SOMMAIRE

Saisine 7

AVANT PROPOS 9

Introduction 11

SAISINE

AVANT PROPOS

Ce 11 juin 1909 ressemblait à tous les autres soirs de l'été provençal.

A peine pouvait-on noter ça et là quelques signes étranges.

L'un se rappela :

"A l'écurie, depuis six heures du soir, les chevaux ne cessaient de piaffer et de taper du sabot ; si on les approchait, ils se calmaient ; dès qu'on les laissait, ils paraissaient comme fous".

L'autre raconte :

"Depuis deux jours, il fallait que je rallonge dix bons mètres de ma corde pour aller puiser de l'eau au puits. On aurait dit qu'il était vide".

Puis arriva la nuit. Les uns avaient tiré la chaise sur le pas de la porte, les autres rentraient à peine :

"Revenant des champs, j'ai entendu un grondement sourd, un peu comme un roulement de tambour. A tel point que je me suis retourné pour vérifier qu'aucun charroi ne me suivait. J'ai eu ensuite l'impression que le bruit sortait de la terre".

Il est 21 h 16, aux horloges de Salon, de Lambesc, de Vernègues, de Pélissanne, Lançon et Saint-Cannat. Les aiguilles vont se figer à cette heure-là.

Une formidable secousse... comme une détonation :

"Nous nous sentions progressivement secoués ; on aurait dit qu'on pressait fortement sur nos épaules pour nous affaisser. Après cette masse verticale survint un mouvement beaucoup plus fort de latéralité, les chaises, les tables, les verres, les carafes sont renversés, une cloison dégringole dans le bar, la lumière s'éteint...".

A 21 h 16, la terre de Provence vient de s'offrir une "grosse colère", un tremblement de terre de 6.2 sur l'échelle de Richter. Il y aura 46 morts, 250 blessés et des millions de dégâts.

Plus de 80 ans se sont écoulés.

La mémoire collective de la Provence conserve, toutes fraîches, les images de la catastrophe.

Certains relisent Nostradamus pour déceler une date, une indication sur la prochaine colère tectonique.

D'autres, plus réalistes, relisent Haroun Tazieff citant Plutarque :

"Où la terre a tremblé, elle tremblera à nouveau".

Où exactement et quand ? Mystère !

Devenu député au coeur de la Provence en 1988, j'ai voulu répondre à nos muettes interrogations : peut-on prévoir ? peut-on se préparer ?

En me confiant au mois de juin 1994 le rapport sur la prévention des catastrophes naturelles en France, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques m'a donné les moyens de tenter de répondre, du moins pour le compte des quatre grandes régions sismiques de France : Bassin rhénan, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Pyrénées et Antilles, aux questions que nous nous posons. Certaines d'entre elles ne trouveront ici que des réponses partielles car la science, en cette fin de XXème siècle, n'est pas encore arrivée au coeur de tous les mystères de la planète.

Christian KERT

INTRODUCTION

La Commission de la Production et des Echanges de l'Assemblée nationale a saisi le 31 mai 1994 l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques d'une étude sur "les techniques de prévision et de prévention des risques naturels".

Lors de la présentation de l'étude de faisabilité devant l'Office le 8 juin 1994, votre Rapporteur a proposé une définition des termes de la saisine, et une limitation de l'étude à deux aléas : risque sismique et mouvements de terrain.

Votre Rapporteur se propose de reprendre succinctement les grandes lignes de cette proposition, qui a été adoptée à l'unanimité, et de délimiter le champ des risques naturels : ce sont les risques d'atteinte aux personnes ou aux biens qui résultent principalement d'une disposition exceptionnelle des agents naturels. Il ne peut s'agir que d'un risque collectif, événement à fréquence faible et de grande gravité, que l'on qualifie de majeur. En les citant rapidement, on peut distinguer :

- les inondations,

- les séismes,

- les éruptions volcaniques,

- les raz de marée, les tsunamis,

- les typhons, les ouragans, les cyclones,

    - les glissements et effondrements de terrain, le phénomène de subsidence (mouvement d'affaissement sous le poids des dépôts sédimentaires),

- les masses de glace ou de neige en mouvement, les avalanches,

- les ruissellements d'eau, de boue et de lave,

- les sécheresses,

- les incendies de forêt.

La prévention est l'ensemble des dispositions qui permettent de réduire les conséquences des aléas naturels, et de gérer les crises.

Ces dispositions consistent à :

- connaître les aléas naturels et la vulnérabilité des biens et des personnes exposées, et traduire ces connaissances sous forme cartographique ;

- faire connaître ces aléas naturels par la publication de cartes de risques, former, éduquer ;

- réduire les conséquences sur les personnes et les biens installés dans la zone dangereuse grâce :

- aux réseaux de surveillance,

- aux dispositifs d'alerte,

- à la préparation des secours ;

- réduire la vulnérabilité et notamment ne pas créer de nouveaux risques en respectant plus strictement les réglementations en vigueur ;

- exécuter des travaux pour réduire les phénomènes.

La prévision des aléas est la détermination du risque à quelque temps de son déclenchement et donc de la mise en place opérationnelle de la gestion de la crise. Toute la difficulté vient de la précision de cette détermination, et de la mise en place d'un dispositif de crise qui peut être très lourd. A partir de quel moment faut-il faire évacuer les populations ? Vers quel abri faut-il les diriger ? Comment éviter que ces mesures ne provoquent des désordres importants dans la population ? Voilà des questions primordiales qu'il faut résoudre.

La concentration des personnes, des biens, d'infrastructures, de services, de moyens de production, le développement économique et technologique qu'elles abritent, rendent les grandes villes particulièrement exposées aux catastrophes naturelles. L'impact de leur croissance désordonnée sur un milieu naturel fragile accroît le nombre et l'intensité des aléas naturels. Le dépeuplement rural débouche quant à lui bien souvent sur l'érosion, la dégradation des bassins versants et la multiplication des inondations et des instabilités de pentes.

L'Assemblée générale des Nations Unies, par les résolutions 42-169 (11 décembre 1987) et 44-236 (22 décembre 1989), a proclamé la Décennie internationale de la prévention des catastrophes naturelles (DIPCN) dont les objectifs sont la réduction des pertes en vies humaines, la réduction des dégâts matériels et des perturbations sociales et économiques.

Une estimation des sept premières années d'application de la loi du 13 juillet 1982 sur l'indemnisation des catastrophes naturelles en France métropolitaine fait apparaître que les sociétés d'assurances et de réassurances ont déboursé, pour la seule couverture des événements naturels, plus de 25 milliards de francs. L'extension de la loi de 1982 aux départements d'outre-mer, beaucoup plus menacés que la France métropolitaine, ne peut qu'amplifier l'alourdissement des indemnités versées. Ces charges pourraient dépasser les 10 milliards de francs par an avant la fin de la décennie.

En France, les estimations sont les suivantes :

- 7 500 communes menacées par les inondations,

- 400 communes menacées par les avalanches,

- 3 000 communes menacées par les mouvements de terrain,

- 1 400 communes menacées par les séismes,

- 4,2 millions d'hectares de secteur naturel sensible à l'incendie en zone méditerranéenne.

Par rapport à ces communes exposées, pour la prise en compte du risque dans l'aménagement, on recense des communes prioritaires :

- 941 communes pour les inondations,

- 98 communes pour les avalanches,

- 433 communes pour les mouvements de terrain,

- 210 communes pour les séismes.

Suivant les arrêtés de catastrophes naturelles pris d'août 1982 à juillet 1986, on dénombre :

- 5 195 communes sinistrées par inondations,

- 19 communes sinistrées par avalanches,

- 146 communes sinistrées par mouvements de terrain,

- 31 communes sinistrées par séisme.

Le coût moyen par événement tel que communiqué par la Caisse Centrale de Réassurance est de :

- 3,3 MF par inondation,

- 1,3 MF par avalanche,

- de 0,8 à 1,1 MF pour un mouvement de terrain.

Le coût d'un séisme n'est pas estimé, on verra cependant avec la simulation de Lambesc de 1982 qu'il peut être très important.

Reprenons les différents aléas naturels et essayons d'évaluer la vulnérabilité connue pour notre territoire.

En France métropolitaine, les inondations, qui concernent un million d'habitants répartis sur les 4,2 % du territoire national inondable, sont certainement le risque le plus fréquent. Et tout le monde a encore en mémoire le souvenir des inondations de l'automne dernier dans notre pays, des pertes humaines et des dégâts énormes provoqués. L'Assemblée nationale a d'ailleurs décidé de se saisir de ce problème en créant une commission d'enquête sur "les causes des inondations et les moyens d'y remédier", commission dont votre Rapporteur a tenu à être membre et dont le rapport a été rendu public le 4 novembre 1994.

Bien que cet aléa soit considéré comme le risque le plus fréquent pour la France métropolitaine, et compte tenu justement de l'excellent travail conduit par nos collègues Philippe Mathot et Thierry Mariani, votre Rapporteur a exclu les inondations des risques étudiés.

Le risque volcanique existe en France essentiellement aux Antilles et à la Réunion. Depuis le début du siècle, l'intérêt des études du risque volcanique a été reconnu. Des programmes de recherche dans le domaine du volcanisme sont entrepris dans presque tous les pays où existent des zones volcaniques actives habitées. C'est le cas de l'Italie avec l'Etna et le Vésuve, du Japon, de la Nouvelle-Zélande, de la Papouasie, des Açores, des Canaries, de l'Equateur. C'est aussi le cas aux Etats-Unis où un programme est développé depuis 1967 par l'US Geological Survey aux îles Hawaii et dans le Sud de la Californie.

Le risque volcanique s'appréhende à deux niveaux : prévision à court terme et prévision générale. La prévision à court terme est d'abord liée à la surveillance, avec comme objectif de prévoir le réveil du volcan, de déterminer le scénario éruptif imminent le plus probable, et de suivre le déroulement de l'éruption. La prévision générale s'établit en période de calme éruptif, et consiste en l'élaboration de scénarios éruptifs possibles, déterminant ainsi la répartition des produits émis ainsi que leurs effets sur l'environnement. Le principe de base de la prévision en matière d'aléa volcanique est : "le passé est la clef du futur". Chaque volcan a un comportement propre, ce qui fait que l'expérience acquise sur un volcan n'est transposable à un autre volcan que dans la mesure où les paramètres significatifs du mode d'éruption du premier (produits, morphologie, fractures, ...) sont ceux que l'on observe au second. Pour chaque volcan, il est possible de déterminer le type de risque, le type de réseaux de surveillance à installer sur le site et le système d'alerte et de protection des populations à mettre en place.

Les typhons, les ouragans, les cyclones, suivant leurs localisations géographiques, sont catastrophiques pour deux raisons principales qui peuvent conjuguer leurs effets :

- les vents extrêmes, supérieurs à 200 km/h, abattant les structures et la végétation,

- les précipitations diluviennes engendrant crues et glissements de terrain.

Les mesures marégraphiques sur les îles des Antilles, couplées avec des moyens satellitaires, pour permettre une prévision des "ondes de tempête" accompagnant les cyclones, sont très importantes pour la prévention.

Les avalanches concernent le déplacement rapide, soit à plus de 3 km/h, de grandes masses de neige. Cette appellation générique recouvre des origines et des manifestations qui peuvent revêtir des aspects notablement différents.

Si l'on se réfère à la classification phénoménologique établie par Gaston Rebuffat dans son article du Monde du 12 février 1970, la qualité de la neige en mouvement mobilisée par les avalanches relève de six catégories distinctes :

- les avalanches de neige poudreuse, très rapides et accompagnées d'un bruit assourdissant, qui se produisent en hiver après une chute de neige fraîche ;

- les avalanches de neige fraîche humide, caractéristiques des périodes de redoux. Moins rapides que les précédentes elles roulent au lieu de voler en tourbillons ;

- les avalanches de neige mouillée, surtout fréquentes au printemps et volontiers avalanches de fond. C'est l'un des types les plus prévisibles car elles empruntent généralement les mêmes couloirs. Leur vitesse est relativement réduite mais leur force de destruction considérable ;

- les avalanches dites de planche ou de plaques, dues au déplacement de masses de neige consolidées en surface mais non adhérentes à la couche sous-jacente ;

- les avalanches de corniche, surtout fréquentes en hiver et au printemps à l'époque où la neige n'est pas consolidée ;

- les avalanches de séracs, qui correspondent à un tout autre phénomène -des chutes de blocs au front d'un glacier- et physiquement plus proches des éboulements de rochers que des avalanches proprement dites.

D'un point de vue dynamique, on peut réduire cette classification, hors des avalanches de séracs qui s'apparentent plus à des chutes de rochers, à deux grandes catégories :

- les avalanches de neige dense. Elles suivent approximativement les lois d'un écoulement hydraulique torrentiel comme il peut s'en produire à la suite de la rupture d'un barrage. La vague de neige se propage avec une densité voisine de sa densité originelle jusqu'à un point d'arrêt où elle aura converti une partie de son énergie potentielle en énergie cinétique ;

- les avalanches de neige poudreuse. Elles prennent en général naissance à partir d'avalanches présentant les caractéristiques précédentes mais sont constituées de précipitations très froides, peu denses et qui se développent à partir de zones de départ importantes, sur de larges trajectoires d'écoulement affectées d'accidents de terrain. A partir d'une vitesse de l'ordre de 70 km/h, le frottement écoulement-air exerce une fonction d'émulsion sur la neige : l'incorporation d'air ambiant dans le matériau en mouvement crée un effet de nuage qui allège le cortège et lui permet d'atteindre, sous forme d'aérosols fins, des vitesses supérieures à 300 km/h.

Au point d'impact et au long des trajectoires, les avalanches de poudreuse cumulent les effets de masse et les effets de souffle sur les infrastructures. Elles contribuent de plus à noyer, par infiltration de particules dans le système respiratoire, les victimes qu'elles n'écrasent pas.

Les sécheresses sont un véritable risque naturel, en ce sens qu'elles accélèrent des phénomènes de désertification. Mais, au niveau de la vulnérabilité des sites urbains, c'est essentiellement l'effet sur les constructions et les déformations du sol qui entraînent les dégâts. Un retour à la normale avec un regonflement des sols engendre de nouveaux désordres et il faut prendre en compte ce risque dans les zones géographiques susceptibles d'être concernées.

Les incendies de forêt ont souvent une origine humaine, soit à la suite de malveillance, soit à la suite d'un accident technologique. Mais les conditions climatiques, le manque d'entretien, la nature même des essences sont des conditions aggravantes pour la vulnérabilité de la forêt. La dernière commission d'enquête parlementaire sur les incendies de forêts dans la région méditerranéenne a rendu son rapport le 28 mai 1980.

Le risque sismique existe en France métropolitaine, même si la dernière catastrophe mortelle remonte au début du siècle, et dans les DOM-TOM. On dénombre statistiquement trois séismes de magnitude égale ou supérieure à 6 par an dans l'ensemble euro-méditerranéen, de l'Atlantique à la Turquie : le risque de séisme de cette ampleur n'est donc pas négligeable pour le Sud de la France. Les experts estiment d'ailleurs que notre pays est pour ce siècle en "déficit de séismes". Citons l'ouvrage "Tremblements de terre" de B. Walker : "L'histoire de notre planète, ce sont 4,6 milliards d'années d'agitation souterraine, plus de 1 million de séismes par an, soit un en moyenne toutes les trente secondes ; plus de trois mille séismes agitent chaque année la surface de la terre de façon appréciable, quelques centaines modifient le paysage, plus de vingt causent d'importants dégâts".

Le dernier tremblement de terre mortel en France qui s'est produit à Lambesc, le 11 juin 1909, était un séisme de magnitude 6.2 et a provoqué de très nombreuses destructions et surtout des victimes : 46 morts et environ 250 blessés. Un tel séisme de nos jours, tenant compte des changements de mode de vie, provoquerait selon une estimation de 1982, de 400 à 1 000 morts et plus de 4,6 milliards de francs de dégâts !

En France métropolitaine, environ 600 tremblements de terre ont été enregistrés depuis 1909. Et nulle région ne semble totalement à l'abri, notre connaissance à l'échelle des temps géologiques étant bien faible. Ainsi peut-on vraisemblablement considérer comme la poursuite de la mise en place des terrains alpins et d'un contrecoup de la collision lente qui se produit depuis 80 millions d'années entre la plaque africaine et la plaque eurasienne, le tremblement de terre du 14 décembre 1994 à 9h56. Ce séisme de quelques secondes, d'une magnitude 5.1, le plus fort enregistré dans cette région, s'est produit selon l'observatoire de Grenoble à 7,38 km de profondeur, son épicentre étant situé par 45 degrés 58,31 minutes Nord et 6 degrés 19,83 minutes Est, soit près de La Clusaz. Il a été ressenti jusqu'à Lyon, Genève, la Loire, l'Ardèche, et apparemment aucun précurseur n'a été relevé. Les dégâts ont été peu importants, la région de l'épicentre étant peu habitée.

Le risque est peut-être encore plus présent aux Antilles. Rappelons-nous du tremblement de terre de Fort-de-France en 1839 qui fit plus de 300 morts et de celui de Pointe-à-Pitre en 1843 qui en fit plus de 3 000. Une simulation datant de 1972 du séisme du 8 février 1843 conduit à un bilan de plus de 100 000 morts et de 3,6 milliards de francs de pertes !

Le jour où ce rapport m'a été confié, un séisme a ravagé la Colombie faisant plus de 600 victimes. Mais lors du dernier tremblement de terre à Los Angeles, les experts ont déclaré vivre dans la crainte d'un cataclysme beaucoup plus important qui risquerait de détruire la ville. De même, au Japon, Tokyo est dans une zone de très forte sismicité, et le risque d'un séisme de magnitude supérieure à 8 fait craindre que les constructions parasismiques ne résistent pas à une telle catastrophe.

Avec des séismes de magnitudes proches, Spitak (Arménie, 1988) ou Manjil (Iran, 1990) ont connu près de 35 000 morts, alors que Loma Prieta (Californie, 1989) n'enregistrait que quelques dizaines de victimes, grâce à une politique de prévention efficace.

Mais le séisme de Kobe avec ses 5 500 morts pourrait venir contredire le bien-fondé d'une telle politique. On verra qu'il n'en est rien et que la prévention a évité une bien plus grande catastrophe, mais que d'autres facteurs ont joué dans cette tragédie.

Glissements de terrains, coulées boueuses peuvent faire suite aux séismes en régions de montagne s'ils se combinent avec de fortes pluies. L'exemple du glacier Huascaran dans les Andes péruviennes en 1970 est très particulier. Son ébranlement a engendré une gigantesque lave torrentielle qui a emporté toute la ville de Yungay et ses 18 000 habitants.

Les tsunamis, ou "raz de marée" en français, n'ont cependant rien à voir avec le phénomène classique de la marée. L'expression japonaise (tsunamis = "vague portuaire") n'est d'ailleurs pas plus explicite quant aux origines du phénomène.

En fait les tsunamis proviennent toujours d'une brutale modification du niveau des fonds océaniques. Les causes peuvent en être multiples : séisme, glissements ou effondrements sous-marins, éruption volcanique, etc. Le train d'ondes que génèrent de telles manifestations présente des caractéristiques totalement différentes des vagues de tempête ; de crête à crête, deux vagues successives de tsunamis peuvent être distantes de plusieurs centaines de kilomètres avec des "creux" quasiment imperceptibles en pleine mer. Par contre la vitesse de propagation est extrêmement rapide et peut excéder 500 km/h.

A l'approche des côtes, la vague de tsunamis est brutalement freinée par la remontée des fonds : une grande partie de son énergie cinétique est alors convertie en énergie potentielle et c'est une véritable muraille d'eau (parfois plus de 30 mètres de haut soit un immeuble de 10 étages) qui déferle sur les zones côtières qu'elle atteint. Ceux qui survivent à cette première vague périssent parfois lorsque survient la seconde 20 à 60 minutes plus tard : ils se seront portés en masse vers leur maison inondée ou à la recherche de victimes.

Lorsqu'ils se propagent en espace océanique libre, les tsunamis peuvent parcourir des distances considérables : le séisme de magnitude 7 qui frappa les îles Aléoutiennes en 1947 fut à l'origine d'un raz de marée qui fit environ 200 morts à Hawaii à près de 4 000 kilomètres de distance.

Les mouvements de terrain, le phénomène de subsidence (mouvement d'affaissement sous le poids des dépôts sédimentaires), sont généralement considérés comme risques mineurs en milieu urbain, puisqu'ils entraînent le maximum de dégâts sur les réseaux routiers et ferroviaires. Mais on ne peut les ignorer et on peut répertorier :

- les effondrements karstiques, occasionnels dans la partie Nord de Paris ;

- les risques d'éboulement, par la présence de roches instables au-dessus d'une ville, ce qui est le cas de Nantua ;

- les glissements de terrain dont l'accélération soudaine peut engendrer la catastrophe, comme en 1932 sur les pentes de la colline lyonnaise de Fourvières ;

- les affaissements de terrains récents ou compactables, ce qui rend la ville plus vulnérable au risque d'inondation. L'exploitation excessive de la nappe phréatique à Bangkok aurait abaissé le sol de 88 cm en un siècle.

Le cas le plus fréquent de subsidence est celui des zones d'extraction minière et des zones d'extraction du sel gemme par méthode hydraulique.

Les effondrements causés par le creusement de carrières constituent des accidents locaux graves. L'effondrement d'un quartier pavillonnaire de Clamart en 1961 a fait une trentaine de morts.

Le glissement-coulée d'un terril à Aberfan (80 000 mètres cubes gorgés d'eau), au Pays de Galles en 1966, a écrasé une école et des habitations, faisant 144 victimes.

Ces événements, effondrements, glissement-coulée, sont en fait la résultante de deux risques. Le risque naturel apparent a en fait été généré par un risque technologique ou industriel : exploitation du sous-sol et absence de remise en état lors de l'abandon de l'exploitation.

Les grands éboulements sont plutôt circonscrits aux zones de montagne. Sans remonter à 1248 et à l'éboulement du mont Granier, on peut citer le glissement du 25 avril 1974 de l'Altipano, au Pérou. C'est une masse d'un milliard de mètres cubes qui dévale en 3 minutes un dénivelé de 1 700 mètres sur 8 kilomètres de long. La pente, bien qu'inférieure à 10 degrés, est absorbée par la masse à plus de 100 km/h. Le village de Mayunmarca, situé à plus de 4 000 mètres d'altitude, est totalement englouti avec ses 451 habitants.

Deux sites en France font l'objet d'une grande surveillance : la Clapière, à Saint-Etienne-de-Tinée, dans les Alpes-Maritimes, et la Séchilienne dans l'Isère où 40 millions de m3 menacent plusieurs villages.

Pour mener la politique de prévention des risques naturels, la France s'est dotée de structures administratives spécifiques : la délégation aux risques majeurs (DRM) a été créée par décret du 10 avril 1984. Elle est chargée d'évaluer les moyens de prévenir les risques majeurs d'origine naturelle et de proposer des mesures propres à en atténuer les effets. La DRM participe en outre à l'élaboration des programmes d'utilisation des moyens de secours nationaux en cas de catastrophe, et propose les mesures de coordination interministérielle nécessaire.

Rappelons que si les actions de prévention sont coordonnées par le ministère de l'environnement, c'est la direction de la sécurité civile du ministère de l'intérieur qui gère et coordonne les actions de secours en cas de crise.

Cette situation originale de la France est généralement considérée comme un avantage par la plupart des autres pays, où la prévention est souvent intégrée dans l'organisation des secours et de ce fait dispose encore de moins de moyens. Si cette dualité peut engendrer des difficultés, elle reflète cependant une réelle volonté de prévention.

Sur le plan législatif, il faut remonter à 1935 pour trouver les premiers textes sur la prévention des risques majeurs avec l'institution des plans de surfaces submersibles. En 1955 s'ajoute l'interdiction de la construction dans les zones soumises à des risques particuliers, et en 1967 se mettent en oeuvre les plans d'occupation des sols (P.O.S.). Deux grandes lois renforcent cette législation, celle du 13 juillet 1982 sur l'indemnisation des catastrophes naturelles et celle du 22 juillet 1987 relative à l'organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l'incendie et à la prévention des risques majeurs. Une juxtaposition de textes spécifiques à chaque risque naturel est-elle suffisante ?

Un décret du 3 mai 1984 complète cet arsenal en instaurant l'établissement de plans d'exposition aux risques naturels prévisibles (P.E.R.).

Toutefois sur les 708 P.E.R. prescrits au 21 septembre 1993 (2 000 environ ont été envisagés), on n'en comptait que 360 rendus publics et 282 approuvés. Des élus locaux, considérant ces P.E.R. comme une ingérence insupportable de la part de l'Etat car gelant des superficies importantes, n'y sont pas très favorables. Comment améliorer cette perception ? En substituant à ces P.E.R. des P.P.R. (plan de prévention des risques) ?

C'est en tout cas l'un des objectifs de la loi Barnier relative au renforcement de la protection de l'environnement et qui a été promulguée le 2 février 1995.

L'Etat doit-il jouer davantage un rôle d'arbitre en matière d'urbanisme ? Faut-il envisager des P.O.S. au niveau départemental ?

Des définitions précédentes des risques, il apparaît que la vulnérabilité des biens et des personnes est plus ou moins importante pour certains d'entre eux. La multiplicité des risques, les différences de nature, d'origine, au sein d'un même risque, feraient de cette étude une oeuvre encyclopédique. Les moyens de prévention sont très différents d'un aléa à un autre, et si les techniques de prévision sont connues pour les inondations ou les éruptions volcaniques, elles sont encore balbutiantes pour les séismes.

C'est pourquoi votre Rapporteur a souhaité privilégier dans un premier temps au sein de l'étude des techniques de prévision et de prévention des risques naturels celles traitant de l'aléa sismique et des mouvements de terrain en général.

Pour cela, après avoir expliqué les raisons des tremblements de terre, je souhaite définir l'importance du risque sismique en France métropolitaine et dans les DOM-TOM.

Peut-on prévoir les tremblements de terre ?

C'est un point capital pour épargner de nombreuses vies humaines. D'après ce qu'ont déclaré les scientifiques rencontrés à ce jour, la prévision sismique progresse dans le monde. Mais pour l'instant, aucune des méthodes expérimentées ne semble, du moins à court terme, sur le point d'aboutir. Il est, à cet égard, nécessaire de situer la recherche française en ce domaine.

Comment promouvoir la prévention et l'information ?

Même encore faible, une information existe, notamment dans deux directions : lors des demandes de permis de construire et à destination des écoles. Mais la diffusion de cette information en milieu scolaire, compte tenu du prix dissuasif de la mallette pédagogique, semble limitée.

D'autre part, comment procéder, dans les zones à risque, à des simulations d'évacuation en évitant d'affoler les populations?

La publication de la carte du risque sismique et l'obligation de construire les nouveaux édifices en parasismique peuvent entraîner un effondrement du marché immobilier dans les zones concernées. Mais il est impératif de ne pas créer de nouveaux risques en bâtissant selon des règles obsolètes. Le génie parasismique a énormément progressé dans la dernière décennie, et l'application des normes n'entraîne pratiquement pas de surcoût pour les constructions individuelles neuves. Par contre, il sera intéressant de voir quelles améliorations peuvent être apportées et à quel coût des constructions anciennes peuvent être rénovées et mises aux normes parasismiques.

L'organisation des secours serait-elle bien adaptée en cas de séisme catastrophique ?

Si la France n'a pas été, heureusement, confrontée à une catastrophe importante ces dernières années, il serait toutefois nécessaire de bien évaluer l'organisation des secours, et notamment la cohérence des plans de secours.

Votre Rapporteur a adopté une démarche similaire concernant les autres mouvements de terrains, glissements ou éboulements, qu'ils soient induits ou non par un séisme.

Toutefois, pour le risque d'éboulement suite à la cessation d'exploitation du sous-sol, votre Rapporteur se propose de l'exclure du champ, la mise en conformité pour une prévention efficace ne pouvant que déboucher sur la responsabilité de l'exploitant, s'il subsiste après la cessation d'activité.

Votre Rapporteur se propose donc, dans une seconde partie, de répondre également à ces questions :

- pourquoi y a-t-il des mouvements de terrain ?

- quelle est l'importance du risque en France métropolitaine et dans les DOM-TOM ?

- peut-on prévoir les glissements de terrain ? les éboulements ?

- comment promouvoir la prévention et l'information ?

    - l'organisation des secours serait-elle bien adaptée en cas de catastrophe ?

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