SOMMAIRE

Les SÉISMES et MOUVEMENTS de TERRAIN :

TOME 1 : CONCLUSIONS du RAPPORTEUR

TITRE I - Les SÉISMES et le RISQUE SISMIQUE

2 - le risque sismique en France métropolitaine et dans les dom-tom 31
2.1 - La France métropolitaine 31
2.2 - Les Petites Antilles : départements de Guadeloupe et de Martinique 35
2.3 - Autres départements et territoires d'outre-mer 38

2 - Le risque sismique en France métropolitaine et dans les DOM-TOM

La France n'est pas classée dans les pays sismiques. Le dernier événement mortel dû à un séisme remonte à 1909. Mais le séisme du 14 décembre 1994 près de Bonneville est venu pour rappeler que cet aléa existe.

    2.1 - la France métropolitaine

Comparée à la Grèce et à la Turquie, la France métropolitaine est une région à sismicité moyenne. Les séismes qui s'y produisent sont eux aussi la conséquence du rapprochement entre l'Afrique et l'Eurasie et sont donc de type intra-plaques.

Les Alpes et la Provence

L'évolution tectonique des Alpes est très complexe, mais on y retrouve, comme dans toutes les chaînes de collision, déplacements frontaux et chevauchements, déplacements latéraux et rotations. On observe, au Nord, une bande sismique de 50 km de large au front des massifs cristallins externes (Mont-Blanc, Aiguilles Rouges, Belledonne) depuis Chamonix jusqu'au Sud de Valence. Au Sud, de même orientation, le long de la vallée de la Durance, un alignement s'étend depuis Pertuis-en-Provence au Sud-Ouest jusqu'en Ubaye au Nord-Est. Actuellement peu actif dans sa partie occidentale, il a pourtant été dans le passé le siège de séismes assez forts au voisinage de Manosque (1708, 1812, 1913). De même, un peu plus à l'Ouest, entre Pertuis et Lambesc se trouve la région de la Trévaresse où s'est produit le séisme du 11 juin 1909 de magnitude 6.2, faisant une quarantaine de morts et endommageant de nombreux bourgs tels que ceux de Rognes et de Vernègues où on peut encore voir quelques vestiges. Toute cette zone provençale est peut-être actuellement le site de ce qu'on appelle une lacune sismique. C'est donc une région qui doit faire l'objet d'une surveillance particulière, d'autant plus que la densité de population a considérablement augmenté depuis la dernière guerre.

Au Sud de cette ligne, jusqu'à la Méditerranée, de Marseille jusqu'à Cannes, la sismicité est nulle. S'y font cependant ressentir tes séismes dont les foyers sont situés plus à l'Est, à partir de Nice en direction de l'Italie (par exemple, séisme de Ligurie du 23 février 1887 qui a causé de nombreuses destructions à Menton) où se situerait la limite des plaques Afrique et Europe qui remonte vers le Nord en suivant la bordure occidentale de la vallée du Pô. Sur cette limite se greffe une autre ligne sismique qui s'étend dans le golfe de Gênes sur près de 100 km et dont les séismes sont souvent ressentis en Provence-Côte-d'Azur. A l'Est, si le Queyras et l'Ubaye ont une activité assez régulière et importante, on observe également une activité

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notable dans les régions internes des Alpes, en particulier dans le Briançonnais.

Il reste le cas particulier du séisme nissart du 20 juillet 1564 qui a fortement affecté l'arrière pays niçois et qu'on situe entre les vallées de la Tinée et de la Vésubie, quelques kilomètres à l'Ouest de Roquebillière. Fortement ressenti sur 2 500 km2, responsable de 800 à 900 morts et de la destruction d'une dizaine de localités, on peut se poser la question de savoir si sa magnitude fut très importante (> 6) et si les effets destructeurs n'ont pas été dus essentiellement à des glissements de terrain qui peuvent être considérés comme des effets secondaires, parfois redoutables dans des régions montagneuses comme les Alpes. Un autre séisme important, estimé à 6.5, fut ressenti à Nice en 1887, peut-on en déduire pour autant une période de retour ?

La vallée du Rhône

A l'Ouest des Alpes, depuis Valence jusqu'en Provence occidentale, en bordure du Massif Central, la moyenne vallée du Rhône est une zone de rift d'âge oligo-miocène (autour de 25 millions d'années), d'où l'existence d'un alignement de séismes depuis le Tricastin jusqu'à Cavaillon et Nîmes. Plusieurs séismes y ont atteint l'intensité VIII en 1772-1773, 1873 et 1901, dans la région de Montélimar. Un intérêt particulier a été porté à ces séismes par suite de l'installation de centrales nucléaires dans cette zone.

Les Pyrénées

La chaîne des Pyrénées est le résultat d'un grand coulissage qui s'est produit il y a 100 millions d'années le long de la faille nord-pyrénéenne, déplaçant l'Espagne vers l'Est, suivi par un déplacement vers le Nord de cette dernière. La sismicité y est très active, assez homogène le long de son axe, avec quelques zones de concentration : Arette, Arudy (Ms=5,4 en 1980), la Bigorre, Bagnères-de-Luchon et le massif de la Maladetta, Andorre. En Roussillon, l'activité est actuellement réduite mais il n'en a pas toujours été ainsi. Le séisme de Catalogne de 1428 y a fait de gros dégâts. Est-ce aussi lacune sismique ?

Le fossé rhénan et l'Auvergne

Comme dans la vallée du Rhône, nous sommes ici dans deux régions en extension avec des rifts intra-continentaux d'âge oligocène associés à du volcanisme (Kaiserstuhl à l'Est de Colmar ; volcans d'Auvergne dont certains ont moins de 10 000 ans). Leur sismicité n'est actuellement pas très importante mais dans le passé, de fortes secousses les ont ébranlées : la plus importante fut le séisme de Bâle de 1356 (intensité X, plusieurs centaines de morts). En Auvergne, deux séismes d'intensité VIII se sont produits en 1477 et 1490 un peu à l'Ouest de Clermont-Ferrand. Depuis quelques années, on observe cependant une certaine activité dans le Livradois.


Massif armoricain, Massif central occidental, Vosges

Ces massifs correspondent à l'ancienne chaîne hercynienne (300 millions d'années). On y observe une sismicité régulière mais assez diffuse due probablement au rejeu d'anciennes failles. Historiquement, le séisme le plus important est sans doute celui de Remiremont dans les Vosges en 1682. Plus récemment, il faut citer les séismes du Sud de la Bretagne (1930 dans le Morbihan ; 1959 près de Quimper), celui de l'île d'Oléron (1972) qui est le siège d'une activité assez importante, celui de l'Ouest du Cotentin (1926) ainsi que les deux crises qui ont ébranlé en 1977 les régions d'Eguzon (Indre) et de Cosne d'Allier.

On remarquera l'absence quasi totale de sismicité dans les deux grands bassins sédimentaires parisien et aquitain.

Enfin, la Corse est peu sismique malgré le séisme de 1978 de l'Est de l'île qui avait une magnitude de 4.4.

    2.2 - les Petites Antilles : départements de Guadeloupe et de Martinique

Les archipels de la Guadeloupe et de la Martinique ont été sévèrement meurtris par les tremblements de terre au cours des trois derniers siècles, notamment en 1839 (plus de 300 morts en Martinique) et en 1843 (plus de 3 000 morts en Guadeloupe). Les dégâts lors de ces séismes majeurs (de même que lors des séismes locaux de 1851 et 1897 en Guadeloupe) ont été considérables, la majeure partie des capitales, Pointe-à-Pitre et Fort-de-France, ayant été rasées. Selon une simulation réalisée en 1972, on pourrait dans les conditions du séisme du 8 février 1843 connaître un bilan catastrophique de plus de 100 000 morts sur l'ensemble des Antilles et de 3 300 millions de francs de pertes. 523 séismes ont été ressentis en 1994 dans l'arc caribéen.

Le risque sismique est élevé en Guadeloupe et Martinique et ce, pour plusieurs raisons qui sont propres à ces départements, où la situation est bien différente du contexte métropolitain.

La première raison est que l'aléa sismique y résulte d'un contexte géodynamique actif, s'exprimant également par du volcanisme, le long d'une zone de contact matérialisée par l'arc des Petites Antilles, et des déformations tectoniques associées en domaine intra-plaque, au voisinage de cette zone de contact.

La seconde est que les effets d'un gros tremblement de terre peuvent y être fortement accrus, à cause d'un contexte naturel particulièrement propice aux mouvements de terrain, à la liquéfaction des sols et à l'amplification des

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vibrations. Par ailleurs, au moins en Guadeloupe, certains systèmes de failles actives majeures peuvent être associés à des sources sismiques de taille suffisante pour que la rupture se propage jusqu'en surface du sol.

La troisième est que la vulnérabilité des constructions y est généralement très grande, dans un contexte d'urbanisme et d'aménagement souvent défavorable, en liaison avec :

- une forte densité de population en certains secteurs,

- l'occupation de zones dangereuses comme les versants raides et instables ou les zones liquéfiables par exemple,

- certaines pratiques en matière de construction, surtout pour l'habitat individuel, contraires aux principes élémentaires de protection parasismique, notamment une mauvaise conception d'ensemble anticyclonique et parasismique, le tout très souvent associé à l'absence de permis de construire et du moindre contrôle à quelque stade que ce soit.

Enfin, la dernière tient au risque lui-même, c'est-à-dire aux conséquences économiques et sociales d'un séisme qui peuvent être particulièrement graves en raison de la répartition de la population et des biens exposés :

- concentration excessive d'habitations précaires dans les grosses agglomérations,

- fragilité du capital économique lié aux infrastructures touristiques, à quelques industries et à un réseau de voies de communication souvent très exposé et, par suite, fragilité de l'équilibre social qu'il préserve,

- présence d'installations à risque spécial pouvant constituer une menace importante pour l'environnement (industries stockant des produits dangereux, barrages, etc.).

Au cours des dix dernières années, la prise de conscience de l'importance de ce risque est allée croissante et s'est traduite par le lancement de différents types d'actions financées à l'échelon central (Ministère de l'Environnement notamment) comme local (Conseils régionaux, Conseils généraux). Elles concernent :

- le renforcement de la surveillance sismologique,

- l'amélioration de la connaissance de l'aléa sismique régional et local (avec notamment les microzonages de Pointe-à-Pitre et Fort-de-France),

- la cartographie systématique, à l'échelle communale de l'aléa sismique sur toute la Guadeloupe et une grande partie de la Martinique, à travers la réalisation d'atlas communaux des risques, répondant aux objectifs de la loi de juillet 87 sur l'information des citoyens et affichant également les aléas mouvements de terrain, inondations et co-cycloniques (houles et marées de tempête),

- des études pilotes d'évaluation de la vulnérabilité aux séismes et d'élaboration de scénarios de risque (devant être prolongées par les programmes GEMITIS/Antilles, s'inscrivant dans le cadre de la Décennie internationale pour la prévention des catastrophes naturelles : DIPCN),

- des actions de sensibilisation et d'information des populations, de formation des professionnels de la construction et des cadres administratifs concernés, d'éducation en milieu scolaire et universitaire,

- la préparation et/ou la révision de plans de secours et d'urgence.

    2.3 - Autres départements et territoires d'outre-mer

D'une façon générale, à la différence de la Guadeloupe et de la Martinique, les autres départements et territoires d'outre-mer n'ont pas fait l'objet d'études et d'actions particulières récentes, dans le domaine de l'évaluation et de la prévention du risque sismique. Il est vrai qu'à l'exception de Mayotte et de Wallis et Futuna, la sismicité y est très faible et ne justifie pas, selon les principes de protection retenus par la Puissance Publique, l'obligation d'appliquer des règles parasismiques de construction aux ouvrages à risque normal.

Ce point de vue introduit dans les règles parasismiques de construction PS 69 (version 1970) a été reconduit dans les PS 69/82 (édition 1984).

Le nouveau zonage sismique de la France pour l'application des règles parasismiques de construction destinées aux ouvrages à risque normal, établi par le BRGM et publié en 1986 par la Délégation aux Risques Majeurs, ne concerne que la métropole. Cependant, lors de la préparation des décrets d'application de la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 devant entériner ce zonage, le BRGM, en s'appuyant sur des études réalisées pour des projets particuliers, avait attiré l'attention de la DRM, dès 1988, sur l'aléa sismique significatif à Mayotte et Wallis et Futuna, en suggérant un classement respectivement en zone Ib pour Mayotte et Futuna et Ia pour Wallis.

Pour des raisons statutaires, le décret n° 91-461 du 14 mai 1991, ne concerne, hors métropole, que les D.O.M. et St-Pierre-et-Miquelon.

Futuna a été frappée le 13 mars 1993 par un séisme destructeur de magnitude 6.3, localisé à une vingtaine de kilomètres à l'Ouest de l'île, ayant fait 3 morts et une douzaine de blessés. A la demande de l'assemblée territoriale, une mission d'évaluation du coût de la reconstruction a été effectuée sous l'égide du Conseil Général des Ponts et Chaussées. Un séisme plus modeste, de magnitude de l'ordre de 5.0, est venu, en causant quelques dégâts à Mayotte le 1er décembre 1993, rappeler que ce risque méritait probablement quelque attention.

En Guyane, la présence d'installations à risque spécial notamment avec la base du Centre national d'études spatiales (CNES) de Kourou et le grand barrage de Petit-Saut, justifie l'approfondissement de l'évaluation de l'aléa sismique, qui reste sommaire pour l'instant mais peu inquiétant.

La situation est un peu similaire à la Réunion. La sismicité très modérée (quelques secousses historiques connues, toutes d'intensité inférieure à VII) ne justifie pas de mesures généralisées aux ouvrages à risque normal mais la présence d'installations industrielles à risque spécial devrait conduire à affiner l'évaluation de l'aléa. De plus, dans un contexte géologique et géomorphologique très propice aux mouvements de terrain, parfois de très grande ampleur, il ne faut pas oublier le rôle déclencheur que peut avoir une secousse sismique, même faible.

Le point commun à tous ces départements et territoires d'outre-mer est la vulnérabilité, généralement très grande, du bâti existant, surtout de l'habitat individuel.

Comme les moeurs évolueront très lentement en ce domaine, et que la prévention ne sera pas immédiatement prise en compte, il faudrait envisager de déplacer les populations en cas d'alerte. C'est tout le problème de la prévision et plus encore de la prédiction.

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