer quelque part entre les deux. On remettra cela à plat le jour où on aura une base de données, et on aura la photo.

Deuxièmement, il est vrai que je n'ai pas mis la pression très fort sur mes collaborateurs au sujet des résidences secondaires. J'ai clairement privilégié les résidences principales, dans la mesure où la réglementation est telle que, si le redevable affirme : « Je ne détiens pas le poste en permanence dans ma résidence », il est impossible de démontrer le contraire, la preuve négative n'existant pas. Nous sommes donc démunis de toutes armes sur le sujet.

Sur ce créneau, nous avions proposé de revoir la réglementation applicable en matière de résidences secondaires, parce que ne la payent véritablement que ceux qui ont envie de la payer, pour être clair. Donc, je ne me suis pas acharné sur le sujet.

Par-dessus le marché, je privilégie nos activités de recherche des postes non déclarés, et donc la lutte contre la fraude, sur le premier semestre de l'année. Nous essayons d'axer tous nos efforts de lutte contre la fraude sur la première partie de l'année de façon à ouvrir le maximum de comptes pendant l'année et à essayer d'obtenir les versements correspondants avant la fin de l'année pour abonder les recettes de l'audiovisuel. La démarche est de contrôler en début d'année et d'encaisser sur le deuxième semestre, de façon à améliorer le financement de l'audiovisuel.

Nous faisons des contrôles périodiques. On a été dans les stations de sports d'hiver, on va sur les stations de la côte méditerranéenne, mais il est vrai que je n'en ai pas fait un axe privilégié d'action pour le service, compte tenu de l'état de la réglementation et de la facilité avec laquelle il est possible d'échapper à la taxation.

Nous suggérons en la matière de revoir cette réglementation. Il faut supprimer l'idée de permanence et ensuite se poser la question de la taxation. Quel taux, comment, etc. ? J'ai toujours fait des propositions à la direction générale de la comptabilité publique.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Vous arrive-t-il de vous interroger - mais la question peut s'adresser aussi à vos collaborateurs - sur l'intérêt de l'existence de votre service ou de votre métier ?

Mme Nicole Bricq : La question est élégante...

M. Didier Migaud, Rapporteur général : La question est un peu brutale mais c'est le ton de la MEC. En effet, vous nous expliquez que vous avez beaucoup de personnes qui gèrent un fichier dont l'utilité peut être mise en doute. A partir du moment où 95% des foyers sont équipés de postes télévision, 800 personnes pour gérer ce type de fichiers, c'est une question ! En tant que responsables politiques, nous pouvons effectivement nous poser la question - mais vous pouvez peut-être vous-mêmes vous en poser - pour l'intérêt du pays.

Avez-vous ce type de questions et quelles seraient éventuellement les tâches que pourraient exercer ces agents dans le cadre actuel de la direction générale de la comptabilité publique, dans la mesure où le régime de la redevance pourrait être appelé à évoluer ?

M. Michel Gobbo : Il est vrai qu'on ne peut pas s'empêcher de poser la question.

Lorsque j'évoque le sujet de la redevance, je fais toujours une distinction entre le service de la redevance et les gens qui y travaillent, qui y sont investis et qui ont quand même eu des résultats, reconnus par l'inspection générale des finances. Les activités déployées ont quand même permis d'abonder considérablement le service public de l'audiovisuel. On est d'accord là-dessus.

Le deuxième volet est celui du produit lui-même, et la question qu'on peut se poser est celle de savoir s'il est pertinent, en l'an 2000, de savoir si M. Gobbo détient ou non un poste de télévision. Quelle est la solution alternative qui peut être posée dans un contexte d'évolutions technologiques, d'Internet, d'Intranet, de numérique, etc. ?

Les personnels de la redevance sont lucides et nous nous posons effectivement fréquemment la question. On a balayé toutes les solutions alternatives qu'on a pu lire ici ou là, et Dieu sait s'il y en a eu de nombreuses. On a tendance à penser que la solution n'est pas facile, sinon il y a longtemps qu'elle aurait été trouvée.

Une proposition un peu plus originale que ce qu'on a connu a été formulée par l'inspection générale des finances dans sa mission d'enquête de l'année dernière. C'est une note qui a été remise au Ministre. Il n'a pas tranché et n'a pas décidé.

Il faut savoir que la note d'enquête n'a pas reçu de diffusion au sein du service, c'est donc un document qui reste pour nous confidentiel.

Nous sommes assez convaincus qu'il faut de toute façon évoluer. A chaque fois qu'on étudie un peu la façon d'évoluer et si on veut être efficace, on bute à un moment donné sur un dispositif consistant, si on veut véritablement faire des économies, à faire acquitter une redevance à des gens qui n'ont pas de poste de télévision, en poussant le sujet dans sa logique, sinon on ne fait pas l'économie de la gestion d'un fichier.

Quel que soit le point auquel on l'accroche, que ce soit le fichier de la taxe d'habitation ou un autre fichier, si on ne va pas jusqu'au bout de cette logique, il faut faire payer une redevance aux 4 ou 5% de gens qui n'ont pas de poste (cela évolue), parce qu'il y a toujours des irréductibles à la télévision. Nous y réfléchissons.

La proposition de l'inspection générale des finances, telle qu'elle a été formulée, mérite sans doute une étude approfondie, parce qu'elle remet en cause toute la démarche de recherche de postes, et toute la gestion des postes consistant à savoir si M. Gobbo détient ou non un poste de télévision. Mais cette proposition n'évite pas le maintien d'un fichier d'assiette et de recouvrement parce que le service a acquis une grande expérience en la matière.

Je ne connais pas la solution idéale.

Les agents des circonscriptions de contrôle du service de la redevance sont de vrais professionnels du contact de terrain - l'inspection générale des finances l'a démontré - et de la recherche et de la collecte du renseignement sur le terrain. Ce sont véritablement des agents enquêteurs pour le compte de la redevance, mais qui pourraient parfaitement travailler pour le compte du ministère des finances, pour le compte de la direction générale de la comptabilité publique, etc. Ce ne serait pas un problème.

La principale activité des centres est l'activité encaissement. Nous avons, au sein de chaque centre, notamment dans les plus gros, une véritable activité de centre d'encaissement, avec tous les outils performants d'extraction, de tri de courriers, de lecture optique, de reconnaissance automatique de caractères... mais c'est quelque chose qui occupe au maximum 150 à 200 personnes sur l'ensemble du service. Restent effectivement les autres qui sont occupés à la deuxième principale activité, la gestion. Il faut voir, mais le ministère des finances ne serait pas en mal d'imagination sur la façon d'occuper ces personnes s'il le fallait.

Ceci dit, il y a quand même 350 agents à Rennes, sur lesquels l'activité d'encaissement ne représente que 60 personnes.

Je pense que dans le contexte actuel de réforme du ministère des finances, suivant des modalités pragmatiques, progressives, expérimentales..., et compte tenu également du contexte démographique, on peut toujours trouver des solutions. Mais les agents - et vous les rencontrerez - sont conscients de ce sujet ; ils en sont inquiets parce que, s'ils ont obtenu des résultats très performants ces dernières années, ils ont le sentiment d'avoir constamment une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Les remises en cause au moins bisannuelles de la redevance constituent toujours et ont toujours constitué des stimulants très forts à l'innovation, à la rénovation, à l'évolution, à la recherche de solutions efficaces,... Ils sont très attachés à leur service mais ils ont également bien conscience de ce que peut devenir un poste de télévision dans l'avenir compte tenu de ce que je vous ai dit des évolutions technologiques... Nous avons tous lu les perspectives du numérique hertzien.

Ils ont tous et on a dans l'idée, dans la mesure où les Français vont, peu ou prou, être obligés de renouveler leur équipement de télévision dans les dix années prochaines, que ce sera, toutes choses égales par ailleurs, l'occasion de mettre une fois de plus nos fichiers à jour, et encore plus que par le passé. Ils se vend déjà actuellement 4,5 millions de postes de télévision par an. Ils se disent qu'on a encore un créneau ; on ne sait pas comment va évoluer la télévision par Internet, Intranet, etc., mais la question se pose en interne dans le service.

M. Jean-Marie Le Guen : Ce n'est pas spécialement une question, c'est une remarque qui doit se faire assez fréquemment dans les discussions de la MEC.

On peut avoir un débat extrêmement intéressant sur les avantages et les inconvénients en soi de la redevance, et on connaît les arguments qui vont dans un sens et les arguments qui vont dans un autre. Il y a parmi ces arguments un débat sur l'efficacité de ce système et sur son coût. Ce débat est parfaitement noble et nous l'aurons.

En revanche, je suis un peu stupéfait d'apprendre, en tant que rapporteur spécial du budget de la communication, un certain nombre d'éléments sur la comptabilité. Sans doute n'ai-je pas été suffisamment vigilant. Alors que j'ai été amené, après d'autres, à argumenter sur les comparaisons internationales ainsi que, dans l'absolu, sur le coût d'un système, apprendre que les charges sociales - pour ne prendre que cet exemple - ne sont pas intégrées à la comptabilité des coûts salariaux au prétexte que cela ne se fait pas dans d'autres administrations - ce qui est fort possible et qui pose d'ailleurs les problèmes plus généraux de la comptabilité analytique et des capacités d'analyse qu'on peut avoir sur l'efficience des autres administrations -, me donne le sentiment de ne pas avoir été complètement informé de la manière dont les choses fonctionnent, d'où l'intérêt de la MEC - je conclus par cela - et sans doute aussi d'un certain nombre de rapports. Je trouve cela un peu dommage.

Le Président Jean-Pierre Delalande : J'en ai pris acte.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Auriez-vous envie de dire autre chose ?

M. Michel Gobbo : Une dernière chose : le sujet fait par ailleurs l'objet de réflexions au niveau européen. Je connais les services de redevance des autres pays, et tout le monde se pose la même question. Il est vrai qu'on n'a pas discuté du taux des différents pays, peu importe, mais on est tous à peu près dans les mêmes fourchettes de coûts, et la fraude est variable en fonction des différents pays.

C'est une question qui agite et qui préoccupe les autres pays européens. Un seul pays, à ma connaissance, a jusqu'à maintenant renoncé à sa redevance. Ce sont les Pays-Bas qui ont opté pour une budgétisation intégrale au mois de novembre ou décembre de l'année dernière.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Merci beaucoup.

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6.- Audition de M. François Villeroy de Galhau,
directeur général des impôts

(Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 22 juin 2000)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

A l'invitation du Président, M. François Villeroy de Galhau est introduit. Le Président lui rappelle les règles définies par la mission pour la conduite des auditions : pas d'exposé introductif, échange rapide des questions et des réponses.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Tout d'abord, pourriez-vous rapidement, à titre liminaire, présenter votre direction, ses missions, son organisation centrale et territoriale, ainsi que sa composition par catégories d'agents, A B et C.

M. François Villeroy de Galhau : Pour répondre tout de suite à la question du Rapporteur général, j'avais préparé quelques éléments, que je peux peut-être distribuer à l'ensemble des parlementaires présents, concernant les chiffres clés sur la direction générale des impôts. Il y a aussi dans ce document les résultats d'activité 1999 de la direction générale des impôts tels que nous les mesurons en vertu d'un système d'indicateurs dont je parlerai. Ces résultats ne sont pas encore publiés, je les réserve pour la suite de l'audition.

En ce qui concerne très directement votre mission, le plus simple est de venir à la page 2 de ce petit document que vous avez, qui présente les missions de la DGI et les principaux chiffres.

L'essentiel des missions de la DGI est fiscal, ce qui est naturel vu son nom : c'est l'assiette, le contrôle et le contentieux de l'ensemble des impôts d'Etat et des impôts locaux, et même d'un peu plus, puisqu'on ne sait pas toujours que la direction générale des impôts est chargée de la CSG et de la CRDS sur le patrimoine. Ceci représente une masse d'un peu moins de 2.200 milliards de francs.

La DGI a aussi une responsabilité partielle sur le recouvrement de l'impôt d'Etat pour à peu près 850 milliards de francs, essentiellement la TVA, et, pour compléter, l'enregistrement et l'impôt de solidarité sur la fortune.

Mais la DGI a aussi des missions non fiscales qui sont essentiellement les missions foncières, le cadastre, le domaine et la publicité foncière à travers les conservations des hypothèques.

Vous avez aussi les principaux chiffres : 31 millions de contribuables. C'est le chiffre que nous retenons pour l'impôt sur le revenu, sachant qu'il y a là dessus un peu plus d'une moitié d'imposables et 6 millions d'entreprises, notamment à travers la TVA.

Les moyens globaux : 78.000 emplois, des emplois budgétaires je le souligne. Cela correspond à peu près à 84.000 personnes physiques, compte tenu des temps partiels et à environ 22 milliards de francs de budget de fonctionnement. Je précise que ceci ne correspond pas stricto sensu au budget de la DGI, puisqu'une partie de ces charges de fonctionnement apparaît à travers les charges communes, qu'il s'agisse d'une partie du coût des régimes indemnitaires ou des charges sociales pour pensions.

Cela fait un budget de fonctionnement qui, de façon très grossière, représente à peu près 1% de la masse des impôts gérés au niveau de l'assiette, du contrôle et du contentieux.

Enfin, sur l'organisation territoriale : 107 directions des services fiscaux, soit un peu plus que le nombre de départements, puisque les plus gros départements (Paris, le département du Nord et le département des Bouches-du-Rhône) ont plusieurs directions des services fiscaux. Je souligne que ces directions sont animées, depuis 1999, par un réseau assez original de délégations inter-régionales avec neuf délégués qui sont, d'une certaine façon, mes missi dominici pour l'animation du réseau. Sans représenter un échelon hiérarchique nouveau, ils constituent une étape supplémentaire de la déconcentration et du contrôle de gestion dont nous reparlerons.

Enfin, sur la question que vous posiez sur la répartition entre les agents A, B et C, nous avons aujourd'hui une majorité relative d'agents C (un peu moins de 50%), cette proportion ayant eu tendance à diminuer régulièrement ces dernières années au profit des emplois plus qualifiés d'agents A et d'agents B.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Tous les emplois budgétaires sont-ils pourvus ou avez-vous un volant d'emplois vacants ?

M. François Villeroy de Galhau : C'est un problème qui se pose dans certaines directions du ministère des finances mais moins à la DGI que dans d'autres directions. Nous avons à peu près une adéquation, globalement, entre les effectifs budgétaires et les effectifs réels. Ceci ne veut pas dire que cette adéquation se retrouve direction des services fiscaux par direction des services fiscaux, parce que nous pilotons chaque année le TGE, le tableau général des emplois de la DGI avec les implantations théoriques des emplois. Les mutations concrètes peuvent ensuite prendre un peu plus de temps. Des départements peuvent donc se trouver temporairement en excédent ou en déficit.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Merci pour ce document.

M. Jean-Pierre Delalande : Pouvez-vous nous donner aussi la pyramide des âges de chacune des catégories A, B et C ?

M. François Villeroy de Galhau : Je pourrais peut-être laisser à la mission ce que nous appelons le « bilan social » qui vient d'être publié pour 1999 et qui comporte toute une série de chiffres sur la répartition de nos effectifs.

Sur la répartition par catégorie d'agents en 1999, il y a 46,6% d'agents C, 29,6% d'agents B et 23,8% d'agents A.

Au début de la décennie, en 1990, on était à 50,8% d'agents C et nous sommes descendus à 46,6% ; 25,7% d'agents B, et 22,6% d'agents A.

Je poursuis mes recherches sur l'âge moyen et je vous donnerai une réponse un peu différée.

M. Jean-Pierre Delalande : L'âge moyen n'est pas très significatif. Ce qui est important, c'est d'avoir la pyramide des âges.

M. François Villeroy de Galhau : La DGI ne fait pas exception par rapport à ce qu'est la structure générale des effectifs de la fonction publique. L'ordre de grandeur que vous avez en tête, c'est-à-dire environ 40% des effectifs amenés à partir à la retraite à la fin de la décennie, se retrouve à la DGI.

M. Jean-Jacques Jégou : Dans le droit fil des questions de M. Didier Migaud, peut-on, en fonction des chiffres très intéressants sur l'évolution, qui n'est quand même pas très importante sur dix ans, de la proportion des catégories C, B et A, peut-on dire ou non qu'il y a une gestion des ressources humaines, que vous avez un service spécifique qui étudie au plus près l'évolution des tâches, considérables sur une décennie ? On voit tout de même qu'il y a une espèce de tendance lourde qui perdure, sur le plan de la ressource humaine, aussi bien que pour l'évolution des tâches, le profil des carrières, le management : peut-on penser qu'il y a là un déficit et que la charge de vos services ne permet pas d'y porter une attention suffisante ?

M. François Villeroy de Galhau : La question de M. Jégou est double : elle porte à la fois sur notre organisation interne et sur les conséquences que nous pouvons en tirer en terme de gestion des ressources humaines.

Concernant notre organisation interne, nous avons un service des ressources au sein de l'administration centrale qui regroupe trois sous-directions :

- une sous-direction budget et logistique, dont le nouveau responsable, M. Daniel Dubost, est avec moi aujourd'hui ;

- une sous-direction de l'informatique qui n'opère d'ailleurs pas la maîtrise d'ouvrage au sens de la conception du nouveau système d'information dont nous parlerons probablement dans la suite de cette audition, mais qui opère la maîtrise d'_uvre, c'est-à-dire le développement pratique des applications. Ce sont des équipes de programmeurs, qui sont d'ailleurs des équipes importantes. C'est une sous-direction de plusieurs centaines de personnes ;

- et puis il y a une troisième sous-direction qui répond très directement à votre question, qui est une sous-direction des ressources humaines et qui s'efforce de réaliser le type de travaux prospectifs que vous évoquez.

Je précise enfin - c'est, d'une certaine façon, la vision de synthèse de l'adaptation de nos besoins et de nos ressources - que nous avons un très important bureau « organisation et méthode » au sein de la DGI, dont le chef est M. Alexandre Gardette, qui est aussi avec moi aujourd'hui, bureau qui s'appelle « CS1 » dans notre jargon interne. C'est un terme connu de beaucoup des agents de la DGI.

Ce bureau assure deux missions, et ce regroupement n'est pas indifférent par rapport à votre question. D'une part, la réflexion sur les structures : comment est organisé un centre des impôts, un centre des impôts fonciers, une recette, et comment les tâches doivent évoluer ? D'autre part, la réflexion sur l'implantation générale des emplois telle que je la décrivais tout à l'heure.

Je relevais, à propos de la question du Rapporteur général, qu'il pouvait y avoir une distinction pendant un temps entre le tableau des emplois tel que nous l'implantons à partir des effectifs budgétaires et les mouvements réels des agents qui peuvent prendre un peu plus de temps compte tenu des mutations.

La première partie, c'est-à-dire le tableau général des emplois et l'implantation des effectifs budgétaires relève de ce même bureau CS1. On assure par ce biais une liaison assez étroite entre la réflexion sur l'organisation et celle sur l'implantation des emplois. C'est la réponse à la première partie de votre question sur notre organisation.

Il y a un deuxième élément de votre question, celui de savoir si nous pouvons tirer toutes les conséquences de l'évolution des tâches, en termes d'évolution globale des effectifs, d'adéquation des effectifs, etc.

La fonction publique est, de ce point de vue, dans une situation différente de celle des entreprises car, dès lors qu'un agent, quelle que soit sa qualification, est entré à la DGI, il a, a priori, vocation à y rester pour l'ensemble de sa carrière, sauf souhait contraire de sa part. Les agents de tous grades qui sont entrés à des époques diverses à la DGI sont aujourd'hui dans les cadres de celle-ci et constituent la force de travail avec laquelle nous devons assurer nos missions.

Nous pouvons cependant jouer sur un certain nombre de leviers pour, en permanence, essayer d'adapter, le mieux possible, notre structure d'emploi à l'évolution de notre organisation et de nos missions. Je signale rapidement trois leviers.

Le premier est celui de l'évolution globale des effectifs, puisqu'il y a des départs en retraite et une certaine diminution d'effectifs à un rythme qui a varié, selon les années, dans l'histoire récente de la DGI, quels que soient d'ailleurs les gouvernements. Il y a eu des années de stabilité d'emploi et des années de suppression de quelques centaines d'emplois. C'est un premier levier avec des recrutements correspondants qui se maintiennent d'ailleurs à un niveau relativement élevé compte tenu de l'accélération des départs en retraite. Ceci permet de renouveler un peu les profils.

Le deuxième levier est celui des requalifications internes. C'est un levier qui existe de façon forte dans la fonction publique et que nous essaierons de développer de plus en plus dans les prochaines années de façon à ce qu'une partie des agents C puissent devenir agents B, les agents B puissent devenir agents A, et à faire ainsi évoluer les qualifications. C'est à la fois l'intérêt des agents en termes de carrière et l'intérêt des usagers et de la collectivité en termes de meilleure production de la DGI.

Il y a un troisième levier qui est plus permanent, c'est celui de la formation professionnelle. La formation professionnelle, qui touche énormément d'agents à la DGI, représente un effort très important, puisque le pourcentage des dépenses de formation par rapport à la masse salariale de la DGI, c'est un chiffre peu connu, atteint 7,5%. C'est un effort tout à fait important qui inclut - soyons clairs sur la méthode - la rémunération des stagiaires pendant la durée de leur formation.

Une part très importante de cette formation est consacrée aux applications informatiques, puisque l'informatique a probablement été un des facteurs les plus importants d'évolution des missions de la DGI depuis vingt ans, et ceci va s'accélérer encore dans les prochaines années avec le nouveau système d'information.

M. Jean-Jacques Jégou : Cette formation est-elle interne ?

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Est-ce que vous en êtes le maître d'_uvre ?

M. François Villeroy de Galhau : La formation professionnelle est en très large partie interne, assurée à la fois à travers les écoles de la DGI comme son école nationale des impôts, à Clermont-Ferrand et à Noisy-le-Grand, et l'école nationale du cadastre à Toulouse. Ce sont les formations initiales. Il s'y ajoute une formation professionnelle continue qui est assurée, soit sur site, soit dans des centres ad hoc dont le CNFP (Centre national de formation professionnelle) à Nevers.

M. Jacques Barrot : Je voudrais parler de la répartition géographique des agents. Ce problème est délicat parce que la France est ainsi faite que, quand il y a des concours nationaux, il y a des départements qui servent beaucoup et qui apportent beaucoup d'énergie humaine à la DGI. Mais, du coup, arrivés à un moment de leur carrière, les agents ont évidemment le désir de regagner ou de se rapprocher de leur terre d'origine.

Je voudrais demander à monsieur le directeur général si la direction a les moyens de faire des comparaisons sur la densité plus ou moins grande des effectifs selon les départements, et s'il y a un plan qui permettrait justement de répartir davantage les effectifs en fonction des besoins.

J'ajoute que c'est difficile pour un parlementaire qui intervient quelquefois à la DGI pour signaler la demande de rapprochement de certains agents, mais c'est ainsi, et je suis de ceux qui pensent que, pour régler le problème, il faudrait arriver à ce que certains agents, notamment lorsqu'ils arrivent à un moment donné de leur carrière, puissent probablement être rapprochés, quitte à entrer dans une autre administration, ce qui leur donnerait des facilités, parce que c'est un vrai problème.

Je vais rapporter une petite boutade qui ne correspond peut-être pas à la réalité mais qui est souvent dite : nous avons des contrôles fiscaux beaucoup plus fréquents dans certains départements compte tenu de la densité des agents, alors que la périodicité des contrôles est beaucoup plus faible en région parisienne puisque les agents sont moins nombreux. Il me semble que c'est peut-être un lieu commun qui fait irruption de manière régulière, mais je pense que c'est quand même un réel problème.

M. François Villeroy de Galhau : Je remercie M. Barrot, à la fois de l'importance de sa question et d'avoir souligné toutes les difficultés personnelles que la question peut nous poser à chacun, quelles que soient nos responsabilités différentes. C'est effectivement une de nos difficultés de gestion.

Comment essayons-nous de la résoudre ? Il n'est pas très facile d'apprécier quelle serait l'implantation idéale des effectifs sur le territoire. Il y a, bien sûr, un critère premier auquel nous pensons tous, qui est le tissu fiscal, c'est-à-dire le potentiel fiscal des différentes régions.

A propos de ce critère premier, il y a une distorsion qui est connue et qui a souvent été soulignée, c'est le cas particulier de la région Ile-de-France qui représente environ 42% du potentiel fiscal, tous critères confondus, et sur lequel nous avons environ 25% des agents, ce qui est déjà beaucoup, mais ce qui est proportionnellement moins que le potentiel fiscal.

Je voudrais néanmoins nuancer ce critère premier en relevant que l'implantation idéale ne dépend pas que du potentiel fiscal, car il peut y avoir des critères d'aménagement du territoire, de proximité par rapport aux usagers, etc, qui amènent à corriger ce critère essentiel.

Nous avons donc élaboré, au sein du même fameux bureau CS1 que j'ai déjà cité - le bureau « coordination et stratégie », qui est en fait un bureau organisation et méthode -, ce que nous appelons des éléments de référence par lesquels nous essayons d'avoir un indice composite aussi englobant que possible sur ce qu'est la meilleure implantation reflétant la charge de travail des différentes directions. Et le tableau général des emplois, dont je parlais tout à l'heure, s'efforce, année après année, en fonction de nos marges de man_uvre, de rapprocher les effectifs budgétaires des directions des éléments de référence.

Nous y arrivons relativement bien, même si l'adéquation n'est pas parfaite.

Il y a ensuite le deuxième facteur de décalage que j'évoquais. Il peut exister entre un an ou deux ans de décalage entre ces effectifs budgétaires et les effectifs réels, compte tenu de l'arrivée physique des agents.

Je ne prétendrai pas pour autant que cette question soit complètement résolue, et je voudrais évoquer devant vous une difficulté supplémentaire et quelques pistes de solution.

La difficulté supplémentaire, c'est qu'à supposer même que nous arrivions à bien faire « coller » les effectifs réels dans les directions avec ce que nous apprécions être leur charge de travail à partir de ces éléments de référence, le mouvement vers le département d'origine que vous décriviez, et que certains appellent parfois joliment l'héliotropisme administratif, même si le soleil n'est pas le seul facteur d'incitation pour revenir sur tel ou tel département, pose un autre problème. C'est qu'il y a des départements où la mobilité est beaucoup plus grande que pour d'autres et, en gros, les départements de début de carrière ou les départements relativement peu recherchés sont caractérisés par une mobilité forte, souvent excessive et, en sens inverse, les départements d'arrivée sont caractérisés par une grande stabilité, souvent excessive. L'idéal se situerait quelque part entre les deux.

C'est une vraie difficulté, mais ce point n'est pas très facile à corriger compte tenu des règles de mutation qui laissent une large place aux choix des agents. Ceci fait partie des traditions de la fonction publique et nous vivons avec. Les directeurs des services fiscaux qui sont les vrais patrons dans leur département - et nous essayons de les responsabiliser de plus en plus autour d'un système de management par objectifs dont nous aurons sans doute l'occasion de parler - doivent mener une politique de gestion des ressources humaines assez différente dans les départements du nord et dans les départements du sud de la France.

Nous essayons de mettre en pratique deux pistes pour aller dans le sens de vos préoccupations : la première concerne la région Ile-de-France qui constitue un problème spécifique. Nous avons créé depuis l'année dernière un concours spécifique pour les agents C sur la région Ile-de-France avec obligation, pour ceux qui ont réussi ce concours, de rester cinq ans dans la région Ile-de-France avant d'envisager une mutation hors de cette région. Cela nous permet de mieux stabiliser les situations.

Deuxième piste plus futuriste : c'est la piste du télétravail ou du service à distance. Il nous semble, que pour un certain nombre de nouveaux services qui sont devant nous, qu'il s'agisse du centre d'appel téléphonique, demain peut-être du service sur Internet, il serait possible d'avoir des effectifs implantés à d'autres endroits que les contribuables et que le potentiel fiscal, parce que ce sont des services qui peuvent se rendre à distance. Il ne s'agit pas pour autant de créer de nouveaux lieux de stabilité excessive ou seraient implantés ces nouveaux services et où les agents ne bougeraient plus du tout. Mais nous allons essayer, dans toute la mesure du possible, dans ces nouveaux services qui sont un de nos axes importants pour la prochaine décennie, de mieux mettre en adéquation les souhaits des agents, que je crois légitimes, et les besoins des usagers. On a probablement là une marge de man_uvre assez prometteuse.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Le 28 avril dernier, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a présidé un important comité technique paritaire ministériel consacré à la réforme-modernisation du ministère. Cinq grandes orientations ont été arrêtées à cette occasion par le ministre : la simplification, la transparence, l'adaptation-formation, les nouvelles technologies, le dialogue et l'expérimentation.

Quelles sont, très concrètement, les applications pratiques de chacune de ces orientations, qui ont pu d'ores et déjà être mises en place ou qui doivent être mises en place dans des délais rapprochés, dans votre direction ?

M. François Villeroy de Galhau : Si le Rapporteur général le permet, j'aurais tendance à relier sa question au système de management par objectifs et d'orientations stratégiques qui existe à l'intérieur de la DGI et sur lequel vous avez quelques éléments écrits dans le document que je vous ai remis. En effet, la traduction de ces orientations dans la vie de la DGI trouve pour une bonne partie sa réponse à travers les orientations stratégiques qui sont retenues et les axes du contrat conclu à l'automne dernier. Je dis bien « pour partie » car un certain nombre de choses nouvelles sont à développer à la suite des impulsions données par le ministre le 28 avril, mais j'y viendrai dans un second temps.

La DGI a développé au long de la décennie 1990, ce qui est relativement peu connu, et je confesse d'ailleurs devant les membres de la mission que cela a été une de mes bonnes surprises en arrivant à la DGI, un système de management par objectifs - le terme décrit assez bien la réalité - qui n'a pas beaucoup d'équivalents dans d'autres administrations. Il est loin d'être parfait, mais je crois néanmoins que c'est un levier très puissant de modernisation.

Ce système de management par objectifs est, d'une certaine façon, construit sur trois piliers : le fait de retenir au plan national un certain nombre d'orientations stratégiques ; ensuite le fait de mesurer globalement la performance de la DGI et par direction au regard de ses orientations stratégiques ; et enfin le fait d'avoir une démarche que nous appelons participative ou contractuelle avec chacun des gestionnaires de la DGI que sont les directeurs des services fiscaux, patrons dans leur département.

Concernant les orientations nationales qui constituent le premier pilier, elles sont révisées périodiquement. Je détaille celles sur lesquelles nous vivons depuis la fin de 1998 et que nous allons renforcer avec les orientations données par M. Fabius. Vous verrez qu'il y a une adéquation assez forte.

La première orientation, c'est le fait d'établir de nouvelles relations avec les usagers. Ceci vise en particulier deux grands chantiers en ce qui concerne la DGI : la qualité de nos relations avec les usagers, notamment de l'accueil, et la simplification dans toute la mesure du possible. Cette simplification est un chantier vaste, puisqu'elle regroupe à la fois la législation, la gestion quotidienne de l'impôt et la dématérialisation d'un certain nombre de procédures, de formulaires, etc.

Cette première orientation a été très fortement mise en avant par le ministre fin avril.

Il y a une deuxième orientation : M. le Rapporteur général, vous avez parlé de la transparence de la gestion et M. Fabius avait précisé qu'il visait à cet égard deux objectifs : la rénovation de la gestion publique, qui concerne certes nos procédures de pilotage internes à la DGI, mais plus particulièrement la direction générale de la comptabilité publique et le suivi du patrimoine de l'Etat ; et aussi, au titre de la transparence, la lutte contre la fraude. La DGI est ici très directement concernée au titre du contrôle fiscal.

Pour préciser les choses en ce qui concerne le contrôle fiscal, il nous semble que notre orientation prioritaire pour les années qui viennent est celle du renforcement de la qualité du contrôle fiscal. M. Barrot y faisait allusion tout à l'heure. Le contrôle fiscal que nous ne prétendons pas rendre populaire, - ce serait un objectif au-dessus de nos forces - est toujours un peu douloureusement ressenti sous l'angle quantitatif, car c'est avant tout à sa quantité que les contribuables, qu'ils soient d'ailleurs particuliers ou entreprises, sont sensibles.

Je ne suis pas sûr de pouvoir promettre que sa quantité va reculer, car je crois qu'il faut assurer une présence du contrôle fiscal. C'est un élément de l'équité et de l'égalité des citoyens devant l'impôt.

Mais ce que nous pouvons essayer au maximum, c'est d'avoir un contrôle fiscal de meilleure qualité, car un certain nombre d'affaires « rapportent » plus, je pense en particulier à la grande fraude internationale. C'est un axe que nous avons beaucoup développé ces dernières années et que nous comptons renforcer. C'est un premier élément de la qualité.

Il y en a un autre, il existe peut-être, en sens inverse, un certain nombre d'affaires - la frontière est souvent difficile à tracer - pour lesquelles les redressements sont injustifiés vis-à-vis des contribuables, parce qu'il y a des points de droit un peu difficiles, il y a des éléments de fait qui n'ont pas pu être pris en compte à temps, etc.

Beaucoup de procédures ont été développées ces dernières années pour assurer la meilleure garantie possible du contribuable, mais il nous semble que nous pouvons nous organiser encore mieux de façon à ce que le contrôle fiscal pèse de plus en plus sur la grande fraude et aille dans le sens d'un meilleur rendement budgétaire, tout en veillant à ce que la grande majorité des contribuables, dans leur vie quotidienne, soient le moins perturbés possible par l'existence du contrôle fiscal.

Il y a une troisième orientation que vous avez rappelée, c'est celle de l'adaptation-formation des agents aux nouvelles technologies. Ceci renvoie, concernant la DGI, à beaucoup de chantiers qui ont été menés au titre des applications informatiques. Il y a un grand chantier qui est devant nous, qui est la mise au point de ce que nous appelons le « nouveau système d'information des administrations fiscales », qui serait un système d'information commun à la DGI - qui en fournit l'essentiel - et à la DGCP pour ses missions fiscales. Il nous permettrait d'arriver, par étapes, au compte fiscal unique du contribuable.

Notre informatique est aujourd'hui verticale, c'est-à-dire que l'informatisation a été faite par process, par chaînes de traitement, pour nous par impôt et, à l'intérieur de chaque impôt, par fonction (l'assiette, le contrôle, le recouvrement, etc.). Nous voulons arriver demain à une informatique qui soit organisée par usager. Beaucoup d'entreprises l'ont fait par client.

Ceci soulève un certain nombre de difficultés : il y a une difficulté juridique que nous avons pu lever grâce au Parlement, c'est la capacité d'utiliser le NIR depuis la loi de finances pour 1999, à savoir un identifiant unique pour tous les contribuables, et il y a, bien sûr, des difficultés technologiques. C'est un projet très ambitieux et je ne le détaille pas plus à ce stade.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Une disposition législative a effectivement été prise, un décret en Conseil d'Etat ensuite, après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Cette utilisation du NIR par les services fiscaux vous apparaît-elle suffisante pour aboutir à l'objectif que vous venez de rappeler, alors que les numéros d'inscription au répertoire ne peuvent être transmis directement à la DGI ? Pensez-vous que l'outil qui est aujourd'hui le vôtre est suffisant pour aller à l'objectif que vous venez de définir ?

M. Jean-Pierre Delalande : Imaginez-vous, par exemple, que les contribuables puissent, à terme, envoyer directement les données concernant leur déclaration et que ce soit ensuite l'administration fiscale qui traite l'ensemble de ces données et qui donne les montants de l'impôt à traiter, ce qui déchargerait, et les personnes physiques, et les entreprises, de multiples paperasseries ?

Mme Nicole Bricq : Les systèmes informatiques étaient un point clé et un point difficile de la réforme et je suppose qu'ils le sont toujours.

Je voudrais savoir quelle est la part des investissements qui est consacrée au traitement de l'information, en milliards de francs, et comment elle est ventilée ? Comment est-elle programmée sur plusieurs années, parce qu'on nous avait annoncé un chiffre de 8 milliards lors de précédentes auditions ? Je ne sais pas quelle est la réalité de ce chiffre. Vous annoncez vous-même 22 milliards de francs de budget de fonctionnement.

La notion d'investissement est très importante, même si je sais que ce ne sont pas tout à fait les mêmes règles que dans le secteur privé.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Pour compléter les questions précédentes sur les problèmes liés à l'informatique - parce que nous sommes au c_ur du sujet - pouvez-vous nous confirmer que les schémas directeurs informatiques de la DGI et de la DGCP vont ne plus faire qu'un à l'avenir, compte tenu justement de la constatation que l'informatique était trop cloisonnée, à la fois géographiquement, par impôt et par direction, certains allant même jusqu'à dire que ce cloisonnement était voulu entre les différentes directions ? L'objectif du ministère est-il toujours de parvenir à un dossier fiscal informatique unique, exhaustif pour chaque contribuable, et sera-t-il concrètement possible, à l'avenir, que le contribuable puisse obtenir en un seul déplacement toutes les réponses aux questions qu'il se pose au sujet des impôts qu'il paie ?

M. Jean-Jacques Jégou : Beaucoup de grandes entreprises, y compris publiques, ont annoncé le coût global d'investissement et de fonctionnement pour le passage à l'euro et à l'an 2000. La DGI a-t-elle établi les comptes exacts sur le coût de ce passage à l'euro et à l'an 2000 ?

M. François Villeroy de Galhau : Sur la question du Rapporteur général pour savoir si l'outil NIR tel que nous allons l'utiliser est suffisant, la CNIL a souhaité, dans les discussions que nous avons eues avec elle sur les décrets d'application (deux décrets en Conseil d'Etat sont aujourd'hui publiés), un certain nombre de garanties supplémentaires, notamment le fait que nous ne puissions pas utiliser directement le numéro INSEE, mais que nous fassions, d'une certaine façon, une table de conversion entre le numéro INSEE et notre référentiel interne qui s'appelle le SPI. Ce que la CNIL souhaitait, nous l'avons appliqué. Les décrets sont donc calibrés en ce sens.

Pour répondre complètement à votre question, les choses eussent été objectivement plus simples en gestion si nous avions pu utiliser directement le numéro INSEE. Ceci dit, nous pensons que nous pouvons travailler dans le cadre demandé par la CNIL.

En ce qui concerne les télédéclarations et la question du Président Delalande, c'est probablement un des champs très importants de développement qui est devant nous. Des administrations fiscales étrangères ont d'ailleurs d'ores et déjà beaucoup développé les télédéclarations. Je pense en particulier, puisqu'elles sont plus en avance que nous sur l'utilisation de l'Internet, aux administrations fiscales nord-américaines, qu'il s'agisse des Etats-Unis ou du Canada.

La situation se présente un peu différemment pour les particuliers d'un côté et les entreprises de l'autre. En ce qui concerne les particuliers, nous avons ouvert depuis cette année la possibilité de télédéclarer l'impôt sur le revenu. Cette possibilité a encore fait l'objet d'un usage modeste par les contribuables dans la chaîne finale, c'est-à-dire que les contribuables qui ont télédéclaré sont d'environ 5000.

Ceci dit, la « clientèle » potentielle est sensiblement plus large, puisque différents modules de renseignements sont accessibles sur Internet et, environ 1.500.000 internautes ont, cette année, consulté le module de calcul de l'impôt sur le revenu que nous mettions à disposition sur le serveur de la DGI. C'est deux fois plus que l'année dernière, et ceci situe un peu le champ de progression potentiel des télédéclarations pour les particuliers. C'est un des éléments que nous intégrons dans notre réflexion sur le nouveau système d'information.

Les choses sont sensiblement plus avancées concernant les entreprises, ce qui est normal puisque la plupart des entreprises sont aujourd'hui concernées par la dématérialisation. Nous mettons donc en place un système quasi-général, puisqu'il va concerner toutes les entreprises de plus de 100 millions de francs de chiffre d'affaires, et il sera obligatoire à compter du 1er mai 2001 au terme des dispositions que vous avez votées dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 1999. Ce sera un système à la fois de télédéclaration et de télérèglement de la TVA. La plupart des flux seront donc dématérialisés sur cet impôt à partir du 1er mai 2001. La possibilité sera, bien sûr, ouverte pour les entreprises de plus petite taille, qui ne sont pas encore nécessairement utilisatrices massives d'Internet, mais ce ne sera pas une obligation.

Nous verrons ensuite comment nous pouvons appliquer ceci à l'impôt sur les sociétés. Je crois qu'il faudrait, là aussi, aller vite.

Sur la question de Mme Bricq concernant l'investissement lié au nouveau système d'information, d'abord un éclairage général : il a été constaté que notre structure de coût est en général assez atypique par rapport à beaucoup d'administrations fiscales étrangères, que nous avons une part plus importante en coûts de personnel, mais surtout que nos budgets informatiques sont nettement moins importants qu'ailleurs.

Le budget informatique, cela dépend des années, représente à la DGI au maximum 10% de nos coûts, alors que c'est souvent de l'ordre de 15 à 20% à l'étranger.

Pour l'avenir, le chiffre de 8 milliards que vous avez évoqué est le chiffre qui figurait, d'ailleurs comme un ordre de grandeur, dans le rapport demandé à Gemini Consulting par la mission 2003. Ce n'est pas un chiffre que je confirme aujourd'hui, puisque c'est une de nos tâches très importantes dans les prochains mois que de voir exactement quel est le coût d'investissement nécessaire pour arriver au nouveau système d'information.

Je souhaite donner à la mission quelques éléments de calendrier à cet égard.

Nous avons mis en place une équipe de projet commune DGI-DGCP avec un responsable de projet unique, équipe que nous ferons monter en puissance de façon à arriver à 50 ou 60 personnes dans les prochains mois. Sa tâche unique est de mettre au point l'avant-projet détaillé du nouveau système d'information d'ici la fin de l'année ou le tout début 2001. Cet avant-projet devra à la fois se prononcer sur un certain nombre de choix d'architecture, qui sont évidemment tout à fait structurants pour nos deux administrations et se prononcer sur des étapes, parce que nous devons avoir une conception modulaire de ce nouveau système d'information.

Le même rapport de Gemini prévoyait qu'on pouvait faire les choses en sept ans, ce qui était vu comme très ambitieux mais qui est très long. A supposer qu'on puisse tenir en sept ans, figer totalement la technologie sur ces sept années n'aurait pas de sens puisque les choses peuvent très sensiblement évoluer. Nous préciserons ce que nous ferons, par exemple les deux premières années, et nous aurons ensuite une espèce de plan glissant que nous pourrions adapter en fonction de l'évolution de la technologie. Mais nous voulons sortir un certain nombre de produits visibles en termes de services aux contribuables dès ces deux premières années.

L'avant-projet détaillé devra aussi préciser le coût et son imputation année après année. Je ne peux pas aujourd'hui préciser l'ordre de grandeur pour chaque année, mais si je reprenais les chiffres de Gemini Consulting, il s'agit de 8 milliards sur sept à huit ans. C'est donc tout à fait amortissable sur la durée.

Sur la question du Rapporteur général à propos des schémas directeurs informatiques, nous allons garder des schémas directeurs directionnels, aussi bien au niveau de la DGCP que de la DGI, car les métiers, pour ce qui en fait le c_ur, restent très substantiellement différents.

L'essentiel de l'informatique de la comptabilité publique (DGCP) est aujourd'hui sur la partie « dépense » de son activité et sur le contrôle de la dépense, aussi bien nationale que locale. Nous n'avons donc pas de raison, sur cette partie-là, de prévoir une informatique commune. Nous allons, par contre, avoir un système d'information unique sur toute la partie fiscale, et en ce qui concerne la CP sur la partie recouvrement.

Pour le dire autrement, il y aura un schéma directeur informatique de la DGCP qui comprendra pour l'essentiel de la dépense et une petite partie fiscale qui sera très directement reprise de la partie commune qu'est le nouveau système d'information. Il y aura un schéma directeur du côté de la DGI qui sera essentiellement fiscal et issu de ce nouveau système d'information commun, tout à fait cohérent avec lui. Nous avons aussi une petite partie non fiscale liée aux missions financières que j'évoquais tout à l'heure. Enfin, le ministre a annoncé, ce qui est une innovation, un schéma directeur ministériel (nous verrons avec le nouveau secrétaire général ce que sera exactement son contenu), avant tout destiné à assurer la compatibilité, dans la mesure où elle est nécessaire, entre les différentes informatiques de métier montées dans les conditions que je rappelais.

Je ne sais pas si le cloisonnement a été voulu, pour reprendre votre expression. Ceci obligerait à une plongée historique que je suis incapable de faire. Ce que je veux dire avec la plus grande force devant votre mission, c'est que moi je ne l'ai pas voulu et que je ne le souhaite pas. Je souhaite vraiment, avec M. Jean Bassères, directeur général de la comptabilité publique, que nous le corrigions le plus vite possible.

Nous avons mis en place cette équipe de projet. Nous réunissons tous les mois un comité stratégique que nous co-présidons M. Jean Bassères et moi, et nous sommes très fermement décidés à avancer le plus vite possible sur un système d'information unique. C'est à la fois un gage d'efficacité pour nos agents et un gage d'efficacité pour les contribuables.

Ceci ne veut pas nécessairement dire que le contribuable aura en tous lieux, de la DGI ou de la DGCP, toutes les réponses à toutes ses questions fiscales. En effet, le choix qui a été fait pour l'instant est de ne pas modifier les compétences des directions ni des deux réseaux. Un agent d'un centre des impôts ne sera donc pas compétent demain pour encaisser l'impôt sur le revenu d'un contribuable, ou un agent d'une trésorerie pour faire un dégrèvement de taxe d'habitation. Nous travaillons aujourd'hui à compétences inchangées.

Néanmoins, le contribuable pourra selon toute probabilité, à partir du compte fiscal unique - c'est l'objectif que nous nous fixons - à la fois recevoir toutes les informations nécessaires et voir sa demande, qui aurait par hypothèse été adressée au mauvais endroit, transmise dans de bien meilleures conditions qu'aujourd'hui vers le service et l'agent compétent.

Enfin, je n'ai pas de réponse dans l'instant sur le coût global du passage à l'euro et celui du passage à l'an 2000. J'aurais tendance intuitivement à dire qu'il est moins marqué à la DGI, comme d'ailleurs à la DGCP, que dans d'autres grandes organisations, et il n'a pas posé de problèmes particuliers, mais je pourrais approfondir ce point si la mission le souhaite, et vous transmettre des éléments.

Mme Nicole Bricq : Compte tenu de ce que vous nous dites, monsieur le directeur, l'avant-projet détaillé sera prêt à la fin de l'année 2000...

M. François Villeroy de Galhau : C'est l'objectif que nous nous fixons, décembre 2000 ou janvier 2001.

Mme Nicole Bricq : Cela veut-il dire que l'objectif du compte fiscal unique pourra être mis en place à l'horizon 2003 ? Maintient-on ce cap ?

M. François Villeroy de Galhau : Je ne peux pas aujourd'hui répondre sérieusement à votre question, puisque ceci fait partie du travail de l'équipe de projet que de définir d'ici décembre les différentes étapes. Le compte fiscal unique complet, permettant le traitement en temps réel de l'ensemble des informations transmises par le contribuable, prendra plus de temps que d'ici à 2003 pour sa mise en place. C'était d'ailleurs prévu dès l'origine. Mais en sens inverse, nous visons à ce qu'un certain nombre de produits du nouveau système d'information soient disponibles, avant même 2003, pour les agents et pour les contribuables.

Les informaticiens, dont je ne suis pas, appellent cela d'un joli terme qui est l'« encapsulage » : c'est l'opération qui consiste à encapsuler les applications existantes, ces applications verticales dont je parlais tout à l'heure, en mettant une couche transversale au-dessus de façon à pouvoir répondre tout de suite à un certain nombre de demandes d'informations du contribuable sur sa situation fiscale.

Pouvons-nous être en situation, avant même 2003, de répondre à des questions du contribuable sur l'état de ses obligations fiscales ? A-t-il payé l'ensemble de ses impôts, que doit-il encore, à quelle date, etc. ? C'est peut-être un produit intermédiaire que nous pourrions viser d'avoir assez vite. Mais je l'évoque avec encore de multiples points d'interrogation devant vous parce que je ne veux pas préjuger de cet avant-projet détaillé ; c'est un des éléments, une des pierres qui permettent de construire le compte fiscal unique du contribuable.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Nous avons fait le tour sur l'informatique, dans l'attente de ce que vous annoncez. Nous pourrions revenir à la question précédente sur les applications pratiques de chacune des grandes orientations arrêtées le 28 avril dernier, qui sont d'ores et déjà mises en place dans votre direction, en dehors de l'informatique.

M. François Villeroy de Galhau : C'est la meilleure illustration des résultats pratiques de la DGI en 1999 que nous pouvons déjà obtenir et des résultats que nous pouvons viser. Nous les mesurons dans le cadre d'un système contractuel qui lie à la fois la direction générale des impôts avec chacun de ses « patrons » locaux que sont les directeurs des services fiscaux. C'est ce que nous appelons la démarche DPA, diagnostic-plan-action.

Une quarantaine d'indicateurs structurent la mesure de la performance de chacune des directions des services fiscaux que nous consolidons ensuite au niveau central pour mesurer la performance globale de la direction générale des impôts.

Je vais surtout commenter devant vous la performance globale de la direction générale (dernière partie du document), mais je vais précédemment dire un mot d'un dessin violet un peu mystérieux que vous avez au milieu du document, qui ressemble à une toile d'araignée et qui s'appelle le « radar » en jargon DGI.

Le radar vise à mesurer de façon aussi synthétique que possible, avec toutes les approximations et les imperfections que requiert la synthèse, la performance d'une direction par rapport aux directions comparables. Pour le commenter très brièvement, vous avez à l'extérieur les principales missions de la DGI : l'assiette, le contrôle fiscal (aussi bien dans sa version externe, sur pièces, l'immobilier, etc.), les missions foncières que vous avez sur la gauche, le recouvrement en bas... Et nous comparons une direction des services fiscaux (DSF) à l'intérieur de ce que nous appelons un groupe, qui est un groupe de DSF de caractéristiques comparables en fonction essentiellement de la taille du tissu fiscal et du poids des départements.

Par hypothèse, nous avons imaginé un groupe qui fait 40 DSF, et on met en cause le classement de la DSF sur chacune des missions au sein du groupe. On compare donc l'évolution dans le temps. La ligne en pointillé rouge est supposée être la performance 1996, la ligne pleine bleue, la performance 1998.

A vue de nez, la direction en cause a dégradé assez sensiblement sa performance sur la mission domaniale à gauche, et le contrôle sur pièces et le contentieux à droite, et l'a plutôt améliorée sur les autres points.

Ce schéma paraît peut-être un peu ésotérique, mais il est très structurant pour l'activité de la direction générale des impôts, notamment la mobilisation des directeurs des services fiscaux. Ceux-ci ont l'habitude de suivre leur « radar » et plus largement leur évolution sur la quarantaine d'indicateurs dont je parlais, d'en parler avec leurs cadres et de veiller à ce que leurs performances s'améliorent si possible.

Cette mesure de la performance, puis cette exigence de performance s'applique aussi, bien sûr, à l'ensemble de la DGI. Elle avait été formalisée dans un document qui est le contrat d'objectifs et de moyens conclu en octobre 1999, et qui fixe un certain nombre d'objectifs de la DGI.

Je précise tout de suite que ce contrat va être renégocié à la suite d'un certain nombre de modifications lourdes introduites ces derniers mois. Elles s'appliquent sur sa partie 2000. Il sera renégocié sur la partie 2001 et 2002, notamment sur sa partie moyens, pour tenir compte de la stabilité des emplois dans le ministère, décidée pour 2001 par M. Fabius, et de la perspective de la réduction du temps de travail. Mais sa partie objectifs me paraît très largement servir de base à notre action, même si elle devra être complétée par un certain nombre d'objectifs donnés le 28 avril.

Vous verrez les objectifs dans la première partie de ce contrat. Je pense en particulier à ce qui est à partir de la page 11 où l'on retrouve les orientations stratégiques dont je parlais tout à l'heure. Je vais présenter les résultats en reprenant ces mêmes orientations mais dans un ordre un peu différent, qui correspond plus naturellement à l'exposé de nos missions.

La première orientation sur les résultats est celle qui figure à la page 14 du contrat, c'est-à-dire tendre à mieux maîtriser le système déclaratif et viser à ce que les contribuables souscrivent le mieux possible leur déclaration sans retard et sans faute.

Concernant les particuliers, ce que nous appelons l'émission accélérée, c'est le pourcentage des montants d'impôt sur le revenu qui a été saisi par la DGI, de façon suffisamment rapide à partir des déclarations, pour être payable et majorable au 15 septembre.

Vous voyez que 97,5% des montants avaient pu être saisis à temps en 1999, ce qui est un record dans l'histoire de la DGI. Je ne peux pas d'ores et déjà m'engager sur le chiffre de l'année 2000, puisque les grèves qui ont été suivies aux mois de février et mars peuvent avoir un effet sur cet indicateur. Comme vous le savez, la date limite de dépôt des déclarations a été repoussée au 30 mars. Nous faisons le maximum pour rattraper ce retard, mais je n'ai pas encore la mesure pour 2000.

Concernant les entreprises, nous avons pu obtenir une division par 2 à peu près du pourcentage des retardataires sur la TVA, c'est-à-dire ceux qui remettent leur déclaration de TVA avec un retard de plus de six mois. Notre objectif est de descendre à 3% en 2002.

L'amélioration est plus continue concernant les déclarations BIC et BNC, et donc moins spectaculaire en 1999, mais nous souhaitons aussi la poursuivre en descendant, là aussi, en dessous de 3%.

Voilà un certain nombre d'illustrations concrètes de la mesure de notre activité sur cette première orientation.

Je passe vite sur les deux autres pour que vous ayez en tête nos principales mesures d'activité. J'ai parlé tout à l'heure, dans son principe, de la qualité du contrôle fiscal. Je voudrais simplement relever que nous avons, pour la première fois en 1999, un petit recul concernant le montant des droits notifiés, mais que ce recul s'explique très largement par le fait que nous avons « dégonflé » les montants du contrôle fiscal de la part de la TVA auto-liquidée qui était assez artificielle.

Nous sommes, par contre, sensibles à l'augmentation du taux moyen de pénalités qui mesure bien cette orientation qualitative que j'évoquais tout à l'heure, c'est-à-dire d'essayer de mieux intégrer la finalité répressive sur les gros dossiers de contrôle fiscal pouvant donner lieu à fraude.

J'en viens à la troisième orientation sur la qualité du service rendu aux usagers.

Une des mesures importantes porte sur le délai de réponse aux réclamations. L'année 1999 a marqué à cet égard une rupture avec une reprise des demandes contentieuses et gracieuses adressées à la DGI, qui a deux explications : une peu satisfaisante et une qui l'est davantage.

L'explication peu satisfaisante, c'est l'importance du contentieux sur la taxe sur les logements vacants qui s'est avérée être un impôt compliqué en gestion. L'explication plus satisfaisante, qui joue d'ailleurs assez largement, ce sont les mesures de remises gracieuses proposées à la fin de l'année dernière pour les chômeurs surendettés : l'annulation exceptionnelle des dettes fiscales.

Nous nous sommes fixés un objectif par rapport à ces demandes, en tout cas pour toutes les réclamations simples sur l'IR et la TH, celui de pouvoir répondre dans un délai d'un mois à plus de 90%. Nous sommes à 89% en 1999. Nous souhaitons pouvoir répondre, pour les réclamations complexes, à plus de 95% à trois mois, et ceci est d'ores et déjà atteint.

Je voudrais enfin préciser, concernant les relations avec les usagers qui sont évidemment essentielles, que nous avons pris l'engagement, qui a été peu noté à l'époque, de mettre en _uvre, d'ici 2002, ce que nous appelons des standards de qualité dans nos relations avec les usagers. Ce sont des éléments tout à fait simples a priori : la réception sur rendez-vous, pas d'appel téléphonique sans suite, l'envoi des formulaires à domicile, la systématisation des réponses d'attente et la levée de l'anonymat.

Nous n'avons pas aujourd'hui d'instrument de mesure sur le respect global par la DGI de ces cinq obligations. C'est une des choses que nous mettons en place cette année à la suite des orientations du ministre du 28 avril, puisque ces cinq standards de qualité rentrent très directement dans l'orientation de services aux usagers qui a été donnée.

Nous procéderons probablement par sondages, mais c'est une méthode que nous mettons aujourd'hui en place.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Concernant votre diagramme sur la qualité du service rendu aux usagers sur le traitement du contentieux, vous faites apparaître le nombre d'affaires reçues : 4.334.000. La semaine dernière, le chef du service de la redevance audiovisuelle faisait état de 4,5 millions de courriers. Pourriez-vous nous situer aussi le nombre de courriers que vous pouvez recevoir ?

M. François Villeroy de Galhau : Je n'ai pas ce chiffre ici.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Par affaires, vous entendez dossiers contentieux ou recours gracieux ?

M. François Villeroy de Galhau : Cela couvre néanmoins une bonne partie du courrier que nous traitons comme du recours contentieux et gracieux. La plus grande partie de ces recours ne sont évidemment pas juridictionnels. C'est à plus de 99% du traitement administratif.

Mais je n'ai pas la réponse dans l'instant sur le courrier que nous avons en plus. Je ne voudrais pas en tirer de conclusion sur la complexité comparée de la redevance et des impôts que nous gérons...

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Ce n'est pas tellement que ce soit compliqué.

M. François Villeroy de Galhau : Je ne reviens pas sur l'audition de la semaine passée.

M. Jean-Pierre Delalande : Arrivés à ce point de votre audition, je voudrais revenir sur la première question, lorsqu'on rapproche les informations, d'abord le taux de paiement spontané, qui se situe finalement, de manière assez satisfaisante, à 95% et même à 97,5% des contribuables, le fait que les télé-déclarations vont se développer considérablement dans les années à venir, vous nous l'avez confirmé.

Je reviens sur ma question de la pyramide des âges par catégories de personnels, car vous nous avez dit notamment que vous recrutiez encore de manière importante. Nous avons là des évolutions considérables sur la durée, qui vont nécessiter des catégories de personnels de plus en plus formés. Je voudrais savoir comment vous envisagez le renforcement des catégories A et si ce phénomène est déjà enclenché à travers les recrutements actuels dont vous nous avez dit qu'ils étaient importants. Est-ce qu'on recrute de plus en plus de fonctionnaires de catégories A et B et de moins en moins de catégorie C ? Comment les choses évoluent-elles, indépendamment des efforts que vous nous avez expliqués concernant la formation professionnelle qui consiste à rehausser la qualification de vos personnels ?

M. François Villeroy de Galhau : La question de M. Delalande me permet d'abord de souligner un point tout à fait essentiel dans l'exercice de nos missions et tout à fait important pour la MEC. Il existe une très forte interdépendance entre l'exercice de nos différentes missions, entre les trois orientations que j'ai rapidement rappelées devant vous : le meilleur service aux usagers - la simplification, l'accueil -, la maîtrise du système déclaratif, la qualité du contrôle fiscal.

Pourquoi existe-t-il cette très forte interdépendance ? C'est parce qu'il y a des profils fiscaux plus ou moins marqués selon les départements, nous le voyons dans la discussion décentralisée que nous avons avec les directions des services fiscaux. Il y a en particulier un dicton interne à la DGI qui dit : mauvaise assiette, bon contrôle, ou bonne assiette, mauvais contrôle.

Quand on est dans un département où le respect des obligations déclaratives est assez faible (je ne citerai pas de nom mais la situation des départements français est assez contrastée de ce point de vue), le contrôle fiscal a souvent de très bons résultats, au moins en termes quantitatifs et de rendement d'affaires moyennes. La matière est riche et, comme le taux de défaillance est fort, il n'y a qu'à « piocher » pour faire, soit du contrôle sur pièces qui est, en fait, de la taxation d'office, soit du contrôle fiscal externe par rapport à des contribuables défaillants.

En sens inverse, le contrôle fiscal a souvent des résultats plus décevants en termes de rendement dans des départements où l'assiette est très bien tenue et où le respect spontané des obligations déclaratives est assez fort.

Ceci nous a conduit, d'abord dans la discussion avec chaque directeur des services fiscaux, à bien veiller à ce qu'une mission ne soit pas sacrifiée au détriment d'une autre. C'est l'importance du petit radar que je montrais tout à l'heure. Nous essayons d'avoir un jugement de synthèse sur l'activité d'un directeur. Ce n'est pas parce qu'il est le champion du contrôle fiscal qu'il est nécessairement le meilleur des directeurs des services fiscaux. Cela peut tout à fait être acquis au détriment d'autres missions.

Ceci nous a globalement conduits, à la DGI, à une conséquence probablement encore plus importante qui est de résumer les trois orientations stratégiques que je citais par une quatrième qui est une orientation de synthèse et qui figure d'ailleurs au tout début du contrat (c'est l'article 1.1, à la page 9 de ce document), qui s'appelle « faire progresser le respect spontané des obligations déclaratives ».

Si vous me permettez d'ores et déjà de corriger un peu ce contrat puisque nous allons le renégocier dans les prochains mois, je crois que l'adjectif est mal choisi. Il faudrait dire : « faire progresser le respect spontané des obligations fiscales » car ce ne sont pas seulement les obligations déclaratives, c'est aussi le paiement de l'impôt pour ce qui relève de notre mission, et toute une série d'autres obligations fiscales.

Nous aurons un meilleur respect des obligations fiscales par les contribuables, qu'il s'agisse d'ailleurs des entreprises ou des particuliers, si nous avons cumulé de meilleures relations avec les usagers par l'accueil et la simplification, une meilleure maîtrise du système déclaratif et quand même un contrôle fiscal de meilleure qualité qui assure la dissuasion.

Comme on le voit d'ailleurs dans l'ensemble des pays étrangers, les chiffres que vous rappeliez sur un taux élevé de respect des obligations déclaratives et de paiement, et dont nous pouvons tous nous réjouir, ne sont pas entièrement un résultat spontané. Ils résultent aussi un peu partout, notamment en France, de l'action de l'administration fiscale.

C'est autour de cet objectif de synthèse, de ce qu'on pourrait appeler le « civisme fiscal » d'une certaine façon, dans toutes les composantes des obligations fiscales, que nous pourrons résumer la mesure de notre performance, que j'ai un peu éclatée à travers les divers indicateurs que j'ai passés en revue tout à l'heure.

A la fin de ces petits tableaux, nous avons mis, concernant les entreprises, quelques indicateurs sur les échéances déclaratives et le coefficient de paiement à l'échéance.

Nous allons essayer de construire les mêmes indicateurs de synthèse concernant les particuliers. C'est un des engagements que nous avons pris dans le contrat.

J'en viens maintenant à ce qui relève de votre question en termes de recrutements, d'abord pour relever que la DGI recrute, bon an mal an, environ 2.000 agents, quelquefois un peu plus et quelquefois un peu moins. 1.985 sont prévus très exactement sur l'année 2000. La répartition de ces recrutements est très différente de la répartition du stock des agents, et ceci va directement dans le sens de vos préoccupations : 590 agents de catégorie A, 975 agents de catégorie B, et 420 agents de catégorie C. Les agents de catégorie C représentent aujourd'hui un peu moins de la moitié des agents de la DGI et un peu moins du quart des recrutements.

Mme Nicole Bricq : Monsieur le directeur général, vous nous avez décrit les indicateurs de performance globaux de la DGI et les objectifs. Jusqu'où les déclinez-vous ? Par centre des impôts ? Allez-vous jusqu'à les décliner par agent ?

M. François Villeroy de Galhau : C'est une question très importante dans la vie quotidienne de la DGI. J'ai inclus quelques éléments dans le document sur ce que nous appelons la démarche DPA, c'est-à-dire « diagnostic-plan-action ». Elle est tout à fait formalisée entre la direction générale, le plus souvent moi-même et les directeurs des services fiscaux, et ensuite avec plus de souplesse dans la déclinaison à l'intérieur des directions.

Nous avons deux documents essentiels entre la direction générale et les directeurs des services fiscaux :

Une procédure que nous appelons « directeurs entrants » ; six mois après son installation, un directeur fait un diagnostic de la situation de sa direction et élabore un plan d'action, d'où le nom « diagnostic-plan-action ». Je le reçois ou un de mes collaborateurs immédiats le reçoit. Nous discutons sur la base de son document, nous y apportons un certain nombre de modifications et nous passons ensuite à ce qui est pratiquement un contrat, c'est-à-dire que je lui écris en reprenant quelques-uns des objectifs qu'il s'est fixé, et ce que nous avons convenu lors de cette discussion.

Deux ans après, nous venons aux résultats dans ce que nous appelons « la conférence DPA ». C'est, cette fois-ci, le directeur entouré de l'ensemble de son équipe de direction qui vient nous dire comment il a atteint tel objectif, comment il a fait mieux sur tel autre ou rencontré telle difficulté. Cette démarche DPA est ensuite reproduite dans le département par le directeur, avec beaucoup de ses cadres, mais nous avons beaucoup moins codifié ce qui se passe à l'intérieur du département, selon le principe de subsidiarité.

La pratique la plus fréquente, mais je ne prétends pas que ce soit la norme générale, c'est que les directeurs pratiquent cette même démarche DPA avec ce que nous appelons les chefs de service, c'est-à-dire l'ensemble des responsables de structures de la DGI : les centres des impôts, les recettes des impôts, les centres des impôts fonciers, les conservations des hypothèques, etc. Ils ne retiennent pas nécessairement les mêmes objectifs ou les mêmes indicateurs parce qu'ils sont plus ou moins pertinents selon la structure. Mais cette démarche du management par objectif s'applique aussi aux chefs de service.

Au-delà, on entre dans une zone nettement plus floue, et cela n'a pas nécessairement de sens de faire descendre ces indicateurs agent par agent. Certains peuvent être pertinents, mais tous ceux qui ont pratiqué avant nous le management par objectif -et il y en a beaucoup à l'extérieur de l'administration- soulignent qu'il faut garder un caractère assez collectif au jugement qui est fait, ce qui n'empêche pas du tout des entretiens individuels sur l'activité professionnelle des agents, leur parcours de carrière, etc. Nous recommandons ces entretiens individuels mais nous ne recommandons pas a priori que cette logique d'indicateurs descende de façon trop normative jusqu'au niveau individuel des agents.

Je précise enfin que le directeur a cette démarche, non seulement avec ses chefs de service (qui sont quelques dizaines dans un département), mais il l'a aussi avec les membres de son équipe de direction. Un directeur a, selon la taille des départements, zéro, un ou deux directeurs assistants immédiatement auprès de lui, et quelques directeurs divisionnaires qui sont des responsables d'unités fonctionnelles de la direction des services fiscaux.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Une question encore sur les réformes avant d'en arriver à une ou deux questions sur le coût de recouvrement et sur la complexité de la législation fiscale : avez-vous toujours les fonctions de secrétaire général à la réforme, et comment se situent désormais vos fonctions compte tenu de la nomination d'un secrétaire général du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ?

C'est une fonction qui avait d'ailleurs été évoquée dans un groupe de travail que nous avions constitué. Cette fonction avait été recommandée dans un certain nombre de ministères. Elle est désormais mise en place au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

Comment s'organise concrètement la préparation des réformes du ministère autour du secrétaire général ? Quel est le rôle du comité des directeurs qu'il préside ? Et comment se situe la réforme dont nous parlons par rapport à des réformes plus vastes de l'ensemble du ministère, étant entendu que nous auditionnerons également le secrétaire général, M. Pêcheur ?

M. François Villeroy de Galhau : Pour répondre à la première partie de votre question, je n'ai plus les fonctions de SGRAF. A vrai dire, je ne les ai jamais eues, puisque ce projet n'a jamais eu de traduction juridique.

Je précise aussi que ce qui était visé à travers ce secrétariat général pour la réforme de l'administration fiscale était assez différent de la fonction de secrétaire général telle qu'elle a été créée pour M. Bernard Pêcheur. M. Jean Bassères étant secrétaire général adjoint, il s'agissait avant tout d'une instance de coordination forte entre la DGI et la DGCP pour réaliser, à l'époque, l'administration fiscale unique.

Concernant le secrétaire général, celui-ci - qui vous le dira encore mieux que moi si vous l'entendez - conçoit son activité et la structure d'ores et déjà, puisque nous avons commencé à travailler ensemble depuis un bon mois, autour de deux principes : le principe de cohérence et le principe de subsidiarité. Le principe de subsidiarité signifie que tout ce qui peut être fait dans les directions par les directeurs et leurs équipes est fait à ce niveau, et que la plupart des orientations, expérimentations, décisions, qui ont été annoncées par le ministre concernant l'administration fiscale, sont de la responsabilité de la DGI.

Le principe de cohérence vise à ce que soient traitées de façon transversale un certain nombre de questions qui touchent l'ensemble des directions et sur lesquelles objectivement je suis très preneur, comme d'ailleurs je crois tous mes collègues de direction à réseau. Nous avons fait allusion tout à l'heure au schéma directeur informatique ministériel. Ce n'est pas l'informatique de chacun des métiers, parce qu'on construirait un monstre, mais c'est une espèce de police commune qui permet la libre circulation, en tant que de besoin, entre les différentes autoroutes de métiers, si je prends une image routière. Mais il y a beaucoup d'autres questions, et je pense en particulier aux questions de gestion des ressources humaines que plusieurs d'entre vous ont évoquées, sur lesquelles nous avons des règles communes et sur lesquelles les évolutions devront se faire en commun. Cela ne veut pas dire que l'application ne soit pas ensuite décentralisée. Je pense à la question de la réduction du temps de travail, à la question de la gestion des cadres et à la question des régimes indemnitaires au ministère qui devront être adaptées.

Dernier élément sur le principe de cohérence : veiller au bon avancement de l'ensemble des réformes dans le ministère, ce qui m'amène à la dernière partie de votre question.

Je ne me situerai peut-être pas sur la réforme de l'ensemble du ministère parce que je suis incompétent pour en parler, mais je préciserai quel est le projet DGI pour les années qui viennent parce que c'est là qu'il y a une articulation entre ce que nous faisons et la réforme de modernisation du ministère.

Je suis absolument convaincu que la DGI doit continuer et même accélérer le mouvement de réforme qu'elle a mené sur la dernière décennie et que j'ai essayé d'illustrer à travers le management par objectifs, sur les prochaines années. Nous le devons aux usagers pour leur simplifier le service, il y a de fortes attentes là-dessus ; nous le devons aux contribuables, c'est l'objet de votre mission pour essayer de réduire les coûts, et nous le devons même aux agents. Ces trois intérêts peuvent se rejoindre. Nous avons beaucoup parlé ce matin de l'intérêt du travail des agents et de leur qualification, mais la modernisation dans ce sens est aussi attendue et souhaitée par les agents, pas n'importe laquelle, pas n'importe comment, mais nous pouvons trouver une voie commune à ces trois attentes : les usagers, les contribuables et les agents.

Pour traduire ceci dans l'action, je vais prendre devant vous une image géologique qui est celle de couches qui se superposent. La couche la plus profonde en dessous, c'est ce que j'appellerais la couche managériale, et c'est la responsabilité en particulier des cadres supérieurs de cette maison que sont les directeurs des services fiscaux.

C'est l'importance de cette démarche DPA d'aller toujours plus dans le sens d'une responsabilisation, d'une déconcentration au profit de ses managers locaux que sont les directeurs des services fiscaux, couplée avec un contrôle de gestion qui doit être renforcé.

Il y a une deuxième couche « directionnelle » au-dessus constituée de toute une série de chantiers qui peuvent être menés au niveau de la direction générale des impôts tels qu'ils étaient prévus dans le contrat et que nous allons continuer à traduire : l'exemple du contrôle fiscal, l'exemple de la réforme des centres régionaux informatiques. Ce n'est pas directement l'objet de votre mission mais je le cite parce qu'il y a beaucoup de chantiers lourds sur lesquels nous avançons, en concertation d'ailleurs avec les organisations syndicales.

Et il y a la réforme-modernisation du ministère (comme de droit, la couche ministérielle, si j'ose dire, vient au-dessus de l'édifice) qui couvre à la fois un certain nombre d'expérimentations dont nous n'avons pas beaucoup parlé ce matin et des décisions lourdes qui ont été prises :

- la direction des grandes entreprises, qui est un vrai progrès par rapport aux 17000 premières entreprises françaises que nous suivrons mieux ;

- le nouveau système d'information, nous en avons parlé ;

- et la déclaration expresse ou déclaration préremplie.

Ce sont trois décisions très importantes pour la direction générale des impôts.

La mise en perspective de ces trois couches pour les prochaines années, c'est la renégociation du contrat. J'insiste beaucoup sur le contrat parce que je crois que c'est le moyen, à la fois pour l'autorité politique de tracer les objectifs qu'elle assigne à la direction générale des impôts et, d'une certaine façon, pour la DGI de préciser les engagements qu'elle est prête à prendre vis-à-vis du ministre et, à travers lui, vis-à-vis de l'ensemble de nos concitoyens auxquels elle doit toujours une meilleure qualité de service. Le contrat fixe ensuite les moyens dont dispose, avec une certaine autonomie et une certaine responsabilisation, la direction générale des impôts pour atteindre ses objectifs dans une optique pluriannuelle avec la fongibilité des crédits, à charge pour nous ensuite de mobiliser l'ensemble de la direction générale autour de ces objectifs.

C'est une logique moderne et innovante au sein de l'administration française. Vous savez que d'autres pays étrangers ont adopté la formule de l'agence pour les administrations fiscales. Je ne crois pas, pour un tas de raisons, que l'administration française soit prête aujourd'hui à cette formule. La formule du contrat est celle qui est adaptée à notre tradition et aux attentes des usagers, des contribuables et des agents.

Je situe, ce faisant, la réforme de l'administration fiscale à l'intérieur de la réforme du ministère. Il existe, d'une certaine façon, une intersection très fortement marquée entre les orientations du 28 avril, et les trois niveaux d'action, les trois « couches » que j'évoquais.

M. Jean-Jacques Jégou : Monsieur le directeur général, vous avez tracé dans votre dernière déclaration une perspective très claire de sédimentation des différentes responsabilités de chacun. Nous sommes donc ici à la mission d'évaluation et de contrôle, et il n'a vraisemblablement pas échappé à nos collègues à plusieurs reprises (au moins deux) que vous avez parlé des perspectives de la réduction du temps de travail (RTT). Je voudrais donc vous demander comment, dans cette perspective que vous donnez (la renégociation de ce contrat, du coût de fonctionnement de 22 milliards), vous allez pouvoir également, en tant que directeur général, soit rester dans cette enveloppe, soit, comme le souhaitent l'ensemble des partenaires, particulièrement ici le Parlement qui est attaché à une bonne utilisation de la dépense publique, et avec ces nouvelles couches et cette nouvelle sédimentation, répondre à l'objectif d'amélioration des résultats ?

Deuxième question : vous avez de temps en temps fait allusion - c'est une question plus générale - à ce qui se passait chez nos voisins. Y a-t-il pour la DGI une importance de la démarche comparative - benchmark - et avez-vous déjà tiré un certain nombre de résultats ou de possibilités d'amélioration ou, au contraire, des certitudes quant à ce qu'il ne faut pas faire, comme vous venez de le dire tout à l'heure, ou ce qui ne marcherait pas chez nous ?

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Je voudrais prolonger la question de notre collègue Jean-Jacques Jégou. Le rapport de monsieur Jean-Luc Lépine faisait apparaître un rapport coût-efficacité passable ou médiocre compte tenu justement des comparaisons qu'il avait pu faire par rapport à des pays étrangers, compte tenu d'ailleurs d'un certain nombre de spécificités françaises que, selon les organisations syndicales, monsieur Jean-Luc Lépine n'avait pas suffisamment prises en compte pour expliquer les différences.

Cela fait maintenant quelques mois que vous occupez les fonctions de directeur général des impôts. Quelle est votre appréciation sur le constat qui avait été fait par l'inspection générale des finances, partagez-vous ce constat qui était quelque peu sévère de la part de monsieur Jean-Luc Lépine, et pensez-vous que les orientations qui ont été dégagées devraient permettre de répondre justement aux aspirations et aux attentes des trois catégories de personnes que vous avez citées tout à l'heure, à savoir les usagers, les contribuables et les agents ?

M. François Villeroy de Galhau : Ce sont des questions relativement lourdes. Sur la RTT tout d'abord, je voudrais préciser à M. Jégou que, parmi les clauses de renégociation du contrat qui étaient d'ores et déjà prévues à l'automne dernier, était mentionnée la RTT. C'est donc un des éléments que nous devrons intégrer dans la renégociation de l'automne, non seulement à cause des décisions ministérielles du printemps mais aussi à cause du contrat de l'automne dernier.

La méthode qui a été retenue sur la RTT, pas seulement pour la DGI mais pour l'ensemble du ministère, est une méthode d'expérimentation, ce qui me paraît tout à fait sage. Nous ne savons pas aujourd'hui, sauf par une approche purement arithmétique qui n'a pas un grand intérêt, décliner de haut en bas ce que donnerait la RTT à la DGI. Appliquer les pourcentages mécaniques ne signifie pas grand-chose.

Par contre, nous allons, à partir du début 2001, à la DGI comme ailleurs, expérimenter dans un certain nombre de structures types ce que peut être le passage aux 35 heures dans quelques centres des impôts et quelques recettes, etc.

Cette expérimentation sera très probablement conduite avec l'assistance de conseils extérieurs que le ministère est en train de recruter. Je répondrai plus précisément à votre question dans le courant de l'année 2001 au vu du déroulement de ces premières expérimentations. Nous essaierons bien sûr de le faire de la façon la plus efficace possible, tout en rendant un meilleur service aux usagers et en faisant faire un travail plus intéressant aux agents.

Je peux peut-être d'ores et déjà relever deux points à l'intention de la mission.

Le premier, c'est que cela suppose probablement de regarder toutes les pistes de simplification que nous avons de notre côté dans une organisation plus rationnelle. Les agents peuvent avoir un certain nombre de choses à dire là-dessus. On peut peut-être organiser différemment un certain nombre de tâches au niveau du centre des impôts. Je n'ai pas d'idées précises en tête mais un dialogue social sur place et une certaine imagination sous l'autorité des chefs de service, des responsables de structures, devraient nous permettre de dégager un certain nombre de progrès.

La deuxième remarque qui est dans la continuité de celle que je viens de faire, c'est que la simplification porte sur la gestion mais aussi sur la législation. Votre Rapporteur général l'évoquait et je le garde peut-être pour la conclusion de nos travaux.

Il est clair, et je le dis avec la liberté et la confiance de nos échanges ce matin, qu'il existe une forte interaction entre la législation et la gestion, et que nous avons peut-être plus de maîtrise sur la gestion que sur la législation. Sur ce plan, tout le travail commun, la meilleure connaissance réciproque, toute l'information que la DGI pourra, par mon intermédiaire, vous donner sur l'évolution de sa gestion, pourra être tout à fait utile.

Je mesure, pour avoir eu quelques autres casquettes antérieures, que la simplification de la législation est aussi une tâche toujours nécessaire et toujours difficile.

Sur la question de la situation chez nos voisins, du benchmark, du rapport Lépine et de l'appréciation que je peux en avoir aujourd'hui - question commune à M. Jégou et à M. Migaud -, je dois d'abord dire que je n'ai personnellement jamais beaucoup aimé le mot « benchmark » qui est un peu barbare. Ceci étant dit, on gagne toujours à voir ce qui se passe ailleurs, en bien ou en mal. On gagne dans les deux sens. Et un des avantages du métier de directeur général des impôts (pardon de cette note personnelle), qui comporte par ailleurs quelques contraintes, c'est qu'il est assez comparable avec ce qui existe à l'étranger. Ce n'est pas forcément le cas, par exemple, pour le directeur général de la comptabilité publique qui est une structure plus spécifique à la France.

Quelle est aujourd'hui mon appréciation ? Le rapport Lépine a fait une photographie. On peut discuter de tel ou tel point de la méthode, mais la photographie donne en gros une image à peu près fidèle. Cette image ne vaut pas condamnation de l'administration fiscale française parce qu'il y a des explications à la situation française, qui sont autant de choix que nous avons faits, que le Parlement et les gouvernements successifs ont faits. Nous sommes à peu près au niveau de l'Allemagne et de l'Italie.

Je cite au moins deux facteurs assez forts en France, c'est l'absence de retenue à la source qui est un choix parfaitement légitime et que nous appliquons, et c'est l'importance de nos structures territoriales tenant à une politique d'aménagement du territoire à travers des services publics. Je ne sais pas encore dire quelle part jouent ces deux facteurs dans la photographie du rapport Lépine, mais ils jouent un rôle non négligeable.

Ceci étant dit, je ne prétends pas que nous n'ayons rien à apprendre de la photographie et de la comparaison avec les administrations étrangères. On en trouve au moins deux illustrations :

- la première, c'est l'évolution rapide des techniques de recouvrement. Ceci concerne aujourd'hui davantage la direction générale de la comptabilité publique, mais dans les expérimentations retenues fin avril, un centre d'encaissement pour tous impôts, tous moyens de paiement, a été mis en place, et ceci s'inspire assez fortement des exemples étrangers ;

- la deuxième leçon que je retiens, c'est partout l'importance du système d'information et du développement des nouvelles technologies. Vous verrez que la toute première phrase du contrat est courte (page 5), mais elle me paraît très significative. Les trois premières lignes parlent de la DGI, s'autodéfinissant, d'une certaine façon, comme « exerçant principalement une activité de traitement de l'information et de services à forte valeur ajoutée dans un environnement technologique et économique en pleine mutation ».

Ce n'est pas une vision habituelle de l'administration fiscale qui est plutôt vue comme une vieille dame plus ou moins majestueuse, mais c'est tout à fait essentiel. A la base, notre activité est une activité de service, de traitement de l'information et, bien sûr, de contrôle de cette information.

Toute la difficulté, nos homologues étrangers l'ont d'ailleurs eue mais elle est plus marquée en France, c'est que nous devrons probablement combiner le développement de ces nouvelles formes de traitement de l'information et de services aux contribuables, et le maintien d'une présence territoriale liée à la politique d'aménagement du territoire que j'évoquais tout à l'heure.

Qu'est-ce que tout ceci donnera en terme de coût pour revenir à la partie finale de votre question et l'objet de la mission ? Je n'ai pas aujourd'hui d'objectifs chiffrés concernant l'évolution du coût de la gestion de l'impôt, mais nous devrons essayer de le faire baisser dans toute la mesure du possible, tout en assurant un meilleur service au contribuable.

C'est quelque chose que nous devrons décliner, année après année, en fonction de l'évolution de nos effectifs et de nos investissements informatiques parce que l'informatique commence par un coût d'investissement.

Cette préoccupation d'essayer de rendre le meilleur service à la collectivité avec un coût maîtrisé est une préoccupation qui anime toute l'équipe de direction de la DGI.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Dernière question, monsieur le Président, en remerciant d'ores et déjà le directeur général de la qualité de l'échange que nous avons ce matin, car je crois que c'est une audition intéressante.

Il y a vraisemblablement une troisième explication aux coûts de gestion de l'impôt en France, c'est la complexité de la législation. Vous l'avez évoquée, nous l'évoquons de temps en temps, et les auditions antérieures nous ont montré que les réformes de la fiscalité présentées comme des simplifications sont souvent ressenties par les agents comme une source de complication de leur travail quotidien.

Quel bilan faites-vous des opérations de simplification fiscale ? Établissez-vous des rapports de performance au niveau de la direction générale des impôts sur un certain nombre de réformes qu'a pu nous proposer le Gouvernement et que nous avons votées au Parlement ? Je pense à la modification du régime des micro-entreprises, je pense aussi au régime simplifié d'imposition, ou encore à la suppression du droit de bail.

Des rapports de performance, des bilans, sont-ils institués pour savoir si nos réformes ont été pertinentes ?

Avez-vous l'intention d'améliorer la planification des réformes fiscales en associant peut-être plus en amont vos services locaux, puisqu'il nous a souvent été dit, par les personnes que nous avons entendues, que ces réformes venaient du haut et que les agents n'étaient pas préparés à leur mise en _uvre.

Dernier sujet, lié aux réformes éventuelles à venir : pourriez-vous nous rappeler la composition du comité de stratégie fiscale auxquels le rapport sur la mission 2003 fait référence et nous préciser son rôle dans l'élaboration des réformes fiscales ?

M. Jean-Pierre Delalande : Dans le prolongement de la question du Rapporteur général, et pour être un peu plus cursif, sur le sentiment de jeu que nous avons ressenti à plusieurs reprises dans l'élaboration des textes fiscaux du Gouvernement qui nous sont proposés. Cela consiste à essayer de faire en sorte que les parlementaires comprennent le moins possible les amendements, par exemple, qu'on nous donne à minuit ou 1 heure du matin en Commission des finances, sans mesures de leur impact, résolument rédigés de manière absconse, de façon à ce que nous ne puissions pas en mesurer les conséquences. Sentez-vous cet état d'esprit en train de diminuer, d'être abandonné ?

J'en ai encore eu de beaux exemples - le Rapporteur général y faisait allusion - dans la réforme de la contribution représentative de la taxe additionnelle au droit de bail. C'était vraiment une construction surréaliste.

Sentez-vous cet état d'esprit diminuer ? Pensez-vous qu'il va être abandonné et que la simplification ne passe pas finalement par un peu plus de clarté et de simplicité jusque dans la sémantique ?

Mme Nicole Bricq : Dans le même ordre d'idée, il y a des élus qui chaque année votent des lois de finances, et votent même des lois de finances rectificatives. C'est peut-être un peu ennuyeux d'avoir des élus qui font des amendements, parce qu'on nous a souvent dit dans les auditions de vos agents, comme de ceux de la direction de la comptabilité publique, que chaque modification était une source de complication.

C'est comme cela, on vote une loi de finances chaque année. Mais nous, législateurs, avons le sentiment d'un objectif commun avec le ministère des finances, celui de la simplification. On n'entend peut-être pas tout à fait les mêmes choses sous ce concept.

Quand on supprime, par exemple, tout un tas de taxes, de droits de timbre, etc., dans les dernières lois de finances, on doit pouvoir penser que cela modifie les services en conséquence et que les agents sont sans doute mieux utilisés, plus efficients dans d'autres fonctions.

Je prends cet exemple parce qu'on l'a fait souvent dans les deux dernières lois de finances, et ceci justement pour prolonger la question de notre Rapporteur général : comment cela se traduit-il effectivement dans l'organisation de vos services ? On ose penser que simplifier dans ce sens là doit aussi simplifier l'organisation de votre travail et doit engendrer une meilleure adéquation des besoins, en emplois notamment, par rapport à d'autres fonctions qui méritent sans doute plus d'attention.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Ce sont de vraies simplifications.

Le Président Augustin Bonrepaux : J'ajouterai une question un peu en sens inverse pour revenir sur le recouvrement par rapport au contrôle. Avez-vous des statistiques qui montrent que le recouvrement s'améliore par rapport aux contrôles effectués ?

Et par rapport à ce recouvrement, la complexité de la législation permet-elle justement d'effectuer les recouvrements quand les redressements sont reconnus ?

M. François Villeroy de Galhau : Ce sont beaucoup de questions importantes. Je vais répondre dans le désordre en disant un mot à l'attention de Mme Bricq. Je ne crois pas avoir dit que c'était ennuyeux d'avoir des élus et je ne crois même pas l'avoir pensé...

M. Jean-Pierre Delalande : Vous non.

M. François Villeroy de Galhau : Mais comme c'est moi qui suis auditionné, j'en profite pour le dire. J'ai même tendance à penser que nous sommes des alliés objectifs, si vous me permettez l'expression, sur ce sujet des simplifications dont je ne vais pas du tout gommer la difficulté, parce que les simplifications sont complexes, selon un paradoxe bien connu.

Le paradoxe de base, c'est que tout le monde est pour les simplifications. Je n'ai jamais rencontré quelqu'un qui soit contre les simplifications, même au fond de l'administration la plus bornée - ce qui n'est pas le cas de la DGI -, mais nous avons collectivement une grande difficulté à les matérialiser.

Si j'essaie de m'interroger devant vous sur les raisons de cette difficulté, et de répondre au passage aux questions que vous posez, d'abord à la question du Rapporteur général sur le bilan de performance, nous ne faisons pas, en tant que tel, de bilan de performance des simplifications. Ceci dit, on sait assez vite ce qui marche et ce qui ne marche pas. On le sait assez vite en vertu d'un principe simple qui est qu'on n'entend plus jamais parler des simplifications qui marchent tandis qu'on entend très vite parler des simplifications qui ne marchent pas. Il y a eu à cet égard le problème de la contribution de droit de bail, et il y a eu quelques questions sur le régime simplifié d'imposition, sur lequel j'aurais peut-être une appréciation un peu plus nuancée.

Nous avons néanmoins - ce qui se rapprocherait le plus du bilan de performance - une analyse du contentieux - j'ai d'ailleurs demandé qu'on systématise un peu cette analyse - sur lequel je vous donnais quelques chiffres tout à l'heure. Nous voyons assez bien les réclamations qui baissent sur certains impôts quand des simplifications ont été réussies et des réclamations qui montent sur d'autres impôts.

Pour illustrer ceci, nous avons vu, par exemple, un recul des réclamations en ce qui concerne les impôts locaux ces dernières années, ce qui est l'illustration d'au moins deux modifications heureuses de la législation, la première étant la suppression progressive de la base salaire de la taxe professionnelle qui a commencé par les plus petites entreprises et qui touche énormément de contribuables et de réclamations potentielles ; et la seconde, sur la taxe d'habitation, étant le relèvement du seuil d'exonération que vous aviez favorisé à partir de la fin de 1997, à l'initiative notamment du Président Bonrepaux.

En sens inverse, nous avons vu une augmentation des réclamations sur certains impôts : la taxe sur les logements vacants, et le droit de bail - c'est plus conjoncturel - puisque nous avons pu résoudre cela par une simplification radicale qui est la suppression de l'impôt en cause.

Comment pouvons-nous faire pour essayer que les choses soient mieux prises en compte ?

Il y a eu des réussites indépendamment même de celles que je citais sur les impôts locaux. Le régime du « micro foncier », par exemple, qui a été mis en place est, je crois, de l'avis général, une réussite qui a simplifié la vie à la fois des contribuables et des services. Il faut donc essayer de s'inspirer de ces réussites dans nos pistes de réflexion.

Il y a pour beaucoup un problème de calendrier car les simplifications sont très attendues, sont donc très commentées dès lors qu'elles sont annoncées, soit par le Gouvernement, soit au stade du débat parlementaire, et nous n'avons pas forcément eu le temps, en gestion, de préparer l'ensemble des services à ces modifications. On pourrait dire qu'il faut faire l'inverse, c'est-à-dire qu'il faut préparer tous les services avant de faire l'annonce. Mais ceci poserait une autre difficulté, je crois que nous en sommes tous conscients, celle du respect des droits du Parlement.

Cette difficulté est d'ordre tout à fait pratique, mais elle est néanmoins réelle. Nous essayons au maximum de gérer, dans un temps extrêmement court, l'articulation entre la décision parlementaire et l'application sur le terrain.

Nous avons pu à peu près le faire pour la baisse de la TVA dans le bâtiment à l'automne dernier, mais cela a néanmoins été ressenti par les services comme une complexité assez lourde.

Deuxième élément à propos des pistes d'amélioration, c'est la meilleure intégration de la gestion dans la planification des réformes fiscales, question soulevée à la fois par M. Migaud et, dans des termes un peu différents, « cursifs », par M. Delalande. Là aussi, je voudrais le rassurer : je n'ai pas eu le sentiment, dans mes diverses vies, actuelle ou antérieures, de participer à un jeu consistant à cacher la copie le plus longtemps possible et à la faire émerger...

M. Jean-Pierre Delalande : Moi si, et je vous en donnerai des exemples concrets.

M. François Villeroy de Galhau : En tous cas, ce n'est absolument pas l'intérêt de la direction générale des impôts que de cacher la copie, ne serait-ce que pour la raison que je viens de rappeler d'information vis-à-vis des services. Notre intérêt serait que l'information soit diffusée dans la France entière le plus tôt possible, avant même que la décision soit prise.

Il faut arriver à mieux articuler législation et gestion. C'est le sens de deux réformes de structures qui avaient été décidées en 1998-1999 : la première est celle du rattachement de la direction de la législation fiscale à la direction générale des impôts et la seconde est celle de la création du comité de stratégie fiscale à laquelle vous avez fait allusion, M. le Rapporteur général.

Je précise tout de suite que je préside ce comité de stratégie fiscale avec, à mes côtés, M. Hervé Le Floc'h-Louboutin, directeur de la législation fiscale. Outre les principaux cadres concernés de la DGI et de la direction de la législation fiscale, y compris d'ailleurs des cadres de terrain - nous avons chaque année au moins un directeur des services fiscaux qui est membre du comité de stratégie fiscale pour nous donner vraiment l'écho de la gestion concrète - y participent les autres directions de Bercy concernées à un titre ou un autre, essentiellement la direction de la prévision, la direction du budget et la direction de la comptabilité publique.

Le comité de stratégie fiscale propose, le Gouvernement et le Parlement disposent. Nous faisons un certain nombre de propositions qui ne sont d'ailleurs pas directement reliées - parce que nous travaillons en général en début d'année - à l'exercice de la loi de finances qui, lui, s'enclenche à partir de l'été, mais nous essayons notamment d'aller dans le sens de la simplification. Beaucoup des mesures de simplification qui vous ont été proposées les années précédentes venaient d'ailleurs du comité de stratégie fiscale. J'espère que nous pourrons encore vous en proposer un certain nombre cette année par l'intermédiaire du ministre.

Ceci ne suffit pas à lever la difficulté que vous évoquez ce matin. Ces mesures d'organisation administrative sont tout à fait nécessaires et bienvenues, mais pas suffisantes pour intégrer pleinement le souci de la gestion. Avec 850 centres des impôts, la machine DGI est une machine lourde, car elle doit toucher l'ensemble du territoire et qu'elle concerne beaucoup d'agents. C'est un grand paquebot qui vire lentement, mais c'est un facteur qui pèse moins au moment de la décision législative que le souci de prendre en compte les préoccupations de telle ou telle catégorie de contribuables.

Il faudrait quand même que nous arrivions davantage à vous présenter, dans les fiches d'impact, les conséquences en gestion de la mesure autant que nous puissions les apprécier, et à mieux gérer le calendrier, ce qui renvoie à la première difficulté que j'évoquais.

Je n'ai donc pas de réponse absolue par rapport à cette préoccupation que nous partageons tous. Je crois néanmoins qu'il faut que nous arrivions à accélérer là-dessus parce que, ce que nous recherchons pour nos concitoyens, c'est un impôt mieux accepté. Je parlais du civisme fiscal comme étant notre objectif de synthèse : dans le fait que l'on recherche un impôt mieux accepté, on a sans doute à l'esprit un impôt plus faible, mais un impôt plus simple est aussi un élément très important pour nos concitoyens.

Sur la question de Mme Bricq sur les vraies simplifications, il y en a effectivement un bon nombre qui produisent des résultats : les suppressions d'impôts que vous avez évoquées, la suppression du droit de bail que nous avons d'ailleurs intégrée dans les économies d'emplois que nous pouvions faire dans l'année 2000. Nous les prenons bien en compte. Vous verrez d'ailleurs dans le contrat qu'il y a un chiffrage des gains d'efficacité au titre des simplifications réussies mais, de même que les peuples heureux n'ont pas d'histoire, les simplifications qui marchent font peu de bruit. Vous en entendez moins parler mais nous les intégrons, au moins pour l'année 2000.

Enfin, la question sur les recouvrements consécutifs à contrôle fiscal du président Bonrepaux est une question difficile. La direction générale de la comptabilité publique et la direction générale des impôts fournissent chaque année au Parlement le maximum de chiffres sur les recouvrements consécutifs à contrôle fiscal, et il y a un certain nombre de pertes en ligne. C'est normal. Cela correspond, soit aux réclamations du contribuable au stade administratif, soit aux contentieux juridictionnels, soit aux difficultés de recouvrement.

Il faut évidemment que nous visions à ce qu'il y ait le moins de pertes en ligne possible. Cela fait partie de la qualité du contrôle fiscal dont je parlais et je parlerais presque de vérité du contrôle fiscal. Ce n'est pas la peine de faire des notifications inutiles au contribuable si nous savons qu'il n'y aura, de toute façon, aucun recouvrement derrière.

Je n'ai pas de chiffres synthétiques au-delà de ceux, qui sont assez éclatés, que nous vous transmettons chaque année. Nous tombons là incontestablement sur l'une des difficultés tenant à l'existence de deux administrations fiscales. Le fait qu'une partie des recouvrements consécutifs à contrôle fiscal incombe à la DGCP, c'est-à-dire ce qui relève de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés, complique le suivi des statistiques puisqu'il y a un grand décalage dans le temps sur les contrôles fiscaux importants. Il se passe, en général, plusieurs années entre la notification de redressement telle que nous vous la donnons dans les statistiques sur les droits notifiés, et le recouvrement effectif.

Nous essayons - c'est un des chantiers que nous avons lancé avec M. Jean Bassères -de construire de plus en plus des indicateurs synthétiques que nous pourrions vous communiquer. Mais je n'ai pas encore de meilleure réponse que les chiffres transmis chaque année avec la loi de finances.

Le Président Augustin Bonrepaux : Vous ne nous avez pas parlé de l'expérimentation sur les maisons des services publics. Comment la voyez-vous du côté de votre direction ?

M. François Villeroy de Galhau : Je n'ai d'ailleurs parlé d'aucune des expérimentations. Nous en attendons à chaque fois une vraie simplification pour l'usager et des progrès vers cette notion d'interlocuteur fiscal unique qui, sans être totalement consensuelle aujourd'hui au sein du ministère, est partagée par beaucoup, y compris par un certain nombre de partenaires sociaux.

Nous allons donc essayer, par la technique de l'expérimentation qui est sans doute une bonne technique pour avancer - des expérimentations qui sont transparentes et réversibles, mais qui sont réelles et visibles - de voir les meilleures formules qui marchent.

Je ne suis pas nécessairement le mieux qualifié pour répondre sur les maisons des services publics, parce que cette expérimentation va concerner l'ensemble des directions du ministère.

L'idée est assez simple : permettre au contribuable, particulier ou PME, dans un certain nombre de points de contact qui seront probablement très largement des trésoreries puisque c'est le réseau le plus dense, d'avoir le maximum d'informations sur l'ensemble des services du ministère. Cela peut viser aussi bien, puisque le ministère de l'industrie fait maintenant partie de ce périmètre, les informations sur les installations classées dont peut avoir besoin une PME, que les informations dont un contribuable peut avoir besoin sur la fiscalité ou les problèmes de concurrence qui peuvent se poser sur des commerces locaux. Il s'agira donc d'un point d'information important.

Cette maison des services publics ne pourra pas, bien sûr, traiter l'ensemble des demandes. On revient sur le point que j'évoquais tout à l'heure à propos du nouveau système d'information, mais c'est un point d'information que nous voulons aussi complet que possible. C'est probablement une expérience qui sera, de ce fait, pilotée au niveau de l'ensemble du ministère, ce qui nous ramène à la question du Rapporteur général de tout à l'heure sur l'articulation réforme DGI-réforme du ministère. Je pense que le secrétaire général et son équipe seront amenés à y jouer un rôle important.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Au-delà des maisons dont vient de parler M. Augustin Bonrepaux, quelles sont les prochaines expérimentations qui devraient être mises en place ?

M. François Villeroy de Galhau : Le ministre a fixé en la matière un calendrier ambitieux de lancement des expérimentations puisque la plupart doivent être lancées à l'automne.

Pour répondre plus précisément à votre question, nous visons de pouvoir lancer en priorité, c'est-à-dire d'ici la fin du mois de septembre, deux expérimentations :

- l'une, qui concerne essentiellement les particuliers sans exclure les entreprises, c'est l'accueil commun DGI-DGCP dans les hôtels des finances, qui simplifierait sensiblement la vie des contribuables ;

- l'autre qui, elle, est propre à la DGI, c'est le rapprochement centre des impôts/recettes pour ce qui concerne les PME. Nous visons à ce que les PME aient un seul interlocuteur à l'intérieur de la DGI pour la plupart de leurs problèmes courants, ce qui est facilité par le fait qu'il y a correspondance géographique. Partout où il y a un CDI, il y a une recette.

Très vite derrière - et dès septembre si c'est possible -, nous lancerons un centre d'appel téléphonique, là aussi à titre expérimental, permettant de répondre aux demandes de renseignements généraux des contribuables à ce stade, mais non aux demandes de renseignements particuliers, puisque ceci supposerait d'avoir le compte fiscal unique du contribuable que nous n'avons pas encore sur l'informatique. Mais beaucoup de questions sont d'ordre général du genre : quelles sont mes obligations ? Qu'est-ce que je fais dans telle situation ?

Le lancement de l'Intranet interviendra aussi à l'automne. Il permettra de faire circuler les demandes au sein des deux réseaux de la DGI et de la CP pour le cas où le contribuable s'adresse à la mauvaise porte. Il s'agit, là aussi, de prendre en charge sa demande de façon à ce qu'il n'ait pas à payer le prix de son erreur de guichet. La complexité sera pour nous, elle ne sera pas pour l'usager dans toute la mesure du possible.

Ce sont les expérimentations de très court terme.

Je souligne enfin deux points : le premier, c'est que la décision définitive sur la déclaration pré-remplie devrait être prise - ceci intéresse directement votre mission et la commission des finances - d'ici septembre au vu des simulations sur les déclarations 2000 que nous sommes en train de faire et dont nous aurons les résultats fin août. Cette déclaration s'appliquera au printemps 2001 si la décision est prise, avec probablement d'ailleurs un report de la date de déclaration.

Enfin, la mise en place, au 1er janvier 2002, de la direction des grandes entreprises constitue une vraie modification de la gestion de l'impôt, parce qu'elle permettra notamment un suivi beaucoup plus intégré des grands groupes, ce qui simplifiera leur vie dans la gestion courante, et nous permettra peut-être aussi de mieux repérer un certain nombre de pratiques justifiant un contrôle fiscal.

Le Président Augustin Bonrepaux : Monsieur le directeur général, nous vous remercions beaucoup d'avoir répondu avec autant de précision à nos questions.

*

* *

7.- Audition de M. Jean Bassères,
directeur général de la comptabilité publique

(Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 29 juin 2000)

Présidence de M. Jean-Pierre Delalande, Président

A l'invitation du Président, M. Jean Bassères est introduit. Le Président lui rappelle les règles définies par la mission pour la conduite des auditions : pas d'exposé introductif, échange rapide des questions et des réponses.

Le Président Jean-Pierre Delalande : A titre liminaire, pourriez-vous nous présenter la direction générale de la comptabilité publique (DGCP), ses missions, son organisation centrale et territoriale, ainsi que sa pyramide des âges ?

M. Jean Bassères : La direction générale de la comptabilité publique a la particularité d'avoir plusieurs missions. Le recouvrement, dont nous aurons l'occasion de parler plus précisément, ne constitue qu'une des sept missions qui incombent à la DGCP. Voici, rapidement décrites, les autres tâches qu'il lui revient d'assumer :

- il s'agit en premier lieu d'une fonction de contrôle et d'exécution des dépenses publiques de l'Etat, des collectivités locales et de leurs établissements publics respectifs ;

- il existe une fonction de production budgétaire et comptable. Il s'agit à la fois de la tenue de la comptabilité et de l'élaboration des plans de comptes, qui aboutissent notamment à la centralisation annuelle des résultats ;

- la DGCP assure une fonction d'expertise et de conseil au profit de l'Etat et des collectivités locales. Pour l'Etat, il s'agit de l'ensemble des services que nous essayons de rendre aux préfets, aux ordonnateurs. Pour les collectivités locales, il s'agit d'une prestation de conseil qui couvre l'ensemble de leurs attributions ;

- la DGCP offre, par ailleurs, une prestation en termes de soutien vis-à-vis des entreprises. C'est notamment le cas pour les entreprises en difficulté ;

- nous avons également une mission de gestion des dépôts d'intérêt général, ceux notamment des déposants obligatoires au trésor. Nous avons aussi le rôle de préposé de la caisse des dépôts et consignations ;

- nous avons enfin une mission d'épargne concurrentielle. Nous sommes notamment un des réseaux placeurs de la caisse nationale de prévoyance (CNP).

Si la diversité des missions est grande, il existe un élément qui les fédère. En effet, nous sommes un des principaux acteurs de la gestion publique au sens large, puisque nous sommes présents vis-à-vis des différents organismes publics, aux différents niveaux de leurs attributions.

Pour prendre en charge ces missions, l'administration centrale de la DGCP compte environ 1.100 agents sur un effectif budgétaire total qui s'élève à 55.500.

La présence territoriale s'organise selon le schéma suivant : il s'agit d'une organisation pyramidale avec une trésorerie générale par département qui anime un réseau de trésoreries. Celles-ci sont au nombre de 3.800. Dans certains départements, il existe un échelon intermédiaire, appelé recette des finances, qui permet une animation de proximité entre la trésorerie générale et les trésoreries.

La pyramide des âges est marquée par un nombre important de départs à la retraite dans les prochaines années, puisque 40% des effectifs actuellement en poste à la DGCP devraient partir à la retraite d'ici 2010. Ce taux atteint 50% si la référence est 2012. Le nombre des départs s'accélérera jusqu'en 2010 avec un palier en 2007. Ainsi, si le rythme annuel actuel est de l'ordre de 1.400 départs par an, à compter de 2007 il s'élèvera à environ 2.500 départs par an.

Après cette présentation générale très schématique, je dirai quelques mots sur l'activité de recouvrement stricto sensu au sein de cette organisation.

Nous recouvrons annuellement 1.600 milliards de francs de recettes publiques pour l'Etat, les collectivités locales et les organismes tiers.

Pour l'Etat, les 870 milliards recouvrés sont essentiellement des produits fiscaux, notamment l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés.

Pour les collectivités locales, 684 milliards de francs sont recouvrés, dont une petite moitié au titre des quatre impôts directs locaux. 318 milliards de francs sont issus du recouvrement de produits non fiscaux, tels que les produits des cantines, les redevances d'assainissement ou les ressources des établissements publics des collectivités locales.

Pour les organismes tiers, le montant des sommes recouvrées s'élève à 44 milliards de francs, dont 13,3 milliards de francs au titre de la redevance audiovisuelle.

Pour effectuer ces recouvrements, nous nous appuyons essentiellement sur 3.200 trésoreries. Vous voyez que sur les 3.800 unités que j'évoquais tout à l'heure, 3.200 d'entre elles pratiquent le recouvrement, essentiellement dans des structures polyvalentes, puisque sur ces 3.200 trésoreries, 53% ont une charge de recouvrement qui représente moins de 30% de leur activité. Notre structure type en termes de recouvrement est donc une structure polyvalente, celle-ci assurant également des tâches relatives à la gestion publique locale.

Nous avons des postes spécialisés, dont le nombre peut apparaître faible, autour de 225. Mais ceux-ci assurent à eux seuls 40% de la charge de recouvrement dévolue à la DGCP. La concentration des activités de recouvrement est donc assez marquée.

Pour exécuter cette mission, la DGCP s'appuie sur 16.000 agents, dont 11.600 pour l'impôt stricto sensu, la différence correspondant aux 4.400 agents en charge du recouvrement de la redevance, des amendes et des produits divers.

La répartition par catégorie des 11.600 agents chargés du recouvrement fiscal est assez proche de celle de l'ensemble de la direction générale, avec notamment un taux de cadres A autour de 17%.

65% des agents chargés du recouvrement fiscal se consacrent aux impôts directs des particuliers, c'est-à-dire à l'impôt sur le revenu et à la taxe d'habitation. Je relève qu'une forte proportion de ces effectifs, de l'ordre de 40%, se consacre au recouvrement amiable, ce qui est significatif.

Tels sont les principaux repères chiffrés concernant l'activité de recouvrement.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : S'agissant des effectifs des catégories A, B et C, peut-on relever des évolutions ces dernières années ?

M. Jean Bassères : La tendance passée, que nous essayons de poursuivre consiste en un repyramidage des emplois vers les catégories B et A. Notre structure d'emploi est, en effet, marquée par une faible proportion d'agents de la catégorie A. Or, il est évident, pour le recouvrement et surtout pour nos missions de conseil et d'expertise que le besoin d'une augmentation de l'encadrement est assez fort. Chaque année depuis quelques années, nous essayons par des requalifications, par des transformations d'emploi, d'augmenter cette proportion. Nous avons pour objectif - il s'agit là de l'objet des futures discussions budgétaires - de poursuivre ce mouvement. Les analyses fonctionnelles auxquelles nous nous livrons montrent que le besoin « en matière grise » va devenir extrêmement important.

M. Jean-Jacques Jégou : Vous ressentez la nécessité impérieuse d'augmenter le nombre des agents de catégorie A. Cette augmentation sera-t-elle compensée par une diminution du nombre des agents de catégorie B et, a fortiori, de catégorie C ? Faut-il s'attendre à une augmentation des coûts ou le reprofilage se fera-t-il à enveloppe constante ?

Le Président Jean-Pierre Delalande : Il n'est pas interdit d'imaginer une baisse du montant de cette enveloppe ! 

M. Jean Bassères : Il faut distinguer en fait deux questions.

En premier lieu, la question du niveau global de l'enveloppe se pose indépendamment de sa répartition, au regard des perspectives d'évolution de l'emploi dans ma direction générale. Puis, en second lieu, il faut examiner comment se traduit l'impact d'un repyramidage éventuel au sein de cette enveloppe.

Les effectifs budgétaires sont de 55.550, en diminution sur moyenne période. Depuis 1997, en effet, 987 emplois ont été supprimés à la DGCP, soit environ 1,8% des effectifs.

S'agissant de l'évolution des emplois en volume, la question que vous posez est en fait celle des gains de productivité et d'efficacité. Sur ce point, après une remarque liminaire, j'évoquerai plusieurs questions.

Avant toute chose, il faut relever qu'une des difficultés que nous avons pour anticiper ces évolutions en volume vient de notre positionnement en bout de chaîne, ce qui signifie que notre charge de travail dépend, pour partie, d'évolutions décidées par d'autres. Par exemple, selon qu'une collectivité locale décide de gérer telle activité en régie ou non, nous avons là à subir une évolution de charges que nous ne maîtrisons pas directement. C'est un élément structurel pour nous, d'autant plus que le secteur local représente l'essentiel de notre charge de travail. Nous avons donc une difficulté, étant en bout de chaîne, à appréhender l'évolution de ces charges.

Ceci étant précisé, il est possible d'aborder plusieurs points concernant les progrès potentiels en termes de gain d'efficacité.

En premier lieu, bien sûr, il peut y avoir des réflexions sur le périmètre de nos missions.

Le deuxième axe, extrêmement important à mes yeux, concerne le champ de la dématérialisation et de l'informatisation. C'est là une source de progrès considérable pour une direction générale comme la mienne, très industrielle dans son mode de fonctionnement. C'est tout le débat que nous avons actuellement, du point de vue du recouvrement, autour du nouveau système informatique fiscal. Mais nous envisageons aussi cette problématique pour nos autres missions et je pense en particulier au secteur public local. La question du secteur public local se caractérise aujourd'hui par une diversité extrêmement importante d'applications informatiques. De plus, il serait sans doute possible d'envisager des échanges dématérialisés beaucoup plus nombreux.

La troisième source potentielle de gains d'efficacité a pour base une réflexion sur les structures. Nous avons engagé il y a trois ans et achevé depuis peu la réforme des recettes des finances, structure dont j'ai dit tout à l'heure qu'elle était intermédiaire entre la trésorerie générale et la trésorerie. Nous avions, en 1997, 88 recettes des finances, avec des tâches pour beaucoup d'entre elles un peu obsolètes. Elles avaient notamment une fonction de centralisation comptable, devenu quelque peu inutile, compte tenu des progrès de la technique informatique. Nous avons mené une réforme qui a consisté à revoir les missions de ces structures, en les orientant notamment vers un travail d'animation, et à supprimer celles d'entre elles qui étaient dans des zones où le besoin d'animation intermédiaire n'apparaissaient pas de manière évidente. Cela nous a permis de revaloriser la fonction de ces recettes des finances maintenues et de créer aussi des structures dans les zones urbaines qui n'en bénéficiaient pas. Cela s'est également traduit par des gains en termes d'emploi.

Quelles sont les autres perspectives qu'il est possible d'envisager dans le domaine des structures ? A mon sens, nous avons une réflexion à poursuivre au sujet des zones urbaines. Au sein du trésor public, une attention particulière est traditionnellement portée aux zones rurales, mais l'organisation des zones urbaines doit, elle aussi, être l'objet d'une réflexion. Une étude interne récente tend à montrer que la spécialisation par fonction, avec dans les zones urbaines des postes spécialisés « impôt » et d'autres « secteur local », se traduit par un meilleur service. Elle permet aussi de générer, sans doute, des gains d'efficacité.

Ces différents domaines d'évolution produiront leurs effets dans les années à venir. Certes, ils seront souvent un peu lents, comme le montre l'exemple de la nouvelle application informatique concernant le secteur local, qui ne sera pas opérationnelle avant trois ans. Il s'agit d'opérations extrêmement lourdes.

Il reste un dernier point qui est pour moi, aujourd'hui, un point d'interrogation. Cette interrogation est d'ailleurs partagée sans doute par l'ensemble de mes collègues, directeurs d'administration centrale ; il s'agit de l'incidence de la réduction du temps de travail. Quelle sera demain l'incidence de l'aménagement et de la réduction du temps de travail ?

J'en viens à la deuxième question concernant le reprofilage des emplois. Je tiens à vous rassurer de ce point de vue. Les opérations de rééquilibrage de la pyramide de nos emplois se sont faites par suppression d'emplois de catégories B et C et création d'emplois de catégorie A, avec une équivalence en termes de coût. Pour créer un emploi de catégorie A, on est amené à supprimer 1,7 agent de catégories B et C. Nous travaillons donc sur cette hypothèse d'équivalence, s'agissant des transformations d'emplois.

M. Jean-Pierre Brard : Monsieur le directeur général, au cours de mes travaux sur la fraude, j'ai pu approcher de plus près les agents de la comptabilité publique et, ainsi, me rendre compte non seulement de leur grand engagement mais aussi de la difficulté de leur tâche. Leur travail est, en effet, très ingrat ! Ils sont parfois amenés à recouvrer un impôt qui est assis dans des conditions ne tenant pas compte de sa recouvrabilité réelle, ce qui ne simplifie pas la tâche des agents.

Vous avez évoqué les prestations de conseil aux collectivités locales. Je ne pense pas que l'on puisse réellement parler en termes de prestations de conseil. Certes, il y a aujourd'hui des relations plus resserrées, grâce à des échanges informels. Précisément, nous gagnerions certainement à ce que des prestations de conseil soient assurées de façon plus structurée. Elles pourraient être alimentées par une appréhension plus fine de la réalité que les élus ont à gérer.

Comparaison n'est pas raison, mais il est vrai qu'autrefois quand nous étions contrôlés par la Cour des comptes, c'était un peu sur le mode "Tout le monde aux abris, la Cour arrive ..." (Sourires). Je ne caricature pas. Mais les choses ont changé. Il y a maintenant dans les conclusions des juridictions financières, relatives aux contrôles qu'elles ont menés, beaucoup de préconisations et les élus appréhendent aujourd'hui celles-ci différemment. Pour ce qui est de la comptabilité publique, nous pourrions certainement envisager une vraie coopération qui aille au-delà de la délibération adoptée tous les ans par chaque conseil municipal, afin de rémunérer cette activité de conseil, laquelle est trop évanescente pour l'instant, du moins à mon goût.

S'agissant de la dématérialisation, je ne ferai qu'une remarque. Je suis complètement favorable à une amplification des efforts sur ce point, à la condition cependant que l'on reste très attentif à la relation avec des « clients » qui, en situation de difficulté, ont besoin de la relation personnelle.

Enfin, sur la redevance, je pense qu'il y a beaucoup de travail à faire pour arriver à une qualité humaine de la relation entre le centre de la redevance et les redevables. Permettez-moi de vous faire part d'une anecdote personnelle. Quelqu'un a déclaré son poste de télévision chez moi et je m'en suis aperçu. Ne voulant pas payer, évidemment, j'ai envoyé un courrier au centre de la redevance qui m'a quand même demandé de payer. J'en ai déduit qu'il n'avait pas lu mon courrier, car la réponse du centre était une lettre-imprimée un peu anonyme, avec une espèce de gribouillis en bas. Je réécris et je reçois une nouvelle lettre me demandant de payer. Ce n'est qu'à ma troisième lettre, il est vrai sur papier à en-tête de l'Assemblée nationale, que j'ai eu une réponse et que, d'un seul coup, ma demande a été prise en compte.

Cette anecdote illustre qu'il y a vraiment un problème et tout cela donne une image tout à fait désagréable du centre de la redevance. Certes, comme nos concitoyens ne connaissent pas bien les rouages des administrations financières, ils ne mettent pas de signe "égal" entre direction de la comptabilité publique et le centre de la redevance. Néanmoins, ce dernier est sous votre responsabilité et si vous pouviez injecter un zeste d'humanité dans les relations entre le centre et les redevables, ce serait une excellente chose.

Le Président Jean-Pierre Delalande : L'absence d'humanité est parfois la contrepartie de l'informatisation. Nous avons, de plus, reçu le chef du service de la redevance ainsi que les chefs des services locaux, il y a quinze jours. Il s'agit donc d'un problème que nous avons déjà un peu traité.

M. Augustin Bonrepaux : La réforme qui était envisagée au début de l'année 2000 prévoyait de renforcer les activités de conseil aux collectivités locales de la DGCP. Est-ce que vous pensez qu'aujourd'hui ces activités sont correctement effectuées ? Est-ce que vous pensez que le personnel est suffisamment formé pour remplir ces tâches ? Comment pensez-vous améliorer la qualité de ces activités ?

M. Jean Bassères : Concernant l'activité de conseil, je partage assez l'analyse de M. Brard. Aujourd'hui, cette activité exercée au quotidien pourrait être plus efficace. Comment faire pour exercer un conseil de meilleure qualité ? Nous nous y essayons par la voie du partenariat. Il serait intéressant d'élaborer entre le maire et sa trésorerie une convention de partenariat qui suppose une analyse réciproque des besoins et des attentes. Elle devrait permettre de concrétiser l'engagement relatif à l'amélioration de l'activité de conseil. Cette démarche progresse lentement. Elle demande du temps, car elle nécessite au préalable un examen contradictoire. En tout cas, dans quelques départements l'ampleur du mouvement est satisfaisante.

Par ailleurs, comme le précisait M. Bonrepaux, la réforme initialement envisagée devait aboutir à un développement de cette activité. Cette orientation est maintenue dans le nouveau cadre arrêté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il nous a demandé d'amplifier tout ce que nous pouvons faire pour renforcer la qualité de l'activité de conseil.

Par quoi cela passe-t-il ? Par des outils internes sur lesquels nous travaillons, notamment des outils d'analyse financière. Il faut que les comptables disposent de logiciels d'analyse financière. Certains d'entre eux déplorent la complexité des outils existants. Nous allons leur proposer, notamment pour les petites communes, un outil d'analyse financière simplifié qui devrait répondre, je l'espère, à l'attente des maires, notamment les maires ruraux.

Le deuxième souci concerne notre organisation interne. Il faut que les comptables obtiennent les réponses qu'ils sont légitimement en droit d'exiger de la direction. Concrètement, dans un poste, le comptable ne peut pas répondre directement à toutes les questions, de plus en plus techniques et pointues, que lui posent le maire et ses collaborateurs. Il faut donc que nous ayons en interne, au sein de notre direction, les structures de soutien vers lesquelles le comptable puisse se tourner pour avoir dans les meilleurs délais les meilleures réponses.

Nous avons mis en place l'année dernière un pôle de soutien sur les marchés publics, domaine particulièrement complexe ! Aujourd'hui, sur les questions les plus techniques, ce pôle apporte des réponses extrêmement rapides aux questions que posent tous les comptables. En outre, les réponses apportées par ce pôle seront d'ici peu mises sur l'intranet du réseau trésor public et chaque comptable pourra en avoir ainsi connaissance.

Je crois donc que pour améliorer cette prestation de conseil nous devons, nous, améliorer nos outils au profit des responsables locaux et améliorer notre capacité de soutien aux comptables, qui sont bien souvent isolés pour faire face aux demandes.

S'agissant de la dématérialisation, il n'est bien sûr pas concevable de supprimer le lien de proximité entre le contribuable ou l'élu d'une part et le trésorier, d'autre part. La dématérialisation signifie l'allégement de toutes les tâches matérielles, afin de laisser au contraire plus de temps pour se recentrer vers les questions les plus difficiles et celles qui nécessitent un contact permanent.

Il est clair que le service de la redevance est confronté à beaucoup de demandes de la part des particuliers. Je ne conteste pas le fait qu'il puisse y avoir quelques difficultés de traitement de telles demandes, mais je sais aussi que des efforts ont été faits en termes d'accueil téléphonique, ce qui, dans l'administration, mérite d'être souligné.

Nous avons effectivement quelques progrès à faire, j'en conviens. Je rappelle toutefois que ce service a été confronté ces dernières années à une tâche extrêmement difficile. Ainsi, l'évolution des conditions d'exonération des personnes âgées a provoqué un afflux de courriers et des difficultés de traitement qu'il faut prendre en compte pour avoir un peu d'indulgence vis à vis de certains « ratés » inévitables que je ne conteste pas.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Au-delà des questions sur le fonctionnement actuel du service de la redevance audiovisuelle, avez-vous mené une réflexion sur le devenir du service de la redevance ?

M. Jean Bassères : Ce service est placé dans une situation assez paradoxale. Il obtient des bons résultats en termes de progression du taux de recouvrement, en termes de productivité, en termes de coût. Il a fait de gros efforts au cours des dernières années et, malgré tout, il est régulièrement remis en cause. Ce ne sont pas ses capacités qui sont directement visées, c'est la redevance elle-même qui peut poser problème.

Certains débats sur l'opportunité de la redevance sont anciens et connus. On sent bien qu'on a, de plus, aujourd'hui, un problème technique, puisque l'image aura des supports de plus en plus diversifiés en dehors du classique poste de télévision. Nous sommes confrontés à des difficultés structurelles de taux de fraude ou d'évasion. Pour mener une lutte plus efficace sur ce point, il faudrait prendre des mesures dont la popularité n'apparaît pas évidente. Je pense au rapprochement avec les fichiers des câblo-opérateurs et à la nécessité de reconnaître des pouvoirs d'investigation nouveaux au service. En toute hypothèse, la ressource est quand même assez peu dynamique en assiette. Le taux d'équipement des ménages est de l'ordre de 95% et, aujourd'hui, le « parc » des téléviseurs se renouvelle plus qu'il ne s'accroît. C'est dire aussi que le faible dynamisme de l'assiette constitue un problème pour l'audiovisuel public. Les rentrées ne peuvent progresser que si les taux augmentent, ce qui pose en soi d'autres problèmes.

Beaucoup de réflexions et d'études ont été menées sur l'évolution éventuelle de la redevance audiovisuelle. Deux grandes tendances existent :

- soit la budgétisation pure et simple avec les interrogations que cela peut soulever pour l'audiovisuel public ;

- soit la création d'une nouvelle ressource affectée, qui serait déconnectée de la détention d'un poste de télévision.

En tant que directeur général de la comptabilité publique, lors d'une rencontre l'année dernière à Rennes avec les agents du service de la redevance, je leur ai indiqué qu'il fallait qu'ils poursuivent leurs efforts de modernisation, mais qu'il fallait admettre qu'il pouvait y avoir des réflexions sur l'évolution du service et que les décisions prises, le jour venu, s'imposeront à nous. Autrement dit, nous devrons faire face à des décisions qui seront prises par le pouvoir politique si elles doivent l'être et nous aurons à nous réorganiser en conséquence.

Il y a un vrai sujet qu'il ne faut pas dissimuler, il s'agit du traitement des agents qui sont aujourd'hui affectés dans les centres de la redevance. Vous connaissez les données : 1.433 postes budgétaires sont affectés à la redevance audiovisuelle, dont 950 postes concentrés sur des sites importants comme Toulouse, Rennes, Lyon, Lille et Strasbourg. Toute évolution du dispositif, notamment sur ces sites, supposera de s'intéresser de très près au devenir individuel des agents. Il y a là une responsabilité politique qu'il faudra assumer, d'autant plus que les agents font aujourd'hui leur travail de façon satisfaisante dans des conditions difficiles.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Nous avons déjà eu l'occasion, dans le cadre des travaux de la mission, d'évoquer la redevance. Il est vrai qu'au-delà des problèmes d'organisation et de fonctionnement des services, ce n'est pas la qualité des agents de la redevance qui est en cause. Nos interrogations portent, certes, sur la manière de recouvrer un impôt, mais aussi sur la pertinence même de ce produit.

Une réflexion est engagée et il va de soi qu'elle doit intégrer le devenir des personnels, même s'il n'y a pas de problèmes d'emplois en tant que tels, s'agissant de fonctionnaires. L'emploi n'est donc pas en cause au niveau des personnels concernés.

Je vous propose de changer de sujet. Le 28 avril dernier, le ministre a annoncé un certain nombre d'orientations. Est-ce que vous pourriez nous préciser concrètement les applications pratiques de chacune de ces orientations qui, dans votre direction générale, ont déjà pu être mises en place ou qui doivent être mises en place dans les mois et années à venir ?

M. Jean Bassères : Le ministre a, en effet, annoncé, le 28 avril dernier, plusieurs orientations. S'agissant du recouvrement, deux orientations principales ont été décidées :

- le lancement d'un projet ambitieux de refonte de l'informatique fiscale ;

- la mise en _uvre d'expérimentations communes entre la direction générale des impôts et la direction générale de la comptabilité publique pour faire progresser la notion d'interlocuteur fiscal unique.

Il est un troisième niveau qui est un champ d'expérimentation par direction. Pour ce qui est la comptabilité publique, il s'agit de l'expérimentation d'un centre d'encaissement et d'expérimentations relatives à l'organisation du contentieux.

Je me propose de reprendre très rapidement ces différents volets.

Concernant le nouveau système d'informatique fiscale, nous commençons à nous mettre en ordre de bataille avec l'objectif de pouvoir proposer à la fin de l'année au ministre un plan de marche opérationnel. En premier lieu, une équipe-projet, commune à la direction générale des impôts et à la direction générale de la comptabilité publique rendra compte à un comité de pilotage présidé par M. François Villeroy de Galhau, directeur général des impôts, et moi-même.

Cette équipe-projet regroupe d'ores et déjà 14 personnes, issues des deux directions, avec des objectifs très simples :

- d'ici la fin de l'année, il s'agit de mettre à plat les applications existantes. C'est un travail dit de cartographie : les décrire par leur fonctionnalité, leur architecture et leur identifiant. Ce point est très important pour mesurer les redondances éventuelles ;

- le deuxième objectif de ce groupe est de définir une cible. Quelle doit être demain l'informatique fiscale qui permettra de tenir le compte fiscal unique du contribuable ?

- troisième étage de la fusée, une fois que l'existant aura été analysé et que la cible aura été fixée, il restera à mesurer l'écart entre la cible et l'existant et à faire des propositions pour mettre en _uvre un programme opérationnel permettant de déboucher sur la cible.

J'espère que nous aurons en fin d'année un plan de marche assez précis relatif au nouveau système d'informatique fiscal, qui est vraiment une question centrale. En effet, permettre aux agents des deux réseaux d'exploiter facilement l'ensemble des données qui concernent un contribuable est quand même un objectif de toute première importance qui améliorera la qualité des services rendus et l'efficacité des actions des agents.

Sur le volet des expérimentations, le ministre nous a demandé de mettre en place deux séries d'expérimentations conjointes avec la DGI.

- la première expérimentation consiste à créer un accueil conjoint aux deux directions dans les hôtels des finances. Dix sites sont concernés dans lesquels nos services dont d'ores et déjà présents. Il y aura une trésorerie et un centre des impôts et une formule d'accueil qui permettra d'améliorer le service au contribuable sera mise en _uvre. Concrètement, nous avons mis en place un groupe de travail qui a défini le cadre général de l'expérimentation. Ce cadre général fait l'objet de négociations avec les organisations syndicales représentatives. Nous avons ainsi programmé en juillet des comités techniques paritaires centraux pour examiner le protocole d'expérimentation. L'objectif sur l'accueil conjoint dans les hôtels des finances est de pouvoir démarrer les expérimentations à compter de septembre. Ces expérimentations seront d'ailleurs diversifiées. Dans les travaux qui ont été menés, trois séries d'expérimentations possibles ont été isolées, c'est-à-dire trois niveaux d'accueil conjoint possibles. Le niveau le plus simple est celui d'une information générale ; le niveau un peu plus compliqué est celui de l'information générale plus la prise en compte de la demande du contribuable avec engagement pour nous qu'il n'aura pas à se redéplacer et que cette demande sera aiguillée et traitée par le bon service ; enfin le troisième niveau, encore plus ambitieux, c'est que le contribuable, lorsqu'il se déplacera dans cet accueil conjoint, pourra avoir sur les questions les plus simples, par exemple les délais de paiement ou les dégrèvements possibles, une réponse qui lui serait délivrée par la nouvelle formule d'accueil.

- la deuxième expérience consiste à mettre en relation, par l'intranet, des trésoreries et des centres des impôts, toujours afin de simplifier la vie du contribuable. Cet intranet doit permettre d'adresser de la part d'une unité locale d'une direction à une autre unité de l'autre direction, des informations afin d'éviter les déplacements des contribuables. Le processus est ici le même que pour l'accueil conjoint. Un groupe de travail commun aux deux directions définit le protocole qui est ensuite négocié avec les syndicats. Nous visons là une centaine de sites opérationnels dès l'automne.

Pour ce qui est de la comptabilité publique stricto sensu, nous avons pour objectif d'expérimenter un centre d'encaissement, c'est-à-dire un site qui traiterait l'ensemble des moyens de paiement pour le recouvrement de l'impôt, chèques et titres interbancaires de paiement. Cette expérience a commencé à Créteil et elle couvre les deux départements du Val-de-Marne et de la Seine-et-Marne. Elle se déroule dans de bonnes conditions, mais nous n'en tirerons des conclusions définitives qu'après l'automne, pour pouvoir juger du déroulement de la campagne des impôts locaux. Sur cette base, nous verrons si nous sommes en mesure et si nous avons intérêt à généraliser ou pas cette expérience qui est pour nous extrêmement importante. En effet, le centre d'encaissement permet d'améliorer la trésorerie de l'Etat, d'alléger la charge des postes comptables et d'améliorer aussi le service rendu au contribuable, puisqu'un meilleur retour d'information vers les postes comptables deviendrait possible.

La seconde expérience interne à la DGCP concerne le contentieux. Nous voulons expérimenter dans cinq départements, également à l'automne, après le même processus que pour les autres expérimentations, un pôle de recouvrement contentieux. Il serait placé notamment dans les trésoreries générales pour apporter un meilleur service aux comptables sur les cas les plus difficiles et assurer un meilleur repérage des dossiers les plus compliqués afin d'améliorer l'efficacité du recouvrement.

Voilà le champ des expérimentations, auxquelles nous travaillons d'arrache-pied, avec pour objectif que l'ensemble débute dès l'automne.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Comment se passent les discussions avec les organisations syndicales sur ces sujets ?

M. Jean Bassères : On nous a fait le reproche d'aller vite. Nous avons effectivement la volonté de démontrer que la réforme avance et de tirer les enseignements des expérimentations le plus vite possible. Il y a eu un débat avec les syndicats qui a conduit à repréciser que certaines expérimentations, contrairement à ce qui pouvait être craint, ne démarreraient pas immédiatement. Je vous ai indiqué ainsi que c'est plutôt à l'automne qu'elles seraient mises en _uvre.

Sur le fond, concernant l'accueil conjoint, il y a un débat sur le point de savoir jusqu'où on doit aller dans l'expérimentation. Ce sont les trois niveaux que j'évoquais tout à l'heure. Certains syndicats peuvent être plus ou moins réticents sur le troisième niveau, le plus innovant.

Un débat porte aussi sur la durée de l'expérimentation, mais sur ce point les choses sont claires. Il faudra que les expérimentations se déroulent durant des délais suffisamment longs pour que des conséquences puissent en être tirées.

Mme Nicole Bricq : Qu'est-ce qu'un délai suffisamment long ?

M. Jean Bassères : En matière fiscale, il est nécessaire de pouvoir constater les résultats sur un cycle fiscal complet. C'est ce que j'évoquais au sujet du centre d'encaissement. Il faut qu'on puisse le tester sur l'impôt sur le revenu mais aussi sur les impôts locaux.

S'agissant de l'accueil conjoint et de l'intranet, l'objectif est d'élaborer des conclusions opérationnelles, sans doute à l'été 2001, après s'être basé sur différentes campagnes.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Sur l'informatique, est-ce que vous pourriez nous préciser les crédits qui ont été consommés en 1999 par la DGCP pour l'ensemble des dépenses informatiques, y compris les dépenses de rémunération et de fonctionnement courant ? Quelle est la part de ces dépenses par rapport aux dépenses totales ?

M. Jean Bassères : S'agissant des dépenses informatiques, les crédits pour 1999 se sont élevés à 663 millions de francs. Les dépenses réelles sont proches de ce chiffre, car le taux de consommation est élevé. Aujourd'hui 2.200 personnes bénéficient d'une qualification informatique.

Par ailleurs, nous sommes engagés dans le développement, extrêmement lourd, d'un schéma directeur informatique, adopté il y a un an et demi. Sa philosophie est assez claire. Nous avons aujourd'hui 33 départements informatiques du trésor qui sont tous polyvalents, c'est-à-dire qu'ils font tous les mêmes choses, à quelques exceptions près. Notre objectif est de les spécialiser, certains en développement, d'autres en exploitation spécialisée. C'est un moyen pour nous de récupérer de la force de développement informatique dans un contexte où les besoins sont extrêmement importants, notamment pour l'élaboration du nouveau système informatique fiscal et pour l'informatique du secteur local.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Avant d'en arriver aux activités bancaires de collecte et de gestion de l'épargne, je souhaite vous poser une ou deux questions sur les missions d'audit et d'évaluation.

Comme d'autres services du ministère, votre direction utilise un dispositif de pilotage qui permet de formuler des objectifs quantitatifs par département et de stimuler les performances. Est-ce que vous pouvez nous apporter des précisions sur le fonctionnement de ce système ? Dans quelle mesure ce dispositif a permis des améliorations de performance ? Comment ce système a pu évoluer en fonction des enseignements tirés de son utilisation passée ? Quelles sont les perspectives de ce pilotage à la DGCP ?

La DGI a mis en place, elle, une banque de données des initiatives locales de modernisation qui permet de faire remonter les idées de meilleure organisation vers la hiérarchie afin qu'elles soient diffusées à l'ensemble du réseau. Est-ce qu'il existe au niveau de la DGCP un tel système de communication souple avec la hiérarchie qui permet la remontée spontanée de l'information relative aux réalités du service ?

Depuis quelques années vous disposez d'une mission d'audit et d'évaluation du trésor public (MAET). Est-ce que vous pouvez nous rappeler les modalités de son fonctionnement et faire le bilan de cette expérience, en termes de réforme de la DGCP ?

M. Jean Bassères : Nous avons un outil de pilotage au niveau des états-majors départementaux, qui repose sur une procédure de lettre de mission. Ainsi, un trésorier-payeur général (TPG), une fois nommé, au bout de quelques mois - pour qu'il ait pris lui-même conscience des caractéristiques de son département - doit engager un processus de discussion avec la direction qui aboutit à une lettre de mission.

Concrètement, nous envoyons dès sa nomination un diagnostic sur la vision que nous avons, nous, de son département, ses forces, ses faiblesses, les points à renforcer. Il nous fait, sur cette base, une proposition d'objectifs par métier, objectifs quantitatifs et qualitatifs. Par la suite, mon adjoint ou moi-même reçoit le trésorier-payeur général afin d'arrêter avec lui les termes de sa mission, au cours d'un entretien qui dure entre deux heures et deux heures et demie.

Au bout de deux ans, nous avons un nouveau rendez-vous avec le trésorier-payeur général, accompagné de son état-major, c'est-à-dire de ses principaux collaborateurs. Nous faisons le point de l'exécution de sa mission et nous lui demandons de nous soumettre un plan d'action qui est examiné de manière contradictoire.

C'est là une procédure assez récente. Le hasard du calendrier fait qu'hier s'est tenue la première réunion d'évaluation, à l'issue des deux ans. Nous avions déjà fait, depuis quelques mois, une quarantaine de lettres de mission, mais c'était la première fois qu'avait lieu ce type de rendez-vous. Pour ma part, je juge cette procédure extrêmement utile, puisqu'elle nous permet d'avoir une discussion approfondie sur les caractéristiques d'un département et de refixer certaines orientations. Je crois que les TPG en sont assez satisfaits.

Il faut noter que chaque sous-direction a ses batteries d'indicateurs et d'objectifs. Nous avons, depuis quatre ou cinq ans, amélioré nos résultats en termes de recouvrement. Nous avons d'ailleurs obtenu l'année dernière les meilleurs taux depuis 1973. C'est certes l'effet de la croissance économique, mais c'est aussi, je l'espère, l'effet de ce pilotage. En diffusant régulièrement aux TPG, notamment chaque mois, leurs résultats et ceux de leurs collègues, on crée un peu une émulation et chaque TPG décline avec les postes comptables dont il a la responsabilité cette logique d'objectifs. Je pense qu'elle est efficace. Elle est maintenant culturellement assez bien acceptée dans le réseau.

Nous avons nous aussi une banque de données des initiatives locales pour ce qui est du recouvrement. Nous avons mis en place des forums de discussions sur l'intranet. Nous amplifierons ce mouvement. Chaque projet fait l'objet désormais d'un forum, qui permet à chaque agent de participer à ces échanges d'informations et d'expériences. En effet, notre intranet est présent dans tous les postes comptables. A la mi-2001, chaque agent aura sa propre boîte à lettres. Je suis convaincu que cet outil va considérablement assouplir les pratiques hiérarchiques locales qui marquent fortement la DGCP, il faut bien le reconnaître.

La MAET a été créée il y a cinq ans. Cette structure très légère est composée d'un chef de mission possédant le grade de receveur des finances, assisté, selon les années, de trois à quatre inspecteurs principaux. Chaque année, nous interrogeons les TPG sur les thèmes pour lesquels il leur paraîtrait nécessaire de réaliser des investigations. Nous avons nous-mêmes nos idées. Nous croisons l'ensemble et nous donnons aux membres de la MAET un programme d'actions qui aboutit à la réalisation, chaque année, de sept à huit missions. Ce sont des missions d'audit, qui entraînent beaucoup de déplacements dans les départements et donnent lieu à des restitutions aux réseaux et aux partenaires sociaux. Le travail de la MAET se fait donc dans la transparence.

J'évoquais tout à l'heure la problématique de la spécialisation des postes en zone urbaine. Cette réflexion est directement issue d'un rapport d'audit fait par la MAET. Un autre travail très important donnera lieu, je l'espère, à une traduction concrète. Il s'agit d'une réflexion sur l'organisation des trésoreries générales, sur la façon de les faire évoluer afin de savoir affronter de nouveaux enjeux. L'expérimentation relative au centre d'encaissement avait été précédée par un rapport d'audit de la MAET.

La MAET rédige des rapports sur des problématiques lourdes et qui nous permettent d'avoir des éclairages de terrain. Cette petite équipe est extrêmement appréciée. Elle est, je le crois, assez efficace car elle est composée de personnes qui connaissent bien le réseau et qui ne travaillent qu'en liaison avec lui.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Pourriez-vous évoquer les cas de coopérations interdirectionnelle auxquelles la DGCP prend part et qui vous semblent les plus fructueux ? Est-ce que le réseau du trésor public serait prêt à participer activement au développement de maisons de services publics, notamment en milieu rural ? Quelles conditions, selon vous, doivent être réunies afin que l'implication de la DGCP dans ce projet fonctionne correctement ?

M. Jean Bassères : La DGCP a réellement des relations avec toutes les directions du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est le cas avec les directions à réseaux, c'est-à-dire la DGI, la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) et la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF). Ces liaisons se traduisent dans certains cas par des protocoles. C'est le cas, par exemple, avec la DGCCRF, afin d'améliorer nos prestations réciproques en matière de marchés publics.

Plus récemment, nous avons développé des relations interdirectionnelles avec des directions d'états-majors qui n'étaient pas habituellement des partenaires quotidiens. C'est le cas avec la direction du trésor, à propos de la rénovation de la comptabilité de l'Etat. En effet, nous avons mené avec elle et la direction du budget, partenaire habituel de notre direction, un travail important, travail qui a connu ses premières traductions en 1999.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Y a-t-il une relation avec le rapport de M. Jean-Jacques François ?

M. Jean Bassères : Il s'agissait en fait de la suite de travaux internes, menés notamment par M. Jean-Jacques François, afin de progresser vers une comptabilité de l'Etat plus patrimoniale avec des premières avancées concrètes en 2000, à l'occasion des comptes 1999. Il s'agit d'un programme d'action qu'il faudra poursuivre au cours des prochaines années car nous avons tous la conviction qu'il s'agit, pour la DGCP en particulier, d'un chantier de toute première importance.

S'agissant des unités locales d'accueil, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a annoncé qu'il souhaitait expérimenter ce qu'il a qualifié de maisons des services publics économiques et financiers.

Il s'agit de tirer profit de l'implantation actuelle du réseau des trésoreries, dont le maillage est le plus serré de ceux existants au sein du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, afin que des réponses soient apportées aux questions les plus simples et les plus faciles des contribuables et des usagers.

L'objectif est de confier à ces maisons de services publics, qui seraient en fait des trésoreries, des tâches qui dépassent les compétences actuelles de la DGCP. Le chantier sera directement suivi par le secrétaire général du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Il examinera de manière concrète les prestations qui pourront être rendues par ces maisons.

Quelles sont les conditions, me demandez-vous, pour que cela fonctionne ? Je crois qu'il faut qu'on s'interroge d'une part sur le bon niveau d'implantation de ces maisons de services publics, économiques et financiers. Quels sont, en effet, les besoins locaux ? Est-ce qu'il n'y a pas à s'interroger sur une taille critique ? Est-ce qu'il ne faut pas, pour rendre un service de qualité, que ces missions s'appuient sur une structure qui ne soit pas trop réduite en termes d'effectifs ?

Il est de plus nécessaire d'apporter une vraie plus-value à l'usager et donc de réfléchir précisément aux missions qui peuvent être assumées par ces structures.

Comment cela peut-il s'articuler avec les maisons de services publics, plus générales, qui constituent un des objectifs de la politique gouvernementale ? Le sujet est un peu différent pour nous, puisque dans toutes les communes où ont été créées des maisons de services publics se trouve une trésorerie. Je ne connais pas, sauf exception qui nous aurait échappé, une seule maison de services publics sans une trésorerie présente dans la même commune. Notre problème est donc principalement d'articuler les prestations entre la trésorerie existante et la maison des services publics. Cette articulation se traduit souvent par des tenues de permanence dans les maisons de services publics ou par des échanges d'information.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : S'agissant des activités bancaires de collecte et de gestion de l'épargne exercées par le trésor public, est-ce que vous pouvez nous livrer des éléments chiffrés ? Par exemple, quel est le montant des fonds déposés auprès des TPG ? Quel est par ailleurs l'effectif total en équivalent temps plein affecté à cette activité ?

Le périmètre de l'activité bancaire du trésor public est en cours de redéfinition et de régularisation, à la suite notamment de deux engagements pris par le Gouvernement, celui de rebudgétiser intégralement d'ici à 2001 les fonds extrabudgétaires du trésor public et celui de régulariser les rémunérations accessoires des agents. Pouvez-vous nous donner un aperçu de ce que vous êtes susceptibles de proposer comme redéfinition de ce périmètre ? Quelles en sont les modalités juridiques et les conséquences financières pour l'Etat ? Comment les services devront se réorganiser dans cette perspective ?

M. Jean Bassères : L'activité de collecte bancaire du trésor public est une activité extrêmement composite. En fait, il y a plusieurs « compartiments » que je vais reprendre un par un pour illustrer la stratégie retenue pour chacun d'eux.

Le premier volet concerne le dépôt des fonds obligatoirement déposés au trésor, essentiellement par les établissements publics. Le cadre est clair et il s'agit d'améliorer le service bancaire que l'on rend à ces personnes morales.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Un rapport d'étude sur le périmètre d'intervention du trésor public dans sa mission de collecte d'épargne évoque un recul de la part du réseau du trésor dans le secteur du dépôt des fonds des établissements publics nationaux. Ce rapport a conduit à accorder des dérogations à l'obligation de dépôt des fonds au trésor. Est-ce que vous pouvez nous fournir quelques éléments relatifs à l'obligation de dépôt, ainsi que sur les modalités et les conséquences des dérogations accordées ?

M. Jean Bassères : L'obligation des dépôts est fixée par des textes de nature réglementaire. Les dérogations ont été accordées dans le passé à de grands établissements publics justement parce que nous n'étions pas forcément en mesure de leur offrir les prestations qu'ils souhaitaient.

Par exemple, les virements à l'étranger sont, pour certains établissements, une question importante. Le dispositif était complètement inadapté et ne permettait pas de virer rapidement des sommes importantes à l'étranger. Les dérogations qui sont accordées par la direction du trésor ont été pour nous un révélateur du fait que notre offre n'était pas satisfaisante. Dans ce domaine, la DGCP a mis et mettra en _uvre de nombreuses mesures techniques. Un plan d'action a été arrêté qui consiste à revitaliser notre offre en écoutant mieux la clientèle. Par exemple nous avons engagé avec les universités un débat pour connaître leurs besoins en termes de gestion.

Le deuxième volet de l'activité d'épargne concerne notre rôle de préposé de la caisse des dépôts et consignations (CDC). Nous avons avec elle deux actions extrêmement importantes.

- la première concerne la gestion des dépôts des notaires, puisque le Gouvernement a décidé, suite à un contentieux qui avait été ouvert au niveau des institutions communautaires, de centraliser sur la CDC et le trésor public, la gestion des dépôts notariaux. Cela a été pour nous un enjeu important, puisque les encours ont progressé de 50%. Il s'agissait d'un challenge difficile à relever vis-à-vis de la profession notariale. Aujourd'hui, nous avons signé une convention tripartite avec la caisse des dépôts et le conseil supérieur du notariat. Je crois que le challenge a été relevé dans des conditions satisfaisantes.

- la seconde action menée avec la CDC concerne notre rôle de préposé, qui connaîtra une évolution du fait de la propre réorganisation de la CDC. En effet, la CDC sera prochainement constituée d'un établissement public, compétent pour ses activités d'intérêt général, alors que ses activités concurrentielles s'exerceront dans un autre cadre. Le trésor public restera le préposé de l'établissement public.

- le troisième volet de l'activité d'épargne est constituée de l'épargne dite concurrentielle, y compris les fonds déposés par les particuliers. C'est une activité bancaire qui concerne 800.000 clients. Elle faisait l'objet et elle fait l'objet d'interrogations permanentes relatives à son opportunité. Une évolution claire, consistant à nous dégager de cette activité d'ici la fin 2001, a été retenue.

En effet, l'activité d'épargne concurrentielle posait un problème juridique extrêmement difficile. Ainsi, un arrêt récent du Conseil d'Etat a qualifié cette activité de privée, ce qui pose quand même de nombreux problèmes pour une activité exercée par des fonctionnaires de l'Etat.

De plus, l'utilité de cette fonction pour l'Etat apparaissait moins évidente qu'il y a quelques années en termes de financement de la trésorerie de l'Etat et en termes de situation du paysage bancaire français. La France n'est pas, en effet, un pays caractérisé par la sous-bancarisation.

Ensuite, s'agissant du service de l'intérêt général, il est clairement apparu qu'il fallait mettre l'accent et les moyens sur les deux autres missions relatives à l'épargne, plutôt que d'essayer de développer une activité concurrentielle, sur laquelle nous étions structurellement en difficulté, puisque nous n'avions pas la volonté de gagner des parts de marché importantes.

Enfin, dans le contexte juridique de l'Union européenne, on ne pouvait pas exclure un jour ou l'autre un contentieux.

Il est donc apparu préférable de prendre l'initiative de quitter cette activité, dans des conditions satisfaisantes pour les clients et pour les agents. Nous y travaillons à l'heure actuelle. Il s'agit d'offrir aux clients qui nous ont fait confiance et qui sont satisfaits des services que le trésor leur à rendu, un dispositif de sortie qui soit le plus favorable possible pour eux.

C'est un sujet difficile. J'ai le sentiment, qu'à cet égard, nous travaillons dans une perspective de moyen et long termes.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Le désengagement que vous évoquez est-il aussi valable pour les agents du ministère ?

M. Jean Bassères : Il sera mis fin pour tout le monde à l'activité concernant les fonds des particuliers. Mais le ministre a demandé qu'on examine avec les organismes financiers publics la possibilité de maintenir pour les agents du ministère un service bancaire, qui ne serait pas, cependant, le service actuel des fonds des particuliers.

M. Michel Bouvard : Procédez-vous encore à des ouvertures de comptes ?

M. Jean Bassères : Il n'y a plus d'ouvertures de comptes depuis février dernier.

Peut-être convient-il d'évoquer d'un mot la question importante de la budgétisation des ressources extrabudgétaires. Il est vrai, en effet, que cette activité d'épargne générait pour les services du trésor des ressources et que les ministres se sont engagés à régulariser ce point dès la prochaine loi de finances. Nous allons donc intégrer dans le budget de l'Etat les ressources qui étaient jusqu'à présent gérées dans des conditions que la Cour des comptes avaient relevées comme n'étant pas conformes au droit public financier et budgétaire, ce que l'on ne peut pas contester. Cette budgétisation sera donc bien effective dès cette année.

M. Jean-Jacques Jégou : S'agissant la CNP, la position du trésor public ne vous apparaît-elle pas un peu équivoque ? J'ai noté que vous alliez négocier avec la CDC les éléments d'un nouveau partenariat. Ces questions font-elles l'objet d'une approche globale ?

M. Jean Bassères : Quand j'ai évoqué un partenariat avec la CDC, j'envisageais uniquement l'activité relative à notre rôle de préposé.

S'agissant de la CNP, nous sommes liés avec elle par une convention valable jusqu'au 31 décembre 2002 et le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a annoncé l'engagement de négociations, afin de prolonger de deux ans ce partenariat, jusqu'au 31 décembre 2004.

La question de la CNP est assez différente de celle de l'activité de gestion des fonds des particuliers, puisque nous sommes un des trois réseaux placeurs de cette entreprise publique.

Nous allons redéfinir avec elle les conditions dans lesquelles notre partenariat doit se dérouler. Nous avons des relations extrêmement bonnes et confiantes avec la CNP et j'ai bon espoir que les négociations débouchent vite sur une nouvelle convention.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Je trouve que vous avez été un peu elliptique au sujet de la justification du maintien des activités bancaires pour les agents du ministère.

D'autres institutions, comme la Banque de France, pratiquent ce type d'activité. On peut se demander si tout cela est vraiment sain. Je pense aux rapports entre le ministre, ses principaux collaborateurs, les directeurs généraux, et le personnel. N'y a-t-il pas là une trace d'Etat dans l'Etat ? Est-ce que vous pensez que le maintien de ce type de dispositif aide à la négociation sociale ou la complique sur la durée ?

M. Jean Bassères : Aujourd'hui les agents des finances peuvent avoir, s'ils le souhaitent, un « compte fonds particuliers », comme tout le monde. L'objectif est d'abandonner cette activité, et ce, pour des raisons qui rejoignent peut-être les critiques que vous formulez. La question est de savoir s'il est possible d'examiner, en partenariat avec un établissement public, les conditions du maintien en faveur des agents d'un service bancaire de proximité.

C'est une problématique que l'on retrouve dans toutes les grandes banques et, plus généralement, dans beaucoup d'organismes qui maintiennent pour leurs propres salariés des dispositifs particuliers. La décision prise est, il est vrai, le fruit d'une discussion menée durant le conflit social du premier trimestre 2000. Je la prends en tant que telle. Il est, en effet, apparu, lors de ce conflit, qu'il y avait une revendication marquant un attachement très fort des agents à ce type de prestations. Le ministre a pris des engagements correspondant à cette revendication. Mais il ne s'agit pas de maintenir pour les agents des finances un dispositif qu'on ne maintiendrait plus pour les clients. Cela ne sera plus l'activité de gestion des fonds des particuliers, mais un type de service qu'il nous reste à définir et dont les contours ne sont pas encore définis à ce jour.

M. Jean-Jacques Jégou : La comptabilité publique n'est pas une banque ...

M. Jean Bassères : La comptabilité publique a en partie, aujourd'hui, les activités d'une banque ...

M. Jean-Jacques Jégou : Elle n'a pas le statut d'une banque !

M. Jean Bassères : Effectivement, et c'est pour cela que se pose le problème de l'activité de gestion des fonds des particuliers. La DGCP rend bien, cependant, des services bancaires. C'est dans ce cadre qu'elle les a rendus aussi à ces agents.

M. Michel Bouvard : Vous dites qu'il faut maintenir aux agents un service bancaire de proximité. Or, je n'ai pas le sentiment que la majorité des agents de votre administration travaille dans des régions reculées du Massif Central, des Pyrénées ou des Alpes et attende un tel service. Vos agents jouiront donc vraisemblablement d'un réseau bancaire de proximité près de leur domicile, comme l'ensemble de nos concitoyens.

Un autre problème se posera. Aujourd'hui, le système bancaire français évolue et un certain nombre de prestations des banques deviendront payantes, si elles ne le sont pas déjà. On pourrait considérer que le maintien d'un service bancaire aux agents de la DGCP, à des conditions avantageuses, constitue un élément inégalitaire par rapport à l'ensemble des citoyens, outre l'ambiguïté que relevait à l'instant M. Jean-Pierre Delalande.

M. Jean Bassères : Le terme de proximité a été maladroitement choisi. La particularité de ces comptes, c'est que les agents ont leur compte au bureau. C'est une proximité qui n'est pas une proximité physique. L'attachement vient de là : ils ont la banque au bureau.

Il n'a pas été dit, par ailleurs, qu'il y aura des conditions systématiquement favorables. Je note cependant avec intérêt les réserves que vous exprimez, consistant à dire : "Il faudrait non seulement se retirer de l'activité bancaire pour le client mais également pour les agents des finances". Je note qu'à l'issue d'un conflit des points de vue différents se sont exprimés et qu'il faut sans doute pouvoir aussi en tenir compte pour la réussite d'ensemble de la réforme. Il y a donc un débat sur cette question et je note avec attention vos suggestions, sachant que le dispositif en cause n'est pas défini aujourd'hui.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Pour le moment, il n'y a pas de suggestions mais de simples interrogations.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Nous nous interrogeons sur le point de savoir si l'Etat appartient aux agents de l'Etat ou si les agents de l'Etat sont au service de l'Etat. Est-ce que les syndicats sont là pour mettre l'Etat en état de répondre à l'évolution de la société ? Est-ce qu'ils doivent être agents de viscosité sociale ou bien doivent-ils considérer comme normal de s'approprier leur « maison » ?

J'ai une deuxième question, tout aussi impertinente, sur les rémunérations des TPG. Vous paraissent-elles de nature à devoir perdurer ? Est-ce que vous pensez que les racines historiques qui les expliquent ne sont pas un peu dépassées ? Une réflexion est-elle menée sur cette question dans le cadre du souci de transparence qui a été affirmé, à bon escient à mon avis, par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ?

M. Jean-Pierre Brard : Sur ce point, ne faudrait-il pas inclure certaines « ressources extérieures » dans les rémunérations salariales banales, l'ensemble étant soumis à l'impôt sur le revenu, en tenant compte du niveau de responsabilité qui légitime des traitements convenables ?

M. Jean Bassères : Sur cette question, les choses sont très claires. Demain, à l'issue de l'abandon du régime de gestion de l'épargne, il n'y aura plus qu'un financement budgétaire. La rémunération ne sera plus, sauf exceptions, liée à l'activité d'épargne. C'est un changement considérable par rapport à la situation actuelle. Les choses seront donc claires de ce point de vue.

Le ministre a annoncé qu'il y aurait une fiscalisation de tous les éléments de rémunération, dans le cadre du droit commun. Cela répond à votre question. Le système sera juridiquement clair et fiscalement totalement transparent.

Reste à savoir si les TPG sont trop payés. Ma réponse est non. Je n'ai aucun état d'âme pour justifier que des fonctionnaires qui ont leur parcours et leurs responsabilités soient à de tels niveaux de rémunération. Cela ne m'apparaît pas choquant.

Autant sur les modes de rémunération, sur la transparence fiscale et sur la transparence au sens large, il y avait un vrai sujet de débat, autant les niveaux de rémunération relèvent plus de l'appréciation individuelle. A titre personnel, ce sont des niveaux de rémunération qui ne me choquent pas.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Sur ce dernier point, à titre personnel, je suis de votre avis. Je pense qu'il va falloir progressivement, si on veut garder des personnels de qualité dans l'administration, considérer qu'il est normal que les hauts fonctionnaires soient payés convenablement ; mais dans la transparence, ce qui jusqu'à maintenant n'a pas été le cas, reconnaissez-le. Notre souci est de rentrer dans une démocratie mature où les gens considèrent qu'à partir du moment où vous avez les qualités requises, il est normal que vous soyez rémunéré en conséquence. C'est une évolution qu'il est nécessaire de faire passer auprès de vos partenaires syndicaux et dans les usages de votre administration.

M. Jean Bassères : De ce point de vue, je vous rejoins pleinement. Je n'ai pas de difficulté à faire passer ce message, ni aux partenaires syndicaux, ni aux TPG. Tout le monde est parfaitement conscient aujourd'hui qu'il faut avoir des régimes de rémunération transparents, juridiquement fondés et équitables. J'ajoute, pour ce qui concerne ma direction générale, que le nouveau régime de rémunération sur lequel nous travaillons permettra d'avoir un management beaucoup plus intelligent. Aujourd'hui, une partie importante des rémunérations est liée à une activité d'épargne qui, chacun le reconnaît, n'est pas une activité principale de notre réseau. Demain, nous aurons des rémunérations qui seront liées aux missions essentielles du réseau.

Nous allons donc progresser en transparence mais aussi en efficacité de management. De ce point de vue, je vous rejoins donc pleinement.

Mme Nicole Bricq : J'ai déjà posé plusieurs fois cette question à la fois aux agents de base, aux trésoriers des recettes locales, ou encore à M. François Villeroy de Galhau la semaine dernière. Vous nous avez fait part de la définition d'objectifs au niveau central, déclinés au niveau des TPG. Mais après, on ne sait pas ce qui se passe ! Je crois que si on veut être dans la transparence totale et dans ce que vous appelez « un nouveau management », il faut être capable de décliner jusqu'aux agents des objectifs qui aboutissent effectivement à des différences de rémunération en fonction des résultats constatés. On pourra, dès lors, justifier des différences.

J'ai discuté assez longuement avec les agents de base et on sent bien sur quoi la réforme des administrations financières a capoté. Tout simplement les trésoriers des recettes locales ne voulaient pas être des chefs de services d'une direction unifiée.

En tout cas, il faut qu'on soit capable de définir des objectifs et de les décliner jusqu'en bas pour que les rémunérations puissent être ajustées en fonction des objectifs qui s'imposent à tous.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Je souhaite aborder le problème de l'adaptation de vos grilles de personnel et du nombre d'agents possédant tel ou tel grade, au regard des autorisations budgétaires correspondantes. Si les parlementaires essaient de regarder cela d'un peu près, ils ont beaucoup de mal à s'y retrouver. D'ailleurs, cette difficulté n'est pas spécifique à votre direction générale et ce constat vaut pour tous les ministères. En tout cas, le problème reste pour nous compliqué, très difficile. Certes, nous comprenons bien qu'il faille quelque souplesse et des « volants » pour vous adapter au cours de l'année. Affichons-les ! Le système actuel donne le sentiment que des postes sont réservés, afin que le Gouvernement puisse les affecter tout seul, « dans son coin ». Ces temps là sont révolus et je crois comprendre que vous en avez parfaitement conscience. Pouvez-vous nous dire quels efforts vous faites en la matière pour améliorer la situation ?

M. Jean-Jacques Jégou : Vous avez indiqué que le nombre des postes budgétaires était de 55.550. Quelle part de ces agents relève du statut de la fonction publique ? Combien d'agents relèvent-ils d'un autre statut, que l'on nommerait «  CDD » dans le secteur privé et que d'ailleurs, je crois, le Gouvernement propose d'intégrer dans la fonction publique sur cinq ans. Possédez-vous ces chiffres pour votre direction ?

M. Jean Bassères : Pour ma direction, les 55.550 ne sont que des effectifs budgétaires et nous n'avons pas de contrats de droit privé à l'exception de quelques personnels chargés de fonctions de gardiennage ou de ménage et qui d'ailleurs font l'objet d'un examen particulier, suite à la jurisprudence du tribunal des conflits dite Berkani, de 1996. Il y a là un statut à définir. Ce personnel, dont nous allons regarder la situation, reste quantitativement très marginal. Nous ne sommes pas principalement concernés par le plan annoncé par le ministre de la fonction publique.

J'en viens à la question de M. le Président Delalande. S'agissant de la direction générale de la comptabilité publique, la répartition en corps et en grades est assez simple. Par exemple, nous avons un seul statut pour la catégorie A. Ainsi, le terme d'inspecteur recouvre de nombreuses fonctions différenciées. Nous n'avons pas une structure d'organisation trop fine, et donc trop rigide en termes de gestion du personnel.

La question que vous évoquez est celle qui a été relevée par la Cour des comptes. Elle concerne ma direction, mais aussi toutes les directions du ministère. Il s'agit d'un décalage entre les effectifs budgétaires et la répartition. Tout le monde a conscience, vous l'avez dit, qu'il était nécessaire de régulariser ce type de situation.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Dans combien de temps la situation sera-t-elle régularisée ?

M. Jean Bassères : La régularisation a commencé. Il y a cependant aussi une autre question à se poser, peut-être plus fondamentale : l'autorisation budgétaire en corps, grades et niveaux plus fins n'est-elle pas trop rigide ?

Aujourd'hui, nous avons une structure budgétaire qui correspond à une situation donnée des effectifs. On se rend compte que, dans les années qui viennent, de nombreux départs à la retraite vont intervenir. Est-ce que cette structuration budgétaire sera adaptée au recrutement ? Ce problème est encore plus compliqué que la régularisation des surnombres stricto sensu.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Il y a là une question et une démarche tout à fait intéressantes. Il s'agirait d'imaginer une mise à disposition des masses de crédits globalisés, affectées aux rémunérations, pour, ensuite, effectuer un contrôle a posteriori, le cas échéant accompagné de sanctions. Ce système permettrait à un directeur d'administration centrale de pouvoir gérer à peu près convenablement sa direction sans être en effet perpétuellement en souci de délicatesse avec ses nomenclatures. Des pays se sont orientés dans cette voie et où apparemment le système fonctionne convenablement.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Nous avons parlé de beaucoup d'activités de la DGCP. Nous pourrions conclure par un mot sur l'activité d'assureur du trésor public en 1999. Est-ce que vous pourriez nous préciser les ressources tirées de cette activité ? Comment ont-elles été affectées ? Quelle incidence cette activité a sur la rémunération des agents des finances ? Pourriez-vous nous préciser les raisons qui ont fait que la convention liant l'Etat à la Caisse nationale de prévoyance a été prolongée de deux ans ?

M. Jean Bassères : L'activité d'assurance l'année dernière a été très bonne avec un résultat de collecte de 6,8 milliards de francs en augmentation de 12% par rapport à 1998.

Combien cela rapporte-t-il à la direction générale de la comptabilité publique ? Le dernier versement, relatif à l'année 1998, s'est élevé à 180 millions de francs.

C'est une activité extrêmement traditionnelle. Nous sommes un réseau placeur de la CNP depuis de nombreuses années et effectivement le ministre a annoncé qu'il souhaitait que soit prolongée de deux ans l'actuelle convention. Le contexte était en effet celui de la CNP, société cotée, à laquelle il fallait donner des assurances vis-à-vis de son actionnariat, en termes de réseau placeur. Une confusion pouvait naître entre les décisions annoncées relatives à l'activité de gestion des fonds des particuliers et l'activité d'assureur. D'où la nécessité de clarifier ce point et d'engager une discussion pour reconduire de deux ans la convention, chose qui est en cours. Sans vouloir préjuger du résultat de la négociation qui n'est pas encore terminée, elle ne devrait pas se traduire par un bouleversement de nos modes de relations avec la CNP. Ce sera plus de l'adaptation et il conviendra de réfléchir aussi à de nouvelles formes d'actions communes. Mais je pourrais vous communiquer les chiffres plus précis postérieurement à l'audition.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Monsieur le directeur général, je vous remercie.

*

* *

8.- Audition de M. Bernard Pêcheur,
secrétaire général du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

(Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 29 juin 2000)

Présidence de M. Jean-Pierre Delalande, Président

A l'invitation du Président, M. Bernard Pêcheur est introduit. Le Président lui rappelle les règles définies par la mission pour la conduite des auditions : pas d'exposé introductif, échange rapide des questions et des réponses.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Monsieur le secrétaire général, nous sommes intéressés par votre audition, puisque vous remplissez une fonction nouvelle qui n'a jamais été occupée à Bercy. Il existe un secrétaire général au ministère de la défense et au ministère des affaires étrangères ; il n'en existait pas jusqu'à maintenant à Bercy, comme il n'en existe pas d'ailleurs dans pratiquement tous les autres ministères. C'est une fonction que nous avions évoquée dans un rapport du groupe de travail, présidé par l'ancien président de l'Assemblée nationale, M. Laurent Fabius, aujourd'hui ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous voyons donc là une concrétisation d'une idée qui avait été avancée à cette époque.

Le décret du 23 mai 2000 prévoit que vous êtes chargé de coordonner l'administration et d'assurer le suivi des projets de réforme et de modernisation du ministère. Pourriez-vous nous préciser votre mission et ce qui vous a conduit à l'accepter, compte tenu du passé qui est le vôtre ? En effet, c'est un « challenge » d'occuper ce type de fonction, surtout dans un ministère où il apparaît que les directions sont particulièrement cloisonnées, ce qui peut rendre votre fonction d'autant plus intéressante.

Comment concevez-vous votre mission ? La semaine dernière, le directeur général des impôts, M. Villeroy de Galhau, a expliqué que vos fonctions se concevaient selon deux principes : le principe de cohérence et le principe de subsidiarité. L'application du principe de subsidiarité ne risque-t-elle pas cependant de faire obstacle à celle du principe de cohérence ? Comment voyez-vous votre fonction ?

Comment s'organise autour de vous la préparation des réformes du ministère ? Quel est le rôle du comité des directeurs que vous présidez désormais ?

M. Bernard Pêcheur : Monsieur le Président, monsieur le Rapporteur général, je dirai d'abord que ce n'était pas mon idée et que je n'étais pas demandeur. En effet, on n'est pas demandeur de ce genre de fonction.

Ce n'était pas mon idée. En effet, j'ai exercé dans le passé les fonctions de directeur général de l'administration et de la fonction publique, et à l'époque, je disais, et je le crois toujours, que les ministres devaient s'appuyer sur les directeurs, qu'il était nécessaire de mettre en _uvre et de vivre concrètement la déconcentration vers les organes territoriaux de l'Etat mais aussi dans les directions, les directeurs devant avoir non seulement la responsabilité de l'emploi des moyens qui leur sont délégués mais aussi des capacités de gestion.

Ma première réaction a été de dire au ministre que j'étais assez réservé sur l'idée d'un secrétaire général au ministère des finances. J'avais présent à l'esprit un précédent que beaucoup connaissent, celui du secrétaire général du ministère de l'éducation nationale. Ce dernier a eu un rôle très important dans les années soixante au ministère de l'éducation nationale et il occupait une place très importante auprès du ministre. Il exerçait une fonction irremplaçable et c'est pourquoi il n'avait pas été remplacé .... selon un mot du président Edgar Faure annonçant au secrétaire général qu'il était remis à la disposition de son corps d'origine.

Au demeurant, il n'y a pas de solution idéale en matière d'organisation. Le ministre Laurent Fabius, qui m'a fait la confiance de me faire part de cette idée, m'avait demandé d'y réfléchir. J'y ai donc réfléchi : il m'est apparu que le ministère, comme de nombreuses grandes organisations, et pas seulement des organisations publiques, souffrait d'un excès de cloisonnement, d'une insuffisante capacité d'anticipation et d'un défaut d'ouverture sur l'extérieur.

Après avoir réfléchi à partir de ce constat, je suis revenu voir le ministre. Nous avons parlé de ce que pourrait être la configuration d'un secrétaire général qui, dans une conjoncture bien particulière, pouvait essayer de faire progresser le ministère dans trois directions. D'abord, renforcer la coopération, les fonctions transversales, la cohérence et la cohésion du ministère, qui est constitué de vingt et une directions ou services ; ensuite, essayer de développer les capacités d'anticipation et de pilotage ; enfin, essayer d'ouvrir le ministère sur l'extérieur ou de renforcer l'ouverture qui avait été engagée.

Partant de ce constat, j'ai estimé qu'il était possible, ayant la confiance du ministre et des secrétaires d'Etat - je suis placé auprès d'eux comme auprès du ministre - de relever le « challenge », comme l'a dit M. le rapporteur général, challenge dont je ne sous-estime pas la difficulté.

Je suis convaincu qu'il y a besoin aujourd'hui au ministère des finances d'une capacité de pilotage que, bien entendu, le ministre assure lorsqu'il y a de grandes orientations à donner, que le cabinet a pu assurer dans le passé et pourrait continuer d'assurer, mais, le plus souvent, au détriment de sa propre fonction de conseil politique du ministre.

Dans la configuration que le décret d'attribution a définie, le secrétaire général est chargé d'assurer cette coordination administrative du ministère, en tant que les intérêts communs du ministère sont en cause. Qu'est-ce que cela veut dire ?

Cela veut dire développer une fonction d'arbitrage entre les directions au niveau budgétaire, fonction qui était jusqu'à présent sans doute mal assurée. Il n'y avait pas véritablement un budget du ministère, mais simplement des conférences budgétaires qui se faisaient au sein de la direction du budget avec les grandes directions à réseau et la direction du personnel, de la modernisation et de l'administration. Puis des arbitrages s'effectuaient à la marge sur les sujets les plus sensibles sur lesquels il n'y avait pas pu y avoir d'accord au niveau de la direction du budget, sans qu'il y ait véritablement une appréhension globale de l'ensemble des choix.

Je schématise un peu : il y avait une rationalité, mais elle ne s'exprimait pas toujours à travers une procédure clairement définie. Il est donc de mon rôle de proposer au ministre la répartition des moyens entre les directions, de mettre aussi en place un suivi de l'exécution budgétaire et, plus généralement, un suivi du contrôle de gestion de ce ministère.

D'autre part, la fonction de secrétaire général implique que je m'assure d'une harmonisation nécessaire dans le domaine de la gestion des personnels. Il y a de grandes cohérences à développer ou à mettre en place concernant la mobilité interne des personnels, la structure des statuts ou des rémunérations, ainsi qu'en matière d'organisation et de fonctionnement.

Enfin, c'est le pilotage d'un certain nombre de projets structurants sur l'ensemble du ministère, dont la réforme-modernisation dont le ministre a défini les grandes lignes le 28 avril 2000.

Ces fonctions stratégiques de cohérence et de pilotage ne sont pas contradictoires avec l'autonomie de gestion dont doivent disposer les directeurs. C'est ainsi que François Villeroy de Galhau a pu parler de cohérence et de subsidiarité.

Il est vrai que derrière le mot de subsidiarité l'on peut dire beaucoup de choses. Nous vivons dans un système communautaire où le principe de subsidiarité est en vigueur, mais dont on ne sait pas exactement ce qu'il recouvre. Au ministère des finances, je sais ce qu'il recouvre : les directeurs sont les patrons - c'est l'autonomie - mais il y a aussi un secrétaire général auprès duquel ils sont chargés de rapporter, pour autant que sont en cause la cohérence de la gestion, la coordination et la mise en _uvre de la réforme-modernisation.

Il faudra donc trouver un équilibre et le vivre. Pour ma part, j'ai reçu le meilleur accueil de la part des directeurs de Bercy et je ne dois pas du tout m'en plaindre. Si vous permettez cette image, s'agissant de la fonction de secrétaire général, je fais de l'existentialisme juridique ou sociologique : l'existence précède l'essence.

Je ne suis ni le secrétaire général du Quai d'Orsay, lequel est compétent auprès du ministre des affaires étrangères sur le fond de la politique étrangère - je ne suis pas là pour conduire ou définir les politiques publiques dont les directeurs ont la charge - ni le secrétaire général du ministère de la défense, qui est chargé de coordonner quelques directions civiles, de gestion, et qui fait, en quelque sorte, contrepoids aux états-majors.

C'est donc un schéma différent ! Le secrétaire général n'est pas policy making - comme diraient les anglo-saxons - contrairement au Quai d'Orsay, mais il n'est pas non plus un super-directeur du personnel. Je m'appuierai, certes, sur les directions horizontales que sont la direction du personnel, de la modernisation et de l'administration, la direction des relations avec les publics et de la communication, la direction des affaires juridiques. Mais je m'appuie aussi sur toutes les directions, y compris les directions verticales.

J'accepte donc bien volontiers l'image qui avait été donnée de cohérence et de subsidiarité. La subsidiarité veut dire évidemment que, dans la gestion au quotidien, les directeurs sont les « patrons ». Mais quand il s'agit de coordonner ou d'assurer les fonctions transverses et de cohérence, c'est le secrétaire général qui pilote. Il y a un équilibre à trouver et j'ai confiance dans la possibilité que nous aurons de le trouver. Je crois d'ailleurs que nous l'avons déjà trouvé.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Comment s'organise donc la préparation des réformes du ministère autour de vous ? Quel est le rôle du comité des directeurs que vous présidez ?

M. Bernard Pêcheur : Monsieur le Rapporteur général, cette question me permet de rebondir sur un élément que j'avais laissé dans l'ombre dans mon exposé précédent et qui est tout à fait en lien avec la question du pilotage : secrétaire général ne signifie pas secrétariat général !

Ce dont l'administration a besoin, ce n'est pas d'un échelon d'administration supplémentaire mais d'une instance de pilotage qui, au nom du ministre et, évidemment, sans se substituer à lui, peut assurer ces fonctions de coordination, de pilotage et d'harmonisation.

J'aurai donc auprès de moi une équipe très légère. Il ne s'agit d'ailleurs pas d'avoir une espèce de cabinet administratif qui serait chargé, auprès du secrétaire général, de suivre l'activité verticale des directions. J'ai auprès de moi trois chefs de projet, deux sous-directeurs et un chef de bureau du ministère des finances. L'un suit plus particulièrement les questions touchant l'évolution et la réforme des systèmes d'information et d'organisation du ministère. Le second suit plus particulièrement les questions touchant au budget : contrôle, gestion, programmation. Le troisième suit les questions tournant autour de la gestion des ressources humaines, du dialogue social, des statuts et des rémunérations.

C'est une équipe vraiment resserrée pour assurer là encore, et j'y tiens, un pilotage stratégique. Cela ne veut pas dire s'ingérer au quotidien dans la vie des directions, mais s'assurer que les échéances sont tenues, que les objectifs sont respectés, que les inflexions et les corrections nécessaires peuvent être apportées.

Comment les choses se passent-elles ? Un instrument, qui existait et existe toujours, se trouve officialisé à l'occasion de ma nomination et du décret d'attribution : c'est le comité des directeurs.

Il existait au ministère des finances un comité informel, sans existence juridique, qui avait été constitué, je crois, par Pierre Bérégovoy, à l'initiative de Jean Choussat, alors délégué à la modernisation du ministère. L'idée était de faire vivre la collégialité du ministère et de ses directeurs.

Cet outil s'inscrivait déjà dans un diagnostic qui pointait du doigt les excès de cloisonnement. Ce comité des directeurs a eu essentiellement, jusqu'à présent, un rôle d'échange entre directeurs, le cabinet n'étant pas présent. Jean Choussat l'a présidé quelque temps, quand il était délégué à la modernisation. Ensuite, c'est le doyen des directeurs, Paul Champsaur, directeur de l'INSEE, qui l'a présidé.

Un travail important a été fait, dans le cadre d'échanges libres au niveau de ce comité. Du benchmarking a été fait. Pour une partie des travaux de comparaison internationale qui ont été conduits ensuite par l'inspection générale des finances, l'idée est venue de ce comité.

Ce travail d'échanges libres, sur des sujets dont les directeurs, sous ma présidence, définiront les axes, doit être conservé. C'est une sorte de centre d'échanges et de prospective.

Puis il y a aussi nécessité de le faire évoluer, puisqu'il est désormais présidé par le secrétaire général, pour en faire un comité de direction du ministère, c'est-à-dire une instance où un certain nombre de questions fortes peuvent être évoquées, touchant précisément aux projets d'intérêt commun du ministère. Mais le pilotage de la réforme comme le pilotage du budget ne passent pas par ce comité mais par des comités spécifiques.

Le comité des directeurs se réunit une fois tous les mois. S'agissant du budget, de la réforme et plus généralement des grands dossiers structurants du ministère que sont la transparence sur les primes, la réduction du temps de travail, des comités de pilotage réunissent auprès du secrétaire général les directeurs concernés, mes chefs de projet étant là pour alimenter, en s'appuyant sur les équipes des directions, la réflexion et nourrir des décisions.

Il y a donc une structure de projet constituée de la façon suivante. D'une part, un comité fiscal suit plus particulièrement tout ce qui touche à l'interlocuteur fiscal unique et à la réforme définie par le ministre le 28 avril : intranet commun DGI-DGCP, mise en place du nouveau système d'information fiscale, accueil commun - points sur lesquels je reviendrai.

D'autre part, un autre comité de pilotage concerne l'interlocuteur économique unique. Vous savez qu'il existe sur le terrain plusieurs services déconcentrés dépendant du ministère qui ont des relations avec les entreprises, notamment les PME. Je pense aux directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, aux directions régionales du commerce extérieur, aux services de l'artisanat et évidemment aussi aux services de la comptabilité publique. L'un des projets que le ministre a définis le 28 avril est précisément, parallèlement à l'interlocuteur fiscal unique, de mettre en place un interlocuteur économique unique. Les directions concernées ne sont pas les mêmes et un pilotage spécifique est nécessaire.

Par ailleurs, sur les questions budgétaires ou sur les questions indemnitaires, le pilotage s'appuie sur des comités « ad hoc » réunissant les directeurs concernés, mais pas tous les directeurs, car certains ne sont pas impliqués dans telle ou telle affaire. Cela veut dire cohérence, autonomie et reporting auprès du secrétaire général.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : A travers nos différentes auditions, nous avons pu mesurer combien l'informatique était une vraie difficulté au niveau du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous retrouvons là aussi un cloisonnement extrêmement rigide.

Un avant-projet détaillé d'un nouveau système informatique est, semble-t-il, en cours. Pourriez-vous nous préciser quels en sont les délais de mise en place ? A quel horizon situez-vous la possibilité de mettre en place un compte unique du contribuable ?

M. Bernard Pêcheur : Monsieur le Président, monsieur le Rapporteur général, c'est effectivement une difficulté et, en même temps, une opportunité.

La difficulté vient du fait que les applications fiscales se sont mises en _uvre dans le temps, progressivement, en se calant sur les procédures et sur les organisations. Cela explique qu'elles soient cloisonnées, qu'elles aient des degrés de maturité ou de vieillissement inégaux, qu'elles aient du mal à communiquer, et enfin qu'elles génèrent des coûts de maintenance élevés.

Le constat a été fait par les directeurs généraux et il a été fait aussi dans le cadre de la mission Bert-Champsaur. L'un des points forts du plan annoncé par le ministre le 28 avril est précisément la refonte du système d'information fiscale. Le ministre a demandé aux directeurs généraux concernés, MM. Bassères et Villeroy de Galhau, de préparer un plan opérationnel et de le lui soumettre, par mon entremise, à la fin de l'année, de façon à permettre de lancer au plus vite ce projet structurant, indéniablement nécessaire.

L'objectif annoncé par le ministre est que ce plan soit opérationnel dans les cinq ans. Il repose sur l'idée du compte fiscal unique, lui-même permis par l'identifiant fiscal unique, ce qui permettra, en direction des usagers, de mettre en place des services en ligne d'information, de télé-déclaration, de télé-paiement. Il en résultera donc une meilleure réactivité et une meilleure capacité des services à répondre aux attentes des contribuables. Il permettra aussi aux deux directions générales et à leurs services de communiquer, puisqu'il s'agira d'une informatique partagée, condition de base du cahier des charges. Il permettra aussi aux agents de disposer d'un système de messagerie généralisée, de disposer de bases documentaires en ligne et, ainsi, de mieux détecter les éléments de fraude ou d'inexactitude, puisqu'il y aura cohérence et capacité d'accéder à ce dossier unique.

Ce projet, très lourd, représente sans doute plusieurs milliards de francs en termes d'investissements mais on en attend aussi des retours importants en termes de services, de productivité et de recettes. Une équipe commune à la direction générale des impôts (DGI) et à la direction générale de la comptabilité publique (DGCP) est en cours de mise en place, ce qui montre que les esprits évoluent beaucoup dans cette maison. Un plateau commun va être constitué à proximité de Bercy, réunissant une équipe de projet commune à la DGI et à la DGCP, sous la direction de M. Grapinet, collaborateur de M. Villeroy de Galhau, et dont l'adjoint sera un fonctionnaire de la direction générale de la comptabilité publique. Cette équipe de projet commune travaillera dans des locaux communs en vue de définir les grandes lignes de ce plan opérationnel que le ministre arrêtera à la fin de l'année ou au tout début de l'année 2001.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Concernant la préparation des réformes fiscales, les auditions antérieures nous ont montré que les réformes de la fiscalité présentées comme des simplifications sont parfois ressenties par les agents comme étant en fait source de complications dans leur travail quotidien.

Un certain nombre de structures ont été mises en place au niveau de la DGI et de la DGCP pour faire remonter l'information de la base à la hiérarchie, les directeurs généraux nous en ont parlé. Pensez-vous utile de faire précéder toute réforme fiscale d'une étude de sa faisabilité auprès des services chargés de l'appliquer, pour que l'on puisse prendre en compte ces avis et ne pas tenir compte exclusivement de ceux des cadres supérieurs de l'administration centrale de la DGI ?

M. Bernard Pêcheur : Je m'aventure sur un terrain qui est déjà un peu à la marge de ma mission, mais qui peut entrer dans mes attributions ou tout du moins dans les préoccupations que je peux avoir.

L'organisation qui prévaut actuellement au ministère vise précisément à assurer une meilleure prise en compte des problèmes d'application au niveau de la conception de la loi fiscale. C'est pourquoi le directeur de la législation fiscale (DLF) est placé auprès du directeur général des impôts, ce qui n'a pas toujours été le cas. J'ai tendance à penser que le fait d'avoir le DLF près du directeur général devrait permettre d'assurer cette meilleure adéquation.

Il va de soi également que les exigences de productivité qui pèsent sur l'administration doivent conduire à ce que chaque mesure fiscale nouvelle soit accompagnée d'une fiche d'impact mesurant les conséquences en termes d'emploi. Il me semble que c'est le souci de l'actuel directeur général des impôts et c'était aussi celui de son prédécesseur, M. Jean-Pascal Beaufret. Au demeurant, simplifier est une charge délicate.

Je m'exprime plutôt ici en tant qu'ancien membre de la section des finances du Conseil d'Etat où nous examinions la loi fiscale. Nous constations souvent que la volonté de faire juste conduisait souvent à compliquer. Nous-mêmes, par rapport à des textes qui nous étaient présentés, nous étions parfois amenés à les amender dans le sens de la complexité et ce dans le souci de rendre les choses plus claires et plus équitables. J'imagine que le Parlement est parfois confronté aussi à cette même difficulté.

J'ajoute une remarque qui excède largement mes compétences, mais dont je me permets de faire part à votre Mission : à mon sens, les meilleures simplifications sont celles qui s'effectuent dans un contexte de baisse de l'impôt. Il est plus facile de simplifier lorsque l'on allège les impôts que dans le cas inverse.

M. Jean-Pierre Brard : Monsieur le secrétaire général, je souhaite vraiment, comme nous tous ici, que vous réussissiez dans votre fonction.

Vous parliez de cloisonnement. Je dirai pour ma part qu'il n'était pas toujours efficace, parce que les inimitiés débordaient parfois même le cloisonnement et nuisaient à l'efficacité de certaines directions, les unes par rapport aux autres.

Vous avez dit que l'existence précédait l'essence ! Je bois du petit lait, si je puis dire, à l'écoute d'un tel propos : le marxiste que je suis se reconnaît dans votre discours... (Sourires.) Il est vrai que c'est un autre débat.

Vous avez dit qu'une de vos missions est de veiller à la cohérence de la gestion. Précisément, cela va-t-il par exemple jusqu'à considérer que la façon dont l'assiette de l'impôt est établie par la DGI ne prépare pas, de façon optimale, la tâche de ceux qui sont ensuite chargés de le recouvrer ?

Est-ce que votre mission de cohérence dans la gestion peut vous amener à faire des préconisations qui débouchent sur une autre façon d'établir les priorités de la DGI par exemple, pour qu'il y ait une meilleure cohérence entre son travail et celui de la comptabilité publique ?

En outre, vous avez évoqué l'identifiant fiscal unique que nous avons voté il y a déjà dix-huit mois. J'ai l'impression que sa mise en _uvre tarde. Si j'ai bien compris, il s'agit de s'appuyer sur cet outil que nous vous avons donné, mais quand cela se fera-t-il vraiment ? Certains faits divers ont défrayé la chronique, comme cette affaire d'escroquerie à la TVA intracommunautaire. Or c'est un des outils - pas le seul, pour être efficace - qui permettrait de mieux combattre la fraude. Quand pouvons-nous espérer que cet outil, que nous avons voulu performant, sera vraiment opérationnel ?

M. Bernard Pêcheur : Il faut bien s'entendre sur la notion de cloisonnement ! Le cloisonnement est toujours dans nos têtes. Toute structure doit répondre à deux types de logique. Au ministère des finances - mais il n'est pas seul concerné - le cloisonnement est la contrepartie du professionnalisme, des cultures, des métiers dont le ministère est crédité. J'ai moi-même commencé ma carrière à la direction du budget et, pour nous, la direction de la comptabilité publique était un autre monde, d'une certaine façon. Les hommes ne sont pas en cause ! Le cloisonnement est nécessaire dans la mesure où il exprime le professionnalisme des agents ; il s'assoit sur une formation, sur des déroulements de carrière, sur des systèmes de débouchés, sur une ligne hiérarchique. Je ne le jette pas par-dessus bord. En revanche, il faut éviter les excès de cloisonnement et une situation dans laquelle les intérêts verticaux, directionnels et finalement particuliers, conduisent à perdre de vue l'intérêt général.

Cela dit, la cohérence de la gestion dont je suis chargé implique que la réforme soit mise en _uvre. Cette réforme est partie du constat que vous faisiez, monsieur le député, à savoir qu'il y avait des difficultés de communication entre les services d'assiette et les services de recouvrement. A cet effet, le plan que le ministre a arrêté le 28 avril comporte une gamme de projets.

Ce sont tout d'abord des décisions touchant au nouveau système d'information fiscale, système qu'il faudra faire, quoi qu'il arrive. Les systèmes ont vieilli, sont cloisonnés et stratifiés et il faut de toute façon refondre l'ensemble. C'est la réponse que je fais à votre question : à la fin de l'année, quand le ministre disposera du projet de plan opérationnel qu'il a demandé au directeur général des impôts et au directeur général de la comptabilité publique, quand nous connaîtrons les coûts et les enveloppes nécessaires, le ministre pourra vous dire le délai. Il avait assigné une durée de cinq ans, étant entendu que son souci a été de dire que la mise en _uvre de ce système devait se traduire dans le temps par des effets concrets pour les usagers et pour l'administration.

Il ne s'agit pas de tout reporter à cinq ans et de dire que c'est dans cinq ans que l'identifiant fiscal et le compte fiscal seront mis en _uvre. Non ! Il s'agit de faire en sorte que le phasage du plan permette des débouchés concrets et pratiques durant cette période. Je comprends bien l'impatience qui peut être la vôtre. Telle est la première décision.

La deuxième décision est la création d'une direction générale des grandes entreprises. Ce sera un service à compétence nationale au sein de la DGI et il sera l'interlocuteur unique de 17 000 grandes entreprises. Il y en aura 2000 à 3000 dont l'actif brut est supérieur à 600 millions d'euros, plus les sociétés mères et filiales dont les caractéristiques répondent aux mêmes critères. Cette direction générale des grandes entreprises centralisera les déclarations et les paiements de toutes ces entreprises, que ce soit en termes d'assiette et de recouvrement. C'est un point très important : l'interlocuteur unique pour les grandes entreprises sera en place au tout début 2002, vraisemblablement le 1er janvier 2002.

Le troisième type de décision qui s'inspire du souci de simplification est la déclaration préremplie dont, j'imagine, le directeur général des impôts vous a entretenu. Sous réserve d'un test qui aura lieu au moins d'août, elle devrait être mise en _uvre pour la prochaine campagne d'impôt sur le revenu, aux mois de mai et juin 2001.

La réforme-modernisation c'est aussi le lancement de toute une série d'expérimentations destinées à tester la faisabilité de nouveaux services à l'usager ou de nouvelles organisations :

- pour les particuliers et les PME, un accueil commun dans des hôtels des finances réunissant les services de la DGI et de la DGCP. Cet accueil commun est destiné, au-delà de l'accueil physique et de l'orientation, à apporter des réponses, de l'information générale et à délivrer aux usagers les formulaires qu'ils souhaitent ;

- un centre d'appel à la direction générale des impôts. Il sera chargé d'assurer l'information générale, mais aussi la prise en compte d'un certain nombre de demandes, qu'elles viennent des particuliers ou des entreprises ;

- un réseau Intranet commun à la DGI et à la DGCP, de façon à pouvoir traiter, quel que soit le service auquel s'est adressé le contribuable, les demandes d'information ou les réclamations ;

- un centre d'encaissement à la direction générale de la comptabilité publique permettant le traitement automatisé de tout ce qui est titres interbancaires de paiement et chèques, de façon à dégager les services de proximité de tâches lourdes et fastidieuses et pour leur permettre d'assurer parallèlement un meilleur service à l'usager ;

- des pôles de recouvrement contentieux dans le réseau du trésor public, de façon à spécialiser en quelque sorte ou à différencier le traitement qui doit être réservé au contribuable de bonne foi et, au contraire, de professionnaliser, de renforcer la capacité d'expertise des fonctionnaires chargés du recouvrement contentieux auprès des contribuables les plus récalcitrants.

J'ai bien distingué, d'une part, les décisions fermes qui concernent la déclaration préremplie, le nouveau système d'informations fiscales et la direction des grandes entreprises et, d'autre part, les autres services ou projets d'organisation dont j'ai parlé, qui sont des expérimentations. En effet, il est nécessaire de tester différents types d'organisations et de réponses pour ces projets.

Des groupes de travail ont été mis en place à la suite des annonces du ministre le 28 avril, associant les organisations syndicales. Là aussi, il est important qu'un travail soit fait sur le terrain et au niveau central, associant les organisations syndicales, les responsables des grandes directions générales mais aussi les élus sur le terrain, ce qui est le souci du ministre. On a bien vu l'importance que les élus attachaient au fonctionnement des services fiscaux, mais aussi à l'action des services comptables de proximité.

C'est ce travail là qui va être conduit. C'est la mission du comité de pilotage que je préside de tenir le plan de marche qui nous a été assigné. Des sites d'expérimentation seront annoncés par le ministre à la mi-juillet. Ils concerneront l'accueil commun, la mise en réseau Intranet de centres des impôts et de trésoreries. En outre, qui dit expérimentation dit évaluation au bout d'un certain délai, six mois ou un an selon la nature des services.

Je conçois que c'est quelque chose de très lourd à manier. L'ensemble du système constitué par les applications informatiques, d'une part, et, d'autre part, par le maillage territorial des services fiscaux et comptables ainsi que les coûts qui peuvent être induits par ces réformes justifient que nous prenions à la fois le temps du dialogue social, de la concertation avec les élus et de l'évaluation.

M. Gilles Carrez : M. Pêcheur vient d'aborder en partie la question de l'expérimentation. Est-ce qu'il n'est pas possible d'aller plus loin dans l'appel à l'expérimentation pour faire accepter - quitte à prendre un temps plus long - des réformes difficiles. Je pense en particulier à l'expérimentation géographique.

Je suis persuadé qu'il est des parties de notre territoire dans lesquelles on peut trouver des conditions d'acceptation plus faciles à ce type d'évolution de regroupement de réseaux. Dans le milieu des élus locaux, il est des secteurs où les maires, à condition qu'ils soient suffisamment informés et associés en amont, peuvent être tout à fait disposés à accompagner une réforme expérimentale. De même, il peut y avoir aussi des secteurs où les personnels, pour différentes raisons, soient plus allants et plus réceptifs. J'ai été étonné de voir il y a quelques mois que cette dimension géographique de l'expérimentation n'ait pas été sollicitée comme elle aurait dû l'être, dès lors que des conditions favorables semblaient pouvoir le permettre. Il doit donc y avoir des limites et je souhaiterais savoir lesquelles.

M. Bernard Pêcheur : Monsieur le député, un enseignement a pu être tiré du conflit dont nous sommes sortis il y a quelques mois et de ce qu'il faut bien appeler l'échec de Bercy 2003. C'est la nécessité de lancer des expérimentations. En réalité, le projet antérieur, qui paraissait être présenté « clefs en mains », supposait de toute façon la mise en place d'un nouveau système d'information fiscale et il supposait de toute façon d'expérimenter des services. C'est du moins ce qu'il aurait dû impliquer.

Le souci de M. Laurent Fabius est effectivement de prendre appui sur cette notion d'expérimentation, sans occulter les décisions qu'il a prises concernant le nouveau système d'informatisation fiscale. A ce stade, il faut prendre la mesure de l'ampleur du projet et des coûts mais c'est une décision qui est inéluctable.

Je ne reviens pas sur ce que j'ai dit concernant la direction des grandes entreprises. C'est aussi une décision qui sera mise en _uvre avec l'ouverture à Pantin de cette direction des grandes entreprises pour laquelle des travaux ont été lancés.

S'agissant des nouveaux services, la notion d'expérimentation est tout à fait fondamentale. En effet, elle va permettre de tester plusieurs types de réponse. Je me permets ici de reprendre les dossiers, car c'est un sujet plus technique.

La notion d'accueil commun, notion simple sur laquelle toute personne de bon sens ne peut que s'accorder, comporte en fait des variantes. Un certain nombre de modules ont été définis, allant du plus simple vers le plus compliqué.

Module 1 : accueil commun avec comme fonction essentielle l'orientation et l'information des contribuables.

Module 2 : prise en compte des demandes des contribuables, demandes gracieuses et délais de paiement, demandes de certificats exigés lors du départ à l'étranger.

Module 3 : accueil commun ayant pour fonction, outre les modules précédents, de commencer à traiter les demandes des contribuables.

S'agissant de la mise en place d'Intranet, il est nécessaire aussi d'avoir une palette suffisante d'expériences pour tester à la fois la demande - nous ne savons pas toujours bien cerner la demande et les attentes des usagers - et la capacité de l'administration, en formant les agents à répondre à ces différentes demandes.

Certes, nous serions preneurs de plus d'expérimentations à ce stade. Nous avons défini, s'agissant du réseau Intranet, cent sites dans dix départements, dont une première liste sera connue à la mi-juillet, après travail de terrain, avec les organisations syndicales ainsi qu'avec les experts des administrations. Il va de soi que si les directeurs des services fiscaux et les trésoriers-payeurs généraux, non impliqués dans des expérimentations, proposaient d'accroître la liste des sites retenus, nous en ferions plus.

En revanche, s'agissant de l'accueil commun, nous avons une limite physique. L'accueil commun dans les services des impôts et du trésor public suppose qu'il existe un hôtel des finances. Or il n'en existe pas partout. A ce stade, nous avons retenu l'idée de dix expériences dans des hôtels des finances.

Le nombre de sites possibles est de l'ordre de 60 ou 70. Mais nous avons là une limite physique. Toutefois, si nous avons plus de candidats suscités par les élus ou favorisés par le terrain social, nous ne sommes pas fermés sur le nombre. En effet, nous avons des gammes de services à expérimenter et l'expérimentation n'aura de sens que si toutes les configurations sont possibles.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Le succès d'une réforme dépend beaucoup de la motivation des agents, comme vous venez de l'évoquer. Il semble qu'il était important de travailler avec les représentants du personnel et les organisations syndicales. J'ai compris que tout cet aspect de dialogue social était une de vos priorités, puisque dans votre structure légère une personne en est chargée.

Les agents sont également sensibles à la question du régime indemnitaire. La Cour des comptes a fait à cet égard un certain nombre d'observations, constatant d'ailleurs qu'un certain nombre d'indemnités n'avaient pas de base légale. Où en est la remise en ordre de la situation indemnitaire des fonctionnaires des finances ? Pouvez-vous nous préciser l'état des négociations menées sur ce point avec les syndicats ?

M. Bernard Pêcheur : A la suite des constatations de la Cour des comptes et des questions qui ont été posées aussi par le Parlement, les prédécesseurs du ministre ont été conduits à prendre des engagements. Ceux-ci seront tenus par M. Laurent Fabius. Ils sont de trois ordres.

1.- Dans un certain nombre de cas, les régimes indemnitaires étaient assis sur des fonds de concours ou des comptes de tiers. Ce sont les travaux de la Cour des comptes qui ont mis ce point en évidence. Les raisons sont d'ordre historique et il est facile de les imaginer. Un travail de budgétisation de ces ressources a donc été engagé. Les crédits d'articles ont été supprimés ; un certain nombre de fonds de concours ont été rebudgétisés. Dans le cadre de loi de finances pour 2001, il y aura nécessité d'achever cette opération de transparence - et j'y veillerai - par voie de rebudgétisation des ressources collectées à travers ces fonds de concours ou ces comptes de tiers.

2.- Il est nécessaire de fonder ces régimes indemnitaires, qui étaient parfois dépourvus de base légale, sur des textes réglementaires pris conformément à l'article 20 de la loi de 1983 sur le statut des fonctionnaires : il ne peut pas y avoir d'indemnité sans texte. Le Premier ministre a eu l'occasion de le rappeler et l'intention du ministre est bien de mettre en _uvre cette décision, qui s'applique au ministère des finances mais aussi à d'autres ministères. Nous avons eu en la matière un empilement historique, partant d'une situation où l'on avait décidé, juste après la guerre, de supprimer toutes les indemnités, qui ont été progressivement recrées. Le ministère des finances a été un des acteurs de cette « re-création », mais il n'était pas le seul. Les choses ne se sont pas toujours faites dans la transparence et l'harmonisation que, par exemple, le directeur général de l'administration et de la fonction publique, que j'ai été, a pu souhaiter.

3.- Cette refondation des régimes indemnitaires doit tenir compte des spécificités des métiers, des sujétions qui peuvent être attachées à certaines fonctions, mais aussi s'inscrire dans le cadre d'une cohérence ministérielle. Il faut faire en sorte que les régimes indemnitaires soient aussi un outil de gestion moderne et de motivation du personnel. Parlant en tant qu'ancien directeur général de l'administration et de la fonction publique, je ne crois pas qu'il faille considérer que les fonctionnaires doivent nécessairement être rémunérés sur une grille unique qui serait la grille indiciaire. Du moins, telle n'était pas ma vision quand j'occupais ces fonctions. Je crois qu'il faut mêler à la fois de l'indice, lequel assure des grandes cohérences interministérielles, et les régimes indemnitaires qui sont là pour tenir compte des spécificités des fonctions assumées par les différents corps.

C'est ce travail là qu'il faut conduire dans des délais rapprochés, notamment l'achèvement des budgétisations, mais aussi la refondation juridique et « manageriale » du régime indemnitaire.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Il me semble que dans votre objectif de réforme et dans l'ingénierie de la réforme, la communication est essentielle pour que vous arriviez à faire adhérer les personnels. Comment imaginez-vous donc votre communication ?

Ou bien vous n'en avez pas en tant que telle, ès qualités, dans votre fonction et cela veut dire que la crédibilité de votre travail et de l'ensemble des réformes que vous essayez de mettre en _uvre passe, au cas par cas, par la qualité de communication de chacun des directeurs du ministère. Après tout, ils sont les « patrons » des ministères.

Ou bien vous avez une communication d'ensemble et alors elle se rapproche alors du ministre.

Au travers de ce souci de communication - et donc d'efficacité - je pose en réalité la question de votre positionnement que je trouve extraordinairement subtil ou, à vrai dire, difficile. Comment l'envisagez-vous, à la fois en interne et, ce à quoi vous serez sans doute acculé, en externe ?

M. Bernard Pêcheur : J'en conviens, c'est une position subtile et difficile. Toutefois, c'est un mandat qui est clair et en tout cas c'est une autorité que je ne peux tenir que du ministre et de ma proximité avec lui. Après tout, l'autorité hiérarchique réside dans des textes - qui existent s'agissant de ma fonction - mais elle se vérifie aussi dans une pratique au quotidien, et ce dans toutes les organisations.

Il y a nécessité d'une communication interne et d'une communication externe. J'ai tendance à penser que la communication externe est le monopole du ministre et que les directeurs, y compris le secrétaire général, même s'il est le premier des fonctionnaires du ministère, ne peuvent parler en externe qu'avec l'autorisation du ministre.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Pensez-vous que le ministre peut tout dire publiquement, sans avoir des répercussions internes ? On pourrait imaginer des discours à deux voix et le fait que vous soyez fonctionnaire vous l'interdit quasiment, en effet. Je partage votre sentiment.

M. Bernard Pêcheur : Je crois que la communication externe est l'affaire du politique, dès lors qu'elle s'adresse à l'opinion publique et qu'elle pourrait l'interpeller. Au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, il y a le ministre et les secrétaires d'Etat, en charge des secteurs d'activité du ministère, sont eux-mêmes impliqués dans des actions de changement. Il ne faut pas qu'il y ait d'ambiguïté : la réforme au ministère des finances ne se résume pas au projet dont j'ai parlé. Le souhait du ministre est bien de faire évoluer les grandes directions, la direction générale des douanes et des droits indirects, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la direction générale de l'INSEE... Il est donc nécessaire que les directions avancent. Pour moi, le ministre et les secrétaires d'Etat sont en charge de cette communication externe.

Il est important aussi de considérer la perception qu'ont les agents de ce changement. Je ne vous cacherai pas que le ministère a traversé une crise d'une exceptionnelle gravité. J'ai le souvenir de conflits au ministère des finances.

En 1968, j'étais un peu trop jeune et je n'étais pas encore au ministère. Je sais cependant que le conflit fut très dur, particulièrement dans ce ministère, mais il avait un caractère un peu classique, de type quantitatif.

En 1989, lors du second conflit, je n'y étais plus au ministère, j'étais alors directeur général de l'administration et de la fonction publique et j'ai pu voir que là aussi les choses s'étaient cristallisées sur des enjeux et sur des revendications de type quantitatif.

Le conflit que nous venons de traverser est d'une nature différente. Il a été vécu très durement par les agents et par la hiérarchie, parce que, en réalité, le projet remettait en cause profondément la vision qu'ils avaient d'eux-mêmes et de leur métier. Des agents, quel que soit leur niveau hiérarchique, se sont engagés complètement dans le sens de la réforme 2003 et d'autres ont pris position contre.

Il y a donc un traumatisme. Cela suppose de rebondir et de remotiver les agents, ce en quoi je suis tout à fait d'accord avec le constat que vous faisiez sur la nécessité d'avoir des outils de communication interne permettant cette remotivation. Ce travail ne se fait pas en jour. Il faut donc remobiliser et remotiver tant les agents qui ont pu s'engager dans cette réforme et qui ont pu s'estimer désavoués que ceux qui étaient, par construction ou par expérience, hostiles à cette réforme. Les uns et les autres sont aujourd'hui dans une situation d'attentisme.

Cette remobilisation et cette remotivation passent par la communication interne, laquelle doit s'exercer à travers la voie hiérarchique en direction des services déconcentrés, à travers les directions générales mais aussi au niveau du secrétaire général, à travers un certain nombre d'outils dont nous disposons. Ce sont des outils un peu classiques et il faut sans doute les améliorer, les perfectionner voire les réorienter dans un certain nombre de cas. C'est un travail de communication interne et il existe une direction de la communication sur laquelle je m'appuie et dont c'est aussi la mission.

Le Président Jean-Pierre Delalande : Monsieur le secrétaire général, nous vous remercions de vos réponses complètes et précises.

*

* *

9.- Audition de M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

(Extrait du procès-verbal de la séance du jeudi 6 juillet 2000)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Président

Le Président Augustin Bonrepaux : Mes chers collègues, conformément à notre ordre du jour, nous allons maintenant auditionner M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, que je remercie d'avoir bien voulu répondre à notre invitation. Je ne lui rappellerai pas les règles de fonctionnement de notre mission puisqu'il a largement contribué à la mettre en place.

Si nous sommes réunis pour parler du recouvrement de l'impôt, c'est également à son initiative et dans le souci de réduire les coûts, d'assurer le contrôle des dépenses et de faire en sorte qu'elles soient effectuées dans les meilleures conditions.

Monsieur le ministre, pour respecter la tradition de notre mission, je vais donner la parole au Rapporteur général qui vous posera quelques questions que je souhaite courtes et précises. Je vous demanderai d'y répondre avec concision de manière à ce que les membres de la mission puissent, à leur tour, intervenir.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Monsieur le ministre, je voudrais vous redire tout le plaisir que nous avons à vous recevoir pour la première fois dans vos nouvelles fonctions et souligner, puisque votre présence doit y être pour quelque chose, combien la presse s'intéresse aux travaux de notre mission, si j'en juge par le nombre de journalistes qui nous ont rejoints ce matin.

Le 28 avril dernier, le Comité technique paritaire ministériel consacré à la réforme-modernisation du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a dégagé cinq orientations : simplification, transparence, adaptation-formation aux nouvelles technologies, dialogue, expérimentation.

Pourriez-vous nous préciser quelles sont les applications pratiques de chacune de ces orientations d'ores et déjà mises en place et nous indiquer, de façon plus générale, comment il serait, selon vous, possible de remédier aux traumatismes constatés en début d'année, tout en avançant sur la voie de la réforme à laquelle notre mission est particulièrement attachée ?

M. Laurent Fabius : Merci infiniment de m'avoir convié devant votre Mission d'évaluation et de contrôle.

C'est pour moi un plaisir particulier de retrouver d'anciens collègues dans ce cadre puisque, à vos côtés, chers anciens collègues, j'avais souhaité la constitution de cette mission.

Ce souhait a été exaucé et je voudrais vous saluer toutes et tous, en particulier le Président Augustin Bonrepaux, le Président Henri Emmanuelli, le Président Jean-Pierre Delalande, le Rapporteur général, M. Didier Migaud et le Premier Président Pierre Joxe, puisque la Cour des comptes joue, dans ce domaine, comme dans les autres, un rôle extrêmement utile.

Je répondrai volontiers à votre première question, mais je souhaiterais auparavant, pour vous mais aussi, profitant de la présence de la presse, pour un auditoire plus large, dire quelques mots sur le système français de recouvrement.

Le système français de recouvrement présente en fait deux grandes caractéristiques : d'une part, la majorité des impôts repose, en France, sur un système déclaratif - les contribuables doivent, dans notre pays, ce qui n'est pas le cas partout, déclarer à l'administration fiscale les éléments qui constitueront la base de l'imposition - d'autre part, la gestion de l'impôt obéit, comme c'est également le cas en matière de dépenses, au principe de séparation de l'ordonnateur et du comptable. Les impôts sont, pour partie, fondés sur l'émission de rôles qui précisent notamment le nom du redevable, la base d'imposition, le montant de l'impôt. Le recouvrement de l'impôt lui-même est assuré par les réseaux du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, essentiellement le réseau du trésor public et le réseau de la direction générale des impôts.

Ce sont là les deux grandes caractéristiques de notre système.

Cette organisation qui existe depuis très longtemps présente un certain nombre d'atouts, mais aussi - et je pense que vous êtes là pour en voir les lumières et les ombres - un certain nombre de faiblesses.

Au nombre des atouts, je citerai une assez grande efficacité quantitative, puisque, pour prendre les derniers chiffres dont je dispose, le taux de recouvrement des recettes de l'Etat a, en 1999, peut-être atteint son plus haut niveau historique ou du moins un niveau très élevé.

Pour prendre un exemple, je veux souligner que le taux brut de recouvrement des impôts sur rôles, qui mesure la proportion des encaissements par rapport aux impositions émises, a atteint 95,97% en 1999, quasiment 96%, soit un taux supérieur à celui enregistré en 1998. C'est la meilleure performance, si tant est que l'on puisse employer ce mot, enregistrée depuis un peu plus de vingt-cinq ans dans ce domaine. L'efficacité peut donc être constatée sur le plan de la quantité, qui est évidemment importante pour la gestion de la dépense publique.

On peut également relever une efficacité qualitative du système.

En effet, comme nous le voyons tous dans nos circonscriptions, les services de ce que l'on appelle le MEFI, dont j'aimerais que nous prenions l'habitude de le désigner autrement, car le sigle paraît inadéquat pour un ministère qui se veut ouvert, l'appeler le MEFI, ce n'est quand même pas le sigle que l'on doit choisir...

Le Président Henri Emmanuelli : Surtout dans le sud-ouest où le terme signifie « fais attention! »...

M. Laurent Fabius : L'une des mes contributions à cette audition sera donc de vous suggérer d'appeler ce ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, le MINEFI.

Au-delà de cette remarque facétieuse, je pense que les services du ministère se sont bien adaptés lorsqu'il s'est agi soit de répondre dans l'urgence, par exemple aux situations d'intempéries ou à certaines situations de détresse sociale, soit de mettre en _uvre un certain nombre de changements législatifs et réglementaires - et chacun sait qu'ils ne manquent pas.

Je citerai notamment le choix qui est offert depuis janvier 1999 - il est compliqué à mettre en _uvre techniquement même si peu de contribuables y ont recours aujourd'hui - de payer ses impôts en francs ou en euros.

Du point de vue de l'efficacité, ce système présente donc des atouts et permet aussi de développer un certain nombre de contrôles. Or, il est important de souligner pour vos réflexions générales que la qualité d'un système de recouvrement se mesure notamment aux capacités qu'il offre d'exercer des contrôles internes et d'assurer une lutte efficace contre la fraude.

En outre - et c'est un point auquel les élus locaux que vous êtes seront sensibles - son organisation permet d'assurer une présence assez dense de points d'encaissement et d'accueil du public, sur l'ensemble du territoire : cette bonne implantation est importante pour les usagers, puisque le réseau du trésor public ne possède pas moins de 4.000 postes comptables, dont la majorité exercent des activités de recouvrement de l'impôt.

La première observation que je me suis permis de faire est donc que notre organisation spécifique présente des atouts.

En même temps, ces atouts ne doivent pas dissimuler un certain nombre de faiblesses sur lesquelles vous vous penchez certainement. Je retiendrai au moins trois faiblesses.

Je citerai d'abord une complexité excessive pour le redevable, point sur lequel vient encore d'insister le conseil des impôts. Nous savons qu'un redevable peut avoir plusieurs interlocuteurs en fonction de la nature de ses préoccupations, en fonction du lieu d'imposition et je voudrais souligner que cette complexité constitue, non seulement une gêne, une perte de temps, un obstacle pour les redevables, mais aussi - on le relève moins souvent mais vous y serez sensibles - cela ajoute de l'injustice au système.

En effet, lorsque le système est compliqué, les seules personnes à pouvoir s'y retrouver sont celles qui disposent soit d'un bagage culturel, soit de moyens financiers suffisants.

La simplification est donc une tâche nécessaire non pas, comme on le dit, simplement pour des raisons générales mais aussi pour des raisons sociales. Par ailleurs, il va de soi qu'au moment où l'on développe Internet, par exemple, nos concitoyens ont, à juste titre, beaucoup de mal à comprendre que la prise en compte d'un changement d'adresse puisse demander des mois, ou qu'il soit impossible de consulter son compte fiscal comme son compte bancaire.

La simplification est donc un point important parce que si elle permet, d'une façon générale, de faciliter la vie de l'usager, c'est aussi toute l'image de l'Etat et du service public, positive ou négative, qui en dépend, et c'est pourquoi j'insiste sur cette complexité qui est liée au système.

Je mettrai ensuite l'accent sur le fait que tout cela est difficile à gérer pour les services. Je dis fréquemment que la difficulté pour l'usager en est une pour les services et réciproquement, dans la mesure où la difficulté pour l'usager se répercute sur les conditions de travail du fonctionnaire.

Sans insister davantage sur le sujet, j'ajoute qu'il est évident que l'hétérogénéité des systèmes informatiques et les difficultés de toutes sortes rendent la tâche éminemment complexe.

Enfin, je ferai état du coût du recouvrement, qui est souvent jugé trop élevé et sur lequel vous devez disposer d'un certain nombre d'éléments d'information pour l'avoir évoqué avec les fonctionnaires que vous avez reçus.

A partir de là, j'estime que des progrès doivent être réalisés. Ils commencent à l'être : je les détaillerai dans un instant en réponse à votre question.

Vous connaissez les conditions dans lesquelles j'ai été amené à succéder à M. Christian Sautter, le mouvement qui s'était engagé, la réforme qui a fini par avorter. Pour autant, une réforme est nécessaire et, après avoir discuté avec les organisations syndicales, c'est dans cette ligne de la réforme que j'ai voulu, avec à mes côtés les secrétaires d'Etat, Mme Florence Parly, Mme Marylise Lebranchu, M. Christian Pierret et M. François Huwart, immédiatement m'inscrire.

Quelques jours après ma nomination, le 28 avril 2000, à l'occasion d'un Comité technique paritaire ministériel - CTPM - j'ai défini, après consultation des syndicats, les lignes de ce que j'ai appelé la « réforme-modernisation » du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

D'ailleurs, le 4 mai, j'ai adressé au Parlement un courrier qui présentait, comme c'est normal, mes projets et j'y ai joint ce que j'ai baptisé « le premier tableau de marche de la réforme-modernisation ».

En matière de recouvrement, monsieur le Rapporteur général, deux axes ont été retenus : d'une part, la création d'un interlocuteur fiscal unique pour répondre à une demande qui me paraît très fondée et, d'autre part, l'instauration de nouveaux services aux contribuables.

Chacun de ces deux axes comporte des dispositions dont les unes, d'entrée de jeu, sont applicables et dont les autres ne le deviendront qu'après expérimentation et évaluation, car j'ai observé, soit en qualité de député, soit au cours de fonctions ministérielles précédentes, qu'en de nombreux cas, il était nécessaire d'expérimenter avant de décider une application en vraie grandeur. C'est d'ailleurs un point sur lequel la MEC a pour habitude d'insister.

Je reviendrai à cette question si d'autres interrogations se font jour, mais j'attire votre attention sur le fait qu'il ne faut pas comprendre que l'expérimentation n'est pas dans la réforme, puisque au contraire, elle en est souvent le premier pas.

Pour autant, nous savons tous qu'en matière financière, fiscale ou économique, un certain nombre de réformes ont, dans le passé, été décidées dans l'« à peu près ». Nous-mêmes, législateurs, ne sommes pas étrangers à cette situation.

En conséquence, il vaut mieux prendre un peu de temps pour expérimenter et évaluer la portée d'une mesure avant de décider de la généraliser, plutôt que de procéder à une réforme mal bâtie, dont on s'aperçoit après quelques années qu'elle est négative.

Parallèlement la réforme comprend d'autres dispositions d'application immédiate, sans qu'il soit besoin de passer par l'expérimentation et c'est donc dans ces deux directions que nous avons commencé à travailler.

Dans ma réponse à votre question, monsieur le Rapporteur général, et puisque vous avez énuméré un certain nombre de nouvelles orientations - simplification, transparence, nouvelles technologies, dialogue, expérimentation - dont vous m'avez demandé quelles étaient les applications pratiques déjà mises en place ou en passe de l'être, je vais être très précis : deux mois après le CTPM du 28 avril, plusieurs mesures sont d'ores et déjà mises en application.

Premièrement, j'ai nommé le secrétaire général du ministère - peut-être y reviendrai-je tout à l'heure, puisque c'est un élément auquel j'avais réfléchi au moment où j'avais davantage le temps de le faire - en la personne d'un très haut fonctionnaire qui, placé à mes côtés et aux côtés des secrétaires d'Etat, a notamment pour charge de mettre en route, de contrôler et d'appliquer cette réforme-modernisation.

Deuxièmement, pour ce qui concerne l'interlocuteur fiscal unique, il est prévu un accueil commun des contribuables dans les hôtels des finances : l'expérimentation débutera en septembre et va se poursuivre jusqu'à l'été 2001, après quoi, si les choses se passent comme nous l'imaginons, elle sera généralisée.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Elle concerne plusieurs départements ?

M. Laurent Fabius : Oui, elle concerne toute une série de sites. Comme j'ai écrit aux parlementaires et aux maires, un certain nombre d'entre vous m'ont d'ailleurs fait des propositions et dix sites seront concernés.

Par ailleurs, il est procédé à la création d'un réseau intranet entre les centres des impôts et les trésoreries. Ce projet est plus vaste, puisqu'il intéressera une centaine de sites répartis sur dix départements et cette réforme, dans sa phase évaluative, commencera en novembre 2000.

Troisièmement, le rapprochement des centres des impôts et des recettes des impôts permettra la création d'un interlocuteur unique de la DGI pour les entreprises. Il commencera en septembre de cette année.

Pourquoi suis-je amené à préciser les mois ? Parce que j'ai demandé à M. Bernard Pêcheur, secrétaire général, qu'il y ait, en prévision de la mise en place des expérimentations, consultation des comités techniques et des syndicats, ce qui peut demander deux mois, voire deux mois et demi, mais tout sera fait dès la rentrée.

Quatrièmement, toujours dans cette direction de la création d'un interlocuteur fiscal unique, nous envisageons celle d'un compte fiscal unique du contribuable dans l'idée, que j'ai résumée précédemment, d'offrir à tout contribuable - à lui, et bien sûr seulement à lui - la possibilité de connaître, comme il le fait avec un compte bancaire, sa situation par rapport à ses différents impôts.

Par ailleurs, la décision a été arrêtée de refondre totalement les informatiques fiscales de la DGI et de la direction générale de la comptabilité publique. C'est là une initiative plus complexe, mais, dès la fin de cette année, nous aurons un plan opérationnel sur cinq ans.

C'est très important. Pourquoi ? Parce que, alors que c'est un domaine que je connais bien, l'une de mes surprises en prenant mes nouvelles fonctions a été de constater qu'il existait un cloisonnement absolu de l'informatique : non seulement les systèmes informatiques des différentes directions ne sont pas compatibles entre eux mais ils sont faits pour ne pas l'être.

M. Philippe Auberger : C'est ancien !

M. Laurent Fabius : ...et qui plus est, c'est ancien ajoute M. Philippe Auberger qui parle d'expérience ! C'est un exemple démonstratif de cloisonnement.

De même, je le savais mais je l'avais oublié, comme plusieurs d'entre vous j'imagine, pour passer d'une direction de mon ministère à une autre, il faut obtenir son détachement administratif, ce qui revient à dire que la procédure est la même que si le fonctionnaire voulait aller au ministère des affaires étrangères ou à celui de la défense.

Je comprends bien que les différents métiers aient leurs spécificités mais, d'abord, il s'agit toujours de l'Etat et, en son sein, d'une même administration. En même temps, les personnels souffrent de cette situation qui limite leurs possibilités de carrière.

C'est ce qui explique la nécessité, si on ne veut pas accroître le cloisonnement, de refondre ces informatiques.

Toujours sous la rubrique de cet interlocuteur unique, je signale également la création d'une direction des grandes entreprises, qui sera, quant à elle, effectivement mise en place le premier janvier 2002, compte tenu de la nécessité de travaux préparatoires. Cette innovation va permettre à 17.000 entreprises de disposer définitivement d'un interlocuteur fiscal unique.

J'en arrive à l'autre rubrique consacrée aux nouveaux services aux contribuables, qui intéressent évidemment très directement bon nombre de nos concitoyens.

Premièrement, dans ce cadre et si les choses se passent bien du point de vue technique, une déclaration préremplie devrait être adressée dès 2001 aux contribuables. Ces derniers, quand ils sont salariés et n'ont pas de comptes boursiers ou autres, après avoir reçu cette déclaration préremplie, n'auront plus, au lieu de devoir renseigner à la main toute une série d'éléments dont dispose déjà l'administration, qu'à en vérifier l'exactitude et à renvoyer un petit papillon. Ce formulaire représentera une réelle simplification pour les nombreuses personnes, jeunes et moins jeunes, qui vivent comme une charge le fait de devoir remplir une déclaration.

Ce dispositif devrait profiter à cinq millions de foyers imposables, ce qui n'est tout de même pas négligeable. J'ai demandé, en vertu du principe énoncé précédemment, qu'il soit procédé à toute une série de tests et de simulations pour être sûr que cela fonctionnera comme il faut. Les résultats de ces expériences doivent m'être rendus au mois d'août et si, comme je l'espère, ils s'avèrent positifs cette déclaration préremplie entrera en vigueur dès l'an prochain.

Deuxièmement, un centre permanent de renseignements téléphoniques aux particuliers comme aux entreprises sera mis en fonction par la DGI dans une région, à compter de décembre 2000.

Nous pensons en effet que pour des questions d'ordre général et non pas d'ordre personnel, il doit être possible, sans se déplacer, d'obtenir certains conseils par téléphone. Dans une administration moderne, le service public doit se mettre en situation de répondre à une telle attente.

L'application pratique n'est pas simple à organiser, car il faut savoir quelles sont les questions qui sont le plus souvent posées et former les agents pour y répondre. Il est évident que les horaires des agents ne seront, par définition, pas ceux qui sont habituels dans la fonction publique.

C'est donc un dossier sensible du point de vue administratif et du point de vue social et, comme nous ne voulons pas le compromettre, nous allons tester le dispositif dans une région à compter du mois de décembre 2000, étant précisé que le centre concerné aura vocation à recevoir des appels de diverses provenances.

Troisièmement, à partir d'octobre 2000, nous allons adopter, dans cinq départements, au sein de la comptabilité publique, une nouvelle organisation des pôles de recouvrement contentieux - là aussi sous forme expérimentale - car nous estimons qu'il y a lieu, pour être véritablement efficace, de regrouper un certain nombre d'organisations. Le recouvrement contentieux est une activité bien spécifique et donc, en installant des pôles spécialisés, on devrait pouvoir en améliorer l'efficacité. Cette mesure a été proposée aux organisations syndicales et va donc être mise en route.

Quatrièmement, il existe déjà à Créteil - mais les choses sont en train de monter en régime - un centre d'encaissement dont le fonctionnement permettra de centraliser et d'automatiser le traitement des chèques expédiés par les contribuables en règlement de leur dette fiscale. En effet, actuellement la diversité des procédures est assez complexe à suivre, y compris pour les spécialistes que vous êtes, et sous cet aspect du traitement des chèques, il doit être possible de faire mieux et plus vite, ce qui est intéressant aussi pour la gestion de la trésorerie publique.

Comme vous le voyez, il s'agit là de mesures extrêmement nombreuses, extrêmement concrètes, extrêmement précises, dont les unes sont mises en place dès maintenant alors que les autres le seront après expérimentation.

Je terminerai ma réponse - je ne serai pas, heureusement, aussi long pour les autres, monsieur le Rapporteur général - en souhaitant vous rendre sensibles à un point que je vais maintenant développer.

J'entends parfois dire qu'il y avait une réforme dont on ignore ce qu'elle est advenue. Il y avait, certes, un projet de réforme mais, pour des raisons sur lesquelles je pourrai revenir, elle a avorté. J'allais donc dire « n'en parlons plus puisqu'elle est derrière nous, mais réfléchissons-y », car il y a toujours des leçons à tirer.

En revanche, je crois, comme vous, qu'une réforme était indispensable. Il y a un moment où il fallait l'engager : juste après la nomination d'un nouveau ministre parce que les personnels, même si cela peut, d'une certaine façon apparaître contradictoire, à la fois souhaitent la réforme et, comme chaque être humain, la redoutent. Ils sont à la fois progressistes et conservateurs et souhaitent la réforme en général tout en se demandant ce qu'elle signifie pour eux. C'est une attitude qui vaut aussi pour les élus qui sont favorables à la réforme, mais qui se demandent quelles en seront les conséquences pour leur perception.

Une réforme est indispensable car, sans elle, c'est, à terme, le service public qui est mis en cause.

Pour autant, elle ne doit pas se faire sur les même bases que la précédente qui n'a pas abouti, mais reposer sur une étroite concertation. Il faut privilégier le pratique, le pragmatique, l'expérimentation, sans que cette dernière serve à ne pas faire la réforme.

En conséquence, c'est le sens de toutes les mesures qui ont été prises. Pour l'instant, les résultats ne sont pas spectaculaires et n'ont d'ailleurs pas à l'être mais, comme vous pouvez le vérifier à travers ces premières indications, il y a un travail très profond qui est engagé et qui me fait penser que, d'ici quelque temps, on devrait constater que la réforme de l'Etat est en route, tout au moins au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Je crois qu'il était important que vous puissiez nous apporter toutes ces précisions même si, effectivement, cela vous a contraint à apporter une réponse assez longue.

Le Président Augustin Bonrepaux : Longue, mais précise.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Bien sûr. Je voudrais justement que nous puissions revenir sur quelques points.

Tout d'abord, puisqu'un comité technique paritaire doit se réunir le 7 juillet, j'aimerais savoir comment il se situe par rapport aux processus que vous venez d'annoncer. Y aura-t-il des orientations précises arrêtées à cette occasion ?

Ensuite, vous avez évoqué le problème de l'informatique. En la matière, beaucoup d'observations ont été faites dans les rapports de MM. Jean-Luc Lépine, Thierry Bert et Paul Champsaur et nous avons pu, à travers toutes les auditions auxquelles nous avons procédé, mesurer combien l'informatique était défaillante, ce qui est particulièrement ressenti par les agents de base, ainsi que nous l'ont signalé les responsables d'un département que nous avons entendus.

MM. François Villeroy de Galhau et Jean Bassères nous ont précisé qu'une équipe commune - DGI/DGCP - était en train de réaliser un état de l'existant et un avant-projet détaillé nouveau d'un système informatique, mais nous avons obtenu peu de précisions sur l'échéancier et le calendrier. Nous avions évoqué l'année 2003, mais recueilli le silence autour de cette date. J'aimerais donc savoir quel est l'échéancier prévu, le coût du programme informatique qui doit être mis en place et quelles vont être les conséquences sur la modernisation de la gestion du recouvrement de l'impôt ?

M. Laurent Fabius : Pour ce qui concerne le comité technique paritaire ministériel du 7 juillet, c'est-à-dire de demain, plusieurs sujets sont inscrits à l'ordre du jour et notamment celui qui, je pense, vous intéresse, je veux parler de l'état d'avancement de la réforme-modernisation.

Par conséquent, le secrétaire général, M. Bernard Pêcheur, qui présidera ce CTPM, fera le point avec les organisations syndicales sur chacun des éléments que j'ai indiqués ou tout au moins les principaux d'entre eux. Il sera aidé en cela par le fait que nous avons eu des comités techniques paritaires de la direction générale des impôts le 4 juillet et de la direction générale de la comptabilité publique également tout récemment.

Ces réunions permettent de faire le point sur la réforme-modernisation, comme j'en ai exprimé le souhait au secrétaire général, avec les organisations, de manière formelle ou informelle. Donc, pour répondre très précisément à votre question je confirme que cette affaire est inscrite à l'ordre du jour du CTPM de demain.

Sur l'informatique, il est vrai que pour mener à bien toutes les tâches que j'ai énumérées et d'autres encore, compte tenu de la nature des responsabilités du ministère de l'économie des finances et de l'industrie, l'informatique joue un rôle clé. Elle joue un rôle clé dans l'accomplissement des tâches, elle joue un rôle clé vis-à-vis des citoyens dont il faut faire bien attention de protéger les droits - et c'est là où intervient, par exemple la CNIL, la Commission nationale de l'informatique et des libertés - et elle joue un rôle clé vis-à-vis des personnels, car certains développements de ces technologies nouvelles restent à assurer.

Concrètement, il a été procédé, avant mon arrivée, à une étude d'ensemble pour le compte d'une mission, la mission 2003 - ce nom qui explique peut-être votre référence à cette date - sur l'informatique. D'après ce que j'ai pu lire, l'évaluation de la durée de l'ensemble du chantier y était fixée à huit années.

Il n'est évidemment pas question d'attendre huit ans avant de mettre en application la modernisation du système. J'ai donc demandé - et cela va dans le sens de votre interrogation - que l'on ouvre graduellement et parallèlement à la réalisation de ce système idéal un certain nombre de services intermédiaires qui vont dans le sens de ses applications. Nous n'allons pas attendre cinq ou huit ans que tout soit fait pour constater des avancées.

Par conséquent, l'une des modalités consiste à utiliser un procédé technique désigné sous le terme d'« encapsulage » qui permet, quelles que soient l'architecture et la technologie d'ensemble, de bénéficier d'un certain nombre d'applications différentes pour que les usagers et les personnels puissent profiter de la mise en route de l'informatique avant l'achèvement du système.

Puisque vous m'avez demandé d'être précis sur les dates, je peux, par exemple, vous annoncer, pour jalonner la trajectoire du projet, qu'on doit mettre en oeuvre l'intranet, qui permettra aux agents de la direction des impôts d'accéder à des bases de données concernant les contribuables, à la fin de l'an 2000. Il s'y ajoute un dispositif de télépaiement dématérialisé des impôts recouvrés par la direction générale de la comptabilité publique, fin 2000 également ; une base intranet des télédéclarations professionnelles, première étape du compte fiscal unique des entreprises, qui sera consultable par les agents au début de l'année 2001 et ouverte par la suite aux contribuables concernés.

La télédéclaration et le télépaiement de la TVA interviendront au printemps 2001, étant précisé que toutes ces innovations jalonnent les évolutions informatiques. Le transfert de l'application de la gestion de la fiscalité des particuliers sous une ergonomie de micro-informatique, attendue par les agents, interviendra vers la moitié de l'année 2001 et il est prévu de mettre en place une base de consultation d'un certain nombre de données relatives au compte fiscal unique des particuliers, ouverte aux agents et aux contribuables, d'ici à 2002, soit dans un peu moins de deux ans.

Naturellement, et je veux vous y rendre attentifs, nombre de ces applications nécessitent de recueillir au préalable l'avis de la CNIL, car il convient de préserver la confidentialité et le respect de la liberté des intéressés.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Qui est chargé de l'élaboration de ce programme ? Avez-vous recours aux services intérieurs du ministère ou à des cabinets spécialisés en informatique ?

M. Laurent Fabius : Il y a déjà quelque temps, une étude avait été confiée à la société bien connue Cap Gemini, qui avait évalué le coût d'ensemble à une somme considérable, environ sept milliards de francs. Il faut prendre cette indication comme une base, le montant pouvant être supérieur ou inférieur, mais c'est l'ordre de grandeur qu'il faut envisager, ce qui représente beaucoup d'argent...

Le Président Henri Emmanuelli : Cela correspond-il seulement à l'étude ou à l'ensemble de la réforme ?

M. Laurent Fabius : A l'ensemble de la réforme... (Sourires).

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Ce coût porte-t-il sur les huit années auxquelles vous avez fait référence précédemment ?

M. Laurent Fabius : Exactement !

Des travaux sont en cours pour affiner l'ensemble du projet : nous devrions avoir les résultats au mois de décembre.

Je pense, en « rebondissant » sur la remarque du Président Henri Emmanuelli, que c'est effectivement une très grosse somme, mais qu'elle est à considérer - tout au moins c'est l'esprit dans lequel il nous faut travailler - non pas comme une dépense supplémentaire, mais comme un investissement en vue de services modernes, efficaces et utiles aux usagers.

Afin de mettre le système en place, un groupe commun à la direction générale des impôts et à la direction générale de la comptabilité publique a été constitué. Il comprend environ 70 personnes qui, comme il s'agit d'un sujet très complexe, peuvent faire appel à des experts, compte tenu du fait que nous ne pouvons pas en recruter de manière définitive.

Un tel projet ne peut réussir s'il est conçu totalement à l'extérieur de l'administration - il faut qu'il soit pris en compte par l'administration - mais l'administration elle-même n'a pas dans ses compétences tous les techniciens nécessaires pour la mener à bien, d'où cette interface entre ce groupe de 70 personnes et les experts extérieurs. Je pense, qu'à la rentrée, j'aurai l'occasion d'installer cette équipe de manière plus officielle.

C'est évidemment une grande ambition. Vous m'avez interrogé sur le ministère des finances, mais nous sommes tous, aussi bien moi en ma qualité de ministre des finances, que vous en tant que parlementaires, attentifs aux différents aspects de la modernisation de l'Etat. Je pense, si je peux me permettre cette remarque ponctuelle, que des réorganisations ou des réflexions de ce type devraient être menées dans la plupart des administrations et j'ajoute que la nomination d'un secrétaire général serait nécessaire dans plusieurs administrations de grande taille.

En effet, je le dis comme je le pense, à la tête d'une grande administration, le ministre n'a pas le temps matériel nécessaire pour s'occuper de tout ce qui concerne la réforme interne de son ministère et des personnels. Par conséquent, soit cette tâche n'est pas menée, soit il faut la confier à quelqu'un d'autre, surtout dans un ministère qui demande à être décloisonné.

De même que j'ai pensé qu'il fallait créer un secrétaire général au ministère des finances, de même j'estime qu'un très grand ministère, comme celui de l'éducation nationale, pourrait fort bien en bénéficier. Cela a d'ailleurs été le cas dans le passé et a même donné lieu à une anecdote que vous connaissez, qui remonte au temps du Président Edgar Faure, quand celui-ci a annoncé, de sa voix inimitable, qu'il se séparait de son secrétaire général, M. Laurent, dans ces termes : « M. Laurent était irremplaçable : il ne sera donc pas remplacé ».

Au-delà de l'anecdote, je crois qu'il faut qu'il y ait une capacité permanente à suivre la modernisation des ministères, car quand on connaît la pratique des choses, comme c'est votre cas, on sait bien que le ministre n'a pas le temps de le faire, au jour le jour.

M. Didier Migaud, Rapporteur général : Comment concevez-vous, monsieur le ministre, le rôle du secrétaire général, que nous avons d'ailleurs reçu il y a quelques jours ? Nous avions effectivement évoqué cette fonction et suggéré sa création dans le cadre du groupe de travail que vous présidiez.

Nous avons reçu et interrogé le secrétaire général, ainsi que quelques directeurs généraux de votre ministère, qui nous ont dit que les principes de subsidiarité et de cohérence devaient s'appliquer.

Ne peut-il pas y avoir contradiction entre les deux principes et comment se situe le secrétaire général par rapport aux directeurs généraux ?

Vous avez évoqué précédemment le cloisonnement excessif, la nécessité d'obtenir un détachement pour passer d'une direction à une autre : on voit combien ce cloisonnement est pesant. Quels vont être les pouvoirs réels du secrétaire général pour faire en sorte qu'il y ait une vraie coordination et une vraie direction sous l'autorité du ministre ?

M. Jean-Pierre Delalande : Après avoir, comme vous, beaucoup réfléchi sur ce point, je m'interroge sur cette fonction de secrétaire général.

Nous l'avons auditionné, comme l'a indiqué le Rapporteur général, et il nous a expliqué qu'il était en réalité un coordinateur. Cela étant, pour qu'une réforme passe, il faut qu'il y ait une adhésion de l'ensemble des personnels, ce qui suppose qu'il y ait un discours mobilisateur qui ne peut être qu'un discours politique. Or, comme le secrétaire général n'est pas lui-même un politique, il s'interdit tout discours, laissant cette tâche au ministre, ce qui est tout à son honneur. Il est contraint, pour obtenir l'adhésion aux réformes qu'il entend mettre en _uvre, de passer par la communication de chacun des directeurs, au-delà de la vôtre.

Il suffit donc qu'il y en ait qui n'auraient pas la même aisance que les autres pour que puissent surgir des problèmes.

Je m'interrogeais donc - et c'est une idée que je vous soumets - sur l'opportunité de mettre en place pour les grands ministères, non pas un secrétaire général, mais un ministre délégué qui serait un politique.

Le ministre, en effet, n'a pas le temps, que ce soit celui de l'économie et des finances, des affaires sociales ou de l'éducation nationale, de contrôler l'ensemble : nous en sommes bien d'accord.

Dans ces conditions, ne pensez-vous pas que la voix d'un ministre délégué qui négocierait en permanence, évidemment sur instructions communes du Premier ministre et de chacun des ministres concernés, avec des dates, des marges de négociation qui lui permettent d'avancer, ne serait pas plus opérant qu'un secrétaire général ?

La création d'un secrétaire général est un premier pas vers une amélioration, mais nous en avons déjà vu les limites et vous avez vous-même rappelé certaines expériences passées.

Le Président Henri Emmanuelli : Ma préoccupation, monsieur le ministre, est de nature assez différente de celle de M. Jean-Pierre Delalande, puisqu'elle est la suivante : certes, la cinquième République a beaucoup amélioré la stabilité gouvernementale, mais ne faudrait-il pas que ces secrétaires généraux aient des fonctions limitées dans le temps, pour éviter que l'on ne débouche sur des situations où les ministres passeraient alors que les secrétaires généraux resteraient ?

M. Laurent Fabius : Vous posez, même si c'est très brièvement, les questions absolument fondamentales, que l'on pose malheureusement trop rarement, sur la réforme de l'Etat et je me retrouve tout à fait dans ce qu'elles recouvrent.

Effectivement, la solution à laquelle songe M. Jean-Pierre Delalande peut se concevoir et existe d'ailleurs dans certains pays.

M. Jean-Pierre Delalande : Absolument !

M. Laurent Fabius : Elle n'existe peut-être pas sous la forme de ministres délégués, mais avec ce que l'on appelle des « junior ministres ».

M. Jean-Pierre Delalande : Les vice-ministres.

M. Laurent Fabius : Dans les pays où se pratique cette formule, le jeune ministre conserve son poste de parlementaire, il fait ses classes de ministre comme secrétaire d'Etat, il est dépositaire de la parole politique tout en étant chargé d'une tâche précise et, par la suite, si ça marche, il peut prétendre occuper un poste plus important.

C'est tout à fait concevable, étant précisé néanmoins qu'en France, d'une part on ne peut pas être à la fois député et membre du Gouvernement, et d'autre part, on a pris l'habitude d'avoir des gouvernements assez resserrés, ce qui peut s'analyser comme une bonne ou une mauvaise idée, mais est incompatible avec cette formule.

En outre, je ne peux pas ne pas souligner le fait que l'expérience des ministres délégués ou des secrétaires d'Etat pose juridiquement et pratiquement un certain nombre de problèmes, que je me rappelle avoir évoqués en matière de santé avec M. Jacques Barrot, parce qu'il faut que les responsabilités des uns et des autres soient clairement définies.

En d'autres termes, il faut savoir de quoi s'occupe chacun.

Dans l'esprit de M. Jean-Pierre Delalande, il s'agirait là d'un secrétaire d'Etat qui n'assurerait que le suivi, la gestion, l'animation du ministère : c'est concevable, mais il s'agit alors d'ancrer dans l'opinion l'idée que la conception d'un gouvernement très resserré présente des avantages, mais aussi des inconvénients, et qu'il convient donc de procéder un peu autrement.

Je ne suis pas du tout hostile à une telle formule. Elle serait, en particulier dans un ministère comme celui des finances, qui traite de nombreux domaines et qui est très horizontal, utile pour les personnels comme pour les usagers et très formatrice pour la personne qui serait titulaire de cette charge.

En l'occurrence, le choix arrêté est différent, puisque nous avons un Gouvernement assez resserré, et qu'il ne s'agit pas d'un politique mais d'un secrétaire général.

C'est alors que prend toute sa valeur l'observation du Président Henri Emmanuelli. Il est vrai qu'il faut éviter que les fonctionnaires, par leur longévité, finissent par gouverner à la place des ministres qui, eux, ont vocation - à l'exception sans doute des membres du Gouvernement actuel - (Sourires) à être temporaires. Il y a donc là un risque auquel il convient de prêter attention. Ce sont les ministres qui politiquement donnent les impulsions et ce n'est pas aux fonctionnaires de le faire : d'ailleurs, si on le leur demandait, ils seraient probablement très embarrassés, car ce n'est pas leur travail.

Je crois que ce danger n'est pas des plus présents, mais il a existé dans le passé et notamment au ministère des affaires étrangères où l'on disait : « Voilà, telle est la position du Quai ! ». Les ministres changeaient mais pas la position de l'administration qui avait une politique arabe ou autre...

M. Jean-Jacques Jégou : Le « syndrome du Quai » continue, monsieur le ministre...

Le Président Henri Emmanuelli : C'est toujours le cas, monsieur le ministre !

M. Laurent Fabius : Je ne sais pas, ça vous en parlerez avec M. Hubert Védrine.

Quoi qu'il en soit, je crois qu'il est bon que ces fonctionnaires ne restent pas vingt-cinq ans en poste.

Il faut donc, pour la fonction qui nous intéresse, qu'il y ait une certaine rotation en sachant, si on change ce très haut fonctionnaire tous les six mois, qu'il ne pourra pas jouer son rôle.

Il convient néanmoins de prendre en compte le risque qui a été souligné.

Vous m'interrogez, monsieur le Rapporteur général, sur la façon de concilier la subsidiarité et la coordination.

Je vous répondrai qu'il y a les textes : j'ai proposé en effet que soient adoptés des textes dont vous connaissez naturellement les termes : un décret du 26 mai 2000 a nommé M. Bernard Pêcheur, qui a une grande expérience, puisqu'il a été directeur général de l'administration et de la fonction publique, et qui est un conseiller d'Etat dont tout le monde reconnaît à la fois le sens du dialogue et l'autorité. Ses attributions ont été précisées par un décret du 23 mai 2000, donc antérieur à sa nomination, décret qui prévoit qu'il est notamment chargé d'assurer le suivi ou le pilotage des projets de réforme et de modernisation du ministère.

A ce titre, il préside régulièrement à ma place les comités techniques paritaires ministériels - ce sera le cas de celui de demain - et coordonne les travaux des directeurs : tout le monde sait que c'est lui qui suit les sujets évoqués dans cette instance. En outre, lors de la préparation du budget du ministère - et Dieu sait combien c'est important - avec les secrétaires d'Etat qui sont à mes côtés et, tout en nous réservant le choix ultime qui est notre choix politique, c'est lui qui discute avec les différents directeurs d'administrations centrales de la répartition des moyens du ministère.

Ce sont là quand même des textes qui lui confèrent des pouvoirs importants, mais il est souhaitable, compte tenu même de la personnalité du titulaire, qu'il n'ait pas à se substituer aux directeurs : il y a donc un équilibre à trouver. C'est là où, au-delà des textes, se pose la question de la personne. Vous aurez beau faire les textes les plus magnifiques, si vous avez quelqu'un qui ne correspond pas au profil attendu, des antagonismes apparaîtront immédiatement avec le directeur du trésor, celui des impôts, etc.

Les textes sont là et permettent de bien travailler, mais il reste ensuite à choisir la personne capable de mener tout cela à bien, à la fois grâce à son caractère, à son autorité, à son sens de la modernité. Je pense que M. Bernard Pêcheur en est tout à fait capable et c'est en tout cas dans cet esprit que nous avons travaillé.

M. Jean-Jacques Jégou : Monsieur le ministre, nous avons écouté avec attention ce que vous avez dit jusqu'à présent sur l'état des lieux, les atouts, les faiblesses, les réformes que vous avez lancées dès votre arrivée.

Nous avons, ici, dans cette enceinte, au moins un avantage, celui d'éviter de nous affronter les uns les autres, selon notre couleur politique, sur la question du « plus d'Etat, moins d'Etat » et, si j'ai bien compris le sens des travaux de la mission que vous avez mise en place, nous souhaitons tous « mieux d'Etat » pour apporter à nos concitoyens des services de qualité pour un moindre coût. C'est d'ailleurs ce sujet que nous avons retenu ensemble au début de l'année pour répondre à une constatation : le surcoût, spécifiquement français, des dépenses de recouvrement.

Tout ce que vous venez de nous indiquer s'inscrivant dans le droit fil de « mieux d'Etat », je voudrais signaler que les réformes que vous proposez - et en informatique nous avons déjà bien vu qu'il faudra envisager des dépenses supplémentaires - doivent correspondre à une amélioration du système et se traduire très vite par une diminution du coût de recouvrement et par sa modernisation.

Dans ces conditions, je vous demande donc quel est le calendrier de la réduction du coût du recouvrement.

Par ailleurs, les différents directeurs que nous avons reçus nous ont indiqué, qu'au départ, les personnels appartenaient essentiellement à la catégorie C et qu'on enregistrait une faible évolution à ce niveau, ce que confirment les chiffres que nous a communiqués M. Villeroy de Galhau. Or, les réformes nécessitent qu'il y ait davantage de personnels des catégories A et B et moins d'agents de la catégorie C. Comptez-vous accélérer cette évolution ou vous laisser guider par le calendrier favorable du grand nombre de départs à la retraite, prévus à l'horizon 2005 ? Faudra-t-il attendre cette date pour que les choses évoluent ou pourrez-vous véritablement annoncer une diminution du coût de recouvrement bien avant ?

Enfin, et ce sera ma dernière question, pour les grands européens dont vous faites je crois partie, il n'y a hélas pas d'harmonisation en vue, je ne parlerai pas aujourd'hui d'harmonisation fiscale.

Nous avons parlé des études comparatives - du bench mark - que pouvait faire la DGI : ne conviendrait-il pas de s'inspirer de cette expérience pour améliorer nos résultats, toujours dans le souci du mieux d'Etat ?

M. Jean-Pierre Delalande : Je soulèverai juste un point qui, comme vous allez le voir, est très important et qui se situe dans le prolongement de la question de M. Jean-Jacques Jégou sur le réordonnancement des personnels par catégories : est-ce que vous seriez favorable, pour favoriser cette réorganisation, à la globalisation financière qui vous permettrait de mieux rémunérer un certain nombre de hauts fonctionnaires, d'éviter notamment qu'ils ne soient par trop attirés par le privé, et de faire évoluer les modes de rémunération et les grilles de salaires ?

M. Laurent Fabius : Cela fait beaucoup de questions auxquelles je vais devoir répondre très vite, mais je vous remercie de les avoir posées car elles touchent le c_ur du problème.

En réponse à M. Jean-Jacques Jégou, je constate qu'il a donné une indication qui est absolument centrale et que je tiens à préciser, à savoir l'importance du nombre des départs en retraite à prévoir dans les années qui viennent.

En effet, au ministère des finances, 40% des personnels vont prendre leur retraite d'ici dix ans. Cela suppose de travailler à la fois sur les personnels qui sont là, sur ceux qui resteront mais aussi sur les renouvellements, tout en ayant en tête cette idée dynamique, surtout quand on s'intéresse à la question du coût qui est une question centrale : l'administration des finances, autant et plus qu'une autre, doit avoir le souci du coût général qu'elle représente pour la Nation et de la qualité des services rendus.

Dans cet esprit, j'ai demandé aux directeurs et au secrétaire général - je ne sais pas si cela se faisait auparavant - d'élaborer une gestion prévisionnelle de l'emploi, sans laquelle rien n'est possible. Elle va évidemment dans le sens que vous avez indiqué, c'est-à-dire celui d'une élévation des catégories à la fois pour donner une plus grande qualification aux agents de catégorie C et pour avoir, comme c'est le cas dans le secteur privé ou ailleurs, des personnels de mieux en mieux formés.

C'est là un élément central et, sans pouvoir vous communiquer une évaluation chiffrée, je suis persuadé, sans doute comme vous, qu'à partir du moment où l'on a des technologies utiles - car faire de la technologie pour faire de la technologie ne sert à rien ! - plus performantes, mieux diffusées, mieux maîtrisées par des personnels mieux formés - on augmentera les budgets de formation - cela ne peut pas ne pas avoir d'incidences sur les coûts et sur l'organisation. C'est un processus dialectique.

C'est ce que nous allons voir dans les années qui viennent à partir d'une comparaison - comme elle fait l'objet de nombreuses discussions, je ne veux pas trop entrer dans la controverse - avec d'autres administrations qui, bien sûr, ne rendent pas exactement les mêmes services, n'ont pas les mêmes implantations territoriales, comparaison qui, aujourd'hui, n'est pas favorable à la France.

La question de M. Jean-Pierre Delalande recouvre plusieurs sujets.

La globalisation renvoie à la très vaste question de savoir quels types de personnels seront nécessaires à terme dans le service public, quel niveau devra atteindre leur rémunération, quelle formation devra leur être dispensée. Ces réponses demandent encore à être sophistiquées, si nous nous projetons dans le service public à terme.

Aujourd'hui le débat est schématique et il se résume souvent de façon caricaturale - ce qui, je pense, n'est pas le cas dans cette enceinte - au constat qu'il y a trop ou pas assez de fonctionnaires.

Le problème consiste à définir de quel type de fonctionnaires nous avons besoin. Or, je crains que, par exemple, dans l'enseignement professionnel, nous ne puissions bientôt plus recruter d'enseignants : s'ils sont très compétents, comme nous ne pouvons pas les payer suffisamment, ils se tourneront vers une autre carrière. On ne peut pas à la fois prétendre développer l'enseignement professionnel et ne pas dégager les moyens nécessaires.

Symétriquement ou inversement, dans certains ministères, il conviendra plutôt de diminuer les masses. Il faut donc avoir une vision très diversifiée.

Vous pensez, vous, monsieur Delalande, aux personnes plus qualifiées et je vais peut-être vous heurter en vous disant ce que je constate au ministère des finances, cela sort un peu du sujet mais peut nourrir votre réflexion.

Le Gouvernement - j'ignore si c'est le gouvernement actuel ou le précédent - a pris une décision concernant la déontologie : par exemple, les hauts fonctionnaires ne peuvent pas partir dans les entreprises dont ils ont eu à connaître lorsqu'ils étaient dans la fonction publique.

Sur le plan des principes, je n'ai aucune objection à formuler, mais dans la réalité pratique, je peux vous assurer que cela pose un vrai problème.

Je considère, moi, qu'il faut respecter la déontologie, mais que les gens sont honnêtes ou malhonnêtes : si, malheureusement, vous avez affaire à quelqu'un de malhonnête, vous pourrez lui appliquer toute la déontologie possible et imaginable, il le restera malheureusement ; si vous avez affaire à quelqu'un d'honnête, en cas de conflit d'intérêt, il sait où il doit se situer.

La conséquence de cette situation, c'est que les jeunes qui sont intéressés par le service public, mais qui voudront, à certains moments de leur carrière, aller dans le privé pour gagner plus ou pour d'autres motivations, pensant qu'ils n'auront plus la liberté de le faire une fois entrés dans l'administration, s'en détourneront, et nous nous priverons ainsi de certaines compétences.

J'appelle de mes v_ux un système, dont j'ignore comment le mettre en _uvre, où il y aurait des gens de très bonne qualité dans le public, qui pourraient, à certains moments de leur vie rejoindre le privé et je rêverais de pouvoir, ensuite, récupérer des personnes désireuses de travailler pour l'intérêt général dans le public. Or, aujourd'hui, cela devient de plus en plus compliqué.

L'argent est un facteur important dans la société telle qu'elle est, mais si on peut faire ce brassage, certains accepteront de venir dans le public pour quelques années, même s'ils y sont moins bien payés que dans le privé, car il est évident que nous n'allons pas nous aligner sur des sommes faramineuses. Or, actuellement la situation est un peu bloquée.

Le problème ne se pose peut-être pas encore dans l'immédiat, mais c'est un point sur lequel, à mon avis, il faut réfléchir afin de savoir comment opérer ce brassage, comment faire en sorte que des jeunes de qualité continuent à venir dans le public, aillent, le cas échéant, dans le privé et puissent revenir dans le public. Ce n'est pas la tradition en France mais, tout en comprenant la raison de ces exigences déontologiques, j'estime qu'il faut aborder ces choses de manière peut-être - et c'est le sens de la question à laquelle vous m'avez invité à répondre - plus fine et plus nuancée que par le passé.

Mme Nicole Bricq : Monsieur le ministre, je voudrais revenir sur la réforme et vous poser deux questions.

Votre prédécesseur avait, dans le cadre de la réforme, fixé l'objectif de parvenir à un interlocuteur fiscal unique. Vous reprenez cette réforme en parlant de « compte fiscal unique », ce qui n'est évidemment pas exactement la même chose du point de vue de l'organisation administrative interne du ministère.

Il n'empêche que l'objectif final est de rendre un meilleur service aux usagers : je crois que tout le monde s'accorde sur ce point.

Mes deux questions prolongent donc celle du Rapporteur général et celle que j'avais posée au directeur général des impôts quand il est venu devant la MEC.

De toute façon, il faudra parvenir à rendre l'informatique compatible pour réaliser aussi bien l'interlocuteur unique que le compte fiscal unique. J'avais demandé au directeur général des impôts dans quel délai le contribuable verrait une différence dans le traitement qui lui est réservé. Il m'avait répondu qu'il n'était pas en capacité de répondre sur l'année 2003. Si vous avez, vous, détaillé les mesures mises en _uvre, vous ne vous êtes pas davantage prononcé sur le problème d'où ma première question : est-on en capacité de dire quand le contribuable verra une différence ?

Ma seconde question se rapporte elle aussi à l'usager, au contribuable.

Je pense que l'échec de votre prédécesseur tient notamment au fait que, tout en déclarant que l'on procédait à cette réforme dans l'intérêt de l'usager, on s`est enfermé dans un dialogue qui s'est transformé en confrontation classique entre les organisations syndicales, les directions du ministère et le ministre lui-même alors qu'on aurait pu penser - et on peut continuer à le faire - que, puisque cette réforme est destinée à l'usager donc aux entreprises, aux contribuables particuliers mais aussi aux collectivités locales qui utilisent beaucoup les services du trésor public, elle aurait pu être « capillarisée » par toutes ces entités qui ont des organisations représentatives.

Vous n'avez à aucun moment fait état de cette possibilité dans votre présentation, d'où ma seconde question : comment pensez-vous travailler avec ces usagers qui in fine devront bénéficier de la réforme et comment comptez-vous agir, y compris au plan local ?

Vous nous avez parlé d'expérimentations dont je pense qu'elles peuvent se faire, mais si on veut qu'une réforme aboutisse et si elle est censée, comme je pense que ce doit être le cas, rendre un meilleur service aux usagers, j'estime qu'il faut que ces derniers soient impliqués sous des formes qui restent peut-être à trouver, et dont nous avions d'ailleurs parlé lorsque nous avions auditionné votre prédécesseur au moment du lancement de la réforme.

M. Laurent Fabius : Pour le contribuable, le changement interviendra, par exemple, dans toute une série de sites, dès l'an 2000, sous forme d'un accueil commun qui lui évitera les démarches multiples. Etant donné que nous en sommes encore à la phase expérimentale et qu'il faut honnêtement jouer le jeu de l'expérimentation, qui demande de mettre en _uvre plusieurs formules et d'en tirer les leçons, ce ne sera pas encore le cas partout, mais là où ce sera fait - et plusieurs collègues parlementaires ou maires ont proposé des sites - le contribuable bénéficiera de ces possibilités, de même que les agents disposeront d'intranet dès l'année 2000.

Vous avez très bien défini l'esprit de la réforme ; cela étant il y a une contrainte technique qui tient au fait que l'on ne peut pas modifier un système informatique en six mois. On peut le dire, mais c'est faux : cela prend du temps ! Faudra-t-il compter sept ans, cinq ans ou quatre ans ? Je l'ignore, mais ce que je sais c'est qu'il faut du temps.

En revanche, comme plusieurs d'entre vous l'ont souligné, on ne peut pas attendre aussi longtemps pour obtenir des résultats, ce qui nous oblige à raisonner par étapes. Aussi, j'ai donné pour instruction aux personnes qui suivent l'affaire de très près de faire en sorte que les usagers et les personnels voient les conséquences de cette modernisation au plus vite pour éviter qu'une grande incrédulité ne se développe.

Dans votre seconde question, vous avez parfaitement raison de dire qu'il faut associer au maximum les différentes et nombreuses catégories d'usagers, tant au moment des expérimentations, pour en tirer le bilan, que dans la pratique générale. C'est le cas pour les agents, à travers toute une série de comités et autres ; pour les élus, que j'ai saisis au début de la réforme, de même que sont très étroitement associés ceux d'entre eux qui se sont proposés pour des expérimentations, j'envisage d'en associer un plus grand nombre encore par toute une série de mécanismes et d'organismes représentatifs. La difficulté consiste maintenant à impliquer et à cibler le grand public. C'est tout le monde ou personne.

Mme Nicole Bricq : On pourrait faire appel à des comités d'usagers. Nous recevons beaucoup de cartes-lettres...

M. Laurent Fabius : En matière fiscale, les comités d'usagers sont assez spécifiques... (Sourires). C'est la spontanéité organisée !

On peut penser à des comités départementaux en liaison avec les préfets mais les élus, lorsqu'ils interviennent, Mme Nicole Bricq, n'interviennent pas simplement en tant qu'élus, mais en tant que représentants de leur population, ce qui est déjà un point.

Par rapport au fond de votre question, je considère que cette réforme et ses points d'application ne peuvent être réellement réussis et vécus - et que les usagers ne peuvent se les approprier - que si tout le monde y est associé. C'est indéniable.

M. Gilles Carrez : Je souhaiterais vous interroger sur le système, non pas de recouvrement, mais d'évaluation des impôts d'Etat. En effet, depuis plusieurs mois et rapport après rapport, la Cour des comptes met en évidence la sous-estimation des recettes fiscales et non fiscales de l'Etat au titre de l'exercice 1999.

Or, je me souviens qu'il y a deux ans, lorsque vous avez lancé la réflexion qui a débouché sur la création de la mission d'évaluation et de contrôle, cette question de la fiabilité des évaluations, en recettes mais aussi en dépenses, était une de vos préoccupations majeures.

Dès cette époque, plusieurs idées de réforme assez simples avaient été envisagées.

La première consisterait à passer la comptabilité de l'Etat en droits constatés, comme c'est le cas partout ailleurs, notamment depuis quelques années pour les collectivités locales.

La deuxième visait à associer, soit le Parlement, soit un organisme de contrôle indépendant, à l'évaluation, au rattachement des recettes ou des dépenses dont le caractère de nombre d'entre elles - je peux citer l'exemple des relations financières de l'Etat avec la COFACE, Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur -, chaque année est un peu incertain, de telle sorte que, y compris lorsque l'évaluation est difficile, on ne puisse pas être suspecté ensuite d'insincérité quant à la présentation des comptes de l'Etat.

Je voudrais donc savoir, sur cette question qui est d'actualité depuis déjà un certain temps, quelles sont vos réflexions.

M. Laurent Fabius : Je n'ai pas changé de point de vue là-dessus, même si, comme vous, je connais la difficulté de l'exercice.

Pour ce qui concerne les dépenses et les recettes, et s'agissant d'abord de la situation existante, j'ai demandé que soit désormais adressée toutes les semaines aux présidents et aux rapporteurs généraux des commissions compétentes - j'espère que cela est fait, en tout cas l'instruction a été donnée - la situation réelle des finances. Cela étant, lorsque, comme vous, on connaît la technique des choses, on sait qu'elle peut donner une image de la situation à un instant T mais qu'elle ne permet pas d'établir facilement une prévision. Or, c'est la prévision qui vous intéresse.

Quoi qu'il en soit, l'instruction a été donnée qu'il y ait transparence quant à la situation réelle et que le dernier état de la situation, en l'occurrence celui du mois de juin, soit à la disposition des Présidents et des rapporteurs généraux.

Pour le passage en droits constatés, je n'ai pas changé d'avis, je pense que c'est une chose utile. M. Didier Migaud a eu la gentillesse de m'adresser un avant-projet de modification de l'ordonnance du 2 janvier 1959 où plusieurs de ces sujets sont traités et je lui ai dit oralement, je le confirme devant vous, que le Gouvernement envisage d'une façon tout à fait positive les modifications, d'ailleurs assez lourdes, qui sont contenues dans ce rapport.

Il faudra discuter, voir ce qui peut être retenu ou poser les problèmes constitutionnels, puisqu'il s'agit d'une loi organique, mais la notion de transparence et de développement du contrôle reste un point sur lequel je ne change pas d'avis.

Pendant un moment nous avions envisagé que ce soit la Cour des comptes qui émette un avis sur les recettes mais, comme on peut estimer qu'elle est juge et partie, l'idée n'a pas prospéré.

J'ai donc proposé, indépendamment des outils dont peuvent disposer les commissions des finances des deux assemblées, que nous soumettions notre prévision de recettes à la commission des comptes, à la rentrée de septembre, pour ne pas être les seuls à procéder à cette évaluation.

La question a donné lieu aux polémiques que vous connaissez. Pour ma part, je les trouve assez dommageables, parce qu'il n'y a pas de trésor caché. A partir du moment où il y a des recettes plus fortes que prévu et non pas moins fortes (ce qui poserait alors un vrai problème), cela signifie non pas qu'il y ait nécessairement eu dissimulation, mais que la conjoncture est porteuse, ce dont on devrait d'ailleurs se féliciter. Il faut alors ouvrir le débat pour savoir à quoi les utiliser.

Je ne veux pas être abstrait, aussi je dirai que, pour ce qui a trait à l'année 2000, je me suis engagé - et je le refais devant vous - à ce qu'au moment où nous allons établir le projet de loi de finances pour l'année prochaine, nous donnions aussi une évaluation des recettes pour cette année, puisque c'est ce qui nourrit la contestation avec, quasiment simultanément, la perspective de leur utilisation en collectif, ce qui permettra de savoir où l'on en est.

Je ne vois pas pourquoi, et je n'ai jamais compris d'ailleurs au nom de quoi, on ne pourrait pas avoir de débat, pour qu'avant de prendre les décisions, le Gouvernement, la majorité, l'opposition livrent leurs sentiments.

Ce ne sont pas des questions simples parce qu'elles font intervenir des paramètres techniques, d'autant qu'il faut pour les recettes - c'est un argument que l'on entend souvent et dont on se méfie, même s'il n'est pas faux -, en matière d'impôt sur les sociétés, faire preuve de prudence, avec le système des acomptes notamment. Pour autant, au mois de septembre ou d'octobre, on dispose quand même d'une évaluation fiable qui peut être communiquée afin d'en discuter.

M. Michel Bouvard : Monsieur le ministre, mon intervention comportera deux questions et une observation.

On a parlé du coût de la collecte de l'impôt, dont on sait qu'il est très variable : est-ce que, par rapport aux impôts dont les coûts de collecte sont les plus élevés - vous avez évoqué à nouveau, il y a quelques jours, la situation de la redevance de la télévision, mais il y a également celle de la fiscalité locale avec notamment la taxe d'habitation et le foncier bâti, dont on sait qu'ils représentent des coûts de collecte élevés -, des mesures sont envisagées pour, soit réduire ces coûts, soit réformer ce type d'impôts ?

Ma deuxième question a trait à l'unicité progressive des comptes des contribuables, qu'il s'agisse de particuliers ou d'entreprises, au niveau local. S'il est bien de s'orienter vers des systèmes informatiques uniques, vers des regroupements de services ou vers des interactions entre services, cela suppose aussi que soit menée une certaine politique immobilière du ministère.

Les services, en bien des cas, ne se trouvant pas physiquement au même endroit, il convient sans doute de mener parallèlement une réflexion sur la politique immobilière du ministère, d'autant qu'aujourd'hui - et nous avons eu ce débat au moment de la réforme avortée, lorsque se posait le problème du maintien d'un certain nombre de points du ministère sur le territoire rural, des réflexions sont ouvertes sur la notion de « maison de service public ».

Parallèlement à ce qui est engagé, j'aimerais donc savoir si le ministère envisage de travailler sur sa politique immobilière, précisément dans le sens d'un regroupement de ses locaux avec ceux d'autres services.

Il se trouve, qu'avant-hier, nous avons, avec le trésorier-payeur général de Savoie, inauguré les nouveaux locaux d'une perception rurale qui sont regroupés avec un centre polyvalent d'action sociale. C'est un regroupement un peu inhabituel, qui fonctionne depuis trois mois et que tout le monde apprécie. Il a eu le mérite de regrouper des services de l'Etat et d'un certain nombre de collectivités, dont le département, en un seul lieu et cela à destination d'un public qui a parfois des difficultés avec ces deux interlocuteurs. La formule prend ainsi une dimension qui est loin d'être inintéressante.

C'est en quelque sorte une préfiguration de ce qui pourrait s'envisager avec d'autres structures pour compléter ces maisons de service public dont on aura besoin dans le secteur rural si l'on veut maintenir le réseau du trésor.

J'en arrive maintenant à une observation relative aux personnels.

On a évoqué précédemment le problème de la classification des personnels et leur niveau de compétence par rapport aux besoins à couvrir. Pour ce qui me concerne, je voudrais attirer votre attention sur le fait qu'actuellement, dans un certain nombre de régions, le travail à accomplir dans les perceptions ne se limite pas seulement à des activités de conseil sur des budgets strictement communaux : un certain nombre de collectivités de notre pays gèrent des activités touristiques, soit directement, soit au travers de régies intéressées ou de sociétés d'économie mixte. Or, on s'aperçoit bien souvent que les personnels ne sont pas du tout formés à ces activités économiques portées par les collectivités locales. Je pense qu'il y a donc une action à engager, de formation, ou de recrutement, afin que ce rôle de conseil vis-à-vis des collectivités puisse être plus efficace. C'est là une observation qui vaut surtout pour toute une partie du territoire où l'initiative privée n'est pas suffisante pour porter le développement, où les collectivités sont amenées à s'y impliquer, où les élus peuvent commettre des erreurs, et donc, où le rôle de conseil des services du ministère est important.

M. Laurent Fabius : Pour répondre à votre dernière observation, M. Michel Bouvard, je dirai que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie est aussi celui de l'artisanat, du commerce, des PME et que le point central de toutes ses activités est le développement économique. C'est le ministère du développement économique.

Il se trouve que les impôts, les douanes - et j'en passe - entrent dans ses responsabilités, mais tout cela doit être vécu avec un objectif : celui du développement économique. Il y a des prérogatives régaliennes, d'autres qui ne le sont pas, mais, de toutes les manières, c'est l'élément central et il joue en direction des collectivités locales, comme en direction des entreprises, comme en direction des personnes privées et, si ce n'est pas toujours l'état d'esprit dans lequel nous travaillons, ni la manière dont nous sommes perçus, c'est tout de même la direction dans laquelle il faut aller.

Politique immobilière et regroupement avez-vous dit ? Oui, bien sûr, il faut ajuster notre politique immobilière et déjà, dans les notes qu'on vous a fait passer, vous avez certainement relevé que nous avons l'idée de développer de plus en plus des maisons de service public, économique et financier. Le ministère est assez vaste et si, déjà, nous parvenions à coordonner, voire à regrouper physiquement nos activités ce ne pourrait être que positif pour l'usager et également pour les personnels.

Je ne vous cacherai cependant pas que c'est beaucoup plus compliqué socialement et syndicalement - disons politiquement pour employer un terme neutre - de tenter de le faire avec d'autres administrations, car tout rapprochement avec des administrations réveille immédiatement la crainte des diminutions de postes. Il faut faire attention à cet aspect des choses, car nous avons bien vu dans le passé qu'une réforme ne peut fonctionner qu'avec un degré d'acceptation minimum.

En tout cas, l'idée que l'usager trouve en face de lui un service public qui soit beaucoup mieux harmonisé, coordonné et en mesure de répondre à ses questions - puisque c'est de cela qu'il s'agit - me paraît parfaitement juste. J'ajoute néanmoins que cette démarche se heurte parfois à des contradictions en provenance des élus eux-mêmes : celui qui défend la coordination et le regroupement reste en effet très attaché au maintien des activités sur son territoire.

C'est là une contradiction que nous connaissons bien !

Votre première question était relative au coût du recouvrement. Certes, ce coût est assez différent selon les impôts. C'est un point qu'il faut avoir à l'esprit, car même si nous ne pouvons pas, non plus, déterminer ce qu'il faut faire à partir de cette constatation, elle demeure une donnée importante.

J'ignore si vous avez déjà travaillé sur les questions de retenue à la source et sur d'autres éléments : c'est un autre aspect très difficile, très sensible, voire plus que sensible, mais il est évident que l'administration des finances doit, comme les autres et encore plus que les autres, avoir une claire conscience des recettes et des dépenses et cette observation s'applique donc parfaitement au coût du recouvrement. Pour ce qui est des recettes fiscales proprement dites, compte tenu exclusivement du caractère avancé de l'heure, je ne les aborderai pas. (Rires)

Mme Nicole Bricq : Monsieur le Président, je ne comptais pas intervenir de nouveau, mais M. le ministre m'a « tendu la perche » en évoquant ce « serpent de mer » de la retenue à la source dont tout le monde vante les bienfaits sans la mettre en _uvre : je n'en parlerai donc pas, même si je n'en pense pas moins !

En revanche, toujours dans le cadre de la simplification du service rendu à l'usager, j'aimerais savoir s'il ne serait pas possible, comme cela figurait je crois dans les recommandations du conseil des impôts, de faire en sorte que la situation d'un contribuable, qui peut évoluer en cours d'année pour cause de chômage, de divorce ou tout autre motif, soit une fois pour toute prise en compte dans l'année même, de manière à faire coïncider l'année de l'imposition avec l'année calendaire ?

M. Laurent Fabius : C'est l'une des recommandations du conseil des impôts qui m'a le plus intéressé !

Mme Nicole Bricq : C'est une réponse !

M. Didier Migaud, Rapporteur général : J'évoquerai, pour conclure très rapidement, deux points, monsieur le ministre.

D'abord, je dirai un mot sur le régime de rémunération des agents, puisque, dans son rapport sur la fonction publique de l'Etat, la Cour des comptes s'est livrée à un certain nombre d'observations et de constats expliquant que beaucoup d'indemnités servies aux agents de la comptabilité publique ne reposaient pas sur des bases légales et qu'il en allait de même pour la direction générale des impôts. J'aimerais donc savoir où en est la remise en ordre de la situation indemnitaire des fonctionnaires des finances et quel est l'état des négociations avec les organisations syndicales.

Ensuite, nous nous interrogeons, dans le cadre de la mission, sur le service de la redevance audiovisuelle et sur la redevance elle-même.

Un rapport de l'inspection générale des finances (IGF) nous conforte dans l'idée qu'il importe de réfléchir sur ce service et le produit lui-même. Quel est le sentiment du ministre sur les propositions et les appréciations de l'IGF ?

Par ailleurs, ayant eu l'occasion d'aller à Lille rencontrer les agents du service de la redevance, j'aimerais savoir si ce rapport ne pourrait pas être porté à la connaissance des organisations syndicales.

M. Laurent Fabius : Je répondrai volontiers à ces deux dernières questions.

Concernant celle des indemnités servies aux fonctionnaires, aux agents du MINEFI, je précise que mes prédécesseurs ont pris un certain nombre d'engagements qui tournent autour de la notion de sincérité budgétaire et, bien évidemment, je les tiendrai.

En conséquence, nous allons achever pour l'an prochain la budgétisation des recettes et en particulier des fonds de concours sur lesquels était assis le financement d'un certain nombre de régimes indemnitaires.

Par ailleurs nous sommes en train de terminer le recensement des différents types de primes versées. S'agissant des indemnités dont la base légale serait fragile, elles devront être régularisées, mais je tiens à ajouter que nous allons nous inscrire dans un dispositif interministériel qui est, lui-même, en cours de définition.

A partir du moment où cela aura été fait - et cela doit l'être l'année prochaine - les régimes étant définis et normalisés, seront inscrits dans un cadre réglementaire transparent et lisible, ce qui nécessitera de prendre un certain nombre de textes.

Bien évidemment, les rémunérations qui faisaient l'objet d'une défiscalisation devront être soumises à l'impôt.

En outre, nous avons, tant devant les assemblées parlementaires que devant les personnels, précisé que la mise en conformité avec les règlements et les lois devrait s'ordonner autour de plusieurs engagements : l'application du droit commun de la fiscalité, la mise en place de dispositifs de garantie individuelle si nécessaire et le maintien du volume des indemnités par catégories et par grades. A partir de cela, les choses avancent : on m'indique que les principales caractéristiques des nouveaux régimes seront définies à l'automne et que c'est également à l'automne que les fédérations et organisations syndicales - c'est un aspect de votre question - seront saisies de ces projets.

Personnellement, je n'ai aucun tabou concernant la redevance de l'audiovisuel. Je sais que ce sujet vous intéresse beaucoup, mais je pense qu'en la matière, il faut regarder les sommes qui sont en jeu, proposer, bien évidemment - s'il fallait modifier le système actuel - un système alternatif qui tienne la route et également tenir compte des personnels, car il y a beaucoup d'agents qui font leur travail de façon parfaitement respectable et correcte.

Puisque c'est un sujet dont je sais qu'il vous intéresse, nous le verrons volontiers ensemble, mais toute décision que nous serons appelés à prendre ne pourra l'être qu'à partir du moment où l'on regardera les masses financières en cause et où l'on tiendra compte des personnels. Quoi qu'il en soit, sur ce domaine comme sur les autres, je suis tout à fait ouvert et disposé à engager le dialogue avec vous. Pour ce qui est de la communication du rapport de l'inspection générale des finances que vous avez évoqué, il n'y a aucune raison de ne pas le transmettre et il sera donc transmis.

Le Président Augustin Bonrepaux : Monsieur le ministre, merci d'avoir répondu avec autant de précision aux nombreuses questions qui vous ont été posées. Nous vous avons retenu plus longtemps que prévu mais nous nous rendons compte, au travers de cette rencontre, que la réforme répond à notre souci d'efficacité et d'amélioration du service public, et qu'elle va dans le sens de la réduction des coûts que nous souhaitons. Nous tenons donc à vous en remercier.

ANNEXE

LISTES DES AUDITIONS

AUXQUELLES A PROCÉDÉ VOTRE RAPPORTEUR GÉNÉRAL

ORGANISATIONS SYNDICALES

DU MINISTÈRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES,

ET DE L'INDUSTRIE

LE 11 AVRIL 2000

__________

● à 9 heures 30 : Délégation de la Fédération CGT des Finances,

conduite par Mme Pierrette CROSEMARIE, secrétaire générale.

● à 10 heures 30 : Délégation de la Fédération CFDT-Finances,

conduite par Mme Brigitte COUE, secrétaire nationale.

● à 11 heures 30 : Délégation de la Fédération CFTC-Finances,

conduite par Mme Monique FABRE, secrétaire générale.

● à 15 heures : Délégation de la Fédération des syndicats autonomes
Finances-Industrie,

conduite par Mme Marie-Claire LABAY, secrétaire générale.

● à 16 heures : Délégation de la Fédération FO-Finances,

conduite par M. Jacky LESUEUR, secrétaire général.

● à 17 heures : Délégation de la Fédération des syndicats unitaires,

conduite par M. Hervé MAZURE, membre du bureau national
du Syndicat national unifié des impôts.

● à 18 heures : Délégation de la Fédération française des cadres
du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie,

conduite par M. Francis BLOIS, secrétaire général.

_____

2543 - Rapport de M. Didier Migaud en conclusion des travaux d'une mission d'évaluation et de contrôle constituée le 22 décembre 1999 : recouvrement des impôts (commission des finances)

() Il s'agit en premier lieu du rapport de l'inspection générale des finances n°98-M-041-11 « mission d'analyse comparative des administrations fiscales », établi par MM. Pierre-François Gouiffès et Julien Carmona, sous la supervision de M. Jean-Luc Lépine et, en second lieu, du rapport de la « mission 2003 », présenté par MM. Thierry Bert et Paul Champsaur.

() Document d'information de l'Assemblée nationale n° 3/99, 27 janvier 1999.

() Pour la TVA, les taux d'intervention sont respectivement de 1,05 pour la France et 0,48 au Royaume-Uni.

() Le produit total de la redevance est estimé à 13.602,19 millions de francs, dont 482,4 millions de francs sont imputés comme frais de gestion du service de la redevance. Il reste 13.119,79 millions de francs affectés au financement du service public.

() L'établissement public à caractère industriel et commercial « radio-télévision française ».

() Article 1er du décret n° 92-304 du 30 mars 1992, précité.

() Rapport d'enquête sur le coût, l'efficacité et les perspectives d'évolution du service de la redevance audiovisuelle », sous la supervision d'André Barilari, n° 99 M 029-01, novembre 1999. Lors de son audition du jeudi 6 juillet 2000, M. Laurent Fabius s'est engagé à communiquer ce rapport aux organisations syndicales et à ce qu'il fasse l'objet de mesures de publicité. Par ailleurs, l'article 88 de la loi de finances pour 2000 prévoit la transmission d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur la redevance.

() La lettre du CSA, n° 122, novembre 1999.

() Réponse à la question n° 14652 de M. Jean-Marie Morisset, JO AN questions 17 août 1998, page 4573.

() Rapport spécial (n° 1861, annexe n° 10) de M. Jean-Marie Le Guen sur les crédits de la Communication, page 6.

() Direction générale de la comptabilité publique, balance générale des comptes 1999.

() Rapport de l'Inspection générale des finances déjà cité, pièce jointe n° 1 à l'annexe IV.

() Ces documents ont été communiqués à votre Rapporteur général.

() Ces documents ont été communiqués à votre Rapporteur général.

() Le rapport a été depuis lors communiqué à votre Rapporteur général.