Volume 3

LES AVALANCHES DE NEIGE 61

1. DESCRIPTION DE L'ALÉA 61

2. LA CONNAISSANCE DE L'ALÉA 64

3. L'OBSERVATION ET LA SURVEILLANCE 65

3.1. La cartographie : la Carte de Localisation Probable des Avalanches (CLPA) 65

3.2. L'Enquête Permanente sur les Avalanches (EPA) 66

3.3. Le Plan de Prévision aux Risques (PPR) 68

3.4. Le Plan des Zones Exposées aux Avalanches (PZEA) 69

4. LA PRÉVISION 71

4.1. La prévision temporelle, ou prévision du risque d'avalanche (PRA) 71

4.1.1. Historique 71

4.1.2. Organisation de la prévision 72

4.1.3. Les acteurs de la prévision 75

4.2. La prévision du risque d'avalanche dans l'espace 75

5. LA PRÉVENTION 76

5.1. La défense permanente 76

5.1.1. Les travaux modifiant la surface du sol 77

5.1.2. Les ouvrages modifiant le dépôt de la neige 77

5.1.3. Les ouvrages retenant la neige 78

5.2. La défense temporaire active 78

5.3. La défense temporaire passive 81

5.4. Le cas particulier de la protection des routes 81

6. LE SECOURS 83

6.1. Le matériel de sécurité 83

6.1.1. L'ARVA 83

6.1.2. Pelles et sondes 84

6.1.3. Le ballon avalanche 84

6.2. L'activité de secours 84

6.3. Les moyens humains du secours 85

6.4. Communication et information 86

7. LES MISSIONS 87

8. CONCLUSION 90

ALÉA INONDATIONS 93

1. CONNAISSANCE DES PHÉNOMÈNES D'INONDATION 95

1.1. La connaissance hydro-météorologique des événements extrêmes 95

1.2. Archivage des données pluvio-graphiques 95

1.3. Modèles d'hydraulique fluviale 96

1.4. Mesure et prévision des précipitations intenses 96

1.5. Prévision des crues 97

1.6. Organisation de l'interface météorologie-hydrologie 97

2. CONNAISSANCE DE L'ALÉA, DE LA VULNÉRABILITÉ ET DES RISQUES D'INONDATION 98

2.1. La vulnérabilité des hommes 99

2.2. La vulnérabilité des biens 99

2.3. Les autres risques 101

3. LES PRÉVENTIONS ET LA PROTECTION 102

3.1. Gestion de l'espace - Planification et aménagement 102

3.2. Constructions 102

3.3. Aménagements et ouvrages de protection 102

3.4. Gestion intercommunale, financement, assurances 103

4. LA PRÉVISION 104

4.1. Etat de la technologie des réseaux de mesure pluviométrique au sol 104

4.2. Réseaux radars 105

4.3. La prévision des crues 106

4.4. Maîtrise d'ouvrage et fonctionnement des réseaux d'alerte inondations 107

5. LES CRUES RAPIDES 108

6. PRÉPARATION AUX CRISES ET À LA GESTION DES CATASTROPHES 110

6.1. L'information et le débat 110

6.2. Gestion post-crise 111

6.3. La communication 111

6.4. Les estimations de coûts 112

LES AVALANCHES DE NEIGE

Parmi les catastrophes liées à la neige, les avalanches sont certainement celles qui marquent le plus les populations, l'avalanche meurtrière frappant des vacanciers étant ressentie comme une tragédie plus importante qu'un autre aléa.

1. DESCRIPTION DE L'ALÉA

La catastrophe de la vallée de Chamonix du 9 février 1999 en est la triste manifestation. En fait, deux populations sont menacées :

    ù celle qui s'expose volontairement au risque par la pratique de la randonnée ou du hors piste, ce qui, pour la France, occasionne environ 30 morts par an,

    ù celle victime d'une situation avalancheuse, telle Chamonix.

M. Gérard BRUGNOT, de la Division Nivologie du CEMAGREF à Grenoble, donne de ces phénomènes la définition suivante : « le phénomène de fluage, qui désigne les mouvements lents du manteau neigeux se distingue de l'avalanche qui désigne les mouvements rapides ».

Il poursuit dans sa note pour l'Instance BOURRELIER la description du phénomène. « Dans le cas du fluage, les vitesses de déplacement du centre de gravité de la masse en mouvement sont de l'ordre du mm/j, dans le cas de l'avalanche du m/s. Le critère de masse est plus difficile à fixer, dans la mesure où si l'on se place sur le plan des effets du phénomène, quelques m3 de neige peuvent tuer une personne. On propose donc de retenir la définition de la NF 95-310 : « déplacement gravitaire rapide, supérieur à 1 m/s, d'une masse de neige sur un sol en pente ».

D'un point de vue dynamique, le plus important sur le site d'impact, on peut classer les avalanches, hors les avalanches de séracs qui s'apparentent plus à des chutes de rochers, en deux grandes catégories :

    ù les avalanches de neige dense. Elles suivent approximativement les lois d'un écoulement hydraulique torrentiel comme il peut s'en produire à la suite de la rupture d'un barrage. La vague de neige se propage avec une densité voisine de sa densité originelle jusqu'à un point d'arrêt où elle aura converti une partie de son énergie potentielle en énergie cinétique ;

    ù les avalanches de neige poudreuse. Elles prennent en général naissance à partir d'avalanches présentant les caractéristiques précédentes mais sont constituées de précipitation très froides, peu denses et qui se développent à partir de zones de départ importantes, sur de larges trajectoires d'écoulement affectées d'accidents de terrain. A partir d'une vitesse de l'ordre de 70 km/h, le frottement « écoulement - air » exerce une fonction d'émulsion sur la neige : l'incorporation d'air ambiant dans le matériau en mouvement crée un effet de nuage qui allège le cortège et lui permet d'atteindre, sous forme d'aérosols fins, des vitesses supérieures à 200 km/h. Au point d'impact et au long des trajectoires, les avalanches de poudreuse cumulent les effets de masse et les effets de souffle sur les infrastructures. Elles contribuent de plus à noyer, par infiltration de particules dans le système respiratoire, les victimes qu'elles n'écrasent pas.

A côté des avalanches, d'autres risques sont liés à la neige : formation des congères, qui proviennent de l'association vent plus neige, problème des chutes de neige des toits. Ces deux phénomènes sont à l'origine de quelques victimes par décennie. Il existe aussi les risques liés aux glaciers, soit directs (chute de séracs), soit indirects (ruptures de poches glaciaires). Or, si les avalanches sont le risque naturel qui fait le plus de victimes en Europe sur une base décennale, les ruptures de poches sous-glaciaires sont le risque qui est l'origine du plus grand nombre de victimes sur un seul événement, en France mais aussi en Suisse.

2. LA CONNAISSANCE DE L'ALÉA

Les risques d'avalanches concernent en France essentiellement la Savoie mais aussi toutes les Alpes du Nord, les Hautes Alpes, les Alpes maritimes et les Hautes Pyrénées. La connaissance de l'aléa, l'étude des avalanches reposent sur la modélisation qui est assez ancienne puisqu'on peut considérer qu'elle a commencé il y a une vingtaine d'années.

La modélisation physique a donc été entreprise en France il y a environ trente ans. On a pu ainsi déterminer les lois physiques de l'écoulement, mettre au point des logiciels de calcul et établir une méthodologie d'essais sur maquette pour l'étude de sites particuliers. La dynamique des avalanches poudreuses est étudiée par modélisation physique en canal noyé, qui a permis de concevoir un modèle numérique semi-empirique, AVAER (Avalanche Aérosol).

La possibilité de disposer à partir des années 70 d'ordinateurs de plus en plus puissants a permis de développer de véritables modèles numériques. Si les équations ainsi résolues (équations de Saint-Veanant donnant les modèles WETSNOW, AVALDENS 1 et AVALDENS 2) sont beaucoup plus proches de la réalité physique du phénomène (respect des lois fondamentales de la mécanique), il faut bien reconnaître que le principal obstacle reste à lever, celui de l'introduction d'une rhéologie réaliste de l'écoulement d'une avalanche de neige dense.

Une certaine déception devant la modélisation, notamment dans le cas des avalanches de neige dense, a encouragé certaines tentatives plus proches des préoccupations des experts. On peut classer dans cette catégorie les modèles statistiques, qui fournissent des distances d'arrêt du phénomène en fonction de critères purement topographiques. Malheureusement, ces modèles ne sont pas très précis, surtout si on tente de les appliquer à des régions différentes de celles dans lesquelles ils ont été mis au point.

La modélisation symbolique exploite des connaissances empiriques. Elle fournit aux ingénieurs une aide pour simuler différents phénomènes et rendre compte des conditions de déclenchement des avalanches, ce qui permet de simuler les conditions du phénomène pour une étude de risque.

Pour l'instant, deux modèles sont construits pour étudier les conditions de départ des avalanches, ELSA et AVALOG. Le transport de la neige par le vent a donné naissance au modèle CLER (congères, localisation et études de risque), qui est en cours de développement.

3. L'OBSERVATION ET LA SURVEILLANCE

A côté de cette recherche de modélisation, d'autres outils existent, permettant l'observation et la surveillance. Le rapport de la Mission Interministérielle sur la Sécurité des Stations de Montagne, créée à la suite de la catastrophe de Val-d'Isère (un chalet d'un centre de vacances enseveli le 10 février 1970, avec 250 personnes à l'intérieur, et qui fera 39 morts et 37 blessés) a recommandé, en juillet 1970, « l'établissement, sous la responsabilité du ministère de l'Agriculture, d'une carte inventaire des avalanches, officielle, dressée selon une méthode scientifique, ayant un caractère indicatif pour les particuliers mais dont l'observation s'imposera à tous les services publics ».

3.1. La cartographie : la Carte de Localisation Probable des Avalanches (CLPA)

Cette carte, devenue la Carte de Localisation Probable des Avalanches (CLPA), est en fait une carte d'aléas et non une carte de risque. C'est précisément ce qui explique qu'elle a pu être établie sur tous les territoires concernés (environ 700 000 hectares) entre 1971 et 1975 et « rénovée », c'est-à-dire mise à jour et numérisée sur Système d'Information Géographique (Arc Info) entre 1989 et 1994.

Elle est le premier document officiel paru en France en 1971, délimitant de façon systématique les zones soumises aux risques naturels. Il s'agit d'une carte d'inventaire des phénomènes passés, dont le cahier des charges a été proposé par le CEMAGREF et la méthodologie d'élaboration par l'Institut Géographique National (IGN). Depuis 1993, le CEMAGREF doté du système ARC/INFO n'a recours à l'IGN que pour la phase d'impression du document.

La carte est établie au 1/25 000, et on considère qu'il est inutile de choisir une échelle plus grande, car la précision obtenue serait alors illusoire. En effet, ces documents n'ont qu'une valeur informative, ce ne sont pas des documents de cartographie réglementaire.

Les principes méthodologiques : il s'agit de cartographier les avalanches ayant déjà eu lieu, c'est-à-dire de reporter l'enveloppe maximum des phénomènes passés pour chaque avalanche. Ni la fréquence, ni l'intensité des avalanches (vitesse, force...) ne sont prises en considération. Pour les avalanches aérosols, seuls les dépôts de neige importants sont cartographiés, ainsi que les secteurs ayant subi de gros dégâts dans la zone d'arrivée, car les limites du souffles sont trop imprécises. Une zone affectée par une avalanche ne sera jamais réduite à l'occasion d'une révision de la carte, même en cas d'installation d'ouvrages de protection.

La cartographie se fait en deux phases distinctes : une étude stéréoscopique de couples de photographies aériennes d'été, en noir et blanc, qui permettra la mise en évidence des traces d'avalanches passées ou des facteurs favorables à leur déclenchement, et une enquête auprès des habitants des zones concernées, surtout des professionnels de la montagne, qui s'avère indispensable pour connaître toutes les manifestations connues du phénomène. Le service RTM, l'ONF, les services des pistes, les parcs nationaux et la DDE sont systématiquement consultés.

La CLPA s'appuie beaucoup au stade de la collecte d'information, sur l'Enquête Permanente sur les Avalanches (EPA). Il s'agit d'une opération de surveillance réalisée par des agents de l'Office National des Forêts. Environ 5 000 couloirs d'avalanche sont ainsi sous observations, les données sont traitées par le CEMAGREF.

La CLPA fait donc simplement état de la somme des faits connus et rapportés au jour où elle est dressée et révisée. Plus de 600 000 hectares ont ainsi été cartographiés dans les Alpes et les Pyrénées. Elle constitue avant tout un aide-mémoire dressé en vue d'aider à la prise en compte du phénomène « avalanche » dans l'équipement et l'aménagement de la montagne. Aujourd'hui la CLPA est indispensable à la bonne gestion d'une route ou d'un domaine skiable, et à l'établissement de tout projet d'aménagement.

Ces documents techniques sont envoyés systématiquement aux maires, et aux services administratifs ainsi qu'aux bureaux d'étude et aux particuliers qui en font la demande. Ces cartes ne renseignent ni le skieur ni le randonneur.

La CLPA répertorie uniquement les avalanches connues, à partir de photos aériennes ou de la mémoire des habitants, mais n'indique ni la fréquence, ni les conditions de l'avalanche, il faut un autre outil pour le zonage du risque, une expertise.

3.2. L'Enquête Permanente sur les Avalanches (EPA)

Dès 1900, l'inspecteur général MOUGIN demandait aux préposés du service des Eaux et Forêts de Savoie, d'établir un relevé des couloirs avalancheux, de leur triage, et de consigner, d'hiver en hiver, toutes les avalanches se produisant dans chacun d'eux. Cette mesure fût étendue aux départements de l'Isère et des Hautes-Alpes en 1920, puis à l'ensemble des Alpes et des Pyrénées.

L'Enquête Permanente sur les Avalanches, coordonnée par le CTGREF (Centre Technique du Génie Rural et des Eaux et Forêts, CEMAGREF depuis 1985) coordonnée par la division « Nivologie », n'est que la continuation de cette enquête.

Rapidement, compte tenu de l'extension de l'enquête à l'ensemble des Alpes et des Pyrénées, il s'est avéré que le fichier devenait difficilement exploitable ; de plus, certains renseignements souhaitables manquaient ; enfin, la classification de MOUGIN était de plus en plus abandonnée au profit d'une classification suisse.

L'EPA a essentiellement deux buts :

    ù la localisation des couloirs avec détermination du type d'avalanches s'y produisant, la fréquence de celles-ci et la variation de cette fréquence en fonction de la modification de la végétation superficielle dans la zone de départ ;

    ù un objectif plus général pour une meilleure connaissance des avalanches au moyen de corrélations statistiques.

Ce sont les agents de l'ONF, qui font l'Enquête Permanente d'Avalanche, dans leur secteur respectif. Et c'est grâce à eux que l'EPA peut exister. Tous ces agents ONF sont aidés par un coordinateur et un animateur (appartenant souvent au service RTM).

En retour, le CEMAGREF fournit les documents d'enquête (questionnaires, cartes), et traite les informations.

Il y a un coordinateur par département. Un agent s'occupe d'une ou plusieurs communes, selon le découpage de l'ONF, et chaque commune comprend plusieurs couloirs d'avalanche.

Dans un premier temps l'agent doit observer son secteur, puis reporter sur une carte au 1/25 000, les contours exacts des différents couloirs d'avalanche observables d'un point d'accès facile en hiver. Ce premier travail de cartographie permet de visualiser les avalanches qui vont être observées. Puis il doit remplir, et cela de façon définitive, un fiche de site d'avalanche qui décrit les données permanentes du couloir d'avalanche.

Chaque fois qu'une avalanche se produit, l'agent doit se rendre sur place, et remplir un avis d'avalanche concernant les caractéristiques de le neige composant l'avalanche, la météo, les causes de déclenchement et les dégâts causés par celle-ci. Cet avis est en trois exemplaires, dont un sera transmis directement au CEMAGREF. De retour au poste, l'agent doit remplir un carnet reproduisant l'avis d'avalanche qui, lui, reste au poste.

Le travail des agents devient de plus en plus complexe, face à la tendance actuelle, qui est le regroupement des communes pour un même agent.

Toutes ces informations sont envoyées au CEMAGREF qui les traite et établit des tableaux, représentant toutes les avalanches répertoriées, par commune, sur une saison. En fin de saison est préparé un compte-rendu, qui commente les résultats obtenus. Ce compte-rendu est envoyé à tous les chefs de groupement de l'ONF, qui se chargent de le redistribuer aux différents agents.

L'EPA rassemble une quantité de données considérable, puisqu'elle s'applique sur environ 5 000 couloirs, certains observés depuis plus d'un siècle. C'est le document d'archivage le plus ancien. Les données de l'EPA sont utilisées de façon tout à fait systématique, chaque fois qu'un avis est demandé à un service officiel.

3.3. Le Plan de Prévision aux Risques (PPR)

Le décret relatif aux PPR date du 5 octobre 1995 et a été pris en application des articles 40-1 à 40-7 de la loi du 22 juillet 1987. La procédure, simplifiée, est totalement déconcentrée. L'établissement d'un plan de prévision des risques naturels prévisibles est prescrit par arrêté préfectoral et soumis à l'avis des conseils municipaux des communes sur le territoire desquelles il est applicable. Il a comme objet de délimiter les zones exposées aux risques, de délimiter les zones où une activité quelconque aurait pour effet d'accroître les risques. Il doit également définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde nécessaires. Enfin, il doit définir les mesures qui doivent être adoptées dans les zones à risques par les propriétaires, exploitants et utilisateurs. Le PPR « Avalanches » constitue juridiquement une servitude administrative annexée au POS.

A partir des cartes de localisation probable des avalanches (CLPA), carte au 1/25 000, les communes se sont mises à faire des cartes au 1/5 000 ou 1/2 000, beaucoup plus précises. En Haute Savoie, 56 PPR ont été approuvés, certains par transformation du PER, comme celui de Chamonix, qui date de 1992 et qui est en cours de révision. Le chiffre de 80 PPR d'ici l'an 2000 est l'objectif, leur financement par l'Etat s'étant légèrement amélioré, puisque 60 MF leur sont consacrés par an pour l'ensemble de la France, soit une augmentation de 50 % sur le dernier exercice.

Sur l'ensemble de la France, au 15 mars 1999, 158 PPR « Avalanches » ont été approuvés et 62 sont en cours d'élaboration.

Mais à côté des PPR, peu de lignes budgétaires permettent de faire des travaux de mitigation des risques.

3.4. Le Plan des Zones Exposées aux Avalanches (PZEA)

Le PZEA est en fait la première étude de vulnérabilité sur les avalanches, et les premiers datent de 1974. Ce document est établi à grande échelle : 1/1 000 à 1/5 000. Il est composé d'un plan de zonage et d'un rapport. Les documents ont évolué dans le sens d'une sophistication croissante, du PZEA au PPR en passant par le PER, mais les pièces de base restent le plan et le rapport.

Le plan : comme il est impossible de vouloir séparer sur le terrain une zone dangereuse d'une zone absolument sûre par un seul trait, on distingue sur les plans trois domaines :

    ù une zone blanche présumée sans risques ;

    ù une zone bleue intermédiaire, douteuse, dans laquelle on estime, soit que les avalanches qui pourraient s'y produire seraient de trop faible ampleur pour mettre en péril personnes et biens, soit que le temps de retour excède largement la durée d'amortissement de la construction, la sécurité des personnes pouvant être assurée par des mesures d'évacuation en cas de situation nivo-météorologique extrême ;

    ù une zone rouge reconnue comme dangereuse et par conséquent rendue inconstructible.

Ce classement peut être éventuellement modifié après l'exécution de travaux paravalanches.

Le rapport : il recense les sources de renseignements, énumère les documents utilisés, les reconnaissances de terrain et les études qui ont permis l'établissement du plan de zonage. Il définit les conditions de l'analyse des risques par secteur et propose éventuellement un éventail de prescriptions et de règles de sécurité à appliquer aux constructions à venir dans les zones bleues.

Ces prescriptions peuvent être :

    ù soit la réalisation de travaux de protection paravalanche : étrave, digue, râtelier, filets... ;

    ù soit la prise de précautions architecturales : aveuglement et renforcement des façades exposées, forme et orientation des toitures... ;

    ù soit des prescriptions d'urbanisme : limitation de la densité d'occupation, de la hauteur des immeubles, organisation des groupes d'immeubles en ligne ou en étrave derrière un obstacle protecteur ;

    ù soit des mesures de police : interdiction d'occupation de certains d'immeubles, mise en place d'un plan d'évacuation... ;

    ù soit l'édiction de mesures réglementaires : classement d'un massif forestier en forêt de protection, création d'une commission spécialisée chargée de contrôler l'efficacité des protections et de conseiller les autorités responsables... ;

    ù soit une combinaison de ces diverses prescriptions.

En dehors de l'occupation du sol liée à l'urbanisation, le traitement est le suivant :

    ù pour les domaines skiables, l'analyse des risques fait l'objet d'expertises ponctuelles. Une centaine de dossiers ont été traités de cette façon ;

    ù les voies de communication et lignes de transport font l'objet d'analyse de risque à la demande du maître d'ouvrage (environ 20 dossiers) ; il en va de même pour les grands aménagements hydroélectriques, qui représentent à ce jour une dizaine de cas, traités essentiellement entre 1975 et 1982.

4. LA PRÉVISION

Ainsi que Blandine MARROCCO le constate dans son mémoire sur le coût de la prévention des avalanches, la montagne est fréquentée par un nombre croissant d'amateurs à la recherche d'air pur, de détente, de grands espaces. Cette grande fréquentation peut, à tort, faire croire à un sentiment de sécurité. La montagne reste encore un domaine peu sécurisé, même s'il est banalisé dans l'esprit du public.

Or, dans ce milieu, les phénomènes météorologiques évoluent très vite et souvent avec violence ; et la méconnaissance de leurs effets peut entraîner des conséquences parfois dramatiques.

C'est dans ce cadre là que la prévision du risque d'avalanche prend toute son importance, et tient une place prépondérante dans la lutte contre les avalanches.

Il existe deux manières d'envisager la prévision du risque d'avalanche :

    ù prévision dans le temps ;

    ù la prévision spatiale, qui analyse les sites afin de déceler et de prévoir les avalanches potentielles.

La prévision s'organise autour de différents acteurs et activités, qui se complètent afin de former une activité de prévision du risque d'avalanches cohérente et efficace.

4.1. La prévision temporelle, ou prévision du risque d'avalanche (PRA)

Elle est évidemment très liée à l'évolution météorologique, est assurée par une unité du Centre national de recherches météorologiques (CNRM) de Météo-France, le Centre d'Etudes de la Neige, qui, à côté de son volet opérationnel de coordonateur technique des prévisions d'avalanche, a un rôle important en recherche et développement.

4.1.1. Historique

Elle débute en 1947, sous l'initiative de M. SULZEE qui place un réseau de postes de mesures dans la région de Barèges (Pyrénées), lui permettant d'établir les premières études sur la neige, et les premières prévisions.

En 1950, M. SALES organise un service de détection des avalanches, basé sur l'interprétation des mesures nivo-météorologiques, et la même année M. POGGI crée, en collaboration avec l'administration forestière, la Météorologie Nationale et EDF, le laboratoire du col de Porte (Chartreuse), qui reste un champ d'expériences unique en France.

En 1970, après une série d'avalanches meurtrières, les collectivités territoriales, les stations de sports d'hiver et la Météorologie Nationale, installent un réseau de postes d'observation pour élaborer et diffuser des prévisions du risque d'avalanche.

Aujourd'hui, ce système de prévision repose sur un réseau nivo-météorologique, qui est chargé des observations et des mesures.

Ce réseau comprend près de 140 postes d'observation situés en altitude (1 500-2 000 m), et dix-sept stations automatiques étagées entre 2 000 et 3 000 mètres.

4.1.2. Organisation de la prévision

Observer, mesurer et transmettre, c'est donc le rôle des 140 postes d'observation qui :

    ù effectuent tous les jours, deux séries de mesures de surface, à 8 h et 13 h. Nébulosité, vent, températures, précipitations, hauteur de la neige au sol, qualité de la neige en surface et avalanches observées, sont soigneusement codifiés, notés, utilisés localement et transmis au centre météo montagne départemental ;

    ù réalisent au moins une fois par semaine, une étude en profondeur dans le manteau neigeux afin de caractériser les différentes couches de neige superposées. Sondage de battage, mesure de la résistance à la pénétration, de la dureté, de la température, de la masse volumique et de l'humidité de la neige selon la profondeur vont ainsi conduire à une évaluation de la stabilité du manteau neigeux ;

    ù le réseau des stations automatiques d'altitude apporte un complément d'informations indispensable sur les paramètres : vent, température et hauteur de neige, et aux mesures effectuées après ouverture du profil.

Traiter, analyser, prévoir et diffuser : c'est la mission des centres météorologiques « montagne ».

La PRA est fondée sur quatre piliers, correspondant chacun à un niveau de responsabilité différent : les réseaux d'observation, permettant la surveillance du manteau neigeux, par une instrumentation à la surface et à l'intérieur du manteau. Ce réseau nivométéorologique est possible grâce au partenariat entre les stations de sports d'hiver et Météo-France, et à l'appui d'autres entités, DDE, RTM, gendarmes et CRS de montagne. Le réseau « Nivôse » de Météo-France comprend 17 stations automatiques, qui transmettent en temps réel par Météosat, les principaux paramètres : hauteur de neige, vitesse du vent et température. Cette surveillance vient compléter l'analyse des neuf centres « montagne » de Météo-France, implantés dans les Alpes (Chamonix, Bourg-St-Maurice, St-Martin-d'Hères, Briançon, Nice), les Pyrénées (Perpignan, Toulouse, Tarbes) et la Corse (Ajaccio). Ils sont responsables de l'élaboration et de la diffusion des bulletins d'estimation du risque d'avalanche -les BRA- pour leur département. La modélisation du manteau neigeux se fait à partir de trois outils : SAFRAN, qui analyse toutes les 24 heures, heure par heure, le manteau, CROCUS, qui suit l'évolution du manteau de l'intérieur, et MEPRA qui calcule les risques d'avalanches dans plusieurs milliers de manteaux. Grenoble et Tarbes ont la responsabilité régionale dans l'alerte des services de sécurité.

En avril 1993, à Wildbad-Kreuth en Bavière, le groupe de travail des services de prévision du risque d'avalanche de l'arc alpin -Allemagne, Autriche, France, Italie et Suisse- parvient à un accord et adopte une échelle européenne à 5 niveaux de risque (voir page suivante). Cette échelle européenne, qui distingue le risque accidentel du risque naturel, intéresse un large public. Un bulletin régional d'alerte météorologique (BRAM) « avalanches » est alors émis à destination des services de sécurité, tandis qu'un communiqué météorologique de presse est diffusé à destination des médias et du public.

ÉCHELLE EUROPÉENNE de RISQUE d'AVALANCHE

Indice du risque, stabilité du manteau neigeux et probabilité de déclenchement.

1. - FAIBLE

Le manteau neigeux est bien stabilisé dans la plupart des pentes. Les déclenchements d'avalanches ne sont en général possibles que par forte surcharge (***) sur de très rares pentes raides (*). Seules des coulées ou de petites avalanches peuvent se produire spontanément.

2. - MODÉRÉ

Dans quelques (**) pentes suffisamment raides, le manteau neigeux n'est que modérément stabilisé. Ailleurs, il est bien stabilisé. Déclenchements d'avalanches possibles surtout par forte surcharge (***) et dans quelques pentes généralement décrites dans le bulletin. Des départs spontanés d'avalanches de grande ampleur ne sont pas à attendre.

3. - MARQUÉ

Dans de nombreuses (**) pentes suffisamment raides, le manteau neigeux n'est que modérément à faiblement stabilisé. Déclenchements d'avalanches possibles parfois même par faible surcharge et dans de nombreuses pentes, surtout dans celles généralement décrites dans le bulletin. Dans certaines situations, quelques départs spontanés d'avalanche de taille moyenne, et parfois assez grosse, sont possibles.

4. - FORT

Le manteau neigeux est faiblement stabilisé dans la plupart (**) des pentes suffisamment raides. Déclenchements d'avalanches probables même par faible surcharge (***) dans de nombreuses pentes suffisamment raides. Dans certaines situations, de nombreux départs spontanés d'avalanches de taille moyenne et parfois grosse, sont à attendre.

5. - TRÈS FORT

L'instabilité du manteau neigeux est généralisée. De nombreuses et grosses avalanches se produisant spontanément sont à attendre y compris en terrain peu raide.

(*) Pentes particulièrement propices aux avalanches, en raison de leur déclivité, la configuration du terrain, la proximité de la crête...

(**) Les caractéristiques de ces pentes sont généralement précisées dans le bulletin : altitude, exposition, topographie...

(***) Surcharge indicative forte : par exemple, skieurs groupés. Surcharge indicative faible : par exemple skieur isolé, piéton...

Le terme « déclenchement » concerne les avalanches provoquées par surcharge, notamment par le(s) skieur(s). Le terme « départ spontané » concerne les avalanches qui se produisent sans action extérieure.

4.1.3. Les acteurs de la prévision

Les services de sécurité des pistes sont très concernés par la prévision locale du risque d'avalanche (PLRA). Les stations de sports d'hiver assurent la sécurité sur leur domaine, pour leur clientèle. La PLRA est un complément indispensable de la prévision du risque d'avalanche qui, elle, reste parfois trop générale.

Le service de la sécurité des pistes est ainsi responsable de l'activité de prévision locale du risque d'avalanche, qui passe par les observations nivo-météorologiques, les sondages par battage, la prévision météorologique, l'observation de l'activité avalancheuse, une bonne connaissance et expérience du terrain et des phénomènes nivologiques du domaine. Ce sont des pisteurs formés qui exercent la fonction de prévisionniste ; ceux-ci sont chargés de l'exploitation des données et leur diffusion. Devant l'importance de cette activité, certaines stations ont recruté des prévisionnistes à temps complet.

Cette prévision est élaborée avec l'appui d'un système d'aide informatisée à la climatologie hivernale de montagne et aux risques d'avalanches dans les zones sécurisées. Ce système permet d'élaborer un bulletin nivologique quotidien, un compte rendu hebdomadaire des phénomènes « météo » marquants, ainsi qu'une analyse de l'évolution du manteau neigeux.

Les BRAM « Avalanches » sont effectués par les centres départementaux de Météo-France, spécialisés « montagne » (Chamonix, Bourg Saint-Maurice, Grenoble, Briançon, Nice, Ajaccio, Perpignan, Toulouse et Tarbes). Ils concentrent et analysent les données fournies par le réseau, puis élaborent et diffusent les BRAM pour les massifs de leur département. Ils s'attachent à donner les particularités les plus représentatives du manteau neigeux sur les massifs des Alpes, des Pyrénées et de la Corse.

4.2. La prévision du risque d'avalanche dans l'espace

Les techniques et les outils de la prévision du risque d'avalanche dans l'espace diffèrent des techniques précédentes, car elles s'appuient sur des facteurs variables dans l'espace tels que la topographie, et non plus sur des facteurs variables dans le temps comme les éléments météorologiques.

Grâce à ces méthodes qui consistent à faire l'analyse de site, les professionnels sont capables de faire de la prévision spatiale des risques d'avalanches. Différents outils permettant la prévision de ce risque ont déjà été vus : la cartographie, l'expertise, la modélisation.

5. LA PRÉVENTION

La prévention repose sur une panoplie assez large de techniques, qui vont de mesures de police très liées à la crise à la mise en _uvre de travaux assez coûteux qui sont censés réduire le risque.

Quelques remarques cependant : les méthodes utilisées dépendent beaucoup de l'objectif à protéger. On distingue les objectifs « permanents » comme les habitations et les remontées mécaniques, et les objectifs « temporaires » comme les routes et les pistes de ski.

La défense permanente réalise des aménagements durables, elle peut être passive : mise en place d'ouvrages de déviation, de freinage ou d'arrêt ; ou active : reboisement, modification de la rugosité du sol, utilisation de l'action du vent et fixation du manteau neigeux.

La défense temporaire tend à protéger pendant un temps limité. Elle est passive, c'est la réglementation et l'avertissement, ou active et c'est alors le déclenchement artificiel.

Compte tenu du mode de développement de l'industrie du ski en France, on compte de nombreux domaines skiables en haute altitude, eux-mêmes desservis par des routes dont certaines s'élèvent au-dessus de 2 000 m. Il existe donc un grand nombre de ces objectifs « temporaires », ce qui explique l'importance prises par le déclenchement artificiel des avalanches. Ce déclenchement artificiel des avalanches fait l'objet d'une réglementation et d'une pratique rigoureuse, dans le cadre du PIDA (Plan d'Intervention pour le Déclenchement des Avalanches).

5.1. La défense permanente

Cette technique a pour objectif de fixer la neige dans la zone de départ grâce à divers types d'ouvrages. On empêche ainsi le déclenchement de l'avalanche par des aménagements permanents. Les zones de départ étant parfois très étendues, on voit qu'on peut être amené à traiter des surfaces considérables, atteignant souvent des dizaines d'hectares.

Les travaux de défense active ont toujours lieu dans des pentes fortes, entre 30 et 45°, d'où l'emploi de plus en plus généralisé de l'hélicoptère. On peut fixer la neige dans la zone de départ par différentes techniques : en modifiant la surface du sol, en modifiant le dépôt de la neige ou en implantant des ouvrages qui retiennent le manteau neigeux.

5.1.1. Les travaux modifiant la surface du sol

Tous les facteurs qui favorisent le départ d'une avalanche sont combattus : humidité, mauvaise couverture végétale, absence de rugosité du sol. Par drainage, on assainit les zones humides où le glissement du manteau neigeux est accéléré. Au printemps, on coupe les arbustes : rhododendrons, auines verts... On maintient une pelouse vivante par la fauche ou le pâturage. On recrée la forêt, à chaque fois que cela est possible ; c'est un investissement productif et souvent la moins chère des protections, à condition que les boisements soient entretenus.

Les travaux les plus courants concernent le remodelage du sol : modification du profil, purge de rochers instables et surtout accroissement de la rugosité du sol par creusement de banquettes étroites. Ces dernières servent à diminuer la reptation de la neige en augmentant la rugosité du sol. Elles sont indispensables en cas de reboisement, afin d'éviter que les jeunes arbres ne soient endommagés par la reptation de la neige.

5.1.2. Les ouvrages modifiant le dépôt de la neige

Le vent a une action importante sur le manteau neigeux, il crée des surépaisseurs de neige (plaque à vent, corniche...), souvent instables. Des ouvrages utilisent la force du vent pour modifier le dépôt de la neige et le déplacer dans les zones pentues dangereuses. Il existe plusieurs types d'ouvrages : barrière à neige, panneau virevent, toit buse, pupitre. Cette protection est souvent complétée par des ouvrages retenant la neige.

L'ouvrage le plus couramment utilisé est la barrière à neige destinée à supprimer les surépaisseurs de neige (congères). La barrière placée face au vent apporte une perturbation importante à l'écoulement de l'air et au dépôt de la neige. On l'utilise près des crêtes pour supprimer les corniches. On l'utilise aussi pour protéger les voies de communication et éviter les congères qui sont repoussées hors de la route ou de la voie ferrée.

Le panneau virevent : sa forme trapézoïdale est destinée à créer un tourbillon qui va éroder la surface et créer des points d'ancrages du manteau neigeux sur les crêtes.

Le toit buse : il fonctionne comme un sifflet, le vent s'engouffrant par le grand côté subit une forte accélération au passage de l'étranglement et disperse la neige loin dans la pente.

5.1.3. Les ouvrages retenant la neige

Ce sont les ouvrages les plus connus et les plus classiques du génie paravalanche. Ils peuvent être rigides (claies, râteliers) ou souples (filets).

Les ouvrages rigides, dont les Suisses ont généralisé l'emploi depuis plus de 30 ans :

    ù les claies à neige (ou claie), sont des ouvrages dont le tablier est formé de traverses horizontales. Elles ont l'inconvénient de ne pas interrompre uniformément les strates du manteau neigeux ;

    ù le râtelier, plus utilisé en France, est un ouvrage du même type, constitué de traverses perpendiculaires au sol. L'utilisation de l'hélicoptère se systématise pour la pose de ces ouvrages. Il faut savoir qu'un hectare nécessite en moyenne 400 mètres linéaires de râteliers, ce qui revient fort cher.

Lorsque l'installation d'ouvrages rigides pose de gros problèmes (exemple : sol rocheux), on utilise les ouvrages souples, appelés filets. Ils ont l'avantage de ne pas créer de discontinuités dans le manteau neigeux. L'ouvrage joue son rôle de retenue, sans provoquer de perturbation affaiblissant le manteau neigeux. D'autre part, son prix est plus avantageux et il est plus facile à réparer. Il est réputé moins bien retenir la neige récente. Cependant, compte tenu de sa meilleure insertion paysagère, on essaye d'étendre son domaine d'utilisation aux sols meubles.

La solution est toujours un compromis entre l'efficacité maximale et un investissement en rapport avec la valeur de l'objectif à protéger. Ce sont les ingénieurs spécialisés en génie paravalanche, qui sont maîtres de toutes ces techniques.

5.2. La défense temporaire active

Il existe différents moyens pour se préserver des avalanches. On peut chercher à les prévoir dans l'espace et dans le temps, en dressant des cartes d'avalanches ou en élaborant des bulletins météorologiques. On peut aussi se protéger par une défense rapprochée à l'aide des galeries, tournes, étraves... ou de façon plus active en fixant le manteau neigeux. Mais ces ouvrages coûteux ne sont pas toujours adaptés à la sécurité d'un domaine skiable.

C'est pour les différentes raisons citées ci-dessus que, dans certains cas, on préfère déclencher l'avalanche au plus tôt et supprimer ainsi le danger latent.

Sous la responsabilité du maire, le PIDA est élaboré par les services de sécurité des pistes des stations de ski ou par les subdivisions de l'Equipement qui ont des activités de déclenchement. Il prévoit, notamment à l'aide de la CLPA, les lieux où le déclenchement artificiel est nécessaire dans la commune, ainsi que les méthodes à employer. Le déclenchement se fait tous les 40 à 50 cm de neige fraîche.

Ces plans sont révisés à chaque début de saison et modifiés s'il est nécessaire. C'est un outil essentiel à la bonne gestion de la sécurité d'un domaine skiable et des routes. Il doit exposer de façon claire et concise les dispositions précises, pour que le déclenchement soit le plus efficace possible et permette d'assurer tant la sécurité des usagers que celle des préposés au tir.

Il existe actuellement une dérive des PIDA qui prennent en compte de plus en plus les bâtiments, alors qu'ils ne concernent théoriquement que les pistes de ski.

Les personnes chargées du déclenchement des avalanches reçoivent une formation spécialisée, dispensée essentiellement par l'ANENA et l'Ecole nationale de ski et d'alpinisme. Cette formation dure 10 jours. A 95 %, ce sont des pisteurs secouristes, les 5 % restant se partageant entre personnel de l'ONF, des services RTM et de la DDE.

Cette technique permet en effet, de choisir le moment d'action et donc de prendre en conséquence les mesures de sécurité nécessaires, de provoquer des avalanches moins importantes et plus nombreuses qu'il ne s'en serait produit naturellement.

Pour une station de sports d'hiver, ce procédé permettra le fonctionnement en toute sécurité des engins de remontées mécaniques et l'utilisation rapide du domaine skiable pour la clientèle. Il constitue souvent une bonne solution pour les accès routiers.

Si le déclenchement préventif présente un grand intérêt, il présente cependant le risque de mettre en mouvement une quantité de neige beaucoup plus importante que prévue, tant en épaisseur qu'en étendue.

Le déclenchement provoqué ne date pas d'aujourd'hui. Les pentes sont depuis longtemps « testées » à ski : les pisteurs font partir l'avalanche avec leurs skis, afin de purger les petits couloirs, de déclencher les plaques ou de faire tomber les corniches qui se sont formées lors de chutes de neige ou par période de grand vent. Face aux dangers auxquels sont exposés les pisteurs artificiers, ils se doivent de connaître au mieux le terrain. (On rappelle que toute opération de déclenchement artificiel doit être effectuée dans le cadre d'un PIDA).

L'Association Nationale des Pisteurs Secouristes (ANPS) fédère environ 2 000 pisteurs. Agréée par le ministère de l'Intérieur pour la formation du brevet d'Etat, elle travaille en collaboration avec les employeurs des pisteurs, regroupés au sein de l'Association des maires des stations de sports d'hiver et du SNTF, ainsi qu'avec l'ANENA et l'ENSA qui assurent la formation des artificiers.

- L'utilisation de l'explosif

En France, de nombreuses stations ont recours à cette technique depuis plusieurs années. L'explosif, en effet, quoique moins efficace dans la neige que dans la roche, est le moyen de déclenchement le plus pratique. Il accumule une très grande quantité d'énergie sous un très petit volume, et ses effets sur le manteau neigeux sont multiples.

L'explosion crée un ébranlement et une grande quantité de gaz chauds. L'onde de choc peut casser la plaque de neige, rompre les ancrages, briser les dendrites des cristaux de neige. Toutes ces actions suffisent souvent à déclencher une avalanche.

- Explosif et emplacement des charges

De nombreuses expériences ont prouvé que dans la plupart des cas, l'explosif est dix à vingt fois plus efficace à la surface qu'enfoui profondément. Et les résultats sont encore meilleurs si l'explosif est placé quelques mètres au-dessus du manteau neigeux.

- Les différentes techniques de déclenchement artificiel

La grenade à main : cette méthode de déclenchement est simple et peu onéreuse. Les charges peuvent être soit lancées comme des grenades, soit glissées sur le manteau neigeux quand leur forme s'y prête. Elles sont amorcées par un détonateur pyrotechnique et une mèche lente, ou par un détonateur électrique.

Le mortier : cette technique a été expérimentée par l'ANENA en collaboration avec le Laboratoire d'Application Spéciales de la Physique du CEN-Grenoble.

Le canon sans recul : cette arme est d'une grande précision, mais des problèmes peuvent survenir si l'angle d'incidence du projectile sur le sol est trop faible (risque de ricocher ou de non-explosion).

Il faut savoir qu'en France, les lanceurs militaires ne peuvent être utilisées que par des militaires, ce qui a encouragé le développement de l'avalancheur.

L'avalancheur (ou lanceur pneumatique) : depuis 1989, il est commercialisé par une société de Toulouse.

Le câble transporteur d'explosif ou CATEX : ces installations sont généralement de conception légère, un seul câble sans fin supporte et tracte la charge. L'explosif accroché peut être amené au-dessus de la zone à déclencher. Si la distance à parcourir est faible, une simple manivelle permet de faire tourner le câble. Si elle est plus grande ou que plusieurs déclenchements doivent être effectués, le mouvement est donné par un moteur.

Le GAZ-EX : l'explosion qui déclenche l'avalanche est produite par un mélange détonnant, oxygène-propane. Par la partie ouverte, la détonation provoque une surpression dans l'air et l'onde de choc ainsi provoquée est efficace dans un rayon d'environ 50 mètres dans la neige lourde et de 100 mètres dans la poudreuse ou neige fraîche.

C'est un système avantageux car l'investissement est réduit ou modulable, il est d'un faible coût, nécessite peu d'entretien. De plus, il n'utilise pas d'explosif, il n'y a donc pas les sujétions de transport et de stockage correspondantes.

Le déclenchement préventif a une place importante parmi les moyens de protection. En raison de son caractère économique, il est de plus en plus employé. Pour les stations françaises de ski, on verra que l'achat des explosifs représente un poste non négligeable de dépenses.

5.3. La défense temporaire passive

Elle s'organise autour de deux grandes activités : la réglementation (interdiction, évacuation, consigne, fermeture d'itinéraires) et l'avertissement (signalisation, mise en place de Détecteurs Routiers d'Avalanches.). Compte tenu des difficultés d'implantation, les DRA doivent être réservés à des axes de faible fréquentation.

5.4. Le cas particulier de la protection des routes

La protection des routes contre les avalanches est effectuée sous la responsabilité des subdivisions de la DDE, pour le compte des conseils généraux ou de l'Etat, selon le classement de la route concernée. L'organisation de cette protection est très fiable et bien structurée, elle est parfois prise comme modèle par d'autres pays. Cette protection regroupe diverses activités : un travail préalable de cartographie (élaboration du PIDA), le déclenchement artificiel des avalanches, comprenant la fermeture des routes.

La procédure qui va permettre de déclencher est rapide et simple. Après avoir pris connaissance des données météorologiques, et en liaison avec le maire et la commission municipale de sécurité, les stations de ski et les offices de tourisme, la subdivision prend la décision de déclencher afin de sécuriser les routes d'accès aux villages et aux stations de ski.

Ces opérations s'effectuent le plus souvent la nuit ou tôt le matin, afin d'éviter au maximum la fréquentation des itinéraires concernés. Après avoir fermé les routes et a mis en place des vigies, les déclenchements peuvent être commencés. Ces opérations sont parfois sous-traitées au service des pistes d'une station de sports d'hiver. Parallèlement au déclenchement, on doit mettre en place des engins de déneigement, afin d'ouvrir l'itinéraire si l'avalanche coupe la route. Cette opération est la plus coûteuse, car les engins de déneigement ont des coûts horaires très élevés.

Concernant plus particulièrement les travaux de protection, tous les ouvrages de retenue de neige sont maintenant couverts par des normes homologuées. Des travaux de normalisation sont en cours pour le matériel utilisé dans le déclenchement artificiel.

Ces travaux de protection subventionnés se sont élevés à environ 28 MF en 1992, incluant 4 MF de gros entretien. Compte tenu des travaux non subventionnés, on peut estimer que le rythme annuel est de l'ordre de 35 MF.

6. LE SECOURS

6.1. Le matériel de sécurité

6.1.1. L'ARVA

L'ARVA (appareil de recherches de victimes d'avalanche) est un appareil émetteur/récepteur gros comme un paquet de cigarettes, d'un poids de l'ordre de 200 g qui permet une localisation immédiate d'une personne ensevelie. C'est le seul moyen permettant une opération de secours immédiate et en totale autonomie. Il doit être considéré comme un élément indispensable de l'équipement du montagnard. Mais l'ARVA n'est pas d'un grand secours si l'on ne possède pas également une pelle.

Les différents appareils actuels fonctionnent exclusivement sur 2 275 kHz; et chacun des cinq principaux pays de l'arc alpin produit son propre modèle d'appareil : l'ARVA est le modèle français.

Aucun des appareils n'est parfait, soit à cause du bruit de fond, du maniement plus ou moins difficile, ou de la fragilité de certaines pièces. Les portées théoriques annoncées par les fabricants (parfois supérieures à une centaine de mètres) et établies en laboratoire n'ont pas grand chose à voir avec les portées réelles, qui sont généralement de l'ordre de 30 ou 40 mètres. Le fait qu'un appareil ait une grande portée théorique ne constitue pas nécessairement un avantage : on perçoit plus rapidement un premier signal mais la variation n'est pas toujours significative entre 100 et 50 mètres. En outre, si l'on perçoit rapidement un premier signal, cela signifie que l'on a ensuite une surface plus importante à balayer.

Il existe deux méthodes de recherche avec un ARVA : la méthode traditionnelle avec déplacement du chercheur selon des axes perpendiculaires successifs (dite méthode de la croix) et la méthode dite directionnelle, où l'on se dirige en décrivant une courbe irrégulière correspondant aux lignes de champ électromagnétique de l'émetteur. Il est difficile de se prononcer sur la supériorité de l'une ou l'autre.

Les deux techniques reposent sur le même principe : plus on se rapproche de l'appareil enfoui, plus le son est fort.

L'ARVA est un appareil fragile et il faut en prendre le plus grand soin. Il faut en changer les piles régulièrement, même si l'appareil n'a pas beaucoup servi.

Enfin, il est conseillé d'apprendre à s'en servir avant une première randonnée, dans un site approprié.

6.1.2. Pelles et sondes

Le skieur hors-pistes et le randonneur doivent impérativement se munir individuellement du matériel suivant :

    ù une pelle : il en existe plusieurs modèles (plastique, aluminium) plus ou moins solides et efficaces (préhension, capacité...). Pour déblayer 1 m3, il faut une heure (selon la consistance de la neige) à la main et une dizaine de minutes avec une pelle ;

    ù une sonde : il existe des bâtons de ski qui servent aussi de sondes, ou bien des embouts à visser (sondes de 3 m).

6.1.3. Le ballon avalanche

Pour mémoire, il faut signaler l'apparition d'un nouveau produit venu d'Allemagne : le ballon avalanche ABS (avalanche balloon system) est un sac d'une capacité de plusieurs dizaines de litres qui, en temps normal, reste replié dans un sac, et se gonfle en cas d'avalanche (à condition que le skieur déclenche le système), permettant ainsi, en principe, à son propriétaire de rester en surface. Le poids de l'ensemble est de 7 kg.

6.2. L'activité de secours

Autrefois rarissimes, les accidents d'avalanche liés aux activités sportives sont devenus depuis 20 ans de plus en plus fréquents. La principale cause en est l'accroissement de la fréquentation hivernale de la montagne.

Cependant, durant ces 20 ans, le nombre de morts par avalanche est régulier : une trentaine par an en moyenne. A côté de ces 40 avalanches ayant causé des blessés ou des morts, il y en a environ 40 autres qui ne provoquent pas de dégâts humains.

Et la population fréquentant la montagne est estimée actuellement à sept millions de personnes, ce qui n'a plus rien à voir avec celle d'il y a 20 ans.

Le secours en avalanche est très différent selon la gravité de l'accident. Il peut être court, mobiliser peu de personne, comme il peut être très long et mobiliser toutes les personnes nécessaires pour un sondage manuel (moniteurs, militaires, gendarmes, et bien sur les pisteurs secouristes).

Ce sont les services de sécurité des pistes qui assurent la fonction de secours sur tout le domaine skiable. Un secours peut être très coûteux, lorsque tous les moyens disponibles sont déployés, et notamment l'hélicoptère. Le secours en avalanche repose sur des techniques et une organisation très précises.

6.3. Les moyens humains du secours

L'aspect le plus particulier au domaine du risque d'avalanche est la formation de professionnels des stations de sports d'hiver. A côté de la formation des pisteurs secouristes qui sont les principaux spécialistes du déclenchement d'avalanches, il y a aussi des moniteurs de ski et des guides de haute montagne, qui se spécialisent dans le secours.

Aujourd'hui, la France dispose de 130 équipes cynophiles (110 pour les Alpes et 20 pour les Pyrénées). Celles-ci dépendent en majorité des services des pistes des stations de ski et des services de secours de l'Etat.

Aucun appareil n'est encore capable de détecter sous une avalanche une victime dépourvue de tout système de détection ; les chiens seuls peuvent le faire. Les chiens sont indissociables du secours en avalanche car ils sont irremplaçables, c'est ce que constatent les responsables des différents organismes de secours ou des services de la sécurité des pistes des stations de sports d'hiver, d'où l'utilité d'avoir une politique de formation, et l'intérêt des stages nationaux de maîtres chiens.

Les formations reconnues par la sécurité civile sont celles de l'ANENA, des CRS et des gendarmes. La formation organisée dans le cadre de l'ANENA est très complète et se déroule sur une période de quinze jours. Le but est d'apprendre au chien à prospecter sur une zone délimitée sous la conduite de son maître, et à réagir à la découverte d'une odeur de référence correspondant à celle d'une personne ensevelie sous la neige.

Lors d'un secours, c'est le service public de permanence (gendarmes ou CRS selon la semaine), qui est chef d'opération, via le CODIS. Il transmet ses besoins en hommes et chiens.

L'activité de maître chien est, dans la plupart des cas, une activité venant en complément d'un métier de la montagne. Les maîtres chiens sont pisteurs-secouristes, employés communaux, gardiens de refuges, pour ce qui relève du privé, gendarmes, CRS, sapeurs-pompiers, pour ce qui relève de la fonction publique. Maître chien est une activité, une spécialisation, mais en aucun cas un métier à part entière.

6.4. Communication et information

L'action d'information et de communication est menée par de nombreux organismes. Ce sont entre autres : les clubs de montagne, Météo-France, la Fédération Française de la Montagne et de l'Escalade, l'ANENA, les ministères...

L'information est réalisée par l'édition de livres, manuels, plaquettes, et autres documents écrits et par le réalisation de montages photos, films, émissions de télévision...

Les stations de ski font de plus en plus d'efforts dans ce sens-là. Elles mettent à disposition des guides de conduite, des fascicules sur le risque d'avalanche. Cette information passe aussi par les bulletins nivo-météorologiques qui donnent l'indice du risque d'avalanche du jour et par les panneaux lumineux, au bas des remontées mécaniques, qui diffusent les informations « avalanches ».

La communication s'effectue surtout à travers la CLPA pour tout ce qui concerne les problèmes d'urbanisme et, plus généralement, de construction. Concernant la pratique touristique de la montagne hivernale, Météo-France diffuse un bulletin de risque d'avalanche destiné essentiellement aux pratiquants du ski de randonnée. Par ailleurs, un travail de fond est fait par l'Association Nationale pour l'Etude de la Neige et des Avalanches (ANENA). En fonction des demandes, un certain nombre de supports d'information ont été mis au point à destination du grand public.

7. LES MISSIONS

Votre Rapporteur a rencontré à deux reprises les intervenants ayant à faire avec cet aléa, une réunion étant plus axée sur la prévision à Grenoble, l'autre sur la prévention à Chamonix, après les avalanches de cet hiver et la sur-médiatisation d'imprudences et le mépris d'inconscients.

Il ressort, d'après Monsieur CHARLET, maire de Chamonix, que le risque avalancheux n'est pas pris en compte en France avec le même sérieux que dans d'autres pays de l'arc alpin. La plupart des couloirs d'avalanches connus le sont grâce aux travaux des services RTM et de la mémoire des autochtones. Cela revient à dire qu'on gère le risque à 95 %, des imprévus pouvant toujours survenir.

La sécurité a un coût, les moyens financiers ne permettent pas de tout faire en même temps.

Si nous avons d'excellents nivologues, la bonne prévision du risque n'excède pas la journée. Il existe bien un système automatique de détection par enregistrement sismique, chaque massif ayant 1 ou 2 sites représentatifs, mais chaque station coûte 150 000 F. Le BRAM qui arrive à la Préfecture, après une éventuelle interprétation, est relayé par la mairie. Il est souvent très sectoriel, et le message à la population est soit téléphoné aux habitants, soit porté par la gendarmerie, s'il faut évacuer.

La montagne espace de liberté est un sujet d'actualité. Rappelons quand même que sur 30 ans, la montagne a occasionné, en moyenne, 31 morts par an, dont 11 par suite d'avalanches. Ces chiffres sont à rapprocher du nombre de noyades par an ou du nombre d'accidents de circulation.

Il existe un grand manque d'information pour les touristes, surtout pour ceux qui n'ont pas de culture « montagnarde ». Une information hebdomadaire est réalisée dans certaines stations, des documents informatifs sont à disposition près des remontées mécaniques, mais l'imprudent qui vient pour un week-end ne prend pas le temps de s'informer. L'information devrait être plus active. La campagne pour le port du casque est un bon exemple de ce qu'il faudrait faire mais, outre le prix d'une telle campagne, son efficacité est douteuse pour les skieurs venant d'autres pays. Or, le problème réside bien dans le fait que certains pays de l'arc alpin ayant pris une réglementation plus contraignante, il existe une clientèle étrangère qui vient en France pour jouir de cette totale liberté.

Le problème de l'arrêté est moins celui de sa publication que celui de son application. Faut-il mettre un gendarme derrière chaque skieur ? Et, lorsque la période d'interdiction est levée, que se passe-t-il ? Il est nécessaire de prendre le maximum de garantie quand la décision d'ouverture est prise.

L'interdiction suppose un contrôle et une répression ; or, si les infractions sont caractérisées, elles sont souvent non constituées, il ne peut donc y avoir que des « interpellations pédagogiques » suivant les propos du commandant du peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM).

Les fédérations d'usagers ont une place très importante en matière d'information, mais elles ne touchent qu'une infime partie de la population, 90 % des skieurs sont hors des fédérations.

L'efficacité des arrêtés pour le « hors piste » est très discutable, c'est se donner bonne conscience d'après l'ANENA ; d'ailleurs, d'après le représentant de l'Association des Maires des stations françaises de sport d'hiver et d'été, qui avait organisé une réunion sur ce thème le 11 mars à Chambéry, le ministère de l'Intérieur ne semblait pas favorable à ce genre d'exercice. L'orientation serait davantage à la réalisation d'un guide pratique sous l'égide des maires, et à accroître le rôle pédagogique des différents organismes des stations, et de l'école. Ainsi, avant chaque départ en « classe de neige », une sensibilisation forte aux risques en montagne devrait être dispensée.

Les publicités pour les stations, télévisées ou dans les catalogues, font étalage de poudreuse dans le « hors piste » ; or cette nouvelle génération de surfeurs est totalement déphasée en montagne, suivant les propos d'un moniteur de ski. Le nouveau matériel pour cette pratique a beau être certifié, il faut le rendre sécurisant avant tout.

Cette nouvelle race de « touristes-consommateurs » de poudreuse a besoin d'être éduquée, mais il n'appartient pas à l'Etat de tout supporter. Les stations qui tirent profit de cette image d'espace de liberté doivent concourir à cette éducation, et l'ANENA qui, certes, a perdu beaucoup de ses financements étatiques, peut y trouver de nouveaux moyens de fonctionnement. L'ANENA avait un budget lors de l'audition de Grenoble en janvier 1997 de 1,5 MF, son budget de fonctionnement est passé à 3 MF en 1999. Cinq ministères (Intérieur, Agriculture, Environnement, Tourisme et Défense) fournissaient le tiers de ses revenus, mais ils se désengagent les uns après les autres.

Le « hors piste » s'est certes développé en masse ces dernières années, mais il existait déjà il y a 30 ans. Vouloir le sécuriser à tout prix risquerait, selon Jean-Lou COSTERG, président de l'Association des directeurs des services de pistes des stations de sport d'hiver, d'amener d'autres dégâts. L'exemple de certaines stations de Colombie britannique est probant. Si le nombre de morts a diminué, il est malheureusement compensé par des tétraplégiques en quantité équivalente.

Les assurances se cantonnent dans leur rôle d'indemnisation des victimes, de répartiteur payeur, tout en réfléchissant toutefois à la bonne manière d'indemniser les dommages corporels. Que ce soit la FFSA ou le GEMA, les assureurs n'ont pas d'état d'âme sur la gratuité des secours, laissant à la représentation nationale le choix entre faire payer une collectivité de citoyens ou faire payer une collectivité d'assurés.

Toutefois, si le régime d'exception devait devenir plus important, il faudrait réfléchir sur un fonds de secours, avec soit une mutualisation du risque, soit une garantie pour « la grande aventure ». Rappelons, cependant, que la plupart des pays étrangers facturent les coûts des secours pour accident.

8. CONCLUSION

Des progrès restent à faire dans le domaine de l'aide à l'expertise. Malgré les recherches faites dans le domaine des systèmes experts, notamment systèmes à base de connaissance, on doit encore progresser dans ce domaine avec la préoccupation, non pas de développer des modèles pour eux-mêmes, mais en recherchant la mise au point de systèmes qui permettent aux experts de mieux utiliser les modèles existants. Il est certain que cela passe par une meilleure connaissance de la physique du phénomène. Pour progresser dans des conditions satisfaisantes de rapport efficacité/coût, deux axes de coopération, qui ont déjà été exploités doivent être approfondis :

    ù coopération au niveau international : le programme européen « dynamique des avalanches de neige », rassemble 6 pays et 9 laboratoires. Ce programme devrait aboutir à des textes prénormatifs dans le domaine du calcul des efforts sur les constructions.

    ù programme mouvements gravitaires rapides : le programme développé dans le cadre du contrat de plan Rhône-Alpes, associe sur des thèmes transversaux les chercheurs travaillant sur plusieurs risques naturels. Ces thèmes sont : rhéologie, systèmes à base de connaissance, modélisation et métrologie/imagerie.

Plutôt que des recherches totalement nouvelles, ces axes de travail doivent être développés, avec des financements nationaux et européens. Un autre axe doit aussi être pris en considération, c'est l'axe socio-économique, qui a commencé à être exploré dans le cadre du contrat de plan Rhône-Alpes. Les recherches dans cette direction doivent aider à la mise au point des meilleurs outils pour les experts et les ingénieurs.

En matière de prévention, se pose la problématique de la maintenance des ouvrages paravalanches, les collectivités vont s'y trouver confrontées très rapidement. De même, pour les ouvrages de dérivation, dont le coût est très élevé et certains ouvrages sont maintenant centenaires.

Il y a un manque sérieux de politique d'Etat en matière d'aménagement contre les avalanches, il manque des experts en dehors du CEMAGREF. Or, derrière cette prévention, il y a des enjeux économiques énormes qui devraient amener l'Etat à faire preuve d'autorité.

Pour les routes et autoroutes, on sait prévoir et l'accès peut être interdit dès la menace pour la Tarentaise et la Vallée blanche ; mais ceci nécessite du monde et des capacités de stockage. Ce n'est toutefois plus vrai pour l'ensemble du secteur autoroutier desservant la montagne, le problème de Montélimar n'est pas résolu faute d'une capacité de retenue qui n'existe pas, et nécessite des aménagements importants.

Le ski hors piste a ses adeptes, et il ne peut, par définition, se dérouler sur des endroits « sécurisés ». Cependant, ce n'est pas une raison pour tolérer n'importe quoi. Le skieur ou le randonneur « hors piste », qui enfreint une interdiction de pratique et qui déclenche une avalanche est responsable des dégâts produits au même titre qu'un chauffard ivre au volant qui provoque un accident.

Il y a donc nécessité de diffuser davantage les recommandations pour la pratique du « hors piste » et de rappeler les règles de sécurité. Puisque ce genre de « sportif » ne fréquente pas nécessairement les lieux de distribution habituels -office de tourisme, hôtels, remontées mécaniques-, il faut trouver d'autres lieux, où cette population aura un passage obligé dans la journée ; ces établissements sont les gares, les autres formes d'hébergement, les boulangeries, les supermarchés, les cafés et établissements de restauration rapide, les bars et discothèques, ainsi que les magasins de location de matériel sportif.

ALÉA INONDATIONS

L'inondation est l'aléa dont la manifestation est la plus fréquente dans notre pays.

Elle touche dans ses différentes formes (inondations de plaine, crues éclair, crues et laves torrentielles) près de 10 % du territoire national, répartis le long de plusieurs milliers de kilomètres de cours d'eau domaniaux ou non. L'aléa est souvent historiquement bien répertorié (crues de 1856, 1910,...), et a donné lieu à de nombreux aménagements (digues, barrages, champs d'inondation). Néanmoins, le développement économique des 30 dernières années, conjugué à un relatif abandon de l'entretien de certains cours d'eau, a conduit à la répétition récente de dommages aux personnes et (heureusement) surtout aux biens : 80 % des indemnisations de catastrophes naturelles sont dues aujourd'hui aux inondations.

Toute politique de prévention du risque d'inondation doit s'appuyer sur trois piliers :

    ù L'aménagement du territoire et la gestion de l'espace, qui doit prendre en compte la notion de « risque acceptable ». Elle permet de gérer le niveau de dégâts collectivement admis, et le niveau de protection collectivement requis. C'est la part prédéterminée du risque.

    ù La prévision et l'alerte (annonce de crues) est indispensable pour réduire le risque humain et prendre en compte l'aspect vraiment aléatoire du risque.

    ù Enfin la « culture individuelle » du risque et sa diffusion est nécessaire pour rendre opérantes les deux premiers types d'action.

La connaissance des aléas d'inondation fait appel à de nombreuses disciplines scientifiques.

L'hydrologie, science du cycle de l'eau dans la nature, est directement liée à la connaissance de la climatologie à l'échelle géographique des bassins versants et à la météorologie. La formation des écoulements superficiels et souterrains est étroitement conditionnée par la géomorphologie et la géologie ainsi que par l'état de couverture des sols : sols dénudés, forêts, zones agricoles ou urbanisées ne réagissent pas de la même manière.

En période de crues, la quantité de matériaux solides transportés par la courant peut modifier considérablement les conditions de l'écoulement, du débit liquide jusqu'aux laves torrentielles.

Le fonctionnement d'un cours d'eau ne peut être séparé de celui de l'écosystème qu'il constitue avec son environnement. La connaissance de l'hydraulique d'un cours d'eau n'est pas suffisante, même d'un strict point de vue de l'aléa d'inondation. C'est ainsi, par exemple, que le développement végétal dans le lit mineur et dans le lit majeur est fortement conditionné par les variations de débit de la rivière à une échelle de temps de plusieurs dizaines d'années et que celui-ci peut avoir des conséquences très directes sur le niveau des crues. De même, les phénomènes d'érosion qui sont à prendre en considération sur le long terme ne sont pas indépendants de la dynamique végétale qui façonne les paysages des vallées.

L'aménagement des cours d'eau, lits majeurs compris, la gestion des ouvrages hydrauliques peuvent modifier la forme des crues dans le sens d'une réduction ou au contraire d'une aggravation des inondations ; le cas le plus spectaculaire étant celui du ruissellement pluvial urbain quand le réseau hydrographique naturel a été imprudemment transformé par des aménagements mal conçus.

Par ailleurs, la possibilité de prévoir les crues -en temps réel- constitue un élément essentiel du dispositif de prévention du risque d'inondation.

Dans leur contribution pour l'Instance BOURRELIER, MM. GRASSIN et HUET font un point extrêmement complet des connaissances en matière d'inondations, dont je reprends les principaux passages.

1. CONNAISSANCE DES PHÉNOMÈNES D'INONDATION

Le développement rapide à partir des années 1970 des moyens de calcul informatique a ouvert la voie à des progrès décisifs en matière de modélisation mathématique, dont a bénéficié la recherche en matière de prévisions météorologiques et d'hydraulique fluviale.

De la même façon, le développement des banques de données informatisées a constitué un facteur de progrès des connaissances pour les sciences d'observation que sont l'hydrologie et la climatologie.

On peut estimer que les connaissances fondamentales acquises dans toutes les disciplines scientifiques auxquelles il est fait appel pour la connaissance des phénomènes d'inondation ne constituent pas, sauf cas particulier, la première limite aux progrès de la prévention.

Cependant, des lacunes de connaissances subsistent qui justifient d'entreprendre ou de poursuivre des recherches.

1.1. La connaissance hydro-météorologique des événements extrêmes

Une bonne appréhension des valeurs extrêmes des pluies et des fréquences correspondantes à l'échelle de petits bassins versants est encore partiellement du domaine de la recherche. Il serait utile de progresser rapidement pour aboutir à une cartographie ou au minimum à des normes régionales de valeurs extrêmes de pluie (intensité, durée).

Deux axes d'effort peuvent être identifiés pour promouvoir « une hydrologie régionale » :

    ù la prise en compte de la superficie concernée,

    ù la diffusion des méthodes de modélisation hydrologiques pour les débits (modèles QdF).

Les méthodes permettent en particulier d'explorer plus complètement le champ disponible (crues courantes, rares, extrêmes) et d'extrapoler l'information hydrologique.

1.2. Archivage des données pluvio-graphiques

Les données de pluies journalières sont archivées par Météo-France dans une banque météo, mais les données pluvio-graphiques (données de pluies à pas de temps variables y compris les petits pas de temps) recueillies par divers réseaux de mesure, les réseaux d'annonce des crues notamment, ne sont pas systématiquement archivées dans une banque de données. Ceci est un manque pour bien connaître le phénomène.

1.3. Modèles d'hydraulique fluviale

Rappelons sommairement ces définitions : on parle d'hydrologie lorsqu'il s'agit de l'évaluation des apports en eau, et d'hydraulique lorsqu'il s'agit de l'évaluation des écoulements.

On dispose d'une large panoplie de modèles mathématiques d'hydraulique fluviale (écoulement des crues dans le lit mineur et majeur des cours d'eau) : modèles monodimensionnels linéaires ou maillés en régime permanent ou en régime transitoire qui répondent assez bien aux besoins les plus courants. Par ailleurs, des recherches récentes ont aboutit à la mise au point de modèles en deux dimensions (RUBAR 2D, TELEMAC 2D). Les modèles 3D existants (TELEMAC 3D, FLOW 3D, Code de mécanique des fluides) sont complexes d'utilisation, et traitent de phénomènes en milieu naturel tels que la diffusion des polluants.

Les écoulements fortement chargés en transports solide n'obéissent pas aux lois classiques de l'hydraulique fluviale et des recherches sont à développer sur le thème des écoulements à forte charge solide, jusqu'aux écoulements de laves torrentielles.

1.4. Mesure et prévision des précipitations intenses

La très grande variabilité dans l'espace et dans le temps des précipitations intenses rend très difficile l'évaluation de la lame d'eau précipitée à l'échelle des petits bassins versants en forte pente générateurs des crues extrêmes (type Ouvèze à Vaison-la-Romaine).

Les données d'observation sont rares et quelques fois peu fiables, les stations de mesure au sol étant peu nombreuses, et ayant un fonctionnement aléatoire en période de phénomènes météorologiques extrêmes. Ainsi, lors de l'ouragan MARILYN, la crue sur la Basse Terre a atteint un degré centennal.

Ainsi, aux Petites Antilles, sur 5 bulletins d'alerte hors cyclone, 1 seul a été vérifié, ce seuil de tolérance est inacceptable pour la crédibilité future des autres messages.

Si le risque est plus fort en Martinique, les Iles du Nord sont insuffisamment couvertes, et il y a un manque notoire de coopération avec les Hollandais. A cela s'ajoute très souvent de mauvaises interprétations des informations météorologiques américaines.

On ne sait pas encore très bien quantifier les précipitations à partir des données des radars météorologiques.

La coordination et l'intensification des travaux en cours dans le domaine de la connaissance des précipitations intenses parait s'imposer de manière urgente avec comme objectif d'aboutir à la prévision à très court terme des précipitations.

1.5. Prévision des crues

On maîtrise assez bien, du moins sur le plan théorique, la prévision des crues dans le bassin aval des rivières où la mesure des débits amont aurait pu être utilisée comme l'un des paramètres de la prévision aval, et où les apports intermédiaires peuvent être intégrés à la prévision.

Dans le bassin amont, la relation pluie-débit est beaucoup plus délicate à établir pour les phénomènes extrêmes qui sont évidemment les plus dangereux et qui, de ce fait, sont ceux qui nous intéressent le plus.

La recherche dans ce domaine est encore très dispersée et artisanale. Des options importantes pour mettre en _uvre des modèles opérationnels (modèles continus et/ou modèles à événements) sont encore largement nécessaires.

La SOGREAH met sur pied un projet, de 5 MF financé par le ministère de l'Environnement, qui doit permettre l'actualisation des prévisions sur 24 h, tous les 1/4 h, ceci grâce aux radars d'avion, et par observation des nuages.

En 10 ans, 50 à 100 torrents peuvent produire des laves torrentielles dans les Alpes, un peu moins dans les Pyrénées.

1.6. Organisation de l'interface météorologie-hydrologie

Il y a une insuffisante synergie entre les météorologues et les hydrologues au niveau de la recherche mais aussi, dans une moindre mesure, au niveau opérationnel.

Il n'y a pas d'obstacles de principe pour que météorologues et hydrologues travaillent ensemble, il y a même manifestement, de part et d'autre, un désir de coopérer davantage.

2. CONNAISSANCE DE L'ALÉA, DE LA VULNÉRABILITÉ ET DES RISQUES D'INONDATION

La méthodologie cartographique de l'aléa inondation pour les rivières de plaine est en principe bien établie. L'atlas des zones inondables de la vallée de la Loire, donné comme exemple dans la circulaire interministérielle « Prévention des inondations et gestion des zones inondables » du 24 janvier 1994, explicite très concrètement le résultat à obtenir. Sans entrer dans une description détaillée de cet atlas, il parait utile de souligner qu'il s'agit d'un document d'information destiné à tous les publics et que son caractère pédagogique est absolument essentiel. La carte d'aléa seule ne suffirait pas, si elle n'était accompagnée d'une carte des crues historiques qui rétablit la mémoire locale et d'une notice facilement compréhensible par tout le monde qui explique le choix de la crue de référence, la situe dans l'échelle des probabilités, traite de l'évolution morphologique du lit et de l'état du lit du fleuve que tout un chacun peut constater.

Toutefois, de façon plus précise, la définition de l'aléa à cartographier peut donner lieu à discussion (une crue de fréquence donnée ? la crue historique exceptionnelle, un scénario catastrophe imaginé ...).

Il est aussi important de bien séparer la cartographie des aléas, document d'information établi sur des bases objectives des autres cartes de vulnérabilité, de risque et de carte réglementaires qui sont d'une autre nature et qui peuvent être objet de débat autour de la notion de risque acceptable.

Dans les zones soumises à des crues torrentielles où la vitesse du courant et le transport solide sont importants, la seule précaution qui vaille est de ne pas s'y installer.

Pour les crues torrentielles, les crues flash, les crues rapides, et le ruissellement pluvial urbain, la cartographie des aléas est beaucoup plus difficile à acquérir, des données d'observation de crues historiques n'existant que rarement. Les traces sur le terrain laissées par des crues anciennes sont cependant repérables à partir de l'observation géomorphologique : étude de la topographie à partir de photo-interprétation, nature et distribution des détails sédimentaires, hydromorphie des sols, associations végétales, etc. Associée à une analyse hydrologique, la géomorphologie permet ainsi d'arriver à délimiter les lits mineur, moyen, majeur des cours d'eau permanents ou temporaires.

Le problème de la précision de l'échelle des cartes de vulnérabilité est souvent posé. Les cartes de l'aléa sont le plus souvent dressées à l'échelle du 1/25 000 : comment transposer ces cartes à une échelle plus fine correspondant à celles des plans d'occupation des sols (1/5 000 ou 1/2 000). Qui devrait assurer la maîtrise de ces études complémentaires ? L'Etat doit-il tout faire avec ses seuls moyens ou les collectivités locales doivent-elles être partie prenante ?

Il convient de distinguer la vulnérabilité et les risques pour les personnes de ceux relatifs aux biens.

2.1. La vulnérabilité des hommes

Pour les personnes, le premier objectif visé est d'éviter la perte de vies humaines dans une inondation et, de ce point de vue, l'alerte est un facteur déterminant de la sécurité. Même si la hauteur de l'inondation est importante, une prévision avec un délai d'annonce supérieur à 6 heures devrait permettre d'éviter tout accident de personnes. Le risque n'est cependant jamais nul. La vulnérabilité des personnes confrontées a une inondation est généralement très largement sous-estimée par le public. La direction de l'équipement du Vaucluse a établi un diagramme de vulnérabilité, le danger réel commence à partir d'une hauteur de 50 centimètres d'eau pour une vitesse de courant de l'ordre de 50 cm/s. Il ne faut pas oublier qu'une inondation peut se produire la nuit, que l'eau est boueuse et froide, chaque obstacle comme une bordure de trottoir peut se révéler un piège et le stress très important diminue les capacités physiques.

Les risques sont particulièrement importants pour les campeurs et caravaniers installés en bordure d'une rivière soumise à des crues rapides pour laquelle le délai d'annonce peut être très réduit, voire quasi nul, à supposer qu'il existe un système de surveillance et d'alerte fiable en période de crise météorologique.

2.2. La vulnérabilité des biens

Une étude d'évaluation des dommages d'une inondation identique à celle de 1986 de la vallée de la Loire, a été réalisée par le CERGRENE et a servi de support à un travail de recherche de J.P. TORTEROTOT (estimation et analyse des incertitudes concernant le coût des dommages).

Une autre étude d'évaluation des dommages de la crue type 1910 vient d'être réalisée par l'institution des grands lacs de Seine (voir page suivante).

Les concepts développés pour la méthode « Inondabilité » du CEMAGREF permettent, par des analyses indépendantes et complémentaires de l'aléa et de la vulnérabilité caractérisant les parcelles situées le long d'un cours d'eau, de donner une vision synthétique du risque résultant des deux facteurs : sa représentation cartographique donne aux intéressés (riverains, collectivités, administration) un outil objectif de la négociation pour la gestion de l'occupation des sols.

La méthode a été appliquée sur plusieurs bassins versants, dont celui de la Bourbre, affluent du Rhône dans le département de l'Isère, qui regroupe 70 communes.

Le développement de ces études doit s'appuyer sur un effort de recherche significatif. pour préciser la notion de risque maximal acceptable, à différentes échelles géographiques, en précisant les critères socio-économiques prédéfinissant la vulnérabilité et ses incidences sur le foncier.

Au plan international, on n'est guère plus avancé et il est significatif de constater qu'aucune carte de risque n'a été présentée à la session de la décennie internationale de prévention des catastrophes naturelles à Yokohama.

2.3. Les autres risques

Il existe aussi d'autres risques liés à l'eau. Le risque littoral avec l'érosion côtière, effondrements de falaises ou de digues. Rappelons les graves inondations de Cayeux en février 1990 lors de la rupture du cordon littoral du site des Bas-Champs ou encore la menace de la digue de Paramé sur les 15 000 habitants, qui illustrent parfaitement ce risque.

Un quart du linéaire côtier est en recul, avec un record absolu entre l'île d'Oléron et la Gironde, où des reculs de 35 mètres par an ont été enregistrés sur la côte d'Arvert.

Le Conservatoire du littoral et des rivages lacustres considère ce phénomène comme naturel, et aurait plutôt tendance à ne pas intervenir, laissant toutefois les propriétaires riverains le faire.

L'IFREMER estime la dépense nécessaire à au moins 120 millions de francs par an.

3. LES PRÉVENTIONS ET LA PROTECTION

Si la crue est « l'écoulement obligatoire d'une masse d'eau irréductible », on pourra chercher à réduire l'aléa par des ouvrages de stockage ou d'endiguement, qui peuvent avoir des effets non souhaités mais aussi par le ralentissement dynamique en cherchant à retenir l'eau partout où c'est possible (laminage hydraulique).

3.1. Gestion de l'espace - Planification et aménagement

La note de la Direction de l'eau du 11 août 1994 décrit les différents outils juridiques actuellement en vigueur destinés à « Maîtriser l'occupation de l'espace pour les zones inondables ». Il faut y ajouter les outils prioritaires de l'urbanisme et particulièrement les plans d'occupation des sols qui peuvent et doivent prendre en compte le risque d'inondation.

Cette prise en compte a été presque partout jusqu'à maintenant négligée et la vulnérabilité face aux crues s'est fortement accrue au cours des 30 dernières années.

Il est donc indispensable de cartographier les zones inondables, là où il y a des habitations et quelle que soit l'occupation des sols, mais l'on se heurte toujours au problème du financement.

3.2. Constructions

Il est assez évident, sans qu'il soit besoin de s'y étendre, que quelques dispositions constructives simples permettraient de réduire la vulnérabilité des constructions à une inondation mais force est de constater que, dans la plupart des cas, aucune précaution n'est prise.

3.3. Aménagements et ouvrages de protection

La politique de l'Etat met l'accent sur l'entretien des rivières et la conservation des champ d'expansion des crues ; la construction d'ouvrages de protection (digues, barrages écréteurs, calibrage du lit majeur) est réservée à la protection des zones déjà urbanisées.

Le barrage écréteur est une bonne solution jusqu'à la crue centennale, mais n'est pas un gage de sécurité pour l'événement exceptionnel, il est donc nécessaire de se doter des moyens d'alerte.

EDF gère 150 barrages de plus de 20 m de haut, et sa gestion consiste à n'avoir pas de réservoir plein au moment de la crise, ce qui provoquerait des débordements.

L'évolution des services RTM a permis de mettre en place de nouveaux moyens de protection, des plages de dépôt qui arrêtent les éléments solides, mais on n'a pas pu les quantifier pour l'instant.

Il n'y a pas d'outils de dimensionnement des ouvrages de protection, cela repose sur la connaissance d'experts, et il devient de plus en plus difficile d'en garder la mémoire.

Le phénomène d'embâcle est la conséquence du manque d'entretien des rives de rivière ou des torrents.

3.4. Gestion intercommunale, financement, assurances

Pour des communes d'une même agglomération, la contrainte d'inondation devrait être prise en compte au niveau global, ce qui aujourd'hui n'est pas souvent le cas, faute de solidarité financière pour les charges et les bénéfices du développement urbain.

L'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles par la solidarité nationale instituée par la loi de 1982 est certainement une bonne chose, mais la loi a manifestement des effets pervers du fait de l'absence de lien entre le niveau du risque et les travaux de prévention éventuellement réalisés pour le réduire et le montant des primes d'assurances et des indemnisations. Les compagnies d'assurances se désintéressant complètement de la prévention, on peut s'interroger sur la solidité et la pérennité à moyen terme d'un système qui déresponsabilise tous les acteurs.

En 10 ans, 10 milliards de francs ont été dépensés pour la protection des lieux, l'entretien des rivières, la mise en place de radars.

4. LA PRÉVISION

L'alerte sur l'inondation possible est du ressort du service d'annonce de crues (SAC) et non de Météo-France. La France est partagée en six 6 grands bassins et 54 services d'annonce de crues.

98 % des crues torrentielles se déroulent entre d'une part le 15 septembre et le 15 octobre et d'autre part en janvier, avec toutefois quelques gros orages fin juin, fin juillet, fin août. Les feux de forêts sont des facteurs aggravant pour les crues torrentielles. Le climat méditerranéen a de plus cette particularité qu'il y a une pluie centennale qui se produit tous les dix ans.

Le phénomène de crue torrentielle, que nous verrons plus loin, est très différent de celui de l'inondation de plaine. Est il correct de prévoir l'extraordinaire en partant de l'ordinaire ?

Météo-France ressent le besoin d'une cellule de crise « météorologique » à et de décideurs, dont un « ambassadeur Météo » sur le lieu de décision (Préfecture).

Le premier constat est que l'on ne sait pas mesurer la pluie au dessus de 1 500 m d'altitude et le second est que les crues extrêmes (centennales ou plus) ne sont pas gérées ni pérennes en France : il y a nécessité de définir les échelles de temps et d'espace.

Les services d'annonce de crues s'appuient sur le réseau ARAMIS, constitué de 14 radars pour l'instant. De son coté, Météo-France développe le projet HYDRAM et, à l'échelle plus réduite, le projet ARDECHE avec la direction de la Technologie d'EDF et le LTHE.

4.1. Etat de la technologie des réseaux de mesure pluviométrique au sol

Beaucoup de progrès ont été accomplis depuis quinze ans dans la technologie des réseaux de mesures hydrologiques au sol avec le développement de l'électronique et de l'informatique.

On dispose des moyens techniques permettant de construire des réseaux de surveillance prévision et alerte aux inondations qui fonctionnent convenablement dans les situations courantes.

Le problème de fiabilité des réseaux en période de crise n'est pas complètement maîtrisé dans la pratique. C'est une situation que l'on peut améliorer en y mettant le prix (doublement des structures et des transmissions, durcissement des protections anti-foudre, alimentation électrique de secours, ...).

La couverture du territoire par des réseaux de surveillance des crues n'est pas systématique pour les raisons de limitation des moyens (financiers et humains) et de méthodologie pour les crues à cinétique rapide.

Si les connaissances sont à approfondir sur les pluies, les débits, la pénurie d'informations vient également du fait que les éléments de mesures sont emportées par la crue.

4.2. Réseaux radars

Les images des radars météorologiques permettent une compréhension de la dynamique des événements précipitants très utile dans tous les cas, indispensable pour les zones soumises à des risques de crues torrentielles ou de ruissellement pluvial urbain extrême.

Les résultats de la recherche sont encourageants et permettent d'espérer aboutir à une utilisation qualitative des données radar qui serait extrêmement utile, en complément des réseaux au sol.

Le radar, qui permet une meilleure surveillance, est nécessaire pour l'annonce de crues. Le couplage à un logiciel permet une anticipation sur quelques heures, mais pas encore d'une journée.

Le ministère de l'Environnement met en place 5 radars, à raison d'un par an dans des zones particulièrement sensibles : Haute-Loire, Vaucluse, Pyrénées-Orientales, Var et Corse).

Météo-France a équipé le territoire métropolitain, ainsi que certains DOM/TOM, de radars de détection des précipitations. Ces radars, dont l'exploitation était à l'origine uniquement locale, ont été regroupés en réseau au début des années 80, par la concentration des images et leur diffusion. Le réseau ARAMIS comprend 14 radars à l'heure actuelle et devrait dans les prochaines années regrouper 18 radars, grâce aux financements de la Direction de l'Eau.

Jusqu'à présent, l'utilisation du réseau ARAMIS est orientée vers la détection des zones précipitantes et potentiellement dangereuses.

Météo-France cherche, par le projet HYDRAM, à utiliser les capacités de mesure des précipitations par radar pour affiner et quantifier la détection des zones dangereuses, ainsi que leur prévision.

HYDRAM (HYDrologie, Radar, et ARAMis) est un projet de développement lancé par Météo-France en 1995.

Le projet a trois objectifs :

    ù la mise au point d'outils de production et de diffusion d'images de lames d'eau pour les utilisateurs hydrologiques. Les utilisateurs auxquels ces outils sont destinés sont les services d'annonce des crues, les services hydrologiques d'EDF, les gestionnaires de réseau d'assainissement ;

    ù la mise à disposition d'images de lames d'eau à nos utilisateurs internes, en particulier aux prévisionnistes de Météo-France ;

    ù la prise en compte de l'information radar pour améliorer la climatologie des précipitations en complément des données pluviométriques.

Les deux premiers objectifs présentent un certain parallélisme et les moyens mis en _uvre pour la production des images de lames d'eau seront le plus possible communs ; les différences porteront plutôt sur les moyens de diffusion et de visualisation qui devront être adaptés aux besoins des différents types d'utilisateurs L'utilisation quantitative des données radar, point commun aux 3 objectifs, nécessite la maîtrise de la qualité des données radar de base et la mise en _uvre de traitements permettant la correction des erreurs liées à la physique de la mesure.

4.3. La prévision des crues

Des progrès dans la prévision immédiate des précipitations permettraient de débloquer les limites actuelles de la prévision des crues en temps réel pour les petits bassins-versants.

La compétence et la disponibilité technique des responsables des services d'annonce des crues n'est pas au bon niveau. C'est un problème d'organisation interne de l'administration, d'ajustement des moyens aux objectifs.

Faut-il créer un institut de recherche et de formation en hydrologie ou, mieux, un service national, comme dans les autres pays ?

Même si la quantification des précipitations semble très difficile à appréhender, une alerte spécifique peut toujours être donnée vers le service d'annonce de crues.

A un niveau d'alerte plus important, on retrouve au niveau régional le BRAM qui permettra au CIRCOSC de déclencher les secours et l'ALARME qui, au CODIS, déclenchera les secours nationaux.

Il y a de l'ordre de 15 à 25 BRAM par an et par région à partir des 7 centres interrégionaux de Météo-France et une dizaine d'ALARME par an, diffusé uniquement depuis Toulouse.

4.4. Maîtrise d'ouvrage et fonctionnement des réseaux d'alerte inondations

La situation actuelle pour laquelle l'Etat assume au titre d'un service rendu, sans obligation légale au profit des maires, seuls responsables légaux de l'organisation de la sécurité des populations face aux risques naturels, n'est pas pleinement satisfaisante.

Une clarification des responsabilités et de la maîtrise d'ouvrages s'impose, tout comme une contractualisation du partage des dépenses d'investissement et de fonctionnement, y compris pour la modernisation, le renouvellement, et la maintenance.

5. LES CRUES RAPIDES

La crue de plaine est quasiment indispensable à l'agriculture, et si elle occasionne de nombreux dégâts, il s'agit avant tout de dégâts mobiliers. La crue de plaine est une crue lente, et sauf imprudence caractérisée, les vies humaines sont épargnées.

Par contre, la crue torrentielle est souvent synonyme de morts et les noms de Vaison-la-Romaine, Nîmes, Biescas, sont encore bien frais dans les mémoires.

Rappelons quelques tragédies européennes. En juillet 87, au Grand Bornand en France, 23 morts, tandis qu'en Lombardie, Haut-Adige et Trentin, on dénombre plus de 50 morts. En octobre 87, c'est au tour de la Catalogne avec une quinzaine de victimes. En mars 88, on dénombre 13 morts en Bavière, l'année se poursuit en juillet avec 14 morts et 1 disparu au Pays Basque espagnol. Nîmes sera la catastrophe majeure de 1988 (3 octobre) avec ses 11 morts, 45 000 sinistrés et 4,4 milliards de francs de dégâts.

En novembre 89, l'Andalousie et Valence déplorent 9 morts et 1 disparu. Le 22 septembre 1992, c'est Vaison-la-Romaine, ses 37 morts, 4 disparus et 170 MF de dégâts, tandis qu'en septembre 1993, le Vaucluse et les Bouches-du-Rhône compteront 10 victimes de plus. Octobre 94 sera marqué par les 4 morts et 5 disparus en Catalogne et 14 victimes en Grèce, novembre clôturant cette année désastreuse par 64 morts et 8 disparus en Piémont.

L'année 1995 commence mal puisque, dès janvier, on dénombre 2 morts aux Pays-Bas et 20 victimes dont 4 disparus dans la partie nord de la France. Juillet 1995 connaîtra des événements tragiques en Turquie, avec près de 70 morts à Senirkent, et plus de 60 morts à Izmir. 1996 sera marquée par le terrible drame du camping « Las Nieves » de Biescas, faisant plus de 80 morts, 6 disparus, 150 blessés et plus de 600 sinistrés.

Et ceci, pour ne rester qu'à proximité. Il faudrait bien entendu y ajouter les inondations des Etats-Unis, de l'Asie du Sud-Est, et de Chine, dont le nombre de victimes se compte par milliers de morts.

Pour la crue torrentielle, il n'y a pas d'étude suffisamment fine, l'eau trouve son cheminement naturel. La crue torrentielle est celle dont le bassin passe de quelques dizaines à quelques milliers de km2, en 1 heure de 0 à 500 km2.

Il y a une plus grande sensibilité dans les DOM des phénomènes torrentiels et notamment en Martinique. Pour cela, Météo-France a développé le programme CASCADES (Calculs et Analyses des Seuils Capables d'Annoncer des DEbordements Soudains), qui permet aux experts de suivre en temps quasi réel la dimension d'un événement pluvieux.. Ce projet débouche sur la mise en place d'un plan spécialisé « fortes précipitations » destiné au service départemental de protection civile.

Aux Antilles, 60 MF sont prévus pour la prévention des risques, mais un peu plus de 6 MF sont engagés actuellement. Les travaux dans les rivières se heurtent à un problème de maîtrise d'ouvrage, car les rivières ne sont pas domaniales : quid de la maîtrise d'ouvrage. 25 atlas communaux sont réalisés, 6 sont en cours, des PPR sont abordés sur les 3 communes de Petit-Bourg, Baie-Mahaut et Pointe-Noire.

La circulaire du 16 août 1994 sur les crues torrentielles a donné naissance à une étude sur 24 départements du Sud-Est, étude dont le budget est de 6 MF. Un projet « crue éclair » est aussi développé mais, pour l'instant, on se heurte sur le besoin de l'outil pour le prévisionniste.

L'Italie connaît le même phénomène de crues rapides, compte tenu de son climat méditerranéen, où 30 à 50 % des pluies annuelles peuvent tomber en un jour, 200 mm en une heure. La mesure se fait en temps réel à partir d'un système central à Pise, qui répercute immédiatement sur la Protection civile, mais la prévision météo a une structure militaire et la loi sur les alertes de crues date de 1937. Il n'y a donc pas d'enseignement à tirer de l'Italie en ce domaine.

6. PRÉPARATION AUX CRISES ET À LA GESTION DES CATASTROPHES

La préparation à la crise est quasi inexistante dans la plupart des cas. Des exercices sur scénario d'inondation devraient être programmés pour l'administration, les élus et les services de sécurité. Ce serait l'occasion de partager une culture du risque car cet exercice public constituerait une mise à l'épreuve de toutes les actions de prévention.

Le niveau de « culture individuelle » de risque est aussi déterminant et devrait être incluse dans l'éducation de chaque citoyen.

Beaucoup d'incertitudes cependant demeurent ; après avoir lancé l'alerte, on ne sait pas où cela va tomber. Peut-on localiser plus finement ? Peut-on appréhender les corps solides qui modifient les zones inondables ?

La détermination du champ de la pluie est très incertaine, l'hydrologue travaille avec une donnée mal maîtrisée (pluviomètre).

Les Préfets ont juxtaposé des cartes au 1/25 000 avec les POS, en laissant la tâche aux maires de prouver que certaines zones ne sont pas concernées. L'Etat affiche le risque, mais ne prend pas d'autres mesures, notamment des mesures de prévention pour le bâti construit.

La prévention des risques naturels ne peut pas se développer sans une prise de conscience et une mobilisation de tous les acteurs, du citoyen, des élus, des collectivités locales, des représentants de l'Etat.

La société toute entière doit acquérir une culture du risque. Il est nécessaire de développer une stratégie participative avec tous les acteurs qui interviennent ou sont concernés.

Le risque zéro étant illusoire, il faut travailler la notion de risque acceptable, tout en définissant pour qui et avec quelles conséquences économiques et sociales.

6.1. L'information et le débat

En matière d'inondation, le niveau pertinent est celui du bassin versant. Les structures de concertation mises en place dans le cadre de la loi sur l'eau pour l'élaboration des SDAGE et des SAGE, devraient être un lieu privilégié pour la définition d'une politique de prévention du risque d'inondation au niveau du bassin dans le cadre des objectifs plus généraux qui doivent être fixés au niveau national.

6.2. Gestion post-crise

Après les grandes catastrophes comme celles du camping du Grand-Bornand en juillet 1987, de la ville de Nîmes en octobre 1988, de Vaison-la-Romaine et de plusieurs départements de l'arc méditerranéen en septembre 1992, de la Camargue en octobre 1993, des commissions d'expertise sont désignées pour analyser les causes des catastrophes et proposer des mesures de prévention. Les rapports sont produits dans l'urgence mais il n'y a pas ensuite de bilan global qui permettrait de tirer de nombreux enseignements utiles pour les crises à venir, il n'y a pas de véritable retour d'expérience.

On continue à travailler sur constat ; l'après catastrophe s'accompagne de « plus jamais ça ». A Nîmes, dont on vient de commémorer le dixième anniversaire, on avait estimé les travaux nécessaires à 2 milliards de francs mais il n'y a eu que 80 millions de travaux réalisés.

L'excellent travail réalisé par la commission d'enquête parlementaire présidée par Philippe MATHOT en 1994, a débouché sur 20 recommandations. Le rapporteur de la dite commission, notre collègue Thierry MARIANI, a pu constater que bien peu de celles-ci avaient été suivies d'effet.

Le temps de l'émotion est propice aux réformes ; après six mois, délai parfois un peu court pour réaliser un projet cohérent, il y a peu de chances de faire évoluer une réglementation, qui sera repoussée à la grande réforme qui doit être incessamment entreprise.

Le ministre italien de la Protection civile, le grand vulcanologue Franco BARBERI me disait qu'après les graves inondations de 1966 à Venise et à Florence, il a fallu 20 ans pour discuter ce qu'il fallait faire, et la loi qui en a résulté a maintenant 7 ans et il est nécessaire de l'évaluer. Florence n'est pas en totale sécurité, même si des travaux ont été effectués, un nouveau plan est en préparation, mais avec toujours les mêmes hésitations sur les mesures à prendre : nouveaux barrages ou surélévation.

6.3. La communication

Des précisions sont indispensables dans la communication des crues : ainsi parle-t-on de mètre cube par seconde ou de la hauteur d'eau ? Pour la compréhension du phénomène, il est indispensable que la population acquiert des repères.

6.4. Les estimations de coûts

Une crue type 1910 à Paris est estimée à 50 milliards de francs, la crue de la Loire à 20 milliards de francs tandis qu'un séisme à Menton serait de l'ordre de 100 milliards de francs.