SOMMAIRE

CONCLUSIONS 281

RECOMMANDATIONS 287

Adoption du rapport par l'Office parlementaire 291

CONCLUSIONS

La France métropolitaine est une région à sismicité modérée.

Les séismes, dont le dernier -mortel- remonte à 1909 en Provence, sont la conséquence du rapprochement entre l'Afrique et l'Eurasie. Ils sont donc de type intraplaques : Alpes, Provence, Vallée du Rhône, Pyrénées, Fossé Rhénan, Auvergne, Massif Armoricain, Massif Central Occidental et Vosges paraissent, historiquement, les plus exposés.

Le risque sismique est plus élevé dans les Petites Antilles

notamment en Guadeloupe et Martinique où, pour plusieurs raisons, propres à ces départements, la situation est bien différente du contexte métropolitain.

De façon générale, le point commun à l'ensemble des départements et territoires d'outre-mer est la vulnérabilité généralement très grande du bâti existant, surtout de l'habitat individuel.

Malgré ce risque sismique, historiquement vérifiable, la France ne semble pas en admettre la prise en compte : l'effacement de la délégation ministérielle aux risques majeurs, l'absence de centralisation des données prévisionnelles, la priorité donnée en matière de prévention à la construction récente au détriment des actions sur le bâti existant, une médiocre politique d'information conduisent à définir de nouvelles pistes de travail.

A la question : la prévision des séismes est-elle actuellement possible ?, la communauté scientifique internationale répond par la négative, même si certaines expériences en cours pondèrent cette constatation générale et laissent espérer des résultats dans le domaine de la recherche.

Encore faut-il distinguer les prévisions à long, moyen et court terme, où les résultats escomptés sont de nature différente.

La communauté internationale s'efforce actuellement de définir les signes précurseurs d'un séisme et de les corréler. Le Japon, les Etats-Unis, la Chine et en Europe, la Grèce, apparaissent actuellement comme les pays les plus en pointe dans ce domaine.

En France, la prédiction reste principalement du domaine universitaire avec un partenariat international très appuyé.

L'observation des séismes

Elle peut servir à la fois la cause de la prédiction et celle de la prévention.

La France est dotée d'un dispositif de deux réseaux nationaux, ainsi que de réseaux régionaux qui permettent de faire apparaître certains alignements sismiques confortant l'idée qu'une cartographie des failles actives est désormais possible.

La surveillance du territoire semble donc désormais réalisable par ces réseaux, tout au moins, pour les événements les plus forts.

En revanche, les réseaux accélérométriques sont quasiment inexistants. Les seuls accéléromètres installés sur le territoire métropolitain ne sont pas très performants en raison de leur répartition géographique et de leur manque de sensibilité.

Dans ces conditions, si un séisme destructeur survenait en France, il n'y aurait que très peu de chances de recueillir des mouvements forts et probablement pas dans la zone épicentrale. Il ne pourrait donc en résulter aucun progrès dans l'estimation qualitative de l'aléa sismique.

La prévention des séismes

Cette prévention passe par :

- une évaluation correcte de l'aléa sismique,

- une bonne conception des diverses constructions et ouvrages nouveaux,

- un contrôle efficace de la bonne exécution de ces ouvrages,

- le confortement du bâti ancien lorsque celui-ci s'avère problématique,

- enfin de bons plans d'urbanisme qui évitent de trop grandes concentrations, soit démographiques, soit industrielles, dans les zones les plus délicates.

Or, si le dispositif législatif et réglementaire est désormais en place en France, il est souvent mal connu et donc mal appliqué. Il n'est qu'à constater le retard pris dans la mise en application des PER (plans d'exposition aux risques) pour évaluer la difficulté de sensibilisation à l'aléa sismique.

Le contrôle de la construction parasismique, du moins dans l'habitat individuel, est inexistant.

L'immense parc existant

La France est un pays dont le parc immobilier a un faible taux de renouvellement : 1 % par an environ, ce qui explique que l'immense majorité de ce parc ne connaît pas de dispositif parasismique et n'en connaîtra pas avant longtemps si des dispositions particulières ne sont pas prises. Seule une implication de l'Etat et des collectivités territoriales, puis des propriétaires (par un certain nombre de mesures incitatives), permettra une mise aux normes parasismiques du parc immobilier français, notamment des immeubles destinés à recevoir du public.

C'est probablement dans cette direction que devront converger les efforts prioritaires de toute politique de prévention.

La formation - L'information

Si les ingénieurs peuvent relativement aisément se former au génie parasismique, il n'en va pas de même des architectes dont le cursus obligatoire des études ne comporte pas de formation spécifique à ce type de prévention.

Information insuffisante également des enseignants, notamment dans les régions concernées, qui ne dispensent pas de formation spécifique, pas plus qu'ils ne disposent de matériel pédagogique adapté.

L'information des élèves demeure -à quelques notables exceptions près- insuffisante, voire inexistante. Il en est également ainsi de la population qui n'est sensibilisée qu'au moment du dépôt d'un permis de construire, souvent d'ailleurs de façon très incomplète.

La gestion de la crise

Les caractéristiques très particulières de la catastrophe induite par un séisme conduisent à penser, comme aux Etats-Unis ou au Japon, à l'application d'un plan de secours spécifique, notamment dans les départements et territoires d'outre-mer où l'éloignement et les pertes de temps qui en résultent constituent des circonstances aggravantes du risque.

Le risque sismique n'est pas limité géographiquement, ce qui pose le problème du positionnement des secours : dans la zone ou en périphérie ? S'il est nécessaire d'avoir des secours immédiats, certains centres risquent d'être inopérants de l'intérieur, suite aux dégâts subis. Il faudra de toute manière des secours de l'extérieur.

Le dernier tremblement de terre mortel en France s'est produit à Lambesc le 11 juin 1909; de magnitude 6.2, il a provoqué 46 morts et 250 blessés. En 1984, une étude simulant un séisme de même magnitude un soir de juin 1982 montrait qu'il aurait occasionné entre 400 et 1 000 morts, et des milliers de blessés.
Sommes-nous sûrs que, depuis 1984, nous ayons beaucoup progressé dans la protection parasismique, et sommes-nous sûrs de notre volonté à prévenir les risques majeurs ?

L'aléa mouvements de terrain est beaucoup plus présent qu'on ne le croit.

En dix jours, en janvier 1994, 150 mouvements de terrain, dont un de 10 millions de tonnes ont été enregistrés. Mais les grands mouvements sont le plus souvent répertoriés, et les petits n'engendrent généralement pas de victimes.

Cependant chaque mouvement est un cas particulier et seulement une vingtaine de sites donnent lieu à une surveillance en permanence.

L'inventaire

Si certains grands phénomènes sont biens connus, il n'est pas certain que tous soient répertoriés. Il est souhaitable de réaliser un inventaire systématique de l'ensemble des phénomènes, potentiels, actifs ou historiques pour lesquels des enjeux importants existent. Des bases de données existent ou sont en création en différents endroits, il est nécessaire que ce développement se fasse de manière coordonnée.

Les vides souterrains -carrières souterraines, mines "orphelines"- ne sont pas assez connus en général, et pourtant il ne se passe d'année sans qu'une information nous parvienne sur la disparition d'une habitation dans le sous-sol.

L'impact des activités humaines sur les mouvements de terrain est très important. En montagne, cela a entraîné des modifications des infrastructures d'accès aux stations de ski, l'abandon ou la modification de la pratique agricole. Une étude des modifications du territoire en zones sensibles est nécessaire, afin d'en tirer les enseignements pour l'aménagement futur.

Ce besoin de bases de données régionales (abord par zones homogènes) et surtout de suivi de l'évolution des zones potentiellement instables est du ressort des observatoires régionaux : CETE, BRGM, RTM ; cependant il faut veiller à la centralisation et à la coordination de ces données.

L'Évaluation et la cartographie

La méthodologie de la cartographie de l'aléa, appuyée sur une expérience ancienne et sur le développement informatique moderne, est considérée à juste titre comme l'un des points forts de la recherche française en ce domaine.

Mais la recherche universitaire est insuffisamment développée ; on constate un cruel manque de contacts entre géographes, géologues, ingénieurs et trop peu d'équipes pluridisciplinaires sont en place.

La prévision et la surveillance

La métrologie pour le suivi et la surveillance des mouvements, la télésurveillance sont bien maîtrisées, tout comme la méthodologie d'étude, de reconnaissance et d'instrumentation des sites instables.

Cependant l'absence de maîtrise d'ouvrage de la surveillance (quelle que soit d'ailleurs l'importance du risque) est un véritable problème. Il n'existe pas d'organisme officiel à ce jour qui soit chargé de la surveillance, et il serait souhaitable que des comités régionaux de surveillance des mouvements de terrain soient mis en place.

En terme de surveillance, c'est à un expert de déterminer le point de criticité, il y a donc un grand intérêt à des expertises de groupe. Quant à la protection des vies humaines, cela incombe à la Direction de la Sécurité civile : cette mission de surveillance ne devrait-elle pas lui revenir ?

La prévention et la protection

La prévention progresse, si on peut s'exprimer ainsi, à chaque catastrophe, les enseignements qui en sont tirés venant renforcer la réglementation administrative ou technique. On pourrait donc envisager, à l'instar de ce qui se fait pour les séismes, que des missions d'expertise post-événements soient organisées lorsqu'un mouvement de grande ampleur s'est produit à l'étranger. Le Comité national de prévention des mouvements de terrain, s'il voit enfin le jour, pourrait organiser ces missions.

Les techniques de stabilisation sont relativement bien maîtrisées, tout au moins pour des phénomènes de faible ampleur. Pour les très grands phénomènes, il n'y a pas de protection possible, sinon à provoquer le mouvement lorsque toutes les mesures de sécurité sont prises. Cette démarche, qui a été appliquée notamment au Japon, n'est toutefois pas sans risque mais le comportement des professionnels devrait permettre de le minimiser très fortement.

La reglementation, l'information et l'organisation des secours

Les règles existent, encore faut-il les appliquer. La loi permet maintenant d'exproprier les domaines exposés sans tenir compte dans l'indemnisation du risque facteur d'expropriation, c'est une grande avancée. L'insouciance des îliens peut malheureusement réduire à néant les efforts entrepris.

Des lacunes subsistent pour les biens non assurables des collectivités locales Il faut noter que le département de la Savoie a proposé une solution originale avec son Fonds "Risques naturels", basé sur la mutualisation.

L'évacuation des populations soumises à cet aléa est possible quelques heures avant le déclenchement du phénomène. Mais plus le temps d'alerte est long, moins les populations respectent les consignes. Il faut donc déterminer très précisément la période de criticité.

L'absence la plus criante est celle d'une instance permettant de gérer le risque mouvements de terrain, et une clarification des responsabilités est indispensable.

RECOMMANDATIONS

1 - Affirmer la nécessité de prise en compte des Risques Majeurs dans la vie de la Nation et l'Aménagement du Territoire en redonnant à la Délégation un caractère interministériel (ou en en faisant un ministère)

2 - Doter cette Délégation interministérielle aux Risques Majeurs d'appuis techniques, qui pourraient être pour tout ce qui concerne la géodynamique interne le BRGM et pour les conditions climatiques Météo France

Pour l'aléa tremblement de terre :

3 - Création d'un Centre de Recherches sur les Tremblements de Terre, centre pluridisciplinaire, en Provence. Ce Centre devrait assurer la coordination de la recherche en matière de prévision ainsi qu'en matière de coopération internationale

4 - Doter la France d'un réseau accélérométrique opérationnel, indispensable pour la connaissance des mouvements forts et pour la forme du signal qui s'avère capitale dans les études de génie parasismique. Un engagement financier de tous les ministères concernés et des collectivités locales doit traduire la nécessité reconnue par tous depuis 1989 de combler cette lacune qui met la France au dernier rang des pays européens pour la surveillance des mouvements forts

5 - Faire établir un audit de l'existant, en matière d'établissements destinés à recevoir du public, d'établissements stratégiques et d'installations classées, à réaliser par les Conseils Régionaux ayant dans leurs circonscriptions une partie concernée par le risque sismique

6 - Les travaux de mise aux normes nécessaires après cet audit doivent être programmés dans les 3 prochains plans Etat/Région, suivant l'importance du risque et la classification des établissements

7 - Pour toute commune soumise à un quelconque aléa, assujettir toute modification du POS à la publication du PPR, celui-ci devant de toute manière être réalisé avant l'an 2000

8 - Classer certains bâtiments et ouvrages stratégiques (centres de secours, services d'urgence hospitaliers, centres de télécommunications) des zones sismiques 3 en risque spécial, plutôt qu'en risque normal classe D

9 - Envisager une reconstruction rapide de certains de ces bâtiments, aux normes parasismiques ainsi que les établissements scolaires des Petites Antilles, après une étude qui devrait être achevée au plus tard au 1er janvier 1997

10 - Créer un corps d'inspection des constructions aux normes parasismiques, les organismes de contrôle existant pouvant être conventionnés à cet effet

11 - Diffuser périodiquement, dans toute commune classée en zone 2, les consignes à suivre avant, pendant et après un séisme. Cela doit faire l'objet d'un affichage public sur les panneaux destinés à cet effet et d'une information annuelle pour tous les habitants de la commune

12 - Pour tout nouveau permis de construire sollicité dans une commune figurant dans l'annexe au décret 91-461 du 14 mai 1991 relatif à la prévention du risque sismique, une information sur les règles techniques élémentaires mais indispensables à respecter doit être fournie. Un document national pourrait être personnalisé par les directions départementales de l'Équipement concernées

13 - Revoir le système d'assurances des catastrophes naturelles, en dégageant des fonds pour la recherche en prévention, puisque cette amélioration des connaissances devrait permettre de préserver davantage les vies et les biens

14 - Lier dans les zones sismiques la possibilité de souscrire une assurance au respect des normes parasismiques dans les constructions nouvelles

15 - Lier les indemnisations, même dans le cas d'intervention du fonds CAT NAT, au respect des normes parasismiques pour les constructions anciennes de classe C ou D, après un délai de mise en conformité

16 - Accorder aux travaux de mises aux normes parasismiques des avantages fiscaux similaires à ceux accordés pour des travaux de grosses réparations

17 - Créer à partir de la mallette pédagogique à usage des écoles des modules par aléa afin de réduire le prix de cet outil indispensable et mieux répondre ainsi à la demande des enseignants et à la réalité du terrain, développer des outils simples (affiches, vidéo)

18 - Inclure dans le cursus obligatoire des écoles d'architecture un enseignement de génie parasismique

19 - Développer, dans les zones sismiques, une formation obligatoire des enseignants à ce risque. Pour les zones classées en 3ème catégorie, une journée d'information et d'exercices pratiques destinée aux élèves de l'ensemble des établissements doit être programmée dans la première semaine de la rentrée scolaire

20 - Développer et doter les unités spécialisées d'un matériel de détection fonctionnant sur le repérage par leur respiration des personnes ensevelies

21 - Les plans de secours spécifiques doivent impérativement reposer sur plusieurs axes et moyens de communication, les ouvrages d'art étant les plus exposés en cas de séisme

22 - Créer en Guyane, où l'exposition aux risques naturels est moindre, une base logistique de secours, organisée autour d'une unité de Sécurité Civile, et d'un détachement gérant un magasin général de matériel, dont un hôpital de campagne

Pour l'aléa mouvement de terrain :

23 - Nommer enfin les membres du Comité national d'évaluation des risques de mouvements de terrain, crée par décret n°84-10 du 3 janvier 1984

24 - Développer de façon coordonnée les bases de données en France : fichiers informatisés des événements, recensement des cartes d'aléa réalisées, effectuer l'inventaire systématique des phénomènes de grande ampleur, potentiels, actifs, pour lesquels existent des enjeux importants

25 - Développer la recherche pluridisciplinaire à l'instar de ce qui se met en place à l'Institut National des Sciences de l'Univers ou en région Rhône-Alpes

26 - Poursuivre la recherche et le développement de techniques de localisation de vides souterrains

27 - Développer les suivis de grands mouvements en France et, éventuellement, à l'étranger : cinématique des instabilités ; modélisation et prévision, notamment en relation avec les données météorologiques (glissements, éboulements, coulées). Sur certains versants potentiellement instables, effectuer un point zéro géodésique le plus rapidement possible

28 - Envisager, à l'instar de ce qui se fait au sein de l'AFPS, que des missions d'expertise post-événements soient organisées lorsqu'un mouvement de terrain de grande ampleur s'est produit à l'étranger

29 - Elaborer un guide méthodologique de la cartographie d'aléa, en prévision du nouveau programme de cartographie à lancer (PPR) : il est souhaitable que tous les opérateurs aient la même conception de la cartographie

30 - Poursuivre la recherche et le développement de techniques de stabilisation efficaces et peu coûteuses (clouage, drainage, ...)

31 - Rédiger en français un manuel ou un ouvrage de synthèse sur les mouvements de terrain et leur prévention, ainsi que des guides techniques plus spécialisés

32 - Effectuer des inventaires des personnes et biens exposés de l'urgence : partir des cibles sensibles et examiner ce à quoi elles sont exposées plutôt que des sources de danger : installations classées, chutes de blocs sur itinéraires routiers

33 - Clarifier les responsabilités respectives de l'État et des Collectivités locales en matière de prévention

34 - Créer un fonds d'intervention pour parer aux événements qui surviennent à l'improviste durant l'année

ADOPTION DU RAPPORT
PAR L'OFFICE PARLEMENTAIRE

M. Christian KERT a présenté les conclusions et recommandations de son rapport lors de la séance que l'Office Parlementaire d'Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques a tenue le 19 avril 1995.

Les conclusions et recommandations du rapport ont été adoptées à l'unanimité.

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