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N° 2793

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 décembre 2000.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES (1),
sur
les études en amont des programmes d'armement
dans les domaines de la défense et de l'aéronautique

et présenté par

Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU

Députée.

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Défense.

La commission de la défense nationale et des forces armées est composée de :

M. Paul Quilès, président ; MM. Didier Boulaud, Jean-Claude Sandrier, Michel Voisin,
vice-présidents
 ; MM. Robert Gaïa, Pierre Lellouche, Mme Martine Lignières-Cassou secrétaires ; MM. Jean-Marc Ayrault, Jacques Baumel, Jean-Louis Bernard, André Berthol, Jean-Yves Besselat, Bernard Birsinger, Jacques Blanc, Loïc Bouvard, Jean-Pierre Braine, Philippe Briand, Jean Briane, Marcel Cabiddu, Antoine Carré, Bernard Cazeneuve, Guy-Michel Chauveau, Alain Clary, François Cornut-Gentille, Charles Cova, Michel Dasseux, Jean-Louis Debré, François Deluga, Claude Desbons, Philippe Douste-Blazy, Jean-Pierre Dupont, François Fillon, Christian Franqueville, Yves Fromion, Yann Galut, René Galy-Dejean, Roland Garrigues, Henri de Gastines, Bernard Grasset, Jacques Heuclin, Elie Hoarau, François Hollande, Jean-Noël Kerdraon, François Lamy, Claude Lanfranca, Jean-Yves Le Drian, Georges Lemoine, François Liberti, Jean-Pierre Marché, Franck Marlin, Jean Marsaudon, Christian Martin, Guy Menut, Gilbert Meyer, Michel Meylan, Jean Michel, Charles Millon, Charles Miossec, Alain Moyne-Bressand, Arthur Paecht, Jean-Claude Perez, Robert Poujade, Mme Michèle Rivasi, MM. Michel Sainte-Marie, Bernard Seux, Guy Teissier, André Vauchez, Emile Vernaudon, Jean-Claude Viollet, Aloyse Warhouver, Pierre-André Wiltzer.

INTRODUCTION 9

I - LA RECHERCHE DE DÉFENSE : UN CONCEPT DIFFICILE À CERNER 13

A. UNE DÉFINITION SOUVENT IMPRÉCISE ET PEU COHÉRENTE DE LA RECHERCHE DE DÉFENSE 13

1. La recherche militaire pour le ministère de la Défense 13

a) Un ensemble de concepts emboîtés sous forme de « poupées russes » 13

b) L'approche en terme de finalité 16

2. La recherche de défense pour les industriels 17

a) Le concept de recherche, technologie, développement RT&D 18

b) L'intérêt du concept de RT&D 19

B. L'EXISTENCE DE TUTELLES ET DE SOURCES DE FINANCEMENT CIVILES POUR LA RECHERCHE DE DÉFENSE 20

1. Les sources civiles de financement de la recherche de défense posent la question de la notion de dualité 20

a) La notion d'études duales 21

b) Le débat entre « spin-in » ou « spin-off » 22

c) Le principe de dualité en régression 24

2. La participation à des programmes multinationaux de recherche 25

a) L'accès à des crédits d'origine européenne 26

b) Le développement des coopérations en matière de recherche militaire 26

C. LA NÉCESSITÉ D'UNE NOUVELLE APPROCHE DE LA NOTION DE RECHERCHE DE DÉFENSE 27

1. Les conséquences de l'imprécision des concepts 27

a) L'impossibilité d'apprécier le niveau et l'évolution de l'effort de recherche 27

b) La difficulté des comparaisons internationales 28

2. Une nécessaire clarification des concepts méthodologiques 29

a) Une nouvelle définition des études amont 29

b) La clarification de la notion d'études duales 30

c) Vers la mise en place de nouveaux instruments de soutien de la recherche 32

II. - UN EFFORT DE RECHERCHE DE DÉFENSE TRIPLEMENT INADAPTÉ 33

A. UNE LENTE ÉROSION DE L'EFFORT BUDGÉTAIRE DE RECHERCHE 33

1. L'effort de recherche du ministère de la Défense 34

a) Une baisse des dotations budgétaires 34

b) Un phénomène temporairement aggravé par la gestion des crédits 36

2. La place de la recherche de défense en France 37

a) La recherche de défense, part essentielle de la recherche 37

b) L'action des entreprises : l'autofinancement 40

3. L'intérêt des comparaisons internationales au-delà des difficultés méthodologiques 42

a) Les budgets militaires consacrés à la recherche 42

b) L'effort global de recherche civile et militaire 43

B. UNE ALLOCATION INADÉQUATE DES RESSOURCES ENTRE BÉNÉFICIAIRES 45

1. Une concentration excessive des financements 45

a) La concentration des crédits publics sur les grands groupes industriels liés à la défense 46

b) Les conséquences sur les stratégies des industriels 47

c) La ventilation des contrats d'études amont 47

2. L'insuffisance de l'orientation vers les PME-PMI 49

a) L'évolution de la politique de la DGA 49

b) Les conséquences sur les PME-PMI 50

c) La nécessité de dispositifs incitatifs 52

C. UNE ORIENTATION PAS ENTIÈREMENT SATISFAISANTE DES DOMAINES DE RECHERCHE 52

1. L'approche par financements publics 52

a) L'analyse par systèmes de forces 52

b) L'approche par finalité 55

2. L'analyse par secteur d'activité 57

a) L'armement terrestre 57

b) Le secteur spatial 58

c) L'électronique de défense 59

D. LES CONSĖQUENCES ÉCONOMIQUES DE LA DIMINUTION DE L'EFFORT DE RECHERCHE 60

1. Le rôle de la recherche amont dans le développement économique 60

a) L'aspect théorique 60

b) Les conséquences de l'évolution de l'effort de recherche 62

2. Le débat sur la perte de compétences technologiques 64

a) La perte d'indépendance technologique 65

b) Réflexion sur les coopérations technologiques 66

III. - LA COMPLEXITÉ DES PROCÉDURES ET DES MÉCANISMES DE LA RECHERCHE AMONT 71

A. L'ORIENTATION ET L'ORGANISATION DES ÉTUDES DE DÉFENSE EN FRANCE 71

1. La réforme des études amont 71

a) La suppression de la direction des recherches et études techniques (DRET) 71

b) Les principes de la réforme des études amont 72

2. Les missions des différentes structures 73

a) Les instances de régulation 73

b) Les instances d'exécution 77

3. Les différentes étapes de la recherche amont 78

a) La planification des études amont du ministère de la Défense 78

b) La programmation des études amont 79

c) L'expertise et l'évaluation 81

4. Le bilan de la réforme des études amont 82

a) Les améliorations constatées 82

b) Les insuffisances restantes 83

B. DEUX EXEMPLES D'ORGANISMES PUBLICS DE RECHERCHE SOUS TUTELLE 84

1. L'ONERA : une vocation duale mal assurée 84

a) Des moyens importants au service d'une certaine ambition 84

b) Une évolution qui n'est pas sans poser de questions 86

c) Quelques propositions 87

2. L'Institut Saint-Louis : à la recherche d'une stratégie 88

a) Un organisme paritaire aux missions bien définies 88

b) Des missions bien définies 89

c) L'ISL à la recherche d'une stratégie 90

C. LES MÉCANISMES DE LA COOPÉRATION EUROPÉENNE 91

1. Les actions menées par l'Union européenne 91

a) Le programme cadre de recherche développement PCRD 92

b) L'initiative Eurêka 93

c) Les actions clés et les projets fédérateurs 95

2. Les actions menées dans le cadre de l'UEO 96

a) Les programmes de recherche dans le cadre du GAEO 96

b) Les programmes et les procédures spécifiques 97

c) Les perspectives 99

3. Une nouvelle structure pour prendre en charge la recherche de défense : l'OCCAR 99

a) La création de l'OCCAR 99

b) Les principes de fonctionnement 101

c) Les perspectives de l'OCCAR 103

4. Le cadre de la LoI (letter of intent ou lettre d'intention) : favoriser l'intégration d'une industrie européenne de défense 105

a) Une démarche globale et volontaire 105

b) Des domaines d'intervention considérables 106

c) Des procédures d'exportations nouvelles y compris pour les technologies 107

5. Une évolution inévitable 108

a) Le renforcement des politiques communes 108

b) La position de la Commission à l'égard de la recherche de défense 109

IV. - PROPOSITIONS POUR LA RECHERCHE AMONT DE DĖFENSE EN FRANCE ET EN EUROPE 111

A. L'AMÉLIORATION DU PROCESSUS MÉTHODOLOGIQUE 111

1. Redéfinir les concepts de recherche et développement R&D et de recherche technologie R&T 111

2. Traduire les nouveaux concepts en termes budgétaires 112

B. LA RÉVISION DE L'EFFORT DE RECHERCHE ET DE TECHNOLOGIE 113

1. Accroître l'effort national de recherche amont de défense 113

2. Trouver un équilibre dans la répartition des crédits publics 115

3. Aider les entreprises et faciliter leur accès à l'effort européen en matière de recherche 116

C. LA MISE EN _UVRE D'UNE VÉRITABLE POLITIQUE DE RECHERCHE AMONT 117

1. Remédier à la carence de l'analyse stratégique 117

2. Créer un organisme interministériel pour la recherche de défense 119

3. Contribuer à une politique européenne de la recherche 120

D. LA RÉFORME DES PROCÉDURES ET DES STRUCTURES 122

1. Simplifier et améliorer les procédures nationales 122

2. Renforcer le dialogue entre chercheurs, technologues et industriels, et promouvoir des réseaux technologiques 123

3. Dynamiser les organismes publics sous tutelle 124

4. Mener une action particulière à destination des PME-PMI innovantes 124

CONCLUSION 131

TRAVAUX DE LA COMMISSION 133

I. - AUDITION DE M. JEAN-YVES HELMER, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL POUR L'ARMEMENT 133

II. - EXAMEN EN COMMISSION 140

ANNEXE N° 1 151

ANNEXE N° 2 157

ANNEXE N° 3 165

ANNEXE N° 4 169

Mesdames, Messieurs,

Plusieurs raisons ont décidé la Commission de la Défense à confier à un de ses membres un rapport d'information sur le thème de la recherche amont dans le domaine de la défense et de l'aéronautique :

- tout d'abord, la Commission a conscience que la caractéristique majeure des équipements modernes à finalité militaire réside dans le fait qu'il s'agit d'équipements de compétition conçus pour leurs performances et intégrant les technologies les plus récentes. Les équipements militaires sont élaborés par un petit nombre d'industriels, hautement qualifiés dans des secteurs de pointe, et ils obéissent à des impératifs technologiques qui ont quelquefois conduit à de véritables « courses » à la technologie. Cette sophistication technologique croissante amène d'ailleurs à se poser la question de savoir s'il faut poursuivre ainsi le rythme des technologies ;

- de plus, la mise au point de ces nouveaux types de matériels requiert à la fois de longs délais et des investissements financiers importants. Les crédits peuvent d'ailleurs être engagés sans certitude sur la réussite du projet de recherche. Dans la majorité des cas, les délais comme les devis initiaux des projets ont été dépassés. La recherche de défense suppose d'importants moyens humains et financiers ainsi que la pérennité des installations et des équipes. Or, au cours de la dernière décennie, elle a été soumise aux aléas des décisions politiques et a subi des remises en cause d'ordre budgétaire dont les conséquences ne doivent pas être négligées ;

- l'une des principales raisons justifiant les efforts de recherche dans le domaine de la défense et conjointement de l'aéronautique repose sur un souci d'indépendance nationale. A l'heure où se développent la coopération et la collaboration entre pays européens en matière de défense et où l'incorporation de technologies sophistiquées renchérit le coût des programmes de recherche, il est également tentant de poser la double question de la place de la recherche de défense française par rapport aux autres pays européens, à son internationalisation et donc aux choix stratégiques qui en découlent sur les compétences à conserver ou à partager, par exemple sous forme d'une spécialisation des tâches selon les pays et, par conséquent, un partage à terme des études et des prototypes ;

- par ailleurs, la recherche de défense est concentrée dans un petit nombre de pays dans le monde. On estime ainsi que près de 90 % des dépenses publiques dans ce domaine est réalisé par six pays (Etats-Unis, Russie, Chine, Royaume-Uni, France et Allemagne). Cette concentration de la recherche et donc à terme la détention des nouvelles technologiques est encore plus concentrée que celle des dépenses militaires proprement dites ;

- la restructuration du secteur des industries de défense a d'inévitables répercussions sur le secteur de la recherche mais ce type de conséquences n'a pas encore fait l'objet d'une étude approfondie alors que des décisions majeures ont été engagées ;

- les réflexions préparatoires à la préparation de la prochaine loi de programmation militaire pour les années 2003-2008 ne peuvent faire abstraction du thème technologique. Il paraît donc intéressant de vérifier l'articulation entre la révision du plan prospectif à 30 ans de la Délégation générale pour l'Armement(DGA) et de l'effort annoncé pour la recherche de défense dans la programmation militaire.

Le Délégué général pour l'Armement a ainsi souligné à plusieurs reprises le rôle essentiel des études amont dans la préparation du système de défense de l'avenir. Elles ont pour objet de permettre des choix pertinents en matière d'équipement et de technologie, pour préserver à terme l'efficacité des systèmes d'armes, et plus globalement la cohérence du système de défense. Elles visent également à donner à l'industrie d'armement les moyens d'acquérir les technologies indispensables aux programmes futurs.

La maîtrise des technologies les plus avancées reste capitale dans le domaine de la défense, compte tenu du degré de supériorité militaire à présent requis en cas de conflit et de la nécessité de se référer non seulement aux capacités des adversaires éventuels, mais également à celles des partenaires, afin d'éviter que les forces armées de notre pays ne se trouvent en retrait dans la conduite d'opérations conjointes ;

- la réforme entreprise en 1997 pour modifier en profondeur le processus des études amont au ministère de la Défense a consisté, d'une part, à placer les crédits correspondants sous la responsabilité unique de la DGA dans un souci de cohérence, d'autre part, à définir les choix des études amont par référence à un besoin militaire, à moyen ou à long terme, un effort de recherche de base étant parallèlement maintenu pour garantir une bonne réactivité face à l'évolution des technologies. Après trois exercices, il apparaît indispensable de dresser un premier bilan de la réforme des études amont et voir quelles améliorations pourraient y être apportées.

*

Après avoir été amenée à s'interroger sur tous ces thèmes de réflexion, la Commission de la Défense a en fait cherché à savoir quelle est la politique de recherche de défense de la France. La baisse des crédits de recherche de défense est une préoccupation fondamentale de l'ensemble du secteur industriel lié à la défense. Cette inquiétude est vivement ressentie par l'ensemble des partenaires, Etats-majors, Délégation générale pour l'Armement, laboratoires de recherche et industriels. Mais elle ne semble pas prise en compte de la même manière par tous acteurs de la recherche en raison de la nature différente de leurs préoccupations, selon le thème et le terme des recherches.

C'est pourquoi, votre Rapporteure a souhaité dresser dans un premier temps un constat de la situation en analysant les concepts, en évaluant l'effort consacré à la recherche de défense et en déterminant les conséquences économiques et technologiques de cette situation, puis a formulé quelques propositions afin d'améliorer les procédures et les systèmes en vigueur dans un cadre national mais également dans une perspective européenne.

I - LA RECHERCHE DE DÉFENSE : UN CONCEPT DIFFICILE À CERNER

Les principaux acteurs administratifs ou économiques n'utilisent pas les mêmes éléments de langage pour parler de la recherche, en particulier dans le domaine de la défense. Pourtant, une analyse du contenu de leurs différentes approches montre qu'ils font souvent référence à des notions similaires.

Ce manque de précision et de cohérence dans la définition de la recherche de défense nuit à l'analyse dans un cadre national et fausse les comparaisons entre les pays qui sont autant des concurrents que des partenaires.

Il est donc apparu nécessaire à votre Rapporteure, dans une première étape, de clarifier la notion de recherche de défense et de proposer une nouvelle approche de cette notion sur un plan méthodologique.

A. UNE DÉFINITION SOUVENT IMPRÉCISE ET PEU COHÉRENTE DE LA RECHERCHE DE DÉFENSE

1. La recherche militaire pour le ministère de la Défense

a) Un ensemble de concepts emboîtés sous forme de « poupées russes »

_ De manière générale, le ministère de la Défense regroupe sous l'appellation d'études de défense, non seulement les études amont proprement dites mais aussi les études à caractère opérationnel ou technico-opérationnel (EOTO) et les études à caractère politico-militaire, économique et social (EPMES), ainsi que les subventions aux organismes publics de recherche.

Le tableau suivant permet de préciser l'importance relative de ces différents agrégats, dont les dotations en loi de finances ne sont pas de même ampleur en termes de crédits de paiement.

FINANCEMENT DE LA RECHERCHE EN
LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2000 ET 2001

(en millions de francs)

 

Études amont (1)

EOTO

EPMES

Subventions aux organismes publics

Total

 

CEA

CNES

ONERA

ISL (2)

Autres

 

Budget 2000

2 937

163

15

2 360

1 500

545 (3)

132

70

7 722

PLF 2001

2 948

120

40

2 440

1 250

530 (3)

114

108

7 550

(1) Classiques, nucléaires et spatiales

(2) Institut franco-allemand Saint-Louis

(3) Hors dépenses d'investissement et participation au plan social

_ Plusieurs agrégats sont généralement utilisés par le Délégué général pour l'Armement pour mesurer les financements accordés aux laboratoires, organismes de recherche et bureaux d'étude au titre du budget de la défense :

- l'agrégat R&T (recherche et technologie) mesure l'effort consenti en amont des programmes. Il correspond à l'activité qui permet d'acquérir l'expertise, les connaissances et les capacités scientifiques, techniques et industrielles permettant de définir et de lancer les programmes d'armement. Conventionnellement, l'agrégat R&T correspond au budget des études amont, les deux notions étant équivalentes ;

- l'agrégat R&D (recherche et développement) comprend la R&T et les travaux de développement des matériels ou des systèmes dont le programme est lancé ;

- la notion de « recherche-développements-essai » (RDE) peut être considérée comme le concept le plus large en matière de recherche de défense. Il inclut l'ensemble des opérations depuis les études à caractère fondamental jusqu'à la mise au point de prototypes ou de démonstrateurs, c'est-à-dire toutes les opérations effectuées avant la décision de mise en fabrication industrielle du matériel militaire.

Ainsi, le ministère de la Défense distingue les développements industriels proprement dits, une fois que les programmes d'armement décidés par le Ministre de la Défense, et les études et recherches en amont de ces développements appelées « études amont ». Mais la limite est moins facile à tracer que la simplicité de la définition permettrait de le penser.

Or, la distinction entre développements et études amont est d'autant plus importante que la part des développements dans la RDE est supérieure à 70 % alors que celle des études amont est de l'ordre de 25 %. La conception des matériels futurs reste donc dépendante du développement de matériels précis régis par un programme.

_ L'instruction ministérielle n °29619 du 4 juillet 19971 a donné une définition plus précise des études amont, mais plutôt en contrepoint des données précédentes :

- selon cette définition, les études amont se situent en dehors des programmes d'armement ou des opérations analogues. De manière générale, elles précèdent donc le lancement d'un éventuel programme d'armement nouveau, en d'autres termes elles précèdent la décision formelle de lancement par le Ministre de la Défense. De ce fait, la notion d'études amont n'inclut pas les éléments de recherche propres à un programme particulier (comme les études de faisabilité ou d'optimisation d'emploi) même si ces éléments ont le caractère d'études à caractère fondamental ;

- elles gardent toujours un lien étroit avec le domaine de la défense et restent attachées à la satisfaction d'un besoin militaire prévisible ou à un besoin exprimé par un état-major. De ce fait, elles s'inscrivent dans un processus qui logiquement doit conduire à la fabrication et à l'utilisation des matériels ;

- les études amont couvrent un domaine allant de la recherche scientifique ou technique jusqu'à la réalisation de maquettes ou la mise au point de démonstrateurs. Elles ont donc une vocation essentiellement appliquée et, sauf exceptions (cas de certaines participations et du financement de bourses de thèses), ne couvrent pas la recherche fondamentale. A l'autre bout de la chaîne, elles peuvent aller jusqu'à des développements exploratoires afin de tester la fiabilité ou la faisabilité d'un concept technique.

De ce fait, du point de vue budgétaire, les études amont n'incluent :

- ni les financements consacrés aux armes nucléaires, à la simulation nucléaire et à la propulsion navale qui, inscrits sur le budget de la défense en loi de finances initiale sont transférés au CEA en cours d'exercice. Or les enveloppes concernées sont loin d'être négligeables puisque le chapitre 51-71, article 51, qui les regroupe, a été doté de 1,021 milliard de francs en autorisations de programme et de 1,019 milliard de francs de crédits de paiement dans le budget 2000 ;

- ni les crédits transférés aux budgets des ministères civils, en particulier dans le cadre du budget civil de recherche et développement (BCRD) ; 

- ni les dépenses de fonctionnement (charges de personnel et fonctionnement courant) de la DGA et de tous les organismes ou services qui participent à des programmes de recherche en dehors de la DGA (service de santé des armées, service hydrographique de la Marine, ...).

C'est pourquoi, le Délégué général pour l'Armement souligne que les études amont ne constituent qu'un des volets de l'action du ministère de la Défense en matière de recherche et développement. En effet, le ministère de la Défense finance aussi directement2 des organismes effectuant des recherches : sa contribution la plus importante concerne le domaine nucléaire (CEA) mais il finance également des organismes de recherche sous sa tutelle (ONERA, Institut franco-allemand de Saint-Louis) ou dont la tutelle est partagée avec d'autres ministères (CNES dans le domaine spatial), sans oublier les laboratoires des écoles d'ingénieurs dépendant de la DGA.

b) L'approche en terme de finalité

Il existe également, en particulier pour la Délégation générale pour l'Armement, une autre approche de la recherche de défense en terme de finalité, qui appréhende la recherche comme une activité visant :

- à acquérir des inventions techniques (recherches) et une expertise (études) ;

- à permettre des choix pertinents en matière d'équipements ;

- et à préserver non seulement l'efficacité des systèmes d'armes mais aussi la cohérence du système de défense.

Lorsque l'objectif est d'acquérir des inventions techniques, ce sont les compétences de réalisateur qui sont recherchées, dans les domaines scientifiques et technologiques et dans des secteurs déterminés. Les réalisateurs sont dans ce cas les industriels et les laboratoires.

Dans l'autre hypothèse, le but des études est de permettre au service, qui acquiert ou qui spécifie au nom de l'Etat, d'acquérir une expertise technique dans les domaines des évaluations, des simulations et des essais. Les organismes concernés sont essentiellement étatiques ou paraétatiques, mais des industriels peuvent également intervenir.

Cette approche en termes de finalité justifie pour le ministère de la Défense l'évolution de sa politique à l'égard des études amont. Jusqu'à une période récente, l'attribution de crédits soutenait des études sur la base de besoins pressentis et validés seulement en partie. Il n'existait pas d'évaluation approfondie de ces études, en particulier du retour sur investissement, sauf sur le plan technique. L'orientation des études amont décidée en 1996 et en 1997 a davantage axé celles-ci sur les besoins militaires spécifiques. Cette approche dite « top-down » consiste à définir les projets de recherche à partir des besoins exprimés par les états-majors et à décliner les technologies à acquérir. Elle permet de relier les études aux programmes et de mieux les planifier. Mais elle a tendance à rigidifier la structure de la recherche sur le long terme (en raison de la longueur des cycles militaires) et à restreindre le champ des technologies.

La démarche top-down est souvent opposée à l'approche dite « bottom-up », qui permet de détecter les technologies de rupture et de lancer des études sur des sujets qui ne sont pas immédiatement reliés à des programmes militaires mais qui ont soulevé l'intérêt de la DGA. Elle suppose de maintenir un effort de recherche de base pour garantir la meilleure réactivité possible face à l'évolution des technologies et à l'émergence d'innovations.

Le domaine nucléaire fournit un excellent exemple de la complémentarité de ces deux approches. Parallèlement à la conduite des programmes militaires, le CEA a en effet la mission de maintenir les compétences en matière de nucléaire militaire afin de garantir l'efficacité de la dissuasion. Il se trouve donc dans la nécessité de mener un important volet d'études de base, à l'instar d'une université. Près de 300 chercheurs consacrent leur activité à de telles études. De plus, le CEA cherche à préserver ce potentiel au-delà des aléas budgétaires, dans la mesure où le secteur industriel ne mène pas de telles études. La spécificité de ces recherches est qu'elles dépassent le cadre strict de la dissuasion et qu'elles peuvent avoir des applications dans d'autres domaines militaires (comme la furtivité) ou dans des domaines civils (matériaux par exemple).

2. La recherche de défense pour les industriels

Parallèlement à l'approche des études amont en termes de financements budgétaires publics ou de finalité qu'a privilégiée le ministère de la Défense, de nombreux industriels, systémiers ou équipementiers, ont développé depuis une dizaine d'années le concept de recherche et technologie R&T par assimilation à ce qui se pratique au Japon mais surtout aux Etats-Unis. Après être restée longtemps peu sensible à ce concept, la DGA a semblé s'y rallier lors des dernières rencontres de partenariat stratégique avec les industriels.

a) Le concept de recherche, technologie, développement RT&D

L'idée fondamentale de certains industriels est de mettre en avant le concept de RT&D, c'est-à-dire de trois étapes correspondant respectivement aux concepts de recherche R, technologie T et développement D :

- le concept de recherche correspond aux études les plus en amont, appelées aussi recherches de base ou génériques. Celles-ci sont souvent réalisées à l'extérieur des entreprises, en particulier dans des laboratoires universitaires, et il revient alors aux groupes industriels de nouer des contacts avec les chercheurs et de conclure des contrats de recherche pour être associés aux études qui les intéressent3 ou pour valoriser les premiers résultats de ces recherches.

Cette phase est la plus risquée en termes de résultats comme de financements. De plus, elle concerne des programmes militaires pour lesquels l'Etat est avant tout le premier client et qui ne correspondent pas à des marchés de grande consommation. Les recherches de base supposent donc une action déterminante de la puissance publique ;

- le concept de technologie regroupe les démonstrations technologiques et les démonstrations de produits.

Les démonstrations technologiques suivent immédiatement la phase de recherche dont elles sont un débouché normal, dès la prise des brevets. Les brevets terminent souvent la phase de recherche en France alors qu'ils devraient sanctionner les démonstrations technologiques. Tout retard dans la valorisation des travaux de recherche risque en effet d'aboutir à une destruction des équipes qui nécessitera de recommencer toutes les études. Il s'agit d'une phase capitale où des innovations complémentaires sont apportées et où les concepts et les matériaux subissent les premières épreuves concluantes de leurs potentiels pour les clients futurs ou les partenaires intéressés (exemple de la tuyère carbone-carbone, qui est une pièce de moteur identique à un matériel existant et qui est élaborée à partir des équipements disponibles mais dans un autre matériau).

La qualité des centres d'excellence permet des échanges non seulement de technologies mais également de services, certaines études pouvant être réalisées au bénéfice de groupes, soit en partenariat industriel, soit en cofinancement. Il est donc important d'aider les industriels à s'associer aux démonstrations technologiques réalisées par d'autres structures.

La SNECMA est un des rares maîtres d'_uvre français à avoir noué depuis longtemps des partenariats nord-américains. Elle a élaboré le concept de la règle des quatre quarts, chacun des deux industriels partenaires finançant un quart des dépenses de recherche, la DGA et le département américain de la Défense (DoD) un quart chacun également (ce pourrait être le cas pour le moteur cryogénique qui équipera les fusées Atlas 5, Delta 4 et Ariane 5).

Les « démonstrations-produits », que la DGA préfère appeler démonstrations opérationnelles, sont nécessaires si l'on veut éviter tout risque lors des développements. Elles sont élaborées à partir des démonstrations technologiques arrivées à maturité et procèdent d'un dialogue sur les concepts et les choix de technologies. Elles ne se conçoivent qu'au plus près d'un développement dont on ne connaît pas encore forcément ni les spécifications ni les contraintes financières ou de calendrier. Elles doivent donc être réalisées le plus tard possible dans la phase de recherche, au moment où on estime que le concept qui a été défini sera retenu pour le développement.

- dans cette optique, les développements, qui sont directement liés à un programme militaire décidé, constituent une exécution des programmes de recherche qui les ont précédés et qu'ils prolongent. Les investissements qu'ils supposent correspondent déjà à des investissements de production.

b) L'intérêt du concept de RT&D

Le développement de ce concept vient tout d'abord du constat que la notion de développements a évolué, surtout dans les domaines de l'espace et de l'aéronautique. En France, les développements intègrent encore une part importante de recherches et d'études technologiques avec les risques induits que tous les partenaires regrettent : retards, échecs, dépenses supplémentaires, obsolescence des technologies liée à l'allongement des programmes, perte de compétitivité face à des concurrents qui ont effectué suffisamment d'études « en amont »... Or il est aujourd'hui demandé aux industriels d'effectuer des développements de plus en plus courts, de moins en moins coûteux et sans risques.

C'est pourquoi les industriels estiment qu'un nouveau type de développements apparaît, une fois que les études de marchés et de besoins ont été réalisées, avec des concepts éprouvés, des technologies arrivées à maturité et des centres d'excellence en état (quatre conditions qui supposent que les développements soient décalés et lancés plus tard dans la durée de vie d'un programme militaire).

Une telle réflexion est née au Japon, il y a une vingtaine d'années, où les entreprises réalisaient beaucoup d'études mais comparativement peu de développements de programmes militaires en raison de diverses contraintes, notamment d'ordre politique et constitutionnel. Les Etats-Unis ont repris l'idée et l'ont mise en pratique depuis dix ans. L'Europe et la France en particulier n'ont pas encore intégré ce raisonnement ni pris conscience que les développements doivent comporter le minimum d'études de base (le cas des grandes entreprises civiles, c'est-à-dire sans lien avec la défense est différent). Il est donc impératif d'éviter de mettre à l'étude de nouvelles technologies pendant les développements sous peine de retarder ceux-ci et de perdre les marchés face à une concurrence qui aura évité des risques supplémentaires et qui utilisera une moindre durée de la phase de développement comme facteur compétitif.

B. L'EXISTENCE DE TUTELLES ET DE SOURCES DE FINANCEMENT CIVILES POUR LA RECHERCHE DE DÉFENSE

Les programmes militaires peuvent bénéficier des acquis de la recherche civile financée par d'autres sources. Mais cette voie de financement pose deux questions fondamentales sur lesquelles votre Rapporteure reviendra tout au long de son étude compte tenu de leur importance : d'une part, la notion de dualité, d'autre part l'accès aux procédures de financement de la recherche et de l'innovation technologique.

1. Les sources civiles de financement de la recherche de défense posent la question de la notion de dualité

L'effort civil en faveur de la recherche est encore plus difficile à apprécier. D'une part, les crédits affectés à la section recherche du ministère de la Recherche et de la Technologie ne constitue qu'une fraction des interventions publiques en faveur de la recherche civile. D'autre part, le budget civil de recherche et développement (BCRD), qui regroupe l'ensemble des crédits budgétaires de l'Etat consacrés à la recherche civile, ne comprend ni la contribution française aux programmes communautaires de recherche (PCRD), ni les dépenses fiscales liées aux mécanismes incitatifs comme le crédit d'impôt recherche. De plus, les crédits inscrits au BCRD sont dispersés entre quatorze ministères et dix-sept fascicules budgétaires.

Cette difficulté d'évaluation et de délimitation de la recherche civile ne permet pas toujours de la comparer à la recherche militaire ni surtout d'appréhender clairement les activités de nature duale.

a) La notion d'études duales

Plusieurs raisons justifient d'approfondir la notion de dualité :

- certains secteurs industriels essentiellement civils intéressent la recherche de défense car ils ont une finalité duale marquée. C'est particulièrement vrai pour l'électronique professionnelle, les télécommunications, l'aéronautique, le spatial ou l'informatique. De manière générale, l'industrie aéronautique et spatiale défriche des technologies dont les retombées irriguent l'ensemble du tissu industriel ;

- le BCRD ne prend pas en compte les crédits de recherche militaire mais inclut les dotations correspondant à des recherches que l'on peut qualifier de duales compte tenu de leur sujet. Ainsi ont été transférés du ministère de la Défense au budget du CNES au titre de la recherche spatiale 900 millions de francs en 1999 et 1,5 milliard de francs en 2000 (sur une dotation globale du CNES de 8,825 milliards de francs). Le projet de budget pour 2001 prévoit à nouveau 1,3 milliard de francs de transferts de crédits de ce type (sur une dotation globale du CNES de 8,695 milliards de francs) ;

- le degré de dualité est d'autant plus fort qu'on se situe au niveau de composants de base ou de systèmes transposables (plates formes de satellites, téléphonie mobile) et d'autant moins prononcé qu'on s'approche de systèmes ou d'équipements intégrés. La compétence « militaire » reste de rigueur pour l'assemblage, l'intégration d'éléments civils ou duaux dans des matériels à finalité militaire ;

- la dualité ne comporte que des avantages apparents pour le secteur de la défense. Lorsqu'elle consiste à faciliter l'intégration de produits civils dans les équipements militaires ou à tirer partie des innovations civiles (notion de spin-in), elle facilite l'accès rapide aux technologies nouvelles, elle permet de diminuer les coûts par économies d'échelle, elle rend possible la concentration des efforts financiers sur les technologies proprement militaires, sur les programmes d'utilisation des technologies civiles déjà développées ou sur les mécanismes d'intégration, surtout au niveau de la recherche fondamentale. Mais la dualité n'exclut pas que se poursuivent des études ou des développements spécifiquement militaires ni qu'il faille adapter les résultats de la recherche civile aux besoins militaires ;

- le rôle de la recherche de défense a évolué et on saisit mal encore les conséquences des évolutions récentes tant en termes de domaines (les industries finançant leur recherche sur fonds propres ne prennent pas les mêmes risques que la DGA) qu'en termes de délais (les marchés civils sont plus exigeants et évoluent plus rapidement que les besoins militaires). La DGA considère qu'une action de R&T ne peut être duale que s'il existe un équilibre entre les intérêts civils et militaires en terme de retombées technologiques et commerciales et en terme de calendriers. Or la conjonction des intérêts et des calendriers reste peu fréquente. Les actions de R&T militaire potentiellement concernées représentent donc un niveau faible pour la DGA comme d'ailleurs dans l'estimation donnée dans le rapport de M. Henri Guillaume (de l'ordre de 250 à 300 millions de francs par an) ;

- enfin, la conception française de la recherche duale diffère de celles des pays anglo-saxons qui ont adopté depuis longtemps « une stratégie de décloisonnement des secteurs civils et militaires »4.

b) Le débat entre « spin-in » ou « spin-off »

Selon les interlocuteurs rencontrés, il y a souvent un abus de langage en matière d'études duales car il convient de distinguer entre les technologies, les produits et les activités :

- le domaine des télécommunications et de l'informatique fait exception car le secteur de la défense utilise de plus en plus les technologies civiles (dans une démarche d'utilisation « spin-in ») qui sont amenées à prendre une place grandissante. Dans tous les autres cas, l'innovation par des technologies mises au point pour les programmes militaires a eu des répercussions dans des projets civils (notion de « spin-off »).

Bien des exemples peuvent être rappelés. Une partie des technologies des grands programmes aéronautiques civils (matériaux composites, commandes électriques, simulateurs pour les entraînements) est en partie dérivée des programmes militaires. Le développement de la famille de lanceurs européens Ariane est très lié aux efforts engagés par la France dans les programmes de missiles balistiques. Des synergies comparables peuvent être trouvées dans le domaine nucléaire (techniques d'enrichissement de l'uranium, retraitement des déchets, réacteurs à eau pressurisée). Plus récemment, les exemples des matériaux céramiques, du système de navigation par satellite GPS, du réseau Internet ou des technologies de l'information confirment les retombées civiles de programmes de recherche initialement à finalité ou à usage militaires.

Les interlocuteurs rencontrés aux Etats-Unis ont souligné l'importance des recherches militaires exploitées par le secteur civil et l'intérêt de la valorisation de ces recherches. Les Américains ont compris que les réalisations civiles bénéficiaient des développements militaires, d'où les conséquences très positives des efforts financiers en matière de recherche militaire.

A l'exception des composants électroniques et des effets de retour, il y a encore peu de technologies civiles qui « tirent » les technologies militaires. Mais, dans l'avenir, le développement des technologies de l'information et des nanotechnologies devrait modifier l'ordre des choses.

- la situation des produits n'est pas comparable.

Il existe de nombreux exemples de véritables produits ou systèmes duaux (matériaux, avionique). Le recours à des produits civils pour les matériels militaires se développe mais il ne constitue souvent qu'une réponse partielle étant donné la différence des spécifications. Dans de nombreux cas, les programmes militaires requièrent des spécifications qui ne correspondent pas aux besoins civils et qui ne peuvent être dérivées de produits civils ou qui ne peuvent être satisfaits dans les mêmes conditions économiques en raison de l'étroitesse des marchés militaires par rapport aux marchés dits grand public. Les exemples de la furtivité, du blindage ou du durcissement sont souvent cités comme des domaines où les produits civils n'existent pas (sans doute parce que le marché n'existe pas encore). Mais la spécificité militaire se rencontre également dans des systèmes complets comme les moteurs d'avions ou les véhicules spatiaux en raison des conditions opérationnelles d'emploi ;

- l'industrie aéronautique apparaît souvent duale dans son activité mais pas forcément dans ses technologies. La dualité des gammes de produits assure une activité continue qui permet de lutter contre les effets des cycles économiques ou, tout au moins, d'en limiter les effets. Mais, outre le fait qu'une entreprise dite duale n'échappe pas forcément aux aléas de cycles, on ne peut pas conclure qu'il sera possible de développer des programmes militaires à partir uniquement des recherches civiles.

Il apparaît donc nécessaire d'étudier avec précision où peut réellement se situer la dualité. Le GIFAS (groupement des industriels français de l'aéronautique et du spatial) a créé un comité technique sur la dualité afin d'analyser les typologies de produits et de technologies, et d'étudier les retombées industrielles d'un tel concept. Mais ses travaux ne sont pas encore terminés.

c) Le principe de dualité en régression

Votre Rapporteure a eu l'impression, au cours de ses travaux, que la notion de dualité était souvent mise en avant par un acteur pour repousser la charge des financements de la recherche sur un autre acteur et que le principe de dualité semblait plutôt en régression, dans les esprits, sinon dans les faits. A propos du financement de la dualité, on pourrait même parler de « mistigri » dont il faut se défausser.

_ Tout d'abord, il semble que le déficit de concertation et de coordination entre les structures françaises est patent sur un tel sujet.

En premier lieu, aucune structure de concertation et de coordination n'existe véritablement entre le ministère de la Défense et les ministères civils de l'Economie et des Finances, et de la Recherche sur les crédits liés à la politique technologique. Le cloisonnement entre structures civiles et militaires conduit à des réflexions séparées en matière de R&T qui ne se fondent pas dans une stratégie nationale. Les rencontres et les séminaires qui réunissent les principaux responsables ne peuvent remplacer des actions communes.

Une initiative commune, qui associait le ministère de la Défense et celui de la Recherche, était constituée par la procédure SYRECIDE (Synergie de la recherche civile et de la défense). Dotée de 26 millions de francs par an pour une assiette de programme de 50 millions de francs, elle représentait une initiative encore modeste qui ne demandait qu'à être développée pour devenir un axe stratégique.

Cette expérience a échoué et les quelques programmes technologiques duaux qui ont été lancés n'ont pas abouti. Les raisons principales sont une certaine lourdeur des procédures, des retards imputés à la réorganisation de la DGA et la différence des calendriers entre les ministères de la Défense et de la Recherche. Pourtant, de nombreux projets se prêtaient à ce mécanisme et ce sont donc les procédures administratives qui ont fait échouer les projets de coopération civilo-militaires.

La suppression du dispositif en 1999 ne laisse pas d'étonner sur les aléas de la politique de recherche en France. Les conséquences de la disparition de SYRECIDE sont dommageables pour le ministère de la Défense qui, en se recentrant sur les programmes strictement militaires, n'apparaît plus comme un partenaire aussi crédible que par le passé dans le financement des études amont ou de la recherche technologique, et qui risque ainsi de se trouver en marge des grands projets civils portés par les autres ministères.

Par ailleurs, l'élaboration de la liste des technologies clés établie par le ministère de l'Industrie et le choix des technologies considérées comme prioritaires dans le plan prospectif à 30 ans du ministère de la Défense n'obéissent pas à la même logique. L'association croisée d'experts a évité les doublons. Mais la coordination n'empêche pas que certains secteurs peuvent être délaissés dans les deux cas.

_ De nombreux exemples montrent que les progrès possibles dans le domaine de la dualité doivent être relativisés.

Certaines technologies restent spécifiquement militaires et ne peuvent bénéficier d'innovations technologiques civiles. De plus, compte tenu des contraintes d'emploi opérationnel, les progrès technologiques civils ne peuvent pas toujours être utilisés dans les équipements militaires, par exemple à l'occasion du combat aérien.

La modification des normes civiles, lorsqu'elles s'appliquent au secteur militaire, a des conséquences très importantes sur l'adaptation des équipements militaires. De même, l'obsolescence des technologies ou des produits civils au fil des générations n'est pas en cohérence avec la durée de vie des équipements militaires et pose la question de leur intégration dans des systèmes militaires.

Néanmoins, de nombreux exemples ont été cités pour montrer que des programmes militaires auraient dans un proche avenir des applications civiles qui découleraient donc des recherches de défense. Le dispositif de R&D militaire constitue dans ce cas un puissant soutien indirect aux secteurs civils. Les cas de l'aéronautique et du spatial sont exemplaires à cet égard aux Etats-Unis.

Dans d'autres secteurs cependant, des grands groupes apparaissent sceptiques sur la politique de « fertilisation croisée » des secteurs civils et militaires sur le plan de la recherche développement en raison des contraintes des transferts technologiques, et du fait que le succès du développement d'applications civiles reste souvent une exception.

2. La participation à des programmes multinationaux de recherche

La plupart des interlocuteurs de la mission d'information ont fait observer les possibilités offertes par les programmes de recherche en coopération qui complètent les initiatives nationales ou s'y substituent. Mais ils ont également souligné les doublons et les redondances dans les programmes des différents pays européens.

a) L'accès à des crédits d'origine européenne

La recherche militaire comme les activités liées aux programmes de défense échappent encore aux compétences de l'Union européenne et les grands programmes européens ne prévoient donc pas directement d'actions en faveur de la recherche militaire. En effet, lors de l'élaboration du traité de Rome, la production et le commerce des armes ont fait l'objet d'une exception aux règles fondatrices du marché commun. L'article 223 des traités de Rome et de Maastricht, repris dans l'article 296 du traité d'Amsterdam, a réservé aux Etats la politique en faveur du secteur industriel de l'armement.

Une double évolution s'est cependant fait jour : d'une part l'accès aux financements européens a été possible sous le couvert des études duales, d'autre part, des initiatives spécifiques ont été prises dans un autre cadre que celles de l'Union européenne, en particulier au niveau de l'UEO ou de l'OCCAR.

Dans une autre partie de son rapport votre Rapporteure présentera les différents dispositifs existants et évoquera l'évolution de l'attitude de la Commission européenne à l'égard du domaine de la défense et surtout de l'aéronautique.

b) Le développement des coopérations en matière de recherche militaire

Seuls huit pays européens consacrent à la R&T militaire des montants financiers significatifs (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Italie, Royaume-Uni, Suède). Ils ont développé depuis de nombreuses années de multiples formes de coopération sur des bases bilatérales ou multilatérales afin d'utiliser au mieux leurs ressources financières et d'associer les pays européens qui consacrent moins de crédits budgétaires mais constituent des acquéreurs potentiels de matériels militaires.

Même si plusieurs succès de programmes militaires communs ont été enregistrés, les coopérations n'ont pas toujours donné les résultats escomptés. De nombreuses raisons expliquent les limites des coopérations : multiplication des spécifications techniques qui surenchérissent les coûts, retards des programmes, difficulté de concilier les calendriers et les cibles nationales, instauration de règles paralysantes comme celles du juste retour en matière financière ou industrielle, interrogations sur la diffusion des résultats des recherches et la propriété industrielle.

C'est ainsi que les pays les plus concernés ont globalement fait stagner leur effort de recherche commun : à peine 2 % du budget total des membres du Groupement de l'armement de l'Europe occidentale (GAEO) sont affectés à des projets en coopération. Ils ont parallèlement cherché à mettre en place des outils plus flexibles de coopération par exemple dans le cadre de l'OCCAR (Organisation conjointe de coopération en matière d'armement) ou de la LoI (letter of intent ou lettre d'intention).

Pourtant, il est de plus en plus nécessaire de mener des coopérations en amont, au niveau de la phase d'études préliminaires et de recherches de base, pour associer le plus tôt les différents partenaires et leur assurer une place dans les programmes futurs, inciter également les Etats à harmoniser leurs besoins et à identifier des technologies communes.

C. LA NÉCESSITÉ D'UNE NOUVELLE APPROCHE DE LA NOTION DE RECHERCHE DE DÉFENSE

1. Les conséquences de l'imprécision des concepts

a) L'impossibilité d'apprécier le niveau et l'évolution de l'effort de recherche

La multiplicité des concepts relatifs aux études amont et le changement de contenu des agrégats ne permettent pas de cerner de manière précise l'effort de recherche en France relatif notamment à la Défense, et par conséquent l'effort de recherche amont.

La Cour des comptes a considéré, dans son rapport de juillet 1999 sur l'exécution de la loi de finances pour 1998, que « les modifications apportées au périmètre du budget de la recherche ont été d'une importance telle qu'elles rendent non significatives les comparaisons interannuelles ».

Plusieurs exemples montrent la difficulté d'évaluer l'effort de recherche :

- le caractère intégré des études dans les structures de recherche ne permet pas de déterminer les moyens humains ou techniques consacrés à tel ou tel type d'études, ni de séparer dans les équipes, la part de personnels et des charges de fonctionnement qui relève des études amont ou des développements.

Ainsi, dans de nombreux centres de recherche, publics ou privés, dépendant ou non de la DGA, il paraît impossible de séparer les activités de recherche proprement dite, celles de développement et celles liées à la production, aux essais ou aux contrôles des matériels. Les effectifs ne sont pas répertoriés en fonction des activités auxquelles ils sont employés mais selon des catégories statutaires ou indiciaires, à l'exception peut-être des équipes dédiées à des projets précis. C'est le cas notamment à la direction des applications militaires du CEA où une comptabilité analytique est appliquée aux projets de recherche ;

- la pluralité des sources de financement et l'impossibilité d'apprécier la véritable nature des programmes de recherche duale dans les secteurs de l'aéronautique, de l'espace, des communications et de l'informatique empêchent également d'affecter à la recherche de défense les moyens qui lui sont réellement consacrés.

Tous les interlocuteurs rencontrés constatent qu'il est quasiment impossible de savoir quelle part des études civiles -donc des financements- peut être considérée comme duale et concerner par conséquent les programmes d'équipement militaire. Ceci est particulièrement vrai pour la recherche dans les domaines nucléaire et spatial, mais reste aussi valable dans le cas des grands programmes civils.

Or, dans le BCRD, figurent des crédits directement liés aux études à caractère dual notamment les crédits transférés du ministère de la Défense au CNES dans le domaine spatial. De plus, dans cette procédure de transferts, on a l'impression que ce sont davantage les institutions que les projets qui sont pris en compte. Il est d'ailleurs impossible de relier les financements transférés au CNES à des projets précis.

b) La difficulté des comparaisons internationales

Une autre conséquence majeure de l'imprécision des concepts est l'extrême difficulté à effectuer une analyse comparée des efforts de recherche de défense dans les différents pays. Or, cette comparaison est avancée comme argument, par les uns comme par les autres, pour demander une augmentation de l'effort public et de la participation des entreprises ou, pour justifier la politique actuelle en la matière.

Votre Rapporteure consacrera à cette question une part importante de son rapport en présentant les données qui ont pu être recueillies.

2. Une nécessaire clarification des concepts méthodologiques

a) Une nouvelle définition des études amont

Afin de remédier aux inconvénients cités, les études amont de défense doivent faire l'objet d'une définition reconnue et admise par l'ensemble des acteurs de la défense, DGA, états-majors ou industriels, et également par les acteurs civils, ministères nationaux ou Commission européenne.

Le concept de RT&D pourrait être retenu pour que l'ensemble des études assimilées comme « en amont » corresponde aux agrégats R&T (S&T en anglais).

Les limites de cet agrégat peuvent être précisées, en amont par rapport à la recherche fondamentale, en aval, par rapport aux développements et aux essais. La recherche amont comprendrait les recherches de base (celles dont on ne sait pas sur quelles applications elles vont déboucher), la recherche technologique (qui est une phase plus appliquée), les démonstrateurs technologiques et les démonstrateurs opérationnels pour les systèmes comme pour les concepts. Elle exclurait les phases de développement, d'industrialisation et de production des matériels ou systèmes.

Un doute subsiste pour les études de faisabilité et de marché. Certains industriels et la DGA souhaiteraient que la phase R&T inclue déjà les études de faisabilité et d'études de marché préalables aux développements, ce qui permettrait de réduire la phase des développements et de diminuer encore les risques.

En d'autres termes, la recherche amont comprendrait les étapes qui vont de la découverte d'une technologie à sa validation : la partie recherche inclurait les études technico-opérationnelles, de perspectives ou de concepts ; dans la partie technologie, les démonstrateurs permettraient de lever les doutes et de valider les technologies étudiées.

Le graphique ci-joint retrace le contenu de ce qui pourrait être admis par tous les acteurs de la recherche de défense.

b) La clarification de la notion d'études duales

La notion de dualité mérite également d'être appréciée en fonction de la phase du projet. On pourrait schématiquement conclure qu'il est nécessaire d'identifier des domaines :

- dans lesquels, le choix est fait a priori d'utiliser des technologies ou des produits civils pour des applications militaires. Dans ce cas, la participation du ministère de la Défense pourrait être double, d'abord financière dans le cadre d'un cofinancement des études et recherches menées par des structures dépendant de ministères civils, ce qui n'exclurait pas une participation physique, par exemple dans le cadre de partenariats, les services dépendant du ministère de la Défense possédant des installations ou des équipes qu'il est inutile de dupliquer, ou dans le cadre de véritables contrats mixtes de recherche ;

- dans les cas où aucun choix n'est opéré au départ, seule l'évolution des recherches, voire des développements, permettrait de montrer que des applications civiles ou militaires sont possibles. Le projet initial pourrait alors être scindé et donner naissance à des projets différents, le programme civil valorisant les résultats déjà obtenus, tout en maintenant une partie commune véritablement duale.

Cette nouvelle approche relance l'importance des choix en matière technologique, chacun des deux volets, civil comme militaire, devant rester compatible.

graphique

études fondamentales études de marché
études de faisabilité

études de base

graphique

développements d'équipements ou de systèmes

graphique

graphique

graphique

c) Vers la mise en place de nouveaux instruments de soutien de la recherche

Le lancement par M. Dominique Strauss-Kahn, alors Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, du contrat-cadre pluriannuel sur le domaine des composants est un excellent exemple qui a réuni tous les éléments pour qu'une politique de recherche fonctionne bien (objectifs clairs, moyens financiers, évaluation des résultats par l'extérieur, synergie entre acteurs civils et militaires). Cette politique a conforté une stratégie d'innovation basée sur un projet industriel, elle a favorisé le transfert des compétences et a incité à une utilisation de matériels civils dans les programmes militaires tout en assurant la performance du groupe franco-italien Microtechnics. Dans ce schéma, l'Etat n'a pas géré la recherche mais a organisé l'évaluation et l'expertise régulière des résultats.

Cet exemple a le mérite d'avoir des vertus pédagogiques car le système mis en place pourrait être reproduit pour d'autres secteurs technologiques par exemple dans le domaine de la cryptologie en évitant la dispersion des aides publiques.

Le seul inconvénient des contrats-cadres est d'entraîner une certaine raideur dans le financement de la recherche et de réduire les marges de man_uvre de l'effort budgétaire qui ne peut pas être redéployé. Aussi la démarche doit-elle s'appuyer sur une définition claire du projet et de sa réalisation. Il faut également éviter les systèmes où les erreurs ne sont pas sanctionnées et où les procédures de financement ne peuvent être corrigées.

C'est pourquoi, de manière générale, chaque contrat devrait définir les effectifs qui seront mis en place, les financements qui seront accordés de la part de l'industriel comme de la puissance publique, les implantations qui sont prévues, en France comme à l'étranger, et les étapes de la recherche.

II. - UN EFFORT DE RECHERCHE DE DÉFENSE TRIPLEMENT INADAPTÉ

Au cours de sa mission, votre Rapporteure a pu valider trois constats essentiels qui constituaient autant d'hypothèses de départ pour son étude :

- même si l'effort consacré à la recherche amont est difficile à apprécier en raison de la dispersion des acteurs et des sources de financement, son niveau ne correspond ni aux besoins présents et futurs des utilisateurs ni aux ambitions de notre pays ;

- l'allocation des ressources publiques bénéficie essentiellement aux grands groupes industriels, ce qui n'est pas sans conséquences sur les PME-PMI mais relève d'une logique qui cherche à éviter la dispersion de l'effort public ;

- l'orientation des domaines d'activité relève de choix stratégiques qui supposent à la fois d'efficaces transferts de technologies entre civil et militaire, et une définition « optimale » des compétences à préserver à moyen et long terme, non seulement dans un cadre national mais également au niveau européen.

A. UNE LENTE ÉROSION DE L'EFFORT BUDGÉTAIRE DE RECHERCHE

L'effort consacré à la recherche amont peut être apprécié de plusieurs manières à travers, d'une part, le niveau et la nature des financements, d'autre part, les effectifs de chercheurs et la production de connaissances scientifiques. La vitalité de la recherche s'apprécie ainsi au travers du nombre de brevets déposés ou de programmes d'équipements qui se concrétisent.

De manière générale, il apparaît que les dotations publiques, directement imputées au ministère de la Défense, ou ressortissant de budgets de ministères civils mais à vocation duale, se réduisent. Au même moment, la part que les industries du secteur aéronautique et de défense consacrent aux études amont ne prend que partiellement le relais de la réorientation des priorités publiques.

1. L'effort de recherche du ministère de la Défense

Comme nous l'avons vu, plusieurs agrégats sont utilisés pour mesurer les financements consacrés à la recherche au titre du budget de la défense : la R&T (recherche et technologie), la R&D (recherche et développement) et l'agrégat RDE (recherches, développements et essais) qui est le plus large. Rappelons également que, dans la présentation budgétaire française, les études amont n'incluent ni les financements consacrés aux « têtes nucléaires », ni les crédits transférés aux budgets des ministères civils, en particulier dans le cadre du budget civil de recherche et développement, ni les dépenses liées au plan social de l'ONERA5.

a) Une baisse des dotations budgétaires

Les tableaux suivants retracent, en autorisations de programme et en crédits de paiement, les montants inscrits en lois de finances initiales, pour les études amont financées sur les titres III, V et VI du ministère de la Défense.

Plusieurs constats s'imposent :

- les dotations initiales consacrées aux études amont sont en baisse constante et régulière depuis cinq ans, tant en autorisations de programme qu'en crédits de paiement. La réduction atteint 30 % pour les autorisations de programme de 1995 à 2000. Elle est encore plus forte pour les crédits de paiement (33,6 %). Le rythme de décroissance s'est certes ralenti ces deux dernières années, l'exercice 1998 constituant une étape décisive à la suite de la revue de programmes. Les baisses cumulées depuis une dizaine d'années représentent cependant un manque d'investissements dans la recherche amont de défense de plus de 10 milliards de francs  ;

- deux organismes d'études reçoivent des subventions du ministère de la Défense au titre des études amont : l'office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA) et l'Institut franco-allemand Saint-Louis (ISL). Même si elle n'est pas intégrée complètement dans l'agrégat études amont6, la participation française au fonctionnement et aux investissements de ces deux organismes s'élève à près de 850 millions de francs en 2000 et à 780 millions de francs en 2001. Comme il sera expliqué plus loin, la diminution de la participation de l'Etat a comme objectif d'inciter ces organismes à augmenter la part de leurs ressources contractuelles.

L'EFFORT INITIAL DE RECHERCHE AMONT

(en millions de francs)

AP

LFI 1995

LFI 1996

LFI 1997

LFI 1998

LFI 1999

LFI 2000

LFI 2001

Classique (titre V)

3 105

2 909

3 298

2 575

2 511

2 373

2 371

Espace (titre V)

421

368

393

248

273

271

270

Nucléaire (titre V)

951

721

518

297

243

240

236

Titre III

401

399

399

308

318

313

305

Titre VI

334

333

312

384

373

454

439

Total études amont

5 212

4 730

4 920

3 812

3 718

3 652

3 620,6

(en millions de francs)

CP

LFI 1995

LFI 1996

LFI 1997

LFI 1998

LFI 1999

LFI 2000

LFI 2001

Classique (titre V)

3 503

2 871

3 071

2 400

2 454

2 398

2 482

Espace (titre V)

309

374

340

314

220

235

200

Nucléaire (titre V)

1 002

948

757

544

360

305

266

Titre III

401

399

399

308

318

313

305

Titre VI

334

333

312

384

373

434

439

Total études amont

5 549

4 925

4 879

3 950

3 725

3 685

3 692

   
 

LFI 1998

LFI 1999

LFI 2000

AP

CP

AP

CP

AP

CP

Espace

248,0

314,0

273,0

219,6

271,0

235,0

Nucléaire

297,4

544,4

242,5

359,7

240,0

305,0

Classique

2 574,6

2 399,6

2 511,4

2 454,5

2 373,2

2 397,6

Total titre V

3 120,0

3 258,0

3 026,9

3 033,8

2 884,2

2 937,6

             

ONERA

255,0

255,0

247,4

247,4

232,1

232,1

Institut Saint-Louis

129,0

129,0

125,5

125,5

132,3

132,3

Autres organismes d'études

-

-

-

-

90,00

70,0

Total titre VI

384,0

384,0

372,9

372,9

454,4

434,4

             

Total titre III (ONERA)

307,5

307,5

318,3

318,3

312,2

312,2

             

Total études amont

3 811,5

3 949,5

3 718,1

3 725,0

3 651,8

3 685,2

Les dépenses de l'agrégat RDE ont également subi une diminution d'environ 30 % au cours de la dernière décennie. Il est vrai que le niveau supérieur à 31 milliards de francs de crédits de paiement atteint en 1990 représentait le chiffre maximal des vingt dernières années. Le montant de 20,06 milliards de francs prévu pour 2000 représente près de 15 % du budget d'équipement (titres V et VI du ministère de la Défense).

b) Un phénomène temporairement aggravé par la gestion des crédits

L'exécution des crédits budgétaires fait apparaître une diminution encore plus sensible en matière de dépenses réelles.

Depuis 1998, la gestion de la totalité des études amont a été placée sous la responsabilité de la DGA, devenue ainsi le seul « gouverneur » de ces crédits.

Alors que les crédits d'études amont étaient répartis entre 37 articles (dont 29 pour la DGA, 2 pour l'armée de l'Air, 3 pour l'armée de Terre et 3 pour la Marine), depuis la loi de finances initiale pour 1998, l'imputation budgétaire est composée de six articles. En 1999, la mise en _uvre de la réforme de la nomenclature s'est traduite simplement par une nouvelle numérotation des chapitres et articles.

Dans le budget 2000, en plus des articles mentionnés dans le tableau ci-joint, dont les crédits sont comptabilisés en totalité en études amont, des crédits d'études amont sont partiellement imputés sur l'article 67.10.32, « Subventions aux organismes d'études et associations d'intérêt public ».

Les montants prévus au titre des études amont sur cet article sont de 90 millions de francs en autorisations de programme et de 70 millions de francs en crédits de paiement. Par rapport aux années précédentes, ces montants correspondent à un transfert du titre V vers le titre VI, opéré à la suite de la demande du secrétariat d'Etat au budget de ne plus passer de conventions pour les commandes de prestations qui relèvent du secteur marchand. Le montant de ce transfert est limité à la couverture des prestations pour lesquelles le remplacement des conventions par des marchés publics n'est pas possible. Il s'agit du financement des bourses et stages d'études accordés par le ministère de la Défense ainsi que des participations à certains organismes de recherche.

Nomenclature 1998

Titres des chapitres et articles

Nomenclature 1999

36.01.11

Participation aux dépenses de fonctionnement de l'ONERA

36.01.11

51.60.11

Etudes amont « Espace »

52.81.11

51.70.11

Etudes amont « Nucléaire »

52.81.11

51.80.11

Etudes amont « Classique »

52.81.11

67.10.11

Participation aux dépenses d'études de l'ONERA

67.10.11

67.10.12

Participation aux investissements de l'ONERA

67.10.12

67.10.20

Participation aux dépenses de l'Institut franco-allemand de Saint-Louis

67.10.20

La baisse des crédits budgétaires a été aggravée par la réforme des procédures d'attribution de ces crédits. Les nouvelles procédures prévues par l'instruction interministérielle du 4 juillet 1997 ont eu des conséquences pénalisantes sur le taux de consommation des crédits en 1998 et 1999. Présentant le bilan de la nouvelle politique d'études amont, M. Jean-Yves Helmer a expliqué le faible niveau d'engagements de 1997 (2,04 milliards de francs contre 3,36 milliards de francs en 1996) par la mise en place de ces nouvelles procédures et le niveau des années 1998 à 2000, de l'ordre de trois milliards de francs, par la réduction de 10 % des dotations opérée par la revue des programmes en 1997.

L'exécution budgétaire pour 2000 semble meilleure et les difficultés précédentes ont été en partie résolues. S'agissant des paiements, le Délégué général pour l'Armement a indiqué que l'objectif pour le titre V se situait à un niveau voisin de trois milliards de francs pour l'exercice en cours, leur moindre niveau en 1999 comme en 1998 étant lié au retard des engagements de 1997.

2. La place de la recherche de défense en France

a) La recherche de défense, part essentielle de la recherche

_ Deux approches permettent d'apprécier l'effort national de recherche développement civile et militaire en France :

- la somme des financements consacrés par les entreprises et les administrations à des travaux de recherche réalisés en France ou à l'étranger. L'agrégat correspondant est la dépense nationale de recherche développement (DNRD) ;

- la somme des travaux de recherche et développement exécutés sur le territoire national, quelle que soit l'origine de leur financement (DIRD).

La différence entre ces deux agrégats correspond au flux de financement entre la France et l'étranger et reflète essentiellement l'activité des organismes internationaux comme le centre européen pour la recherche nucléaire (CERN) ou l'Agence spatiale européenne (ASE). Elle est assez faible comme le montre l'évolution de la R&D en France depuis dix ans.

L'un comme l'autre de ces agrégats stagne depuis le milieu des années 90 et a une légère tendance à la régression en francs constants. La baisse de l'effort en matière de recherche de défense est d'autant plus inquiétante que le pourcentage de la dépense intérieure de R&D (DIRD) financée par l'Etat, qui comprend l'ensemble des crédits liés au soutien des programmes ou d'incitation à la recherche, est particulièrement élevé dans notre pays (42 % en 1995 contre 33 % au Royaume-Uni et 35 % aux Etats-Unis). C'est d'ailleurs une constante que le financement public de la recherche reste important en France bien que le financement privé prenne une part de plus en plus significative. De plus, aux Etats-Unis comme au Royaume-Uni, les crédits de R&D pour la défense conservent une place plus élevée qu'en France dans l'ensemble des crédits publics pour la recherche (respectivement 55 % et 38 % en 1996 contre 30 %).

Les chiffres sont à prendre avec précaution, car les méthodes d'évaluation des effectifs diffèrent dans les entreprises et les structures publiques. En 1995, sur 150 000 personnes travaillant dans la recherche publique, 82 000 étaient chercheurs, ingénieurs ou boursiers, dont 3 000 travaillaient pour la Défense.

ÉVOLUTION DE LA R&D EN FRANCE

(en milliards de francs courants)

 

1980

1990

1995

1996

1997

1998(1)

DNRD

50,9

156,8

180,8

184,3

183,5

187,9

en % du PIB

1,81

2,41

2,36

2,34

2,26

2,22

Financement public/DNRD

58 %

53,2 %

49,5 %

48,8 %

47,7 %

46,4 %

DIRD

62,5

157,1

179,1

182,6

181,9

186,9

en % du PIB

1,97

2,41

2,34

2,32

2,24

2,21

BCRD

 

43,37

51,63

50,46

51,14

53,16

(1) Estimation

INDICATEURS DE L'EFFORT DE RECHERCHE

 

1992

1995

1996/1998

Recherche publique

127 320

136 798

 

Chercheurs et ingénieurs

62 713

65 196

 

soit en % (y compris les boursiers)

58,1 %

59,6 %

 

Recherche industrielle

164 378

162 042

 

Chercheurs et ingénieurs

64 688

66 618

68 500

soit en %

39,3 %

41,1 %

 

Cas des entreprises de moins de 500 salariés

35 304

-

 

Chercheurs et ingénieurs

15 826

18 514

 

soit en %

44,8 %

   

EXÉCUTION DE LA R&D MILITAIRE EN FRANCE EN 1996

 

Laboratoires
académiques

Laboratoires publics civils

Laboratoires militaires

Entreprises

Autres

Total

Financement public militaire (en milliards de francs)

0,2

1,6

10,4

9,8

0,1

22,1

Répartition en %

1 %

7,2 %

47 %

44,3 %

0,5 %

100 %

Part du secteur militaire dans la R&D exécutée (en %)

0,7 %

5,4 %

100 %

8,8 %

3,4 %

11,9 %

Source : OST

_ Des données essentielles ressortent de l'analyse du financement et de l'exécution de la recherche de défense en France. Plusieurs caractéristiques majeures distinguent notre pays :

- en tant que finalité, la Défense nationale représente le quart des financements publics de la recherche (22,1 milliards de francs sur 90,9 milliards de francs en 1996).

- les laboratoires militaires gardent 47 % des financements publics (soit 10,4 sur 22,1 milliards de francs en 1996). Les laboratoires des entreprises exécutent 44,3 % de la R&D militaire (soit 9,8 sur 22,1 milliards de francs en 1996), les laboratoires académiques en exécutent une part négligeable, et les laboratoires publics à finalité civile 7,2 % (soit 1,6 sur 22,1 milliards de francs en 1996).

- les laboratoires des industriels sont financés à hauteur de 8,8 % par les crédits publics. La part de la R&D effectuée par les entreprises et financée sur contrats publics décroît progressivement depuis trente ans : elle est passée de 33 % au début des années 70 à moins de 14 % depuis 1995.

Les entreprises bénéficient de 21,2 milliards de francs de contrats publics de R&D dont :

- 8,3 milliards de francs liés aux grands programmes civils ;

- 9,8 milliards de francs liés aux programmes militaires ;

- 3 milliards de francs de crédits incitatifs.

b) L'action des entreprises : l'autofinancement

_ En France, de manière globale, les activités de recherche civile ou militaire étaient financées à 70 % par l'Etat au début des années 60 : à la fin des années 90, la part du privé dans le financement de la recherche est équivalente à celle de l'Etat. Les 25 plus grandes sociétés françaises ont ainsi investi près de 100 milliards de francs dans la recherche en 1998 : ce sont surtout les groupes de haute technologie qui agissent, les dépenses de recherche et développement des industries traditionnelles restant faibles.

Parmi les groupes qui investissent le plus en volume se trouvent des groupes électroniques (Alcatel et Thomson-CSF) ou aéronautiques (Aérospatiale) ou des sociétés pétrolières et chimiques (Rhône Poulenc, Elf). Les PMI réalisent quant à elles 18 % de la recherche développement.

_ La recherche développement de défense représente une part très variable du chiffre d'affaires ou de la valeur ajoutée des groupes industriels. Elle peut aller jusqu'à 23 % du chiffre d'affaires en 1999 par exemple pour Thomson-CSF. Un chiffre comparable était la norme pour les adhérents du GIFAS au milieu des années 90 : la part de la R&D dans le chiffre d'affaires s'est cependant fortement réduite depuis 3 ans jusqu'à un niveau de 14 % en 1998 pour le concept le plus global, les études amont représentant une moyenne de 6 à 7 % du chiffre d'affaires à la même période.

Il est vrai que la part des activités militaires dans le chiffre d'affaires des adhérents au GIFAS est passée de 52 % en 1990 à 25 % dix ans plus tard. Parallèlement, la part des commandes militaires a baissé de 43 à 34 % sur la même période.

DÉPENSES DE RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT
DES ADHÉRENTS AU GIFAS

(en milliards de francs)

 

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

Chiffre d'affaires (CA)

132,955

135,813

134,749

122,785

118,205

113,400

122,288

147,926

157,379

Recherche et développement
dont R & D autofinancée

28,869
8,150

32,613
9,064

33,739
11,372

33,287
10,109

27,970
8,886

26,692
9,963

24,879
8,571

23,988
9,717

22,125
10,695

Part de la R&D dans le CA

21,7 %

24,0 %

26,5 %

27,1 %

23,7 %

23,5 %

20,3 %

16,2 %

14,1 %

Source GIFAS

La part de R&D financée par l'entreprise varie elle aussi fortement. L'autofinancement représente le tiers des dépenses de recherche dans un groupe comme Thomson-CSF et ce chiffre atteint près de 70 % pour les études amont. Mais il s'agit d'une exception en France. Dans la majorité des cas, il n'a pas été signalé à votre Rapporteure d'exemples où l'autofinancement dépassait le seuil de 25 %.

Conséquences de l'internationalisation de certains groupes et du développement externe, une part croisante de la R&D de ces groupes peut être réalisée hors de France. Mais, réciproquement, une part de la R&D est également financée par des crédits en provenance de l'étranger.

L'un des grands avantages de la politique dite « multidomestique » des grands groupes, qui consiste à développer les activités amont dans les implantations à l'étranger, est de travailler avec l'environnement de recherche propre à chacun des pays où ils sont installés. Mais on aborde là le thème capital des coopérations en matière de R&D qui nécessitera un examen approfondi dans un autre chapitre du rapport.

3. L'intérêt des comparaisons internationales au-delà des difficultés méthodologiques

Les comparaisons internationales sont, encore plus que dans d'autres domaines, un exercice délicat en raison des approximations dues aux conversions monétaires, des différences portant sur les pratiques comptables, des changements de périmètres ou de contenus des agrégats macro-économiques et de la confidentialité de certaines données. C'est ainsi que les financements consacrés aux missiles nucléaires, qui sont sans objet en Allemagne, sont intégrés dans tous les agrégats aux Etats-Unis, dans certains agrégats seulement en France mais ne le sont jamais dans les statistiques britanniques. De même, peu de pays font les mêmes distinctions entre les recherches et les développements. Dans les séries américaines apparaissent les crédits relatifs aux tests ou aux essais.

Des études sont en cours au ministère de la Défense pour analyser de manière fine le contenu des agrégats utilisés et faciliter les comparaisons entre les principaux pays acteurs de la recherche en matière de défense. Cette étude menée par la DGA apparaît essentielle dans le cadre de la préparation de la prochaine loi de programmation militaire.

a) Les budgets militaires consacrés à la recherche

Le tableau suivant compare l'effort de R&T et de R&D dans quatre pays au titre de leurs budgets de la défense.

Plusieurs remarques peuvent être effectuées :

- depuis le milieu des années 90, le niveau des dépenses publiques de R&D militaire est comparable au Royaume-Uni et en France au-delà des variations annuelles. Par contre, l'Allemagne effectue un effort plus modeste compte tenu de ses capacités, même si on fait abstraction du domaine nucléaire et de la dissuasion qui ne la concernent pas et du secteur spatial sur lequel elle a opéré un retrait ces dernières années. Mais il est vrai que l'Allemagne réalise un effort de recherche civile plus important en valeur absolue, ce qui lui permet d'afficher un budget global de recherche (civile et militaire) supérieur à celui de la France ;

- la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne sont les principaux contributeurs à la R&D militaire en Europe, les autres pays apportant une contribution faible (l'Espagne et l'Italie fournissent un effort de l'ordre du tiers de celui de la France) ;

- le financement de la recherche de défense par les Etats européens, tant au niveau des études amont que de la R&D globale, est faible par rapport à l'effort réalisé par les Etats-Unis. Ceux-ci consacrent près de dix fois plus de crédits que la France et quatre fois plus que l'Union européenne ;

- le ratio R&T sur R&D en France est le plus faible des quatre pays. De plus, le ratio R&T sur budget total de la défense aux Etats-Unis est de 50 % supérieur à celui des pays européens cités. Les Etats-Unis privilégient la recherche la plus en amont des développements et des programmes. A cette remarque quantitative, il convient d'ajouter que les Etats-Unis investissent surtout dans les secteurs technologiques émergents.

ÉVOLUTION COMPARÉE DE LA RECHERCHE DE DÉFENSE

(en milliards de francs)

   

1995

1996

1997

1998

1999

2000

France

R & T

5,5

4,9

4,9

3,9

3,7

3,7

 

R & D

26,0

25,0

24,0

20,0

21,1

18,0

Royaume-Uni

R & T

4,6

4,9

4,6

4,4

   
 

R & D

16,0

17,0

20,0

23,0

   

Allemagne

R & T

2,9

2,9

2,8

2,7

   
 

R & D

9,6

8,9

9,4

8,5

   

Etats-Unis

R & T

21,0

20,0

23,0

24,0

   
 

R & D

177,0

172,0

163,0

185,0

   

Source DGA

b) L'effort global de recherche civile et militaire

Le tableau suivant essaye de retracer les dépenses intérieures de recherche et développement, civiles et militaires.

De manière générale, l'effort global de recherche dans les principaux pays de l'OCDE appelle les remarques suivantes :

- l'effort global de R&D de l'Union européenne ramené au PIB décroît régulièrement depuis dix ans et l'écart se creuse avec les Etats-Unis et le Japon. Les niveaux d'investissement en R&D des pays européens restent en outre dispersés, tant en valeur absolue que relative par rapport au PIB ;

- de plus, alors que l'écart entre les dépenses publiques se stabilise, celui qui sépare les dépenses des entreprises américaines et européennes s'accentue, mais il est vrai également que les profils de répartition des dépenses de recherche entre secteurs publics et privés varient considérablement dans les pays européens ;

- l'Union européenne dispose d'un nombre plus faible de chercheurs (5,1 pour 1 000 actifs en 1997) qu'au Etats-Unis (7,4) ou au Japon (8,5), et ses entreprises emploient beaucoup moins de chercheurs (2,5 pour 1 000 actifs en 1997) que leurs homologues japonaises (6) ou américaines (6,7).

La France est un des rares pays à consacrer plus de 1 % du PIB aux dépenses civiles et militaires de R&D. Mais sa position au plan mondial, en volume comme en part relative, masque des spécificités qui ne constituent pas toujours des atouts :

- alors que l'effort global de R&D a progressé plus rapidement que le PIB dans les années 807, la réduction des crédits publics, en particulier sur les programmes militaires, a inversé l'évolution et la dépense de R&D ramenée au PIB a tendance à se réduire ;

- l'origine publique du financement de la recherche reste prépondérante (même si elle a tendance à se réduire) et le poids du secteur public se maintient à un niveau de près de 40 % pour l'exécution de la R&D ;

- la concentration de l'effort de R&D est double. Les financements publics profitent essentiellement aux grands organismes de recherche et sont concentrés sur des secteurs économiques déjà établis.

Les arbitrages en faveur de la R&D diffèrent selon les grands pays industriels. Sur les années 90, les crédits qui lui sont consacrés ont chuté en Allemagne et encore plus en France tandis que les Etats-Unis et le Royaume-Uni, après avoir infléchi leur effort au début de la décennie, sont revenus à un niveau supérieur en 1999 par rapport en 1990 : en valeur absolue, la R&D a même augmenté de 1 % aux Etats-Unis.

Ainsi la part de la R&D dans le budget d'équipement militaire est passée de 30 % en 1991 à 40 % en 1999 aux Etats-Unis.

B. UNE ALLOCATION INADÉQUATE DES RESSOURCES ENTRE BÉNÉFICIAIRES

Malgré la réorientation des objectifs de la DGA, l'essentiel de l'effort de recherche-amont financé sur crédits budgétaires reste destiné aux grands groupes industriels du secteur de défense et de l'aéronautique.

1. Une concentration excessive des financements

La concentration des financements publics sur certaines entreprises est une réalité connue depuis longtemps par les différents acteurs. Certains estiment même que la réduction des crédits budgétaires et les restructurations industrielles se sont conjuguées pour accroître le phénomène de concentration des dotations publiques sur les principaux donneurs d'ordre et les grands groupes industriels.

DESTINATION, SELON LE TYPE D'ENTREPRISES,
DES FINANCEMENTS DE LA R&D EXÉCUTÉE EN 1994

en %

Type d'entreprise

Contrats Défense

GPT civils

Crédits incitatifs

Financements par le Groupe

Financements par autres entreprises

Financements propres

Total

A

97,6

86,3

25,4

28,8

70,3

22,1

36,1

B

1,0

11,3

38,8

68,6

14,1

58,9

49,7

C

1,3

2,4

2,4

2,7

15,5

19,0

14,2

Total en %

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

Volume (en milliards de F)

11,7

8,0

3,5

21,5

7,3

83,8

135,8

ORIGINE SELON LE TYPE D'ENTREPRISES,
DES FINANCEMENTS DE LA R&D EXÉCUTÉE EN 1994

en %

Type d'entreprise

Contrats Défense

GPT civils

Crédits incitatifs

Financements par le Groupe

Financements par autres entreprises

Financements propres

Total

Volume(en mdf)

A

23,3

14,0

1,8

12,6

10,5

37,8

100,0

49,0

B

0,2

1,3

2,0

21,8

1,5

73,1

100,0

67,5

C

0,8

1,0

6,5

3,0

5,9

82,8

100,0

19,3

Total

8,6

5,9

2,6

15,8

5,4

61,7

100,0

135,8

GPT : grands programmes technologiques

A cet égard, l'analyse du rapport de M. Henri Guillaume précédemment mentionné sur la ventilation des crédits publics par type d'entreprise et sur la structure du financement de la recherche des entreprises mérite d'être rappelée et prolongée pour les dernières années.

a) La concentration des crédits publics sur les grands groupes industriels liés à la défense

Au milieu des années 90, selon les données de l'Office des sciences et technologies et du ministère chargé de la Recherche, les groupes industriels français liés à la défense et leurs filiales (groupe A) percevaient près de 98 % des crédits en provenance du ministère de la Défense mais également 86,3 % des sommes inscrites sur les contrats des grands programmes civils. Ils recevaient par ailleurs près du quart des crédits incitatifs (crédits d'impôts recherche). Ils étaient donc destinataires de l'essentiel des financements publics de recherche.

Il semblerait qu'au même moment, ces entreprises aient globalement maintenu leurs investissements en R&D et aient accru le taux d'autofinancement de leur recherche8. Parallèlement, pour ce groupe d'entreprises, les contrats Défense ne constituaient que le quart des financements de R&D civile et militaire exécutée et l'ensemble de ce groupe ne réalisait que le tiers de la dépense de R&D civile et militaire des entreprises9.

Autrement dit, de manière globale, plus de la moitié de la R&D civilo-militaire est exécutée dans des entreprises sans relations contractuelles avec l'Etat (c'est-à-dire ne bénéficiant de contrats publics de R & D que pour moins de 5 % de leur R&D). Ce pourcentage est du même ordre pour les entreprises du secteur de l'électronique mais il est très faible pour celles du secteur aérospatial. Par contre, si les dépenses de R&D des entreprises bénéficiant de contrats Défense représentent plus du tiers des dépenses totales civiles et militaires, il est à noter que les entreprises bénéficiant de contrats Défense concentrent 98 % des dépenses totales dans le secteur aérospatial.

Les contrats liés aux programmes militaires ont représenté jusqu'à 11,7 milliards de francs en 1995 de financement externe pour la R&D effectuée par les entreprises. Si on ajoute une part significative des grands programmes technologiques dont la participation aux programmes militaires est indéniable (environ 7 milliards de francs en 1995), on constate que la R&D de défense a été financée pour environ les 2/3 sur crédits publics.

L'Observatoire de Sciences et Techniques a estimé en novembre 1997 que « les contrats publics de R&D liés aux grands programmes civils et militaires ne correspondent pas, sauf pour l'aérospatial, à des points forts technologiques et industriels valorisés sur les marchés mondiaux ».

b) Les conséquences sur les stratégies des industriels

Plusieurs analyses montrent qu'un clivage important est perceptible entre les groupes dépendant des commandes publiques et ceux qui présentent une plus grande autonomie à l'égard des contrats militaires.

Les conséquences de cette concentration sont de plusieurs types :

- d'une part, le taux d'autofinancement de la R&D est plus faible dans les groupes bénéficiant de contrats de recherche défense (50 %) alors qu'il s'élève à 95 % pour les groupes n'ayant pas de relations significatives avec la Défense. L'Office des sciences et technologies relève par ailleurs que ces mêmes entreprises très liées à la défense ne déposent qu'une part réduite des brevets français sur les technologies (14 % en 1995) ;

- l'argument selon lequel les grands groupes redistribuent les financements vers les PMI grâce au mécanisme des sous-traitances doit être relativisé avec la tendance au « rapatriement » de la R&D face à la baisse des dotations militaires. Ce phénomène peut cependant être difficilement mesuré ;

- la spécialisation des groupes industriels liés aux contrats du ministère de la Défense est forte même si une évolution s'est manifestée depuis quatre ou cinq ans en raison, d'une part, de la part croissante prise par les marchés civils dans les groupes à vocation duale, d'autre part, des mouvements de restructurations industrielles. Cette spécialisation a cependant posé les questions de la reconversion et de la diversification vers des marchés plus innovants ou plus porteurs.

c) La ventilation des contrats d'études amont

Le tableau suivant retrace la répartition par titulaire des montants des contrats d'études amont sur le titre V.

RÉPARTITION DES CRÉDITS D'ÉTUDES AMONT
PAR DESTINATAIRE

 

1998

1999

2000

Thomson-CSF

25 %

23 %

21 %

Aérospatiale

5 %

-

-

Matra

3 %

-

-

Aérospatiale-Matra

-

11 %-

13 %

ONERA

7 %

7 %

6 %

Dassault Aviation

6 %

7 %

5 %

SNPE

3 %

3 %

4 %

GIAT

3 %

3 %

3 %

DCN

3 %

5 %

3 %

SNECMA

5 %

4 %

2 %

Sagem

3 %

2 %

2 %

Alcatel

2 %

2 %

1 %

Eurocopter

2 %

1 %

1 %

PME-PMI(1)

10 %

8 %

8 %

Autres

23 %

23 %

31 %

Total études amont

100 %

100 %

100 %

(1) y compris les filiales de grands groupes

Source DGA

La DGA estime ainsi que les douze principaux titulaires des marchés d'études amont ont bénéficié des deux tiers des dotations en 1999 comme en 2000.

Lors de son audition devant la Commission de la Défense, le 3 mai 2000, M. Jean-Yves Helmer a estimé que les contrats d'études amont en 2000 avaient été répartis en faveur des grands maîtres d'_uvre pour 35 %, des équipementiers et des sous-ensembliers pour 20 %, des autres industriels pour 17 %, de l'ONERA pour 6 %, des PME-PMI pour 3 %.

Ce dernier chiffre appelle une analyse complémentaire compte tenu de la place que peuvent jouer les petites entreprises dans l'innovation.

2. L'insuffisance de l'orientation vers les PME-PMI

L'impact de la concentration des dépenses publiques de recherche amont a particulièrement concerné les PME-PMI. Mais la question principale est de savoir si la réduction de ces dépenses a eu pour conséquence d'accentuer un phénomène existant ou si un correctif a pu être apporté par l'évolution de la démarche de la DGA.

Deux types de conséquences peuvent être a priori envisagées : la raréfaction du tissu industriel donc son appauvrissement et l'appauvrissement des secteurs de recherche. En fait, aucune étude n'a été menée sur le secteur des PME-PMI de défense qui auraient pu étayer ou non ces deux thèses. Seules des impressions peuvent être dégagées des auditions du Comité Richelieu, du GIFAS ou du Conseil économique de la défense présidé par Mme Edwige Avice.

a) L'évolution de la politique de la DGA

La DGA estime que la politique visant à reconsidérer la place des PME-PMI permettra de leur accorder environ 120 projets supplémentaires de recherche par an, pour un montant global de près de 240 millions de francs.

En 1999, les PME non filiales de grands groupes ont bénéficié de 87 millions de francs de crédits d'études soit 3,2 % des crédits de R&D de défense. L'engagement pris de consacrer au moins 10 % des crédits d'études défense aux PME, ce qui aurait représenté près de 275 millions de francs en 1999, est encore loin d'être atteint même si on ajoute les dotations dont ont bénéficié les filiales des grands groupes. La baisse est sensible autant en valeur absolue (en 1998 les PME ont eu accès à 143 millions de francs d'études allouées par la DGA) qu'en valeur relative (la part des études amont confiées aux PME a régressé de 5 % en 1995 à 4,7 % en 1998).

Pour remédier à cette dégradation et aider à l'émergence de technologies innovantes, la DGA a proposé deux nouvelles procédures :

les appels à projet

Pour la première fois, en avril 1999, la DGA a publié un annuaire de thèmes d'études adaptés aux PME pour lesquels elle envisageait de passer des contrats. Il s'agit donc d'une réflexion en amont qui entretient une forme de veille technologique en repérant les innovations. L'appel à projets prend la forme de tableau précisant le thème de l'étude, l'objet de l'étude, le domaine de compétence requis, les spécificités attendues de l'industriel, la date de consultation et les coordonnées du responsable de la DGA en charge du thème. Le premier annuaire comportait 59 thèmes. 9 thèmes supplémentaires ont été ajoutés en octobre 1999, une trentaine en mars 2000. En moyenne, entre 3 et 4 PME se sont déclarées pour chacun des thèmes. En l'absence de tout outil d'évaluation, la DGA n'est pas en mesure de savoir elle-même combien de contrats d'études de ce type ont été conclus.

les propositions non sollicitées

Il s'agit d'un guichet de la DGA qui permet de recevoir les propositions technologiques des PME et de les diffuser dans ses services pour analyse. Sur la trentaine de propositions reçues en 1999, la DGA a retenu en mars 2000 une dizaine d'entre elles qui pourraient déboucher sur des propositions de contrats pour un montant évalué par le Comité Richelieu à environ 17 millions de francs.

Le retard dans la passation des appels d'offres ou la sanction de certains projets par la Commission centrale des marchés illustrent à nouveau les limites de l'application aux PME de haute technologie du Code des marchés publics. Mais la Direction du Budget a tendance à assimiler les projets de recherche à des biens d'équipement et n'envisage pas d'assouplir les règles des marchés publics en faveur des PME-PMI.

b) Les conséquences sur les PME-PMI

La plus vive inquiétude du Comité Richelieu a trait aux distorsions croissantes de concurrence sur le marché des études de défense. Il semble en effet que les conditions de mise en concurrence des entreprises éliminent de plus en plus les PME de haute technologie des marchés d'études qui ne profitent qu'aux grands groupes et à leurs filiales. Or dans le domaine des études, les PME sont compétitives car elles disposent d'équipes d'ingénieurs aux compétences reconnues et elles peuvent apporter des technologies innovantes, à la fois dans des secteurs clés et dans des domaines précis.

L'éviction n'a pas pour conséquence une perte à court terme de compétences car les technologies sont alors utilisées dans des applications civiles. C'est en fait les programmes militaires qui ne peuvent bénéficier de ces technologies.

Quelles sont les principales raisons de ce phénomène ? D'abord le code des marchés publics, davantage conçu pour les marchés de BTP, est inadapté pour les PME de défense, surtout dans le cas des nouvelles technologies. Les contraintes de procédures et de délais empêchent une parfaite connexion entre l'offre et la demande, et exclut les PME les plus performantes, qui ne soumissionnent même plus. Plusieurs cas ont été cités où le durcissement des conditions du code des marchés publics a éliminé des PME alors qu'elles proposaient le meilleur produit ou service, et ce, au détriment de l'Etat puisque le contrat de recherche a été refusé par le ministère des finances et que le projet a été différé voire annulé. Certains contrôleurs financiers ont remis en cause des marchés en refusant leur signature par simple méconnaissance du marché et en appliquant de manière trop stricte les règles du code des marchés publics en matière de délai de la procédure de sélection ou de mise en concurrence trop restreinte.

COMITÉ RICHELIEU

Créé en 1989, le Comité Richelieu est une association qui regroupe près de 210 PME indépendantes de haute technologie. Il assure le rôle classique de toute association professionnelle en facilitant la communication entre ses membres et en les représentant auprès des pouvoirs publics. Mais il contribue également au rapprochement entre ses adhérents et les grands groupes français, européens ou nord-américains.

Il a créé en 1996 la Fédération européenne des PME de haute technologie qui regroupe actuellement dix-neuf structures comparables dans les quinze pays de l'Union européenne. Il a lancé en 1996 le programme Met de rencontres individuelles à l'échelle européenne avec les laboratoires de recherche pour trouver de nouveaux clients, sélectionner de nouveaux fournisseurs, identifier les partenaires éventuels et accéder ensemble à de nouveaux marchés. Cinq secteurs attirent de plus en plus les représentants de grands groupes (électronique, matériaux, optique, outils logiciels, traitement du signal).

La participation des PME aux études amont de défense est donc conditionnée d'une part à une réforme du code des marchés publics ou un assouplissement de ses règles, d'autre part, à une plus grande synergie entre PME et grands groupes. A cet égard, il convient de noter que l'accession aux crédits européens de recherche (dans le cadre du PCRD) est souvent liée à la présentation d'un projet associant grands groupes et PME. On assiste ainsi au développement de coopérations croisées, un groupe cherchant à s'associer à des PME d'autres pays européens. Cette coopération a d'ailleurs le mérite de favoriser les collaborations qui peuvent aller jusqu'aux partenariats et à des offres communes. Les groupes français utilisent ainsi le réseau mis en place par la Fédération européenne des PME de haute technologie10.

Cette association est rendue nécessaire par le fait que les PME éprouvent des difficultés à utiliser directement les fonds européens d'études. Un seul adhérent du Comité Richelieu a ainsi participé au programme Euclid créé en 1996 sous l'égide de l'UEO.

c) La nécessité de dispositifs incitatifs

La direction de la Commission européenne en charge des Entreprises a passé un contrat avec le Comité Richelieu pour réaliser une étude sur les mécanismes existants pour favoriser l'accès équilibré des PME aux crédits publics d'études. Cette analyse concerne aussi bien les Etats-Unis que les pays de l'Union européenne. L'un des objectifs est de savoir comment transposer en Europe les mécanismes américains qui fonctionnent11 en les intégrant dans les différentes politiques nationales.

Par ailleurs, la DGA a accepté de financer, pour une période de un an, un forum géré par le Comité Richelieu afin de faciliter les rencontres entre PME et grands groupes (ce forum utilise Internet et permet donc un dialogue continu en direct). Au-delà de cette année, il sera nécessaire que le Comité Richelieu ait convaincu les groupes de l'intérêt de ce forum afin qu'ils prennent le relais de son financement.

C. UNE ORIENTATION PAS ENTIÈREMENT SATISFAISANTE DES DOMAINES DE RECHERCHE

En ce qui concerne les domaines de recherche, deux approches sont concevables, soit une analyse au niveau de chaque entreprise ou secteur d'activité, soit une analyse globale à partir des financements publics des systèmes de forces ou des finalités.

1. L'approche par financements publics

a) L'analyse par systèmes de forces

Les tableaux ci-après retracent par grand domaine d'activités l'évolution des crédits d'études amont. Le premier tableau fournit une articulation des programmes d'études amont autour des grands systèmes de forces. Les principaux axes de travaux par systèmes de forces sont rappelés dans les tableaux suivants.

RÉPARTITION DES AUTORISATIONS DE PROGRAMME
EN LOI DE FINANCES INITIALE

 

1998

1999

Systèmes de forces

en %

en %

Dissuasion

10,7

11,1

Commandement, conduite, communication, renseignement

13,4

11,0

Mobilité stratégique et tactique

2,3

3,0

Frappes dans la profondeur

5,0

5,9

Maîtrise du milieu aéroterrestre

13,8

13,4

Maîtrise du milieu aéromaritime

8,2

10,3

Maîtrise du milieu aérospatial

17,3

16,5

Préparation et maintien de la capacité opérationnelle

4,3

4,7

Multiple (PEA intéressant plus de trois systèmes de forces)

15,3

14,4

Hors systèmes de forces (études générales de l'ONERA, opérations non programmées)

9,7

9,7

TOTAL

100,0

100,0

Les programmes d'études amont ont pour objet de couvrir les besoins futurs de différents systèmes de forces : dissuasion, commandement-conduite-communications-renseignement (C 3 R), mobilité stratégique et tactique, frappes dans la profondeur, maîtrise du milieu aéroterrestre, maîtrise du milieu aéromaritime, maîtrise du milieu aérospatial, préparation et maintien de la capacité opérationnelle.

CONTENU DES ÉTUDES AMONT PAR SYSTÈME DE FORCES

Les études amont du système de forces Dissuasion, caractérisé par la volonté d'indépendance nationale, concernent :

- la réduction du coût global de possession, incluant des actions sur les propulseurs et sur la conception des chaînes fonctionnelles ;

- la sûreté nucléaire, avec notamment des travaux sur la connaissance des réponses des propulseurs aux diverses sollicitations et sur l'amélioration des méthodologies ;

- le maintien de la capacité nationale et la simulation du fonctionnement des systèmes d'armes nucléaires.

Les axes majeurs des études amont pour le système de forces C 3 R sont marqués par :

- la volonté de conduire une opération interarmées multinationale ;

- la volonté de détenir une capacité propre d'anticipation et de compréhension de la situation, sur le plan du renseignement tant stratégique que de théâtre ;

- le besoin d'interopérabilité en national et en multinational;

- l'optimisation coût/performances en faisant appel aux technologies civiles, en fédérant certains besoins et en recherchant les possibilités de coopération, notamment dans le domaine spatial.

Les axes majeurs des études amont dans le domaine de la mobilité stratégique et tactique concernent principalement :

- d'une part, les vecteurs de transport rapide et à longue distance de charges lourdes et/ou encombrantes, à l'horizon 2005/2010 (notamment navire à grande capacité et à vitesse élevée) ;

- d'autre part, les moyens de réduction des ruptures de charges, soit essentiellement les sous-vecteurs (hélicoptères, convertibles, moyens amphibies, etc.).

Le système de forces Frappe dans la profondeur a pour finalité de neutraliser, de dégrader ou de détruire le potentiel et les moyens de l'adversaire. Les études visent à préparer une diversification des vecteurs d'action (notamment dans les domaines étude et emploi des drones, munition tirable à très grande distance et meilleure connaissance de l'environnement de combat). De plus, de nombreuses études portent sur les vecteurs aériens et sont donc conjointes avec le système de forces concernant la maîtrise du milieu aérospatial. Elles portent sur la maîtrise des signatures et l'intégration des armements, le futur moteur, le radar aéroporté à modules actifs et la conduite de tir.

Les études menées pour la Maîtrise du milieu aéroterrestre doivent assurer :

- la supériorité par la maîtrise de l'information, avec une acquisition et une gestion optimisées du renseignement, permettant d'accéder à la transparence de la zone d'engagement ;

- l'agilité dans la man_uvre, de manière à imposer à l'adversaire un rythme supérieur à ses possibilités d'action et à disposer de la capacité à répartir les effets de manière optimale, dans le temps et dans l'espace ;

- la protection, afin d'assurer la préservation du potentiel humain et celle des systèmes d'armes ;

- la capacité de délivrer des feux précis à grande portée.

Les grandes orientations technologiques auxquelles répondent les études amont de la Maîtrise du milieu aéromaritime relèvent de six catégories : la diminution des coûts de possession ; la disponibilité opérationnelle et la sécurité opérationnelle accrues ; la synergie renforcée entre programmes ; la gestion multi plates-formes des senseurs et des armes ; le renouvellement des capacités de lutte contre les mines marines et le renforcement de celles de lutte sous-marine par petits fonds ; la maîtrise de l'environnement physique et opérationnel dans les zones littorales, y compris sur les théâtres d'opérations les plus éloignés.

Pour la Maîtrise du milieu aérospatial, les études doivent permettre l'amélioration des performances et la réduction des coûts des avions de combat, la préparation des composants majeurs d'un futur avion de combat, les composants élémentaires d'une défense de point contre les missiles balistiques.

Les études amont concernant la préparation et le maintien des capacités opérationnelles visent, d'une part, la préparation de l'homme (sélection, formation, entraînement individuel et collectif) ; d'autre part, la préparation de l'action (planification opérationnelle) ; enfin, le soutien logistique de l'action (soutien de l'homme, soutien santé, soutien des matériels, soutien pétrolier et infrastructures opérationnelles).

b) L'approche par finalité

La DGA a renoncé à une politique de recherche exhaustive (où toutes les solutions sont envisagées et tous les domaines exploités), trop exigeante en financements. Elle privilégie de plus en plus une approche sélective en termes d'axes technologiques (seules les solutions a priori les plus opérationnelles sont privilégiées et seuls certains domaines sont retenus).

Une telle option permet de concentrer les efforts sur un petit nombre de domaines, dont l'intérêt est démontré, et d'éviter les recherches infructueuses. Elle a deux inconvénients : la tentation de ne lancer des études que sur des domaines déjà explorés par les pays les plus en avance sur le plan technologique comme les Etats-Unis et par conséquent d'être toujours en retard ; l'appauvrissement du champ des recherches notamment de la recherche fondamentale.

Les axes d'effort suivants ont été plus particulièrement soulignés dans l'orientation ministérielle pour 2000 :

- le renseignement (systèmes et technologies des capteurs, traitement des informations, drones et satellites) ;

- l'interopérabilité des systèmes d'information et de communication comme de préparation de mission ;

- la lutte contre la menace biologique ;

- la maîtrise des systèmes complexes ;

- la sécurité des systèmes d'information ;

- l'évaluation des armes nouvelles dont l'apparition est rendue possible par les technologies émergentes, sur le plan des menaces qu'elles représenteront ou des opportunités qu'elles offriront à notre défense ;

- les systèmes nouveaux comme les micro-drones et les capteurs (imagerie spectrale, autodirecteurs).

Le Délégué général pour l'Armement a fait observer que les études concernaient, pour un quart de leur montant financier, des travaux de recherche et d'innovation très en amont des programmes, pour un quart les architectures et systèmes de forces et pour la moitié la mise en _uvre de technologies déjà maîtrisées. Ainsi, les études amont préparent des programmes dont le lancement interviendra à long terme (au-delà de dix ans) pour 16 % d'entre elles, à moyen terme (horizon de trois à dix ans) pour 71 % d'entre elles et à court terme (délai inférieur à deux ans) pour 13 % d'entre elles.

Mais la nature des travaux dépend aussi des orientations prises sur le plan de la coopération internationale, de la politique d'achat ou de l'apport du secteur civil. On peut ainsi distinguer :

les recherches technologiques, qui visent à améliorer les technologies disponibles ou à innover et renforcer la compétitivité des industriels de l'armement. Ces recherches technologiques sont ciblées sur les domaines pour lesquels il s'agit de conserver ou d'acquérir des positions industrielles ou pour lesquels elles constituent la seule garantie de disposer du matériel nécessaire ;

les études d'expertise, qui visent à éclairer les choix en matière de recherche et de programmes futurs et à renforcer ainsi la compétence d'acheteur du ministère de la Défense, couvrent notamment les domaines pour lesquels une politique d'achat sur étagère a été décidée ou pour lesquels le secteur civil est meneur.

Il semble par ailleurs que l'approche par domaine retenu ne permet pas de juger du degré d'innovation des programmes concernés. D'après le rapport de M. Jean-Michel Boucheron au nom de la Commission des Finances de l'Assemblée nationale pour la loi de finances initiale pour 2000, seul 1 % des dotations budgétaires serait consacré « aux nouvelles armes adaptées à l'évolution de la menace ou de l'engagement des forces ».

2. L'analyse par secteur d'activité

Dans le cas d'une approche par secteur d'activité ou par entreprise, la répartition des dépenses de R&D permet de qualifier les compétences de l'industriel et d'apprécier l'évolution de son domaine d'activité. Pour ne pas prétendre à un recensement exhaustif, votre Rapporteure ne retiendra que trois exemples significatifs.

a) L'armement terrestre

Le GICAT (groupement des industriels concernés par l'armement terrestre) a mené en 1997 une réflexion sur les conséquences de l'évolution des études amont pour le devenir des armements terrestres. Il est intéressant de rappeler les principales conclusions de ce rapport et d'en prolonger les tendances.

- la réduction des crédits consacrés au secteur des armements terrestres au cours des années 90 a été plus forte que pour l'ensemble du budget de la défense, notamment en ce qui concerne la R&D (36 % contre 23 % de 1990 à 1997). Les crédits d'études amont dans la section Forces terrestres ont diminué plus rapidement que le budget d'équipement des forces terrestres (32 % contre 26 %) et que le total des études amont classiques (32 % contre 27 %).

Cette évolution a été confirmée par l'exécution de la loi de programmation militaire 1997-2002.

- parallèlement, l'autofinancement de la R&D par le secteur industriel a reculé en liaison avec les baisses du chiffre d'affaires (environ 40 %) et de la rentabilité qui ont entraîné chez certains industriels des résultats négatifs. De plus, une part prépondérante de l'autofinancement a été consacrée aux développements de certains programmes majeurs.

La place des armements terrestres a subi depuis dix ans une évolution considérable et toutes les études menées, tant dans le Livre Blanc sur la défense de 1994 que pour la préparation des lois de programmation militaire, ont cherché à justifier la moindre importance accordée à ce secteur compte tenu des modifications du contexte stratégique

Cependant, la réduction des crédits d'études amont a des répercussions plus importantes que dans d'autres secteurs en raison de la spécificité des armements terrestres et de la fragilité du secteur. Les programmes majeurs supposent des socles technologiques pour des séries restant faibles. Le retour sur investissement pour les industriels n'a lieu qu'au bout de quinze ans dans le meilleur des cas, la phase de production pouvant démarrer seulement vingt ans après la décision de lancement du programme. De plus, le statut particulier et les difficultés de l'entreprise nationale Giat Industries ont renforcé le poids de l'Etat et réduit l'autonomie de décision relative aux recherches.

Par ailleurs, il ne semble pas que la France reste un partenaire leader en Europe en matière de véhicules terrestres comme en témoigne la difficulté pour Giat Industries de nouer des alliances fortes dans un partenariat allemand ou britannique.

La tentation pourrait alors être grande de considérer qu'une partie des armements terrestres du futur sera acquise sans qu'il y ait eu au préalable un développement national. La spirale descendante serait alors enclenchée pour une partie du secteur : l'absence de recherches suffisantes condamnerait l'avenir technologique, les transferts de maîtrise d'ouvrage s'opéreraient au détriment des compétences françaises ce qui justifierait en retour une nouvelle baisse des financements publics en R&D. Celle-ci ne pourra pas être compensée par les industriels qui hésiteront à prendre le risque de ne pas être retenus à la suite d'un appel d'offres et qui ne seront plus assurés d'une part réservée du financement des projets à la suite de l'abandon du principe du juste retour (abandon consacré dans le cadre de l'OCCAR sur lequel votre Rapporteure reviendra).

b) Le secteur spatial

Les programmes spatiaux apparaissent aussi marqués par des spécificités. Les opérateurs (en particulier ceux de télécommunications), soumis à la pression du marché civil, imposent des cycles de développement de plus en plus courts pour les nouvelles générations d'équipements ce qui oblige les concepteurs des systèmes et les industriels à disposer « à l'avance » non seulement de briques technologiques mais aussi d'équipements déjà validés. De plus, les faibles séries de satellites commandés par les pays européens soulignent l'importance des démonstrateurs.

Ainsi, le satellite de démonstration Stentor a permis d'expérimenter et de valider des innovations technologiques dans les conditions réelles d'environnement propres à l'espace. Même si, à court terme, l'effort consenti par le CNES a pu masquer le tarissement du soutien de France Télécom après sa privatisation, le programme Stentor se termine sans qu'un projet n'en prenne le relais. Dans le cas des programmes militaires, les démonstrateurs apparaissent encore plus nécessaires surtout pour les nouvelles capacités (écoutes, alerte avancée).

Le problème est similaire pour les équipements spatiaux d'observation ou de météorologie ainsi que pour les lanceurs. Il conduit souvent à opérer des sauts technologiques. Ainsi, pour abaisser les prix des lancements, conformément aux souhaits des utilisateurs, il est nécessaire d'accroître le niveau de fiabilité et les performances d'emport des lanceurs. En ce qui concerne les lanceurs réutilisables, le retard pris par l'Europe par rapport aux Etats-Unis suppose, si on veut y remédier, de développer des programmes pour des technologies qui ne sont pas aujourd'hui maîtrisées (matériaux notamment thermostruturaux, aérodynamique, propulsion).

Le niveau de l'engagement public paraît insuffisant par rapport aux ambitions affichées dans le domaine spatial, au niveau national (remplacement du système de communications militaires Syracuse, seconde génération de satellites d'observation Hélios, participation éventuelle à un satellite radar) ou européen (projet de navigation par satellite GNSS 1 et GNSS 2). Il est de toutes façons sans commune mesure avec l'effort réalisé par les Etats-Unis, soit au travers du DoD, soit par le canal de la NASA. Or, compte tenu de la spécificité des technologies et des faibles séries (en dehors des constellations de satellites de communications), les industriels ne peuvent pas prendre le relais des Etats.

c) L'électronique de défense

La répartition mentionnée plus haut des dépenses internes de R&D exécutée par Thomson-CSF permet de retrouver ses compétences technologiques. Les différents axes répertoriés se retrouvent au niveau des six groupes de recherche du laboratoire central de recherche Thomson-CSF.

RÉPARTITION DE LA R&D EXÉCUTÉE
PAR THOMSON-CSF EN 1999

Logiciels

36 %

Mécanique

6 %

Electronique

25 %

Intégration système

4 %

Aménagement technique
et expertise

12 %

Divers « hardware »

8 %

Ingénierie système

9 %

Total

100 %

Source Thomson-CSF

   

D. LES CONSĖQUENCES ÉCONOMIQUES DE LA DIMINUTION DE L'EFFORT DE RECHERCHE

Les conséquences de l'évolution des dotations consacrées à la recherche amont de défense, tant dans leur niveau que dans leur allocation, sont multiples. Elles sont liées de manière évidente au rôle de la recherche amont dans l'économie, ce qui oblige à quelques rappels théoriques. Deux points appellent particulièrement l'attention, d'une part le rôle d'entraînement des dépenses militaires, d'autre part les conséquences de l'évolution de l'effort de recherche de défense sur la compétitivité des équipements militaires et la capacité d'innovation des entreprises.

Mais l'interrogation majeure porte sur la perte à terme de compétences technologiques donc d'une certaine indépendance nationale ou européenne.

1. Le rôle de la recherche amont dans le développement économique

a) L'aspect théorique

L'impact des dépenses militaires en général sur l'économie est un sujet controversé où s'opposent :

- un courant keynésien qui reconnaît aux dépenses d'armement un effet multiplicateur d'investissements et d'emplois à l'instar de toute autre dépense. Pour certains économistes, la préparation de la guerre a même été considérée comme un facteur essentiel de progrès technologique en raison des programmes engagés et des budgets alloués ;

- un courant de pensée qui estime les dépenses militaires structurellement improductives. L'impact sur l'économie serait négatif dans ce cas : les dépenses d'équipement représenteraient une charge réelle creusant les déficits budgétaires, une ponction sur des ressources qui pourraient être mieux affectées. Dans le cas de la recherche, il y aurait un phénomène d'éviction des dépenses civiles plus favorables à la diffusion de l'innovation.

En fait, la plupart des analyses économiques concluent à une absence de lien entre dépenses d'armement et taux de croissance. De trop nombreux facteurs semblent en effet entrer en jeu : la structure de l'économie nationale, la position dans le cycle économique, la nature de la dépense... Ainsi, les exportations d'armes ont longtemps contribué en France au solde positif du commerce extérieur. Mais si certains marchés à l'exportation ont permis aux industriels de réaliser des marges importantes et de financer ainsi de nouveaux développements, les pouvoirs publics se sont quelquefois engagés sur des marchés comportant des risques financiers.

_ La problématique de la dépense de recherche de défense semble plus complexe.

Des travaux récents ont conclu que la bonne allocation des dotations ne dépendait pas de leur origine (publique ou privée) mais des secteurs d'activité vers lesquels elles étaient orientées.

Contrairement à la théorie classique, les activités de recherche ne seraient pas soumises à la loi des rendements décroissants des investissements et elles constitueraient un domaine dans lequel la puissance publique s'avérerait efficace dans l'allocation des ressources. La raison essentielle en serait l'imperfection des marchés, notamment les situations de concurrence imparfaite pour les industries de haute technologie. De plus, les financements publics de projets de recherche à risques limiteraient les risques que les industriels seraient peu enclins à assumer.

Dans le cas de la recherche amont de défense, la dépense militaire engendrerait des externalités importantes (mobilité des chercheurs, transfert de technologies) susceptibles de compenser les effets d'éviction.

Les retombées technologiques des recherches de défense sont également largement discutées. La question est de savoir si l'effort financier en faveur de la recherche de défense profite ou non aux secteurs civils, ce qui rejoint les interrogations déjà exprimées à propos de la dualité et de la coordination des efforts civils et militaires.

_ En ce qui concerne les dépenses de R&D, trois corrélations ont été relevées par l'OCDE et rappelées dans le rapport du Commissaire Philippe Busquin « Vers un espace européen de la recherche » :

- le déficit commercial de l'Union européenne dans les échanges extérieurs de produits de haute technologie continue à se dégrader depuis 1987 face aux Etats-Unis et au Japon ;

- les industries de haute technologie créent davantage d'emplois que les autres et les pays qui ont une forte spécialisation dans les secteurs de haute technologie se défendent mieux contre le chômage ;

- les régions européennes qui investissent le plus dans la R&D connaissent un taux de chômage relativement plus faible que les autres.

b) Les conséquences de l'évolution de l'effort de recherche

Les conséquences de la baisse et de la réorientation des crédits d'études amont depuis une dizaine d'années sont difficiles à évaluer. Plusieurs évolutions ont été constatées :

- la réallocation des ressources consacrées à la recherche militaire ;

- la rationalisation du choix des programmes de recherche en fonction des capacités opérationnelles souhaitées ;

- la recherche de synergies entre domaines civil et militaire au moyen d'un transfert plus efficace des technologies, d'un décloisonnement des équipes de recherche et d'une tendance à maximiser les technologies militaires par des applications commerciales. Ce phénomène est surtout constaté aux Etats-Unis et au Royaume-Uni.

_ L'effort de recherche amont peut produire trois types d'effets de levier :

- un effet économique, qui permet de réduire les coûts de développement en limitant les risques pris par l'industriel en amont et d'améliorer la compétitivité des matériels.

Les conséquences économiques et commerciales sont importantes. Il est essentiel que les produits soient prêts à temps pour bénéficier d'un avantage technologique comparatif sur les marchés (exemples du moteur CFM 56 par rapport à son concurrent V 2 500 ou du Rafale par rapport à l'Eurofighter).

Inversement, tout retard dans un programme militaire prive les équipements de leur avance technologique comparative et de leur compétitivité. Ainsi, alors que le moteur M 88 de SNECMA était le plus performant dans sa catégorie au niveau mondial lors de sa qualification, la nouvelle génération des turboréacteurs fait apparaître un retard évalué par la DGA à dix ans par rapport aux programmes américains. De même, les projets de moteurs à hautes performances (puissance multipliée par deux et consommation réduite de 40 %) font l'objet de toutes les attentions : financements publics importants, classification du programme, aucun partage de savoir-faire.

- un effet technologique, pour maintenir les compétences et accroître les opportunités de détection des technologies de rupture. 

- un effet industriel, qui garantit le positionnement de l'industrie française pour l'avenir et maintient la capacité d'innovation des PME-PMI qui occupent des niches technologiques.

Pour les sociétés qui justifient leur position par leur excellence technologique sur des créneaux précis, la diminution des budgets consacrés aux programmes militaires a pour effet de les empêcher de dégager suffisamment de marges pour maintenir l'autosuffisance technologique. En d'autres termes, elles investissent moins dans les domaines qui permettraient de maintenir leurs compétences spécifiques. Ceci est encore plus vrai lorsque les contrats à l'étranger financent les dépenses de développement et le maintien d'expertise, les contrats avec l'Etat français concernant davantage les études amont...

Dans ce domaine, la différence majeure entre les PME-PMI et des sociétés de moyenne importance comme les équipementiers est que les PME-PMI espèrent financer leurs recherches par crédits publics alors que les équipementiers ont longtemps compté sur les exportations pour financer la recherche. Ils semblent cependant aujourd'hui remettre en cause cette stratégie. De plus les PME-PMI n'ont pas les moyens de passer à l'étape industrielle qui requiert des investissements importants alors que des sociétés ne trouvent d'intérêt dans la recherche que si elle est suivie d'une phase productive.

En outre, il existe des tailles critiques au niveau des équipes de recherche. Les sociétés moyennes ne peuvent pas entretenir ces équipes dans leur globalité sans avoir de contrats car elles ne peuvent répercuter ces charges sur les nouveaux contrats. Les groupes ont tendance à réduire leurs équipes de chercheurs. Ils préfèrent le plus souvent opérer des arbitrages en conservant des secteurs et en en abandonnant d'autres au profit éventuellement de leurs sous-traitants.

La disparition progressive des équipes conduit à la perte de compétences dans les technologies maîtrisées jusqu'alors. Des exemples peuvent être cités dans les domaines de la navigation inertielle, des gyroscopes, des techniques de détection ou de guidage infrarouge. Les positions qui étaient fortes dans ces domaines s'effritent et se réduisent.

De plus, les grands groupes ont tendance à accentuer l'intégration verticale. Mais celle-ci n'est pas toujours favorable à l'innovation. Quand le tissu de chercheurs sera détruit, ils n'investiront pas pour le recréer car l'effort financier les dépassera.

De même, selon les études menées par le comité AERO-PME du GIFAS, (il est en fonction depuis cinq ans et regroupe 80 sociétés obéissant à des conditions de sélection), le problème des PME-PMI françaises est avant tout capitalistique, en raison de la nature souvent familiale du patrimoine. Ces entreprises ne sont pas capables de mener sur le long terme des études de défense car elles ne peuvent supporter les ruptures de financement dans les contrats de recherche. Pourtant, dans certaines niches technologiques, les grands groupes éprouvent eux-aussi des difficultés à maintenir leurs compétences, car celles-ci ne correspondent pas toujours au c_ur de leur métier. Les maîtres d'_uvre ont alors tendance à sous-traiter la R&D et, dans un contexte budgétaire restreint, à peser sur les prix de la recherche confiée aux sous-traitants et à réduire le nombre de leurs fournisseurs.

La rétraction des marchés auxquels les équipementiers ont accès conduit à la perte progressive de compétitivité technologique et de compétitivité prix (car les équipementiers ne peuvent être compétitifs au niveau des prix que si est accentuée la globalisation des marchés, c'est-à-dire des mêmes équipements pour des programmes différents), donc à la disparition programmée de pôles de haute technologie.

2. Le débat sur la perte de compétences technologiques

Tant les industriels que les représentants des administrations publiques ont fait part à votre Rapporteure de leurs plus vives inquiétudes quant à la conséquence la plus pénalisante des baisses de l'effort de recherche de défense et plus particulièrement de l'effort de recherche amont, à savoir la perte de compétences technologiques.

a) La perte d'indépendance technologique

Le débat sur les compétences technologiques est né de la prise de conscience d'un certain nombre de phénomènes qui font douter de la pertinence de la démarche française actuelle :

- le champ des technologies de la défense ne fait que s'accroître sous l'influence de l'évolution des menaces potentielles et de l'émergence de nouveaux modes opératoires dans le domaine militaire. Une réflexion dans un cadre à la fois national et européen paraît impérative. Or force est de constater que les réflexions du Livre Blanc sur la défense ou la préparation des lois de programmation militaire sont restées dans un cadre national et qu'aucune démarche n'a été entreprise pour coordonner les différentes initiatives nationales à un échelon européen ;

- les caractéristiques des technologies spécifiques à la défense, dont le coût d'accès croît, supposent que des investissements importants leur soient consacrés pour obtenir des résultats significatifs, surtout dans le cas des technologies dites génériques, et que les efforts d'investissement soient maintenus dans le temps. Or, depuis quelques années, comme nous l'avons vu, le budget de la défense a trop souvent été considéré comme une variable d'ajustement du budget général et les dépenses de recherche ont été les plus touchées tant par les réductions que par l'incertitude de leur exécution ;

- les programmes de défense sont de moins en moins concernés en fait par les grands programmes technologiques civils, qu'ils soient financés sur crédits nationaux ou européens. La synergie entre les ministères français chargés de la recherche semble même régresser, comme on l'a vu avec l'abandon de la procédure de cofinancement d'actions de recherche duale.

Dans ces conditions, la perte de compétences technologiques est inéluctable s'il n'y a pas de remise en cause des politiques d'acquisition des équipements et de gestion des crédits de recherche de défense, ou si aucune stratégie de recherche n'est définie, d'abord au niveau national puis au niveau européen. La perte de compétences peut être évaluée en termes absolus si on compare dans le temps les technologies maîtrisées par notre pays et si on opère des projections dans l'avenir. Elle peut également être analysée de manière comparative et il est alors fait davantage référence au creusement du fossé technologique entre l'Europe et les Etats-Unis.

Une récente étude de l'UEO évoque, davantage qu'un fossé technologique avec les Etats-Unis, un écart dans les capacités militaires opérationnelles dû à la distorsion des dotations budgétaires consacrées à l'équipement militaire. Cette approche prend donc davantage en compte la situation des forces armées européennes au regard de leurs besoins technologiques.

Il n'en demeure pas moins que de nombreux exemples ont été couramment cités à votre Rapporteure pour illustrer la notion de fossé technologique et la perte progressive de compétences.

Ainsi le domaine des technologies liées à la cryptographie (chiffrement) et à la cryptanalyse (déchiffrement) montre la suprématie - technologique et commerciale - des Etats-Unis sur les pays européens. Certains interlocuteurs ont souligné l'atonie du secteur industriel français et en ont déduit la nécessité d'une politique publique dynamique, par exemple au moyen de commandes de biens de sécurité pour les administrations et les services publics afin de renforcer la protection des systèmes d'information et de communication.

Bien d'autres domaines peuvent être cités comme les composants hyperfréquences, les composants durcis (pour les applications spatiales), les moteurs aéronautiques militaires, les armes à énergie dirigée. Dans certains cas, les compétences scientifiques existent en France ou en Europe mais la position industrielle est faible.

Il s'agit au pareil cas d'une perte d'indépendance technologique pour la France et pour l'Europe car seuls les Etats-Unis seront capables de développer puis de commercialiser ces technologies.

Anticipant sur cette situation, certains donneurs d'ordres français ont d'ailleurs tendance à intégrer des technologies américaines dans leurs systèmes alors qu'il existe des équivalents français ou européens, prenant ainsi le risque d'une dépendance notamment dans le cas où les Etats-Unis refuseraient l'exportation de ces matériels ou technologies.

b) Réflexion sur les coopérations technologiques

Un des moyens couramment présentés pour pallier le fossé technologique à un niveau national est le développement des coopérations technologiques au niveau européen.

_ La problématique des industries françaises consiste à définir les domaines techniques où il est acceptable de perdre la souveraineté nationale en partageant les compétences avec d'autres pays et les domaines pour lesquels on estime nécessaire de préserver cette souveraineté (nucléaire, vecteurs de missiles) ou les compétences stratégiques (navigation inertielle, gyroscopes par exemple).

En ce qui concerne le partage des technologies entre pays européens, les entreprises gardent encore des réflexes nationaux, car même les sociétés transnationales se construisent à partir de volontés nationales puissantes, ce qui a des répercussions sur la répartition de la charge industrielle et le partage des compétences. Les maîtres d'_uvre souhaitent conserver les pôles d'excellence sur le territoire de leur Etat, ceci étant particulièrement vérifié en matière de laboratoires universitaires ou industriels. Il y a cependant une différence fondamentale entre l'opinion des actionnaires des sociétés privées, qui souhaitent une meilleure répartition des activités pour diminuer les coûts et améliorer la rentabilité dans une approche capitaliste, et le souhait des autorités de tutelle de garder les charges de travail (dans le cadre d'enjeux économiques et sociaux) et les compétences (il s'agit alors d'enjeux technologiques).

C'est ce qui explique, par exemple, que la joint-venture créée entre Dassault aviation et British Aerospace pour la nouvelle génération d'avions de combat ne conduit qu'à un codéveloppement des technologies, de façon à ce que chacune des sociétés mères garde la maîtrise de ces technologies. Aller plus loin dans une démarche commune suppose d'opérer des choix, donc d'identifier les technologies qu'on souhaite conserver afin de ne pas se mettre en dépendance à l'égard d'entreprises étrangères.

Les contrats conclus avec cette joint-venture ont nécessité beaucoup d'efforts pour harmoniser les calendriers dans les circuits administratifs français et anglais. Il n'est pas possible de renouveler une telle expérience en multipliant les circuits nationaux, d'où l'intérêt de l'OCCAR qui fera l'objet d'une analyse ultérieure.

Aujourd'hui, la logique nationale prévaut mais la situation pourrait évoluer sous la pression des groupes transnationaux et la redéfinition des stratégies d'acquisition des Etats.

La conception de « l'interdépendance » entre Etats européens nécessite que les gouvernements définissent une politique précise, ce qui est par exemple l'objectif de la LoI, sous peine, d'une part de voir s'échapper les meilleurs secteurs technologiques, d'autre part de voir certains pays bloquer les échanges de technologies par un contrôle excessif de leur exportation.

Dans les projets en coopération, la France a tendance à vouloir s'assurer le maximum de maîtrises d'_uvre correspondant à ses spécificités industrielles (celles-ci représentent environ 30 % du chiffre d'affaires sur des programmes d'équipement lourds). Un juste retour industriel suppose d'abandonner aux autres partenaires une partie des programmes. Si ces pays ne disposent pas des technologies, il faut alors les leur transférer ou leur en abandonner la compétence. Il est aussi nécessaire de vérifier si ces pays sont capables d'acquérir ces compétences. Car, s'ils ne sont pas capables d'acquérir seuls cette technologie, ils auront tendance à se tourner vers les industriels américains.

Une autre conséquence perverse de la multiplicité des contraintes, de la lourdeur des systèmes de financement et de l'insuffisance du financement est que certains groupes sont dissuadés de faire appel aux programmes européens et qu'ils se concentrent sur les seuls créneaux technologiques dans lesquels ils veulent se maintenir. Cela signifie qu'ils répugnent à mettre leurs technologies d'excellence à disposition d'autres groupes européens et qu'ils abandonnent les secteurs où ils ne sont pas certains d'acquérir une position prépondérante. Cette gestion des priorités correspond à un choix délibéré, ce n'est pas seulement l'expression d'un renoncement.

Il serait dès lors souhaitable que la France modifie sa conception actuelle en acceptant de transmettre des maîtrises d'_uvres afin de conserver les technologies qu'elle juge prioritaires.

_ Il existe aussi une approche différente qui consiste à faire la différence entre :

- les technologies spécifiquement de défense caractérisées par un rythme de développement qui peut s'allonger jusqu'à 10 à 20 ans (avec inclusion ou non de ruptures technologiques), qui ne correspondent pas aux besoins des marchés civils (cas typique du blindage ou des munitions) et/ou dont le retour sur investissement est trop lointain et ne permet pas aux industriels de dégager des marges. Pour les technologies considérées comme spécifiquement militaires, il est impératif que l'Etat apporte une contribution majoritaire lors de l'étape de recherche (cet effort peut même atteindre 100 % dans certains cas) ;

- et les technologies où existent de fortes synergies civilo-militaires avec un rythme de développement de dix-huit mois à deux ans (cas des technologies dans le secteur des télécommunications par exemple) et un retour sur investissement rapide. Aucun ministère de la Défense européen n'est plus capable de financer ce deuxième type de technologies ni de rivaliser avec les capacités financières des grands groupes civils qui adoptent une stratégie « duale ». L'impossibilité de conserver une trop grande spécificité pour les programmes militaires doit alors inciter le ministère de la Défense à accompagner le mouvement civil (en utilisant des cofinancements). De plus, le maintien de ces technologies civiles est incompatible avec les délais et les calendriers des programmes militaires, le marché civil imposant en particulier une rigueur très grande dans les délais.

_ Une autre question essentielle provient de la tendance de la DGA à abandonner son libre arbitre d'expertise aux grands systémiers qui perçoivent près de 80 % des crédits du titre V de la défense sans qu'il y ait réellement d'appels d'offres : elle leur laisse les choix technologiques et industriels dans le cadre de la consultation des donneurs d'ordres. Ce comportement stérilise l'innovation car il empêche l'émergence de projets, les équipementiers ne proposant plus d'innovations compte tenu du risque qu'elles ne soient pas acceptées ou qu'elles soient reprises par un systémier déjà retenu par la DGA.

Dans ce système, seuls les équipementiers de rang 2 sont mis en concurrence. Comme les donneurs d'ordres disposent également de services de recherche, les contrats leur sont souvent attribués même s'ils n'ont pas eu en premier l'intuition du contenu de l'étude ou alors les financements des contrats de recherche doivent être partagés. Les équipementiers s'associent ainsi peu à la définition des technologies clés en raison de l'inégalité entre compétiteurs. Un des rares groupes à avoir une politique intelligente de sous-traitance est Eurocopter car il confie aux équipementiers sous-traitants la maîtrise de fonctionnalités.

*

En matière de conséquences économiques et technologiques de la situation actuelle, le décrochement technologique entre pays est d'autant plus insidieux qu'il s'effectue de manière progressive et qu'il reste peu visible à court terme. Il semble d'autant plus facile d'utiliser les crédits de recherche amont comme variable budgétaire d'ajustement que les conséquences ne se manifestent pas dans l'immédiat. La suppression de projets d'études est en quelque sorte indolore contrairement à la modification des cibles ou du calendrier d'un programme en développement surtout s'il concerne des équipements majeurs. Les conséquences ne se mesurent qu'au bout de quelques années lorsque les équipes de recherche ont été dissoutes et que les compétences ne sont plus maîtrisées ou que des secteurs de recherche fondamentale sont abandonnés faute de dotations.

La persistance de budgets en régression dans les pays européens face au maintien de l'effort financier réalisé outre-Atlantique va créer à moyen terme (5 à 8 ans) un écart manifeste dans la maîtrise des technologies clés. Ce différentiel, qui se dessine au niveau des briques technologiques, se retrouvera dans la prochaine génération d'équipements.

*

L'analyse de l'effort de recherche de défense en France a montré l'importance des procédures et des mécanismes de son financement. L'un des acteurs majeurs est à cet égard la DGA dont l'évolution récente ne lève pas toutes les inquiétudes car elle ne correspond pas à un optimum souhaitable. La tendance de la DGA à se concentrer sur une fonction de service d'achat et à perdre peu à peu son rôle d'expert ne paraît pas cohérente.

III. - LA COMPLEXITÉ DES PROCÉDURES ET DES MÉCANISMES DE LA RECHERCHE AMONT

La complexité des procédures et des mécanismes encadrant l'accès et la régulation de la recherche amont de défense peut être illustrée à la fois par l'organisation des études amont au ministère de la Défense et la multiplicité des systèmes de coopération dans un cadre européen. De plus, une brève analyse de deux organismes publics de recherche de défense sous tutelle du ministère de la Défense permettra de mieux comprendre les enjeux de la recherche amont pour l'avenir et d'illustrer les améliorations à engager.

A. L'ORIENTATION ET L'ORGANISATION DES ÉTUDES DE DÉFENSE EN FRANCE

L'organisation et la coordination de la recherche de défense ont toujours fait partie des rôles essentiels de la Délégation générale pour l'Armement, au sein de la direction des recherches et études techniques (DRET) jusqu'en 1997 puis, depuis la réforme de la DGA, de la direction des systèmes de forces et de la prospective (DSP). De multiples instances interviennent cependant et le tableau ci-après essaye de synthétiser ces différentes structures qui ont fait l'objet d'une importante réforme en 1997.

Il n'est pas exagéré de dire que la recherche de défense a été l'occasion d'une véritable épopée scientifique et technologique de 1960 à 1990. Elle était alors portée par un projet politique et militaire au c_ur duquel la dissuasion nucléaire a constitué un axe primordial.

Ainsi, l'histoire des structures ministérielles en charge de la politique de recherche reste marquée par le développement de la force de frappe (aujourd'hui, la mise en place de la simulation ) ainsi que par la gestion des centres de recherche et d'essais.

1. La réforme des études amont

a) La suppression de la direction des recherches et études techniques (DRET)

La création de la direction des recherches et études techniques (DRET) au milieu des années 70 a reposé sur le souci de mieux individualiser les études amont, de confier la gestion des centres d'essai aux directions techniques (comme la direction des missiles et de l'espace) et d'éviter que la structure responsable de la définition des programmes assure également leur exécution.

La DRET assurait des missions multiples de programmation des études de défense, de coordination technique, de coopération internationale et de gestion : c'était en effet encore une direction opératrice, qui gérait directement environ 20 % du budget d'études amont, au travers soit d'établissements techniques sous sa tutelle, soit de contrats conclus avec des organismes extérieurs de recherche. Elle était dirigée par un scientifique et savait organiser une certaine synergie entre chercheurs civils et militaires.

Plusieurs reproches ont été formulés à l'encontre de la DRET. Tout d'abord, celle-ci était jugée comme insuffisamment tournée vers les besoins des états-majors des forces armées et trop liée au monde scientifique des chercheurs et des universités. Les études menées étaient considérées comme éloignées des préoccupations des autres directions de la DGA, davantage soucieuses du court terme. Enfin, il ne semblait pas que la politique de la recherche de défense soit clairement exprimée.

Parallèlement, la responsabilité des financements des études amont était dispersée entre la DGA et les états-majors, alors gouverneurs de ces crédits, et la structure budgétaire n'était pas optimale.

b) Les principes de la réforme des études amont

Les modes de fonctionnement relatifs aux études amont ont ainsi, parallèlement à la réforme de la DGA, subi des modifications notables. Ils obéissent dorénavant aux principes suivants :

- les études amont sont orientées en fonction des besoins à long terme de défense qui sont exprimés dans le plan prospectif couvrant une période de 30 ans et en cohérence avec la politique d'acquisition du ministère (politique technique, politique industrielle, politique de coopération) ;

- la programmation des études amont est construite sous forme de programmes définis par un objectif qui est clairement exprimé, un terme calendaire fixé dès le départ, un échéancier financier, ainsi que par une évaluation permanente de l'exécution et des résultats ;

- les fonctions de régulateur (politique de recherche et contrôle de l'exécution), assurées par le service de la recherche et des études amont (SREA), sont séparées de celles d'opérateur (conduite et maîtrise d'ouvrage d'études) assurées par les services de programmes ;

- les programmes d'études amont sont conduits selon des principes similaires à ceux définis pour les programmes d'armement (par exemple selon la méthode du fonctionnement matriciel) ;

- les actions de recherche menées en coopération sont inscrites de manière explicite dans la programmation ;

- la DGA exerce un « gouvernorat » unique pour le ministère et la gestion des crédits d'études amont est unifiée par le SREA ;

- de nouvelles relations sont instaurées entre industriels ou organismes de recherche et la DGA. Elles reposent essentiellement sur un partenariat stratégique DGA Industriels, une diminution des contrats passés directement par la DGA aux laboratoires de recherche au profit de partenariats entre industriels et laboratoires de recherche et le développement de l'autofinancement des industriels.

Ce nouveau mode de fonctionnement a été mis en _uvre dès juillet 1997 pour la programmation 1998, selon des modalités adaptées à une phase de démarrage. Le cycle complet a été mis en _uvre en 1998 pour l'orientation et la programmation 1999, qui ont été approuvées par le Ministre de la Défense respectivement le 17 septembre 1998 et le 24 février 1999. L'orientation 2000, quant à elle, a été approuvée par le Ministre de la Défense le 30 avril 1999.

2. Les missions des différentes structures

a) Les instances de régulation

L'orientation, la programmation, la conduite et le suivi des études amont ainsi que leur évaluation font intervenir de nombreux organismes.

_ Le Conseil supérieur des études de défense (CSED), qui remplace l'ancien Conseil des recherches de défense (CRED), arrête la politique générale du ministère de la Défense conduite par trois comités auxquels participent notamment la délégation aux affaires stratégiques, le secrétariat général pour l'administration, les états-majors et la DGA :

- le comité d'orientation et d'évaluation (COE) et ses différentes commissions (commission exécutive, commission d'orientation, commission d'évaluation) pour les études amont ;

- le comité des études à caractère opérationnel ou technico-opérationnel (CETO) ;

- le comité de coordination des études prospectives de défense à caractère politico-militaire, économique et social (CCEP).

_ Dans la phase préparatoire, un rôle prépondérant est confié au comité d'orientation et d'évaluation des études amont (COE).

Créé par l'arrêté ministériel du 4 juillet 1997, qui définit ses attributions et son organisation, le comité d'orientation et d'évaluation des études amont (COE) est un organisme de coordination et de consultation dont le secrétariat est assuré par le service de la recherche et des études amont (SREA) de la direction des systèmes de forces et de la prospective de la Délégation générale pour l'Armement.

La commission d'orientation dirige les travaux de préparation de la directive ministérielle d'orientation des études amont qui est soumise au Conseil supérieur des études de défense. La commission exécutive rend un avis relatif aux programmes d'études amont. La commission d'évaluation établit le rapport annuel d'évaluation des programmes d'études amont exécutés au titre des programmations précédentes.

_ Les états-majors des forces armées expriment les besoins militaires futurs, participent à l'établissement du plan prospectif à trente ans (PP 30), à la préparation de la directive ministérielle d'orientation des études amont, à l'élaboration, à la mise à jour et à l'approbation de la programmation des études amont qui s'y réfère. Enfin, ils contribuent à la conduite et à l'évaluation des programmes d'études amont.

_ La Délégation aux affaires stratégiques participe également à l'établissement du plan prospectif, à l'entretien de la politique sectorielle, à la préparation de la directive ministérielle d'orientation des études amont et à l'approbation de la programmation des études amont qui s'y réfère. Elle contribue au processus d'évaluation des études amont.

_ La Délégation générale pour l'Armement est responsable de l'expression de la politique sectorielle ainsi que de la préparation et de la mise en _uvre de la politique de la recherche du ministère. Elle conduit les programmes d'études amont dont les crédits correspondants sont gérés par la direction des systèmes de forces et de la prospective. Elle anime les travaux relatifs à la préparation de la directive ministérielle d'orientation des études amont, à la programmation des études amont, en cohérence avec l'orientation et les ressources financières prévues, et à la conduite de l'évaluation des études amont dont elle assure la synthèse.

DÉFINITION DE LA POLITIQUE D'ÉTUDES AMONT

Structures

Textes fondateurs

 

Tutelle

Rôle

Anciens

Actuels

CSED
(Conseil supérieur des études de défense)

Arrêté CRED du 25 juin 1976 modifié

Arrêté du 5 novembre 1992

Arrêté CSED du 4 juillet 1997

 

Pilotage des comités CCEP CETO et COE

CCEP
(Comité de coordination des études prospectives)

Arrêté du 31 mai

Arrêté CCEP du 4 juillet 1997

DAS

 

CETO
Comité des études
à caractère technico-opérationnel

Arrêté CETO du 5 novembre 1992

Arrêté CETO du 4 juillet 1997

EMA

 

COE
(Comité d'orientation et d'évaluation des études amont)

 

Arrêté COE du 4 juillet 1997

Instruction sur les études amont du 4 juillet 1997

DGA

 


Commission d'orientation

   

Représentants de l'EMA, de la DGA, du SGA, des CGA, de la DAS, des états-majors

Commission d'évaluation

   

Commission exécutive

   
 

graphique
   

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_ Deux services de la DGA ont une action transversale, la direction des systèmes de forces et de la prospective (DSP) et la direction des programmes, des méthodes d'acquisition et de la qualité (DPM).

Au sein de la DSP, se trouvent :

- le service d'architecture des systèmes de forces (SASF), qui, avec 60 personnes (dont 40 ingénieurs), prépare le plan prospectif à 30 ans PP 30 et définit les grandes évolutions des systèmes de forces.

- le service des stratégies techniques et des technologies communes (STTC) ;

- le SREA.

Le SREA a été créé pour remplir toutes les missions de politique de recherche, mais aucune mission opératrice. Il ne passe aucun marché, n'est pas ordonnateur secondaire. Il assure un rôle central d'animation, d'évaluation et de synthèse. C'est donc le véritable acteur chargé du pilotage de la politique de recherche de défense.

Sa mission étant de proposer la politique des études amont du ministère et d'en animer la mise en _uvre, le SREA ne se substitue pas aux services de programmes : c'est à ces derniers de conduire, notamment au plan technique, les programmes d'études amont. Mais, compte tenu précisément de sa mission, le SREA doit allier le caractère de régulateur, propre à un service d'administration centrale à une capacité d'analyse et de contrôle du contenu des études, propre à un organisme technique.

Au 31 janvier 2000, hors experts scientifiques extérieurs à temps partiel et hors appelés du contingent, le SREA comptait 59 personnes, dont 40 ingénieurs.

L'activité du SREA est également importante en matière de coopération internationale. Il représente la France au niveau des comités directeurs de recherche et technologie dans les nombreuses structures bilatérales et multilatérales de recherche de défense. Actuellement, environ 20 % des ressources d'études amont françaises sont consacrées à des coopérations. Celles-ci impliquent de nombreux pays mais c'est avec l'Allemagne et le Royaume-Uni, en coopération bilatérale ou parfois trilatérale, que la grande majorité (de l'ordre de 90 %) des études amont sont conduites.

b) Les instances d'exécution

_ L'exécution des programmes d'armement est confiée à six services de programmes, qualifiés d'opérateurs, qui sont assistés de quatre directions fonctionnelles (gestion et organisation, ressources humaines, relations internationales, coopération industrielle).

_ La conduite et le suivi des études amont sont assurés dans la pratique par des directeurs de programmes d'études amont, qui travaillent en liaison avec des officiers d'états-majors correspondants pour les études amont. Les directeurs de programmes sont placés au sein des neuf organismes suivants :

- service des programmes d'armements terrestres (SPART) ;

- service des programmes navals (SPN) ;

- service des programmes aéronautiques (SPAé) ;

- service des programmes de missiles tactiques (SPMT) ;

- service des programmes nucléaires (SP Nuc) ;

- service des programmes d'observation, de télécommunication et d'information (SPOTI) ;

- service technique des technologies communes (STTC).

Le STTC assure un rôle majeur dans la politique de technologie car il est le maître d'_uvre des politiques sectorielles. Les secteurs sont répartis entre une quarantaine12 de domaines techniques, qui se caractérisent par leur homogénéité. Parmi les 37 ou 38 domaines techniques, il existe neuf secteurs techniques transverses, communs à de nombreux produits : composants électroniques, détection électromagnétique, guerre électronique, optronique, ingénierie des systèmes, matériaux, environnement géophysique, sciences médicales.

Les ingénieurs du STTC sont répartis dans les six services de programmes où ils sont les garants de l'application de la politique sectorielle.

Une réunion mensuelle permet au Délégué général pour l'Armement de suivre chaque mois deux domaines techniques, chacun d'entre eux étant donc analysé au moins une fois tous les deux ans.

_ L'approche des études amont est donc à la fois verticale (par programme et par service de programme) et horizontale (par technologie). C'est pourquoi les études amont relèvent en fait d'une double démarche confiée à deux types de responsables :

- le responsable d'un domaine technique, qui propose la politique d'études dans son domaine, participe aux travaux de prospective du PP 30, propose les objectifs des programmes d'études amont (PEA) et évalue périodiquement les études de son domaine ;

- le directeur de programmes d'études amont (DPEA), qui assure la maîtrise d'ouvrage d'un ou de plusieurs PEA, définit le contenu des PEA, propose le groupe de pilotage de chaque PEA, fait conduire les études, organise des revues d'avancement et évalue les PEA individuellement.

Le directeur de programmes d'études amont travaille en permanence avec les officiers correspondants d'études amont (OCEA) au sein des différents états-majors des forces armées et s'appuie sur la Direction des centres d'essai (DCE) chaque fois que possible. Il est l'interlocuteur privilégié des structures extérieures civiles en charge de la recherche de défense, tant pour la programmation que pour l'exécution des programmes d'études amont.

3. Les différentes étapes de la recherche amont

a) La planification des études amont du ministère de la Défense

_ Le plan prospectif à trente ans (PP 30) est l'instrument essentiel d'orientation des études amont du ministère de la Défense et de préparation du futur. La dernière version de ce plan date de 1999.

Le plan prospectif décrit huit systèmes de forces auxquels correspondent huit architectes de système de forces au SASF et huit officiers de cohérence opérationnelle à l'état-major des armées qui ont confronté leurs analyses prospectives dans les domaines suivants : dissuasion, commandement, contrôle, communication et renseignement, mobilité stratégique et tactique, frappe dans la profondeur, maîtrise du milieu aéroterrestre, maîtrise du milieu aéromaritime, maîtrise du milieu aérospatial, préparation et maintien de la capacité opérationnelle.

Pour chaque système de forces, le PP 30 formule des hypothèses de plans d'équipement. Il constitue également le cadre de référence des politiques techniques et sectorielles.

La période de trente ans couvre à la fois la période qui va jusqu'en 2015 et correspond au modèle d'armée déterminé par la loi de programmation militaire et la période qui commence au-delà. La première période reste influencée par les matériels en service et les programmes déjà engagés. La seconde période laisse davantage de place à l'imagination et à l'analyse prospective des menaces et du contexte géostratégique, des formes du combat13 et des ruptures ou opportunités technologiques.

_ A partir du plan prospectif est élaborée une directive ministérielle d'orientation des études amont qui détermine l'évolution des priorités ainsi que les inflexions à prendre en compte. En s'appuyant sur les travaux de préparation menés par le SREA, en liaison avec l'état-major des armées, les états-majors d'armée, et la délégation aux affaires stratégiques, la commission d'orientation du COE établit, durant l'année N-2, le projet de directive ministérielle d'orientation des études amont de l'année N. Ce projet est examiné par le COE en janvier de l'année N-1 de manière à ce que la directive d'orientation des études amont soit présentée à la signature du ministre en février de l'année N-1.

b) La programmation des études amont

_ La programmation des études amont consiste à définir l'ensemble des programmes en conformité avec les orientations données par la directive ministérielle d'orientation des études amont, en fonction de l'exécution technique et financière des budgets passés et en cohérence avec les ressources financières prévues. Cette programmation annuelle a pour objet de déterminer avec précision les études à mener. Elle distingue les programmes en cours qui méritent d'être poursuivis, ceux qui doivent être modifiés ou arrêtés, et les programmes nouveaux.

A ce titre, doivent obligatoirement figurer dans la description de tout programme d'études amont : l'intérêt militaire ; l'objectif scientifique et technique ; la durée et la date d'aboutissement prévues ; le ou les organismes envisagés pour mener les travaux ; le coût et l'échéancier prévisionnels.

Un programme d'études amont est généralement pluriannuel. Pour chaque programme sont fournis des éléments d'appréciation de son opportunité (enjeux, intérêt opérationnel, probabilité de succès, qualité scientifique, etc.) et de politique d'achat (situation de concurrence, cofinancement, sous-traitances, appel à des laboratoires, modalités de partage des travaux en cas de coopération internationale, etc.).

Les contrats d'études ne peuvent pas être notifiés sans avoir fait l'objet d'une vérification formelle destinée à apporter la garantie de la conformité de leur objectif scientifique et technique et de leur montant au programme correspondant.

_ Il est prévu que la programmation des études amont pour une année soit élaborée au cours de l'année précédente à partir de la directive ministérielle d'orientation des études amont. Dans les premiers mois de cette année, la DPEA, en liaison avec les OCEA, transmettent au SREA leurs propositions d'études pour l'année suivante. Celles-ci font l'objet d'un examen puis sont regroupées en trois catégories : les projets liés à la poursuite des programmes en cours, ceux qui consistent à les modifier ou les arrêter et ceux qui visent à lancer des programmes nouveaux.

Le SREA met à jour la programmation détaillée et la soumet pour avis à la commission exécutive du COE. Celle-ci procède à un examen particulier des trois catégories définies ci-dessus et analyse la conformité des programmes d'études à la directive ministérielle d'orientation des études amont ainsi que leur adéquation aux ressources financières prévues. En novembre, la programmation est présentée au COE puis une synthèse de cette programmation est présentée en réunion d'examen des programmes d'armement. Aussitôt après le vote du budget du ministère de la Défense, le COE présente ladite programmation au ministre pour approbation.

_ Les opérations de réalisation consistent à assurer la conduite ainsi que le suivi technique et financier de l'exécution des études amont. Elles s'apparentent à la conduite et au suivi des programmes d'armement sans que les procédures prévues par l'instruction spécifique aux programmes d'armement s'y appliquent.

Les opérations budgétaires correspondantes sont inscrites au catalogue des opérations budgétaires et la libération des autorisations de programme relatives aux opérations budgétaires est effectuée en une ou plusieurs tranches.

En fonction de l'avancement des programmes d'études amont en cours, de l'état de préparation des programmes nouveaux et de l'état prévisionnel des ressources financières, le SREA soumet pour avis à la commission exécutive du COE les fiches d'approbation d'autorisations de programme concernant les opérations budgétaires dont il propose la libération. Cet avis porte sur l'opportunité et la possibilité d'engagements comptables et juridiques. Il prend en compte l'avancement et l'évaluation financière des programmes d'études amont. Si l'avis est favorable à l'unanimité des membres, la fiche d'approbation est présentée à la signature du Délégué général pour l'Armement. Par contre, si un ou plusieurs membres de la commission émettent un avis défavorable, la fiche d'approbation est soumise au Ministre de la Défense.

Après approbation des autorisations de programme, la direction des système de forces et de la prospective en gère les crédits.

c) L'expertise et l'évaluation

_ L'exécution de l'ensemble des programmes fait l'objet d'un examen annuel pour évaluer les résultats obtenus ou l'avancement des travaux par rapport à l'orientation retenue. La situation financière des programmes est systématiquement présentée à cette occasion.

Le rapport d'évaluation comporte des recommandations sur l'utilisation des résultats des études (orientation et programmation des études amont, transfert vers les programmes d'armement, actualisation de la programmation militaire, préparation du budget de l'année suivante, etc.).

L'évaluation des études amont fait appel à deux procédures, l'une dite verticale, par programme d'études amont, l'autre dite horizontale, par domaine technique.

L'évaluation verticale est menée en continu par un groupe de spécialistes indépendants des exécutants du programme d'études amont et réunis en un groupe de pilotage. Chaque groupe émet une première évaluation avant la programmation d'un nouveau PEA, auditionne les exécutants, mène des réunions annuelles d'avancement et remplit des fiches d'évaluation dites « ante », « pendant » et « post ».

L'exploitation des fiches d'évaluation permet d'analyser les PEA qui posent problème, fournit une vision synthétique des PEA qui sont menés et constitue une aide à la programmation des études.

L'évaluation horizontale par domaine technique complète les analyses précédentes. Elle s'effectue au sein de groupes amont d'analyse et de prospective, qui associent des spécialistes du ministère de la Défense et des experts extérieurs. Elle permet de s'assurer de la cohérence de la politique technique et d'établir la prospective du domaine technique concerné.

4. Le bilan de la réforme des études amont

a) Les améliorations constatées

Après plus de deux années de mise en _uvre, il est possible de dresser un premier bilan de la nouvelle procédure et du regroupement de l'ensemble des crédits d'études amont sous la responsabilité de la DGA.

_ De manière indéniable, les instruments mis en place permettent :

- d'assurer une meilleure identification de l'ensemble des études amont.

D'une part, les actions élémentaires de recherche, qui s'établissaient à plus d'un millier par le passé, ont vu leur nombre réduit à environ 300 en 1998, ce qui est un signe de sélectivité accrue et de concentration des efforts. Les deux tiers de ces actions s'inscrivent d'ailleurs dans un plan structurant ou dans un projet fédérateur, lesquels expriment directement les priorités définies par le plan prospectif à 30 ans tandis que le dernier tiers, soit plus d'une centaine de thèmes, est centré sur des actions transverses, études de base ou études ponctuelles, destinées à assurer l'effort nécessaire à l'amélioration des techniques à usage spécifiquement militaire.

D'autre part, les outils de programmation ont permis à la DGA d'avoir une vision plus claire et plus complète des orientations qu'elle se fixait. Cette visibilité accrue a facilité la concertation entre DGA et états-majors et a fourni des éléments de référence dans le dialogue entre la DGA et ses partenaires, en premier lieu les industriels français et ses homologues européens, notamment en Allemagne, en Italie et au Royaume-Uni.

- d'améliorer l'efficacité de l'exécution de la programmation ainsi que son adaptabilité à toute variation du contexte opérationnel, technique ou financier.

C'est ainsi que la programmation d'engagements et non plus d'affectations d'autorisations de programme (la programmation 2000 concerne des contrats qui seront notifiés entre le 1er juillet 2000 et le 30 juin 2001) facilite l'insertion des travaux d'étude dans un cycle orientation, programmation, évaluation. Une liste d'actions complémentaires est également retenue pour remplacer des actions programmées qui rencontrent des difficultés.

De même, la description des efforts en termes de programmes dotés d'objectifs (coûts, performances, délais) et non plus en termes de flux, oriente de plus en plus les études amont vers les besoins de préparation des programmes futurs (exprimés dans le plan prospectif à 30 ans).

Enfin, la définition d'objectifs de gestion et la mise en _uvre du contrôle de gestion correspondant permettent d'arbitrer au plus tôt, en cas d'évolution des ressources budgétaires, entre les priorités de préparation des programmes futurs.

_ La mise en _uvre de ces nouvelles procédures, accompagnée de la reprise comptable entraînée par le changement des structures de gestion du ministère, laissait craindre un niveau d'engagements d'études amont particulièrement faible en 1998. Comme nous l'avons vu, le rythme des engagements s'est fortement accéléré en fin d'année, ce qui a permis de revenir à un niveau sensiblement équivalent à la ressource annuelle. En revanche, le faible niveau des engagements en 1997 a conduit à une baisse temporaire des paiements en 1998, et l'année 1999 a difficilement confirmé le retour à une situation normale tant sur le plan des engagements que des paiements.

b) Les insuffisances restantes

_ Par contre, la réforme des études amont semble souffrir de trois défauts majeurs :

- la vision sur le long terme, qui était l'une des qualités reconnues à la DRET, a disparu dans l'organisation actuelle, qui reste trop centrée sur les produits et pas assez sur les technologies. Il est vrai que les partenaires de la DGA (Etats-majors et ministère de l'Economie et des Finances) privilégient le court terme pour des raisons d'ailleurs différentes.

Or, une perception de long terme s'est fortement développée chez les agences homologues de la DGA en Europe. Un écart trop important dans l'analyse risque de nuire à l'émergence de nouvelles coopérations dans le domaine des études amont, notamment pour les nouveaux types d'armes ou l'intégration des ruptures technologiques.

Par ailleurs, un autre inconvénient est lié à l'excès de prudence, celui de donner la priorité aux actions technologiques de faible risque et à ambition scientifique limitée au détriment de l'innovation, plus risquée et plus ambitieuse.

Un nouvel équilibre mérite donc d'être trouvé entre les impératifs de gestion, qui s'appuient sur la réorganisation des outils et des structures budgétaires, et le maintien des compétences technologiques dans l'avenir.

- la réforme reste mal perçue par le monde industriel et scientifique. Si les préventions issues de la difficulté conjoncturelle d'engager les crédits s'estompent, les actions de communication se sont révélées insuffisantes malgré le développement des carrefours généraux et sectoriels DGA-Industrie.

Votre Rapporteure continue à ne pas comprendre pourquoi la DGA n'a pas rendu public le plan prospectif à long terme, qui ne lui a d'ailleurs pas non plus été communiqué ;

- enfin la réforme a aggravé le défaut de synergie civilo-militaire.

Sur ces trois axes, on peut souhaiter une évolution rapide qui serait de la compétence de la DGA compte tenu du rôle central qu'elle y joue. Mais le besoin primordial reste celui de la volonté politique pour apporter des améliorations.

B. DEUX EXEMPLES D'ORGANISMES PUBLICS DE RECHERCHE SOUS TUTELLE

1. L'ONERA : une vocation duale mal assurée

a) Des moyens importants au service d'une certaine ambition

L'Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA), qui a été créé en 1946 pour servir d'instrument à une politique publique de recherche dans le domaine aérospatial, est un établissement public à caractère scientifique et technique.

Il est placé sous la tutelle du ministère de la Défense bien que ses missions multiples dépassent le cadre de la défense. Il a pour vocation d'orienter et de conduire des recherches dans le domaine aérospatial, de valoriser ces recherches dans le secteur industriel, de conduire des actions d'expertise pour son ministère de tutelle et de former des chercheurs et des ingénieurs. De grands moyens techniques (souffleries, calculateurs) permettent d'assurer une assistance technique au secteur industriel14 et de nouer des partenariats.

Les effectifs de l'ONERA s'élèvent à environ 1 990 personnes dont la moitié d'ingénieurs et de cadres, plus de 500 techniciens et près de 200 chercheurs préparant une thèse ou menant des travaux de post doctorat. Répartis sur huit sites, ils sont en fait concentrés en Ile de France (1 300 personnes) et à Toulouse (400).

Le budget de fonctionnement provient de subventions (pour 45 %) et de contrats (pour 55 %). Le ministère de la Défense fournit l'essentiel des ressources (71 % dont 45 % sous forme de subventions annuelles et 25 % sous forme de contrats). Deux ministères civils (Education nationale et Recherche, Equipement) contribuent à hauteur de 14 %. Les autres ressources proviennent des contrats avec l'industrie (11 %) ou des exportations (4,5 %).

SUBVENTIONS ACCORDEES A L'ONERA A PARTIR
DU MINISTERE DE LA DEFENSE

(en millions de francs)

 
 

1998

1999

2000

projet 2001

Dépenses de fonctionnement

chapitre 36-01 article 11

307,5

318,3

313,2

325

- dont plan social

83

67

33

 

Dépense d'études

chapitre 67-10 article 11

255

247,4

232,1

225

Dépenses d'investissements

chapitre 67-10 article 12

139

133

123,3

118,2

Total

701,5

698,7

668,6

668,2

La production de l'ONERA est estimée à 1,05 milliard de francs (hors taxes). Les secteurs d'activité correspondant à quatre branches scientifiques (mécanique des fluides et énergétique, matériaux et structures, physique, traitement de l'information et systèmes). Ils peuvent également être répartis par finalité : le tiers pour les avions, le quart pour les missiles stratégiques ou tactiques, 16 % pour l'espace, 10 % pour les turbomachines etc.

L'ONERA réalise des projets de recherche au profit de la DGA, du CNES, de l'Agence spatiale européenne ou d'industriels civils et militaires. Il est impliqué dans tous les programmes majeurs concernant des aéronefs, des missiles, des systèmes orbitaux ou des lanceurs, voire de nouveaux systèmes, et intervient sur de nombreuses technologies (propulsion aérodynamique, propulsion hypersonique aérobie, guidage, furtivité, ...). Il conduit à la fois des études très en amont avec des universités et le CNRS, et des développements exploratoires liés à des programmes d'équipement en aval.

b) Une évolution qui n'est pas sans poser de questions

Depuis quelques années, la place de l'ONERA a évolué dans le circuit de la recherche de défense.

Au niveau des programmes d'études amont, il semble que seuls les industriels sont consultés par appels d'offres même pour des études de base. La DGA demande alors souvent que l'ONERA soit associé à l'industriel retenu en raison de ses compétences dans le domaine ou de ses moyens d'études existants. L'ONERA obtient ainsi des études de la DGA via un industriel pour lequel il devient, au mieux un partenaire public, dans la majorité des cas un sous-traitant.

Les interlocuteurs de votre Rapporteure ont souligné les conséquences défavorables de cette évolution. D'une part, les équipes de recherche de l'ONERA se sentent moins mobilisées par une sous-traitance de travaux. D'autre part, leurs résultats ne sont plus accessibles à l'ensemble des partenaires de la filière. Enfin, la parcellisation des ressources par augmentation du nombre des contrats ne permet plus d'avoir une vision de moyen terme et pourrait trouver une contrepartie par exemple dans le caractère pluriannuel de ces contrats.

Les industriels reprochent par ailleurs à l'ONERA d'avoir une double vocation de régulateur et d'opérateur. La confusion des rôles est similaire à celle du CNES. Elle est d'autant plus mal ressentie que l'organisme public peut être vécu comme un concurrent direct des entreprises, notamment des PME-PMI, pour l'obtention des contrats de recherche. Une répartition plus franche doit être effectuée entre les deux fonctions d'opérateur et de régulateur.

Par ailleurs, le développement des études en coopération s'effectue dans un cadre binational (avec son homologue en Allemagne DLR par exemple pour le projet de démonstrateur JAPHAR de propulsion aérobie) ou multinational, par exemple au sein de l'EREA (association des établissements de recherche européens en aéronautique) ou du GARTEUR (Group for Aeronautical Research and Technology in EURope).

Les programmes menés en coopération posent la question de savoir s'il convient :

- de renforcer le pôle national avant de développer les coopérations, en évitant les redondances entre les acteurs publics (ONERA, CNES, Direction des centres d'essai) et en définissant une réelle politique aéronautique et spatiale ;

- ou de nouer des partenariats entre structures analogues de R&T dans les pays européens après harmonisation des concepts de recherche, avant de procéder à leur rapprochement ou à la création d'une nouvelle structure commune.

Les projets actuels incitent également à regrouper les efforts de recherche civils et militaires.

c) Quelques propositions

La position de l'ONERA mérite donc d'être clarifiée et renforcée à plusieurs titres.

Si la synergie de certains départements avec des entreprises comme Airbus semble satisfaisante, la plupart des partenaires industriels souhaitent que l'ONERA se consacre davantage aux briques technologiques ainsi qu'à la compréhension physique et à la maîtrise des phénomènes de base, par exemple dans les domaines de l'aérodynamique, du supersonique ou des turbomachines. Des perspectives scientifiques doivent par ailleurs être dégagées pour le moyen terme en dynamisant les fonctions de veille et de prospective, et en préservant les domaines d'excellence.

En raison de la limitation des moyens de l'ONERA, le recentrage sur des axes forts suppose le développement des coopérations avec les laboratoires des universités et du CNRS sur les autres thèmes.

La diffusion des travaux et des résultats de l'ONERA pourrait s'améliorer notamment par le développement de publications dans les revues scientifiques et de monographies de qualité.

Il est également souhaitable que l'ONERA joue un rôle plus actif dans la collaboration entre centres homologues de recherche en Europe et dans le développement des relations entre réseaux universitaires.

De plus, il est nécessaire que l'ONERA obtienne un plus grand nombre de postes de doctorants et de post-doctorants.

Enfin, il ne faut pas que la poursuite d'un nouvel équilibre entre subventions (de fonctionnement ou d'investissement) et contrats ne déstabilise l'établissement en le conduisant à concurrencer les laboratoires et les PME-PMI, alors que ce n'est pas son rôle, et en l'incitant à privilégier le court terme au lieu du long terme, qui relève davantage de sa mission.

2. L'Institut Saint-Louis : à la recherche d'une stratégie

a) Un organisme paritaire aux missions bien définies

L'Institut Saint-Louis (ISL) a été créé en 1958 par une convention binationale entre la France et l'Allemagne. Il a succédé au laboratoire de recherches implanté depuis 1945 à Saint-Louis dans le Haut-Rhin et qui était né du regroupement, après guerre, de chercheurs allemands sous direction française. Il s'agit donc d'une structure binationale paritaire, unique en son genre en Europe.

Les fondements juridiques de l'ISL sont la convention de 1958 et ses statuts annexés (statut du personnel et règlement financier), devenus un traité franco-allemand ratifié par les deux Parlements le 22 juin 1959. Cette particularité est importante car la nature des textes fondateurs explique la spécificité du fonctionnement de l'institut et la rigidité de son cadre juridique et financier.

Deux exemples permettent d'illustrer ce particularisme. Des dispositions spécifiques sont prévues pour la représentation du personnel : cette représentation est assurée par une instance constituée de vingt personnes (dix de chaque nationalité) élues par cinq collèges selon l'article 6 de la convention initiale et de l'annexe 5. Par ailleurs, les syndicats légaux ayant leur siège en France ou en Allemagne concourent à l'exercice du droit syndical, le règlement d'application fixant les conditions dans lesquelles ceux-ci interviennent. Les recettes de l'institut comprennent les contributions accordées par les deux Etats pour les dépenses de fonctionnement et d'investissement, sous forme de subventions et de contrats gouvernementaux, ainsi que les ressources propres provenant de l'activité de l'établissement. Sur un budget d'environ 270 millions de francs en 2000, la France a versé 132 millions de francs à partir du titre VI (chapitre 67-10, article 20).

L'organisation de l'ISL comprend quatre instances paritaires : 

- le conseil d'administration, composé de six représentants des Etats, définit la politique générale et exerce un contrôle sur son activité. Il décide notamment du programme des travaux, des effectifs et du statut du personnel, il arrête l'état de prévision des recettes et des dépenses ;

- deux directeurs, qui assurent conjointement le fonctionnement de l'ISL ;

- le conseil consultatif des recherches et études (CCRE) assiste le conseil d'administration en tant que de besoin pour les questions scientifiques et techniques. Il est constitué de neuf représentants de chaque pays et remet annuellement au conseil d'administration un rapport d'évaluation sur les axes de recherche de l'ISL ;

- la commission de contrôle financier, formée de deux membres de chaque nationalité désignés par les gouvernements respectifs, est chargée de contrôler l'exécution du budget et d'examiner les comptes.

b) Des missions bien définies

Les missions de l'ISL consistent à mener des recherches fondamentales dans le domaine de l'armement au profit des deux pays15. Les études sont structurées en recherche exploratoire (20 % de l'activité), recherche de base et appliquée (75 %) et activités contractualisées (5 %)16.

Le rôle de l'ISL s'arrête aux maquettes de démonstration, étape à partir de laquelle les industriels sont associés afin de transférer les résultats. Les résultats acquis sur fonds publics sont mis à disposition des deux ministères (défense pour la France et Recherche pour l'Allemagne) et exploités gratuitement par les partenaires industriels. A de rares exceptions près, le dépôt de brevets ne donne pas lieu à revenus mais leur entretien constitue plutôt une charge.

L'ISL entretient des relations avec des universités de proximité, des technopôles ou des réseaux (comme ASTRID) et avec des instituts de recherche similaires dans d'autres pays européens. Mais ces relations restent peu développées.

Sept grands domaines scientifiques constituent l'expertise de l'institut : balistique, aérodynamique supersonique, détonique, lasers optronique, physiologie, aérothermodynamique et électricité de puissance.

Les effectifs actuels comprennent près de 430 personnes dont le tableau ci-dessous indique la répartition par catégorie.

RÉPARTITION DES EFFECTIFS DE L'ISL PAR CATÉGORIE

Catégorie

Effectifs

Remarques

Directeurs

2

un allemand, un français

Chercheurs

90

en théorie 1/2 allemands et 1/2 français

Ingénieurs

87

1/3 allemands, 2/3 français

Techniciens

76

presque tous français

Personnels administratifs

64

 

Ouvriers

112

presque tous français

Les principaux travaux font l'objet de projets transversaux qui permettent de coordonner les compétences auprès de programmes fédérateurs. Votre Rapporteure a pu prendre connaissance de plusieurs de ces projets, notamment des projets d'obus d'artillerie d'observation D 2 C, DéMiNE (détection des mines et neutralisation), de protection active des chars, de canon électromagnétique à rails ou d'application des matériaux piézo-électriques.

c) L'ISL à la recherche d'une stratégie

Alors qu'à l'origine, l'institut était sous-tendu par une volonté politique forte, il semble que l'élan initial se soit émoussé et que l'établissement souffre d'un manque de définition de ses objectifs et de vision pour l'avenir.

De plus, les autorités de tutelle expriment des divergences d'ordre scientifique. Le ministère allemand de la Recherche privilégie les études fondamentales à moyen terme, le système allemand laissant à l'Etat un rôle primordial dans le financement de la R&T de défense et les entreprises, qui ne participent pas aux études amont, étant associées lors du transfert des technologies. A l'inverse, le ministère français de la Défense souhaiterait orienter l'Institut Saint-Louis davantage vers la recherche appliquée de court terme en liaison avec le secteur industriel.

Pour l'instant, ces différences de vues ont plutôt un effet négatif sur l'évolution des programmes de recherche. Mais elles induisent également une évolution des modes de financement. Ainsi, l'une des principales orientations actuelles consisterait à diminuer la part des subventions versées par les Etats (pour la France, 132 millions de francs dans le titre VI en 2000, 114 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 2001) et à compenser cette réduction par l'augmentation des contrats gouvernementaux (c'est-à-dire financés par le titre V). L'objectif annoncé consisterait à atteindre une proportion de 30 % pour ces contrats.

Par ailleurs, la non définition d'objectifs et de perspectives clairs nuit à la motivation des équipes de chercheurs. La moyenne d'âge de ceux-ci est voisine de cinquante ans. L'absence de recrutements réguliers et la difficulté d'offrir à ces personnels de nouvelles perspectives est inquiétante pour l'avenir de l'établissement. Il est de plus devenu difficile de respecter le principe de parité dans les équipes dans la mesure où il y a peu de candidats allemands (du fait en particulier de la faible attractivité des salaires).

L'Institut Saint-Louis, unique en son genre et détenteur de compétences spécifiques, mérite de retrouver un projet cohérent qui donne satisfaction aux deux pays. L'esprit de coopération doit prévaloir sur les divergences de court terme.

C. LES MÉCANISMES DE LA COOPÉRATION EUROPÉENNE

La recherche militaire comme les activités liées aux programmes de défense échappent aux compétences de l'Union européenne et les grands programmes européens ne prévoient donc pas d'actions directes en faveur de la recherche de défense.

Pourtant une double évolution s'est fait jour. D'une part l'accès aux financements européens a été possible sous le couvert des études civiles en raison de leur caractère dual, même si la Commission s'est toujours gardée de mettre le concept de dualité en avant. D'autre part, des initiatives spécifiques ont été prises pour pallier les insuffisances de la coopération dans un autre cadre que celles de l'Union européenne, en particulier au niveau de l'UEO, mais surtout de l'OCCAR ou, plus récemment de la LoI (letter of intent ou lettre d'intention).

La multiplicité des cadres de financement de la recherche de défense au niveau multinational suscite de nombreuses interrogations car elle conduit à un émiettement des systèmes de financement et d'exécution des projets de recherche. C'est pourquoi, il a semblé important à votre Rapporteure de rappeler les différents dispositifs existants.

1. Les actions menées par l'Union européenne

La plupart des interlocuteurs de la mission d'information ont regretté l'existence de ces redondances dans les programmes de recherche des pays européens. Certains ont même estimé que le défaut d'organisation de l'Union européenne en matière de recherche - et de recherche de défense - illustrait même une carence stratégique face à l'action déterminée des Etats-Unis dans ce domaine.

a) Le programme cadre de recherche développement PCRD

L'action de l'Union européenne en faveur du développement scientifique et du renforcement technologique s'est appuyée sur les programmes cadres de recherche développement PCRD qui excluent les programmes de défense en tant que tels sauf par le biais de la dualité, d'où l'importance de ce concept pour l'accès aux financements européens.

Le bilan des quatre premiers programmes cadres permet de montrer que de nombreux liens de coopération se sont noués entre entreprises européennes et que l'Union européenne a joué un rôle de substitution au moment où les Etats membres réduisaient leurs financements publics. Mais les PCRD ont tendance à financer des organismes de recherche et non des projets technologiques.

Sur un montant de 800 millions de francs à 1 milliard de francs par an, la France peut espérer obtenir 20 à 25 % des financements, soit de 200 à 250 millions de francs pour les recherches aéronautiques. Il s'agit d'un appoint et non d'une part essentielle.

Le domaine d'élection des PCRD s'est élargi avec le traité de Maastricht et a permis une participation active des entreprises, particulièrement des PME-PMI. La direction de la recherche de la Commission estime ainsi que le nombre de PME-PMI associées aux programmes a progressé de 270 % entre le troisième et le quatrième programme cadre et que les financements communautaires alloués aux PME-PMI ont progressé sur la même période de près de 200 %.

Le rapport de l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques présenté par le sénateur Pierre Lafitte considère cependant comme insuffisants la participation des entreprises et le renforcement des liens entre science et technologie. Il attribue cette situation à la lourdeur des procédures de préparation et d'exécution des programmes cadres qui ne correspondent pas aux besoins des entreprises. Ainsi, la longueur des délais d'instruction des dossiers, les coûts de préparation de ces dossiers et les risques liés à la perte de confidentialité des projets de recherche dissuadent les entreprises les plus dynamiques. Certains maîtres d'_uvre français ont indiqué à votre Rapporteure qu'ils ne déposaient plus de dossiers de financement sur des activités au c_ur de leurs compétences ou sur des créneaux technologiques innovants. L'une des faiblesses du système a trait en effet à la question de la confidentialité et de la propriété industrielle.

Le cinquième PCRD, dont l'exécution porte sur la période 1998-2002, prévoit 13,7 milliards d'euros hors programme EURATOM (soit 5,4 % de l'ensemble des efforts publics de recherche civile des Etats membres). Il témoigne d'un effort de rénovation des instruments communautaires, à travers le resserrement des programmes thématiques et la définition d'actions clés, l'attention portée aux nouvelles techniques de communication, l'encouragement à la mobilité des chercheurs au sein de l'Union européenne et la participation des PME-PMI. L'accent a été particulièrement mis sur le secteur aéronautique et spatial, d'une part parce qu'il correspond à un domaine reconnu comme prioritaire par l'ensemble des Etats membres, d'autre part en raison de l'action déterminante des syndicats professionnels.

C'est une erreur de croire qu'on peut compenser la diminution de crédits budgétaires pour la R&D de défense grâce au programme cadre européen car celui-ci est abondé par des dotations nationales. Il serait donc illusoire de réduire l'effort budgétaire du ministère de la Défense et de contribuer à une élévation du PCRD sans en tirer profit au niveau national.

b) L'initiative Eurêka

_ L'initiative Eurêka de soutien au développement technologique des entreprises a été créée en 1985, suite à une initiative franco-allemande, dans un cadre réunissant à la fois des membres de l'Union européenne et de l'AELE. Elle regroupe aujourd'hui 27 membres dont les quinze Etats de l'Union, la Commission ainsi que sept pays d'Europe centrale et orientale.

Malgré une structure internationale classique (une conférence interministérielle annuelle dotée d'une présidence tournante qui décide des orientations et accorde les projets, une conférence interparlementaire, un groupe de hauts représentants qui veille à l'exécution des objectifs et se réunit quatre à cinq fois par an, un secrétariat permanent basé à Bruxelles), l'initiative a su éviter la centralisation et la lourdeur bureaucratique des procédures communautaires. Les procédures sont simplifiées, rapides (quelques mois suffisent à l'instruction des dossiers). L'approche privilégie l'initiative industrielle (démarche de type bottom up) et le libre choix des partenaires, elle assure la confidentialité et correspond aux besoins des marchés.

Les projets qui reçoivent le label Eurêka concernent avant tout des applications civiles mais, de manière similaire aux autres programmes multilatéraux, celles-ci peuvent avoir des incidences pour la recherche de défense.

_ Pourtant l'initiative Eurêka souffre de deux faiblesses :

la démobilisation des Etats membres. Ceux-ci ont diminué leur contribution (de 550 millions d'euros en 1994 à 350 millions d'euros en 1998), ce qui entraîne une baisse du nombre de projets puisque le système repose sur les contributions nationales. On constate en outre un écart de 1 à 20 entre les contributions nationales publiques à Eurêka et aux programmes cadres (en 1999 l'exécution du PCRD a mobilisé environ 3,150 milliards d'euros alors que les fonds publics ont représenté moins de la moitié de l'exercice Eurêka estimé à 350 millions d'euros) ;

le manque de relations entre Eurêka et les programmes cadres. Certes, des liens existent. En 1988, Le Conseil des ministres a même explicitement alloué une partie des fonds du programme cadre au programme Eurêka Jessi dont l'objectif était de rattraper le retard de l'industrie européenne en matière de composants électroniques et qui s'est achevé en 1996. Le projet Jessi est actuellement prolongé par le programme MEDEA. De manière similaire, la Direction générale de la société de l'information a développé la coopération avec l'Agence spatiale européenne sur le projet Galileo.

Mais la convergence des objectifs du cinquième PCRD avec les actions menées par l'initiative Eurêka devrait être encouragée puisque les champs d'application des deux programmes se rapprochent.

Une évaluation stratégique a été menée en 1999 par le secrétariat européen d'Eurêka qui a proposé quatre scénarios d'évolution. La conférence ministérielle d'Istanbul en juin 1999 a marqué sa préférence pour l'extension du portefeuille d'Eurêka, le soutien à de grands projets fédérateurs comme l'avait été Jessi, l'accroissement de la participation des PME-PMI. Deux projets ambitieux ont reçu un label Eurêka et peuvent avoir une finalité militaire : PIDEA pour les industries de l'interconnexion et de l'assemblage des équipements électroniques (budget estimé de 20,992 milliards de francs) et ITEA pour les composants logiciels des systèmes complexes (budget estimé de 2,624 milliards de francs).

Il est encore trop tôt pour percevoir l'effet de ces propositions mais il est à craindre que l'absence d'engagements des Etats membres sur le plan financier ne permette pas de revitaliser une initiative qui a le mérite de dépasser le strict cadre de l'Union européenne et de tester des procédures moins contraignantes.

c) Les actions clés et les projets fédérateurs

L'importance croissante de l'Union européenne se manifeste également dans les actions clés et les projets fédérateurs.

_ L'une des principales actions clés de l'Union européenne, tant en terme de stratégie que d'engagements financiers (700 millions d'euros) est dirigée vers l'aéronautique. De grands domaines de recherche ont été définis et les technologies critiques ont été déterminées. L'Union européenne finance des démonstrateurs et valide des technologies. Les plus importants des projets relatifs aux moteurs ou aux infrastructures de transports aériens dépassent les 100 millions d'euros et concernent l'ensemble de l'industrie européenne.

L'idée des services de la Commission est d'accompagner le mouvement des restructurations industrielles en cours et de promouvoir les réflexions communes. L'objectif des groupes d'experts constitués est de rapprocher les priorités nationales pour éviter la redondance des efforts et coordonner les activités, et de rechercher des synergies entre domaines civil et militaire. Les premiers contacts établis au cours d'une tournée des capitales européennes montrent que les réticences restent fortes sur la notion de dualité dans l'aéronautique et que la majorité des intervenants préfèrent évoquer la neutralité des technologies.

_ Le rapprochement des secteurs de l'aéronautique et du spatial est également un objectif communautaire en raison de la convergence des technologies et de la similarité des structures de production. L'Union européenne s'intéresse donc plus particulièrement à deux exemples de projets fédérateurs dans le domaine spatial qui l'encouragent à approfondir ses relations avec l'Agence spatiale européenne :

- d'une part, le projet de navigation par satellites Galileo qui se veut avant tout civil mais qui aura de manière inévitable des applications militaires puisqu'il se situe en réaction au système américain GPS ;

- d'autre part, le projet GMES d'observation de la Terre pour de multiples usages. Ce projet est encore en phase amont mais ne pourra être décidé qu'avec la participation des ministères de la défense dont les intérêts sont convergents.

Les besoins exprimés par les principaux pays européens en renseignement militaire et le renforcement de la crédibilité de l'Europe de la défense nécessitent que ces projets aboutissent et que les problèmes de financement soient résolus.

2. Les actions menées dans le cadre de l'UEO

Une partie de la coopération européenne en matière d'armement est conduite dans le cadre de l'Union de l'Europe occidentale au sein de l'Organisation de l'armement de l'Europe occidentale (OAEO), créée en 1996, et qui dispose de la personnalité juridique en tant qu'organe subsidiaire de l'UEO. La cellule recherche, qui y a été intégrée en avril 1997, est chargée du soutien du GAEO pour les activités de recherche et technologie.

a) Les programmes de recherche dans le cadre du GAEO

_ Le groupement armement de l'Europe occidentale (GAEO) correspond au transfert en 1992 de l'OTAN à l'UEO d'une instance chargée des programmes communs d'armement, le GEIP (Groupe européen indépendant de programme) qui avait été créé en 1976 par treize pays européens de l'OTAN (hors Islande). Le GAEO est chargé de définir la politique dans le domaine de l'armement. Dans le cadre de la Commission II, compétente pour les questions de recherche et de technologie17, une cellule en charge des recherches fonctionne depuis le 1er mai 1995.

Pour concrétiser les programmes de recherche, une seconde structure l'Organisation de l'armement de l'Europe occidentale (OAEO), qui bénéficie seule de la personnalité juridique, est apte à signer des contrats au profit des Etats membres avec les industriels. Celle-ci emploie actuellement une dizaine de personnes et dispose d'un budget annuel de fonctionnement de 1,9 million d'euros en 2000. Constituant un élément précurseur de la politique européenne de l'armement, l'OAEO voit cependant son domaine d'intervention restreint.

_ Deux principes guident les programmes de recherche technologique au sein du GAEO :

- la clé de répartition financière entre pays participants comprend deux composantes, l'une fixe correspondant à la participation dans le GAEO, la seconde ajustée en fonction de la participation des pays aux projets (il existe également un système d'abattements pour les pays les moins avancés sur le plan technologique) ;

- le système juridique est à plusieurs niveaux. Coexistent d'une part une charte de création du GAEO et des lettres d'accompagnement, d'autre part un mémoire d'entente pour l'OAEO, enfin des modifications de mémoires pour les dispositifs particuliers. Les mémoires d'entente permettent aux trois pays qui sont restés observateurs du GAEO jusqu'en novembre dernier (Autriche Finlande, Suède) d'être associés aux projets de recherche.

b) Les programmes et les procédures spécifiques

_ Le programme Euclid, créé par une charte du Conseil des ministres de l'UEO à l'automne 1996, a pour objectif le développement et l'élargissement de la base technologique de défense des Etats membres de l'UEO.

Un premier bilan a été dressé à la fin de l'année 1999. Il conclut à la modestie des engagements notamment en comparaison avec les financements de l'Union européenne (la valeur annuelle du programme Euclid ne dépasse pas 65 millions d'euros) et l'importance de l'initiative industrielle :

- depuis juillet 1997, ont été passés une quarantaine de contrats de recherche (4 en 1997, 13 en 1998, 17 en 1999 et 9 en 2000) et neuf contrats d'études et de services pour un total de 140 millions d'euros soit une moyenne de 4 millions d'euros par contrat. Sur 129 esquisses approuvées par la Commission II du GAEO, 6 ont été abandonnées, 35 contrats sont terminés et 88 restent « vivants »;

- les programmes lancés dans le cadre de l'OAEO sont ouverts à tous les membres de l'organisation qui veulent y participer et notamment à ceux dont les moyens sont réduits. Il apparaît cependant que les résultats de ces programmes sont limités et peu exploités, n'étant guère suivis de développements conduits en commun ;

- les deux tiers des projets proviennent de la procédure Eurofinder d'appel public à des propositions non sollicitées qui existe depuis 1996. Dans ce cas ce sont les industriels qui formulent des propositions dans des domaines où les pays participants se déclarent prêts à faire des recherches. C'est ainsi que seize domaines technologiques dits CEPA ont été définis.

Cette procédure a permis de notifier 24 contrats pour l'exercice 1996-1997 (sur 62 offres) et 10 seulement pour l'exercice 1998-1999 (sur 45 offres). L'exercice 2000, lancé par la conférence du 24 novembre 1999, a recueilli 28 propositions. Les industriels participent en autofinançant à hauteur d'un tiers du programme Euclid.

_ Plusieurs autres procédures spécifiques existent, ce qui ajoute encore à la complexité du système :

Thalès est un cadre de coopération repris du GEIP qui a fait l'objet d'un accord par les ministres du GAEO en novembre 1996. Il concerne la coopération entre laboratoires publics (par exemple l'ONERA et ses homologues) et prend la forme d'arrangements multilatéraux. Il n'existe donc pas de contrats de recherche à proprement parler sauf pour les pays intéressés qui n'ont pas de laboratoires officiels et doivent donc conclure des contrats nationaux ». Depuis octobre 1997, dix contrats ont été approuvés ;

- la procédure Socrate permet d'impliquer la Suède et la Finlande, pays observateurs de l'UEO, aux activités du GAEO. En parallèle, ces deux pays contribuent au budget de financement de la cellule recherche du GAEO depuis 1999 ;

- le programme spécifique TFMOU a pour objectif de rationaliser les moyens d'essai étatiques sous forme d'assistance réciproque entre deux pays. Il a été étendu à la Suède et à la Finlande depuis novembre 1998 ;

- les technologies dites critiques ont fait l'objet de plusieurs études. La première (CRITEC), proposée par l'EDIG18 en 1995, ne fut pas acceptée par la Commission II du GAEO en raison de l'absence de besoins opérationnels communs dans les forces des pays européens. Une seconde étude (SCITEC), lancée en mars 1996, analysa neuf stratégies nationales d'acquisition des armements et définit 23 domaines techniques dont 11 pour les technologies capacitances19 de base et 12 technologies liées aux systèmes20. Cet effort de taxinomie est le premier réalisé dans un cadre strictement européen. Des études spécifiques ont analysé quatre des 23 domaines techniques (matériaux optiques, productique, conception des armes et vecteurs, simulateurs). Un financement de 350 000 euros a été décidé pour analyser quatre autres actions ;

- le nouveau programme SSTG s'appuie sur deux initiatives, l'une financière pour remettre en cause le système actuel de paiement direct à l'industrie par les pays participants, la seconde de nature juridique pour faciliter la participation d'un plus grand nombre de pays et renoncer ainsi au concept de projets fermés a priori. La négociation d'un mémoire d'entente cadre se poursuit sous le sigle Europa et devrait aboutir à une signature en novembre 2000.

c) Les perspectives

Les premiers résultats enregistrés par les procédures du GAEO montrent qu'il est possible de coopérer sur de petits projets de recherche sans enjeux économiques d'importance mais que la question reste posée pour les projets de plus grande envergure.

Les procédures ont eu deux mérites. D'une part, la démarche spécifiquement liée aux projets de recherche de défense constitue une première étape tant que l'Union européenne reste en retrait sur ces sujets et permet à un petit nombre de pays motivés d'entreprendre des actions communes. D'autre part, l'intérêt des programmes est le principe d'ouverture à l'ensemble des participants intéressés.

Les Ministres de la Défense de l'UEO ont décidé au Conseil de Marseille en novembre dernier l'extinction des fonctions opérationnelles de l'UEO et le transfert des compétences de gestion de crise à l'Union européenne.

Mais la structure institutionnelle qui subsistera pour gérer la garantie d'assistance mutuelle en cas d'agression (sur la base de l'article V du Traité de Bruxelles) sera également chargée du soutien aux activités de l'OAEO et du GAEO.

A l'occasion du Conseil de Marseille, six nouveaux pays (l'Autriche, la Finlande, la Hongrie, la Pologne, la Suède et la République tchèque) ont adhéré au GAEO dont le nombre de membres est ainsi passé de 13 à 19.

3. Une nouvelle structure pour prendre en charge la recherche de défense : l'OCCAR

a) La création de l'OCCAR

Traditionnellement, les productions d'armements en coopération faisaient l'objet d'accords entre Etats de manière globale ou par projet. La France a ainsi conclu un accord global avec l'Allemagne, pour les matériels de guerre construits en commun, l'accord « sur les exportations vers les pays tiers des matériels d'armement développés et/ou produits en coopération », signé les 7 décembre 1971 et 7 février 1972 par les ministres Helmut Schmidt et Michel Debré, alors Ministres de la Défense.

L'application de l'accord Debré-Schmidt a abouti à la règle suivante : « un partenaire ne met pas de veto à une décision d'autorisation accordée par le partenaire acceptant ». Les industriels souhaitent en général que cette règle coutumière soit généralisée. L'application de l'accord a commencé à connaître des difficultés dès lors que les Allemands se sont inquiétés des exportations des matériels produits par leur pays : tel a été le cas lorsque la société Eurocopter a envisagé d'exporter l'hélicoptère Tigre en Turquie. Il est, en réalité, impossible au pays acceptant de passer outre. Les programmes germano-britanniques (Tornado), puis multinationaux (Eurofighter), sont eux aussi régis par des principes analogues.

Face aux blocages apparus dans les structures de coopération européenne, la France et l'Allemagne, soucieuses d'améliorer l'efficacité de leurs programmes en coopération et d'avancer dans la construction de l'Europe de l'armement, ont décidé, lors du sommet bilatéral de décembre 1993 de mettre sur pied une structure d'armement commune. A l'occasion du sommet de Baden-Baden en décembre 1995, les deux pays ont créé cette structure sur la base de cinq principes : conduite des programmes d'armement avec le meilleur rapport coût efficacité possible ; préparation commune du futur ; amélioration de la compétitivité de la base industrielle et technologique de défense ; globalisation du juste retour industriel sur plusieurs programmes et plusieurs années ; ouverture à d'autres pays acceptant les principes précédents et participant à un programme significatif.

Dans les mois qui suivirent, le Royaume-Uni et l'Italie rejoignirent l'initiative franco-allemande et un accord administratif créant l'organisme conjoint de coopération en matière d'armement (OCCAR) fut signé le 12 novembre 1996 à Strasbourg par les Ministres de la Défense des quatre pays.

Conscient que son efficacité serait considérablement accrue si l'OCCAR était doté de la personnalité juridique, les quatre membres fondateurs décidèrent d'engager des démarches dans ce but. Deux voies étaient possibles : la demande à l'UEO d'un statut d'organe subsidiaire pour l'OCCAR échoua le 11 novembre 1997 à Bruxelles, les ambassadeurs des pays membres ne trouvant pas le consensus nécessaire ; il ne restait plus qu'à établir un statut sui generis, ce qui aboutit à la signature d'une convention, le 9 septembre 1998 à Farnborough.

La procédure de l'OCCAR a cependant marqué le pas en raison du retard mis par certains Etats à ratifier le traité : le Parlement italien a achevé en novembre dernier la procédure de ratification.

L'obtention de la personnalité juridique, prévue pour le début de 2001, permettra au nouvel organisme de passer directement des contrats par délégation des pays membres et de nouer ainsi de nouvelles relations avec les industriels. S'appliqueront alors les principes communs tels que l'abandon du « juste retour » programme par programme, l'instauration de mécanismes de concertation (échanges d'informations et consultations sur les programmes en cours ou à venir), ainsi que l'instauration formelle de la règle de la mise en concurrence des projets d'équipement.

b) Les principes de fonctionnement

L'OCCAR se caractérise essentiellement par une rupture avec les principes régissant habituellement les structures de coopération :

une prise de décision modulable

Les règles de prise de décision au sein de l'OCCAR rompent avec le principe du consensus. Si les principales décisions continuent à être prises à l'unanimité, d'autres strictement identifiées échappent à cette règle. Ainsi, les décisions concernant l'établissement ou la dissolution d'un comité sont prises à la majorité simple des voix, celles relatives à l'adhésion d'un membre, aux règles et procédures internes, à l'organisation de l'administration d'exécution ainsi qu'à la nomination du directeur sont prises à la majorité qualifiée renforcée, ce qui signifie que dix votes d'opposition sont nécessaires pour empêcher son adoption.

Comme chaque membre fondateur dispose de dix voix et peut donc s'opposer à une décision, il est prévu que tout nouvel adhérent ne pourra disposer que de cinq voix et sera donc dans l'incapacité de bloquer une décision.

un financement plus rationnel

L'OCCAR dispose de deux budgets : l'un administratif, d'un montant d'environ 20 millions d'euros en 2000, est calculé selon une clé de répartition qui prend en compte le poids de vote des participants (par exemple 22,22 % pour la France avec l'adhésion des Pays Bas) ; l'autre opérationnel est spécifique à chaque programme et est décidé par les seuls Etats concernés.

Dans le premier cas, la participation de la France prend la forme d'une subvention à partir du titre III du budget de la défense (article 36.01). Dans le second cas, le budget opérationnel est alimenté à partir des lignes correspondant aux programmes d'armement dans le titre V du même budget.

L'OCCAR pourra également disposer de ressources accessoires comme les emprunts ou les intérêts financiers.

des conditions d'adhésion rigoureuses

Les règles d'adhésion définies pour l'OCCAR diffèrent de celles prévues pour les autres institutions européennes. Elles reposent sur des critères plus techniques que politiques, le pays candidat devant accepter les règles et les procédures de fonctionnement, et s'engageant à participer à un programme commun de recherche géré par l'OCCAR.

l'aménagement de la pratique du juste retour

L'une des innovations les plus prometteuses de l'OCCAR a été d'introduire la notion d'équilibre global multiprogrammes et pluriannuel.

La règle du juste retour consiste à établir une identité entre la contribution financière des pays et le niveau de participation de leur industrie. La quasi généralisation de cette pratique, notamment pour chaque sous-système, ne permet pas de trouver au sein d'un programme la configuration industrielle la plus économique dans la mesure où la détermination des partenaires industriels dépend de la répartition des commandes entre les pays. Elle contribue plutôt à dupliquer les savoir-faire et les installations.

Dans la perspective d'une méthode d'évaluation de l'équilibre global entre les pays membres, l'OCCAR a pour tâche de rendre compte annuellement aux participants de l'équilibre global. Le calcul de la balance des programmes permet d'informer les pays de la répartition des travaux entre les industries nationales. L'unité de mesure du partage des travaux est de nature financière, de préférence à une mesure des temps de travail. Ce choix met en évidence les déséquilibres et permet de les corriger sur une période de trois à cinq ans.

Dans le calcul de l'équilibre global, seuls les paiements réalisés après la date de prise d'effet d'intégration d'un programme dans l'OCCAR seront pris en compte. Seront exclus les contrats passés à des sous-traitants qui n'appartiendraient pas à un des pays membres de l'organisation. Les achats conjoints à des pays non membres de l'OCCAR seront également exclus de l'équilibre global.

Anticipant les difficultés liées au passage du juste retour industriel à la recherche d'un équilibre global, la convention créant l'OCCAR a prévu des dispositions transitoires visant à atténuer les possibilités d'écarts entre les contributions financières et la participation financière d'un pays. Un mécanisme de seuil a été instauré : des mesures correctrices seront prises si, dans une phase ou un programme, le retour n'est pas égal à 66 % au moins ou si, sur une période de trois ans, le retour n'est pas globalement égal à 96 %.

Une mise en concurrence orientée vers la performance

En vertu des principes énoncés à Baden-Baden, les signataires de la convention s'engagent à donner la préférence, pour satisfaire leurs besoins militaires, aux matériels développés par les industriels des pays membres de l'organisation et à améliorer le rapport coût efficacité des programmes en coopération.

Toutefois, une mise en concurrence des fournisseurs, hors des pays membres de l'OCCAR, est prévue. L'autorité qui approuvera l'extension du périmètre de consultation est le comité de programme qui réunit les représentants des pays participant.

La recherche d'un maximum de concurrence, au-delà même du champ européen est envisagée par la convention mais est entourée de garanties, l'accord unanime des participants au programme étant requis et la réciprocité recherchée.

c) Les perspectives de l'OCCAR

_ Lors de la signature de l'arrangement administratif instituant l'OCCAR en novembre 1996 à Strasbourg, il a été décidé d'exclure du domaine de compétence de l'organisation tout programme géré par une agence de l'OTAN (exemples de l'Eurofighter-2000 ou de l'hélicoptère NH 90). Hormis cette exception, tout programme en coopération peut être intégré à l'OCCAR.

Le tableau suivant indique pour la France les programmes déjà intégrés dans l'OCCAR. Le montant des programmes intégrés représente plus de 42 milliards de francs dont moins de la moitié au titre de la participation française. Il existe un seul exemple de programme auquel la France ne participe pas, celui du véhicule blindé germano-britannique MRAV/GTK. Les programmes de frégates franco-italiennes Horizon et du système d'armes franco-italo-britannique PAAMS sont en cours d'intégration dans l'OCCAR. Plusieurs autres programmes (comme le satellite d'observation de seconde génération Hélios II) n'ont pas été incorporés car les critères d'intégration ne correspondaient pas à une amélioration effective de leur gestion.

PROGRAMMES INTEGRÉS DANS L'OCCAR

(en milliards de francs)

Programmes d'armement

Montant total pour les participants

Part française

Radar de contrebatterie COBRA

3,667

1,308

Famille sol-air futurs FSAF

15,23

8,363

missile HOT

1,03

0,743

missile MILAN

0,808

0,312

missile ROLAND

0,203

0,098

hélicoptère TIGRE

21,698

8,864

Total

42,637

19,508

_ Les perspectives d'élargissement et d'évolution de l'OCCAR sont nombreuses. Elles constituent autant des facteurs de réussite que des risques d'échec si les conditions sont mal maîtrisées :

- quatre pays ont vocation à rejoindre l'organisation. La procédure d'adhésion est quasiment terminée pour les Pays-Bas. Le processus est seulement engagé pour la Belgique. Des discussions sont en cours avec l'Espagne et la Suède.

- l'OCCAR ambitionne d'avoir une compétence en matière de R&D même si à court terme aucun financement de recherche n'est prévu. La France et l'Allemagne envisagent à court terme de doter l'OCCAR d'un fonds commun de recherche pour mener des études en coopération. Une telle orientation est de nature, non seulement à conforter le rôle de l'OCCAR, mais à répondre aux besoins des politiques de défense dans un cadre européen.

- l'OCCAR devra prendre le relais des institutions nationales tout en demeurant sous leur contrôle. Le risque existe cependant qu'il agisse comme une structure supplémentaire au lieu de remplacer les services gouvernementaux dans les différents pays.

D'une part, les nouvelles procédures supposent d'organiser de véritables transferts de crédits à une structure extérieure ce qui remet en cause les systèmes actuels de paiement dans les différents pays. Or les ministères des finances des pays intéressés sont encore réticents pour autoriser de tels transferts.

D'autre part, les services acquéreurs des différents Etats répugnent encore à se dessaisir de leur compétences même si le personnel de l'OCCAR est constitué de personnes détachées de ces services nationaux21. Le projet de loi de fiances pour 2001 prévoit ainsi la suppression de 48 postes au sein de la DGA afin de doter le siège central de l'OCCAR de la contribution française.

_ La coopération en matière d'armement qui s'est développée hors du cadre de l'Union européenne aboutit à une dispersion des enceintes et à une multiplicité des approches. Depuis plusieurs années, certains pays européens ont manifesté la volonté de rationaliser cette situation, faisant de l'objectif d'une agence européenne de l'armement (AEA), d'ailleurs inscrit dans le traité d'Amsterdam, un moyen de mieux coordonner leurs efforts.

La constitution de cette agence pourrait se faire dans un cadre souple et fédérateur, par apports successifs d'éléments existants : dans un premier temps, mise en place d'une structure d'acquisitions extérieures, puis d'une cellule de recherche, enfin, intégration d'un organisme de développement de programmes sur le modèle de l'OCCAR. Cette montée en charge progressive aurait notamment pour but d'éviter de compromettre les initiatives qui fonctionnent aujourd'hui dans un format plus réduit, comme l'OCCAR.

4. Le cadre de la LoI (letter of intent ou lettre d'intention) : favoriser l'intégration d'une industrie européenne de défense

a) Une démarche globale et volontaire

Devant les difficultés créées par l'inadéquation des systèmes de règles nationales, six pays seulement (France, Grande-Bretagne, Allemagne, Espagne, Italie et Suède) ont entamé une démarche commune. Le 6 juillet 1998 à Londres, leurs Ministres de la Défense respectifs ont signé une « lettre d'intention sur l'accompagnement des restructurations industrielles dans le domaine de la défense » ou L.o.I. (letter of intent).

L'objectif de la L.o.I. consiste à définir un cadre de coopération pour faciliter la restructuration de l'industrie européenne de défense et, dans « les domaines pour lesquels les Parties ont l'intention de trouver des solutions communes aux problèmes identifiés » de « définir les principes, l'organisation et les responsabilités », afin de négocier les arrangements et accords appropriés. Il est envisagé que la mise en application de ces accords puisse entraîner l'adaptation des réglementations nationales.

La lettre d'intention va bien au-delà des questions relatives au contrôle des exportations. En effet, elle précise les principes que se fixent les gouvernements pour encourager la création et le fonctionnement efficace de sociétés transnationales dans le domaine des équipements de défense. Il s'agit d'une démarche spécifique aux pays producteurs d'armement, l'objectif étant de conclure dès que possible un accord contraignant avant de l'élargir ensuite.

Un accord cadre a été signé le 27 juillet 2000 à Farnborough entre les six Ministres de la Défense des pays intéressés pour la mise en _uvre immédiate de certaines mesures.

b) Des domaines d'intervention considérables

Six domaines ont été retenus, faisant l'objet d'autant de groupes de travail, dont le secrétariat est confié à l'un des pays membres.

_ Le premier, confié à l'Italie, est celui de la sécurité d'approvisionnement, chaque pays voulant s'assurer que la restructuration industrielle n'aura pas de conséquence sur sa doctrine militaire et l'équipement en conséquence de ses forces. Un pays peut même considérer que certaines technologies et fabrications qu'il maîtrise sont si importantes pour sa sécurité et sa stratégie qu'il refuse que leur fabrication puisse quitter son sol. Pour trouver des réponses à ces préoccupations, il est envisagé d'attribuer dans la société internationale une « golden share » permettant à certains pays de faire respecter ce point.

Dans ce domaine, les travaux actuels portent sur l'établissement de mécanismes de consultation, soit en cas d'opérations affectant les actifs et activités stratégiques, soit, pour faciliter de manière plus générale l'approvisionnement des Etats. Ils portent également sur l'établissement de mécanismes d'assistance et les recours croisés aux stocks nationaux.

_ Le deuxième dossier, géré par la France, est celui du contrôle des exportations d'armement et concerne donc les procédures d'exportation.

_ Le troisième dossier (Espagne) porte sur la sécurité de l'information, des aménagements étant nécessaires pour rendre compatibles le nécessaire secret relatif à certains armements et la gestion internationale des sociétés qui les fabriquent.

_ Le quatrième dossier, confié à la Suède, est celui de la recherche et de la technologie. Son but est d'utiliser « de manière effective et efficace » les ressources consacrées à la recherche et technologie de défense, d'harmoniser les programmes pour « éviter les redondances inutiles » dans les efforts déployés ainsi que « les lacunes majeures de technologie ». il est prévu de recourir à une agence exécutive dotée de la personnalité juridique pour la conduite de programmes de recherche et technologie. Une telle agence existe en fait déjà au niveau, soit de l'OCCAR, soit de l'OAEO. Il aurait donc été intéressant de regrouper sous une même entité juridique l'OCCAR et le GAEO par exemple.

_ Le cinquième dossier, de la compétence du Royaume-Uni, intéresse la propriété et le traitement des informations techniques. Seraient envisagés un allégement des exigences en cas de restructurations (libre disposition de l'information technique, la suppression des redevances d'exploitation prévues en cas de cession) et l'engagement d'un effort d'harmonisation avec l'instauration de clauses standards des contrats de défense et des procédures de mise au secret des inventions classifiées.

_ Le sixième dossier est celui de l'harmonisation des besoins opérationnels et des procédures d'acquisition. Confié à l'Allemagne, c'est celui qui progresse le moins, sans doute du fait de son ampleur car il est indissociable de la politique d'équipement militaire et de sécurité de chaque pays et de la PESC.

Ces six groupes sont chapeautés par un groupe central. En France, la coordination des intervenants est assurée directement par le Secrétaire général de la Défense nationale, sous l'autorité du Premier ministre

c) Des procédures d'exportations nouvelles y compris pour les technologies

En matière de contrôle, la démarche de la LoI est celle d'une simplification globale fondée sur la suppression des contrôles internes à l'Union européenne pour les transferts de matériels d'armement, et sur une procédure unique pour l'exportation des matériels hors de la zone LoI.

_ S'agissant des transferts internes aux pays de la LoI, puis intra-communautaires, la LoI. prévoit que les Parties « rechercheront des moyens de simplifier la circulation des Biens et Services de Défense entre elles, (...) en aspirant à une réduction progressive et le moment venu à une suppression (...) des procédures de contrôle pour les transferts entre elles ». Dans ce but, les travaux en cours tendent à instituer par programme des licences globales valables pour tous les pays partenaires pour l'ensemble des matériels du programme et pour la durée de vie de ceux-ci.

_ S'agissant des transferts extra-communautaires, la LoI dispose que les pays « prendront les mesures nécessaires au développement de règles communes (...), incluant une harmonisation de leurs politiques de contrôle (procédures, listes et niveaux d'autorisation) et examineront la possibilité d'établir une procédure standard. »

Parce qu'il y a une vraie préoccupation de ne pas accumuler pour chaque programme les réserves de chacun des pays, l'idée est d'établir un ensemble commun de règles d'exportation en prévoyant par exemple, au sein de chaque accord de création d'un programme en coopération, un volet relatif aux conditions d'exportation.

5. Une évolution inévitable

a) Le renforcement des politiques communes

Une évolution plus importante devra encore se produire au niveau européen car on comprendrait mal que la construction d'une politique étrangère et de sécurité commune, après les déclarations des sommets de Cologne (juin 1998) et Helsinki (1999), ainsi que la constitution d'ensembles industriels européens (EADS, Astrium, Matra British Aerospace Dynamics MBD) n'aient aucune conséquence sur la participation de la politique de recherche de l'Union européenne.

L'écart entre l'évolution économique et la spécificité des règles juridiques crée de plus en plus de difficultés, en raison notamment des restructurations dans l'industrie européenne de la défense et du développement de la production des armements en coopération internationale (systèmes construits en commun par des sociétés relevant de plusieurs pays ou par une seule société présente dans plusieurs pays). Les contraintes deviennent trop importantes pour les industriels, qu'elles soient liées à la lourdeur des procédures ou à la multiplicité des cadres juridiques de contrôle. De plus, l'absence d'harmonisation est à la fois facteur de retards et d'insécurité pour les entreprises et les programmes, et facteur de risques pour l'application des réglementations.

En même temps que l'unification progressive des règles politiques et éthiques appliquées par les pays de l'Union, c'est-à-dire en même temps que la constitution progressive par eux d'une politique étrangère commune dans ce domaine, doit se constituer un dispositif de contrôle commun.

La plupart des interlocuteurs de votre Rapporteure ont regretté l'émiettement et les redondances dans les programmes de recherche des différents pays européens. Certains ont même estimé que le défaut d'organisation de l'Union européenne en matière de recherche - et de recherche de défense plus particulièrement - illustrait une carence stratégique, à l'exception notable de l'Agence spatiale européenne et des nouveaux programmes de satellites. Ils ont souhaité que soit mis en place, un fonds de recherche et technologie (R&T), destiné notamment aux sociétés transnationales, qui pourrait se situer dans le cadre de l'OCCAR.

Les positions de la France et de l'Allemagne étant convergentes sur cette question, il sera nécessaire, dans une première étape, d'identifier un programme bilatéral de recherche ou de démonstrateur technologique, d'évaluer son volume financier et de confier sa gestion exécutive à l'OCCAR. Dès que cet organisme aura acquis les compétences et que les délégations de dotations publiques se seront accrues, il pourra passer d'une démarche « projet d'études par projet d'études » à une seconde étape dans laquelle il sera amené à proposer aux Etats un programme d'ensemble de R et T notamment pour les programmes qui seront exécutés par des sociétés transnationales.

Dans cette optique, le Délégué général pour l'Armement a jugé souhaitable d'augmenter à terme de 50 % l'effort français de recherche et développement mené en coopération.

b) La position de la Commission à l'égard de la recherche de défense

La Commission européenne a été à l'origine en décembre 1997 d'une Communication au Conseil et au Parlement européen pour « mettre en _uvre la stratégie de l'Union en matière d'industries liées à la défense ». Elle contenait à la fois un projet de position commune relative à l'élaboration d'une politique européenne d'armement et un plan d'action pour les industries de défense.

Plusieurs raisons expliquent le retrait actuel par rapport à cette proposition du Commissaire à l'Industrie Bangeman et le fait que le plan d'action n'ait pas été concrétisé malgré l'importance des enjeux : la sensibilité très forte à l'égard des questions de défense, en particulier au Parlement européen ; le départ de la Commission Santer ; le rôle concurrent des différentes directions générales de la Commission ; l'absence de réelle impulsion politique et les écarts entre les approches des pays européens sur le dossier. Certains services de la Commission estiment même que les propositions du commissaire Bangeman ont alimenté les hésitations des Etats et cristallisé les anxiétés des industriels qui gardaient une vision nationale. C'est pourquoi la nouvelle Commission, présidée par M. Romano Prodi, se montre plus réservée et souhaite d'abord susciter un débat. Mais cet excès de prudence ne peut être que limité dans le temps.

La communication du Commissaire Philippe Busquin de janvier 2000 « Vers un espace européen de la recherche » constitue une orientation intéressante dans la mesure où elle préconise un meilleur effort de recherche, où elle ne nie pas l'intérêt de la dualité (la Commission n'a pas effectué de réflexion stratégique sur la notion de dualité mais privilégie une approche concrète) et où elle rappelle que la politique de la recherche est un support essentiel de la compétitivité des entreprises européennes.

La préparation du 6ème PCRD pourrait fournir l'occasion de reconnaître l'intérêt de la dualité et de définir des actions communes structurantes. Mais les réunions de votre Rapporteure avec les représentants des directions de la Recherche et des Entreprises à la Commission européenne lui ont montré que les esprits n'étaient pas encore préparés à cette « reconnaissance officielle » de la recherche militaire qui est d'abord une question politique avant de constituer un problème juridique. La position officielle des instances communautaires demeure que la recherche de défense reste du ressort de structures ad hoc.

Certes, la logique du 6ème PCRD pourrait différer de celle du 5ème programme cadre dans la mesure où l'un des objectifs sera de mobiliser davantage les investissements publics ou privés, et d'identifier les critères qui permettraient de comprendre ce qui relève d'une réelle plus-value du rôle de l'Europe dans la politique de recherche. C'est sans doute dans ce sens qu'il faut situer la création d'un groupe d'experts du monde aéronautique qui devrait rendre, au début de 2001, un rapport à la Commission sur les moyens de maintenir la compétitivité de l'aéronautique européenne à l'échéance 2020.

_ L'approche pragmatique des services européens a engagé la Commission à nouer des liens avec d'autres structures sur la base de projets concrets. Des rencontres ont lieu de manière informelle une à deux fois par an. La Commission participe ainsi depuis peu aux réunions des commissions du GAEO afin d'échanger des informations sur le plan juridique (l'objectif étant par exemple que les contrats de recherche conclus par le GAEO appliquent les règles communautaires). Elle s'est également rapprochée de l'Agence spatiale européenne, les projets spatiaux constituant un des moyens essentiels pour fédérer les besoins civils et militaires au niveau européen. Plus récemment, des contacts ont eu lieu avec les représentants de l'OTAN et les négociateurs de la LoI ou de l'OCCAR. Mais, les différences entre grands et petits pays européens, qui est déjà perceptible au sein de l'OCCAR ou de la LoI, risque de trouver un nouveau terrain d'expression dans les instances européennes.

IV. - PROPOSITIONS POUR LA RECHERCHE AMONT DE DĖFENSE EN FRANCE ET EN EUROPE

Votre Rapporteure a souhaité présenter un certain nombre de propositions qui lui paraissent de nature à améliorer la situation de la recherche amont dans les secteurs de la défense et de l'aéronautique, et à préserver l'avenir des compétences technologiques de notre pays dans ces domaines.

Ces propositions sont regroupées en quatre thèmes correspondant aux principales conclusions de l'analyse précédente. Elles visent tout d'abord à améliorer le processus méthodologique en redéfinissant les concepts de R&T et de R&D. Elles mettent l'accent sur la définition d'une véritable politique de recherche reposant sur une stratégie de long terme. Elles cherchent à donner une nouvelle dimension à l'effort budgétaire en faveur de la recherche de défense. Enfin elles s'attachent à une clarification et à une simplification des structures et des procédures en vigueur.

A. L'AMÉLIORATION DU PROCESSUS MÉTHODOLOGIQUE

1. Redéfinir les concepts de recherche et développement R&D et de recherche technologie R&T

Pour remédier à la définition souvent imprécise et peu cohérente de la recherche de défense en général et des études amont en particulier, il est indispensable de donner une définition aussi précise que possible des agrégats utilisés en France.

Cette étape est particulièrement nécessaire au moment où sont établies les enveloppes budgétaires de la future loi de programmation militaire dans la mesure où il reste difficile d'apprécier le niveau et l'évolution de l'effort public de recherche. Elle apparaît essentielle pour effectuer des comparaisons, d'une part entre pays européens qui affirment une volonté dans ce domaine, d'autre part dans une approche transatlantique. Mais elle constitue également un élément fondamental dans les relations non seulement entre administrations (ministères de la Défense, de l'Economie et des Finances, de l'Industrie et de la Recherche) mais entre exécutants et financiers de la recherche en France.

Plusieurs améliorations ont déjà été proposées dans une partie précédente. On peut simplement rappeler ici qu'il est nécessaire d'instituer un concept commun de RT &D qui permette de distinguer trois phases, les études ou recherches fondamentales R, les technologies T et les développements D. Chaque phase mérite d'être définie par elle-même et par rapport aux autres.

2. Traduire les nouveaux concepts en termes budgétaires

La présentation des dotations budgétaires a montré qu'il était impossible d'indiquer avec précision et clarté les sommes consacrées à la recherche de défense amont. En ce qui concerne le ministère de la Défense, il est donc nécessaire de traduire la définition des nouveaux concepts R, T et D en termes budgétaires.

_ Le chapitre 52-81 « Etudes » du titre V de ce ministère ne donne pas une image fidèle de la réalité puisque de nombreux autres articles incluent des dotations en faveur de la recherche. Dans une approche dynamique et interarmées, ne serait-il pas souhaitable de redéfinir ce chapitre et de différencier les articles selon les phases R, T et D et non pas selon les destinataires ? On pourrait alors plus aisément déterminer les montants dévolus à chaque phase et fixer des objectifs en termes absolus (montants globaux) et relatifs (répartition entre R, T et D). Par là même, il deviendrait possible de définir un calendrier réaliste et cohérent pour atteindre des objectifs en matière d'effort de recherche. La Direction du Budget et la DGA, qui ont été consultées, ne semblent pas opposées à une redéfinition du chapitre 52-81.

_ Dans une approche complémentaire, il serait souhaitable :

d'éviter l'apparition de nouveaux agrégats comme les études à caractère opérationnel ou technico-opérationnel (EOTO) et les études à caractère politico-militaire, économique et social (EPMES). La dispersion des actions sur de nombreux articles budgétaires n'est pas satisfaisante car elle empêche d'avoir une vision globale ;

de regrouper dans un seul agrégat l'ensemble des études amont, des EOTO, des EPMES, même si par nature ces études ne correspondent pas à des briques technologiques et même si le niveau des dotations ne peut se comparer ;

de présenter chaque année l'effort de recherche de défense en regroupant ce qui ressort des différents titres (III, V et VI), les subventions à des organismes publics et les transferts à d'autres structures à partir du budget du ministère de la Défense. Cette présentation pourrait suivre deux démarches, l'une en termes de systèmes de forces qui est déjà établie par la DGA mais ne permet pas des discussions avec les ministères de l'Industrie et de la Recherche, l'autre en termes de capacités technologiques qui seule autoriserait ce type de discussions.

_ Par ailleurs, il semble désormais nécessaire d'identifier dans les budgets des ministères civils (Industrie et Recherche) la part de recherche qui peut être considérée comme duale ou qui est affectée à des programmes développés en commun avec le ministère de la Défense. Il ne s'agit pas de prendre en compte deux fois un effort de recherche financé sur dotations initiales par le budget de la défense puis transféré à une structure civile en cours d'exécution, mais bien d'apprécier, au travers des programmes pilotés par ces ministères civils, ce qui vient en complément des études sous tutelle de la défense.

Ce processus permettrait de relancer les coopérations et les synergies entre acteurs majeurs de la recherche en France et d'éviter que chaque structure n'ait tendance à se reposer sur d'autres de l'effort budgétaire nécessaire. Il est lié à la reprise d'actions coordonnées sur des projets identifiés d'intérêt commun au-delà des simples échanges d'information et de concertation actuellement menés.

Cette première approche, plus qualitative, doit être complétée par des objectifs en termes quantitatifs.

B. LA RÉVISION DE L'EFFORT DE RECHERCHE ET DE TECHNOLOGIE

1. Accroître l'effort national de recherche amont de défense

La baisse des crédits de recherche et technologie, même justifiée par les meilleurs arguments (notamment la possibilité d'accès aux crédits européens, le développement des technologies duales, une meilleure efficacité de la gestion des crédits), est une erreur stratégique. Cette erreur procède d'une vision comptable de court terme. A longue échéance, une telle politique peut être qualifiée de néfaste compte tenu de ses effets sur le tissu industriel, sur la raréfaction de l'innovation et sur la perte de compétences technologiques.

Plusieurs voies sont possibles pour accroître l'effort public ou privé de recherche amont.

_ Dans l'immédiat, il est impératif d'augmenter la part des financements publics et en premier lieu des dotations budgétaires du ministère de la Défense. Si les travaux préparatoires à la loi de programmation militaire, auxquels le Parlement n'est pas associé, semblent dégager un consensus en ce sens, le niveau d'augmentation fait encore l'objet de nombreuses discussions.

Afin de renforcer la clarté de la détermination publique et aider notre pays dans ses négociations au niveau européen, il convient tout d'abord de fixer des objectifs quantitatifs pour les dotations publiques, non seulement en termes absolus (montants des études effectuées directement par le ministère de la Défense ou sur contrats avec des laboratoires extérieurs, montants des subventions et des crédits transférés à d'autres ministères, enveloppes destinées aux mesures fiscales,...) mais également en termes relatifs.

La DGA estime qu'un raisonnement en termes de flux, c'est-à-dire de pourcentage prédéterminé des titres consacrés aux dépenses de R&T n'est pas pertinent. Au contraire, la majorité des intervenants et des organismes professionnels considèrent qu'un tel raisonnement aurait le mérite de faire mieux comprendre les objectifs de la politique publique et de faciliter les comparaisons dans le temps comme dans l'espace. Les pourcentages indiqués par votre Rapporteure sont loin d'être irréalistes puisqu'ils correspondent à ce qu'aurait du être la situation des trois derniers exercices budgétaires en l'absence de régulation.

Un raisonnement identique ne peut pas être tenu pour l'ensemble des crédits affectés aux études amont et il est nécessaire de différencier selon les différents types de crédits :

- si on fait référence au niveau de l'effort public en France, il y a encore dix ans, et à la situation des budgets de recherche de défense aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, il est souhaitable que le volume des crédits de recherche amont (hors transferts et subventions) progresse de 33 % à court terme. Cette progression de 33 % ne permettrait pas de rattraper le retard accumulé depuis cinq ans mais autoriserait les études amont à retrouver le niveau atteint au milieu de la décennie 90. Celle-ci pourrait être effective dès les premières annuités de la prochaine loi de programmation si le Ministre de la défense en décide ainsi ;

le niveau des subventions à des organismes de recherche sous tutelle ne peut pas être réduit tant que la stratégie de ces organismes, au premier rang desquels figurent l'ONERA et l'ISL, n'est pas redéfinie ;

- l'inscription de crédits relevant du BCRD doit être réexaminée. Elle se justifie si elle constitue un apport complémentaire du budget de la défense à la politique spatiale de la France, si elle ne conduit pas par ailleurs à une diminution du budget du CNES à due concurrence et si un effort est mené pour identifier les projets spatiaux auxquels ces crédits sont affectés. Autrement dit, en l'absence de ces conditions, il faudrait reconsidérer l'inscription de tels crédits dans la loi de programmation militaire 2003-2008.

_ Ces propositions signifient que :

- les dotations initiales pour les études amont au sens strict devraient croître de 3 à 4 milliards de francs dans les prochaines années ;

- l'ensemble des dotations en faveur de la R&T, y compris les subventions et les transferts (à leur niveau actuel) pourraient augmenter de près de 8 milliards de francs en 2000 à dix milliards de francs au cours de la prochaine programmation. Ces chiffres constituent des minima et supposent que disparaisse l'écart entre dotations initiales et dépenses effectives;

- la loi de programmation devrait donc contenir au moins deux types de dispositions contraignantes afin d'éviter, d'une part que le titre V du ministère de la Défense n'inclue des crédits transférés au BCRD sans compensation, d'autre part que les éventuelles mesures de régulation budgétaire ne portent en priorité sur les crédits d'études. Sinon, il faudrait interdire qu'une éventuelle diminution de ces crédits ne soit supérieure à celle de l'ensemble des dépenses en capital, ou en d'autres termes prévoir qu'une réduction homothétique soit affectée à toutes les catégories de crédits. Malgré son caractère formel, une telle disposition aurait le mérite de protéger l'enveloppe financière de la recherche amont car les études amont doivent être protégées en exécution budgétaire ;

- cette fixation d'objectifs chiffrés est indissociable de la définition d'un calendrier réaliste et cohérent pour atteindre ces objectifs ;

- l'approche interministérielle suppose d'identifier des projets de recherche duale, d'organiser des cofinancements et de mener des programmes communs y compris avec une expertise scientifique et technique.

2. Trouver un équilibre dans la répartition des crédits publics

Pour éviter la dispersion d'un effort public en réduction et l'existence de doublons dans les études de défense, il devient nécessaire de concentrer les crédits disponibles sur les secteurs d'excellence. Mais un équilibre doit être trouvé dans la répartition des crédits pour ne pas délaisser les pôles où la France doit maintenir une capacité d'expertise, d'évaluation et de choix.

De manière générale, il faudrait également privilégier l'effort public sur la partie amont de la R&T, celle où les études sont les plus risquées en termes de résultats et d'investissements. Cette prépondérance du rôle de l'Etat peut avoir comme conséquence de diminuer l'effort public sur les développements de certains produits et de faire supporter davantage le coût de ceux-ci par les industriels une fois que les études de faisabilité et de marché ont été menées.

3. Aider les entreprises et faciliter leur accès à l'effort européen en matière de recherche

_ En complément de cet effort public accru, des mesures doivent être mises en place pour faciliter l'autofinancement des entreprises. En complément de ce qui existe déjà, l'instauration de nouvelles procédures incitatives, notamment fiscales, n'est pas à exclure, dans la mesure où le recours aux subventions n'est pas toujours une solution optimale car elle n'incite pas les laboratoires effectuant la recherche à l'efficacité. Mais les laboratoires dépendant des groupes industriels et les PME-PMI doivent être encouragées à investir dans la recherche même - et surtout- si le retour sur investissement n'est pas immédiat.

_ La définition d'une politique européenne en matière de recherche étant évoquée dans un autre axe structurant, votre Rapporteure souhaite évoquer ici les mesures qui devraient faciliter l'accès aux crédits d'origine européenne dans le cadre des procédures actuelles.

Il convient d'aider les entreprises françaises, et notamment les PME-PMI, à obtenir des crédits européens selon les procédures en vigueur, en facilitant pour elles l'établissement des dossiers, en garantissant la transparence et la confidentialité des demandes, et en favorisant les rapprochements entre sociétés ou entre groupes et PME-PMI.

On pourrait concevoir que la DGA installe une cellule dédiée qui serait chargée, dans une première étape, de suivre les appels d'offres européens et de repérer les entreprises françaises susceptibles d'y répondre. On pourrait aussi imaginer une action plus volontariste où l'action combinée de la DGA et des syndicats professionnels permettrait aux entreprises françaises de mieux se positionner face aux procédures européennes, quitte à ce que les dossiers soient montés par un consultant extérieur ou une société spécialisée qui serve d'interface. Le consortium mis en place en Aquitaine dans le cadre du programme SCAN RTD (Supply Chain in Aeronautics, Needs for Research and Technological Development) pourrait servir de modèle.

C. LA MISE EN _UVRE D'UNE VÉRITABLE POLITIQUE DE RECHERCHE AMONT

1. Remédier à la carence de l'analyse stratégique

Le système français de recherche et développement de défense souffre d'un manque d'analyse stratégique et d'une volonté politique clairement affichée. L'une des principales causes de ce manque provient des perturbations dans l'exécution budgétaire et dans la gestion des crédits depuis le début des années 90. La recherche et plus particulièrement sa partie amont ont subi des altérations et des changements de dimension sans qu'aucune réflexion n'ait été effectuée sur les conséquences de telles évolutions.

A la suite de la revue de programmes, les enveloppes financières semblent stabilisées et les conséquences défavorables de la gestion des crédits s'effacent. Il est alors souhaitable de replacer la recherche amont de défense dans une analyse stratégique sur le long terme en s'appuyant sur ce qui pourrait constituer un « triptyque » :

- tout d'abord, l'amélioration de la recherche de défense suppose de tracer une prospective.

Plus aucune structure du ministère de la Défense ne semble en mesure de définir cette stratégie en matière de recherche. La Délégation aux affaires stratégiques n'est pas compétente pour déterminer les axes de recherche. Depuis quelques années, la Délégation générale pour l'Armement semble avoir renoncé à cette mission et privilégie, comme nous l'avons vu, un rôle d'acquéreur d'équipements militaires voire d'expert. Le plan prospectif à trente ans (PP 30) est trop marqué par les programmes en cours et trop axé sur la notion de produits pour donner une vision sur les enjeux des technologies.

Le Secrétariat général pour la Défense nationale effectue des études dans les domaines qui lui paraissent relever des domaines de la souveraineté et de la stratégie mais n'a aucune prise directe sur les programmes et les actions menées en matière de recherche.

Il est nécessaire que l'Etat récupère ses prérogatives dans la définition d'une politique de recherche et de soutien aux innovations, compte tenu des enjeux technologiques et des conséquences de la construction de l'Europe de la défense sur les structures industrielles et de recherche.

Dans le domaine de la recherche de défense et des études amont en particulier, plusieurs améliorations pourraient être apportées. Non seulement le ministère de la Défense doit revaloriser une démarche stratégique en la confiant à une (et une seule) de ses structures. Mais une approche interministérielle qui dépasse les intérêts catégoriels des différentes structures publiques devra trouver sa place. Le Parlement doit également avoir une vision stratégique de ce qui se passe en France et en Europe : pour ces raisons, il serait souhaitable qu'il soit associé aux débats et aux réflexions en amont.

- la définition d'une politique publique ambitieuse nécessite une continuité dans les choix majeurs.

Le calendrier donne l'occasion de déterminer ces choix ci à l'issue des travaux préparatoires à la loi de programmation militaire 2003-2008. La fixation d'objectifs en matière de recherche doit prendre en compte le facteur temps et elle doit aussi être constante dans la durée. Si des aménagements (dans le sens de l'amélioration bien entendu...) doivent rester possibles, rien n'est pire que la remise en cause périodique des axes majeurs, les facteurs favorables à la recherche étant indissociables de la durée.

- une évaluation des systèmes de décision, de programmation et d'exécution apparaît également nécessaire.

De manière générale, il faut privilégier les systèmes qui prévoient une évaluation périodique des résultats et dans lesquels les erreurs peuvent se voir sanctionner. Cette évaluation, qui se trouve à la base des nouvelles procédures mises en _uvre au Canada comme aux Etats-Unis, est à mener par rapport aux objectifs initialement retenus et par rapport aux moyens engagés. Elle ne débouche pas seulement sur un constat ou un bilan mais doit elle doit proposer de nouvelles orientations en cas d'insuccès ou de décalage par rapport aux objectifs.

Dans son rapport, M. Henri Guillaume proposait de prévoir, dans les contrats de recherche, la provision de crédits destinés à l'évaluation de ces contrats. L'idée mérite d'être reprise et étendue à tous les contrats passés entre un ministère et un organisme extérieur de recherche voire tout organisme en relation avec ce ministère (comme un organisme sous tutelle recevant par ailleurs des subventions).

Le souhait du ministère de la Défense de réduire le montant de ses subventions de fonctionnement et d'accroître le volume des contrats passés avec les organismes de recherche, est non seulement compatible avec un renforcement de l'évaluation des projets, mais l'évaluation représente une des conditions de sa réussite.

2. Créer un organisme interministériel pour la recherche de défense

_ Votre Rapporteure propose la création d'un organisme interministériel pour la recherche de défense. Cette instance aurait pour but de :

favoriser la coopération interministérielle en développant l'information réciproque et l'articulation au niveau le plus amont mais sans hiérarchie entre les systèmes et les technologies. Pourraient ainsi être développés les échanges de rapports d'expertise et de résultats de recherche, l'implication du ministère de la Recherche aux instances de programmation et d'évaluation des programmes d'études amont de défense et, de manière réciproque, la participation de la DGA aux réseaux du ministère de la Recherche. Les réseaux nationaux technologiques créés par ce ministère associent de nombreux autres ministères civils mais n'incluent pas celui de la Défense (qui y aurait pourtant toute sa place), alors qu'au plan local, les industriels du secteur de la défense s'associent aux laboratoires de recherche dans des réseaux locaux ;

suivre l'ensemble des crédits de RT&D en matière de défense, d'aéronautique et d'espace. Compte tenu de la spécificité du secteur aéronautique et de l'intégration des acteurs industriels et des technologies civiles et militaires, il paraît essentiel de rapprocher l'aéronautique et la défense pour faciliter une vision globale. Le regroupement des données et la publication d'indicateurs sur l'effort de recherche en France pourraient constituer l'une des premières actions à mener ;

promouvoir la recherche duale en identifiant des projets communs de recherche, en organisant des cofinancements et en impulsant des programmes communs y compris avec expertise scientifique et technique ;

assurer la tutelle conjointe des organismes publics de recherche comme le CNES, l'ONERA ou l'Institut Saint-Louis.

_ Dans un premier temps, votre Rapporteure avait pensé qu'il ne serait pas indispensable d'instituer une nouvelle structure qui viendrait se superposer aux instance actuelles mais qu'il serait possible de confier à un organisme existant de nouvelles fonctions ou d'élargir ses compétences. A la réflexion, il semble important de dépasser les clivages entre administrations et de se situer au-delà des prospectives propres à chacune d'entre elles. Ainsi même s'il existe un comité directeur Défense-Recherche pour piloter des activités communes dans les domaines de la recherche et de l'espace, celui-ci n'a pas été en mesure de proposer une procédure et des objectifs communs. De même, le Conseil supérieur des études de défense qui décide de la programmation des études amont de défense ne comporte que des représentants du ministère de la défense.

Or l'instance interministérielle proposée se doit de rassembler les principaux acteurs. Au moins plusieurs acteurs sont susceptibles de faire partie de cette structure : les ministères de la Défense, de l'Economie et des Finances, de l'Industrie, de la Recherche, et de l'Equipement.

Placer cet organisme auprès du Premier ministre, et pourquoi pas sous la tutelle du Secrétariat général de la Défense nationale, constitue une solution qui n'est sans doute pas exclusive d'autres hypothèses. En particulier, le secrétariat pourrait être confié à une structure du ministère de la Défense, comme le Conseil économique de la défense, l'Observatoire économique de la défense ou le Conseil scientifique de la défense afin d'utiliser les compétences de ces organismes consultatifs et de bénéficier d'utiles synergies.

3. Contribuer à une politique européenne de la recherche

Le rôle du Gouvernement français paraît déterminant pour :

engager un dialogue entre partenaires de l'Union européenne sur les technologies que l'Europe souhaite conserver ou développer afin d'éviter qu'elle ne perde des compétences dans les domaines stratégiques et que l'écart technologique avec les Etats-Unis ne se creuse ;

obtenir des pays de l'Union européenne, notamment de ceux qui ne sont pas des acteurs majeurs dans l'industrie de défense, qu'il est d'un intérêt commun que le secteur de la défense, en particulier celui de la recherche, ait accès aux crédits européens quitte à accorder à ces pays des compensations dans d'autres secteurs ou des garanties pour qu'ils soient associés aux projets ;

plaider pour que la part de crédits duaux, c'est-à-dire consacrés à des technologies clairement à double usage, soit au moins maintenue dans le prochain programme cadre PCRD à son niveau actuel (estimé à 25 % soit environ 20 milliards de francs) et que l'axe en faveur de l'aéronautique et du spatial soit préservé. Il est en effet capital de conserver des créneaux technologiques sur lesquels l'Europe a une légitimité en raison de leur intérêt, des compétences acquises ou des avances compétitives que ces créneaux procurent. Pour cela, la définition du 6ème PCRD devra inclure des thèmes permettant la mise en _uvre de la dualité ;

s'assurer de la cohérence des politiques de R&T chez les principaux acteurs européens et vérifier la cohérence des politiques de recherche avec le mouvement des restructurations industrielles. A cet égard, les progrès dans la mise en _uvre des décisions de la LoI sont essentiels.

_ De même, compte tenu de la multiplication des institutions compétentes en matière de recherche, l'un des objectifs essentiels consiste à coordonner les actions européennes en matière de R&T en précisant les rôles respectifs des différentes instances, en regroupant certains dispositifs existants et en simplifiant les procédures.

Il faut convaincre les partenaires de la France de lancer des programmes ambitieux de R&T en s'affranchissant des règles qui bloquent les mécanismes (abandon du juste retour et non participation de tous les Etats). Pour cela, il faudrait privilégier les coopérations modulables dans le contenu des programmes, la durée, le financement, la participation. Ces coopérations pourraient concerner aussi bien les études les plus en amont que les technologies.

L'une des meilleures solutions consisterait à promouvoir une et une seule agence européenne exécutive en matière de R&T de défense, afin qu'à brève échéance, il ne demeure qu'un seul outil administratif et juridique. L'OCCAR pourrait se voir confier ce rôle à condition que soient maintenus ses principes fondateurs de flexibilité. Les organismes existants seraient alors susceptibles de s'y agréger.

_ Il faudrait également renforcer la diffusion d'informations au sein de l'Europe par la construction de réseaux de chercheurs et la diffusion des innovations.

- éviter de se désengager d'un secteur de compétences tant que des négociations à l'échelle européenne n'ont pas abouti à une répartition équilibrée des ces compétences entre les Etats et à l'obtention de compensations ou contreparties.

D. LA RÉFORME DES PROCÉDURES ET DES STRUCTURES

Cette proposition mériterait à elle seule une étude à part entière car elle conditionne en grande partie la réussite des programmes d'études amont tels qu'ils sont actuellement conçus. Dans le cadre de ce rapport, il ne semble possible que de suggérer certaines pistes qui devront être retravaillées.

1. Simplifier et améliorer les procédures nationales

_ L'une des premières améliorations à apporter consisterait à effectuer un bilan de la réforme des études amont (et à le publier) afin que tous les acteurs en soient informés et que des corrections puissent être apportées après leur consultation.

Les rapports du Comité d'évaluation et d'orientation des études amont constituent un document de travail particulièrement intéressant et prometteur qu'il faut poursuivre et intensifier. On pourrait compléter la synthèse qui en est faite par une présentation devant tous les acteurs de la recherche et un échange de vues qui déboucherait sur des recommandations (au Délégué général pour l'Armement et aux Ministres concernés).

_ Tous les moyens permettant de simplifier les procédures, de raccourcir les délais et d'accélérer les programmes d'études doivent être mis en _uvre. Comme une nouvelle réorganisation de la DGA risque de perturber l'exécution financière des programmes, il vaudrait mieux privilégier des expériences pour tester des procédures plus rapides où la décision et l'affectation des crédits, sans s'affranchir des règles des marchés publics pourtant peu adaptées, bénéficieraient d'aménagements en relation avec la spécificité du secteur ou des intervenants.

Le recours aux technologies modernes d'information et de communication, loin d'être exclu, devrait au contraire être intégré dans les procédures. L'ouverture d'un portail DGA pourrait permettre d'informer les laboratoires et les entreprises des projets de recherche du ministère de la Défense, de récupérer leurs propositions (et à terme leurs résultats) et de faciliter l'ensemble des étapes administratives. Les expériences menées aux Etats-Unis dans ce sens, bien que récentes, sont concluantes. La DGA mène une étude pour s'inspirer de cette réforme de la procédure dite d'acquisition. Il est nécessaire qu'elle en tire rapidement des conclusions pour une mise en pratique immédiate.

2. Renforcer le dialogue entre chercheurs, technologues et industriels, et promouvoir des réseaux technologiques

Cette démarche ne fait pas toujours l'objet de toutes les attentions malgré son caractère essentiel. Plusieurs voies sont envisageables comme :

inciter à la création d'équipes de recherche intégrées, quelque soit le statut de ces chercheurs. Cette action, dont l'efficacité n'est plus à démonter comme le montrent de nombreux exemples aux Etats-Unis, suppose que soient dépassés les clivages liés aux différents statuts des chercheurs, publics ou privés. Il serait donc profitable que les chercheurs publics puissent être mis à disposition de laboratoires en dehors des structures de la DGA ou des Etats-majors et que, par réciprocité, les laboratoires internes au ministère de la Défense puissent accueillir davantage de chercheurs extérieurs ;

- dans le même état d'esprit, il paraît nécessaire de redonner aux laboratoires publics les moyens d'accueillir des stagiaires, des thésards et des post-doctorants autant que par le passé, afin de bénéficier du rajeunissement des équipes que ces jeunes chercheurs apportent et de préparer les liens lorsque ceux-ci partiront rejoindre des structures extérieures de recherche ;

faciliter les partenariats entre groupes industriels et PME-PMI, dans un double objectif d'éviter des concurrences ou des exclusions stériles et de nouer des alliances indispensables dans le cadre des procédures de financement des études amont à partir de crédits nationaux ou européens ;

renforcer le dialogue entre la DGA et les industriels pour développer l'information, définir les compétences et les métiers à privilégier. L'expérience des carrefours DGA-Industries mérite d'être développée et renforcée. Le rythme de ces carrefours pourrait être accéléré (un par trimestre) selon les thèmes choisis. Leur caractère de dialogue doit s'affirmer pour éviter qu'il ne se limitent à une information à sens unique et qu'ils permettent de concrétiser une politique nationale de recherche de défense ;

aider le secteur industriel à nouer des coopérations et des interdépendances technologiques afin de placer la France dans une situation plus favorable à l'égard des coopérations à mener à l'échelle internationale.

3. Dynamiser les organismes publics sous tutelle

Sans reprendre ce qui a été dit précédemment à propos de deux organismes publics de recherche sous tutelle du ministère de la Défense, l'ONERA et l'Institut Saint-Louis, il paraît essentiel de :

redéfinir les missions et les rôles de ces organismes, tant à travers une stratégie interne qu'en vue de donner de nouvelles bases à leurs collaborations avec d'autres laboratoires et avec les structures industrielles qui prolongeront leurs travaux ;

fournir à ces organismes les moyens financiers et humains indispensables à la conservation de leurs compétences et de leurs pôles d'excellence pour préserver leur avenir, dynamiser leurs équipes de chercheurs et leur permettre d'atteindre les objectifs de résultats de recherche.

4. Mener une action particulière à destination des PME-PMI innovantes

Dans le secteur de la recherche de défense, la place particulière qu'occupent les PME-PMI mérite qu'une attention particulière leur soit apportée afin de renforcer le potentiel d'innovation de ces petites entreprises et éviter que des difficultés conjoncturelles ne conduise à la raréfaction du tissu qu'elles constituent.

Les mesures actuelles doivent être maintenues et prolongées. En particulier, il est indispensable de :

prolonger les dispositifs mis en place par la DGA en faveur des PME-PMI pour repérer les innovations technologiques (appels à projets et guichet des propositions non sollicitées) ;

consacrer un minimum de crédits de recherche amont et un minimum de contrats aux PME-PMI indépendantes pour maintenir la vitalité du tissu industriel et favoriser l'apparition d'innovations en dehors des grands groupes industriels. Les chiffres de 10 % avancés par la DGA, correspondant à un montant annuel de 30022 à 40023 millions de francs peuvent être repris, à condition de les respecter (en moyenne annuelle ou sur de courtes périodes) et de ne pas inclure les PME-PMI filiales de grands groupes, sous peine de fausser la démarche ;

proposer une réforme du code des marchés publics qui prenne en compte la spécificité du domaine de la recherche (et de la recherche amont) et la fragilité financière des PME-PMI. Les études ne peuvent pas être considérées comme un bien d'équipement comme les autres.

TABLEAU RÉSUMÉ DES PROPOSITIONS
POUR LA RECHERCHE AMONT DE DÉFENSE

1 - Amélioration du processus méthodologique

Redéfinir les concepts de recherche et développement R&D et de recherche et technologie R&T

Traduire les nouveaux concepts en termes budgétaires

- redéfinir le chapitre 52-81 « Etudes » du ministère de la Défense en identifiant les étapes de la recherche (R, T et D) plutôt que les acteurs

- éviter l'apparition de nouveaux agrégats budgétaires

- regrouper l'ensemble des études à caractère amont quelles soient ou non à finalité technologique

- présenter chaque année l'effort de recherche de défense dans un document unique selon deux démarches relatives aux systèmes de forces et aux capacités technologiques

- identifier dans les budgets des ministères civils ce qui relève de la recherche duale

2 - Révision de l'effort de recherche et technologie

Accroître l'effort national de recherche amont de défense

- fixer des objectifs quantitatifs pour les dotations publiques et définir un calendrier réaliste et cohérent

- augmenter d'au moins 33 % la part des financements publics consacrés aux études amont (hors subventions et crédits transférés)

- maintenir à leur niveau actuel les subventions à des organismes publics de recherche sous tutelle tant qu'une stratégie n'est pas définie

- justifier l'inscription dans le budget de la défense de crédits relevant du BCRD

Remédier à la dispersion des crédits publics

- concentrer les crédits disponibles sur les secteurs d'excellence en maintenant des capacités d'expertise et d'évaluation sur les autres secteurs

- privilégier l'effort public sur la partie la plus amont de la R&T

Aider les entreprises et faciliter leur accès à l'effort européen en matière de recherche

- aider les entreprises françaises à avoir accès aux crédits d'origine européenne selon les procédures en vigueur

- installer une cellule dédiée à la DGA en faveur des PME-PMI

- faciliter l'autofinancement des entreprises en matière de recherche par des mesures fiscales

3 - Mise en _uvre d'une véritable politique de recherche amont

Remédier à la carence de l'analyse stratégique

- décider une stratégie en matière de recherche de défense en définissant une prospective, en privilégiant la continuité dans les choix et en évaluant les systèmes et les projets

Créer un organisme interministériel pour la recherche dans les domaines de la défense et de l'aéronautique

Contribuer à la définition d'une politique européenne

- engager un dialogue entre partenaires de l'Union européenne sur les technologies à conserver ou à développer

- obtenir la reconnaissance du secteur de la défense pour que la recherche de défense ait accès aux crédits européens

- s'assurer de la cohérence des politiques de R&D chez les principaux acteurs européens et vérifier cette cohérence avec les restructurations industrielles

- maintenir dans le prochain programme cadre (6ème PCRD) au moins 25 % en faveur des actions duales et préserver l'axe aéronautique

- renforcer la diffusion d'informations au sein de l'Europe par la construction de réseaux de chercheurs et la diffusion des innovations

4 - Réforme des procédures et des structures

Simplifier et améliorer les procédures

- effectuer un bilan de la réforme des études amont

- privilégier des expériences pour tester des procédures plus rapides qui bénéficieraient d'aménagements des règles des marchés publics

- recourir aux technologies modernes d'information et de communication, et les intégrer dans les procédures

Renforcer le dialogue entre chercheurs, technologues et industriels et promouvoir les réseaux technologiques

- organiser des chantiers technologiques basés sur des équipes plus intégrées (échange de chercheurs...)

- redonner aux laboratoires publics les moyens d'accueillir des stagiaires, des thésards et des post-doctorants

- faciliter les partenariats entre groupes industriels et PME-PMI pour l'obtention de financements européens

- renforcer le dialogue entre DGA et industriels, développer et renforcer les carrefours

- aider le secteur industriel à nouer des interdépendances technologiques pour développer des coopérations européennes

Dynamiser les organismes publics sous tutelle

- redéfinir les missions et les rôles de ces organismes (stratégie interne)

- fournir à ces organismes les moyens financiers et humains indispensables

- placer ces organismes sous une double tutelle (Défense-Recherche)

Mener une action particulière à destination des PME-PMI innovantes

- prolonger les dispositifs mis en place par la DGA (appels à projets et des propositions non sollicitées)

- consacrer un minimum de crédits de recherche amont et de contrats aux PME-PMI indépendantes

- réformer le code des marchés publics pour prendre en compte la spécificité recherche

CONCLUSION

Les diminutions du niveau des études amont en matière de défense ont été particulièrement sensibles au long des années 90. Les raisons objectives ne manquent pas pour justifier une telle évolution : réduction du format des armées pris en compte par la loi de programmation militaire 1997-2002 et par la revue des programmes, appel à des technologies civiles ou à des technologies duales, resserrement des secteurs technologiques considérés comme utiles pour notre pays, constitution de grands groupes industriels européens qui évite les duplications,...

Les conséquences de cette évolution ne doivent pas être négligées. Le malaise qu'elles suscitent est d'autant plus grand que subsiste l'héritage d'une épopée scientifique et technologique depuis trente ans. S'il se maintenait, le trop faible niveau des crédits consacrés à la recherche et technologie ne permettrait plus à la France de détenir les capacités technologiques quelle estime indispensables à sa politique de défense dans le cadre d'une armée professionnelle pour laquelle les atouts technologiques sont prépondérants. De plus, cela reviendrait à nier le rôle structurant de la recherche de défense en France.

Un raisonnement analogue au niveau européen explique que le fossé technologique entre l'Europe et les Etats-Unis se creuse dans certains domaines même s'il n'est pas général. Les secteurs où une rivalité est concevable entre l'Europe et les Etats-Unis restent fragiles et le décrochement de compétitivité peut être rapide, même là où des avancées étaient réelles.

D'un montant somme toute peu élevé dans le budget de la défense, les études amont, qui correspondent aux étapes de la recherche et de la technologie, ont un impact déterminant sur la maîtrise des coûts des équipements militaires, la limitation des risques technologiques dans la durée de vie d'un programme d'armement et la cohérence des systèmes de forces.

L'effet attendu des restructurations industrielles ne doit avoir aucune conséquence sur les engagements en matière de recherche sous peine de ne pas donner toute leur chance à ses nouvelles entités face à leurs concurrents nord-américains. C'est un leurre de croire que le développement des coopérations en matière de recherche permettra de se décharger de l'effort financier de recherche sur ses partenaires. La multiplicité des instruments européens, dans le cadre de l'Union européenne ou en dehors, est également trompeur : loin d'être efficace, il donne souvent l'impression que d'autres structures prennent le relais des politiques nationales alors que le financement de la recherche reste avant tout propre à chaque Etat.

La préparation de la prochaine loi de programmation militaire donne l'occasion d'une double remise à niveau : 

- en ce qui concerne le budget de défense, une augmentation sensible des crédits consacrés à la partie la plus amont de la R&D est indispensable. Son chiffrage en termes absolus ou en part relative dépend évidemment des agrégats retenus. Si l'on se réfère à la notion de R&T classique, une augmentation de 33 % des dotations hors transferts et hors subventions aux organismes sous tutelle est nécessaire. Un socle minimal d'études de base doit être maintenu ; son financement essentiellement supporté par l'Etat pourrait bénéficier à des universités ou à des laboratoires de recherche extérieurs.

Le nécessaire maintien à son niveau actuel de l'ensemble du titre V de la défense n'est pas incompatible avec la priorité accordée à la R&T. Des économies sont réalisables sur les développements soit en demandant aux industriels d'assurer une part plus importante dans une phase des programmes où les incertitudes sont réduites et les risques atténués, soit en bénéficiant des retombées positives d'études préalables, plus approfondies.

- au niveau européen, un effort d'harmonisation s'impose. Il concerne la rationalisation des procédures actuelles et l'ouverture des crédits européens à la recherche duale et de défense. On pourrait recommander l'existence de deux structures, l'une dans le cadre des procédures de l'Union européenne, l'autre en dehors comme l'OCCAR avec une modularité plus importante des participants, des programmes et des modes de financement.

Une réflexion interministérielle sur la recherche dans les domaines de la défense mais aussi de l'aéronautique et de l'espace doit s'engager pour la mise en _uvre d'une stratégie nationale de recherche dans ces domaines et la définition, d'abord de priorités et d'objectifs communs, puis de programmes en commun.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. - AUDITION DE M. JEAN-YVES HELMER, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL POUR L'ARMEMENT

La Commission de la Défense a entendu, le mercredi 3 mai 2000, M. Jean-Yves Helmer, Délégué général pour l'Armement.

Le Président Paul Quilès a remercié M. Jean-Yves Helmer d'être venu présenter à la Commission le bilan et les perspectives d'évolution de la politique menée en matière d'études en amont des programmes d'armement (études amont). Il a souligné que cette question à laquelle la Commission portait une grande attention avait donné lieu à des débats et des critiques non seulement sur le montant des ressources financières disponibles mais aussi sur l'efficacité d'un effort qui est longtemps apparu trop dispersé entre les différentes armées et les différents domaines de recherche. Rappelant que la Commission avait nommé Mme Martine Lignières-Cassou rapporteur d'information sur la politique d'études amont, il a proposé qu'après l'exposé du Délégué général, un échange de vues ait lieu sur ce thème avant que soient abordées diverses questions d'actualité intéressant la politique d'armement.

M. Jean-Yves Helmer a tout d'abord rappelé que la notion d'études amont recouvrait les actions de recherche destinées à préparer les programmes d'armement futurs et indiqué que le montant du budget annuel qui leur était affecté s'établissait à environ 3 milliards de francs (2,938 milliards de francs en crédits de paiement dans la loi de finances initiale pour 2000). Il a ensuite souligné que les études amont ne constituaient qu'un des volets de l'action du ministère de la Défense en matière de recherche et développement. En effet, le ministère de la Défense finance aussi directement, pour un montant s'élevant à 4,7 milliards de francs (crédits de paiement dans la loi de finances initiale pour 2000), des organismes effectuant des recherches de base : sa contribution la plus importante concerne le domaine nucléaire (CEA) mais il finance également des organismes de recherche sous sa tutelle (ONERA, Institut franco-allemand de Saint-Louis) ou dont la tutelle est partagée avec d'autres ministères (CNES dans le domaine spatial), sans oublier les laboratoires des écoles d'ingénieurs dépendant de la DGA. Par ailleurs, les travaux de développement des équipements de défense font l'objet d'un financement au titre des programmes d'armement, qui représente, dans la loi de finances initiale pour 2000, 13,7 milliards de francs en crédits de paiement. M. Jean-Yves Helmer a indiqué qu'ainsi le montant total de l'effort de recherche-développement s'élevait dans la loi de finances initiale pour 2000 à près de 21,56 milliards de francs en crédits de paiement, ce qui représentait près de 40 % des crédits du ministère de la Défense inscrits aux titres V et VI et consacrés aux équipements de défense (hors opérations de flux).

Le Délégué général pour l'Armement a ensuite souligné le rôle essentiel des études amont dans la préparation du système de défense de l'avenir. Elles ont pour objet de permettre des choix pertinents en matière d'équipement et de technologie, pour préserver à terme l'efficacité des systèmes d'armes, et plus globalement la cohérence du système de défense. Elles visent également à donner à l'industrie d'armement les moyens d'acquérir les technologies indispensables aux programmes futurs.

Evoquant la réforme entreprise en 1997 pour modifier en profondeur le processus des études amont, il en a indiqué les deux éléments essentiels, consistant, d'une part, à placer les crédits correspondants sous la responsabilité unique (gouvernorat) de la DGA dans un souci de cohérence, d'autre part, à définir les choix des études amont par référence à un besoin militaire, à moyen ou à long terme, un effort de recherche de base étant parallèlement maintenu pour garantir une bonne réactivité face à l'évolution des technologies.

Le Délégué général pour l'Armement a ensuite détaillé le processus de gestion des études amont. La détermination de leurs grandes orientations est fondée sur le plan prospectif à 30 ans (PP 30). Elle permet de définir les capacités technologiques nécessaires à la réalisation des équipements et d'en déduire des politiques techniques et sectorielles appliquées à 37 domaines techniques, après concertation avec les industriels dans le cadre du partenariat stratégique avec l'industrie de défense. A l'issue de cette première phase d'orientation, est élaborée une directive ministérielle annuelle qui définit l'évolution des priorités. La phase suivante consiste à déterminer annuellement le contenu des programmes d'études amont (PEA), chacun de ces programmes étant défini pour un objectif technique, des délais et des coûts précis.

L'exécution des programmes d'études amont est confiée aux industriels, que la DGA encourage à faire appel aux compétences des laboratoires universitaires. M. Jean-Yves Helmer a également indiqué que la DGA incitait les maîtres d'_uvre à associer les PME innovantes aux travaux de recherche et précisé qu'elle demandait aux industriels de participer au financement des études et de confirmer ainsi leur intérêt sur les thèmes de recherche retenus en limitant la charge de l'Etat.

Tout au long de ces trois phases d'orientation, de programmation et d'exécution, une évaluation des programmes et des travaux est confiée à un groupe de pilotage, composé d'experts du ministère de la Défense et de spécialistes indépendants. Par ailleurs une commission mixte composée de manière analogue analyse tous les trois ans chacun des grands domaines techniques afin d'assurer la cohérence globale des actions de recherche.

Présentant le bilan de la nouvelle politique d'études amont, M. Jean-Yves Helmer a tout d'abord donné des précisions sur l'évolution de l'effort qui leur est consacré. Il a expliqué le faible niveau d'engagements de 1997 (2,04 milliards de francs contre 3,36 milliards de francs en 1996) par la mise en place des nouvelles procédures et le niveau des années 1998 à 2000, de l'ordre de trois milliards de francs, par la réduction de 10 % des dotations opérée par la revue des programmes en 1997. S'agissant des paiements, il a relevé que l'objectif se situait à un niveau voisin de trois milliards de francs pour l'exercice en cours, leur moindre niveau en 1999 comme en 1998 étant lié au retard des engagements de 1997.

Il a alors précisé que les priorités des études amont pour la programmation 2000 concernaient les programmes liés au renseignement (radar, drones et satellites), à l'interopérabilité des systèmes d'information et de communication comme de préparation de mission, à la sécurité des systèmes d'information, aux frappes de précision, à la capacité de projection, aux systèmes nouveaux comme les micro-drones et aux capteurs (imagerie spectrale, autodirecteurs). Enfin, il a fait observer que les études concernaient, pour un quart de leur montant financier, des travaux de recherche et d'innovation très en amont des programmes, pour un quart les architectures et systèmes de forces et pour la moitié la mise en _uvre de technologies déjà maîtrisées. Ainsi, les études amont préparent des programmes dont le lancement interviendra à long terme (au-delà de dix ans) pour 16 % d'entre elles, à moyen terme (horizon de trois à dix ans) pour 71 % d'entre elles et à court terme (délai inférieur à deux ans) pour 13 % d'entre elles.

Evoquant la répartition des crédits de recherche par acteurs, le Délégué général pour l'Armement a précisé que les grands industriels de défense maîtres d'_uvre des systèmes en recevaient 37 %, les équipementiers de défense 23 %, les autres entreprises et les laboratoires 22 %, les PME, y compris les filiales des grands groupes, 11 % et l'ONERA 7 % (sous forme de contrats d'études amont).

Il a ensuite insisté sur la nécessité de mieux définir les déterminants de l'effort financier en faveur de la recherche-amont, un raisonnement en termes de flux ne lui semblant plus adéquate, l'objectif n'étant pas de consommer un montant annuel de ressources fixé a priori. Présentant une approche nouvelle du dimensionnement de l'effort de recherche-amont, il a indiqué que la future programmation militaire devrait permettre d'en définir le volume sur la base d'un modèle souhaité de capacités technologiques à maîtriser, pour permettre de développer dans le futur les équipements de défense dont les forces armées auront besoin.

Il a ensuite souligné la nécessité d'un renforcement des liens de la DGA avec le monde de la recherche scientifique et technique et indiqué que cette préoccupation conduisait la DGA à associer les chercheurs à ses travaux de prospective, comme le confirmait la consultation de près de 400 personnalités dans le cadre de l'élaboration de la troisième version du PP 30, à conduire avec eux une évaluation des études en cours et à développer des relations directes avec les laboratoires, notamment à travers le financement de thèses ou de recherches exploratoires proposant des percées technologiques originales. Dans le même esprit, la DGA développe les circuits d'information sur des thèmes précis, à l'instar des journées « science et défense ».

Après avoir relevé que les PME-PMI éprouvaient des difficultés à accéder aux contrats d'études, il a fait état de plusieurs initiatives, telles que le mécanisme des propositions non sollicitées ou la diffusion par Internet d'appels à idées et à projets d'études amont, ainsi que l'ouverture d'un portail armement, qui permettaient de mieux exploiter le potentiel de créativité de ces entreprises et d'améliorer leur information sur les actions de recherche de la DGA susceptibles de les intéresser.

Le Délégué général pour l'Armement a également souligné la nécessité d'améliorer le processus de conduite des études amont, et en particulier de réduire de 24 à 14 mois le délai entre la définition d'un besoin d'étude et la notification du premier contrat. A cet égard, il lui est apparu nécessaire d'adapter et de simplifier les dispositions du code des marchés publics applicables notamment au type particulier de prestations que sont les études amont. Il a également manifesté la volonté de recourir de manière plus systématique aux démonstrateurs, ce qui devrait permettre de réduire les coûts et les délais de développement des programmes futurs, tout en donnant un caractère plus concret aux travaux d'études amont.

Evoquant la coopération internationale, il a regretté l'existence de doublons et de redondances dans les programmes de recherche des différents pays européens et a souhaité que soit mis en place, dans le cadre de l'OCCAR, un fonds de recherche et technologie (R & T), destiné notamment aux sociétés transnationales. Il a jugé à terme souhaitable d'augmenter de 50 % l'effort français de recherche et développement mené en coopération.

En conclusion, M. Jean-Yves Helmer a souligné que la maîtrise des technologies les plus avancées restait capitale dans le domaine de la défense, compte tenu du degré de supériorité militaire à présent requis en cas de conflit et de la nécessité de se référer non seulement aux capacités des adversaires éventuels, mais également à celles des partenaires de la France, afin d'éviter que les forces françaises ne se trouvent en retrait dans la conduite d'opérations conjointes.

Se déclarant d'accord avec les propos du Délégué général pour l'Armement selon lesquels la recherche publique avait pour mission d'assurer à la fois le maintien des capacités technologiques à un niveau comparativement élevé et la préparation de l'avenir, en vue de garantir la plus grande indépendance technologique possible pour la France et l'Europe, Mme Martine Lignières-Cassou a interrogé M. Jean-Yves Helmer sur son analyse des conséquences de la réduction de 30 % depuis 1990 des crédits consacrés aux études amont. Elle lui a également demandé quels axes de recherche il considérait comme prioritaires à l'avenir et quelles étaient les technologies que la France devait continuer à maîtriser, quelles étaient celles qu'elle pourrait partager ou encore qu'elle pourrait accepter d'abandonner.

Elle s'est ensuite interrogée sur la priorité dont semblait bénéficier l'OCCAR pour la constitution d'un cadre fédérateur des efforts de recherche en Europe, alors que cette organisation ne regroupe que quatre pays, contre 13 à une organisation comme l'OAEO. Elle s'est enfin demandé si la DGA avait pu développer avec le ministère de la Recherche des liens institutionnels, indépendamment de ceux qu'elle entretient avec les grands laboratoires eux-mêmes.

Le Président Paul Quilès a demandé à M. Jean-Yves Helmer si la DGA disposait de données relatives au coût des études qui n'aboutissaient pas et à l'évolution de ce coût dans le temps.

Le Délégué général pour l'Armement a apporté les éléments de réponse suivants :

- le risque d'échec est inhérent à la recherche. Il est en revanche nécessaire d'arrêter à temps un programme qui évolue vers une voie sans issue ; c'est une des raisons de l'institution des procédures d'évaluation.

- pour employer au mieux les ressources disponibles, il a été décidé de concentrer les crédits de recherche là où les probabilités de succès sont les plus fortes, au contraire des Etats-Unis qui, eu égard à l'ampleur de leurs ressources, s'intéressent aussi à des domaines beaucoup plus risqués ;

- les conséquences de la baisse des crédits d'études amont depuis 1990 sont difficiles à évaluer. En effet, la DGA entreprend désormais de définir les programmes en fonction des capacités souhaitées de manière à permettre une utilisation plus efficace des ressources. De façon générale, la limitation des moyens a pour conséquence, dans certains domaines, non pas une absence de compétences par rapport aux Etats-Unis, mais plutôt des retards dans l'acquisition des capacités ;

- les choix de programmes d'études amont sont faits en tenant compte des perspectives de réalisation des équipements futurs. Ainsi, il n'a pas été lancé de recherche-amont en matière de systèmes avancés de protection globale antimissile balistique : il est en effet certain que la France et l'Europe ne sauraient réunir les moyens de financement nécessaires à la constitution de cette capacité, qui irait d'ailleurs à l'encontre de la doctrine de dissuasion. D'autres capacités sont destinées à être partagées, par exemple en matière de furtivité, de propulsion, d'avionique modulaire ou de radars, pour lesquelles des recherches communes sont menées en vue de préparer le futur avion de contrat européen. Dans le même esprit, un projet de démonstrateur de bâtiments de surface fonctionnant à l'électricité va être lancé conjointement avec les Britanniques ;

- les programmes lancés dans le cadre de l'OAEO sont ouverts à tous les membres de l'organisation qui veulent y participer et notamment à ceux dont les moyens sont réduits. Il apparaît cependant que les résultats de ces programmes sont limités et peu exploités, n'étant guère suivis de développements conduits en commun. Les quatre pays de l'OCCAR consentent, dans le domaine de la défense, un effort de recherche qui représente les trois quarts de l'effort de recherche européen. C'est sur eux que doit reposer la coopération européenne en matière de recherche ;

- malgré ses liens solides avec les grands laboratoires, et ses efforts en ce sens, le ministère de la Défense éprouve des difficultés à développer, autant qu'il le souhaite, des liens institutionnels avec le ministère de la Recherche.

Le Président Paul Quilès a souhaité savoir quelles conséquences pouvaient être attendues de l'accord récemment passé entre la DCN et Thomson-CSF, notamment en matière d'emploi et de recherche. Il a également demandé des précisions sur les modalités de la constitution de la nouvelle société commune associant la DCN et Thomson-CSF.

Evoquant ensuite l'alliance entre Renault Véhicules industriels (RVI) et Volvo, il s'est interrogé sur ses éventuelles répercussions sur les conditions de réalisation du programme de véhicule de combat d'infanterie pour lequel RVI et Giat Industries ont soumis une offre commune. Il a par ailleurs souhaité connaître les facteurs expliquant le coût élevé en fabrication, de la commande globale de 27 hélicoptères NH 90 pour la Marine (6,9 milliards de francs). Il a également demandé à M. Jean-Yves Helmer de faire le point sur la concurrence entre Meteor et l'AMRAAM amélioré de Raytheon pour l'armement en missiles air-air des Eurofighter de la Royal Air Force britannique.

Concernant le projet de satellite de navigation Galileo, dont il a estimé qu'il était nécessaire à l'indépendance de l'Europe, notamment au regard de son rôle dans le guidage des armes de précision, il a souhaité connaître l'état des plans de financement de ce programme.

Il a enfin interrogé le Délégué général pour l'Armement sur les conditions de préparation de la future loi de programmation militaire, tant dans sa dimension interarmées qu'européenne. A cet égard, il a estimé que, sans une coordination des planifications des Etats membres de l'Union européenne, la loi de programmation militaire risquerait d'être un exercice largement théorique, compte tenu du processus en cours de constitution de capacités européennes communes. Il a même craint que, sans cette coordination, les divergences qui en résulteraient entre les gouvernements et les états-majors ne nourrissent les critiques des industriels qui, après les progrès qu'ils ont réalisés dans leur regroupement, recherchent à présent des programmes cohérents à l'échelle européenne.

M. Jean-Yves Helmer a apporté les éléments de réponse suivants :

- s'agissant du rapprochement entre Thomson-CSF et la DCN, l'objectif est de créer le plus rapidement possible une société commune capable d'assurer l'exécution du contrat de frégates Horizon. L'état des négociations actuelles, de même que l'esprit de coopération qui unit la DCN et Thomson-CSF sur plusieurs affaires à l'exportation, attestent le réalisme de cet objectif ;

- la procédure d'appel d'offres concernant le programme VCI n'est pas encore achevée. Volvo a été tenu informé par RVI de son offre conjointe avec Giat Industries et en a accepté le principe ;

- la commande globale de 27 appareils NH 90 pour la Marine couvre la production des appareils pour cette armée (14 appareils en version combat et 13 appareils en version transport), mais aussi des travaux d'industrialisation et des développements communs, liés en particulier au soutien logistique intégré, et enfin des travaux de particularisation nationale ;

- s'agissant de l'équipement en missiles air-air des Eurofighter de la Royal Air Force britannique, la décision d'attribution du marché devrait être prise très prochainement par le gouvernement du Royaume-Uni ;

- même s'il s'agit d'un projet civil, le programme de satellite Galileo intéresse la défense, notamment au regard des risques de sécurité que pourrait comporter une utilisation malveillante de ce système et de la nécessité de protection des signaux. Aucun des ministères de la Défense des pays partenaires de la France ne s'est encore exprimé sur ce projet ; en France, le Premier ministre a confié l'étude de cette question à un groupe de travail présidé par le ministère des transports, auquel le ministère de la Défense participe. Il s'agit d'un projet d'importance majeure, dont le financement, en partie communautaire, reste toutefois à valider dans son montant et à consolider dans ses sources ;

- les travaux de préparation de la future loi de programmation militaire intègrent une approche capacitaire interarmées, par système de forces. L'approche européenne est en la matière indispensable, plus encore après les décisions prises à Helsinki. Des échanges existent déjà avec la Grande-Bretagne, notamment au niveau des architectes de systèmes de forces et des officiers de cohérence opérationnelle et de leurs homologues britanniques, ainsi qu'avec l'Allemagne, pays avec lequel la France souhaite aboutir aux premières analyses communes à l'été prochain. La décision de création d'une force d'intervention européenne prise au sommet d'Helsinki fournit un angle d'attaque très concret pour favoriser de nouveaux progrès de l'Europe de l'armement en vue de l'équipement de cette force et de la réduction des déficits de capacités européens à l'horizon 2010.

A cet égard, le Président Paul Quilès s'est demandé si les travaux de programmation des équipements de la force d'intervention européenne ne seraient pas plus efficaces s'ils étaient précédés d'une réflexion approfondie sur la nature des missions confiées à cette force et sur les risques et menaces auxquels elle doit permettre de faire face.

II. - EXAMEN EN COMMISSION

La Commission de la Défense a procédé à l'examen du rapport d'information de Mme Martine Lignières-Cassou sur les études en amont des programmes d'armement dans les domaines de la défense et de l'aéronautique au cours de sa séance du mardi 12 décembre 2000.

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure, a tout d'abord rappelé que les études-amont avaient pour objet de permettre des choix pertinents en matière d'équipements et de technologies dans la préparation du système de défense de l'avenir, pour préserver à la fois l'efficacité des systèmes d'armes et leur cohérence. Elles visent également à donner à l'industrie les moyens d'acquérir les technologies indispensables aux programmes futurs.

Mme Martine Lignières-Cassou a indiqué qu'elle s'était d'abord interrogée sur les caractéristiques majeures des équipements à finalité militaire intégrant les technologies les plus récentes. Parce que leur mise au point requiert à la fois de longs délais et d'importants investissements financiers, la recherche de défense suppose non seulement des moyens puissants mais aussi la pérennité des installations et surtout des équipes. La rapporteure a également signalé qu'à l'heure où se développe la coopération entre pays européens en matière d'armement et où l'incorporation de technologies sophistiquées renchérit le coût des programmes de recherche, elle s'était interrogée sur la place en Europe de la recherche de défense française et sur les choix stratégiques qui en découlent quant aux compétences à conserver ou à partager.

Elle a souligné que la baisse rapide des crédits de recherche de défense suscitait une vive inquiétude du secteur industriel mais qu'elle ne semblait pas pleinement prise en compte par les états-majors en raison de la nature différente de leurs préoccupations immédiates. Or, au moment où se prépare la prochaine loi de programmation militaire pour les années 2003-2008, il est indispensable de vérifier l'articulation entre, d'une part, le plan prospectif à 30 ans établi par la DGA pour orienter la recherche et, d'autre part, l'effort financier prévu à moyen terme en ce domaine.

La rapporteure a alors précisé qu'elle s'était attachée à dresser un constat de la situation de la recherche de défense en analysant les financements et les procédures qui lui sont applicables, tant en France qu'au niveau européen, puis qu'elle avait cherché à dessiner des perspectives ou des scénarios d'évolution en formulant quelques propositions. Elle a alors fait part des principales conclusions auxquelles elle était parvenue :

- il existe un problème de définition pour la partie dite amont de la recherche de défense. La définition actuelle, imprécise et peu cohérente, n'est pas partagée par l'ensemble des acteurs (DGA, industriels, états-majors, bailleurs civils de fonds, ...). Ces différences d'approche empêchent toute analyse du niveau de l'effort de recherche et de son évolution dans le temps et ne permettent pas de comparaisons internationales pertinentes ;

- l'existence de sources de financement civiles pour la recherche de défense pose la question de la notion de dualité ou de concepts dits de spin-in (application de technologies civiles dans le militaire) ou de spin-off. L'échec de la procédure d'intervention dite SYRECIDE commune aux ministères de la Défense et de la Recherche illustre à cet égard la régression dans les faits du principe de dualité ;

- l'effort actuel de recherche de défense est triplement inadapté, du fait de l'érosion forte des dotations publiques, d'une allocation des ressources inadéquate entre groupes industriels et PME-PMI qui pénalise ces dernières et du manque de pertinence de certains domaines d'allocation des crédits de recherche.

La réduction du montant des crédits consacrés aux études amont en matière de défense a été particulièrement sensible au long des années 90. Dans le meilleur des cas, pour l'agrégat le plus étroit des études amont, elle a atteint 50 % sur dix ans ou 30 % pour les cinq derniers exercices budgétaires. Or, d'un coût relatif peu élevé au sein du budget de la défense (3,68 milliards de francs en loi de finances initiale pour 2000), les études amont ont un impact déterminant sur la maîtrise des coûts des équipements et la limitation des risques technologiques dans les programmes d'armement.

Aucune des raisons avancées pour justifier la diminution des crédits consacrés aux études amont (réduction du format des armées, appel à des technologies civiles ou à des technologies duales, resserrement des domaines technologiques concernés, constitution de groupes industriels européens,...) ne résiste à une analyse poussée. Ainsi, les restructurations industrielles ne sauraient avoir aucune conséquence sur les engagements en matière de recherche sous peine de nuire aux chances des nouvelles entités européennes face à leurs concurrents nord-américains. C'est un leurre de croire que le développement des coopérations en matière de recherche permettra à la France de se décharger de l'effort financier sur ses partenaires ;

- l'analyse des procédures et des mécanismes encadrant le lancement et la régulation des études amont révèle leur complexité. La multiplicité des instruments européens, dans le cadre ou en dehors de l'Union européenne, est trompeuse : loin d'être efficace, cette multiplicité donne l'impression que des structures extérieures prennent le relais des politiques nationales alors que le financement de la recherche de défense provient avant tout de chaque Etat.

Mme Martine Lignières-Cassou a alors rappelé que la DGA avait entrepris depuis 1997 à la suite de la suppression de la DRET une réforme des études amont qui donne un rôle fondamental à son service de la recherche et des études amont, le SREA. La rapporteure a toutefois estimé que cette réforme n'avait pas produit tous les résultats escomptés et que, si des progrès ont été enregistrés à court terme dans l'identification des programmes, la vision à long terme de la DGA a disparu. La réforme qui reste mal perçue par le monde industriel n'a pas permis de remettre en cause le défaut de synergie civilo-militaire. Mme Martine Lignières-Cassou a alors précisé que son examen du fonctionnement de deux organismes de recherche sous tutelle du ministère de la Défense, d'un côté l'ONERA, de l'autre, l'Institut franco-allemand Saint-Louis, avait confirmé ce défaut de stratégie en matière de recherche.

La rapporteure a fait également observer que, s'il se maintenait, le trop faible niveau des crédits consacrés à la recherche et à la technologie ne permettrait plus à la France de détenir les capacités technologiques indispensables à sa politique de défense. Elle a souligné que cette même faiblesse de l'effort au niveau européen expliquait que, dans certains domaines, un fossé technologique se creuse entre l'Europe et les Etats-Unis même s'il n'est pas général. A cet égard, elle a considéré que la position de l'Europe dans les secteurs où elle pouvait concurrencer les Etats-Unis restait fragile et que le décrochement de compétitivité pouvait être rapide même là où des avancées étaient réelles.

Devant ces perspectives, Mme Martine Lignières-Cassou a présenté plusieurs propositions pour développer la recherche de défense en général et les études amont en particulier selon quatre axes : l'amélioration du processus méthodologique ; l'augmentation de l'effort de recherche et technologie (R&T) ; la mise en _uvre d'une véritable politique de recherche amont en France et la réforme des procédures et des structures.

L'amélioration du processus méthodologique aurait pour but d'établir un concept commun de RT&D qui distinguerait trois phases, les études ou recherches fondamentales (R), les technologies (T) et les développements (D) et traduirait ces nouveaux concepts en termes budgétaires, correspondant notamment à des capacités technologiques. Mme Martine Lignières-Cassou a ainsi jugé nécessaire de présenter chaque année l'effort de recherche de défense en regroupant ce qui relève des différents titres (III, V et VI), les subventions à des organismes publics et les transferts à d'autres structures à partir du budget du ministère de la Défense. Par ailleurs, elle a également proposé d'identifier dans les budgets des ministères civils (Industrie et Recherche) la part de recherche qui peut être considérée comme duale.

Faisant référence au niveau de l'effort public en France, il y a encore dix ans, et à la situation des budgets de recherche de défense aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, la rapporteure a estimé souhaitable que le volume des crédits de recherche amont (hors transferts et subventions) progresse d'au moins un tiers à court terme. Elle a ajouté que cette progression de 33 % permettrait aux études-amont de retrouver le niveau atteint au milieu de la décennie 90 sans toutefois rattraper le retard accumulé depuis cinq ans. Les dotations initiales pour les études-amont au sens strict augmenteraient dans cette hypothèse de 3 à 4 milliards de francs, dans les trois ou quatre prochaines années, et l'ensemble des dotations en faveur de la R&T, y compris les subventions et les transferts (à leur niveau actuel) passeraient de près de 8 milliards de francs en 2000 à 10 milliards de francs au cours de la prochaine programmation. La rapporteure a par ailleurs préconisé un réexamen des crédits relevant du BCRD, estimant que leur inscription au budget de la défense ne pouvait se justifier que si elle constituait un apport complémentaire à la politique spatiale de la France sans diminution des dotations du budget du CNES à due concurrence.

Pour faciliter l'accès à l'effort européen en matière de recherche, elle a plaidé pour que la part de crédits duaux soit au moins maintenue à son niveau actuel (estimé à 25 % soit environ 20 milliards de francs) dans le prochain programme cadre européen (PCRD) exprimant le v_u que l'effort en faveur de l'aéronautique et du spatial soit préservé.

Demandant la mise en _uvre d'une véritable politique à long terme de recherche amont de défense, elle a souhaité que le ministère de la Défense revalorise une démarche stratégique en ce domaine. Elle a également plaidé pour une approche interministérielle qui dépasse les intérêts catégoriels des différentes structures publiques et permette d'identifier des projets de recherche duale en organisant leur cofinancement.

Mme Martine Lignières-Cassou a proposé dans cette perspective la création d'un organisme interministériel pour la recherche de défense. Cette instance aurait pour but de favoriser la coopération interministérielle en développant l'information réciproque et l'articulation des actions au niveau le plus amont, de suivre l'ensemble des crédits de RT&D en matière de défense et d'aéronautique, de promouvoir la recherche duale et d'assurer la tutelle conjointe des organismes publics de recherche comme le CNES, l'ONERA ou l'Institut Saint-Louis. S'interrogeant sur la place d'une telle instance dans l'organisation administrative, elle a jugé que, parmi les solutions envisageables, il paraissait possible de la rattacher aux services du Premier ministre, éventuellement sous l'autorité du Secrétaire général de la Défense nationale.

Abordant la politique européenne de la recherche, la rapporteure a souligné que le rôle du Gouvernement français était déterminant pour engager un dialogue entre les Etats membres sur les technologies que l'Union européenne souhaite conserver. Ce dialogue aurait notamment pour objet de persuader les pays de l'Union et plus particulièrement ceux qui ne sont pas des acteurs majeurs de l'industrie d'armement, que l'accès de la recherche de défense aux crédits européens répond à l'intérêt commun. Il permettrait également de s'assurer de la cohérence des politiques de R&T chez les principaux acteurs européens.

La rapporteure a ensuite abordé la réforme des procédures et des structures soulignant qu'elle mériterait à elle seule une étude à part entière. Elle a suggéré à cet égard la simplification des procédures nationales, le raccourcissement des délais et l'accélération des programmes d'études voire l'aménagement des règles des marchés publics afin de prendre en compte la spécificité du secteur de la recherche. Elle a également insisté sur la nécessité d'intégrer les technologies modernes d'information et de communication dans les procédures et d'accorder une attention particulière aux PME-PMI afin de maintenir leur potentiel d'innovation. Pour éviter que les difficultés conjoncturelles provoquent une raréfaction du tissu des PME-PMI, elle a demandé la prolongation des dispositifs mis en place par la DGA pour repérer les innovations technologiques (appels à projets et guichet des propositions non sollicitées). Elle a également plaidé, dans cette perspective, pour l'affectation d'un minimum de crédits de recherche amont et de contrats aux PME-PMI indépendantes, l'objectif affiché étant de l'ordre de 10 %.

Enfin, elle a estimé qu'un effort d'harmonisation s'imposait au niveau européen, en vue notamment de rationaliser les procédures et d'ouvrir les crédits de l'Union à la recherche duale et de défense. Elle a considéré qu'à cet égard, les progrès dans la mise en _uvre des décisions de la L.o.I (Letter of Intent) étaient essentiels et que l'OCCAR pourrait se voir confier un rôle majeur à condition que soient maintenus ses principes fondateurs de flexibilité et de modularité.

Soulignant que les travaux de la rapporteure sur la recherche amont étaient très attendus et exprimant le v_u que ses propositions soient mises en application, le Président Paul Quilès a proposé que la Commission soit attentive aux suites qui leur seraient données. Il a par ailleurs rappelé que, conscient de la dimension désormais européenne de cette question, il avait lui-même proposé avec le Président de la Commission de la Défense du Bundestag allemand, M. Helmut Wieczorek, la création d'un fonds européen de soutien à la recherche-technologie en amont des développements, géré par l'OCCAR.

Mme Martine Lignières-Cassou a fait valoir que, même si la recherche militaire ne relevait pas des compétences des institutions communautaires, elle était partiellement prise en considération dans sa dimension duale par le 5ème programme cadre de recherche et développement (PCRD). Elle a remarqué à cet égard que 25 % des crédits du 5ème PCRD étaient consacrés à des actions duales intéressant en particulier le secteur de l'aéronautique.

Regrettant que les projets de recherche proprement militaires traités au niveau européen, notamment par l'intermédiaire des multiples procédures du Groupement armement de l'Europe occidentale (GAEO) et de l'Organisation de l'armement de l'Europe occidentale (OAEO) ne soient ni structurants, ni réellement significatifs, la rapporteure s'est prononcée en faveur d'une véritable prise en charge de la recherche de défense dans le cadre de l'Union européenne. Elle a jugé à ce propos que l'actuelle concertation entre la Commission européenne, gestionnaire du 5ème PCRD, le GAEO et l'OCCAR n'engendrait pas l'harmonisation nécessaire des procédures et que les mesures prises en application de la L.o.I n'avaient jusqu'à présent qu'une portée limitée.

Après avoir marqué son vif intérêt pour le travail présenté par la rapporteure, M. Jean-Yves Le Drian s'est interrogé sur la possibilité de relancer l'effort de recherche de défense dans le cadre de l'OCCAR en associant notamment d'autres pays à cet organisme. Constatant par ailleurs l'étroite corrélation entre l'effort de recherche civile et militaire et la mobilisation autour de grands projets technologiques, tels que le Concorde en France dans les années 60 et l'initiative de défense stratégique aux Etats-Unis au début des années 80, il a demandé si le secteur spatial ne pouvait pas jouer un rôle analogue pour l'Union européenne.

Mme Martine Lignières-Cassou a rappelé qu'il existait plusieurs organismes européens porteurs de projets menés en coopération. Elle a cité à cet égard l'OAEO, dont les critères de participation facilitent la coopération du plus grand nombre même si, en revanche, des procédures lourdes et une difficile mobilisation des financements nuisent à son efficacité. Elle a estimé que l'OCCAR présentait l'inconvénient contraire d'être restreint à quelques pays, ajoutant que l'allégement en son sein des contraintes de juste retour industriel ainsi que ses modes de décision plus efficaces étaient le gage d'une plus grande efficacité.

La rapporteure a observé que l'absence actuelle de grands projets technologiques mobilisateurs en France malgré une tradition de volonté politique et de vision stratégique dans le domaine de la recherche industrielle contrastait avec la situation des Etats-Unis. A l'appui de cette observation, elle a mis en exergue la place accordée à la recherche outre-atlantique, relevant que plusieurs organismes exerçant d'importantes missions en ce domaine se trouvaient placés auprès du Président des Etats-Unis, comme l'Office of Science and Technology Policy (OSTP) en charge des choix stratégiques et le Conseil national de la Science et de la Technologie qui veille à leur mise en _uvre. Elle a néanmoins fait valoir que la Commission européenne s'attachait actuellement à rassembler des financements européens en faveur de deux grands projets spatiaux : le système de navigation par satellite Galileo et le système d'observation pour l'environnement et la sécurité GMES. Elle a précisé que seuls le Commissaire européen chargé des Transports et les Ministres des Transports des différents Etats de l'Union européenne traitaient de ces projets qui intéressent pourtant aussi la défense.

Après avoir félicité Mme Martine Lignières-Cassou d'avoir abordé un vrai et difficile sujet politique au sens noble du terme, M. Arthur Paecht a souligné les difficultés relatives à l'attribution des crédits consacrés à la recherche, regrettant que certains fonds soient davantage utilisés au coup par coup pour renforcer des entreprises ou des organismes déficitaires que de manière concertée pour mener à bien des programmes cohérents.

Il a également déploré qu'aucun document ne retrace l'effort budgétaire global consacré à la recherche de défense. Préalablement à une augmentation des crédits de recherche de défense qu'il a jugé indispensable, il a également préconisé un travail d'identification et de redéploiement.

Concernant les propositions énoncées par la rapporteure, et notamment celle consistant à « aider les entreprises françaises à avoir accès aux crédits d'origine européenne selon les procédures en vigueur », il s'est interrogé sur les critères d'intervention de la Commission européenne tout en regrettant l'absence de financement européen significatif dans le domaine de la recherche de défense et en particulier de la recherche amont.

Il a également montré une certaine réticence à l'égard de la proposition « d'installer une cellule dédiée à la DGA en faveur des PME-PMI », soulignant les difficultés d'attribution rigoureuse des crédits dans ce cadre.

Considérant que l'OCCAR ne pouvait fonctionner efficacement sans abandonner véritablement la pratique du « juste retour », M. Arthur Paecht a par ailleurs insisté sur la nécessité de confier de nouveaux grands programmes à cet organisme.

Il a enfin cité pour exemple le domaine spatial où ont été menées au niveau européen des recherches duales très significatives dans le cadre de projets clairement identifiés, selon des méthodes qui doivent être étendues aux autres secteurs de la recherche.

Soulignant l'intérêt du travail de Mme Martine Lignières-Cassou, M. Aloyse Warhouver a demandé si un rapport entre les sommes investies et les résultats obtenus pouvait être établi pour les différents laboratoires de recherche relevant du ministère de la Défense ou d'industriels du secteur de la défense. Il s'est également interrogé sur les possibilités d'ouverture aux stagiaires ou aux universitaires des laboratoires de recherche intervenant dans le domaine de la défense.

M. Robert Gaïa s'est demandé si on pouvait encore parler d'une recherche spécifique dans le domaine de la défense ou si la dualité n'allait pas s'imposer à une grande échelle. Il s'est alors prononcé en faveur d'une action interministérielle déterminée en faveur de la recherche à vocation duale, évoquant la possibilité de la mettre en _uvre sous l'autorité d'un conseil stratégique auprès du Premier ministre.

M. Guy-Michel Chauveau s'est demandé à quel niveau les grandes décisions politiques en matière de recherche militaire devraient être prises pour garantir leur indépendance notamment à l'égard des pressions des armées et des industriels. Il s'est également interrogé sur la possibilité d'établir un mécanisme d'aide à ces décisions reposant sur une expertise indépendante.

Mme Martine Lignières-Cassou a apporté les éléments de réponse suivants :

- les crédits de recherche inscrits au budget du ministère de la Défense ont souvent joué le rôle de variable d'ajustement. En conséquence, les processus de décision en matière de grands projets technologiques conduisent davantage à procéder à des arbitrages budgétaires entre états-majors et industriels qu'à préparer l'avenir en fonction d'une stratégie de long terme. Si de nombreux comités consultatifs, tels que le Conseil économique de la défense et le Conseil scientifique de la défense, éclairent utilement les décisions du Ministre de la Défense, les choix de ce dernier ne résultent pas pour autant d'un débat public sur la politique de recherche ;

- l'un des obstacles à une gestion interministérielle des projets de recherche à caractère dual tient à la difficulté de concilier les logiques civile et militaire. La recherche militaire procède en effet d'une stratégie de « top down » fondée sur les programmes retenus par l'Etat client, alors que la recherche civile répond à un processus de « bottom up » dans lequel les industriels définissent eux-mêmes leurs orientations. Bien que mieux organisée, la recherche civile est confrontée aux mêmes questionnements que la recherche militaire quant à ses orientations stratégiques et à l'allocation des crédits publics ;

- l'augmentation des crédits de recherche amont est nécessaire pour explorer suffisamment de pistes de réflexion avant le lancement des programmes et réduire ainsi les surcoûts liés aux difficultés techniques rencontrées au cours des développements. Cette nécessité s'impose d'autant plus dans un contexte de diminution des crédits d'équipement du ministère de la Défense ;

- la transparence des processus de décision et du contenu des contrats en matière de recherche est de nature à accroître la marge de man_uvre des autorités politiques face au lobbying des états-majors et des industriels. Elle aurait également pour effet de protéger les crédits de recherche contre des redéploiements à leur détriment ;

- la proposition de créer une cellule dédiée au soutien des projets de recherche des PME-PMI au sein de la DGA vise à permettre à ces entreprises de maîtriser plus facilement les procédures d'accès aux fonds publics, tels que les PCRD communautaires. Par ailleurs, les mesures fiscales destinées à faciliter l'autofinancement de la recherche des PME-PMI sont de nature à favoriser l'accroissement de leurs capacités d'innovation dans le domaine des hautes technologies.

Remerciant Mme Martine Lignières-Cassou pour la qualité de son travail, le Président Paul Quilès a indiqué que si elles étaient traduites en actes, les conclusions de son rapport utile et novateur pourraient modifier bien des attitudes dans le domaine de la politique d'équipement militaire.

La Commission a alors autorisé à l'unanimité la publication du rapport d'information sur les études en amont des programmes d'armement conformément à l'article 145 du Règlement.

ANNEXE N° 1

LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES
AU COURS DE LA MISSION D'INFORMATION

SGDN

- M. Jean-Claude Mallet, Secrétaire général de la Défense nationale

Ministère de la Défense

- Mme Edwige Avice, Présidente du Conseil économique de défense

- Général Jean Rannou, Chef d'état-major de l'armée de l'Air

Délégation générale pour l'Armement

- M. Jean-Yves Helmer, Délégué général pour l'Armement

- M. Francis Chompré, Chargé de mission auprès du Délégué général

-M. Jean-Yves Leloup, Direction des systèmes de forces et de la prospective (DSFP)

- M. Daniel Estournet, Directeur du SREA (jusqu'en mai 2000)

- M. Lyonel Gouedard, Directeur du SREA (à partir de mai 2000)

ONERA

- M. Jean-Pierre Rabault, Président

- M. Hervé-Adrien Metzger, Secrétaire général

- M. François Jouaillec, Directeur de la Stratégie et de l'Action commerciale

- M. Jean-Jacques Philippe, Directeur adjoint Hélicoptères et Convertibles

- Mme Anne-Marie Mainguy, Directeur adjoint Espace

- M. Jean-Claude Traineau, Délégué Lanceurs et Véhicules de Rentrée

Institut Saint-Louis

- M. Lyonel Gouedard, Président du Conseil d'administration

- M. Yves de Longueville, Directeur français

- responsables des départements techniques

CNES

- M. Alain Bensoussan, Président du CNES

- M. Arnaud Benedetti, chargé des relations parlementaires

- M. Gérard Brachet, Directeur général des programmes

- M. Joël Barre, Directeur des programmes et des affaires industrielles

- M. David Assemat, Directeur des techniques spatiales

Centre de Toulouse du CNES

- M. Daniel Domont, Délégué aux affaires générales

- M. Philippe Escudier, Chef de la division Altimétrie

- M. Roland Ivarnez, Sous-directeur Exploitation systèmes

- M. Mario Hucteau, Chef de département Contrôle Cospas, Sarsat et navigation

- M. Bernard Cabrières, Chef de division contrôle Spot

- M. Gilbert Pauc, Chef de division QTIS

Ministère de la Recherche

- Mme Geneviève Berger, Directrice de la technologie

- M. Christophe Mathieu, Directeur chargé du secteur aéronautique

Ministère de l'Industrie

- Mme Jeanne Seyvet, Directrice générale de la DIGITIP

- M. Benoît Formery, Chargé de la sous-direction Electronique professionnelle et Informatique

- M. Grégoire Postel-Vinay, Chef de l'observatoire des stratégies industrielles

Ministère de l'Economie et des Finances

- M. Vincent Lidski, Conseiller au Cabinet de Mme Florence Parly

- M. Laurent Garnier, Chef du Bureau Défense à la Direction du Budget

Représentation française auprès de l'Union européenne

- Mme Jeanne Monfret, Conseiller scientifique

COMMISSION EUROPÉENNE

- M. Kurt Vandenberghe, membre du cabinet de M. Philippe Busquin, Commissaire européen pour la recherche

- M. Marc Howyan, Expert national détaché de la DGA

- M. Alan Seatter, Directeur général pour la recherche

- M. Jacques Methey, Directeur pour l'action-clé sur l'aéronautique

- M. Philippe Bacri, Industries de défense

- M. Jean-Michel Etarian, Directeur du programme Eurêka

UEO

- Mme Caballero, chargée de mission

- M. Pierre Dumas, Directeur de l'EAEO à Bruxelles

*

* *

Aérospatiale-Matra EADS

- M. Jean-Marc Thomas, Directeur technique et industriel

- M. Jean-Louis Lacombe, Directeur scientifique

- Mme Annick Perrimond, Direction des relations institutionnelles

Astrium

- M. Dominique Darricau, Direction commerciale et d'acquisition d'affaires

- M. Jacky Jouan, Direction des affaires industrielles, technologie et de qualité

- M. Philippe Aubay, Directeur spatial militaire France

Dassault Aviation

- M. Serge Dassault

- M. Charles Edelstenne, Président Directeur Général de Dassault Aviation

Giat Industries

- M. Philippe Hervé, Directeur recherche et Développement

Alcatel Space Industries - Centre de Toulouse

- Mme Joëlle Thoulouse, Directrice commerciale, marchés institutionnels

- M. Jean-Marc Praix, Directeur industriel, charges utiles télécom

SAGEM

- M. Pierre Faure, Président directeur général

- M. Coutris, Directeur du développement (défense)

Thomson-CSF

- M. Denis Ranque, Président directeur général

- M. Jean-Louis Lacombe, Directeur scientifique

- M. Olivier Lafaille, chargé des relations parlementaires

SYNDICATS PROFESSIONNELS

GICAT

- M. Texier, Président

- Général Savin-Levêque, Conseiller

GIFAS

- M. Guy Rupied, Délégué général

- M. Moureu, Conseiller

- Mme Anne-Marie Roy, Directeur technique et technologique de l'information

Comité Richelieu

- M. Emmanuel Leprince, Délégué général

- M. Olivier Weistein, Professeur à l'Université Paris XIII

*

* *

Mission au Canada

Ambassade de France à OTTAWA

- MM. Denis Bauchard, Ambassadeur de France, Pierre Letocart, Conseiller économique et commercial, Jean Razungles, Conseiller pour la Science et la Technologie, Colonel Gratien Maire, Attaché de défense

Personnalités

- Dr L. John Leggat, Sous-Ministre adjoint « Sciences et Technologie » au ministère de la Défense, assisté de MM. André Morency, Directeur général Recherche et Développement, Jacques Lavigne, Chef de cabinet, et Eric K. Fresque

- M. Alan Williams, Sous-Ministre chargé des « Acquisitions des matériels » au ministère de la Défense

- M. Ron G. Kane, Vice-Président de l'Aerospace Industries Association of Canada (AIAC)

- Lieutenant-Général Robert N. Fischer, représentant du CDIA, Vice-Président de Computing Devices Canada LTD (Groupe General Dynamics)

- M. Norman R.A. Smyth, Président de Thomson-CSF Systems Canada

Mission aux Etats-Unis

Ambassade de France à WASHINGTON

- M. Frédéric Joureau, Attaché d'armement adjoint

- M. François Coursault, Attaché d'armement adjoint

- M. Jacques Roujansky, Attaché d'armement adjoint

- M. Denis Gardin, Conseiller pour l'Industrie

- M. Vincent G. Sabattier, Représentant du CNES, Attaché Espace

- M. George L. Donohue, Professeur à l'Université George Mason

Congrès

- M. Jerry Lewis, représentant de Californie, Président de la sous-commission des Acquisitions de défense (Defense Appropriations Subcommittee)

Ministère de la Défense (Dod)

- Mme Delores Etter, Sous-Secrétaire adjointe en charge des Sciences et de la Technologie, assistée de M. Robert Tuohy, directeur des programmes S & T, de M. Paul Piscopo, Directeur adjoint pour les programmes S & T et du Capitaine Dave Gillard, Conseiller militaire

- Mme Donna S. Richbourg, Sous-Secrétaire d'Etat adjointe pour la réforme des Acquisitions assistée de M. De Roze, Directeur des programmes internationaux

AFOSR (Air Force Office of Scientific Research)

- Mme Genevieve M. Haddad, Directrice du département Chimie et Sciences de la vie

- Colonel T. Jan Cerveny, Directrice des programmes extérieurs

- Mme Yolanda Jones King, Directrice des relations internationales

Boeing

- M. Chris Hansen, Vice-Président, chargé des relations gouvernementales

- M. Robert Brauerlein, Vice-Président, chargé des opérations internationales

- M. Robert F. Bott, Vice-Président, chargé des intégrations d'affaires

- M. Gregory S. Dole, Directeur de la politique commerciale

Office of Science and Technology Policy (OSTP), à la Maison Blanche

- Mme Lori A. Perine, Directrice adjointe pour les Technologies

Federal Aviation Administration (FAA)

- M. Ross Hamory, Directeur de l'Aviation international

- M. Nelson J. Miller, Directeur de la R&T pour la sécurité des avions

- Mme Patricia Watts, Directrice du programme des Centres d'excellence

- M. Anthony R. Moore, Responsable pour l'Europe occidentale

Lockheed Martin

- M. Richard Kirkland, Vice-Président pour les opérations internationales

- M. Dale Von Haase, Directeur des programmes internationaux

NASA

- Général Spence Armstrong, Conseiller de l'Administrateur de la NASA

Airbus North America

- M. Jonathan M. Schofield, Président de Airbus North America

ANNEXE N° 2

INSTRUCTION MINISTÉRIELLE N° 029619 DU 4 JUILLET 1997
RELATIVE AUX ÉTUDES AMONT DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

Les recherches et études du ministère de la Défense non incluses dans les programmes d'armement (ou opérations analogues) se répartissent en études à caractère politico-militaire, économique et social, en études à caractère opérationnel ou technico-opérationnel et en études amont dont la vocation est de permettre la préparation des programmes d'armement.

La présente instruction concerne les études amont à l'exception de celles relatives aux têtes nucléaires financées par le budget transféré par le ministère de la Défense au Commissariat à l'énergie atomique.

I. - DÉFINITION DES ÉTUDES AMONT

Les études amont du ministère de la Défense sont des recherches et études exclusivement appliquées. Elles visent des objectifs déterminés du seul point de vue de la défense et restent toujours rattachées à la satisfaction d'un besoin militaire prévisible. Elles sont définies comme un ensemble de travaux qui contribuent à constituer ou à garantir la base technologique, technico-opérationnelle et industrielle nécessaire à la réalisation des programmes d'armement.

Les études amont précèdent le lancement d'un éventuel programme d'armement nouveau (ou opération analogue), c'est-à-dire sa phase de faisabilité.

Elles couvrent un domaine allant de la recherche scientifique ou technique jusqu'à la réalisation de maquettes ou la mise au point de démonstrateurs, expérimentations comprises.

II. - DÉFINITION DES OPÉRATIONS APPLICABLES AUX ÉTUDES AMONT

1. Les orientations à long terme : le plan prospectif

Le plan prospectif est l'instrument principal d'orientation des études amont du ministère de la Défense. Document interne à ce ministère, il est mis à jour périodiquement et porte sur une période d'une trentaine d'années. Ce plan peut être complété par des études particulières de systèmes.

2. Les opérations de prescription

a) L'orientation des études amont

La politique du ministère en matière d'études amont s'exprime dans une directive ministérielle d'orientation des études amont élaborée notamment à partir du plan prospectif, des politiques sectorielles adoptées, des rapports d'évaluation des programmes d'études en cours et des prévisions financières pour les années à venir. Cette directive détermine l'évolution des priorités ainsi que les axes et inflexions nouveaux à prendre en compte.

_ La programmation des études amont

La programmation des études amont consiste à définir l'ensemble des programmes d'études en conformité avec les orientations données par la directive ministérielle d'orientation des études amont, en fonction de l'exécution technique et financière des budgets passés et en cohérence avec les ressources financières prévues.

Cette programmation, mise à jour annuellement, a pour objet de déterminer avec précision les études amont à mener pour satisfaire les besoins identifiés. Elle distingue les programmes en cours à poursuivre, ceux à modifier ou à arrêter et les programmes nouveaux à lancer.

A ce titre, doivent obligatoirement figurer dans la description de tout programme d'études amont :

- l'intérêt militaire ;

- l'objectif scientifique et technique ;

- la durée et la date d'aboutissement prévues ;

- le ou les organismes envisagés pour mener les travaux ;

- le coût estimé, accompagné de l'échéancier prévisionnel.

Un programme d'études amont est généralement pluriannuel.

Pour chaque programme sont fournis des éléments d'appréciation de son opportunité (enjeux, intérêt opérationnel, probabilité de succès, qualité scientifique, etc.) et de politique d'achat (concurrence ou non, cofinancement, sous-traitances, appel à des laboratoires, modalités de partage des financements et des travaux en cas de coopération internationale, etc.).

_ La vérification des projets de contrats

Les contrats d'études ne peuvent être notifiés sans avoir fait l'objet d'une vérification formelle destinée à apporter la garantie de la conformité de leur objectif scientifique et technique et de leur montant au programme correspondant.

b) Les opérations de réalisation

Les opérations de réalisation consistent à assurer la conduite et le suivi technique et financier de l'exécution des études amont. Elles s'apparentent, dans le principe, à la conduite et au suivi des programmes d'armement sans que les procédures prévues par l'instruction spécifique aux programmes d'armement s'y appliquent.

Des prévisions et des situations financières sont éditées périodiquement.

c) Les opérations d'évaluation

L'exécution de l'ensemble des programmes fait l'objet annuellement d'un examen pour évaluer les résultats obtenus ou l'avancement des travaux par rapport à l'orientation retenue. La situation financière des programmes est systématiquement présentée à cette occasion.

Le rapport d'évaluation comporte des recommandations sur l'utilisation des résultats des études (orientation et programmation des études amont, transfert vers les programmes d'armement, actualisation de la programmation militaire, préparation du budget de l'année suivante, etc.).

3. - INTERVENANTS ET RESPONSABILITÉS

L'orientation des études amont, leur programmation, leur conduite et leur suivi ainsi que leur évaluation font intervenir principalement les organismes ci-dessous.

1. Le Comité d'orientation et d'évaluation des études amont (COE)

Créé par arrêté ministériel du 4 juillet 1997, le Comité d'orientation et d'évaluation des études amont (COE) est un organisme de coordination et de consultation dont le secrétariat est assuré par le service de la recherche et des études amont (SREA) de la direction des systèmes de forces et de la prospective de la Délégation générale pour l'Armement.

Ses attributions et son organisation sont définies dans l'arrêté ministériel précité.

2. Les états-majors

Ils expriment les besoins militaires futurs.

Ils participent à l'établissement du plan prospectif ainsi qu'à l'entretien de la politique sectorielle.

Ils participent à la préparation de la directive ministérielle d'orientation des études amont, à l'élaboration, à la mise à jour et à l'approbation de la programmation des études amont qui s'y réfère.

Ils participent à la proposition, à la conduite et à l'évaluation des programmes d'études amont.

3. La Délégation aux affaires stratégiques

Elle participe à l'établissement du plan prospectif ainsi qu'à l'entretien de la politique sectorielle.

Elle participe à la préparation de la directive ministérielle d'orientation des études amont et à l'approbation de la programmation des études amont qui s'y réfère.

Elle participe au processus d'évaluation des études amont.

4. La Délégation générale pour l'Armement

Elle participe, en liaison avec les états-majors et la délégation aux affaires stratégiques, à l'élaboration du plan prospectif.

Elle est responsable de l'expression de la politique sectorielle et de la préparation et de la mise en _uvre de la politique de la recherche du ministère.

Elle conduit les programmes d'études amont dont les crédits correspondants sont gérés par la direction des systèmes de forces et de la prospective.

Elle anime les travaux relatifs à :

- la préparation de la directive ministérielle d'orientation des études amont ;

- la programmation des études amont, en cohérence avec l'orientation et les ressources financières prévues ;

- la conduite de l'évaluation des études amont dont elle assure la synthèse.

La conduite et le suivi des études amont sont assurés par des directeurs de programmes d'études amont (DPEA) en liaison avec des officiers d'états-majors correspondants pour les études amont (OCEA). Les DPEA sont placés au sein des organismes suivants :

- le service des programmes d'armements terrestres ;

- le service des programmes navals ;

- le service des programmes aéronautiques ;

- le service des programmes de missiles tactiques ;

- le service des programmes nucléaires ;

- le service des programmes d'observation, de télécommunication et d'information ;

- le service technique des technologies communes ;

- le service hydrographique et océanographique de la Marine ;

- le centre de l'armement pour la sécurité des systèmes d'information.

4. - PROCÉDURES APPLICABLES AUX ÉTUDES AMONT

1. Les procédures de prescription

a) La procédure d'orientation

La directive ministérielle d'orientation des études amont pour l'année N est bâtie durant l'année N-2.

En s'appuyant sur les travaux de préparation menés par le SREA, en liaison avec l'état-major des armées, les états-majors d'armée, et la délégation aux affaires stratégiques, la commission d'orientation du COE établit, durant l'année N-2, le projet de directive ministérielle d'orientation des études amont N. Ce projet est examiné par le COE en janvier N-1 de manière à ce que la directive d'orientation des études amont soit présentée à la signature du ministre en février N-1.

b) La procédure de programmation et de gestion des crédits

_ Programmation

La programmation des études amont pour l'année N est bâtie durant l'année N-1 à partir de la directive ministérielle d'orientation des études amont pour l'année N, disponible en février N-1.

Dans les premiers mois de l'année N-1, les DPEA, en liaison avec les OCEA, transmettent au SREA leurs propositions de programmes d'études pour l'année N. Celles-ci font l'objet d'un examen par le SREA en liaison avec les DPEA et les OCEA, puis sont regroupées en trois catégories : les projets qui consistent à poursuivre des programmes déjà lancés, ceux qui consistent à modifier ou arrêter de tels programmes et ceux qui consistent à lancer des programmes nouveaux.

Le SREA met à jour la programmation détaillée et la soumet pour avis à la commission exécutive du COE. Celle-ci procède à un examen particulier des trois catégories définies ci-dessus et analyse la conformité des programmes d'études à la directive ministérielle d'orientation des études amont et leur adéquation aux ressources financières prévues. En novembre N-1, la programmation est présentée au COE puis une synthèse de cette programmation est présentée en réunion d'examen des programmes d'armement. Aussitôt après le vote du budget du ministère de la Défense pour l'année N, le COE présente ladite programmation au ministre pour approbation.

_ Approbation des autorisations de programme et gestion des crédits

Après approbation de la programmation des études amont par le ministre, les opérations budgétaires correspondantes sont inscrites au catalogue des opérations budgétaires avec le classement « réservé ».

La libération des autorisations de programme relatives aux opérations budgétaires est effectuée en une ou plusieurs tranche(s).

En fonction de l'avancement des programmes d'études amont en cours, de l'état de préparation des programmes nouveaux et de l'état prévisionnel des ressources financières, le SREA soumet pour avis à la commission exécutive du COE les fiches d'approbation d'autorisations de programme concernant les opérations budgétaires dont il propose la libération. Cet avis porte sur l'opportunité et la possibilité d'engagements comptables et juridiques à brève échéance. Il prend en compte l'avancement et l'évaluation financière des programmes d'études amont. Si l'avis est favorable à l'unanimité des membres, la fiche d'approbation est présentée à la signature du Délégué général pour l'Armement. Si un ou plusieurs membre (s) de la commission émettent un avis défavorable, la fiche est soumise à l'approbation du ministre.

Après approbation des autorisations de programme, la direction des systèmes de forces et de la prospective en gère les crédits.

La commission exécutive du COE se réunit au moins une fois par semestre, à la diligence de son président qui en fixe l'ordre du jour.

_ La procédure de vérification

Avant notification, les contrats d'études amont sont vérifiés par le SREA qui s'assure de leur conformité à la programmation approuvée. Cette vérification, qui s'effectue sur les contrats prêts à l'envoi à la signature du titulaire, s'exprime par un visa.

2. Les procédures de réalisation

Tout programme d'étude amont décidé est placé sous la responsabilité d'un DPEA. Ce dernier peut être responsable de plusieurs programmes d'études amont cohérents du point de vue du domaine technique ou du domaine d'application.

Le DPEA et l'OCEA organisent, de leur propre initiative ou sur demande du COE ou du SREA, des revues de programmes d'études amont.

Au plan financier et budgétaire, le SREA assure la prévision et le suivi des consommations de crédits, en autorisations de programme comme en crédits de paiement. Il en assure la synthèse permanente et transmet périodiquement la situation financière et budgétaire des études amont aux membres de la commission exécutive du COE.

En cas d'imprévus de gestion, le SREA soumet pour avis à la commission exécutive les mesures à prendre ; il provoque au besoin une réunion extraordinaire du COE. Il fait appliquer les mesures décidées.

3. Les procédures d'évaluation

Chaque DPEA établit un compte rendu annuel d'avancement des programmes d'études amont qu'il conduit indiquant les suites qu'il convient de leur apporter.

Ces comptes rendus sont adressés, en fin d'année N au SREA, qui les transmet, avec une note de synthèse, au secrétariat de la commission d'évaluation et de la commission exécutive du COE.

La commission d'évaluation du COE peut faire appel, le cas échéant, à des experts extérieurs au ministère de la Défense ou recourir à des audits internes. Elle établit un rapport annuel d'évaluation des programmes d'études amont en vue de la réunion du COE de janvier.

Ce rapport est ensuite transmis au conseil supérieur des études de défense par l'intermédiaire du secrétariat du COE.

L'évaluation annuelle est conduite suivant un programme de travail établi par la commission d'évaluation du COE. Ce programme de travail couvre notamment :

- l'état d'avancement annuel des programmes d'études par rapport à leur programmation ;

- l'évaluation du fonctionnement de l'organisation des études amont de la défense ;

- l'évaluation, à conduire dans l'année, d'un certain nombre d'agrégats d'études, sur leurs aspects scientifiques, techniques et leur adéquation à leurs objectifs ;

- le calendrier pluriannuel d'évaluation par agrégat de l'ensemble des études amont.

V. - DISPOSITIONS PARTICULIÈRES

La présente instruction est applicable aux études amont financées au titre de subventions du ministère de la Défense, selon des modalités établies par le SREA en concertation avec les organismes concernés (en particulier Office national d'études et de recherches aérospatiales et Institut franco-allemand de Saint-Louis) et soumises à l'approbation du COE.

Les thèses financées directement par le ministère constituent un agrégat particulier. Cependant leur orientation, leur définition, leur conduite et leur évaluation suivent les procédures définies par la présente instruction.

Les besoins de financement des activités d'environnement des études amont telles que l'information scientifique et technique, soutien à l'innovation, communication scientifique sont évalués par le COE dans le cadre de la procédure d'orientation puis incorporés par le SREA dans la programmation.

Pour certains domaines d'études amont comme les forces nucléaires stratégiques, espace, océanographie, il existe des instances particulières dont les avis sont pris en compte par le COE.

Certaines études menées en coopération internationale peuvent faire l'objet, notamment, de memorandums d'entente ou d'arrangements techniques dont les règles ne correspondent pas exactement aux procédures définies par la présente instruction. Ces règles doivent cependant en suivre les principes généraux. Le COE participe à l'orientation et à l'évaluation de ces études.

ANNEXE N° 3

LA RECHERCHE DE DÉFENSE AU CANADA

La situation des industries de défense au Canada se caractérise par : 

- une place modeste et parfois contestée des forces armées (effectifs d'environ 60 000 hommes) et du budget de la défense dans les dépenses fédérales ;

- un degré d'autonomie restreint de la politique de défense et de la politique industrielle à l'égard des Etats-Unis malgré une certaine volonté de se dégager de la tutelle américaine, les entreprises de défense canadiennes demeurant très liées aux groupes américains dont elles ne constituent souvent que des filiales ; 

- une tendance à développer l'industrie de défense sur des niches technologiques précises et à valoriser sur le plan commercial l'effort de recherche effectué ;

- un niveau modeste de la recherche défense (170 millions de dollars canadiens dans le budget fédéral en 1999, près de 190 millions en 2000 soit 1,7% du budget de la défense). La recherche de défense emploie environ 1 500 personnes dont un millier de techniciens et d'ingénieurs.

- l'importance des laboratoires publics sous tutelle du ministère de la Défense qui réalisent l'essentiel de cette recherche. Le ministère de la Défense dispose de cinq centres régionaux dont l'éventail d'études est assez riche.

Les réformes récentes ont abouti à une profonde transformation des structures et ont accentué le soutien important de l'Etat et des provinces au financement de l'effort de recherche des industriels.

1. La réorganisation de la recherche de défense

Le ministère de la Défense a procédé à une vaste réforme de ses objectifs et de ses structures de recherche depuis quelques années :

- l'un des objectifs majeurs est de développer les partenariats entre les bureaux fédéraux de recherche, les universités qui assurent un rôle primordial dans les études fondamentales et le secteur industriel. Près de 55 % du budget fédéral de recherche est dépensé en partenariat avec les universités et les industries. Un nouveau fonds d'investissement en technologies a été créé et doté de 6 millions de dollars canadiens pour l'exercice 2000-2001.

Plusieurs ministères participent d'ailleurs à cette action, notamment le ministère de l'Industrie à travers le fonds d'initiatives industrielles qui permet de financer des projets de recherche à un niveau de 100 % dans les domaines où l'industrie souhaite un retour sur investissement ou le programme TPC qui concerne principalement trois domaines (environnement, techniques d'amélioration des processus, aéronautique et espace)24.

Cette dualité dans les interventions ministérielles nécessite une forte coordination, le ministère de la Défense intervenant dans la recherche en amont et le ministère de l'Industrie appuyant davantage les développements.

- la définition d'axes de recherche constitue une caractéristique essentielle du système canadien. Dans le cadre de la planification de défense « Stratégie de défense 2020 », une stratégie d'investissement technologique à dix ans et un programme de R&D ont été définis. Le plan à long terme tient compte des contraintes budgétaires, qui obligent à un choix des secteurs prioritaires, et de la nécessité de répondre aux besoins des forces canadiennes considérées comme un client.

Vingt-et-un secteurs d'activités de recherche ont été identifiés en relation avec les possibilités technologiques du pays c'est à dire les disciplines essentielles aux activités de R&D. Les plus importants concernent l'information de réseau, la détection et l'évaluation des menaces, les systèmes spatiaux et le comportement ou les performances des hommes.

- la dernière réforme, qui date du 1er avril dernier, a consisté à créer une agence fédérale RDCC (recherche et développement de défense au Canada) afin d'assouplir les règles de gestion (budget autonome, statut plus souple du personnel) et de faciliter les relations avec les entreprises en modifiant le régime de la propriété industrielle des résultats de recherche et en facilitant les transferts de technologies aux industries. Le Sous-Ministre adjoint « Sciences et Technologies », M. John LEGGAT, espère augmenter l'effort de recherche de défense, non pas tant en raison d'une augmentation des crédits fédéraux, mais grâce à l'augmentation de la participation des industries nationales et des partenaires étrangers, notamment ceux membres de l'OTAN.

Cette réforme des structures de la recherche de défense s'est doublée d'une révision des procédures d'acquisition des équipements pour réduire les coûts et les délais d'approvisionnement. La tendance générale est d'assouplir les règles de marchés publics très contraignantes, de conclure des contrats globaux incluant la formation et la maintenance sur longue période et d'acquérir des équipements existants en évitant ainsi de financer des développements risqués donc coûteux.

Or, l'agence RDCC est également chargée de la veille technologique c'est-à-dire du repérage des technologies civiles qui pourraient avoir des répercussions militaires. Le Canada a ainsi identifié des technologies stratégiques (lutte anti-sous-marine, agents chimiques et biologiques, comportements du combattant) dont il souhaite maintenir la compétence même si la question de l'indépendance technologique du pays ne constitue pas un critère essentiel.

Les objectifs peuvent ainsi différer au sein du ministère de la Défense entre les responsables de la recherche de défense et ceux de l'acquisition des équipements. C'est pourquoi plusieurs mécanismes ont été mis en place pour faciliter la collaboration entre les différentes instances. Mais les représentants d'industries canadiennes semblent s'interroger sur la détermination des technologies retenues par le ministère de la Défense.

2. Une recherche de défense soutenue par des dispositifs fédéraux favorables

De manière générale, les entreprises canadiennes bénéficient d'un environnement très favorable pour leurs investissements de recherche et développement même si les dispositifs actuels font davantage appel au cofinancement des projets de recherche.

Le système TPC permet de financer 25 à 30 % des frais d'ingénierie des projets de recherche25. Le mécanisme de crédits d'impôts porte sur 30 à 35 % du montant des travaux scientifiques et expérimentaux. L'ensemble des aides permettrait dans un cas extrême d'obtenir des subventions ou des crédits d'impôts représentant jusqu'à 75 % du coût de l'investissement pour l'industriel.

On peut se demander si, malgré le niveau restreint de l'effort de recherche, le mécanisme d'aides fédérales et provinciales n'explique pas la part importante des investissements étrangers au Canada comme le suggère la croissance récente d'une entreprise comme Thomson-CSF Canada.

Pourtant, l'effort de recherche des entreprises reste modeste. Il représente 10 à 12 % du chiffre d'affaires des entreprises aéronautiques membres de l'AIAC (Aerospace Industries Association of Canada) qui assure à lui seul 15 % des dépenses de R&D au Canada mais seulement 5 % du chiffre d'affaires du groupe CDIA (Canadian Defence Industries Association).

ANNEXE N° 4

LA RECHERCHE DE DÉFENSE AUX ETATS-UNIS

L'impulsion de la politique fédérale qui s'était ralentie depuis le milieu des années 80, est désormais sous-tendue depuis quelques années par un souci de rationalisation des dépenses budgétaires et de décloisonnement technologique.

La politique fédérale en matière de recherche est marquée par un rééquilibrage des financements publics entre domaines civils et militaires, un décloisonnement civilo-militaire, l'implication croissante des entreprises et des universités, et une approche fédérale dite interagences.

1. L'évolution du budget de recherche de défense

a) Un effort sans commune mesure avec les dépenses effectuées en Europe

ÉVOLUTION DE L'EFFORT DE RECHERCHE DE DÉFENSE

(en milliards de dollars courant)

 

1985

1990

1995

1997

1998

1999

2000

Évolution
1995-2000

Évolution
1990-2000

Recherche R

4,56

4,09

4,62

4,09

4,14

4,33

4,06

- 12,12 %

Technologie T

9,97

12,74

9,33

9,8

10,42

10,46

8,89

- 4,71 %

- 30,22 %

sous-total R&T

14,53

16,83

13,95

13,89

14,56

14,79

12,95

- 7,1 %

- 23,5 %

Développement

31,28

28,39

24,3

24,01

23,05

22,85

21,39

- 11,97 %

- 24,6 %

RT&D

45,81

45,22

38,26

37,9

37,61

37,64

34,34

- 10,2 %

- 24 %

Part de la R&T en %

31,71

37,2

36,46

36,64

38,71

39,29

37,71

+ 3,43 %

 

L'effort américain est sans commune mesure avec celui réalisé en Europe. En 1999, avec près de 170 milliards de dollars d'investissements sur un total de 247 milliards de dollars, le secteur industriel a réalisé 70 % de l'effort de recherche civile et militaire (environ 1,9 % du PIB), l'Etat fédéral ayant parallèlement consacré environ 70 milliards de dollars dont la moitié pour la défense.

Selon le bureau du Congrès (Office of management and budget), les dotations du DoD pour les recherches, les développements, les tests et les essais se sont élevées à 37,443 milliards de dollars pour l'exercice fiscal 1998-1999. La relative stabilisation de ces crédits depuis le milieu des années 90 se modifie puisque le projet de budget pour 2000 en a fixé le montant à 34,775 milliards de dollars.

La répartition par catégories pour le dernier exercice révèle l'importance accordée aux recherches de base et aux démonstrateurs technologiques.

 

1999

2000

 

En millions
de dollars

En %

En %

Recherche de base

1 108

2,96

 

Recherche appliquée

3 151

8,42

 

Sous-total recherche

4 259

11,38

 

Technologie

3 532

9,43

 

Démonstrateur

7 237

19,33

 

Sous-total technologie

10 769

28,76

 

Développement

7 931

21,18

 

Développement de systèmes opérationnels

11 554

30,85

 

Sous-total développements

19 485

52,04

 

Supports logistiques

2 930

7,83

 

Total

37 443

100

100

Sur les quelques 7,5 milliards de dollars que le DoD consacre à la R&T (recherches et technologies), l'agence DARPA en gère plus de 2 milliards de dollars, chaque état-major entre 1,2 et 1,4, l'OSD et les autres agences du ministère de la Défense 0,7. Les recherches de base ou Basic Research (ligne budgétaire 6.1) sont effectuées à près des deux tiers par les universités et à 25 % dans les laboratoires internes des agences fédérales. La recherche dite appliquée ou Applied Research (ligne budgétaire 6.2) est assurée en majeure partie par les laboratoires internes (36 %) et les entreprises (50 %). La part du secteur industriel devient prépondérante pour les développements exploratoires ou Advanced Development, correspondant à la ligne 6.3, la part des universités devenant marginale (10 %) et celle des laboratoires internes encore importante (25 %) en raison de leurs équipements lourds.

La concentration des dotations budgétaires du DoD en matière de recherche fondamentale (environ 1,1 milliard de dollars en 1999) s'opère sur quelques secteurs : bien que le DoD ne contribue qu'à hauteur de 7 % aux dépenses fédérales d'investissement en recherche de base, il finance près de 70 % de l'effort fédéral en génie électrique, 65 % en génie mécanique, 20 % dans les domaines de la métallurgie et des matériaux. A l'inverse, le secteur industriel civil finance l'essentiel de la R&T dans les secteurs de l'informatique et de l'électronique.

b) L'effort de recherche des entreprises

Parallèlement, l'effort de recherche des entreprises reste modeste notamment dans le secteur de l'aéronautique où il représente moins de 5 % du chiffre d'affaires des entreprises aéronautiques pour la partie amont et un peu plus de 9 % pour les développements. Il est vrai que ne sont pas comptabilisés de nombreux investissements réalisés dans les procédures de production ou dans des produits.

Par ailleurs, l'organisation de la recherche dans les grands groupes américains comme Boeing ou Lockheed Martin, en particulier le souhait de maintenir une polyvalence des études et le raisonnement en terme d'ingénierie, ne permet pas toujours d'identifier des équipes de recherche et de les isoler des équipes de production, sauf sur des programmes spécifiques, en général à finalité uniquement militaire comme les avions furtifs.

La concentration des industries incite cependant de plus en plus à identifier les équipes afin d'employer les crédits avec davantage d'efficacité et de confier des programmes de pointe à des équipes dédiées.

c) Un apport essentiel de la NASA dans le domaine aérospatial

Le budget de la NASA (près de 13,5 milliards de dollars) consacre 4 milliards de dollars à la R&D dont un quart finance des projets universitaires de recherche. La NASA constitue donc un acteur essentiel aux côtés du DoD dans le domaine aérospatial.

L'importance de ces dotations permet le développement de programmes technologiques majeurs en coopération avec le DoD comme les projets X 37 de véhicule spatial lancé depuis une navette ou X 33 de lanceur réutilisable.

2. La réorientation des priorités du DoD et le décloisonnement civilo-militaire

La stratégie de R&D repose sur une analyse des capacités militaires à l'horizon 2010 et a été développée dans une plate-forme « Revolution in Military Affairs » (RAM), qui inclut cinq grandes priorités : le concept C 4 ISR (command, control, communications, computer, intelligence, surveillance and reconnaissance), armes intelligentes, mobilité, défense contre les nouvelles menaces, interopérabilité entre armées. La supériorité technologique est donc considérée comme une priorité destinée à fournir aux armées des avantages comparatifs qui assureront leur supériorité opérationnelle dans tous les cas.

La politique de recherche de défense reste marquée aux Etats-Unis par quatre axes : la contribution de la R&T à la réduction du coût de possession des matériels, le décloisonnement technologique, la constitution d'une nouvelle base technologique pour les systèmes d'armes futures et l'accélération des transitions technologiques.

a) Le décloisonnement technologique

Le décloisonnement technologique a comme objectifs de maintenir la supériorité acquise dans la décennie 80 et de conserver les capacités nécessaires à l'émergence de technologies de rupture.

Trois programmes spécifiques du DoD ont comme objectif la valorisation des technologies civiles :

- le Domestic Technology Transfer Program au travers par exemple des dispositifs CRADA permet des recherches dans des domaines identifiés a priori comme duaux (informatique, médecine, imagerie, lasers,...) ;

- les programmes COSSI (Commercial Operations and Support Savings initiative) essayent de valoriser les technologies civiles et de les intégrer dans les programmes militaires (spin-in) afin d'obtenir des réductions de coûts et de profiter des innovations les plus récentes. Entre 200 et 300 programmes de ce type existent.

De plus, l'abandon de normes spécifiques, trop coûteuses, comme une déréglementation des spécifications militaires au profit des normes civiles ont été encouragés. Une telle orientation pourrait même conduire à privilégier l'acquisition de matériels civils pour répondre à des besoins militaires comme le suggère la Rand Corporation pour le remplacement des avions cargos ;

- L'initiative Dual Use Science and Technology Program (DUST) encourage, depuis 1997, les partenariats avec les industriels pour développer des technologies communes sur la base d'un cofinancement à parité des projets de recherche. La loi de fiances pour 1998 a d'ailleurs imposé que 10 % des crédits de recherche appliquée soient dépensés dans les projets duaux. Environ 60 millions de dollars ont été consacrés à ce dernier programme au cours de l'exercice 1999-2000.

b) Spin-in ou Spin-off ?

De nombreux interlocuteurs rencontrés par votre Rapporteure aux Etats-Unis ont cependant relativisé les progrès possibles dans le décloisonnement.

D'une part, selon eux, certaines technologies restent spécifiquement militaires (quand elles ne sont pas couvertes par le secret...) et elles ne peuvent pas bénéficier d'innovations technologiques civiles. D'autre part, compte tenu des contraintes d'emploi opérationnel, les progrès technologiques civils ne peuvent pas toujours être utilisés dans les équipements militaires, en raison des contraintes opérationnelles par exemple à l'occasion du combat aérien.

Enfin, la modification des normes civiles ou l'obsolescence rapide des générations d'équipements civils, lorsqu'elles s'appliquent au secteur militaire, a des conséquences très importantes sur l'adaptation des équipements militaires (il suffit d'imaginer le coût que représente une telle modification pour les quinze mille appareils aériens en service dans les forces américaines).

Au contraire, de nombreux exemples ont été cités pour montrer que des programmes militaires auraient dans un proche avenir des applications civiles qui découleraient donc des recherches de défense. Le dispositif de R&D militaire constitue dans ce cas un puissant soutien indirect aux secteurs civils. Les cas de l'aéronautique et du spatial sont exemplaires à cet égard. Il existe une grande cohérence dans l'effort fédéral organisé autour du DoD, de la FAA (Federal Aviation Administration) pour l'aviation civile et la NASA.

C'est tout un système vertueux qui a été mis en place : en aidant les laboratoires universitaires et en finançant des thèses, le DoD stimule la recherche fondamentale dans les secteurs où des faiblesses ont pu être repérées. Il attire les meilleurs chercheurs et entretient un vivier d'universitaires susceptibles d'être embauchés dans les structures de recherche des agences fédérales. Il récupère les résultats des recherches et les compétences. En traitant la dualité des technologies en amont, il organise la capillarité entre recherche civile et militaire.

Les grands groupes industriels restent sceptiques sur la politique de « fertilisation croisée" des secteurs civils et militaires sur le plan de la R&D en raison, d'une part, des limites des transferts technologiques, le succès du développement d'applications civiles pour Internet ou le GPS restant des exceptions, d'autre part des contraintes supplémentaires qui s'imposent au DoD dans ses choix des acteurs (nécessité par exemple de faire participer des entreprises dirigées par des « minorités » ou préoccupations régionales). Des constructeurs comme Lockheed Martin préfère réorienter leurs concepts d'équipements militaires en maintenant une structure de base spécifiquement militaire mais en prévoyant que des éléments civils puissent y être intégrés dans une approche modulable.

3. Le renforcement de l'approche interagences et interservices

a) Les structures de coordination

Le renforcement de l'approche interagences, engagé sous l'administration George Bush26, s'est renforcée sous l'administration Bill Clinton avec certaines initiatives : l'approche Technology for economic growth a accru le soutien financier public et favorisé les programmes basés sur le décloisonnement entre technologies civiles et militaires ; le Research fund for America privilégie une approche transverse de la technologie et réserve 80 % des dotations budgétaires aux programmes communs de recherche entre agences.

La cohérence de la politique fédérale en matière de recherche s'appuie sur le rôle croissant de certains organismes auprès de la Maison Blanche dont :

- l'OSTP (Office of Sciences and Technology Policy).

Celui-ci assure un double rôle de conseil de l'administration dans les choix techniques et scientifiques et de coordination entre agences en particulier lors de la préparation du budget. Il s'agit d'une petite structure d'environ 60 personnes dont les travaux reposent sur trois critères d'appréciation : s'assurer qu'un effort suffisant est mené dans le cadre de la recherche de base, répondre aux besoins nationaux et rechercher les formules les plus productives et les plus efficaces sur le plan économique. Pour cela l'OSTP identifie les besoins, définit des priorités et propose des actions dans les secteurs où le secteur industriel n'effectue pas les investissements nécessaires compte tenu des risques ou du manque d'applications immédiates. Son influence est importante car il peut consacrer des financements importants à des secteurs qu'il juge prioritaires : il es par exemple à l'origine des efforts récents en faveur des nanotechnologies (près de 495 millions de dollars en 1999-2000).

- et du NSCT (National Science and Technology Council).

Le NSTC, créé en 1993, a pris un rôle important dans la préparation du budget, pour lequel il émet des recommandations, et la définition des objectifs généraux de recherche. Il correspond davantage à un réseau d'experts pour établir une stratégie globale et définir des objectifs préférentiels.

La coordination des programmes de recherche dans le domaine aéronautique est facilitée par le rôle d'officiers de liaison entre le DoD et la FAA (Federal Aviation Administration).

Malgré ces instances de coordination, le rôle du Pentagone reste essentiel dans la définition des programmes. Ainsi, dans le secteur aéronautique, le dispositif de R&D semble cohérent. Pour le DoD, il n'existe pas de redondances entre les programmes car la coordination entre acteurs est assurée. Pour la majorité républicaine du Congrès, notamment de la commission sur les appropriations de défense, le système n'est pas efficace car il aboutit à des redondances (dans les installations comme dans les démonstrations de technologies) et il ne fournit pas l'assurance que le pays disposera à terme des capacités nécessaires, la recherche confiée aux universités restant souvent académique. En fait, les installations de recherche apparaissent quelquefois redondantes, en raison de considérations géographiques approuvées par le Congrès.

La veille technologique est organisée par chaque service et la diffusion régulière et complète de l'information cherche à éviter la présence de duplications dans les programmes de recherche. De plus, les résultats des recherches sont rendus publics de manière systématique sauf pour les résultats stratégiques ou ceux assujettis à droits d'auteur. De même le mode d'évaluation des résultats diffère selon les services qui financent et selon les secteurs techniques, une évaluation globale étant effectuée au niveau du DoD, conformément à la loi sur les performances des services publics.

b) La réforme des procédures d'acquisition

La réforme des procédures d'acquisition des équipements militaires participe également à la politique en matière de R&T.

Les nouvelles procédures (dites 5 000, 5 001, 5 002), élaborées par le sous secrétariat à la défense pour la réforme des acquisitions de défense, cherchent à réduire les risques technologiques en ce qui concerne les développements et à utiliser au mieux les technologies préexistantes. Elles aboutissent à sélectionner de manière renforcée les projets de recherche, à repousser la phase de développement au profit des simulations et des tests, à réduire de manière drastique les délais d'acquisition des technologies. Deux cas sont envisagés. Pour les technologies civiles adaptables aux besoins militaires, un objectif maximal de cinq ans est fixé pour la période d'adaptation. Pour les techniques non existantes ou typiquement militaires, un délai plus long de 6 à 10 ans est envisagé.

La procédure mise en place depuis quelques mois permet à une entreprise d'entrer dans le processus d'acquisition des équipements militaires à toutes les étapes, depuis la conception, la démonstration, le développement voire les phases de production ou de maintenance.

Afin de réduire encore davantage les délais d'acquisition, une procédure expérimentale est en cours dans le cas d'un projet de nouvelle technologie avec cofinancement : le contrat est en fait rédigé en quelques jours au cours des discussions entre le DoD et l'industriel après que l'appel d'offres eut été lancé sur Internet.

Les entreprises semblent encore hésitantes en raison de l'incertitude sur les droits de propriété intellectuelle et du maintien des règles de comptabilité publique.

4. L'implication croissante des universités et des entreprises

L'organisation des relations entre les différents partenaires de la recherche est très avancée. Le partenariat public-privé intervient d'ailleurs dès la phase de définition des programmes ce qui favorise la diffusion et la valorisation des technologies.

Les laboratoires universitaires, dont l'intervention est prépondérante dans les études de base, répondent aux appels d'offres des différents services (états-majors, OSD, DARPA) et sont ainsi mis en concurrence. Leurs propositions sont étudiées par les services bailleurs de fonds qui disposent d'une expertise interne ou font appel à des experts extérieurs.

La FAA finance depuis 1990 des centres d'excellence (auxquels elle reverse près de 40 % des 240 millions de dollars de son budget de R&D) : placés auprès d'universités choisies en accord avec le Congrès, ces centres reçoivent des subventions fédérales à concurrence de 50 % de leurs ressources pour une période limitée au bout de laquelle ils devront s'autofinancer.

Les projets peuvent être financés à partir d'un million de dollars pour trois ans. Un système d'évaluation strict évite la reconduction automatique des financements fédéraux au bout de cette périodes.

L'AFOSR (Air Force Office of Scientific Research) par exemple, qui gère des contrats de recherche amont pour un budget annuel voisin de 330 millions de dollars, estime que près de 50 % des projets sont abandonnés au bout de cette période initiale, soit par manque de résultats probants, soit à la suite d'un changement d'objectifs. Par contre, des projets peuvent avoir été l'objet d'un financement sur long terme (15 à 20 ans). Les critères de sélection des projets sont stricts : la recherche doit être pertinente et efficace

Le passage toujours délicat de la recherche de base à la recherche appliquée est facilité par la présence de chefs de programme au sein des services fédéraux qui coordonnent la transition jusqu'au moment où le programme est validé par les opérationnels et où des choix devront être opérés entre les options techniques étudiées, toutes les technologies n'étant pas retenues dans le programme militaire. La transition la plus difficile est donc celle qui suit l'étape de R&T proprement dite. Mais certains groupes industriels estiment que le transfert s'effectue correctement grâce aux nombreux groupes de travail et comités (workshops).

La question des droits d'auteur reste posée malgré les modifications récentes. Le régime de la propriété intellectuelle diffère d'ailleurs selon le régime des fonds alloués à la recherche. Lorsque l'université bénéficie de subventions (grants), le droit à brevet appartient à l'inventeur mais le bailleur de fonds garde certains droits liés à l'innovation technologique et devient détenteur d'une licence pour l'usage des droits. Lorsque l'organisme de recherche a conclu un contrat (contract) avec un service du DoD, il semble que le partage des droits soit négocié et fasse partie intégrante du contrat. Dans le cas où la recherche est menée en dehors du territoire des Etats-Unis (overseas), l'organisme payeur garde en théorie tous les droits mais, là aussi, une possibilité de négociation semble exister.

Certains services comme l'AFSOR disposent de bureaux à l'étranger (en l'occurrence Londres et Tokyo) pour repérer les meilleurs chercheurs et les inciter à venir travailler aux Etats-Unis, soit dans un laboratoire officiel, soit dans une université.

La préparation de technologies de rupture s'est appuyée sur les capacités internes du DoD et l'organisation de liens plus étroits avec les mondes universitaires et industriels. A cet égard, le Pentagone organise des séminaires thématiques autour d'expertises considérées comme prioritaires (technologies laser, miniaturisation, sources d'énergie, traitement de l'information) qui correspondent souvent à des besoins transverses à tous les systèmes d'armes et permettraient de satisfaire l'objectif de creuser l'avance technologique face aux armements conventionnels. Mais des initiatives permettent d'associer les représentants des meilleurs laboratoires industriels et universitaires (exemple du programme Fedlab).

De nombreuses autres mesures ont été envisagées. Par exemple, à l'égard des PME-PMI dont l'action est jugée indispensable pour compenser la baisse d'innovations dans les grands groupes, l'administration actuelle envisage de développer les contrats de recherche en marge du code des marchés publics, inadapté pour ces entreprises. Le programme SBIR (Small Business Innovation Research) incite chaque agence fédérale, qui dispose d'un budget supérieur à 100 millions de dollars, à consacrer au moins 2,5 % de ses crédits aux PME-PMI de moins de 500 salariés.

De même, toujours dans un souci d'intégration civile et militaire, l'administration envisage une réforme des règles de comptabilité publique militaire pour les aligner sur les règles en vigueur dans les sociétés civiles.

Conclusion

La volonté de maintenir une avance technologique certaine et le souci de soutenir une base industrielle expliquent les nouvelles orientations de la politique de la recherche aux Etats-Unis qui constitue un des rares exemples de politique fédérale clairement affichée. Malgré la multiplicité des acteurs et des sources fédérales de financement, la politique de recherche apparaît cohérente et elle est coordonnée au plus haut niveau. Le développement des formules de partenariat entre le DoD, les laboratoires universitaires et le secteur industriel a abouti à un rééquilibrage des sources de financement et à une concentration des ressources publiques sur des objectifs ciblés ce qui accentue l'effet de levier. Le triptyque constitué des universités, des laboratoires publics et des industries) fonctionne de manière intense tout au long de la filière de recherche. De plus, de nombreux instruments, administratifs ou financiers, cherchent à diffuser l'innovation technologique dans les secteurs civils et à capter celle-ci au profit des programmes militaires.

A court terme, compte tenu de l'ampleur des budgets consacrés à la recherche de défense, on pourrait s'étonner que le fossé technologique ne soit pas plus marqué entre l'Europe et les Etats-Unis. Il est capital de souligner, d'une part, que les résultats de ces efforts ne sont pas encore tous ni connus, ni opérationnels, d'autre part qu'ils sont concentrés sur des secteurs déterminés, coûteux et exigeants.

L'avance technologique par rapport à l'Europe est déjà sensible dans les secteurs de l'information, des nouvelles technologies fondées sur les fonctionnalités, dans certains programmes militaires (moteurs d'avions, armes intelligentes). En cas de succès de la politique américaine de recherche, l'écart pourrait devenir impossible à combler notamment dans les domaines vitaux de l'information, de la furtivité, du combat aérien et des véhicules spatiaux.

2793 - Rapport d'information de Mme Lignères-Cassou sur les études en amont des programmes d'armement dans les domaines de la défense et de l'aéronautique

1 Voir annexe n° 2.

2 Pour un montant de 4,7 milliards de francs de crédits de paiement dans la loi de finances initiale pour 2000.

3 Mais certains groupes comme Thomson-CSF disposent également d'un laboratoire central de recherches.

4 Voir annexe n °4.

5 83 millions de francs en 1998, 67 millions de francs en 1999 et 33 millions de francs en 2000.

6 Cela est vrai pour la participation aux investissements et au plan social de l'ONERA..

7 La DIRD a progressé de 1,73 et 2,45 % du PIB de 1979 à 1993.

8 (de 67,2 % en 1991 à 75,2 % en 1995 selon le rapport Henri Guillaume).

9 (49 sur 136 milliards de francs environ en 1994).

10 Dont le secrétariat est assuré par le délégué général du Comité Richelieu. La fédération ne dispose ainsi pas d'antenne à Bruxelles afin de réduire les frais de structures.

11 Le ministère de la Défense américain réserve des contrats aux PME alors que la DGA préfère passer de plus gros contrats de recherche avec des grands groupes qu'une multitude de petits contrats avec des PME.

12 Actuellement au nombre de trente-huit et classés en sept branches.

13 Par exemple en milieu urbain, avec le souci constant de préserver les vies humaines et de réduire les effets collatéraux..

14 Par exemple pour l'étude des performances d'avions de la gamme Airbus, la simulation de la séparation du missile Apache sous l'avion Rafale.

15 L'activité duale est marginale.

16 Si le conseil d'administration fixe le volume des recherches fondamentales, les deux directeurs en déterminent le contenu.

17 Le GAEO est constitué de quatre organismes : la Commission I, chargée de développer les programmes d'équipement, la Commission II pour les programmes de recherche, la Commission III qui traite des orientations de la politique commune en matière d'économie de défense et un groupe d'experts nationaux.

18 L'EDIG est un syndicat européen de producteurs d'armement.

19 Matériaux structuraux, discrets, électroniques, optiques, énergétiques ; technologie électrique et électronique, produits biologiques et chimiques,, informatique, traitement de l'information, facteurs humains, environnement d'exploitation.

20 Protection des vecteurs, propulsion et protection d'énergie, conception des armes et vecteurs, armes à énergie dirigée, réduction des signatures, capteurs, contrôle et guidage, simulateurs, intégration et systémique, communication et SIC, protection des personnels et productique.

21 Il n'a pas été institué de répartition entre nationalités, le directeur de l'OCCAR recrutant sur la base d'une compétition ouverte. Cependant, il est acquis qu'il existera un équilibre entre les ressortissants en fonction de l'investissement des pays participants.

22 Par rapport au montant actuel des crédits de recherche amont.

23 Par rapport au montant souhaitable à court terme des crédits de recherche amont.

24 Sur 300 millions de dollars canadiens du programme TPC, environ 200 millions sont destinés aux industries aéronautiques et spatiales.

25 A la suite d'une plainte du Brésil auprès de l'OMC, le système TPCa été révisé pour éviter que les subventions ne favorisent les exportations et soient davantage orientées sur l'aspect technologique des projets de recherche.

26 Le rôle de l'Etat s'est traduit par un soutien aux technologies émergentes, notamment par des partages de financement sur des programmes à risques.